EDITORIAL
Burkina Faso
Un petit pays aux grandes ambitions Editorial
Par Daouda Emile Ouedraogo Le 03 août 1984, sous l’impulsion du Président Thomas Sankara, la Haute-Volta changeait de dénomination pour devenir le ‘Burkina Faso’. Deux expressions tirées de deux langues nationales, le Mooré et le Dioula (le Bambara). De cette appellation sortira une définition dont le sens et la portée déterminent tout ce que ce petit pays, situé au cœur de l’Afrique, apporte au continent: «le Pays des Hommes intègres». Ce petit pays, grâce au dynamisme de ses fils et filles, a inscrit ses 374 200 km2 sur la carte du monde. Aujourd’hui, le Burkina Faso, depuis la IVème République, est devenu un pays incontournable en Afrique. Grâce au leadership de ses dirigeants et, au vaillant peuple qui le compose et, malgré les soubresauts qu’il a traversés dans le temps et l’espace, ce pays est resté debout. Il est resté debout non pas parce qu’il n’a pas été ébranlé dans ses fondements mais, parce qu’il y a eu des hommes et des femmes qui ont accepté le sacrifice pour que ce pays existe. Parmi ces hommes, on peut citer entre autres, le Mogho Naba Wobgo, Daniel Ouezzin Coulibaly, Maurice Yaméogo, le premier président de la République. Cette année, le Burkina Faso, comme bien d’autres états ayant été colonisés par la France, célèbre ses 50 ans d’indépendance. L’histoire de ce petit pays aux grandes ambitions» ressemble à un conte de fée. Morcelé et distribué à plusieurs états en 1932, du fait qu’il constituait un important vivier de main d’œuvre, la HauteVolta (actuel Burkina Faso) fut réunifiée en 1947. De cette date part la lutte pour l’émancipation. En 1990, ce pays a amorcé un nouveau tournant. Il s’est inscrit dans un processus démocratique avec l’adoption de la Constitution en 1991. Le multipartisme faisait son entrée. Depuis, le Burkina Faso s’est inscrit dans un élan de développement. De 1960 à nos jours, quatre républiques se sont succédé. La dernière, présidée par le
Président Blaise Compaoré, a fait preuve d’une stabilité jamais égalée dans l’histoire du pays: vingt-trois ans. C’est sous cette impulsion que ‘le pays des Hommes intègres’ s’est inscrit dans de nombreuses réformes politiques et économiques. Ces réformes, même si elles sont perfectibles, ont permis au Burkina Faso d’être un pays respecté à travers le monde. Le Burkina Faso, pays enclavé sans débouché sur la mer, sans des ressources pétrolifères, avance et écrit son odyssée dans le concert des nations avec une économie essentiellement basée sur l’agriculture (plus de 80% de la population), le pays exporte du coton et divers produits de l’élevage. Grâce au développement du secteur minier, ces dernières années, l’or est devenu le premier produit d’exportation du pays. De nombreuses sociétés minières ont ouvert leurs portes et exploitent des gisements miniers de plusieurs tonnes d’or. L’économie étant liée au politique, cette année, le 21 novembre 2010 aura lieu l’élection présidentielle. Plusieurs candidats se sont déjà déclarés partant, dont le Président sortant, Blaise Compaoré. Ce sera sans doute l’un des temps forts de la vie de ce petit pays qui ambitionne d’être un Etat émergent à l’horizon 2025. Les ressources humaines existent pour y parvenir. Reste à ce que le courage politique entame les réformes nécessaires sur les plans de la bonne gouvernance économique, du social, du culturel et du sportif. Le Burkina Faso, niché au cœur de l’Afrique de l’Ouest a les moyens d’y parvenir. La preuve: le pays est en chantier sur le plan des infrastructures. Entre autres grands projets: la ZACA (Zone d’Activités Commerciales et Administratives), le nouvel aéroport international de Ouagadougou, les échangeurs et le barrage hydro agricole de Samandéni.
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SOMMAIRE 6
DOSSIER BURKINA FASO ZACA
Au cœur de Ouagadougou, un projet pharaonique Par Daouda Emile Ouédraogo
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Ouagadougou Sur les traces d’un nouvel aéroport Par Alexandre Korbéogo
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Des échangeurs pour fluidifier la circulation Par Alexandre Korbéogo
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Le barrage de Samandéni Par Alexandre Korbéogo
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OPINION 50 ans
de l’indépendance du Burkina Faso Par Basile L. Guissou
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FRIENDLY FOOT
La journée mondiale du réfugié Célébrités belges et demandeurs d’asile Par Friendly Foot et CGRA
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ACTUALITE
Crans Montana Forum Bruxelles juin 2010 Par Kenza Garba
Directeur de publication: Cyrille Momote Kabange
Mensuel d’informations
Un regard positif sur l’Afrique
Rédacteur en chef: Daouda Emile Ouedraogo Editorialiste:
MISSION STATEMENT
Cyrille Momote Kabange
La direction du magazine Le Nouvel Afrique porte l’Afrique dans son cœur et est
Comité rédactionnel:
désireuse de rassembler dans ce mensuel d’informations des nouvelles positives
Daouda Emile Ouedraogo, Alexandre Korbéogo, Basile L. Guissou, Kenza Garba,
sur l’Afrique. Le Nouvel Afrique se veut une porte d’entrée vers l’Afrique en offrant
Mijean Rochus, Friendly Foot, CGRA, Jamal Garando, Anna Opitz, Charlotte
une information responsable et objective sur ce continent. Les sujets (politiques,
Morantin, Claus Wischmann, Martin Baer
sociaux, économiques, sportifs et culturels) abordent des thèmes sensibles, tout
Photographie:
en conservant néanmoins, une perspective positive. Le sous-titre du Nouvel
Philippe Streicher, Ronald Devaux, C. Hugues, Marco Schmidt, Hugo van Tilborg,
Afrique est ‘Un regard positif sur l’Afrique’.
Jerboa Productions, Axel Bührmann, Christian David, Moustapha Sawadogo et Innocent Kabore, Mattias Lund, Joi Ito Couverture: enfant de Ouagadougou, Philippe Streicher. Layout: graphicalway@gmail.com
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MAGHREB
Jerboa Productions Une maison de production sans limites Propos recueillis par Kenza Garba
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La Caravane de la paix / Tanger Med Une manifestation en faveur des réfugiés Propos recueillis par Jamal Garando
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SOCIETE
L’orchestre symphonique d’Afrique centrale Kinshasa Par Claus Wischmann et Martin Baer
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SPORT
Coupe du monde 2010 Pari réussi pour l’Afrique du Sud Par Alexandre Korbéogo
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Mohamed El Marcouchi Graine de champion à Molenbeek-Saint-Jean Par Jamal Garando et Anna Opitz
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CULTURE / DANSE
«Je danse donc je suis» Une formation artistique pour des jeunes en difficultés Propos recueillis par Kenza Garba et Charlotte Morantin
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CULTURE / MUSIQUE Un été africain
Propos recueillis par Kenza Garba
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CULTURE / LIVRES Burkina Faso
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DOSSIER BURKINA FASO
ZACA
Au cœur de Ouagadougou, un projet pharaonique Par Daouda Emile Ouédraogo
Le projet de la Zone d’Activités commerciales et administratives (ZACA) est l’un des plus grands projets immobiliers du Burkina Faso. D’un coût de plus de 250 milliards de F CFA(1) ce projet fera gagner à l’Etat burkinabé plus de 345 milliards de F CFA(2) dans les cinq ans après sa mise en œuvre.
S’il est un projet qui aura fait couler beaucoup d’encre et de salive au Burkina Faso, c’est bel et bien le projet de la Zone d’activités commerciales et administratives (ZACA) de Ouagadougou. Débutée depuis les années 1985, ce n’est qu’en 2010 que le Premier ministre Tertius Zongo a posé la première pierre de ce qui est le plus grand projet immobilier du Pays des Hommes intègres. En quoi consiste exactement le projet ZACA? Le Directeur général, Issiaka Drabo, a la réponse. Selon lui, «le projet ZACA consiste à réhabiliter le tissu urbain, à savoir le centre commercial de Ouagadougou. Les vieux quartiers de Ouagadougou ont été délocalisés pour en faire un centre commercial digne d’une capitale culturelle comme Ouagadougou.» Ce projet est entré dans sa phase pratique en 2000 avec la délocalisation des habitations de la zone et le dédommagement desdites populations. De cette date à
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aujourd’hui, il a fallu dix ans aux autorités en charge de ce projet pour procéder au dédommagement des populations, pour mobiliser les fonds, inciter les investisseurs privés à s’intéresser au projet et procéder à la vente des parcelles.
La phase pratique Le projet est entré définitivement dans sa phase pratique. 274 parcelles ont été dégagées. Ces parcelles mesurent entre 500 et 6000 m2 pour un coût de cent mille F CFA(3) le m2. Selon Issiaka Drabo, «les petites parcelles coûtent cinquante millions de F CFA(4). Les parcelles commerciales et celles réservées à la réalisation des équipements sont globalement estimées à quarante-cinq milliards F CFA(5). Or, selon lui, les équipements ont
un coût. «Nous voulons édifier un hôtel cinq étoiles, un centre culturel digne de Ouagadougou, des parkings souterrains, des parkings à étages dont le coût est estimé à soixante dix sept milliards F CFA(6). Selon le Directeur général du projet, les parcelles réservées sont à près de 80%. Les sommes versées sont entre 5% et 100%. Pour faciliter le paiement de ces sommes qui ne sont pas à la portée du citoyen moyen, les autorités du projet ont élaboré des procédures de paiement favorables aux investisseurs. «Au départ, nous avons demandé à ceux qui sont intéressés de verser 30% pour réserver les parcelles. Il y en a qui ont versé la proportion indiquée, d’autres plus. Il y en a, d’autres encore qui, intéressés, ne disposaient pas des montants exigés. Nous leur avons permis de verser ce qu’ils avaient pour compléter par après.»
Un boom immobilier à l’allure continentale Le projet ZACA est bâti sur une superficie de 85 hectares. Un cahier de charges, en bonne et due forme, a été élaboré. Selon ce cahier de charges, les constructions ne se feront pas n’importe comment. «Mais l’acquéreur est informé qu’en achetant une parcelle à une place donnée, il doit être à même de réaliser un bâtiment de deux, trois à quatre étages. Il faut être à même d’aménager une galerie marchande. Il doit utiliser telle texture, telle couleur, telle hauteur en vue de parvenir à une harmonie d’ensemble. Sans ces conditions, on pourra trouver un bâtiment bleu à côté d’un autre de couleur rouge ou jaune. Ou encore, un bâtiment de trois mètres de haut a proximité d’un autre de cinq mètres, ce sera de la ‘cacophonie’» a précisé Issiaka Drabo. Pour en arriver là, l’Etat burkinabé a déboursé des milliards pour construire les infrastructures de base (e.a. bitumages des routes, pavage, canalisations). L’investissement s’élève à environ dix-huit milliards de F CFA(7). Pendant ce temps, les parcelles sont estimées à
trente milliards de F CFA(8). «Autrement dit, si toutes les parcelles commerciales étaient achetées de nos jours, le projet encaisserait trente milliards de F CFA(9). Ce qui n’est pas le cas pour le moment, mais le projet dans sa conception, est équilibré. En plus des parcelles commerciales, il y a des parcelles réservées aux les équipements communautaires comme des centres culturels, des parkings, des galeries qui ont aussi un coût.»
Le projet ZACA, longtemps murmuré et susurré est enfin une réalité. A la fin de sa réalisation, la capitale du Pays des Hommes intègres changera de physionomie et deviendra un pôle de business et d’affaires au cœur de l’Afrique.
La rentabilité du projet Malgré cet état de fait, les leaders du projet sont confiants: «L’estimation globale, du coût du projet s’élève à quarante-cinq milliards de F CFA, provenant de la vente des parcelles. Il n’y a donc pas de crainte quant à la rentabilité du projet». Selon les prévisions des techniciens du projet, la rentabilité du projet ne fait aucun doute: «De façon générale, le projet permettra à l’Etat d’engranger des recettes fiscales de plus de 345 milliards de FCFA d’ici à l’horizon 2014.»
F CFA converti en € (1) plus de 380 millions € (2) plus de 526 millions € (3) environ 155 mille € (4) environ 77 mille € (5) environ 69 millions € (6) environ 118 millions € (7) près de 28 millions € (8) près de 46 millions € (9) environ 46 millions €
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DOSSIER BURKINA FASO
Ouagadougou Sur les traces d’un nouvel aéroport Par Alexandre Korbéogo
Le nouvel aéroport de Ouagadougou, dont les travaux ont débuté officiellement en 2008, mais la phase construction réelle qui interviendra en 2012, pourra recevoir des airbus A 380 et plus de 30 millions de passagers par an.
A 35 km au nord de Ouagadougou, un terrain d’une superficie de 63 km2 est déjà prêt à accueillir le nouvel aéroport international, dont le coût est estimé à 236,6 milliards F CFA. Ce nouvel aéroport, qui sera érigé dans une bourgade au nord de la capitale politique, sera exécuté en trois phases. Le financement en sera assuré par l’Etat burkinabé et le secteur privé. Récemment, lors de la visite du Président du Faso, Blaise Compaoré, au Qatar, l’Emir de cet Etat a montré son intérêt pour la participation de son pays à la construction de cet aéroport à dimension internationale. Selon le chef du projet, Sibiri Zango, la première phase, qui coûtera 173 millions d’euros, permettra d’accueillir les aéronefs de type Boeing 747. Le plan de développement prévoit deux pistes pour l’atterrissage et le décollage, une liaison avec le réseau
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ferroviaire, huit terminaux passagers avec un terminal distinct pour les pèlerins et les compagnies ‘low cost’. La deuxième phase verra l’extension des capacités aéroportuaires. Elle se chiffre à 55 millions d’euros. Cette phase permettra d’étendre le terminal passagers et celui du fret, de renforcer la sécurité aéroportuaire grâce à un équipement radar, ainsi que des équipements de contrôle et de surveillance.
La création d’emplois
d’atterrissage. Six mille emplois seront espérés dès l’entame du projet et quinze mille dans les 25 ans à venir. Le partenariat secteur public/ secteur privé se fera par la mise en place d’une société d’économie mixte qui sera chargée de la promotion du nouvel aéroport d’une part, et d’autre part de gérer les activités commerciales de l’actuel aéroport situé en plein centre ville de Ouagadougou. Selon le schéma tactique mis en place par les autorités Burkinabé, l’ancien aéroport, actuellement en cours de rénovation, fera peau neuve pour continuer à accueillir des
La troisième phase sera consacrée à la création d’une zone franche, la construction de bretelles de voies ferrées, de complexes hôteliers et commerciaux ainsi qu’au démarrage des études de faisabilité d’une deuxième piste
passagers. Les travaux vont consister, selon le ministre Gilbert Ouédraogo, à l’agrandir afin de l’adapter au trafic, qui est croissant. Pour ce faire, les halls d’enregistrement et d’arrivée seront agrandis; des salons d’arrivée et de départ seront construits.
Le Nouvel aéroport de Ouagadougou remplacera l’ancien pour une fluidité du trafic
Loin des bruits La réalisation de certaines commodités viendra compléter la nouvelle configuration de l’aéroport de Ouagadougou. Le coût des travaux de cet aménagement est de 2,5 milliards de F CFA, environ 3,8 millions d’euros. A ce jour, ce projet est bien avancé et d’ici là, malgré des retards dans son achèvement, les passagers à destination de Ouagadougou ne connaîtront plus les désagréments causés par le réaménagement de cet aéroport. Il est vrai que, de même que Ouagadougou fait peau neuve, l’aéroport de la capitale doit refléter les réalités du pays des Hommes intègres. Ces réalités se conjuguent avec le fait et l’ambition de devenir un pays émergent à l’horizon 2025. Dans cette optique, le nouvel aéroport qui sera construit à Donsin, à 35 kms au nord de la capitale, permettra de désengorger la ville. Mieux, le centre ville de la capitale qui sera occupé par le projet ZACA(1), pourra faire ses affaires loin des bruits assourdissants des avions qui
décollent ou qui atterrissent. Mieux, le nouvel aéroport de Ouagadougou donnera à la ville son véritable nom de capitale de la culture africaine. Il est clair que l’on ne peut pas faire des omelettes sans casser des œufs. Le projet occasionnera le départ involontaire de 4 300 personnes réparties dans 750 ménages, des pertes de biens individuels et collectifs (bâtiments à usage d’habitation, forages, écoles, mosquées, et églises), des sources de revenus et de moyens de subsistance, de 3600 arbres fruitiers ou à usages multiples, de 3000 ha de terres agricoles, d’une quarantaine de sites sacrés, de 700 sépultures dont 500 à déplacer.
Monsieur Hyppolite Lingani. Selon le chef du projet, durant la période de concession (30 ans), l’Etat escompte près de 36,5 millions d’euros de droits de concession, 7,6 millions d’euros de taxe sur le développement du tourisme et près de 40 millions d’euros au titre de la taxe sur la sécurité. «L’impôt sur les bénéfices avec un régime fiscal favorable» devrait se chiffrer à 40 millions d’euros. A l’heure actuelle, selon le ministre des Transports du Burkina, Gilbert Noël Ouédraogo, il ne reste «pour le début des travaux qu’à régler le plan de financement et le schéma de construction».
Une maîtrise d’ouvrage Pour tirer le meilleur bénéfice dans la réalisation du projet, une maîtrise d’ouvrage a été créée par décret pris en Conseil des ministres. A la tête de cette maîtrise d’ouvrage, l’on retrouve un ancien ministre en la personne de
(1) ZACA: Le projet de la Zone d’Activités commerciales et administratives
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DOSSIER BURKINA FASO
Des échangeurs pour fluidifier la circulation Par Alexandre Korbéogo
Depuis ‘les indépendances’, le pays des Hommes intègres s’était contenté de routes simples dont la largeur ne dépassait pas sept mètres. Avec l’évolution, il a fallu remédier à cette situation en entamant un vaste projet de construction de six échangeurs dont trois sont déjà réalisés.
Ouagadougou est en chantier. Elle prend petit à petit l’allure d’une cité moderne avec les commodités nécessaires. Dans le cadre de sa politique routière, le Gouvernement a élaboré un programme de construction d’échangeurs. Au total six échangeurs seront construits à différents endroits de la capitale pour rendre fluide la circulation.
Trois échangeurs Déjà trois échangeurs ont été réalisés. Le premier échangeur situé au sud de la capitale, dont le commun des mortels l’appelle «échangeur de Ouaga 2000», plus précisément sur l’Avenue Mouamar El Khadafi (voie d’accès à la présidence du Faso) et qui se greffe au boulevard circulaire a couté la rondelette somme de six milliards de F CFA. Le deuxième, et non
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des moindres, est situé à l’est de la capitale. Ces travaux sont en cours d’achèvement et ils permettront de faciliter la circulation aux gros porteurs et à ceux qui veulent rejoindre le nouvel aéroport. Cet échangeur, à trois niveaux, permet aussi d’évacuer le trafic et d’assurer un croisement sans feux de signalisation. Cette infrastructure est une aubaine pour le transport routier. Dans son prolongement, le gouvernement a décidé de construire une route à deux voies séparées par un terre plein. Cette route réduira le calvaire des véhicules de transport de marchandises qui viennent du Togo ou des pays situés à l’Est du Burkina Faso, tout comme ceux venant du Nord.
Faciliter l’autoroute Ouagadougou/Bobo-Dioulasso Le troisième échangeur est situé sur la sortie ouest de la capitale politique, Ouagadougou. Cet échangeur, composé, de deux passages supérieurs et de ronds-points, est en prélude à l’autoroute qui reliera Ouagadougou à BoboDioulasso, la capitale économique. Cela permettra de développer le trafic entre ces deux villes. Du coup, il permettra de rendre plus rapide le transport des marchandises venant du port d’Abidjan. Dans cette logique, un port sec a été construit dans la ville de Bobo-Dioulasso. Les trois autres échangeurs seront de divers types. L’un sera construit au niveau du rondpoint de la Patte d’oie. Celui-ci sera connecté à la piste de l’actuel aéroport de Ouagadougou dont la piste sera aménagée en un boulevard. Pour sa réalisation, il faudra attendre le démé-
Les ‘bouchons’ de Ouagadougou © C. Hugues
Ouagadougou, au rond-point des nations unies. Il sera à trois niveaux. De par sa position, il permettra de «distribuer» les voies aux différents usagers. Car, déjà ce rond-point est un croisement de plusieurs voies qui relie les différentes parties du Burkina Faso. A partir de ce rond point, tout usager de la route peut relier un point quelconque de la capitale sans grand détour.
Des partenaires pour accompagner l’Etat
nagement de l’actuel aéroport. Ce déménagement n’interviendra qu’à la fin de la construction du nouvel aéroport de Donsin dont la date n’est pas encore exactement connue. Cependant, le projet est lancé et est en cours.
Le nord de Burkina Faso Pour faciliter la desserte du nouvel aéroport, l’Etat prévoit de construire un échangeur au croisement des routes de Ouahigouya et de Kongoussi avec le boulevard circulaire et du barrage n°1. Ouahigouya et Kongoussi sont deux villes situées au nord du Burkina Faso. Le plus grand des échangeurs, si l’on peut dire, est celui qui sera construit au beau milieu de
Dans la mise en œuvre de ces infrastructures qui coûteront des millions d’euros, il est clair que le budget de l’Etat burkinabé ne pourra à lui seul faire face à ces dépenses. Les principaux pays ou institutions financières qui ont mis leurs contributions sont le Japon, la Banque islamique de développement (BID), la Banque ouest africaine de développement (BOAD) pour ne citer que ceux là. Ainsi, à travers ces infrastructures routières dont la réalisation contribuera à résorber les embouteillages sur les routes de la capitale, Ouagadougou deviendra une cité routière. Ne dit-on pas que la route du développement passe par le développement de la route?
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DOSSIER BURKINA FASO
Le barrage de Samandéni Par Alexandre Korbéogo
Le troisième barrage hydro-électrique et agricole pousse de terre à quelques encablures de l’ouest du Burkina Faso, à 40 km de Bobo-Dioulasso, la capitale économique du Burkina Faso. De nombreux partenaires se sont engagés à financer ce projet,
Le rêve se fait réalité petit à petit dans la bourgade de Samandéni. Longtemps désiré, longtemps cherché, le barrage hydro-électrique et agricole de Samandéni est entré dans sa phase pratique. Ce programme intitulé «Programme de développement de la vallée de Samandéni» (PDIS) permettra de construire un barrage d’une capacité de stockage de plus d’un milliard de m3 d’eau, avec une longueur de 2900 mètres et une hauteur de 23,9 mètres. Il sera le troisième plus grand barrage du Burkina, après ceux de la Kompienga et de Bagré, et couvrira une surface inondée de 150 km2, pour une profondeur de 15 m. Il alimentera une centrale d’une capacité de 16 gigawatt-heure (GWH) et servira à l’irrigation pour la culture de contre-saison, sur une superficie de 21 mille hectares.
Favorable à l’élevage Situé au confluent de deux affluents du Mouhoun, le plus grand fleuve du Burkina, les infrastructures annexes permettront une disponibilité annuelle de plus de 300 mille tonnes de produits agricoles et 1000 tonnes de produits de pêche. Après la mise en eau du barrage, l’écosystème environnant sera favorable à l’élevage dont le bénéfice chiffré s’élève à 2 mille tonnes de viande et 2 millions de litres de lait. Le site abritera aussi une zone agro-industrielle dotée d’une centaine d’unités modestes de transformation et de conservation. Pour motiver les entrepreneurs à s’installer sur le site, le gouvernement a prévu que la zone sera hors douane et bénéficiera d’un coût étudié de l’électricité. Enfin, la vallée de Samandéni servira à des activités touristiques et au sport nautique. Le gouvernement nourrit de nombreuses ambitions pour ce barrage qui pourvoira 100 mille emplois.
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Une véritable mine d’or bleue Après les lacs artificiels de Kompienga et de Bagré (les deux retenues hydro-électriques), le Burkina Faso avait besoin d’un autre barrage qui réponde aux attentes et aux besoins des populations, surtout sur les plans de l’agriculture et de l’énergie. En 1972, une grande sécheresse a frappé le pays ainsi que tous les pays de la bande du Sahel. La nécessité de faire des retenues d’eau d’envergure régionale s’imposait. En outre, sur le plan de l’agriculture, la sécurité alimentaire était un vain mot.
L’électricité, le casse-tête ‘burkinabé’ Du côté de l’électricité, c’était un casse-tête «burkinabé». Cette situation est réelle aujourd’hui avec les coupures intempestives d’électricité dans la capitale Ouagadougou. Il fallait donc ressortir le projet de la vallée de Samandéni, le dépoussiérer et l’adapter au contexte actuel de développement du monde. Mais pour y parvenir, il fallait d’abord convaincre les investisseurs de la pertinence de ce projet. Ensuite, les inciter à mettre la main dans la poche. Enfin, créer les conditions pour une entame efficace du projet. C’est dans cette optique que des bailleurs de fonds, et non des moindres, ont accepté d’accompagner le pays dans ce projet. En 2007, une dizaine de conventions de prêts relatifs à ce barrage, ont été ratifiées par l’Assemblée nationale. Les prêts seront remboursés dans une échéance de 20 à 30 ans. De nombreux partenaires se sont engagés à financer ce projet, notamment la Banque Ouest Africaine de développement (BOAD), la Banque d’investissement pour le développement au sein
des pays de la CEDEAO (BIDC), la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA), la Banque islamique de développement (BID), le Fonds Abu Dhabi pour le développement, le fonds de l’OPEP, le Fonds koweitien pour le développement économiquement arabe (FKDEA) et le fonds Saoudien pour le développement.
Des victimes collatérales dédommagées Il est clair qu’un tel lac artificiel ne peut se construire sans un déplacement de populations. Des désagréments qui se caractérisent par l’engloutissement et la destruction par les eaux du barrage de biens individuels et communautaires, le déplacement d’environ 30000 personnes représentant plus de 3000 ménages et enfin le déboisement intégral d’une zone de 150 km2. Ainsi, en septembre 2009, le gouvernement a procédé à l’indemnisation des victimes. Cette indemnisation rentre dans le cadre d’un ensemble de mesures dont le coût global est estimé à 9 milliards 400 millions de F CFA, environ 15 millions d’euros. Au nombre de ces mesures, l’indemnisation en espèces des propriétaires des vergers qui seront engloutis. Des opérations de recensement conduites en 2007 et validées par des missions de vérification réalisées en 2008 avaient permis, selon le coordonnateur du PDIS, Tamoussi Bonzi, d’arrêter un montant global des indemnisations pour les vergers de l’ordre de 2 milliards 435 millions de F CFA, 372 millions d’euros.
Indemnisation de la population Au total, une dizaine de chèques d’un montant global de 617 643 578 F CFA (plus d’un million d’euros) ont été remis aux représentants des différentes institutions financières de la place pour le compte de 1446 bénéficiaires. Il s’agit là de la première tranche représentant 40% de la somme totale due aux déplacés. Les deux tranches restantes d’un taux de 30% chacune sont prévues en 2010 et 2011. Déjà en mars 2009, une opération pilote conduite par le PDIS avait permis d’indemniser une vingtaine de personnes pour un montant total de 83 millions de francs CFA, 127000 euros.
Quarante deux mois pour finir les travaux Les travaux de construction du barrage de Samandéni dureront 42 mois. L’entreprise Fadoul est chargée de mener à bon port ce projet qui permettra de donner un nouveau souffle économique à toute la région du grand Ouest et partant, du Burkina Faso. Le coût de la construction du barrage en luimême est estimé à près de 42 milliards de Francs CFA (65 millions d’euros). La centrale hydro-électrique a un coût de 4,124 milliards de F CFA, près de 7 millions d’euros. Le coût du Programme intégré de développement de la vallée de Samandéni (PDIS) est de plus de 305 millions d’euros, soit l’équivalent de 200 milliards de F CFA. Au vu des moyens colossaux mobilisés, l’on peut affirmer que le barrage de Samandéni est un espoir pour le Burkina Faso.
Lac du barrage de Kompienga © Marco Schmidt
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OPINION Enfant de Ouagadougou © Philippe Streicher
La nation revient de loin
50 ans de l’indépendance du Burkina Faso Par Basile L. Guissou
A l’occasion des 50 ans d’indépendance du Burkina Faso, nous avons reçu la contribution du Professeur Basile Guissou, politologue et Délégué général du Centre national de recherche scientifique et technologique. Il fait une lecture croisée de l’histoire du Pays des Hommes intègres et montre, s’il est besoin, que ce pays revient de loin.
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Pourquoi la France fête? Lorsque Félix Houphouët Boigny, Président du Rassemblement Démocratique Africain (RDA) et la direction du parti décident de rompre l’alliance avec le Parti Communiste français en 1950, seuls les étudiants africains en France ont parfaitement compris la manœuvre. Ils démissionnent tous du RDA pour créer à Bordeaux, le 31 décembre 1950, la Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France (FEANF). Au cours de tous les congrès suivants, les militants de la FEANF répéteront, par anticipation que «l’indépendance réelle ne sera pas acquise par une addition de réformes négociées avec le colonisateur français, mais par la lutte organisée et politiquement orientée des larges masses populaires». La vision stratégique était juste. Mais à cinq mille kilomètres du terrain concret, la petite poignée d’étudiants en France, pouvaient-ils influer sur la marche de l’histoire de la décolonisation commandée depuis Paris? Reconnaissons que c’était une tâche plus que difficile. C’est le RDA qui occupe concrètement le terrain, mobilise les masses et négocie à Paris avec les autorités françaises jusqu’en 1960. Aujourd’hui, avec 50 ans de recul, peut-on comprendre mieux, pourquoi la France veut, elle aussi, fêter ce cinquantenaire?
Demi-victoire ou demi-défaite? Vue de Paris, la France peut se réjouir en comparaison avec le Vietnam ou avec l’Algérie, d’avoir réussi à sauver les meubles en AOF/AEF. L’Afrique Occidentale Française et l’Afrique Equatoriale française sont restées dans le giron de l’influence politique de Paris. Les intérêts économiques et financiers sont restés en l’état jusqu’à nos jours. Le franc CFA et la langue française ceinturent la zone qui reste une ‘chasse gardée’ par des cadres diplômés africains, grassement payés à Dakar (BCEAO) et à Ouaga (UEMOA) pour exécuter les ordres de Paris sans broncher. L’exemplaire solidarité entre les «vainqueurs de la guerre» (1939-1945), à travers le FMI et la Banque Mondiale, protège les arrières de la France en Afrique. Les «mauvaises langues» disent qu’aujourd’hui, c’est autour de 8 000 milliards de
francs CFA de réserves de change qui dorment, se réveillent, vont et viennent au Trésor français pour «protéger» le franc CFA. Ceux qui ont lu Kwame N’Krumah savent que c’est avec le rapatriement de ce type de «trésor de guerre» que le docteur en sciences économiques et premier Président du Ghana a construit toutes les infrastructures de base de son pays après l’indépendance (1958). On peut à juste titre affirmer que la France, sur ce terrain, a gagné et continue de gagner jusqu’à présent. Si Paris estime que pour avoir réussi pendant 50 ans à maintenir ces acquis, il faut faire la fête, çà se comprend assez bien. Mais est-ce à dire que la France n’a rien perdu? Non, la France a perdu beaucoup de choses en AOF/AEF depuis 1960. La France a perdu ses colonies au sens classique. Chaque pays de l’ex-empire français d’Afrique régule ses relations avec Paris à travers des accords de coopération bilatérale. Certains ont signé des «accords secrets de défense» pour maintenir des bases militaires françaises chargées de les «défendre», contre qui? ... d’autres ont refusé. Sékou Touré de la Guinée-Conakry a rompu tous les liens pour traiter avec l’URSS et les USA.
de pensée et ces idéologies étaient systématiquement sélectionnés sous la colonisation. C’est Paris qui se chargeait de décider et d’agir pour soutenir, contenir ou éradiquer les «mauvaises idéologies politiques». Çà, incontestablement, c’est un pouvoir que Paris a perdu. Ce sont ses «chargés de mission» et ses «assistants techniques» locaux qui s’en chargent avec trop de zèle parfois. Ce qui les rend impopulaires aux yeux des populations. Les services secrets français, très actifs, s’infiltrent partout pour serrer les vis, monter des coups tordus, avec l’appui de «la radio mondiale» et sa propagande idéologique. Pierre Messmer et Jacques Foccart, ont tous les deux, publié leurs «hauts faits de déstabilisation des régimes politiques africains» dans leurs livres, qui sont de véritables mines d’informations.
Etat des lieux contrastés dans les colonies
Durant toute la période coloniale, seuls les africains qui avaient le statut de «citoyens des quatre communes» Dakar, Saint Louis, Rufisque et Gorée, au Sénégal, pouvaient aller étudier dans les mêmes écoles, lycées, universités et grandes écoles françaises. Les autres «sujets français» fréquentaient l’école coloniale pour être des «auxiliaires lettrés» de l’administration coloniale juste au dessus des «auxiliaires non-lettrés» qu’étaient les chefs traditionnels. Cette barrière a sauté depuis 1960. Une relative démocratisation de l’accès au savoir existe dans chaque pays africain. Malgré leur appel au Général De Gaulle, lancé à Dakar en 1958, les chefs ont été purement et simplement oubliés.
Il n’y a pas deux ex-colonies françaises en Afrique qui sont identiques, quelle que soit par ailleurs la volonté affichée de l’ex-«puissance coloniale» à les maintenir sous sa seule et unique tutelle, en les nivelant par l’Agence Française du Développement (AFD) entre autres. C’est le rapport de forces international qui rend cela impossible. Les marges de manœuvre sont multiples et diversifiées à l’extrême. Les jeux sont ouverts. Les pays africains peuvent s’unir dans des cadres autonomes et se défendre, comme sur le coton, contre les subventions européennes et américaines qui faussent les règles du jeu sur les marchés mondiaux. Ils peuvent se concerter au sein de la CEDEAO(1) ou de l’Union Africaine pour agir en commun sur tel ou tel dossier, notamment les accords avec l‘Union Européenne. Actuellement la perspective d’une monnaie unique pour la CEDEAO est prévue en 2020.
Les mêmes idées «subversives», «communistes» et «anti-françaises» que la FEANF diffusait depuis 1950 jusqu’en 1981 (date de sa dissolution par un décret de Valery Giscard d’Estaing) sont diffusées par des partis nationaux africains. Des syndicats et des partis politiques libres et indépendants (socialistes, communistes, libéraux et ultra-libéraux) sont nés et ont contribué largement à ouvrir les esprits de nombreux citoyens. Ces courants
Ceux qui prétendent que rien n’a changé depuis 1960 font la politique de l’autruche. Ceux qui disent qu’il n’y a eu aucune indépendance politique, ignorent qu’ils sont eux-mêmes des purs produits de cette indépendance, sans laquelle il n’ y aurait pas de formation universitaire pour les «sujets français». La liberté de critique dont ils usent et abusent est aussi un fruit du combat libérateur des «pères de l’indépendance politique de 1960»! Pour dire
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OPINION
Mosquee de Bobo-Dioulasso © Hugo van Tilborg
qu’on n’est pas indépendant, il faut d’abord que la liberté de le dire existe. Dorénavant, chaque pays évolue à l’interne, en s’appuyant sur la qualité intrinsèque de sa classe politique, de ses intellectuels et de son élite de façon générale. C’est cette qualité aussi qui se reflète à l’externe, sur le plan des relations internationales où chacun défend et se défend avec ses arguments. Il y a les «poids lourds», les «poids coqs» et les «poids légers». Il faut savoir et pouvoir se faire valoir. Mais l’évidence montre qu’à 53 pays réunis comme les 50 Etats des USA, l’Afrique changera forcément la géopolitique mondiale, aves ses 30 millions de km² et son milliard d’habitants. La vision à cette dimension n’est pas encore accessible à de trop nombreux «petits esprits» au sein des classes dirigeantes locales et localistes. La jouissance à «huis clos» des grosses rentes de pétrole, diamants et or préoccupent trop ces esprits limités par l’appât des gains immédiats, incapables de recul, de réflexion et d’analyse critique. Les mul-
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tiples conflits, guerres, émeutes meurtrières naissent de ce terreau et sont alimentés par «l’argent facile». Les militants des mouvements étudiants et des partis révolutionnaires des années 1946/50 jusqu’aux récentes années n’ont pas tous disparu. Ils n’ont pas tous «trahi» la cause des peuples comme la propagande officielle des «grands médias mondiaux» et des «presses locales indépendantes» le chantent tous les jours. Non, les idéologies ne sont pas mortes. La lutte des idées a existé et existera tant qu’il y aura des femmes et des hommes vivant en société. Ces sont les rapports de force qui ont changé. Les courants dominateurs travaillent à étouffer les courants dominés qui doivent savoir résister, mieux s’organiser pour continuer à lutter en vue de renverser le rapport des forces. C’est la dialectique qui l’explique. Le plus important est de rester dans le sens du courant principal de l’histoire. Ce n’est pas une «affaire» ou «un deal» de l’instant,
qu’on «gagne» ou qu’on «perd». L’histoire des luttes politiques et des idées s’évalue et s’écrit dans la longue durée. 50 ans, c’est très peu à l’échelle de la longue histoire d’un continent qui, il y a 4000 ans, a construit autour de la Vallée du Nil, le premier Etat moderne de l’humanité, la première écriture et la première religion monothéiste. L’Afrique, c’est aussi et surtout 400 ans de saignée négrière et un siècle de colonisation européenne qu’on continue, sans élégance, à vouloir nous faire admettre comme un banal «accident de l’histoire» et pas un crime contre l’humanité. Il existe des africains «très bien éduqués» pour épouser et défendre ces points de vue et ces idées révisionnistes et réactionnaires. Pour ceux qui ont vécu comme moi, pendant 7 ans à Paris, ils savent comment l’occupation nazie de la France et la libération (1939-1945) sont quotidiennement célébrées à la radio, la télévision, la presse écrite, les livres d’histoire, les films documentaires et le cinéma en général pour entretenir la «fibre patriotique», et le
«devoir de mémoire». Malgré la construction de l’Europe unie en cours, l’esprit patriotique demeure. En 50 ans, il est impossible de prétendre pouvoir surmonter tous ces handicaps qu’aucun «pays ami» occidental ne financera la compensation, encore moins le repentir comme celui dont les juifs usent et abusent en Israël. Le devenir est une question de responsabilité comme le dit le Prof Théophile Obenga. Ce n’est pas avec l’aide au développement qu’on reprendra l’initiative historique pour reconstruire une Afrique qui se bat en bloc et qui gagne en bloc. Ce n’est pas un combat solitaire d’un seul pays solitaire. L’expérience de la Révolution Démocratique et Populaire au Burkina Faso a été et reste une des meilleures écoles pour tous les africains qui veulent avancer. Les fronts de combats restent trop nombreux et trop diversifiés à commencer par le premier, «la décolonisation des mentalités». L’élite africaine en général manque «de confiance en soi» et ne pense qu’à «se faire aider en tout et pour tout», par les partenaires techniques et financiers occidentaux, présentés de nos jours mieux que l’Armée du Salut et la Croix Rouge! Nous sommes vaincus et résignés dans nos têtes. Il reste vraiment du chemin pour l’Afrique. Mais rien n’est jamais impossible pour des militants convaincus de la justesse de leur cause si elle est effectivement juste, sincère et progressiste.
Et mon Burkina? Pour avoir publié en 1995, aux éditions «L’Harmattan» à Paris, un livre intitulé «Burkina Faso: un espoir en Afrique», il est évident que pour moi, ma patrie a joué, en 50 ans, sa partition dans le concert des «marches en désordre» des 53 pays africains. Le Burkina Faso a écrit son histoire particulière avec ses «hauts» et ses «bas». Il est faux et archifaux de prétendre que mon pays n’a fait que le pire de ce que tous les pays africains ont fait de leur indépendance politique. Nous avons fait des «Etats de droit», des «Etats de nondroit» et réussi même une Révolution Démocratique et Populaire légendaire en Afrique et dans le Monde. C’est tant pis pour nos négationistes locaux enfermés dans leurs monastères d’émeutiers populistes. Nous avons réussi à rassembler 6 milliards de mètres cubes d’eau
en 2010 dans nos barrages contre 300 millions de mètres cubes en 1983. Nous avons boosté et l’alphabétisation et la scolarisation, sans avoir atteint les 100% qui permettront de vraiment éradiquer l’ignorance, mère de toutes nos souffrances. Et alors? Est-ce rien? Malgré tout nous devons rester modestes et mieux gérer nos différences politiques pour ne pas déchirer notre tissu social fragilisé par l’ultra libéralisme «made in Washington» et parachuté un certain 13 mars 1991 dans nos murs. C’est le programme d’ajustement structurel qui, ici comme ailleurs en Afrique, a accentué la fracture sociale entre «riches» et «pauvres», a généralisé un individualisme suicidaire de jungle avec comme «graisse de la mécanique» la corruption. Seuls ceux qui s’entêtent à ne jurer que par les «remèdes miracles» du FMI/Banque Mondiale, prétendront qu’il faut se soumettre sans réagir, sans réfléchir, sans chercher d’autres alternatives. Ces vendeurs d’argent n’ont pas d’état d’âme. Pour eux, il faut, «make money» (faire de l’argent) ici et maintenant, c’est tout. Nous devons savoir rester solidaires et savoir refuser ensemble, en ordre, sans laisser les «créateurs d’instabilité et de désordre» dans le Monde, nous divertir avec leurs slogans de division des peuples baptisés «normes universelles», «règles universelles», «lois mondiales». Mon pays a du ressort. Il sait rebondir. Il l’a prouvé ces cinquante dernières années en faisant mentir tous les émeutiers populistes qui depuis 1978 au sein de l’Union Générale des Etudiants Voltaïques chantent «apocalypse now»! En cinquante ans, le «pays dur, sec, parfois violent, mais toujours courageux» comme le caractérisait Zihad Liman(2), journaliste à «Jeune Afrique» en 2003, reste «ouvert sur le Monde» et refuse de se laisser mourir. N’en déplaise à ses détracteurs! La vraie élite politique patriotique sait d’où elle vient. Les vrais militants savent que quelles que soient les divergences idéologiques et politiques, nous avons le même devoir historique. Il s’agit de sauver la terre sacrée de nos ancêtres du manque «d’esprit patriotique minimum» pour faire mieux que nos pères. (1) CEDEAO : La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (2) «Jeune Afrique l’Intelligent» n°2221 du 3/9 août 2003
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FRIENDLY FOOT
Célébrités belges et demandeurs d’asile
ensemble pour la journée mondiale du réfugié Par Friendly Foot et CGRA
Le 20 juin dernier, des demandeurs d’asile et des célébrités belges ont joué un match amical de football à Bruxelles à l’occasion de la Journée mondiale du réfugié.
Le Comité belge d’aide aux réfugiés (CBAR), le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA), la Croix-Rouge de Belgique, l’Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile en Belgique (Fedasil), le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) en collaboration avec l’asbl Friendly Foot ont donné le coup d’envoi de cette journée mondiale du réfugié. Le slogan «Fair Play for Refugees» était à l’ordre de jour.
Déracinés Les réfugiés, qui ont dû fuir parce que leur liberté ou leur vie était menacée dans leur pays d’origine, sont à l’heure actuelle près de 43.3 millions de personnes, déracinés de par le monde. Il s’agit du nombre le plus élevé depuis le milieu des années 1990. L’asile est un droit, c’est pourquoi un bon système d’asile est fondamental. Cette année, des célébrités belges se sont rassemblées pour célébrer ce droit. Un match de football entre deux équipes compo-
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sées d’un mixte de joueurs Pro célèbres et des joueurs réfugiés de divers centres pour réfugiés de Belgique était au programme. Jérôme Vanderzijl, Habib Habibou, Khalilou Fadiga, Nordin Jbari, Hervé Kage et bien d’autres non cités de notre championnat et même des clubs étrangers ont pris part à cette rencontre. D’autres joueurs Pro comme Faris Haroun, Moussa Dembélé, Bavon Tshibuabua, Victor Wanyama et Philippe Clément avec des célébrités dans le monde du sport telles Philippe Saint-Jean, Paul Bonga Bonga, Abdellatif Fellaini et Abdellatif Khalal ont contribué par leur présence. L’Objectif de la rencontre était de permettre aux demandeurs d’asile d’éprouver le plaisir que l’on retire du sport et de leur insuffler la confiance, dans un esprit festif, familial et surtout, en toute liberté.
Un match de foot De 14h à 17h, les demandeurs d’asile et le grand public étaient invités à supporter ce match de foot hors du commun. Parallèle-
ment au match, différentes activités étaient proposées pour les familles (animations pour enfants, entraînement de football spécialisé, démonstration de jonglage et séances de dédicaces avec des stars du football belge). Un concours de penaltys permettait de gagner un entrainement pour son équipe avec un footballeur professionnel de haut niveau et le coach Michel Bruyninckx. Pour la circonstance, chaque tireur représente son équipe et le gagnant est un joueur appartenant au club local. Quelque 500 spectateurs ont pu voir le triomphe de l’équipe rouge sur la bleue (5-3). La partie était arbitrée par Jérôme Nzolo, d’origine gabonaise et ‘arbitre de l’année’ en 2007, 2008 et 2009. Le match de football et la cérémonie de remise des prix étaient présentés par Francesca Vanthielen, actrice belge et présentatrice de télévision, également volontaire spéciale de l’UNHCR, ainsi que par Pierre Kompany, père du footballeur Vincent Kompany et ancien réfugié. Tout au long de l’après-midi, des représentants des six organisations partenaires
En haut: Pierre Kompany, Francesca Vanthielen (parrains de l’évènement), Jérôme Efong Nzolo et l’ensemble des joueurs des centres pour réfugiés avec les joueurs Pro
à droite: Khalilou Fadiga (ex- international Sénégal) est une idole pour toute l’Afrique
étaient présents pour donner des informations sur l’asile et les réfugiés en Belgique et dans le monde. Pour Friendly Foot comme pour ses partenaires organisateurs, l’évènement a tenu ses promesses et l’objectif de sensibiliser les gens sur ce problème de réfugiés et de faire mieux connaître les divers services qui s’occupent est presque atteint. Ce jour, Friendly Foot a été particulièrement sensible à la présence des nombreux enfants réfugiés (des centres pour mineurs non accompagnés) qui ont pris part à l’initiation de la Méthode Body & Mind avec Michel Bruyninckx. Friendly Foot remercie toutes les personnes sollicitées pour l’évènement qui ont répondu à cet appel et ont ainsi fait preuve de solidarité. www.fairplay4refugees.be
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ACTUALITE
Jesse Jackson © Ronald Devaux
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De gauche à droite: Mr. Abdulaziz Othman Altwaijri, Directeur Général de l’ISESCO Mr. Jesse Jackson, Président du Rainbow Push Coalition, états-Unis Mr. Jean Paul Carteron, Fondateur et Président du Crans Montana Forum Mr. Maros Sefcovic, Vice-Président de la Commission Européenne Mr. Abdoulkarim Goukoye, Président de la Haute Autorité pour la Sécurité Alimentaire, Président du Conseil Suprême pour la Restauration de la Démocracie (CSRD) © Ronald Devaux
Crans Montana Forum Bruxelles juin 2010 Par Kenza Garba
Fondé en 1989, le Forum de Crans Montana a lieu chaque année en juin. Année après année, près de 1000 décideurs clés du monde entier se rencontrent lors de cet évènement majeur. Cette année, pour le 21ème anniversaire, le Forum de Crans Montana a accueilli des Chefs de Gouvernements, des Ministres, les délégations d’un grand nombre de pays, des Commissaires Européens, des Membres du Parlement Européen, des Présidents de parlements nationaux, de Hauts Fonctionnaires d’Organisations Internationales et Régionales et les principaux décideurs d’entreprises et des Universitaires. C’était Jesse Jackson Sr. en personne qui a ouvert la session officielle d’ouverture le jeudi 24 juin.
Le révérend Jesse Jackson, figure majeure du mouvement des droits civiques aux Etats-Unis et fondateur du Rainbow Push Coalition, a débuté son discours officiel en parlant de l’image touchante qui est restée sur la rétine des yeux du monde entier: à l’occasion du premier discours de Barack Obama en 2008, en tant que président élu, devant une foule oscillant entre joie et émotion, dans l’immense jardin public
Grant Park, cerné de gratte-ciels illuminés au bord du lac Michigan à Chicago, Jackson Sr laissait couler ses larmes. Le monde entier a tout compris à ce moment. En 1988, Jackson Sr avait collectionné les victoires, essentiellement dans le sud des États-Unis. Avant l’élection d’Obama, Jesse Jackson était le premier noir-américain à avoir remporté une primaire du parti démocrate. «Nous nous sommes battus pendant 60 ans, contre l’inégalité, la ségrégation et l’apartheid, et pour la démocratie. Nous avons gagné à plusieurs reprises: l’apartheid légal a pris fin, le vote a été installé. Vous vous souvenez tous du discours de Martin Luther King «I have a dream»: nous avons vu son rêve se réaliser. N’oubliez pas qu’avant, nous n’avions pas le droit de voter. Il nous était interdit d’entrer dans une bibliothèque. Nous ne pouvions pas louer une chambre, nous n’avions pas les mêmes droits que tout le monde. La démocratie, elle n’a que 45 ans. Elle s’est construite petit à petit. Nous nous sommes battus pendant une époque pour changer les mentalités. C’est en 1984 seulement que nous nous sommes rendus compte qu’il y avait de plus en plus de votes populaires et finalement cela a amené le vote populaire, et surtout, ‘proportionnel’. Si Barack Obama a pu devenir président, c’est grâce au vote proportionnel pour lequel nous nous sommes battus.»
«Donc c’est à ce moment que mes larmes sont venues: au moment que je me suis rendu compte que nous nous sommes tellement battus pendant toutes ces années, pour enfin en arriver là et prendre conscience que nous étions partis pour une nouvelle démocratie. De ce point de vue, je m’adresse maintenant aux Européens: ce n’est pas la démocratie qu’on aime, c’est surtout la victoire. Aujourd’hui nous avons des représentants officiels partout, nous avons des ministres, nous avons des membres au Congrès. C’est déjà une évolution.» «Je conclus mon discours avec l’image du football, à cette heure-ci tant aimée. Le football est un événement important, mais on constate que les joueurs ne connaissent pas toujours la langue de la partie adverse. Ils n’arrivent pas à se saluer dans les différentes langues. Mais ils arrivent à s’embrasser après un match joué. C’est cela qui est bon. Si on peut jouer et s’embrasser, le jeu sera bon. Mais si les règles du jeu ne sont pas claires et si l’arbitre n’est pas honnête, le jeu n’est pas bon. Nous pouvons en tirer des leçons et n’oublions pas que nous sommes tous égaux.»
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MAGHREB
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Jerboa Productions
Une maison de production sans limites Propos recueillis par Kenza Garba
A l’heure actuelle Jerboa Productions est une petite maison de production jeune et dynamique, comportant un noyau artistique et une équipe de spécialistes à qui l’agence fait appel selon la tâche. Le noyau est composé de Ridoin El Aissati, Latif Ait, Rachid Lamrabat et Mourad Bekkour. Pour l’instant Jerboa Productions se consacre surtout à la production vidéo et au concept culturel «‘Nuff Said», un événement déjà célèbre, selon les visiteurs réguliers du Centre Culturel de Berchem à Anvers.
Ridoin El Aissati et Latif Ait se sont rencontrés par l’intermédiaire de Mourad Bekkour en automne 2006. Ridoin était alors à l’école de cinéma RITS et Latif se concentrait sur une carrière comme comique stand-up. Mourad venait du service de presse de la VRT, la télévision flamande, et avait l’ambition de réaliser une soirée mensuelle qui serait multidisciplinaire: un mélange de lettres, comédie stand-up, musique en live et vidéo. Le projet s’intitulerait ‘Nuff Said, abréviation de «enough said/j’en ai assez dit». Ce titre fait aussi bien référence à l’hystérie avec laquelle le débat autour des allochtones est mené, ainsi qu’à l’élément parlé de cette soirée.
Abdelstraat Pour la partie vidéo de ce concept, Mourad était encore à la recherche de créatifs étant du même bord, ce qui l’a conduit entre autres jusqu’à Ridoin et Latif. Ces deux hommes ont vite formé le noyau de la rédaction et ont commencé à travailler sur des scénarios. La maison culturelle Moussem a chaleureusement accueilli cette équipe et c’est ainsi que le lancement de ‘Nuff Said a eu lieu le 11 janvier 2008. C’était immédiatement un succès inouï! Aussi bien le déroulement de la soirée, ainsi que la vidéo «Vraag het aan een Marokkaan/Demande-le à un Marocain»qui est aussi apparu sur Internet- ont plu au public très diversifié. Un mois plus tard, le clip «Abdelstraat/Rue Abdel» a suivi. Le journaliste Bernard Dewulf est tombé dessus en surfant sur Internet et y a consacré son billet qui a fait la une du journal De
Morgen. Le reste des journaux ont vite suivi et ont repris l’histoire, «Abdelstraat» est devenu ainsi une notion que tout le monde connaît.
sont à la hauteur de chaque demande, aussi ample ou spécifque qu’elle soit.
Un phénomène
En novembre 2009 une équipe de Jerboa Productions est partie au Dakar pour y tourner un petit film aventurier autour du personnage Kung Fou Fouad. C’était la première fois qu’elle opérait en dehors de la Belgique. Le point de départ était clair: présenter son propre histoire concernant l’esclavage moderne qui règne en ce moment en Afrique. Tout le continent est submergé de grandes entreprises qui monopolisent rapidement le panorama économique, de cette façon elles dominent la vie sociale. La population locale n’a ni l’occasion de faire activement partie de cette evolution, ni l’opportunité de faire entendre sa voix. Elle n’en tire donc aucun avantage, bien au contraire même. L’Afrique veut progresser au niveau économique, mais dans quelle mesure peut-on parler de sécurité sociale? Il était donc grand temps pour nous de consacrer un clip à cette problématique.
En pas moins de deux ans ‘Nuff Said s’est transformé en un véritable phénomène et actuellement YouTube est parsemé de ses clips. Le succès a pour conséquence que de plus en plus de demandes externes pour la création de vidéo affluent, entre autres pour la ville d’Anvers et l’Hôpital Universitaire Middelheim. Afin de canaliser cette demande et puisque l’avenir de Ridoin et Latif se trouve dans la création de films, ils ont décidé de fonder une compagnie-vidéo. Elle porte le nom Jerboa, emprunté à un animal assez petit, mais audacieux vivant dans les déserts d’Afrique et d’Asie.
Aujourd’hui A l’heure actuelle Jerboa Productions est une petite maison de production jeune et dynamique, comportant un noyau artistique et une équipe de spécialistes à qui on fait appel selon la tâche. Le noyau est composé de Ridoin El Aissati, Latif Ait, Rachid Lamrabat et Mourad Bekkour. L’équipe mixte et professionnelle de Jerboa Productions est garante pour une perspective neuve et originale. Afin de tenir compte du caractère unique de chaque commande, ils réfléchissent bien sur les personnes qui peuvent s’engager le mieux pour ce projet. De cette manière, ils
Sénégal
www.jerboaproductions.be www.lamrabet.be
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MAGHREB
La Caravane de la paix fait escale dans la ville Propos recueillis par Jamal Garando
La «Caravane de la paix», reliant Bruxelles à Lagouira pour le soutien au projet d’autonomie du Sahara, a fait escale à Laâyoune.
À son arrivée dans la capitale du Sahara, la «Caravane de la paix», organisée à l’initiative de l’Association sahraouie pour la solidarité du projet d’autonomie, basée à Nancy en France, a été accueillie, jeudi 17 juin, par des centaines de Marocains sahraouis venus soutenir cette initiative et exprimer leur adhésion au projet d’autonomie du Sahara. Brandissant le drapeau national et des portraits de SM le Roi Mohammed VI, les participants à cette initiative ont tenu un rassemblement devant la Place Almechouar lors duquel ils ont appelé à la levée du blocus sur les Marocains séquestrés à Tindouf tout en réitérant leur attachement à la marocanité du Sahara. Les 350 participants à cette caravane, chiffre symbolique qui renvoie aux 350 000 participants à la Marche Verte, s’étaient enquis du développement réalisé dans la région
de Laâyoune-Boujdour-Sakia El Hamra, grâce aux efforts déployés par les autorités locales, sous la conduite éclairée de SM le Roi. Cette caravane, qui a démarré de la capitale belge, a sillonné plusieurs capitales et grandes villes européennes, notamment Paris et Madrid, où elle a sensibilisé les opinions publiques européennes au projet marocain d’autonomie du Sahara. «Nous organisons cette caravane de paix pour sensibiliser l’opinion publique européenne sur la pertinence de la proposition marocaine d’autonomie dans les provinces du Sud et soutenir la marocanité du Sahara», a confié Elhassan Benhammou, le coordinateur général de la caravane.
nationale et exiger la libération de leurs frères sahraouis séquestrés dans les camps de Tindouf. Quant à Zahra Haidara, présidente de l’association initiatrice de cet événement, elle a souligné que la communauté internationale doit agir contre les graves violations des droits de l’Homme commises par le Polisario. Selon elle, les crimes atroces sont commis au quotidien dans les camps de Tindouf. Et à ses yeux, l’idée de cette caravane vient du fait que la proposition marocaine d’accorder une large autonomie aux provinces du Sud constitue un projet constructif et réaliste visant l’édification d’une société démocratique et moderniste fondée sur les principes de l’Etat de droit et le développement économique, social et culturel.
Et d’ajouter que via cette caravane, les Marocains expriment leur mobilisation indéfectible derrière SM le Roi pour défendre la cause
Source: www.aujourdhui.ma Par: Mohamed Laâbid
Tanger Med
démarrera son terminal vrac Après l’ouverture du terminal passagers inauguré dernièrement, par lequel transitera le trafic routier et la première vague estivale de Marocains résidant à l’étranger, Tanger Med I devrait voir le démarrage, en octobre 2010, du terminal vrac, puis la mise en service, avant la fin de l’année du terminal hydrocarbures.
A Tanger Med II, les travaux ont démarré. Le nouveau port ajoutera une capacité de 5 millions de conteneurs à l’horizon 2015, portant la capacité totale de Tanger Med à 8 millions de conteneurs. Un mastodonte au carrefour des grandes lignes maritimes mondiales. Chaque année, près de 100 000 navires traversent le détroit de Gibraltar. «En 2009, 450
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millions d’euros d’investissements privés et 500 millions d’euros d’investissements publics ont été consacrés à Tanger Med I. Avec le port passagers et Tanger Med II, on atteindra 3 millards d’euros à l’horizon 2015», indique Saïd Elhadi, président du directoire de l’Agence spéciale Tanger Méditerranée (TMSA).
D’ores et déjà, «Tanger Med présente un niveau de productivité parmi les trois meilleurs au monde, avec 34 mouvements par portique et par heure», se réjouit Saïd Elhadi. Au premier trimestre 2010, le trafic de conteneurs a atteint 407 844 EVP, en hausse de 40% par rapport au dernier trimestre 2009. Source: Eco Nostrum info
SOCIETE
Kinshasa
La patrie du seul orchestre symphonique d’Afrique centrale Par Claus Wischmann et Martin Baer
Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo, la troisième plus grande ville d’Afrique. Près de dix millions de personnes qui comptent parmi les habitants les plus pauvres de notre planète y vivent. C’est la patrie du seul orchestre symphonique d’Afrique centrale.
Dans l’obscurité totale, deux cents musiciens jouent la neuvième symphonie de Beethoven: l’hymne «L’Ode à la joie». Une panne de courant intervient quelques mesures avant l’achèvement de la dernière phrase. Mais pour le seul orchestre symphonique du Congo ceci est le dernier de leurs soucis. Depuis son fondement il y a quinze ans, les musiciens de l’orchestre ont survécu deux coups d’état, plusieurs crises et une guère civile. Heureusement il y a la passion pour la musique et l’espoir d’un avenir meilleur. «Kinshasa Symphonie » accompagne des hommes et des femmes qui dans l’une des métropoles les plus chaotiques au monde s’attèlent à l’un des systèmes les plus complexes de la vie commune: un orchestre symphonique. Ce film fait le portrait du Congo d’aujourd’hui, des habitants de Kinshasa et de l’amour pour la musique.
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Construire sa contrebasse
Des autodidactes
Un des musiciens est Albert Matubanza. Il a appris aux instrumentistes des cordes frottées le solfège et la pratique bien que lui-même soit guitariste et qu’il n’ait eu lui même aucune instruction au violon ou au violoncelle. Actuellement il est en train de construire une nouvelle contrebasse pour l’ensemble. Parmi les membres de l’orchestre, on trouve des artisans qui ont fabriqué divers outils afin de réparer chaque instrument en cas de souci. À l’occasion de concerts, les complets et les robes sont cousus par les musiciennes elles-mêmes. Elles se chargent également d’organiser les partitions et mettent en place une garderie pour leurs enfants pendant les longues répétitions nocturnes.
La plupart des membres de l’orchestre sont des autodidactes et amateurs. La vie quotidienne dans la métropole Kinshasa avec ses huit millions d’habitants est un combat existentiel même pour ceux qui ont la chance d’avoir terminé une formation professionnelle ou qui disposent de revenus réguliers. Pour la plupart la journée de travail commence dès six heures du matin ou beaucoup plus tôt encore pour ceux qui n’ont pas les moyens de payer un taxi collectif pour arriver à l’heure au travail. Malgré toutes ces épreuves, les musiciens répètent jusqu’à tard le soir, presque tous les jours.
Vendre des omelettes Joséphine Nsima doit aussi se lever à cinq heures du matin pour aller au marché central de Kinshasa afin de vendre ses
omelettes. Avec ses revenus mensuels, elle arrive tout juste à payer son loyer. La concurrence est grande et de plus, les œufs importés par les pays comme le Brésil ou les Pays-Bas font baisser les prix. Pourtant après son travail, elle va directement aux répétitions. Elle était l’une des premières élèves de violoncelle d’Albert. Aujourd’hui ils sont mariés. Leur fils Armand qui a maintenant huit ans est malade depuis longtemps. Malgré les coûts élevés d’une opération, ils prennent finalement la décision d’aller à l’hôpital.
Electricien et coiffeur, responsable de la lumière Joseph Masunda Lutete est électricien et coiffeur. Dans l’orchestre, il est altiste et responsable de la lumière. Dès qu’il y a une nouvelle panne de courant, Joseph quitte son instrument et s’affaire pour remettre la
lumière. Pour son magasin de coiffure, afin d’être indépendant des coupures de courant de Kinshasa, il s’est acheté un rasoir à pile rechargeable. Nathalie Bahati, flûtiste, cherche un logement pour elle et son fils. Pas évident dans une mégapole comme Kinshasa et avec si peu d’argent.
Le pilote est chef d’orchestre Armand Diangienda est de formation pilote, fondateur et chef de l’orchestre. Il est le petit-fils de Simon Kimbangu, ancien martyr glorifié au Congo, qui a combattu les colons belges et fondé sa propre église. C’était son grand-père qui suggéra à Albert de former un orchestre. Au début quelques douzaines de mélomanes se partageaient les quelques instruments existants. Pour que chacun puisse jouer, les instruments passaient de l’un à l’autre. Aujourd’hui deux cents musiciens de «l’orchestre symphonique kimban-
guiste» sont sur scène à chaque concert.
La neuvième de Beethoven À l’occasion du jour de l’indépendance de la république démocratique du Congo, l’orchestre se prépare pour un grand concert en plein air. Plusieurs milliers de spectateurs sont attendus. Et seulement très peu de gens connaissent la musique classique. Au programme: La neuvième de Beethoven, Carmina Burana, des œuvres de Dvorak et de Verdi. Mais Armand Diangienda est bien conscient que quelques passages musicaux ne sont pas encore au point. Et de plus le choeur a ses difficultés avec la mélodie et la prononciation de la langue allemande. Mais le jour du concert approche à grands pas. www.classicinblack.com
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SOCIETE
La première mondiale du film
Kinshasa Symphony Deux séances à guichets fermés en moins d’une heure, un tonnerre d’applaudissements et un grand intérêt du public pendant la discussion avec les musiciens du Congo et les réalisateurs: la première à la Berlinale en 2010 a été un succès retentissant. Après le succès du lancement le film a été choisi comme film d’ouverture du festival ‘Visions du Réel’ à Nyon (Suisse). «Kinshasa Symphony» se consacre à la manière de bâtir l’un des systèmes les plus complexes de la coopération humaine en plein cœur de l’une des villes les plus chaotiques du monde: un orchestre symphonique. Il s’agit d’un film sur le Congo, sur les gens de Kinshasa et sur la musique.
Un triple accord entre protagonistes «Kinshasa Symphony» se propose comme triple accord entre la ville de Kinshasa, les habitants (les Kinois) et l’Orchestre sympho-
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nique kimbanguiste. La ville de Kinshasa se relève comme l’une des villes les plus jeunes, les plus grandes, les plus chaotiques du monde. L’une des «Mega-Cities» croissant le plus rapidement, un fléau. Au-delà du chaos, comme le poète Thierry Mayamba Nlandu décrit sa ville. Il doit bien le savoir puisqu’il est un véritable «Kinois», un habitant de Kinshasa. Le film nous conduit à travers la ville, entre autres par la vendeuse de pain Chantal Ikina, l’électricien et coiffeur Joseph, l’artisan Albert Matubenza et le prédicateur Armand Diangienda. La musique les unit: Chantal et Joseph sont violonistes, Albert joue en dehors de la guitare tous les instruments à cordes et Armand est chef d’orchestre. Les chemins sinueux de ces «Kinois» à travers les différents mondes de leur ville se rejoignent dans la salle de répétition du seul orchestre symphonique non seulement de Kinshasa ou du Congo, mais de toute l’Afrique subsaharienne.
L’amour pour la musique classique Chantal, Joseph, Albert, Armand et l’orchestre ont autorisé Claus et son équipe à les accompagner et à les filmer dans tout leur environnement. Le temps que la régie prendra pour faire connaissance réciproquement, l’intensité de ces rencontres et le facteur unissant de l’amour pour la musique classique ont permis une vue fascinante sur le présent des hommes au Congo. Un film sur une ville en Afrique, ses habitants - et sur leur musique : Händel, Verdi, Beethoven. «Kinshasa Symphony» montre Kinshasa avec toute son opulence, sa vitesse, sa somptuosité des couleurs, sa vitalité et son énergie. La sonorité de cette ville et la sonorité de son orchestre sont transmises par un concept qui allie la musique et l’atmosphère de Kinshasa. Durant de nombreuses années, le tournage n’était pas seulement difficile, mais aussi interdit officiellement: le dictateur Mobutu voulait éviter que le monde voit des images du déclin de son pays. C’est la
raison pour laquelle il n’y a du Congo, si tant est qu’il y en ait, que des images d’actualité dans le «style reportage». «Kinshasa Symphony» montrera une autre image du Congo.
Se libérer d’un cercle vicieux La musique commune, le travail de répétition et finalement les concerts de l’orchestre, qui regroupent les protagonistes et plus de deux cents autres «Kinois» sont des images grandioses pour la force et la détermination avec lesquelles la société civile congolaise veut se libérer d’un cercle vicieux qui a duré plusieurs dizaines d’années d’oppression coloniale, de tyrannie, de pauvreté et de guerre.
Kinshasa Symphony
de Claus Wischmann, Martin Baer et Michael Dreyer
Calendrier des concerts et des séances: Kinshasa (RDC): entre 19 et 26 juillet 2010 Durban International Film Festival (Afrique du Sud): 22 juillet 2010 Warsaw, Two Riversides Festival (Pologne): 22 juillet 2010 Esperanzah!, Namur (B): 6-8 août 2010 Vukovar, (Croatie): 25-29 août 2010 Beethovenfest, Bonn (D): 16 septembre 2010 Pour de plus amples renseignements sur les concerts: www.kinshasa-symphony.com Le distributeur belge Paradiso planifie le film aux cinémas belge et hollandais encore cette année. Le film sera en 2011 dans les cinémas en France.
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SPORT
Coupe du monde 2010 Pari réussi pour l’Afrique du Sud Par Alexandre Korbéogo
Depuis le 11 juin 2010, l’Afrique vit au rythme de la XIXème édition de la coupe du monde. Le moins que l’on puisse dire est que cette messe du sport roi a été bien organisée par l’Afrique du Sud, permettant à ce mondial d’être celui des records. Pari réussi.
L’Afrique du Sud vient de gagner le pari d’une organisation réussie de la coupe du monde. C’est l’Afrique entière qui tire profit de cette bonne organisation. Avec une cérémonie d’ouverture, sobre mais riche en couleurs, en lumière et en son, les Sud-africains ont révélé à la face du monde tout le bien culturel et traditionnel que l’on dit du berceau de l’humanité. Et, lorsque le fameux «vuvuzela», cette corne au son strident, s’invite dans la danse, les stades entrent dans la folie de l’ambiance. C’est la touche africaine. Mieux, l’organisation réussie de la XIXème coupe du monde est aussi une réussite financière. La Fédération internationale de Football Association (FIFA) a révélé que cette coupe du monde est celle des records. Records financiers s’entend. Le pays organisateur a déboursé 4 milliards d’euros pour bâtir des stades, rénover des aéroports, construire des routes et des moyens de transport ultra-moderne. La sécurité qui semblait être le faible de cette nation a trouvé une réponse satisfaisante avec le recrutement de plus de 4000 policiers supplémentaires. Les échos qui proviennent des sites d’Afrique du Sud sont rassurants quant aux dispositifs sécuritaires pris, pour permettre à ces millions de supporteurs et de visiteurs de vivre la fête du football dans la sérénité. L’Afrique aura attendu 80 ans pour que le rêve d’organiser la coupe du monde devienne une réalité. Au vu de l’organisation réussie, l’attente n’aura pas été de trop. Presque tous les matchs se jouent à guichet fermé. Les rencontres sont d’un niveau élevé. Les fans du ballon rond se délectent des phases de jeu des différentes équipes. Les coups de pattes, les petits dribles des stars enflamment les stades. C’est ça l’Afrique comme le dirait l’autre.
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Plus de 30 milliards de spectateurs La XIXème édition de la coupe du monde est celle des records. Le record des téléspectateurs a été battu dans la nation arc-en-ciel. Trente milliards de spectateurs ont pris d’assaut les différents stades et sites de diffusion. Dans les villes africaines, des organisateurs ont posé des écrans géants pour faire suivre aux fanatiques, en grandeur nature, les temps forts du sport roi. Le football a gagné ses lettres de noblesse à travers cette coupe du monde inédite. Le mondial c’est aussi celui des affaires. Le géant japonais de la technologie, Sony, a gagné de filmer 25 matchs en 3D. La FIFA, quant à elle, a fait un bénéfice de 800 millions d’euros pour un chiffre d’affaires de 2,7 milliards d’euros. Adidas a gagné de faire figurer son emblème sur 12 des 32 équipes qui prennent part à la compétition. Un autre record est celui de l’assurance du mondial. Il a été assuré à hauteur de 7,5 milliards d’euros. Ce qui prouve que l’Afrique à travers l’Afrique du Sud a mis les petits plats dans les grands pour faire de ce mondial, une fête à dimension mondiale. Une semaine avant le début de la coupe du monde, l’Afrique du Sud semblait être entrée en transe dans une ambiance féérique dans les rues des grandes villes du pays de Nelson Mandela, le premier Président noir de ce pays qui a aboli l’apartheid en 1994.
6 pays africains au rendez-vous A cette coupe du monde qui prend fin le 11 juillet 2010, un autre record a été battu. Celui du nombre d’équipes africaines prenant part à la fête. Au lieu de 5 conventionnellement, ce sont 6 pays africains qui disputent la compétition. Le pays organisateur, qualifié d’office, a été rejoint par les qualifiés (la Côte d’Ivoire,
le Cameroun, le Ghana, l’Algérie et le Nigéria). Ces équipes africaines ont fait mention honorable même si par moment, le manque d’expérience des équipes africaines les a fait quitter trop tôt la compétition. Comme on le dit, c’est la somme de nos échecs qui constituent nos expériences. Les pays africains ayant participé à ce mondial ont eu le bénéfice de se frotter aux trente-deux meilleures équipes de football de la planète. C’est un grand bénéfice et même un honneur fait à eux. A présent, il reste à tirer les leçons des différentes défaites afin de bâtir des équipes techniquement, tactiquement et physiquement solides. Cela est possible. Il suffit d’y mettre les moyens.
Le Ghana, un espoir En se qualifiant pour les quarts de finale, les Blacks Stars du Ghana viennent de rentrer dans l’histoire. Au terme d’un match euphorique et plein de rebondissements, les jeunes ghanéens sont venus à bout des américains dans la série des prolongations par le score de 2-1. Après le Cameroun en 1994, le Sénégal en 2002, les Blacks Stars viennent de montrer que l’Afrique a de la valeur à revendre. Asamoah Gyan et ses coéquipiers ont réveillé l’espoir qui commençait à flétrir comme une peau de chagrin chez les Africains. L’Afrique, en réussissant le pari de l’organisation, vient, à travers le Ghana, donner une autre dimension au football africain. Celle bâtie sur la circulation de balle, faite de passes courtes et de jeu en vitesse. Aujourd’hui, l’Afrique frappe un grand coup. Le pari est gagné pour ce continent qui émerveille le monde entier et qui continuera d’émerveiller le monde entier. L’Afrique et son football sont un mystère; un mystère qui fait battre le cœur des millions d’habitants africains.
suporter de l’Afrique-du-Sud © Axel Bührmann
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SPORT
Mohamed El Marcouchi Graine de champion à Molenbeek-Saint-Jean Par Jamal Garando et Anna Opitz
Devenir champion de sport, c’est le rêve d’un grand nombre de jeunes. Après le football et le basket-ball, l’une des disciplines préférées des jeunes est la boxe. Cette discipline sportive est considérée comme une école de la vie, particulièrement appréciée pour les valeurs positives qu’elle représente.
Le respect envers l’adversaire, le dépassement de soi, la force mentale et physique, l’humilité et la ténacité: un boxeur qui réunit toutes ces valeurs aura moins de difficultés à créer des liens sociaux et à trouver sa place dans la société. Nous avons rencontré un futur champion de la boxe: le jeune boxeur belgomarocain Mohamed El Marcouchi. Mohamed a 22 ans et habite à Molenbeek-Saint-Jean. Le Nouvel Afrique: À quelle époque et dans quelles circonstances avez-vous commencé à boxer? Mohamed El Marcouchi: «J’ai commencé à boxer en 2004, à l’âge de 16 ans. Cependant, grâce à mon père, j’ai fait de la lutte contact depuis ma plus tendre enfance. A l’époque mon père a donné des cours de karaté. Et moi, je lui emboîte le pas, mais par la boxe.» LNA: Qu’est ce qui vous a attiré vers ce sport de combat? MEM: «C’est grâce à mon cousin Hicham
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Daali qui ne fait plus partie de ce monde et sur lequel soit la paix que j’ai débuté par la boxe. La vie d’un adolescent grandissant dans les quartiers populaires est très dure. J’ai fait pas mal de bêtises, je me suis traîné dans les rues à ne rien faire. Et c’était sur ce point que je me sentais attiré par cette discipline sportive. Et je remercie mon cousin du fond de mon cœur.» LNA: Vous avez commencé à boxer dans un club à Molenbeek? MEM: «Non, j’ai commencé à Vilvorde, mais c’était trop loin de Bruxelles. Il me fallait une heure pour y aller. Je suis resté là deux ans. Puis je suis allé à Ixelles, pour rejoindre le club de Bea Diallo, un Belgo-Guinéen, né au Libéria. Il est échevin à Ixelles, Bruxelles, et il est champion de boxe.» LNA: Dans quelle catégorie est-ce que vous combattez? MEM: «Avec mes 64 kg, j’ai commencé dans la catégorie de super léger, vu ma taille de 1m84. Mais c’était très dur de garder ce poids. Cette année, je suis monté à 69 kg. C’est vrai que c’est une différence de force, de manière de frapper.»
LNA: Combien de combats et combien de victoires et de défaites avez-vous eues? MEM: «J’ai un total de 35 combats, dont 27 sont des victoires, 2 matches nuls et 5 défaites, qui me placent dans les ‘espoirs belges’.» LNA: Avez-vous un petit rituel particulier avant le combat? MEM: «Oui, la veille du combat, je fais un tour de jogging de 45 minutes. Puis, avant le combat, je fais des invocations et je dis une prière pour que Dieu me donne la force de monter au créneau de façon déterminée.» LNA: Quels sont vos projets pour l’avenir concernant la boxe ? Allez-vous participer à d’autres championnats nationaux et internationaux de boxe? MEM: «Mes projets pour l’avenir, je les vois encore très loin. Que Dieu me donne la santé et la possibilité de réaliser ces projets. Je voudrais être le meilleur sur le ring et être reconnu dans le monde entier par ma profession. 2011 sera une année très dure : il faut que je me qualifie pour les Jeux Olympiques de Londres. Ce qui veut dire beaucoup de tournois internationaux A.I.B.A.»
Mohamed El Marcouchi © Christian David
LNA: Peut-on gagner sa vie avec la boxe en Belgique? MEM: «A vrai dire: Non! On ne peut pas gagner sa vie avec la boxe. Mais grâce à la Belgique, on peut se faire ouvrir certaines portes. Ce qui manque en Belgique, c’est le sport de compétition, mais nos hommes politiques ne l’ont pas encore compris.» LNA: Est-ce que vous vous sentez soutenu par la Fédération Belge de Boxe? MEM: «Oui et Non. Comme partout, il y a des gens qui sont contents de moi, et d’autres qui ne le sont pas. Et ces derniers disent toujours des phrases pareilles: «C’est très dur.», «Va-t’il être à la hauteur?». Mais comment est-ce qu’on peut être à la hauteur si on n’a pas la possibilité de faire ses preuves. Il y a des gens parmi les membres de la Fédération qui n’ont jamais boxé. Et puis, le plus grand problème dans ce sport, c’est l’argent. L’argent et encore l’argent. C’est une chance que mon manager André Verbeur, ainsi que Bea Dillo, soient membres de la Fédération, qu’ils me soutiennent tellement et qu’ils croient en moi.»
LNA: Si vous aviez la possibilité de boxer pour une équipe nationale, vous choisiriez quel pays? Le Maroc ou bien la Belgique? MEM: «A vrai dire, je n’ai pas encore pensé à cette question. Mais je sais que je serais le premier boxeur belgo-marocain participant aux Jeux Olympiques si je devais choisir la Belgique. J’ai la chance d’avoir deux pays et deux cultures. Le Maroc est le pays de mes racines. Et je serais également fier de défendre les couleurs de mon pays si on m’appelle.» LNA: Y’a-t-il une différence dans la pratique de la boxe entre le Maroc et la Belgique? Si oui, sur quel niveau? MEM: «Dans le domaine de la boxe, les sportifs marocains ont un très haut niveau. Les jeunes boxeurs participent régulièrement au Jeux Olympiques, et là, au moins, on ne parle pas du budget. On donne une chance à tout le monde et on voit partout des boxeurs qui représentent leur nation.»
Bruxelles-Ville. Et je remercie les présidents Yvan Mayeur et Rita Glineur pour leur soutien. Je donne également des cours de boxe à des jeunes à Molenbeek-Saint-Jean, à la Rue Van Meyel n°49.» LNA: Quel est votre rêve au niveau sportif? MEM: «Mon plus grand rêve, c’est la participation aux Jeux Olympiques.» LNA: Est-ce que vous avez une question à laquelle je n’ai pas pensé et à laquelle vous auriez aimé parler? MEM: «Il y a un clip sur moi, sous mon nom, qui sera bientôt disponible sur youtube. J’aimerais que vous le mentionniez dans Le Nouvel Afrique.» LNA: Nous serons tous ravis de le découvrir sur internet!
LNA: Qu’est-ce que vous faites aujourd’hui en dehors de la boxe? MEM: Etant donné que je ne gagne pas ma vie avec la boxe, je travaille au CPAS à
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CULTURE / DANSE Des élèves en spectacle pendant la restitution publique de la séance à ANERSER à Ouaga en avril 2010 © Moustapha Sawadogo et Innocent Kabore
«Je danse donc je suis»
Une formation artistique pour des jeunes en difficultés
Propos recueillis par Kenza Garba et Charlotte Morantin
Le programme «Je danse donc je suis», initié par Africalia en partenariat avec Donko Seko -Atelier danse et recherche chorégraphique à Bamako et le Centre de Développement Chorégraphique- La Termitière à Ouagadougou, a été lancé fin janvier 2010 dans la capitale burkinabé. C’est un programme triennal de formation artistique pour des jeunes en difficultés qui bénéficie du soutien financier de la Commission Européenne à travers son programme «Investing in People-EuropeAid».
Convaincus de l’impact des pratiques artistiques sur les jeunes en difficulté et vu le manque d’initiatives dans ce secteur, Africalia et les deux centres de formation à la danse contemporaine cités ci-dessus mettent en place au Burkina Faso et au Mali un programme d’initiation, de création et de diffusion chorégraphique spécifique pour une quarantaine de jeunes en situation difficile de 2010 jusque fin 2012. L’objectif principal est de favoriser leur épanouissement personnel, leur développement socio-culturel et leur intégration sociale.
Des danseurs africains Au programme: une série d’ateliers assurés par des danseurs africains, des actions de sensibilisation et de diffusion de ‘work in progress’ dans les quartiers populaires des deux villes et des échanges régionaux entre les jeunes participants
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ouagalais et bamakois. Un suivi filmé de ce programme et des actions de réflexion, de suivi et d’évaluation permettront de mesurer l’impact de l’initiation artistique sur ces jeunes. Dans la réalisation de ce travail et de cette mission, les deux centres de formation artistique sont accompagnés et appuyés par deux organisations sociales locales accueillant des jeunes en difficulté. Il s’agit à Bamako de Réseau des Intervenants auprès des Orphelins et des Enfants Vulnérables (RIOEV) et à Ouagadougou de l’Association Nationale pour l’Education et la Réinsertion Sociale des Enfants à Risques (ANERSER).
Le Nouvel Afrique a rencontré Salia Sanou, Directeur du Centre de Développement Chorégraphique (CDC) La Termitière à Ouagadougou et lui a posé des questions sur son souhait de mieux faire partager aux jeunes, et aux populations qui les environnent, le fruit de son travail et de ses recherches en tant que danseur et chorégraphe, à travers ce programme d’initiation artistique/chorégraphique composé de diverses actions dans le but de contribuer à l’intégration sociale et communautaire des jeunes en difficulté à travers les arts et la culture.
LNA: Votre Centre de Développement Chorégraphique joue un rôle majeur au niveau de l’accompagnement artistique et pédagogique des groupes cibles d’une part et de l’accompagnement méthodologique du programme d’autre part. Salia Sanou: «Vu notre expérience en matière d’initiation et de formation à la danse contemporaine, nous assurons effectivement l’accompagnement artistique et pédagogique des jeunes à Ouagadougou. Leur accompagnement social et psychologique est la responsabilité de l’organisation sociale ANERSER, tandis que le suivi méthodologique est une coresponsabilité des entités concernées. L’initiative est importante dans la lutte contre la pauvreté et le processus de changements de mentalités, et est également une expérience pertinente sur le plan méthodologique, car elle permettra de mesurer l’impact de l’initiation artistique sur ces jeunes. Cela mérite d’être capitalisé. Je suis donc très content que Africalia, dont l’objectif général est de faire de la culture un vecteur de développement humain durable, ait initié ce programme triennal en partenariat avec le CDC-LaTermitière et Donko Seko, afin de contribuer à l’atteinte des Objectifs de Développement du Millénaire (ODM) et de renforcer les partenariats avec la société civile en Afrique.» LNA: Quel est le groupe-cible exact du programme «Je danse donc je suis»? SS: «Ce sont des jeunes en situation difficile. Sous ce terme, est considéré l’ensemble de la population (adolescents et jeunes adultes) confrontée à des difficultés d’ordre socio-économique et socio-culturel. Il s’agit entre autres de jeunes en rupture familiale, de jeunes abandonnés, de jeunes de parents inconnus ou malades mentaux et de jeunes victimes du VIH / SIDA. Ils ont entre 12 et 18 ans et sont encadrés par l’association sociale locale.» LNA: Quels sont les résultats que vous visez? SS: «Afin de pouvoir atteindre les résultats souhaités, il est essentiel de développer des relations de confiance entre les jeunes, les formateurs artistiques et les éducateurs sociaux. ‘Je danse donc je suis’ vise en effet plusieurs résultats à long terme. Tout d’abord il s’agit de favoriser l’épanouissement personnel, le développement socioculturel et l’intégration sociale des jeunes participants à Ouagadougou et à Bamako à travers l’initiation artistique. Un outil pédagogique (vidéo) témoignant
des expériences vécues par les jeunes et les formateurs, ainsi que de l’impact de l’initiation artistique sur les groupes cibles en termes d’intégration sociale et de changement de regard des bénéficiaires finaux vis-à-vis de ceux-ci, sera réalisé. De plus, des recommandations pour des actions futures dans ce secteur seront formulées .» LNA: Quelles sont les activités que vous comptez entreprendre à Ouagadougou pour arriver à l’épanouissement personnel de ces jeunes? SS: «Il s’agit d’un vaste programme d’initiation artistique et d’une stratégie cohérente de suivi et d’évaluations d’actions qui a déjà débuté. Nous avons lancé un premier séminaire sur le programme, qui a eu lieu à Ouagadougou du 18 au 22 janvier 2010. Ce séminaire nous a permis de développer un certain nombre d’outils méthodologiques de suivi et d’évaluation commun par l’ensemble des entités concernées. La sélection des jeunes participants, en collaboration avec les organisations sociales locales, nous a permis la mise en route des premiers ateliers d’initiation chorégraphique en février 2010. Nous tenons plusieurs réunions de comités de suivi et d’évaluation par an et nous visons un séminaire d’évaluation finale en décembre 2012 à Bamako. Au cours du programme, les jeunes apprennent à développer une confiance en eux et des compétences qui anticipent d’une vie meilleure. Le programme artistique leur permet également de s’épanouir personnellement sur le plan physique et sur le plan intellectuel. Vers la fin en 2012, le jeune qui a participé au programme ‘Je danse donc je suis’ doit être capable de valoriser sa propre identité culturelle. Nous, les organisateurs, artistes professionnels, sont là pour les encourager. Ils bénéficieront tous d’une reconnaissance sociale à travers leur participation aux œuvres artistiques et leur diffusion.» LNA: Pendant trois ans, les jeunes sont accompagnés par des danseurs africains professionnels internationalement reconnus. Comment cela se passe en pratique? SS: «Au cours des trois ans les jeunes sont invités à explorer différentes facettes de l’art à la danse. Depuis l’étape de la conception jusqu’à celle de la diffusion, ils apprendront principalement le langage chorégraphique, mais également d’autres langages artistiques, échangeront avec des artistes lors des ren-
contres, verront et commenteront des spectacles et productions artistiques, présenteront leurs propres travaux et réalisations dans un contexte local et régional, participeront à des actions de sensibilisation locales et des échanges régionaux. C’est un moyen d’éveil de leur potentiel créatif. Mais nous offrons aussi un encadrement extra-scolaire et des pédagogies ludiques. Le travail s’effectuera en groupe pour favoriser une participation forte et active. Des activités d’initiations culturelles diverses complètent le dispositif. Les travaux feront l’objet de représentations publiques. Les représentations des ‘work in progress’ se dérouleront dans les quartiers, les rues, les marchés, les lycées ou les hôpitaux en visant particulièrement les bénéficiaires finaux. Certains spectacles pourront être montrés lors des festivals organisés par les partenaires locaux (Dialogues de Corps et Dense Bamako Danse). LNA: Est-ce que ce n’est pas un programme qui laisse la population de Ouagadougou à un grand écart? SS: «Non, au contraire. Nous en bénéficierons tous mais les bénéficiaires finaux du programme sont les habitants des quartiers populaires de Ouagadougou, ainsi qu’un public plus large, notamment les familles étendues, les jeunes en général et les milieux culturels. L’impact attendu est que les arts encouragent le désir d’ouverture des habitants et élargissent l’horizon culturel des quartiers habituellement exclus de l’action culturelle. Le programme contribue à un changement de regard du public large. Je tiens aussi à dire que le programme participe à la démystification positive des jeunes en difficulté et anticipe une diminution des préjugés à l’égard de ceuxci. Surtout les jeunes des quartiers pourraient s’identifier aux groupes-cibles qui auront œuvré pendant trois ans.»
Le programme «Je danse donc je suis», financé par la Commission Européenne à travers son programme «Investing in People – EuropeAid», est initié par Africalia en partenariat avec Donko Seko et RIOEV (Bamako) et le CDC – La Termitière et ANERSER (Ouagadougou).
www.salianiseydou.net www.donkoseko.org www.africalia.be
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CULTURE / DANSE
Un spectateur enthousiaste © Moustapha Sawadogo et Innocent Kabore
Qui est
Salia Sanou? «La danse contemporaine nous a rendus sous-marins, pour aller voir au-delà de l’apparence, dans l’émotionnel, l’intériorité.»
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Salia est né en 1969 à Léguéma, au Burkina Faso. Il suit son initiation aux rites et traditions bobo et est formé à la danse africaine par Drissa Sanon (ballet Koulédafrou de Bobo coulissa), Alassane Congo (Maison des jeunes et de la culture de Ouagadougou), Irène Tassembedo (compagnie Ebène) et Germaine Acogny (Ballet du Troisième Monde). En 1992, Salia Sanou rencontre Seydou Boro à l’Ecole des Ensembles Dramatiques de Ouagadougou où ils suivent des cours de théâtre. En 1993, il intègre la compagnie Mathilde Monnier au Centre Chorégraphique National de Montpellier. Il participe alors aux différentes créations de la compagnie: «Pour Antigone», «Nuit», «Arrêtez arrêtons, arrête», «Les lieux de là», «Allitérations». Parallèlement, il chorégraphie «L’héritage», une pièce qui reçoit le premier prix en art du spectacle à la Semaine Nationale de la Culture au Burkina Faso. Un an plus tard, en 1994, Seydou Boro et Salia Sanou créent leur première œuvre commune, «Le Siècle des fous», qui reçoit le premier prix national du Concours de Danse Contemporaine Africaine d’Afrique en créations (AFAA). Forts de ce premier succès et de leur parcours au sein de la compagnie Mathilde Monnier, ils fondent la compagnie ‘salia nï seydou’ et créent leur deuxième pièce «Figninto, l’œil troué» en 1997.
Dans le cadre du festival international Montpellier Danse 2000, ils créent «Taagalà, le voyageur» et, pour la compagnie Tumbuka Dance du ballet national du Mozambique, «Kupupura», en 2001. En 2002, ils font appel à Ousséni Sako pour «Weeleni, l’appel», une des pièces les plus intimistes de la compagnie, interprétée par trois danseurs et quatre musiciens originaires du Maroc et du Burkina Faso. Parallèlement, de 2001 à 2006, Salia Sanou est directeur artistique des Rencontres Chorégraphiques de l’Afrique et de l’Océan indien (AFAA). Dans ce cadre il a pu mener réflexions et actions pour le développement de la danse créative du continent. Il est également co-directeur depuis sa création en 2001 du Festival Dialogue de Corps à Ouagadougou qui propose des résidences d’écriture, des ateliers, des rencontres autour d’une programmation internationale de danse. Il est également codirecteur du Centre de Développement Chorégraphique - La Termitière de Ouagadougou (Burkina Faso), inauguré en décembre 2006. Ce projet d’envergure internationale, et premier du genre en Afrique, dont Salia Sanou et Seydou Boro sont porteurs depuis huit ans, est financé conjointement par l’Ambassade de France à Ouagadougou, le Ministère de la Culture, des Arts et du Tourisme du Burkina Faso, et la Mairie de Ouagadougou.
Le formateur donnant les dernières instructions pendant la restitution publique © Moustapha Sawadogo et Innocent Kabore
Enfin, en 2008, Salia Sanou et Seydou Boro ont créé «Poussières de sang», pour sept danseurs, une chanteuse et quatre musiciens, exposé cru et implacable des violences humaines. Il a récemment publié «L’Afrique, danse contemporaine», ouvrage illustré par les photos d’Antoine Tempé et coédité par le Cercle d’Art et le Centre National de la Danse de Pantin (en vente entre autres chez Africalia). Pour son travail chorégraphique dans le monde, Salia Sanou a été nommé Officier des Arts et des Lettres par le Ministère de la Culture français, et a reçu, avec Seydou Boro, le trophée Culturesfrance des Créateurs 2007. Il a été également élu Artiste de l’année 2003 par l’Organisation Internationale de la Francophonie.
CDC La Termitière Certes, le Burkina Faso a toujours présenté un environnement culturel favorable mais en ce qui concerne la danse contemporaine, tout restait à faire: la danse contemporaine est nouvelle dans un pays où les traditions folkloriques restent très vivaces. Les pouvoirs publics de Burkina Faso ont été heureusement partie prenante dans le projet de Salia Sanou et Seydou Boro pour créer un espace qui accueillera des chorégraphes internationaux et qui deviendra le pivot d’un programme de développement de la danse contemporaine en Afrique et de diffusion internationale. Créé en 2006, le CDC La Termitière se met à la hauteur des autres centres chorégraphiques dans le monde africain, tels que le Centre méditerranéen de Tunis, l’École de Sables au Sénégal, la Gàara Dance Foundation de Nairobi.
«Pour nous, la première nécessité était de doter le pays d’un outil de travail, explique Salia Sanou et Seydou Boro. Un certain moment nous nous sommes retrouvés au cœur du paradoxe africain: la danse faisait partie de notre quotidien, dans l’intimité des familles comme dans les lieux publics, mais elle ne possèdait pas de lieu à elle. Avec La Termitière, nous avons créé un espace privilégié, un Temple de la danse. Nous voulons à l’exemple d’une termitière qui grossit de l’intérieur, par un travail sous-terrain industrieux, développer en Afrique la danse contemporaine.»
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CULTURE / MUSIQUE
Un été africain Propos recueillis par Kenza Garba
Cet été, l’Afrique explose de couleurs et de vitalité à l’occasion des 50 ans de l’indépendance du Congo et de 16 autres pays africains. Un festival comme sait le faire le Palais des Beaux-Arts, avec le haut du pavé des arts de la scène et des créateurs aussi engagés que Rokia Traoré ou Angélique Kidjo. Un festival comme sait le faire Sfinks Mixed ou Esperanzah! pour les grands et les petits citoyens avec des célébrités comme Aimelia Lias, Minata, Baloji ou Youssou N’Dour. Sur les scènes extérieures et intérieures, les artistes enflamment le cœur de Festivaliers venus profiter de ces moments intenses. Rock, chanson, pop, électro, jazz, reggae, folk, hip-hop, funk, blues, classique... chacun y trouve son univers musical!
Aimelia Lias (RDC) La biographie d’Aimelia Lias se lit comme une page d’histoire de la musique congolaise moderne. Il a chanté avec Wenge Musica, Werason et J.B.Mpiana. Avec sa voix haute mélancolique il est considéré comme le Papa Wemba de la nouvelle génération et il fait des tournées à succès aussi bien en Afrique qu’en Europe. Live Aimalia est garant d’une fièvre congolaise exubérante, aussi grâce aux danseuses très flexibles. Qui veut se rendre compte de la direction que prendra le Congo les prochaines 50 années ne peut pas rater ce concert. www.sfinks.be Samedi 31/7 à 19h
25 ans après son premier concert à Sfinks, Youssou N’Dour s’est révélé en tant que star mondiale. Le rossignol sénégalais est le symbole et le porte-parole de la nouvelle génération africaine d’espoir et de créativité. Il n’est pas seulement musicien mais également actif en politique et sur le plan social. En plus il est un organisateur à succès. Sur son dernier CD, Dakar-Kingston, il passe en revue, de façon reggae, son répertoire, fait quelques nouvelles chansons et va à la recherche d’une véritable identité africaine. Un mixe parfait de m’balax et de reggae en exclusivité à Sfinks.
Minata (Burkina Faso)
www.sfinks.be Samedi 31/7 à 21h
Une princesse africaine de Bobo-Dioulasso qui échoue en Belgique, étudie la guitare classique et l’opéra et développe un faible pour le blues. Ce n’est pas une histoire courante et cela s’entend dans sa musique. Des chants traditionnels avec des arrangements blues et une approche folk. Minata sonne comme la Tracy Chapman africaine. Elle raconte la poésie des choses de la vie de là-bas et d’ ici et ce que cela fait de vivre entre deux continents. www.myspace.com/minatatraore www.sfinks.be Samedi 31/7 à 13h
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lenouvelAfrique [n°22] 07 / 2010
Youssou N’Dour & The Super Etoile De Dakar (Sénégal)
www.bozar.be Samedi 18/9 à 20h Palais des Beaux-Arts
Jungle Arts (Kenya)
Rumba acoustique (RDC)
Rokia Traore (Mali)
Jungle Arts présente des prouesses spectaculaires qui exigent une grande force physique. Des saltos aux pyramides humaines, du jonglage aux danses avec du feu. Du spectacle pur aux sons de percussions urbaines africaines. Jungle Arts est un projet qui est soutenu au Kénia par nos collègues du Festival Mondial Néerlandais. Les jeunes y sont instruits et accompagnés afin qu’ils acquièrent un statut d’indépendance économique en tant qu’artiste. La lutte durable contre la pauvreté avec la culture comme moyen solide.
Largement inspirée de riches traditions locales, baignée des accents jazz et cubains, la rumba congolaise apparaît au début des années 1950, avant de connaître à la veille de l’indépendance du Congo une véritable explosion à travers toute l’Afrique. Popularisé par les deux orchestres rivaux, l’African Jazz de Grand Kallé (auteur en 1960 du premier tube pan-africain: Indépendance Cha Cha) et l’OK Jazz de Franco, la rumba congolaise ne cessera de s’enrichir de multiples influences, traversant les époques sous l’impulsion de nouveaux porte-drapeaux indétrônables : de Papa Wemba à Werrason, en passant par Koffi Olomidé. À travers ces cinq concerts acoustiques égrenés de soixante chansons chacune représentative d’une époque, plusieurs artistes marquants - emmenés par le représentant mythique du courant African Jazz: Papa Noël - retracent en musique l’histoire du Congo telle que vécue par le peuple. Troquant les batteries contre des congas, délaissant les cuivres, ressortant les vieilles guitares, ils reviennent à l’essence d’une musique fédératrice de tout un pays.
Déjà récompensée d’un BBC 3 World Music Award et d’une Victoire de la musique malgré sa jeune carrière, la chanteuse et guitariste Rokia Traoré n’a jamais sacrifié la musique mandingue aux sirènes occidentales. Elle a plutôt cherché à la marier au rock et au blues par la magie de sa voix intense. Repérée à 20 ans par Ali Farka Touré, sacrée par Papa Wemba, puis par la presse internationale, l’artiste s’engage aussi, avec sa nouvelle association «Passerelles», à promouvoir une industrie culturelle sur le Continent.
www.sfinks.be Dimanche 1/8
Koudede (Niger) La collaboration entre Sfinks et le Festival du Désert au Sahara est garante de découvertes passionnantes et inattendues. L’une des révélations du Festival dans le Désert est le jeune guitariste touareg Koudede. Il a construit sa première guitare avec une boîte de conserves et reproduisait la musique des musiciens rebelles. Depuis, il a une vraie guitare mais sa technique est restée la même. Du blues du désert rauque avec un rythme irrésistible qui vous emmène à dos de chameau au long des camps de nomades de son peuple. www.myspace.com/koudede www.sfinks.be Dimanche 1/8 à 13h
www.bozar.be Vendredi 9 au 18/7 Palais des Beaux-Arts
50 ans de musique congolaise (RDC) Née au début des années 50 et influencée par le folklore dont elle tire sa source, la musique congolaise moderne a joué un rôle majeur dans la vie des Congolais, agrémentant leur quotidien, traduisant au fil des ans leurs aspirations. Réunies pour la première fois sur scène, les stars les plus célèbres du Congo dont Papa Wemba, Werrason, Mbilia Bel et Ferre Gola interprètent en grandes formations nourries de cuivres scintillants les chansons qui ont le plus marqué la société congolaise. Un grand show-anniversaire transgénérationnel présenté en exclusivité européenne à Bruxelles le 16 juillet.
www.bozar.be Vendredi 9/7 à 20h Palais des Beaux-Arts
Gospel (RDC) Dans la vie des Congolais, la spiritualité a toujours occupé une place importante. C’est pourquoi le Palais des Beaux-Arts a voulu présenter la grandeur du gospel congolais, dont la portée dépasse de loin les frontières du Congo. La Journée Gospel réunit les meilleures chorales africaines de Belgique représentatives des différentes croyances religieuses. En apothéose, le groupe Krystaal, témoin de l’essor du gospel congolais. Originaires du Congo, ces trois frères canadiens connaissent depuis quelques années un succès sans précédent confirmé par de nombreuses récompenses, dont quatre MAJA Awards. www.bozar.be Samedi 10/7 à 18h à Matongé, à 15h au PSK à 18h au Palais des Beaux-Arts
www.bozar.be Vendredi 16/7 à 20h Palais des Beaux-Arts
Youssou N’Dour
Rokia Traore © Mattias Lund
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CULTURE / MUSIQUE Angélique Kidjo © Joi Ito
Angélique Kidjo (Bénin)
Baloji (RDC/Belgique)
D’une énergie stupéfiante, la chanteuse originaire du Bénin est une figure emblématique de la world music, couronnée en 2007 d’un Grammy Award. Et de mêler avec un rare bonheur les pops africaine et occidentale. Connue autant pour l’originalité de ses clips que pour ses collaborations avec Carlos Santana, Peter Gabriel ou Alicia Keys, c’est aussi une artiste engagée. À la tête de Batonga, sa fondation, elle cherche à promouvoir l’accès à l’éducation des filles en Afrique. Une démarche qui n’a pas échappé à l’Unicef qui en a fait l’une de ses ambassadrices.
Ancien membre du groupe de rap Starflam, Baloji a sorti un premier album solo en 2008, Hôtel Impala, sur lequel il effleurait déjà ses origines congolaises et qu’il clôturait par ces mots: «I’m going home… Nakuenda». Lorsque sa mère biologiqueretrouvée après plus de 20 ans de silencelui demande «qu’as-tu fait ces 25 dernières années?», Baloji ressent le besoin de retourner sur la terre qui l’a vu naître et dont il a été brusquement déraciné à l’âge de 3 ans. Il se rend donc au Congo pour travailler sur son nouvel album avec des musiciens locaux comme Konono n°1 ou La Chorale de la Grâce. De ses pérégrinations spirituelles et musicales va naître un deuxième opus, Kinshasa Succursale, sorti en janvier 2010. Dans ses valises, Baloji a ramené de nouvelles sonorités comme la rumba, le ska, le reggae et le funk nigérian, sons qu’il incorpore à des textes toujours aussi mordants. Sur scène, il sera accompagné par un orchestre de rumba congolais qui balance.
www.bozar.be Vendredi 22/7 à 20h Palais des Beaux-Arts
www.esperanzah.be Vendredi 6/8 à 16h Abbaye de Floreffe (Namur)
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lenouvelAfrique [n°22] 07 / 2010
CULTURE / LIVRES
Burkina Faso En ce mois de juillet nous consacrons l’édition au paysage culturel du Burkina Faso. Voici quelques-unes des contributions intéressantes au monde du livre. Profitons-en pour explorer ces œuvres parlant des richesses humaines, culturelles et naturelles et montrant des photos magnifiques.
www.blacklabel.be est une librairie par correspondance et la maison de culture du livre africain.
www.blacklabel.be offre 10% de réduction aux lecteurs de Le Nouvel Afrique (adresse postale
Chez Blacklabel, vous trouverez des livres en néerlandais, en français et en anglais à propos de
en Belgique).
l’Afrique. Vous pourrez même en commander certains en langue africaine. La plupart des livres
Contactez info@blacklabel.be pour toute information.
que nous offrons sur ce site est difficile à trouver en librairie.
Traoré, Sayouba
L’héritier
Mazono, Loro
143p, 2009, roman, dos carré, cousu, avec rabats,
Massa djembéfola ou le dictateur et le djembé
Edition Vents d’ailleurs, 15€
250 p, 2008, relié, Edition L’Harmattan, 26,30€
Sayouba Traoré dépeint une Afrique contemporaine où chacun est placé dans une stratégie de survie. Les vieux sont obligés de prendre en charge des jeunes diplômés chômeurs, les jeunes attendent un avenir qui se dérobe constamment. Son roman narre les incompréhensions entre générations, les déchirures qui craquellent les couples, la vie quotidienne qui oscille entre nostalgie du village et rêve d’un confort urbain tout aussi illusoire.
Bomassa, roi atypique, a la boulimie du pouvoir. Il règne depuis quarante-deux ans, contre toute attente, sur Torodougou, sans se soucier d’alternance. Un seul rêve l’obsède: entrer dans la légende. Ainsi s’est-il forgé un destin hors du commun. Borofata, un célèbre avocat, brise le tabou: il se lance à la conquête du trône en se présentant aux élections.
Barlet, Olivier
Alkassoum Maiga, Naba Jérémie Wangre
24p, 2008, relié, illustré en couleur, couverture
218p, 2009, études d’Afrique, Edition
souple quadrichromie, Edition L’Harmattan,
L’Harmattan, 21€
Hawa et Adama. Des enfants du Burkina Faso
Enfants de rue en Afrique. Le cas du Burkina Faso
8,80€
Hawa et Adama ont onze ans et sont jumeaux. Ils vivent à Ouahigouya, une ville du Burkina Faso. Leur pays est pauvre et touché par la sécheresse. Pourtant, ils veulent croire en l’avenir et formulent des projets. Une annexe donne des informations sur le Burkina Faso.
Le phénomène des enfants vivant dans la rue est un problème mondial préoccupant. On assiste à une forte tendance à l’enracinement du nombre d’enfants dans la rue. Une sous-culture de la rue impose aux enfants une autre vision du monde, conduisant à une attitude de négation à l’égard de certaines valeurs sociales et à une sorte de valorisation exacerbée de leur personnalité «pervertie». Comment appréhender ces constructions identitaires, ces stratégies de survie, cette sorte d’adaptation secondaire chez les enfants de la rue?
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LE SERVICE AUQUEL ON NE S’ATTEND QUE DANS LES AIRS
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