L’espace public: droit d’admission ? Pour l’intégration de la perspective de genre à la planification urbaine
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L’espace public: droit d’admission ? Pour l’intégration de la perspective de genre à la planification urbaine
Ernest Vidal-Folch i Torres Deuxième année du grade de master en architecture Travail de fin d’études Sous la direction de Jean-Didier Bergilez Faculté d’Architecture La Cambre-Horta Année académique 2015-2016 Illustration: Cité verticale, Ludwig Karl Hilberseimer
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Sommaire
INTRODUCTION P.8 CADRE THÉORIQUE P.13 Espace public p.14 Violences p.23
CAS D’ÉTUDE P.31 Col·lectiu Punt 6, Barcelone p.34 Collectif IPE, Bruxelles p.38 Matrix Feminist Design Cooperative, Londres p.40 Espaces publics, Ixelles p.42 Collectif IPE + Bureau Karbon
Llano del Río Colony Alice Constance Austin
p.46
Stockwell Health Center p.48 MAtrix Feminist Design Cooperative
Rosens Matta Roda p.52 Bruno Kreisky Parc p.54 Kosselicka Landschaftsarchitektur 6
Einseidlerparc p.56 Tilia burö Landschaftspanung
Canton de Berne p.58 Frauen Werk Stadt p.60 Franziska Ullman
Métroféminin p.64 Silvia Radelli
Iconografías p.65 Lance Wyman
T.P.A.M.P. «Touche pas à ma pote» p.66 Quand Madou devient Madouce p.68 Majorité Oprimée p.70 Eléonore Pourriat
Jance Jacobs p.72 Lower Manhattan Expressway
Melrose Commons p.74 Nos quedamos ASBL
«Madres de Mayo» p.76
DISCUSSIONS P.78 Une question d’échelle p.81 Mobilité p.84 Gender Mainstreaming p.88 Infrastructures de la vie quotidienne p.90 Sensation de sécurité p.101 Participation p.104
CONCLUSIONS P.113 BIBLIOGRAPHIE P.120
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Introduction
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L’héritage de la ville moderne se caractérise par une division de l’espace urbain qui ne répond plus aux besoins contemporains. Le rêve du développement collisionne avec une envie, de plus en plus grande, de construire une ville mixte, inclusive, accessible et démocratique. Cet héritage, avec l’avènement de l’industrialisation et la division sexuelle du travail, a entraîné une division sexuelle de l’espace qui reste toujours d’actualité. La division sexuelle au sein de la société patriarcale actuelle génère des discriminations et impose des hiérarchies qui influencent fatalement l’usage et la configuration des espaces. Cela en leur attribuant des valeurs genrés, lesquelles, à la fois, confèrent une majeure autorité au masculin qu’au féminin. Les rôles attribués à la sphère domestique (ceux qui relèvent du domaine privé, ainsi que de la prise en charge des enfants, des personnes à mobilité réduite, etc.) reposent encore aujourd’hui majoritairement sur les femmes. Or, bien que les femmes aient investi le domaine du public, son contraire symétrique, à savoir, un mouvement des hommes vers l’espace domestique, n’a pas eu lieu1. Ce double travail qui est ainsi confié au sexe féminin –dont la moitié n’est pas rémunéré- nécessite d’un temps et d’un espace dans la ville. De ce point de vue, l’espace public devient un élément d’analyse clé, capable de mettre en lumière les façons dont l’espace peut constituer un cadre de discriminations en raison du genre, mais aussi un champ où peuvent naître de nombreuses solutions. C’est pourquoi, il est primordial d’intégrer la perspective de genre et intersectionnelle à la planification urbaine, de façon à rendre visible les différentes structures de pouvoir. Ainsi, (re)penser les espaces publics en se basant sur de nouveaux paradigmes est fondamental pour en finir avec les hiérarchies et 1 Dussuet, Annie, Le genre des territoires, féminin, masculin, neutre, sous la direction de Bard, Christine, Presses de l’Université d’Angers, 2004.
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les discriminations. L’intégration de la perspective de genre et de l’analyse intersectionnelle à la planification urbaine implique l’adoption d’un regard critique à l’égard de l’espace public. Autrement dit, il s’agit de porter un questionnement sur le discours dominant en tenant compte des collectifs traditionnellement opprimés, subordonnés ou oubliés, que ce soit en raison du genre, de l’âge, de l’origine, de la classe sociale ou des capacités physiques, lors de la planification urbaine. C’est dans ce cadre que ce travail propose une réflexion critique sur l’option androcentrique qui a régné sur l’histoire et sur la pratique de l’urbanisme et son influence sur l’espace public. Faire de la critique veut dire dénoncer un système de relations discriminatoires qui se veut universel et neutre, pour ensuite questionner cette prétendue normalité et la déconstruire2. Dans ce but, le présent travail portera sur le questionnement de certaines structures de la discipline de l’urbanisme3 et de l’architecture, mais aussi sur la société patriarcale et capitaliste. Il s’agit d’un triple enjeu démocratique4 : pouvoir répondre aux attentes des femmes qui constituent près de la moitié de la population, pouvoir répondre aux besoins des groupes plus fragiles — notamment des enfants, lesquels n’ont pas toujours l’occasion de faire entendre leurs voix directement — et, tout en insufflant le changement dans les politiques urbaines grâce à l’approche genrée, pouvoir dépasser la binarité des rôles féminins et masculins dont la perpétuation nuit à l’achèvement de l’égalité de genre. 2 Montaner, Josep Maria, Arquitectura y Critica, Gustavo Gili, Barcelona 2013. 3 Par exemple les structures de reconnaissance du travail fait par des architectes dans le Prix Pritzker. Voir le texte de Scott Brown, Denise, “Room at the Top, Sexism and the Starsystem in architecture”, Architecture: A Place for Women, ed. Ellen Perry Berkeley and Matilda McQuaid (Washington, DC: Smithsonian Institution Press, 1989), 237–46. 4 Tumelaire, Virginie, Genre et espaces publics, Donner de l’espace à l’égalité de genre, Centre de Documentation sur la Politique de Genre d’Amazone Mars 2015
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Les grandes tendances de la pratique féministe en matière d’urbanisme sous-tendent les projets qui visent à la collectivisation des tâches domestiques, la déségrégation de l’affectation du sol, la déconcentration des activités dans la ville, la généralisation de la participation, la priorisation des besoins humains -particulièrement de ceux des groupes défavorisés-, et la promotion des réseaux communautaires et les entreprises autogérées, l’accent mis sur la qualité de vie et la protection de l’environnement5. Il émerge ainsi la possibilité d’affirmer que l’urbanisme féministe met les personnes au centre du débat : comment vit-on l’espace public et quels sont les besoins et priorités des personnes au sein de celui-ci. Si l’espace public est le cadre et en même temps le moteur de reproduction des inégalités, l’urbanisme féministe cherche à les construire différemment à travers de nouvelles propositions qui transforment les stéréotypes de genre. Ce travail s’articule autour de trois parties. Dans un premier temps, il s’agira d’identifier et de dévoiler les façons à travers lesquelles l’espace public peut devenir porteur des valeurs dominantes de la culture (Occidentale), non moins que les façons à travers lesquelles ces dernières peuvent entraîner des inégalités au sein de cet espace. L’espace public étant souvent défini comme le cadre neutre des relations sociales, on fera ici allusion à quelques auteures ayant démenti ce postulat. Ensuite, on présentera un certain nombre d’outils qui ont été utilisés au cours de l’histoire pour contrecarrer les discriminations susdites : des outils propres à la discipline de l’urbanisme, mais aussi des outils qui dépassent ce cadre, tels que la participation citoyenne. Enfin, dans la partie intitulée « Discussions », une évaluation des 5 Piche, Denise, Des villes au féminin, projets ici et ailleurs, Recherches féministes, Volume 2 numéro 1, 1989.
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cas présentés sera faite, dans le but d’identifier des éléments utiles pour parvenir à une planification urbaine plus inclusive, en ce qui concerne particulièrement le dessin et la gestion de l’espace public. Ce mémoire essayera donc d’identifier quelques stratégies qui ont pour ambition de constituer un nouveau modèle d’urbanisme qui soit partie prenante du processus de construction d’un contexte social plus juste et humain, quels que soient le genre, l’origine, la classe sociale ou les capacités des personnes qui le pratiquent. Si l’égalité des sexes est un droit humain, l’application de la perspective de genre à l’urbanisme est un outil incontournable à tenir présent tout au long de la production de l’espace public afin que l’égalité ne soit plus un droit mais bien une réalité.
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CADRE THÉORIQUE
Cadre théorique
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ESPACE PUBLIC: DROIT D’ADMISSION ?
L’ESPACE PUBLIC Qu’entendons-nous quand nous parlons d’espace public aujourd’hui ? Plusieurs conceptions ont été publiées au cours de l’histoire récente et restent encore d’actualité tout en suscitant du débat. Certaines plus humanistes, d’autres plus libérales et d’autres plus utopiques, ces conceptions tournent autour des grands débats autour de la ville, l’urbanisme, l’architecture et son rapport aux personnes. Une des premières tentatives de théoriser le concept d’espace public est menée par Kant1. En le dotant des idéaux émancipatoires, Kant définit l’espace public en tant que cadre pour les « relations publiques » ou « en public », une sorte de vie sociale où tous les individus seraient soumis à des jugements dus à l’exposition et à la lumière généralisées, à une transparence totale. L’espace n’existerait qu’après usage, après utilisation ou circulation libre. Plus tard, dans sa publication La Condition Humaine, Arendt réinterprète la notion d’espace public de Kant et la définit en tant que sphère idéale pour une supposée cohabitation de l’hétérogénéité de la société ; comme terrain pour la liberté de mouvement des êtres autonomes et émancipés, libres et égaux ; un lieu de rassemblement et de débat2. L’espace public serait donc l’espace au sein duquel toutes et tous peuvent exercer la politeia (relatif au politique, à l’étatique, à la pratique de la citoyenneté). Cette définition d’espace public se base sur les principes éthiques de l’isonomie3, la civilité, citoyenneté et autres caractéristiques qui sont les piliers de la démocratie égalitaire, issue des changements de paradigmes politiques depuis le
1 Delgado, Manuel, El espacio público contra la calle, Quaderns de Recerca en Urbanisme, Barcelone 2013, p. 12-16. 2 Arendt, Hannah, La condición humana, Paidos Iberica, Barcelone 2005. 3 Arendt, Hannah, Was is politik? Que est-ce la politique?, Editions du Seuil, Paris 1995, p. 60.
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XVIII siècle avec l’arrivée des Lumières4. Autres auteurs qui s’identifieraient à cette définition seraient Reinhard Koselleck5 et Jurgen Habermas6, entre autres. Un autre type de définition conçoit l’espace public en tant que lieux de rassemblement, de passage ou de circulation. Dans cette définition c’est une niche des relations publiques : les espaces publics sembleraient être des produits des politiques publiques, lesquels en sont propriétaires puisque gérés et légiférés par les institutions publiques.7 Dans cette vision de l’espace public, c’est à l’État de veiller pour une accessibilité pour tous et toutes sans exception, en les protégeant des intérêts du privé8. Les espaces publics sont donc ceux qui appartiennent au domaine public de la collectivité publique où ils s’insèrent. Ils sont directement affectés à l’usage de toutes et tous et sont donc aménagés à cet effet9. Ainsi, l’espace public comprend les rues, les places, les parcs, les plages, etc., mais aussi les bâtiments institutionnels, culturels, éducationnels, sociaux, les transports en commun, etc. Malgré cette définition à caractère juridique, l’espace public n’est pas seulement l’espace résiduel qui résulte entre les bâtiments, tel qu’il est décrit en droit belge : « L’espace public, c’est ce qui
4 Sahuí, Alejandro, Hannah Arendt: Espacio público y juicio reflexivo, Signos Filosóficos, 2002. (julio-diciembre) 5 Delgado, Manuel, El espacio público como ideología, diciembre 2007. 6 Habermas, Jürgen, L’espace public, Arquéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, Paris, Payot, 1986. 7 Delgado, Manuel, El espacio público contra la calle, ibid. 8 De plus en plus et dans nos villes, la frontière qui sépare l’espace public et espace privé devient de plus en plus flue. Peut-être à cause du manque de financement public, le privé prend du terrain dans cet espace sous forme de publicité. Un espace public qui devient espace publicitaire. Comme le dit Sarah Ichioka lors d’une série de conférences au CCCB à Barcelone, certaines de nos villes sont complètement construites à l’aide de fonds privés. http://www.publicspace.org/en/post/good-public-space-is-one-that-embodies-both-durability-and-flexibility 9 Ponchaut, Alexandre, Le point sur les occupations privatives du domaine public, Union des Villes et des Communes de Wallonie, mai 2010, http://www.uvcw.be/ articles/33,101,37,37,3341.htm
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reste quand on enlève l’espace privé10 ». Il n’est pas seulement un vide considéré public par les juristes ni un espace « thématique » à destination ludique. L’espace public est beaucoup plus que cela. L’histoire des villes est celle de ses espaces publics11, écrit Zaida Muixí tout en mettant l’accent sur l’influence exercée par cet espace sur la production de la ville. Il s’âgit en effet de l’espace qui permet les rencontres, du cadre des flâneurs, mais aussi d’un lieu d’expression collective et d’un espace qui se fait porteur de la diversité culturelle et sociale. L’espace public est ainsi un des indicateurs de qualité des villes. Le studio belge ]pyblik[ propose une autre définition, laquelle insiste sur la notion des rencontres dans un contexte urbain: « L’espace public est un lieu de rencontres, d’échanges et de soutien à la qualité de vie. Il joue un rôle central dans la vie urbaine : la qualité de son aménagement participe pleinement non seulement à la viabilité de la ville dense, mais également à son attractivité »12. Selon cette conception, les qualités qu’un bon espace public doit avoir sont: être structurant, multifonctionnel, universellement accessible, métropolitain et terreau de l’écosystème. Depuis l’agora grecque, jusqu’à la Place Tahrir au Caire, en passant par la commune de Paris et la Plaza del Sol à Madrid, l’espace public, la rue, est lieu d’échange, source de conflits et cadre incontestable des manifestations individuelles et collectives. Toutes ces définitions portent un regard positif sur l’espace public comme cadre abstrait des relations sociales, mais ignorent sa dimension sociale. Si l’espace public est l’espace de représentation universel de la collectivité, celui-ci devrait se 10 Ancion, Hélène, L’espace public, agent de liaison du territoire, Fédération Inter-Environnement Wallonie des associations au service de l’environnement, mars 2012, http:// www.iew.be/spip.php?article4807 11 Borja, Jordi, Muixí, Zaida, El espacio público, ciudad y ciudadania, Barcelone 2000. 12 Tumelaire, Virginie, Genre et Espaces publics, donner de l’espace à l’égalité de genre, Centre de Documentation sur la Politique de Genre d’Amazone, Mars 2015.
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vouloir accessible, comme espace de socialisation et de mise en égalité des individus au sein des sociétés, et universel car nonporteur d’une symbolique partielle discriminante. Cependant, plusieures auteurs13 ont écrit de long en large les façons dont l’espace public peut générer des inégalités, imposer des barrières –physiques et mentales- et établir des hiérarchies. Si l’on considère bien que l’espace n’est pas sexué à l’origine, son usage l’est. Et c’est celui qui en fait usage qui lui donne une valeur déterminée ce qui nous permet d’affirmer que l’espace n’est pas neutre mais qu’il est en fort lien avec le pouvoir économique, culturel et social.14 Trop souvent ces hiérarchies se sont basées sur un modèle de référence propre à la culture capitaliste et patriarcale : celui de l’homme de classe moyenne, hétérosexuel et blanc. Dans ce processus d’universalisation des individus à partir d’un modèle, un processus de sélection est implicitement opéré et, par conséquent, une exclusion. On pourrait définir le patriarcat comme le système de relations sociales dans lequel les hommes exercent et accumulent le pouvoir de décision dans la société15. 13 À ce sujet, voir Henri Lefebvre (1901-1991), David Harvey (1935- ), Edward Soja (19402015), Manfredo Tafuri (1935-1994), entre autres. 14 Cevedio, Mónica, Arquitectura y Género, Icario, 2003. 15 Dans la tradition de la discipline, explique Jane Darke, ceux qui décident les plans, ceux qui rédigent les restrictions des plans, etc., mais aussi ceux qui les mettent en application se sont souvent et la plupart des mâles. Dès la concession des travaux et les réunions entre politiciens, jusqu’à la construction des bâtiments, les différences dans les pourcentages entre hommes et des femmes dans l’ensemble de la discipline sont très grands. Jane Darke continue son argument en disant qu’ils n’ont pas nécessairement promu les intérêts propres à son genre, au moins d’une façon volontaire, en détriment de ces des autres groups sociaux, mais peut être qu’ils n’ont pas considéré que des autres secteurs de la société peuvent avoir des besoins ou priorités différentes dans l’espace publique et l’environnement. Dans la même direction, Marylène Lieber, dit qu’il est utile de s’intéresser non seulement aux prises des décisions, mais aussi aux « non décisions ». Ceux qui sont dans une « position privilégiée » dans le système ne sont pas en position de renoncer à ses privilèges et ceci amène à renforcer leur pouvoir et la hiérarchie qui en découle. Suivant ainsi son raisonnement, ces « non décisions » ne sont pas toujours fruit de volontés claires et affirmées, mais peut-être issus des fortes pressions sociales suffisamment importantes pour que les acteurs ne se rendent pas compte, dans Lieber, Marylène, Genre, violences et espace publiques, 2008.
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Une structure sociale hiérarchique, basée sur un ensemble d’idées, de préjugés, de symboles et de mœurs dans lequel le genre masculin domine et opprime le féminin. Le patriarcat génère des inégalités dans le travail rémunéré, dans l’exploitation domestique, sexuelle et culturelle, avec les lois qu’il promulgue16. Ce type de discriminations vise les groupes sociaux les plus défavorisés: des personnes en situation irrégulière, des personnes à mobilité réduite, - que ce soit en raison de son âge ou bien d’une situation de handicap-. L’espace public peut aussi résulter discriminatoire pour certaines personnes en raison de leur classe sociale, culture, identité de genre ou orientation sexuelle. De la même manière, certaines pratiques, telles que la mendicité ou la prostitution, sont interdites au sein de l’espace public et condamnés par le grand public, ce qui se traduit en violence symbolique contre leurs agents. Dans le cadre de ce mémoire, je m’intéresserai à des discriminations qui sont induites par le patriarcat et qui sont liées aux identités de genre, aux rapports hommes-femmes et à leur intersection avec d’autres types de discriminations.
En Occident, depuis la Révolution industrielle, il existe des dynamiques propres au capitalisme et à la modernité plus puissantes que les institutions17. Ces dynamiques développent des inégalités au sein de l’espace public, mettant ainsi en danger la prétendue universalité dont il a été question. Au nom de l’embellissement des villes, et masquées derrière des dynamiques d’embourgeoisement, les villes sont le centre de la production, des machines à vivre ou à habiter18 où les investissements ont besoin d’avoir un retour. 16 Cevedio, Mónica, Arquitectura y Género, Icario, 2003, Pag 24 17 Harvey, David, Ciudades Rebeldes, Del derecho de la cuidad a la revolucion urbana, Ediciones Akal pensamiento crítico, Madrid 2012. 18 Le Corbuiser, Vers une architecture, Flammarion, Paris 2008.
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« The more public space is privatized, the less freedom of assembly there is, and you don’t have democracy without freedom of assembly »19 Dans cette logique, le modèle de ville que l’on a hérité s’est basé sur des parangons développementalistes, lesquels mettent en avant « le productif et rémunéré » au détriment des tâches reproductives et des soins. Ce modèle renforce la fausse dichotomie qui associe la sphère productive à la chose publique, au masculin et au pouvoir ; et la sphère reproductive au domaine du privé et du féminin, tout en perpétuant les discriminations en raison du genre20. Dans cette logique de critique de l’espace public au sein de la ville moderne et sa relation avec les paradigmes néolibéraux, s’inscrivent les apports de penseurs marxistes comme Henry Lefebvre21 ou David Harvey, lesquels mettent l’accent sur le lien entre production de la ville et relations de pouvoir. Mais s’il est vrai que leurs apports ont largement étudié sur la relation entre l’environnement construit et les relations de pouvoir, il n’en demeure que peu d’études se concentrent sur la problématique du genre au sein de la ville. Il convient de distinguer d’emblée genre et sexe, ce dernier faisant référance aux différences biologiques entre les personnes. Contrairement, quand on parle de genre, on pense aux différences culturelles entre hommes et femmes, et on tient donc compte de la complexité culturelle, qui n’est pas fixe et qui varie en fonction du temps, du lieu et des identités22. Le terme genre se rapporte aux rôles, aux comportements, aux activités et aux attributs sociaux qu’une société donnée considère comme appropriés pour les hommes et pour les femmes. La distinction de rôles et de comportements entre hommes et 19 Butler, Judith, “Public space is shrinking, being sold, or being monitored”, , lors d’une série de conférences au MACBA, Barcelone, http://www.publicspace.org/en/ post/%C2%A0-public-space-is-shrinking-being-sold-or-being-monitored. 20 Gutierrez, Blanca, “Espai públic amb dret d’admissió”, La Directa, 29 decembre, 2014. 21 Harvey, David, Ciudades Rebeldes, ibid. 22 Mónica Cevedio, Arquitectura y Género, Icaria, 2003, p. 23.
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femmes peut donner lieu à des inégalités, par exemple, lorsque ces différences favorisent systématiquement un sexe par rapport à l’autre dans des domaines qui peuvent aller jusqu’à la santé et l’accès aux soins.23 Sur la base des travaux critiques de la modernité, les théoriciennes féministes iront plus loin en se centrant sur les rapports de domination des hommes sur les femmes, pour en faire école. Ainsi, dans sa thèse de doctorat soutenue en 199224, Nancy Fraser revient sur la façon dont la conception habermassienne de la sphère publique exclut les femmes des discussions publiques et les discrimine en raison de leur sexe, et elle prouve comment l’intersection entre la sphère publique -ce théâtre au sein duquel les citoyens discutent leurs affaires communes en démocratieet le patriarcat prive celle-là de son prétendu caractère neutre. L’auteure nous montre la façon dont l’espace public reste hiérarchisé et elle approfondit sur sa thèse l’inégale participation de tous les citoyens et citoyennes à la discussion publique.
“Women of all classes and ethnicities were excluded from official political participation precisely on the basis of ascribed gender status, while plebeian men were formally excluded by property qualifications. Moreover, in many cases, women and men of racialized ethnicities of all classes were excluded on racial grounds”25 L’idéal habermassien n’est plus adéquat dans les sociétés capitalistes tardives mais il représente justement un idéal, une chimère à laquelle il faut tendre mais qui n’existe pas.
23 OMS, Organisation mondiale de Santé. 24 Fraser, Nancy, «Rethinking the Public Sphere. A Contribution to the Critique of Actually Existing Democracy», dans Craig CalhounN (ed.), Habermas and the Public Sphere, MIT Press, Cambridge MA, 1992. Traduction française par M. Valenta dans Loïc Blondiaux, Dominique Reynié et Collectif, “L’Opinion publique. Perspectives anglo-saxonnes”, Hermès, núm. 31 CNRS, Paris 2001. 25 Fraser, Nancy, “Rethinking the public sphere: a contribution of the Critique of Actually Existing democracy”, ibid, p. 63.
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Aujourd’hui, académiciens(nnes), théoriciens(nnes) féministes et plusieurs collectifs citoyens de différente nature affrontent la problématique des discriminations au sein de l’espace public depuis une perspective intersectionnelle26 et font des propositions dans ce cadre d’étude. Ainsi, la critique spatiale ne s’arrête pas à l’étude traditionnelle des espaces sexués hommesfemmes mais elle élargit le champ d’étude à des discriminations en raison de critères de différente nature, telle que la race, l’ethnie, le choix sexuel ou la classe sociale d’appartenance. Par exemple bell hooks27, intellectuelle américaine et militante féministe qui s’intéresse particulièrement aux relations existantes entre race, classe et genre, et à la production et perpétuation des systèmes d’oppression et de domination qui se basent sur ceux-ci, définit le féminisme comme étant la lutte visant la fin de l’oppression sexiste, et elle voit dans l’intersectionnalité sa principale caractéristique.
«On ne peut comprendre l’identification raciale indépendamment de l’identification de genre : les deux sont construites ensemble, et chacune renvoie à l’autre. » Joan Wallach Scott En termes de Virginie Tumelaire28 , « il s’agit d’un triple enjeu démocratique : pouvoir répondre aux attentes des femmes qui constituent près de la moitié de la population, pouvoir répondre aux besoins des groupes plus fragiles — notamment les enfants qui n’ont pas toujours l’occasion de faire entendre leurs voix directement —, et en insufflant le changement dans les politiques urbaines grâce à l’approche genrée, pouvoir dépasser le binarisme des rôles féminins et masculins dont la perpétuation nuit à l’achèvement de l’égalité de genre ». 26 Crenshaw Kimberlé, On Intersectionality: The Essential Writings of Kimberlé Crenshaw, The new press, 2015. 27 hooks, bell. Feminist Theory: From Margin to Center. South End Pr, 1985. 28 Tumelaire, Virginie, «Genre et Espaces publics, donner de l’espace à l’égalité de genre», Centre de Documentation sur la Politique de Genre d’Amazone, Mars 2015.
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C’est dans ce cadre que ce travail propose une réflexion critique sur l’option androcentrique qui a régné sur l’histoire et la pratique de l’urbanisme et son influence sur l’espace public. Faire de la critique veut dire dénoncer un système de relations discriminatoires qui se veut universel et neutre, pour ensuite, questionner cette normalité, et la déconstruire29. Dans ce but, le présent travail portera sur le questionnement de certaines structures de la discipline30, mais aussi sur la société patriarcale et capitaliste et, en même temps, mettra en avant quelques aspects du caractère universel et humaniste que peuvent avoir l’urbanisme et l’architecture. Les grandes tendances de la pratique féministe en matière d’urbanisme sous-tendent les projets qui visent à la collectivisation des tâches domestiques, la déségrégation de l’affectation du sol, la déconcentration des activités dans la ville, la généralisation de la participation, la priorité donnée aux besoins humains, particulièrement à ceux des groupes défavorisés, l’intérêt pour les réseaux communautaires et les entreprises autogérées, l’accent mis sur la qualité de vie et la protection de l’environnement.31 C’est pourquoi il est possible d’affirmer que l’urbanisme féministe met les personnes au centre du débat : comment vit-on l’espace public et quels sont les besoins et priorités des personnes au sein de celui-ci. Si l’espace public est le cadre et en même temps le moteur de reproduction des inégalités, l’urbanisme féministe cherche à les construire différemment à travers de nouvelles propositions qui transforment les stéréotypes de genre. L’intérêt du travail est donc d’identifier et de dévoiler comment 29 Montaner, Josep Maria, Arquitectura y Critica, Gustavo Gili, Barcelona 2013. 30 Par exemple les structures de reconnaissance du travail fait par des architectes dans le Prix Pritzker. Voir le texte de Scott Brown, Denise, “Room at the Top, Sexism and the Starsystem in architecture”, Architecture: A Place for Women, ed. Ellen Perry Berkeley and Matilda McQuaid (Washington, DC: Smithsonian Institution Press, 1989), 237–46. 31 Piche, Denise, Des villes au féminin, projets ici et ailleurs, Recherches féministes, Volume 2 numéro 1., 1989.
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l’espace public est porteur des valeurs dominantes de la culture (Occidentale) pour ensuite voir comment celles-ci peuvent entrainer des inégalités au sein de cet espace public. C’est dans ce cadre que l’on présentera des outils qui ont été utilisés au cours de l’histoire pour contrecarrer ces discriminations, des outils propres à la discipline de l’urbanisme (tel que le questionnement du zonning, ou le design de l’espace public), mais aussi des outils qui dépassent ce cadre, tels que la participation citoyenne.Ce faisant, il s’agit d’identifier les possibles déficits ou manques qui tentent de saboter un nouvel urbanisme qui soit l’embryon d’un contexte social plus juste et humain, quels que soient le genre, l’origine, la classe sociale et l’orientation sexuelle des personnes qui le pratiquent. Si l’égalité des sexes est un droit humain, l’application de la perspective de genre à l’urbanisme est un outil incontournable à tenir présent tout au long de la production de l’espace public, afin que l’égalité ne soit plus un droit mais bien une réalité.
VIOLENCES Pour comprendre les discriminations qui produisent des inégalités au sein de l’espace public il est important de dévoiler les types de violences sexueés, lesquelles se présentent de manière différente: tantôt physiques et explicites, tantôt symboliques et subtiles. «La domination masculine est tellement ancrée dans nos inconscients que nous ne l’apercevons plus, tellement accordée à nos attentes que nous avons du mal à la remettre en question. Plus que jamais, il est indispensable de dissoudre les évidences et d’explorer les structures symboliques de l’inconscient androcentrique qui survit chez les hommes et chez les femmes. Quels sont les mécanismes et les institutions qui accomplissent le travail 23
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de reproduction de l’« éternel masculin » ? Est-il possible de les neutraliser pour libérer les forces de changement qu’ils parviennent à entraver ?» 32 Dans cette première distinction d’intensité et de type de violence, il faut aussi différencier les violences institutionnelles des violences interpersonnelles. Puisque, la violence étant une notion très vaste, il existe bien de nombreux termes qui s’y réfèrent, mais la connotation physique qui lui est souvent attribuée fait en sorte que l’on passe souvent à côté d’autres formes de violence33. Le terme de violences envers les femmes vise à rendre compte d’un large éventail d’actes exercés par les hommes contre les femmes. Ces violences, qui doivent être conçues comme un tout, comme un continuum, relèvent d’un même rapport social de domination34. Le fait de parler de continuum, permet d’analyser ces violences comme un moyen fondamental de contrôle social, essentiel au maintien d’un ordre social sexué35. Comme nous l’avons avancé, les violences prennent des formes et des degrés différents: elles peuvent être d’ordre psychologique, auquel cas elles peuvent se manifester sous forme de drague, de commentaires relatifs à l’objectivation du corps, d’invasion de l’espace personnel, d’intimidations, d’insultes et de menaces36. Mais aussi physiques, acquérant ainsi des formes plus explicites : être suivie dans la nuit, harcèlement (harcèlement psychologique et sexuel, le harcèlement de rue, la traque furtive ou stalking), coups, tentatives de viol ou viol.
« L’expression du pouvoir du genre masculin par le biais d’agressions routinières contre les femmes est liée aux agressions non routinières comme les coups 32 Bourdieu, Pierre, «La lutte féministe au Cœur des combats politiques», article au Monde diplomatique, aout 1998. 33 Lieber, Marylène, Genre, Violences et espaces publics, pag 42. 34 Liz, Kelly, The continuum of Sexual Violence, cité dans Genre, Violences et espaces publics, de Lieber, Marylene 35 Liz, Kelly, Ibid. 36 Liz, Kelly, Ibid. page 45.
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ou le viol, qui ne sont que l’extension de pressions plus courantes »37 Ensuite, il existe toute une série de violences moins apparentes que l’on appelle «violences symboliques». Concept forgé par Pierre Bourdieu, le sociologue l’emploie pour dévoiler certaines inégalités d’ordre structurel38 spécialement fécondes pour la reproduction des rapports de domination. Dans l’espace public, la violence symbolique peut se présenter sous forme de publicités où, par exemple, le corps de la femme est objectivé ou associé à l’environnement domestique, ce qui renforce les structures de ségrégation spatiale. Une simple promenade en ville peut servir à rendre compte de la violence symbolique dans l’espace public, puisqu’on s’aperçoit aussitôt que les noms des rues sont dédiés la plupart du temps aux « grands hommes », qu’ils soient des politiciens, des médecins, des philosophes, des urbanistes, etc. Dans la commune bruxelloise d’Ixelles, par exemple, sur un total de 324 rues, 121 portent le nom d’hommes célèbres contre seulement 10 rues portant le nom de femmes célèbres. Sur Bruxelles ville, 145 rues sur un total de 544 sont dédiées aux hommes, contre 16 sont dédiées aux femmes. Et l’étude pourrait être étendue aux réseaux de transport en commun, des ponts et passerelles, etc. Parmi les différentes formesde violence symbolique on pourrait inclure les violences « prudentielles », celles qui sont transmises par les structures institutionnelles (Etat, école et famille), lesquelles tendent à se présenter sous forme de « conseils » pour les femmes concernant la forme de s’habiller, les horaires pendant lesquels il vaut mieux ne pas se balader, etc.
« C’est à travers toute une éducation, composée de rituels d’intégration de la norme masculine, que se façonne l’identité masculine, et que l’homme assure dans la 37 Liz, Kelly, The continuum of Sexual Violence, traduction par Marylène Lieber. 38 Lardy, Jean Miche, «La violence Symbolique chez Bourdieu», Paris, le Seuil, 1997.
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ESPACE PUBLIC: DROIT D’ADMISSION ?
société une fonction de reproduction de la domination » Pierre Bourdieu39 En effet, qui n’a pas entendu dire qu’il était « dangereux » pour une femme de sortir seule la nuit ? On peut à ce titre citer les conseils de la direction centrale de la Sécurité publique française, et à titre d’exemple, laquelle recommande « la plus grande prudence » aux femmes lors qu’elles se promènent, ainsi que quelques « précautions élémentaires », telles que « toujours marcher d’un pas énergique, assuré et sans donner l’impression d’avoir peur ». Ce genre de conseils transfèrernt la responsabilité sur les femmes, en masquant mal une recommandation subreptice de bien rester chez elles sous peine qu’elles se fassent agresser dans la rue. C’est aux femmes de faire attention40. D’autres types de violence symbolique peuvent être identifiées au sein de l’espace public, tels que, par exemple, la dépense budgétaire en termes d’équipements de loisir. La plupart des équipements sportifs sont utilisés deux fois plus par les garçons que par les filles (gymnases, skate-park, terrains de football, etc.)41. Il est également possible de constater une augmentation de la disparité, aux dépens du sexe féminin, avec l’avancée en âge. Souvent cette prédominance pour les loisirs dits masculins (skate, foot, gym) sont mis en avant à ceux dits féminins (danse, natation synchronisée, etc.) sous le prétexte de la canalisation des violences des jeunes. Cela perpétue l’appropriation de l’espace public de la part des garçons, dès l’adolescence et renforce d’une certaine manière la dualité publique, privé ; homme, femme ; et corollairement, des conduites viriles telles que le sexisme et l’homophobie lesquelles, selon Yves Raibaud42, se trouvent beaucoup moins dans les groupes mixtes. 39 Bourdieu Pierre, « De la domination masculine », Article paru en Août 1998, p.24, http://www.monde-diplomatique.fr/1998/08/BOURDIEU/3940 40 Marylène Lieber, Genre, violences et espace publiques, La vulnérabilité des femmes en question, Presses Sciences Po, 2008. 41 Raibaud, Yves, La ville faite par et pour l’homme, Égale à Égal, Belin 2015 42 Raibaud, Yves, La ville faite par et pour l’homme, ibid.
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CADRE THÉORIQUE
Ensuite, il se pose la question de l’intervention ou pas des institutions publiques dans le domaine. En convenant que l’espace public est porteur de la symbolique des valeurs dominantes, on peut sans doute affirmer que, dans une société capitaliste et patriarcale, la non-intervention des institutions permet la continuation et perduration des discriminations. Mais si la non-intervention des pouvoirs publics peut maintenir certaines formes de discrimination et les reproduire, l’intervention active et la stigmatisation d’un groupe social cible d’une politique publique peut aussi induire à une certaine reproduction des identités sexuées.43 La subtilité et la précision dans les diagnostics institutionnels sembleraient être la clef pour aboutir à une bonne intervention en matière de sécurité dans l’espace public. Le débat est toujours sensible et de pleine actualité. L’on pourrait croire qu’il ne s’agit pas d’un sujet d’intérêt général, ou même sans importance. Mais l’absence des noms des femmes dans les rues, places et les boulevards aussi bien que la présence de publicité sexiste dans l’espace public tend à perpétuer l’idée que seuls les hommes possèdent des capacités créatrices: à eux de donner les grands récits et d’être les protagonistes des grands moments de l’histoire. Au-delà du symbole donc, il s’agit de construire l’égalité entre citoyens, et d’inscrire dans la mémoire collective une histoire plus égalitaire. Ce continuum de violences, entraîne toute une série de discriminations plus ou moins explicites qui se matérialisent sous forme de peurs, de précautions et d’inconfort au sein de l’espace public. La qualité de l’espace public et son développement joue un rôle très important au niveau des sentiments de sécurité ou d’insécurité au sein de cet espace. Un transport public de qualité, un éclairage bien réfléchi, une publicité non discriminante ou 43 Scott, Joan W., L’énigme de l’égalité, Cahier du genre, 33, 2002, p. 17, cité par Marylène Lieber
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ESPACE PUBLIC: DROIT D’ADMISSION ?
bien la présence d’installations sanitaires dans les espaces publics peuvent contribuer à une certaine mise en égalité des personnes dans le champ public. La perception de sécurité donc est donc liée à la capacité des individus à s’approprier de l’espace public en acquérant un degré d’autonomie qui permette la libre circulation dans son intérieur. Plusieurs études concernant l’égalité des sexes évoquent une perception d’insécurité plus grande chez les femmes que chez les hommes44. Anne Thorne met en rapport cette perception d’insécurité chez les femmes avec le fait que certaines ne sortent pas la nuit ou qu’elles modifient leur trajet à pied en ville. Marylène Lieber insiste sur ce point: « Les agressions subies dans les espaces publics ne semblent pas entraver la mobilité des femmes. Toutefois, les violences, même les plus anodines en apparence, limitent leur liberté en portant une menace qui pèse, au-delà du moment où elles se produisent, et accroissent les sentiments de crainte que de nombreuses femmes disent éprouver à l’égard de l’extérieur. »45 La notion d’insécurité relance ainsi le débat sur l’accessibilité universelle à cet espace dit public et va a l’encontre de sa prétendue neutralité. Ce système d’intersection d’inégalités qui se reflète sur l’espace public sous forme de discriminations possède plusieurs sources. La première et plus évidente, est que l’urbanisme (et l’architecture) n’échappe pas au capitalisme patriarcal qui règne dans notre société. Si, comme on l’a vu plus haut, le patriarcat est structurel dans la société, l’architecture subit le même sort. La division sexuelle du travail a entraîné une division sexuelle de l’espace, ce qui a une très grande répercussion dans l’usage que
44 Women’s design Service in Collaboration with Anne Thorne Architect’s Partnership, “What to Do About Women’s Safety in Parks: from A to Y”, . 45 Condon, Stéphanie, Lieber, Marylène, Insécurité dans les espaces publics : comprendre les peurs féminines, Revue française de sociologie 2005/2 (Vol. 46), p. 265-294, DOI10.3917/rfs.462.0265
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CADRE THÉORIQUE
l’on fait de l’espace public46. Dans les chapitres qui suivent, on présente quelques outils qui ont été utilisés pour aller à l’encontre des discriminations genrées dans l’espace public et pour y remédier. Des projets d’architecture, d’urbanisme, de gestion urbaine, des campagnes publicitaires ou des interventions artistiques: tous les outils présentés portent un questionnement sur l’espace public. Qu’il s’agisse de gestion ou de conception, deux grands types d’outils seront présentés, basés sur quelques exemples. Tantôt historiques et tantôt contemporains, le premier group concerne l’action des collectifs, des groupes de femmes, ou des plateformes citoyennes, lesquels par leur participation dans la vie publique, ont réussi à changer l’ordre préétabli considéré comme discriminatoire. À travers la participation des groupes sociaux défavorisés et traditionnellement exclus de la décision concernant l’espace public, il est possible de dessiner des plans plus adaptés au quotidien de ses habitants. Le deuxième group d’outils concerne le dessin de l’espace public, et vise à analyser la façon dont le design en urbanisme (mobilier urbain, éclairage, ampleur des trottoirs, réseau des transports en commun, etc.) peut contribuer à la conciliation de la vie quotidienne de tous et de toutes. On se rend compte, ces deux thématiques sont intrinsèquement liées car la manière la plus facile de dessiner un espace public de qualité est celle de compter sur les personnes qui l’habitent, à travers des mécanismes tels qu’un processus de participation qui permette l’intégration des propositions des usagers à la réalisation du projet. Ainsi, les cas présentés par la suite cherchent à dépasser le rapport entre la sphère publique et la sphère privée -et leurs assimilations aux mondes productifs et reproductifs- comme rapport constitutif de discriminations. Faire du domestique 46 Dussuet, Annie, Le genre des territoires, féminin, masculine, neutre, Sous la direction de Bard, Christine, Presses de l’Université d’Angers, page 76.
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ESPACE PUBLIC: DROIT D’ADMISSION ?
public est une manière utilisée au cours de l’histoire pour sortir du monde du privé. Par exemple, quand les féministes, étant en minorité, croyaient que la violence envers les femmes était une affaire publique, le grand public réduisait la question au domaine privé, alors que par la suite on a dévoilé que la violence envers les femmes n’était pas une préoccupation ponctuelle mais systémique des sociétés patriarcales. C’est ainsi que l’on a réussi à en faire une question publique. Une nouvelle corrélation entre ces deux sphères permettra, entre autres, une bonne accessibilité pour tous et toutes ainsi qu’une fréquentation plus saine et égalitaire de l’espace public.
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CADRE THÉORIQUE
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ESPACE PUBLIC: DROIT D’ADMISSION ?
Cas d’Étude
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CAS D’ETUDE
A continuation on présentera une série de cas d’étude qui d’une manière ou d’une autre, répondent aux discriminations présentes dans l’espace public cités en amont. Les cas présentés diffèrent entre eux par sa nature (collectifs, associations, projets d’architecture, campagnes publicitaires, actions urbaines, installations artistiques) et par sa manière de répondre aux problématiques liées au genre au sein de l’espace public. Ils sont organisés en raison de sa nature. Ainsi, d’abord on trouve les collectifs, ensuite on présentera des projets d’espace public mais aussi des projets d’architecture. Ensuite on verra des projets artistiques pour en finir avec les exemples des luttes urbaines. 33
ESPACE PUBLIC: DROIT D’ADMISSION ?
CAS 1
COL·LECTIU PUNT 6 Barcelona, depuis 2004
Col·lectiu Punt 6 lors d’une promenade diagnostique, Barcelone.
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CAS D’ETUDE
Col·lectiu Punt 6 est un collectif de femmes architectes et chercheuses préoccupés de (ré) penser la ville pour rendre plus facile la vie quotidienne des personnes sans discriminations liés au genre. Le collectif travaille depuis une perspective de genre, notamment depuis l’expérience quotidienne des femmes. Cette manière de faire la ville qui met les personnes au centre du débat, instaure la participation citoyenne comme un outil incontournable à la réalisation des projets urbanistiques ou architecturaux. Elles ont développées plusieurs stratégies d’intervention dont la principale est l’établissement des diagnostiques et d’évaluation urbaine sous base de développement des dispositifs participatifs (promenades diagnostiques, ateliers participatifs, cartographies communautaires, etc.). Elles ont publié plusieurs ouvrages parmi lesquels on pourrait souligner «Espacios para la vida coditiana , Auditoria de Calidad urbana con perspectiva de género». Les audits de qualité urbaine développées par le Collectif sont un outil pour évaluer si nos environnements urbains répondent aux besoins et priorités des personnes sans être porteurs de discriminations sexuelles, raciales, générationnelles, de genre ou de classe sociale. Les audits sont pensés pour être appliqués dans des contextes socioculturels différents par ce qu’elles reposent sur la participation commune des citoyens, des médiateurs, des techniciens et des administrations publiques. L’audit proposé par le collectif est composé de trois phases de développement : 1. Diagnostic participatif : cette première partie récolte des données pour la réalisation d’une évaluation des espaces publiques avec les personnes voisines pour analyser s’ils répondent à ses attentes. 35
ESPACE PUBLIC: DROIT D’ADMISSION ?
Col·lectiu Punt 6 lors d’une promenade diagnostique, Barcelone.
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CAS D’ETUDE
2. Évaluation des espaces urbains : en deuxième lieu, à partir de l’information qualitative du diagnostic, extraire des informations quantitatives qui intègrent des aspects physiques, sociaux et fonctionnels, et qui permettent de comparer la situation des quartiers et identifier les lignes d’action. Les résultats sont alors validés par l’administration et les représentants du voisinage. 3. Évaluation de la gestion urbaine : finalement, cette troisième partie, cherche à analyser les départements de l’administration qui participent d’une manière ou autre à l’urbanisme et la planification pour évaluer si la perspective de genre est appliquée. Au lieu de parler de projet, ou des réalisations, elles préfèrent parler des stratégies à mettre en place pour être appliqués dans des contextes sociaux et culturels différents.1
Cartographie élaboré par Col·lectiu Punt 6 qui montre les espaces et ses utilisations.
1 Ciocoletto, Adriana, Espacios para la vida cotidiana, Auditoria de calidad urbana con perspectiva de género, Col·lectiu Punt 6, Barcelone 2014.
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ESPACE PUBLIC: DROIT D’ADMISSION ?
CAS 2
COLLECTIF IPÉ Bruxelles, depuis 2007
Discussions autour des cartes, Collectif IPÉ
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CAS D’ETUDE
IPÉ est un collectif composé d’architectes et d’urbanistes partageant un certain nombre de préoccupations liées aux questions urbaines, avec un intérêt particulier pour le développement local. La manière de travailler du collectif passe incontournablement par la participation active des acteurs qui font le territoire: citoyens et usagers. Ils envisagent le projet comme une démarche itérative, à plusieurs échelles et transversale. Le projet est luimême un processus de participation dont le but est d’accorder une plus grande attention aux transformations sociales. Ils mettent en œuvre des instruments participatifs pour intégrer un maximum de personnes dans le processus, spécialement elles qui, pour diverses raisons, ne se mobilisent pas spontanément. Ainsi, le Collectif essaye de mettre en place des projets au sein desquels la participation est présente dans toutes les étapes. «Dans cet esprit, nous tentons de promouvoir des projets qui sont eux-mêmes vecteurs de participation, c’est-à-dire qui, par leur nature ou leur montage, impliquent les acteurs dans les processus de production et de transformation de la ville.» Les méthodes d’action du collectif sont les promenades diagnostiques et la création d’espaces de participation locale citoyenne. Pour leurs membres, le projet découle directement de l’analyse, raison pour laquelle ils lui accordent une place centrale dans leur démarche.1
1 Informations obtenues au cours d’un entretien avec Amalia Riverio, membre du Collectif depuis sa création, et complétées à travers le recours au site web du collectif: http://www.ipecollectif.be/
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ESPACE PUBLIC: DROIT D’ADMISSION ?
CAS 3
MATRIX FEMINIST
DESIGN CO-OPERATIVE Londres, 1980
Illustration hdp: Image d’un Workshop organisé par Matrix, à Londres. Illustration bdp: Affiche pour intégrer la participation citoyenne aux questions urbaines, Londres.
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CAS D’ETUDE
Matrix est un des premiers collectifs de femmes architectes en Grande Bretagne à avoir introduit une perspective féministe dans la pratique architecturale. Né en 1980, Matrix s’est créé en regroupant des femmes de plusieurs disciplines: des architectes, des chercheuses, des académiciennes et des mères de famille. Le but principal du collectif était celui de faire prendre conscience à la figure de l’architecte devant les usagers, le responsabiliser et questionner leur relation. Le travail du collectif a aidé à développer un regard critique concernant le design et l’architecture et la façon dont ceux-ci peuvent affecter les femmes dans un environnement man-made et dans leur vie quotidienne. Le collectif porta un discours fortement politisé et fort critique envers le mouvement moderne en architecture. Et avec lui, envers la division sexuelle du travail qui exclut les femmes des positions de pouvoir et de prise de décision. Dans cette logique, Matrix développa des méthodes de participation comme outil principal de son travail dans le but d’adapter les moyens traditionnels d’expression à un public plus large et de réduire les distances entre clients, usagers et architectes.1 Les membres de ce collectif ont essayé d’intégrer des outils de participation à tous les niveaux et à tous les moments du processus architectural, ce qui inclut les premières discussions concernant le besoin des équipements, le financement, l’organisation, le dessin, la construction et finalement l’usage. Elles ont également organisé des workshops participatifs: des espaces d’émancipation et de débat architectural pour des femmes ouvrières et immigrées2. 1 Dwyer, Julia, Thorne, Anne, «Evaluating Matrix: notes from inside the collective», Altering Practices: Feminist Politics and Poetics of Space, Publisher: Routledge, 2007, pp.39-56 2 Matrix, Making Space, Women and the man made environment, Pluto Press, London, 1985
41
ESPACE PUBLIC: DROIT D’ADMISSION ?
CAS 4
ESPACES PUBLICS IXELLES COLLECTIF IPE + KARBON
Bruxelles, avril-novembre 2010
Discussions autour des affiches du Contrat de Quartier Sceptre, Collectif IPÉ
42
CAS D’ETUDE
Ce projet d’espace public, réalisé en collaboration entre le Collectif IPÉ et le bureau d’urbanisme Karbon, avait pour mission la définition de la programmation d’un ensemble d’espaces publics, dans le cadre du Contrat de Quartier Sceptre, à Ixelles (2010-2015). Dans ce cadre, il devait aboutir à la production d’un schéma directeur des espaces publics du quartier. Ainsi, le collectif a développé un schéma d’aménagement et de rénovation d’espaces verts et publics, une coulée verte au long de la voie du chemin de fer dans la commune d’Ixelles. Pour ce faire, IPE a mis en place plusieurs stratégies de participation et de communication spécifiques à toutes les étapes du processus: actions dans l’espace public, promenades-diagnostic, groupes de travail thématiques et tables-rondes réunissant des habitants et des experts techniques. Toutes ces démarches ont servi pour extraire des informations précises à partir des expériences des voisins. «Cette approche favorise l’émergence d’une culture commune de l’espace public et permet d’intégrer dans le travail de programmation les usages, les perceptions, les besoins des usagers et des habitants, mais aussi les opportunités et les contraintes techniques». La méthodologie a été la suivante : en premier lieu, assurer l’association d’un nombre d’habitants dont les caractéristiques soient représentatives de la diversité du quartier (en tenant compte d’indicateurs tels les revenus, les origines, l’identité, l’âge, etc.). En deuxième lieu, mettre en place un groupe de travail qui réunisse des habitants, des usagers et des techniciens. L’intention était celle de se projeter au-delà du programme de base pour penser l’espace public à une échelle spatiale et temporelle plus large. Cela, tout en établissant les priorités en fonction des besoins 43
ESPACE PUBLIC: DROIT D’ADMISSION ?
Groupe de travail Espaces publics CONTRAT DE QUARTIER SCEPTRE Etat d’avancement des réflexions du groupe de travail au sujet de la « liaison verte » et des rues Gray, des Deux Ponts, Kerckx, des Artisans et de la Natation.
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la rue Gray et permet de profiter de la topographie du quartier (franchissement de la vallée). De cette ma-
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Deux Ponts ce qui évite de déboucher directement sur
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européenne et la gare RER du Germoir? - Quel usage du talus entre le Pont du Sceptre et la rue Gray ? Un jardin à regarder ? Un jardin en terrasses ?
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RUE GRAy (ENTRE LA RUE WEÉRy ET LA RUE WAyENBERG) - Aménager la rue en zone 30. - Transformer la rue en plateau de façade à façade entre la rue Wéry et la rue Wayenberg. - Décourager le passage des camions par une signalétique adaptée. - Supprimer les obstacles sur le parcours (barrière, poteaux d’éclairages, panneaux publicitaires). - Déplacer les bulles à verre. - Elargir les trottoirs. - Quels espaces pour les adolescents. - Planter des fleurs au pied des arbres (lutte contre les déchets et sensibilisation).
- Créer une liaison cyclable continue entre l’esplanade
- Aménager une rampe depuis la passerelle vers rue des
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CAS D’ETUDE
identifiés par les acteurs et par les usagers. D’abord, trois promenades diagnostiques ont eu lieu dans le Quarter, suivies de plusieurs réunions pour débattre et discuter les impressions des parcours. Finalement, plusieurs procèsverbaux ont été rédigés par les collectifs en charge pour les intégrer ensuite dans les directives du Contrat de Quartier. 1
Discussions autour des affiches du Contrat de Quartier Sceptre, Collectif IPÉ
1 Informations extraites du site web du collectif et d’une discussion avec Amalia Riverio, le 26 mai 2016, membre du Collectif depuis sa création. http://www.ipecollectif.be/app.htm
45
ESPACE PUBLIC: DROIT D’ADMISSION ?
CAS 5
LLANO DEL RIO ALICE CONSTANT AUSTIN Californie, 1916
Workshop participatif pour la concertation du plan de Llano del Rio et Alice Constance Austin Projet du plan pour la communauté du Llano del Rio, 1916, Californie.
46
CAS D’ETUDE
Llano del Rio est un projet de communauté participative dans le désert du Mojave, en Californie. Alice Constance Austin, architecte et urbaniste socialiste, a participé en 1916 à sa création, à l’aide de Job Harriman, avocat socialiste qui fut en charge de l’organisation, de l’obtention des terrains et des aspects légaux de la communauté. Sous la forme d’une organisation circulaire, le projet intégrait des maisons sans cuisine, des équipements publics, des services communautaires et des espaces verts. Austin avait aussi prévu un système d’infrastructures de livraison des repas et des linges, ainsi que des laveries. La communauté du Llano del Rio a atteint le nombre de 1100 personnes en 1917. À ce moment-là, plusieurs maisons étaient érigées par moyen de l’auto construction, ainsi que plusieurs équipements collectifs, tels qu’un hôtel, un grand restaurant commun, quelques bâtiments industriels, etc. Austin n’arriva pas à convaincre les autorités pour réaliser son projet. D’autre part, l’opinion publique s’est détaché du projet car les maisons avaient une apparence carcérale, raisons pour lesquelles le plan d’Austin ne fut malheureusement jamais construit. Des difficultés de gestion de l’assemblée générale et des actions gouvernementales pour le démantèlement du projet finirent avec le rêve d’Austin. Llano del Rio est un des premiers exemples de planification par et pour des femmes dans la discipline de l’urbanisme. Fortement influencé par les socialistes utopistes comme Fourier, Godin et Howard, Austin dessina un quartier sensible aux préoccupations de la vie des femmes, ainsi que toute une série d’infrastructures mises en place pour rendre plus facile la conciliation entre la vie publique et les tâches reproductives, domestiques et de soins qui étaient réservées exclusivement aux femmes.1 2 1 Foster, John M. , “Another look at the Llano del rio colony”, Greenwood and Associates, SCA Proceedings, Volume 23 (2009), Foster and Kirkish. 2 Hayden, Dolores, Seven American Utopias: The Architecture of Communitarian Socialism, 1790-1975. MIT, Press, Cambridge, Massachusetts 1976.
47
Fiche 6
ESPACE PUBLIC: DROIT D’ADMISSION ?
Stockwell Health Center, Matrix Londres, 1990
CAS 6
STOCKWELL HEALTH CENTER
MATRIX FEMINIST DESIGN COOPERATIVE Londres, 1990
48
CAS D’ETUDE
Le Stockwell Health Center est un projet d’équipement de soins dessiné par le Collectif Matrix à la suite d’un processus participatif dans le quartier de Stockwell, à Londres. En 1990 la mairie de Londres décide d’entamer un projet pour créer un centre de soins dans le quartier de Stockwell, au sud de la ville. Lors des premières réunions publiques concernant le nouveau centre, un groupe de femmes concernées par le projet s’est créé pour en faire un suivi. Les autorités locales avaient prévu un dessin pour le centre, mais les membres du groupe se sont rapidement rendu compte que ce projet ne répondait pas à leurs besoins.
« When we were thinking about it, we kept having to look at this horrible plan and feeling irritated with it, so we thought, let’s have one of our own.” C’est à ce moment que Matrix a été contacté pour faire partie du processus de construction du centre. Le groupe avait rédigé un texte qui expliquait le type de centre que ses membres souhaitaient.
« They knew from experience in local community campaigns that the design of buildings affects women’s lives in all sorts of ways”. Le design final du bâtiment consistait en un plan en forme de « L » avec un service de Bar et une crèche au coin. La crèche ouvrait directement vers un espace extérieur fermé par le « L ».
Au long des ailes du bâtiment, on trouvait les bureaux, les postes d’information et les salles de consultation. Le bar et les espaces 49
ESPACE PUBLIC: DROIT D’ADMISSION ?
Plan de l’équipement de Stockwell Health Center.
50
CAS D’ETUDE
environnants étaient prévus pour, le soir, couvrir un maximum du temps avec des activités, des gens et du mouvement. Malgré que le Centre, tel que le collectif l’avait dessiné, n’a jamais été construit -sauf quelques conseils que la mairie avait pris en compte lors du dessin final-, le travail du collectif était celui de découvrir comment un groupe des citoyens peut démocratiquement réaliser un projet d’architecture et démontrer que les idées de la communauté étaient faisables . 1
1 Matrix, Making Space, Women and the man made environment, Pluto Press, London, 1985
51
ESPACE PUBLIC: DROIT D’ADMISSION ?
CAS 7
ROSENS MATTA RODA Malmö, 2010
Plan de l’intervention pour le Rosens Matta Roda
52
CAS D’ETUDE
Le Rosens Matta Roda est un projet de réaménagement d’espace public qui intègre les besoins féminins en termes de loisirs. En 2010, avec une volonté de développement urbain, notamment dans la banlieue populaire de Rösegard, la mairie de Malmö entame un projet de rénovation urbaine basé sur la circulation douce: piétonne et vélo. La ville suédoise a entrepris ainsi un processus participatif pour la transformation d’un parking en parc public. Dans un premier temps, le projet prévoyait un skate parc, des murs d’escalade et des panneaux de graffiti. Plusieurs études montrant que ces pratiques sociales dans l’espace public répondent aux attentes masculines et que peu des filles en profitent, la construction des équipements prévus au début n’aurait fait que prôner une utilisation sexuée du Park. C’est pourquoi la mairie de Malmö a décidé de conférer une place centrale aux femmes et aux filles pendant la réalisation du projet à travers la mise en place d’un espace participatif au sein duquel les associations du quartier, les voisins, petites entreprises et commerçants ont été appelés pour décider le futur de cet espace public. La participation fut un succès, non seulement au niveau de la proposition d’activités, mais aussi en ce qui concerne la réalisation et gestion des activités une fois le parc réalisé : projections de films, marché de Noël, évènements ludico-pédagogiques axés sur la préservation de l’environnement, etc.1
1 Tumelaire, Virginie, Genre et Espaces publics, donner de l’espace à l’égalité de genre, Centre de Documentation sur la Politique de Genre d’Amazone, Mars 2015.
53
ESPACE PUBLIC: DROIT D’ADMISSION ?
CAS 8.1
BRUNO KREISKY PARK KOSELICKA LANDSCHAFTSARCHITEKTUR Vienne, 2002
Plan de l’intervention du Bruno Kreisky Parc
54
CAS D’ETUDE
Le Bruno Kreisky Parc et l’Einseiedlerpark sont deux parcs piotes qui intègrent la perspective de genre à la conception et gestion des espaces publics à Vienne. Ces deux parcs introduisent une nouvelle manière de penser les espaces publics depuis leur planification jusqu’à leur construction et suivi. Les notions de sécurité et d’accessibilité à ces espaces sont au cœur des réflexions. Les deux parcs sont relativement proches l’un de l’autre et forment un circuit vert urbain. D’un côté, le Bruno Kreisky Parc est l’un des plus grands espaces verts du Cinquième quartier à Vienne (10.300m2). Le parc est perçu comme une oasis de verdure sur l’un des endroits les plus fréquentés de la ville. De l’autre, l’Einseiedlerpark, de taille un peu plus réduite (7800m2), est placé aux anciens bains publics du quartier. Les travaux ont été terminés en 2001 et en 2003. L’évaluation a posteriori montre que les objectifs de diversifier le public des parcs a été un succès: plus des femmes et de plusieurs générations assistent aux parcs. La Mairie de Vienne a ensuite à répété l’expérience avec quatre projets de parcs: Odeongasse, Danube Canal, Draschepark et Mortarapark. Le design devait mettre en valeur les besoins et les priorités des filles et des jeunes femmes en particulier : clarté des axes, espace de nature et taille différente et suppression des cages du terrain de football. Dans le Bruno Park un axe droit relie diagonalement l’entrée du métro au quartier résidentiel, en traversant le parc et en le divisant en deux zones à caractère différent. Du côté résidentiel, on y trouve un dessin à plus petite échelle, bien structuré et équipé: une aire de jeux pour enfants profitant des ombres des arbres, des buissons structurant l’espace et créant des ambiances plus privées et sont aussi utilisés pour jouer . On y trouve aussi des plateformes en hauteur, des arbres fruitiers et des monticules de terre qui génèrent des espaces privatifs à distance de la voirie. Du côté de l’arrêt métro, l’espace est plus 55
ESPACE PUBLIC: DROIT D’ADMISSION ?
CAS 8.2
EINSIEDLERPARK
TILIA BURÖ FÜR LANDSCHAFTSPLANUNG Vienne, 2001
Plan de l’intervention du Einsiedlerpark.
56
CAS D’ETUDE
libre, moins maitrisé : de vastes prairies structurées avec peu de ressources pour stimuler la diversité d’usages. Le travail topographique est important, avec des zones baisses pour les jeux de balle et des vagues vertes comme séparateur des espaces pour créer un jeu de vues. Le mobilier joue un rôle important et il est en lien avec les espaces pour enfants. En plus d’avoir les bancs traditionnels, on y trouve des hamacs rouges, lesquels, par leur visibilité et rareté dans l’espace public, induisent à une utilisation libre.1 2
Images des hamacs au Bruno Kreisky Parc.
1 Tumelaire, Virginie, Genre et Espaces publics, donner de l’espace à l’égalité de genre, entre de Documentation sur la Politique de Genre d’Amazone, Mars 2015. 2 http://www.koselicka.at/new.html et http://www.tilia.at/2_gemma-raus.html
57
ESPACE PUBLIC: DROIT D’ADMISSION ?
CAS 9
CANTON DE BERNE Suisse, 1992
58
CAS D’ETUDE
Le canton de Berne, en Suisse, développe depuis 1992 une méthode de planification régionale ayant pour but le contrôle de la dispersion urbanistique et la réduction de l’utilisation du transport privé en favorisant l’usage du transport en commun. Les mesures principales se centrent sur un plus grand investissement dans les réseaux de transport en commun et une planification de ses ressources à une échelle régionale. Au niveau européen, il s’agit probablement d’une des expériences les plus poussées de contrôle de la dispersion et de promotion d’un urbanisme de proximité. Le plan inclut la promotion active des pôles de développement multifonctionnel dans les principaux noyaux d’intersection des réseaux des transports en commun, ainsi que la déqualification du sol bâtissable situé à plus de 300 mètres des arrêts de transport, l’interdiction de construire de nouveaux centres commerciaux, de loisir et des bureaux loin des zones densément peuplées. En même temps, il abandonne la construction de grands parkings de dissuasion aux banlieues des villes et les remplace par des parkings plus petits, proches du réseau de gares régionales. Il promeut les déplacements doux à travers l’adaptation des espaces publics pour favoriser les trajets à pied ou à vélo ainsi qu’à travers la réduction des voiries et l’élargissement des trottoirs. Le plan suspend les projets de construction de nouvelles infrastructure dites « lourdes » et il réévalue les plans déjà approuvés.1
1 Sánchez de Madariaga, Inés. «Urbanismo con perspectiva de género». Sevilla, Instituto Andaluz de la Mujer, Junta de Andalucía y FSE, 2004.
59
ESPACE PUBLIC: DROIT D’ADMISSION ?
CAS 10
FRAUEN WERK STADT
EVA KAIL
Vienne, 1990
60
CAS D’ETUDE
Le Frauen Werk Stadt est un ensemble d’immeubles à logements fait par et pour des femmes. En 1991, dans un contexte de développement et d’expansion urbaine, Eva Kail entame le programme Frauen Werk Stadt, un complexe de 359 logements à Vienne. Ce projet de logements, espace public, loisir et espace de travail est conçu exclusivement par des femmes architectes. Le projet intègre la perspective de genre depuis le début et dans toutes ses étapes, que ce soit pendant la gestion et gestation du projet, mais aussi au niveau conceptuel et du dessin de l’espace public. Une attention particulière est mise dans chacune des échelles d’intervention : à grande échelle, avec un nouveau pôle de développement bien desservi en transport en commun, jusqu’à la petite échelle à travers l’attention aux espaces intermédiaires entre espace public et le logement, sans oublier le dessin des parcs, l’éclairage, la largeur des trottoirs, etc. Le cas de Vienne a été possible grâce à la coïncidence de plusieurs facteurs : un moment précis dans l’histoire de la ville, des conditions favorables aux niveaux politique, économique et social qui ont créé le cadre adéquat pour la réalisation d’un tel projet. Celui-ci se compose de deux blocs linéaires qui accueillent une rue semi-publique à l’intérieur, laquelle est, en même temps, espace intérieur d’ilot et espace public ouvert à tous. Cet espace a été conçu pour différentes activités, ce qui fait que plusieurs ambiances y soient proposées : passage, détente, sport, etc. On y trouve plusieurs équipements : une crèche, des locaux de stockage (vélo, poussettes, etc.), des ateliers, etc. Les architectes se sont concentrés sur le travail des transparences et de vues pour assurer une sensation de confort et de sécurité. À plus petite échelle, les maisons sont conçues en lien avec l’espace public. Même si dans ce travail on s’intéresse surtout à la problématique du genre en relation à l’espace public, la connexion de celuici à l’espace domestique est aussi importante. Les espaces intermédiaires sont surdimensionnés pour pouvoir y développer des activités quand il pleut et pour favoriser la rencontre entre 61
ESPACE PUBLIC: DROIT D’ADMISSION ?
Vue des immeubles du Frauen Werk Stadt.
62
CAS D’ETUDE
voisins. De même, les cuisines sont toujours orientées vers cette grande cour intérieure pour pouvoir avoir un regard sur l’ensemble et pour voir ses enfants jouer. Les logements sont également conçus pour être facilement modifiables, dans le but de pouvoir les adapter aux changements au sein des familles. À partir de cette expérience, elles ont continué avec ce programme, et en mars 2009 elles ont fini la construction du troisième ensemble de logements de ces caractéristiques. Le focus sur la qualité de vie et la manière de vivre a été aussi présent dans l’esprit des architectes pendant la réflexion que la qualité architecturale de l’ensemble .1 2
1 Booth, Chris, Infrastructura para la vida cotidiana: el proyecto modelo Frauen-WerkStadt, Sheffield Hallam University, mayo 2002. 2 Montaner Josep Maria, Muxí, Zaida, Arquitectura y política, Ensayos para mundos alternativos, Gustavo Gili, Barcelona 2015.
63
ESPACE PUBLIC: DROIT D’ADMISSION ?
CAS 11
MÉTROFÉMININ Paris, 2014 Métroféminin est une intervention artistique qui essaye de questionner la publicité des femmes dans l’espace public. À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, en 2014, l’artiste Silvia Radelli a proposé une révision de la carte du métro parisien et le remplacement d’une centaine des noms de stations masculins par des noms de femmes célèbres. Avec ce projet artistico-politique, Radelli soulève la question de la faible représentation des femmes, non seulement dans l’espace public, mais aussi dans l’histoire. De même, elle vise à publiciser l’empreinte du capital culturel et social des femmes dans l’espace public.1
1 Raibaud, Yves, La Ville faite par et pour les hommes, Égale à égal, Belin, Bordeaux 2015. 64
CAS D’ETUDE
CAS 12
ICONOGRAFÍAS Mexique, 1988
Iconografías est un projet de design urbain qui a pour but se favoriser l’orientation dans l’espace public à travers des logos, des dessins et des iconographies. “Je trouve que l’iconographie peut enrichir l’imaginaire collectif. Elle peut développer une compréhension du lieu sans connaître la langue. Les ‘logos’ sont des ambassadeurs visuels et leur impact dépend du message et de la façon dont ce message est transmis» Lance Wyman. Lance Wyman a développé une série d’iconographies lors des Jeux Olympiques de Mexico en 1988 qui servent de support à la compréhension de l’environnement. Sur la base de dessins facilement compréhensibles, il met en place une manière d’appréhender la ville et d’y se retrouver sans connaître ni l’endroit ni sa langue. 65
ESPACE PUBLIC: DROIT D’ADMISSION ?
CAS 13
T.P.A.M.P.
«TOUCHE PAS À MA POTE»
Bruxelles, 2012
66
CAS D’ETUDE
‘Touche pas à ma pote’ est une campagne publicitaire contre le sexisme qui vise à conscientiser les gens de la violence envers les femmes dans les transports en commun. Cette campagne est apparue suite à un reportage vidéo de Sofie Peters, « Femme de la rue », qui mettait en avant le sexisme quotidien dont sont victimes de nombreuses femmes, notamment dans l’espace public et dans les transports en commun. La campagne s’est rapidement répandue sur les réseaux sociaux et sur les médias, et elle a poussé plusieurs milliers de personnes à s’engager, de manière virtuelle, pour dénoncer le harcèlement de rue ordinaire. Cela a relancé le débat sur la sécurité dans l’espace public.1
« Ce sera l’occasion de les entendre sur leur perception du phénomène et de rappeler que la lutte contre le sexisme doit se faire autant dans la rue que dans des espaces aussi divers que celui du monde du travail ou de la famille ».
Sophie Peters lors d’un interview au huytebroek.
1 « Touche pas à ma pote » : une campagne contre le sexisme http://www.huytebroeck. be/?Touche-pas-a-ma-pote-une-campagne, 9 Octubre 2012
67
ESPACE PUBLIC: DROIT D’ADMISSION ?
CAS 14
QUAND MADOU DEVIENT MADOUCE Bruxelles, 2015
Image d’inauguration du projet artistique.
68
CAS D’ETUDE
‘Quand Madou devient Madouce’ est une intervention artistique réalisée dans le metro bruxellois qui cherche à publiciser les femmes dans les transports en commun. L’ASBL Amazone, en collaboration avec ses deux partenaires – la Société des transports intercommunaux de Bruxelles (STIB) et la Région de Bruxelles-Capitale – a présenté le résultat d’un projet aux multiples facettes. Le projet s’est conclu artistiquement et symboliquement dans la station de métro Madou où une place d’honneur a été attribuée à quatre portraits d’habitantes de la commune de Saint-Josse-TenNoode. Ces portraits des grandes dimensions, réalisés par Nora Theys, représentent quatre femmes ayant participé à l’étude. 1 2
« Je pense qu’on pourrait très bien aller de Madou à Madouce. Est-ce que ce n’est pas beaucoup plus joli ? Passer de Simonis à Simone. (…) De Churchill à Édith Cavell, cette héroïne de guerre que nous aimons tous. »
1 Tumelaire, Virginie, Genre et Espaces publics, donner de l’espace à l’égalité de genre, Centre de Documentation sur la Politique de Genre d’Amazone, Mars 2015. 2 http://www.lesoir.be/983973/article/actualite/regions/bruxelles/2015-09-08/stationmetro-madouce-met-femmes-l-honneur
69
ESPACE PUBLIC: DROIT D’ADMISSION ?
CAS 15
MAJORITÉ OPRIMÉE Bruxelles, 2010
Image sortie de la vidéo https://www.youtube.com/watch?v=kpfaza-Mw4I
70
CAS D’ETUDE
Majorité opprimée est un court métrage activiste qui dénonce les rôles attribués aux personnes selon leur sexe. Le court métrage, d’une dizaine de minutes environ, inverse les rôles traditionnellement attribués aux sexes et en fait ainsi une critique ironique. Dans la vidéo, réalisée par Éléonore Pourriat, on observe des situations quotidiennes de discriminations vécues par des femmes. Le fait d’inverser les rôles perturbe le spectateur et illustre très bien les inégalités quotidiennes dans la rue, à la maison, mais aussi dans les institutions.1
1 Vidéo posté sur YouTube le 12 juin 2012, https://www.youtube.com/watch?v=kpfaza-Mw4I
71
ESPACE PUBLIC: DROIT D’ADMISSION ?
CAS 16
JANE JACOBS
Lower Manhattan Expressway
New York, 1962
Image de synthèse du projet de Lower Manhattan Expressway prévu pour Robert Moses à New York.
72
CAS D’ETUDE
Pendant les années 1960, Jane Jacobs s’est impliquée dans l’activisme urbain Newyorkais. Elle s’est engagée au sein du mouvement qui luttait contre le projet de réaménagement de Lower Manhattan Expressway, une autoroute urbaine de huit voies qui traversait la ville et surplombait environ une quinzaine de blocs d’habitations. Les efforts pour arrêter la mise en place du projet de la communauté locale à l’aide de Jacobs sont souvent considérés comme l’un des points tournants dans le développement de la ville de NY.
“Cities have the capability of providing something for everybody, only because, and only when, they are created by everybody.” Bien qu’elle n’ait jamais obtenu un diplôme en architecture ou en urbanisme, Jacobs a développé une critique des mécanismes de planification de la ville moderne conventionnelle. Elle a cristallisé ses expériences et ses observations dans l’ouvrage Déclin et survie des grandes villes américaines1 , au sein duquel elle se positionne en faveur d’une planification alternative des villes: usage mixte face au zoning; planification Bottom-Up basée sur la participation des communautés face à la planification traditionnelle qui repose sur le jugement libre des experts; la ville dense comme génératrice de collectivités dynamiques face à la dispersion en banlieue, ainsi qu’une insistance sur les dynamiques d’économie locale, la promotion des petites entreprises, etc. face aux investissements des grandes entreprises.2 3
1 Jacobs, Jane, Déclin et survie des grandes villes américaines, traduction et préface Claire Parin, Postface Thierry Paquot, Marseille, France, Éd. Parenthèses, 2012 2 Tumelaire, Virginie, Genre et Espaces publics, donner de l’espace à l’égalité de genre, Centre de Documentation sur la Politique de Genre d’Amazone, Mars 2015. 3 Article issu de Project for Public Spaces, http://www.pps.org/reference/jjacobs-2/
73
ESPACE PUBLIC: DROIT D’ADMISSION ?
CAS 17
MELROSE COMMONS New York, 1990
Axonométrie du projet de renovation de Melrose Commons.
74
CAS D’ETUDE
Nos Quedamos est une ASBL newyorkaise située dans le quartier du Bronx et créé pour le développement de la communauté de Melrose. Elle regroupe des habitants, des propriétaires de logements et des commerçants du Bronx engagés dans la promotion de la croissance durable pour la communauté locale. L’association est née en 1990 lors des luttes urbaines contre un plan urbanistique de développement qui prévoyait le déplacement total des habitants. L’association a ensuite créé un nouveau plan, à l’aide du Bureau d’architecture MAP Architecture, qui intégrait les habitants dans la planification au lieu de les déplacer. Le projet de rénovation urbaine s’étend sur 30 ilots dans la partie sud du Bronx. Les objectifs généraux qui ont émergé de ce processus sont les suivants : l’élaboration d’un plan qui n’implique pas le déplacement involontaire des communautés présentes ; une distribution des espaces publics ouverts qui réponde aux préoccupations d’échelle et de sécurité dans le quartier ; la création d’un système de signalisation clair et facilement intelligible , ainsi que d’équipements communautaires, d’installations de loisirs, des centres de soins, etc. ; le développement de 2000 nouvelles unités de logements pour densifier le quartier ; la proposition d’un modèle de développement durable pour compléter l’infrastructure existante, etc.1 2 3
“You have to break through the cultural and language barriers, and it’s important to get city planners and housing officials out into the neighborhoods” 4
1 Mary Lou Gallagher, The Bronx is up, Planning, Septembre 1991, 57,9, ProQuest Central, p.14 2 www.nosquedamos.org 3 http://www.maparchitects.com/news/sort-homecoming/ 4 Stand, Petr, Garcia, Yolanda, Bautista, Eddie, «Melrose Commons, A Case Study for Sustainable Community Design», Prepared for the 1996 Planners Network Conference, “Renewing Hope, Restoring Vision: Progressive Planning in Our Communities.”
75
ESPACE PUBLIC: DROIT D’ADMISSION ?
CAS 18
MADRES DE MAYO Buenos Aires, 1976
Image des manifestations des «Madres» à Buenos Aires.
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CAS D’ETUDE
Les manifestations des Madres de Mayo [Mères de Mai] ont été un évènement qui a bouleversé le rapport entre la sphère privée et la sphère publique. En Argentine, en mai 1976, après la période trouble qui suivit la mort de Perón, la junte militaire, entreprend le kidnappe, torture et disparition des syndicalistes, travailleurs, académiciens, etc., mais aussi des enfants, et familiers des suspects subversifs afin de récupérer l’ordre et la paix au pays. Suite à ces évènements, les « Madres », tel qu’on les connaît aujourd’hui, se sont réunies dans la place principale de Buenos Aires pour réclamer le retour de leurs enfants. Elles exemplifient ainsi une appropriation spatiale et urbaine qui, ayant ses origines dans des actes privés, acquiert des significations publiques. Ce faisant, cet acte remet en question la frontière dressée traditionnellement entre les deux. Leur succès est né du fait que, malgré le manque d’attention qui leur a été octroyée par la police, le public et la presse nationale, elles ont réussi à se faire entendre et écouter. Femmes âgées et de classe travailleuse, peu d’intérêt. Mais leur visibilité dans l’espace public de représentation, dominé par les structures politiques et économiques, a fait de ces évènements un moment clé dans la création d’un espace public. Ce cas illustre un processus qui mène de l’émancipation des rôles traditionnels assignés, en tant que mères et épouses, à l’émergence d’un sujet actif et subversif malgré la violence physique et la répression exercée par le gouvernement. 1
1 Torre, Susana, ‘Claiming for the Public Space : the Mothers of plaza de Mayo’, from Diana Agrest, Patricia Conway and Leslie Kanes Weisman, (eds) The sex of architecture, 1996.
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Discussions
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DISCUSSIONS
L’intégration de la perspective de genre à la planification et gestion urbaine est une question relativement nouvelle1. Elle tient d’un côté, à réduire les inégalités entre hommes et femmes dans les conséquences sociales des projets qui touchent l’espace public et sa règlementation et, de l’autre, à transformer d’une manière durable les rapports de domination dans les sphères publiques et privées. La mise en égale des cas d’études présentés ci-dessus nous permet d’en faire une lecture transversale et de les comparer, d’en extraire les points communs, et les similitudes aussi bien que des différences et des nuances. Bien que de nature très différente, les exemples cités ci-dessus ont un substrat commun. La collectivisation des tâches domestiques, la déségrégation et sectorisation de l’affectation du sol, la dispersion des activités dans la ville, la généralisation de la participation, la priorité aux besoins humains et plus spécialement aux groupes défavorisés, l’intérêt pour une mobilité douce et de proximité, etc. sont des thématiques qui reviennent dans plusieurs des cas présentés et que l’on développera par la suite. Cette liste de bonnes pratiques ne vise pas à être exhaustive, ni à se poser en tant que guide ou liste de consignes à suivre absolument. En revanche, elle vise à être un outil d’étude des répercussions sociales des actes architecturaux et urbanistiques. Elle se veut utile pour voir attirer l’attention sur les façons dont ceux-ci peuvent être porteurs de toute une série de discriminations, ou bien au contraire, aller à l’encontre de la reproduction des dominations en raison du genre, de race ou de classe sociale. À titre d’exemple, quand on parle de participation des jeunes filles dans la conception d’un parc, c’est parce qu’on a observé que les 1 En Belgique, elle a été d’obligatoire application depuis 2002 à niveau régional et, en Autriche, un des premiers pays à l’adopter d’une manière transversale, elle a été instaurée en 1999.
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jeunes filles fréquentent moins les parcs que les garçons. Quand on parle de l’amélioration du réseau des transports en commun, c’est parce que les femmes l’utilisent davantage, puisqu’elles ont moins de licences de conduire, moins de voitures, etc. Dans les pages qui suivent on essayera de faire une analyse transversale des cas présentés, en se focalisant sur certaines thématiques. Elles sont récurrentes dans les cas pratiques présentés, mais aussi dans de nombreuses études théoriques et des publications. Malgré les différences des situations abordées, parfois au niveau d’échelle, parfois au niveau de la stratégie mise en place, tous les exemples ont certains points en commun, à savoir, le questionnement des rapports de domination genrés au sein de l’espace public et la proposition des outils pour les contrecarrer.
Quand on parle de favoriser le transport doux (transport en commun, piéton et vélo), de participation citoyenne et d’espace
Image de synthèse du projet de Lower Manhattan Expressway prévu pour Robert Moses à New York.
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public on a tendance à penser directement à l’échelle locale, celle du quartier. C’est dans cette échelle de proximité, cette sphère physique où l’on développe la plupart des activités de la vie quotidienne. On (re) connait les personnes qui le fréquentent, les commerçants, etc. Le quartier est probablement le périmètre le plus facile à s’approprier, et à s’y représenter. Il est fait de toute une série d’espaces de relation, équipements de proximité, commerces, arrêts de transport en commun, etc. qui sont destinés à satisfaire les besoins de la vie quotidienne. Néanmoins, la question de proximité ne dépend pas strictement des séparations administratives (du type communale, régionale, etc. Bien au contraire, elle peut naître spontanément. Quand Jane Jacobs (cas d’étude 16) se met en tête du mouvement de lutte pour arrêter le projet de Robert Moses (Lower Manhattan Railway) elle compte avec le soutien de toute une population qui partage un sentiment hostile vers un projet qui menace leur mode de vie et qui ne s’inscrit pas nécessairement dans un cadre administratif. À savoir, le projet de Moses proposait une autoroute urbaine qui allait détruire plusieurs immeubles à appartements dans les quartiers de Greenwich Village, Soho, Little Italy, Chinatown et le Lower East Side2. Le fait de partage une lutte commune à conféré un sentiment d’appartenance à une communauté qui a permis au collectif affecté de contrecarrer le projet de Moses. Avec une stratégie similaire, Yolanda Garcia, activiste et voisine de Melrose, New York, a réussi à rassembler les habitants autour d’une lutte commune (cas d’étude 17), qui touchait tout un quartier. Le plan de la mairie pour le quartier de Melrose culminait un processus de gentrification qui, après paupérisation, prévoyait le déplacement des habitants pour, soit-disant, le rénover. Habitants et commerçants se sont réunis pour contrer un plan de développement qui allait les faire déménager pour 2 Turner Christophe, “Mother Courage”, paru au The Guardian, 12 September 2009, http://www.theguardian.com/books/2009/sep/12/jane-jacobs-new-york-history).
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en rédiger un de nouveau. À l’aide du bureau MAP Architecture, l’ASBL Nos Quedamos a ouvert un processus participatif pour la concertation d’un nouveau plan qui était basé sur la rénovation physique du quartier (nouveaux logements, nouveau tissu commercial, etc.), mais aussi basé sur une croissance durable et une attention spéciale à la qualité de l’espace public : création de parcs, augmentation de la sensation de sécurité, amélioration du mobilier urbain, etc. Ainsi, au-delà de la rénovation physique du quartier (densification et construction dans des friches, promotion de 2000 nouveaux logements à bas revenu, etc.) on a mis en place toute une série de considérations concernant l’espace public qu’ont émergé du processus participatif auquel ont participé MAP, Nos Quedamos et les citoyens. À savoir, une densification contrôlée, en maitrisant les hauteurs de gabarit à l’échelle humaine et du voisinage, une augmentation du réseau de transports en commun local, l’intégration des services communautaires de proximité, des aménagements récréatifs et de loisirs et des centres de soins et de santé. Ici aussi, Melrose Commons n’est pas une délimitation administrative, mais une zone cible des politiques de rénovation urbaine. Le fait d’avoir vécu une expérience partagée entre toutes les personnes présentes a créé un sentiment d’appartenance dans un quartier où il fait bon vivre3.
“The development of the open space responds to the community’s concerns regarding security and program. Large spaces need to be visible from the sidewalk across their length and width, and located so that pedestrian 3 Des nombreux prix ont été attribués au projet de réaménagement : 2012 Award of Excellence Honorable Mention for Neighborhood, District and Corridor – Melrose Commons ; 2010 First Stage II LEED-ND Silver Certification in New York State – Melrose Commons; 2009 MASterwork Awards Honorable Mention for Best Neighborhood Catalyst – Melrose Commons; 2005 AIANYC Housing Awards Program Design Award – Melrose Commons; 1998 NYC Centennial Exhibition in the Museum of the City of New York – Melrose Commons 1996 Civics Lessons, Recent New York Public Architecture – Melrose Commons; 1994 ADPSR Project Award for Socially Responsible Work – Melrose Commons.
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traffic and building development provide an “eyes on” environment. Where possible these spaces should be related to existing or planned institutional use such as public schools and be programmed for other community uses such as after-school centers and community gardens. Smaller spaces, developed as children’s playgrounds and community gardens, should occur in mid-block locations and be formed by the residential buildings, with windows oriented towards them” À une autre échelle, mais tout de même avec une stratégie similaire, en 1990 dans son projet pour le Stockwell Health Center (cas d’étude 6), le collectif Matrix a essayé de réunir les citoyens autour d’un équipement de proximité dans le quartier de Stockwell, à Londres : un nouveau centre des soins dans le quartier. En réaction à une première proposition de la part des autorités, un groupe de femmes du quartier « the health center group » s’est rapidement rendu compte qu’elles avaient besoin d’un équipement différent. C’est à ce moment-là qu’elles ont contacté le collectif.
“When we were thinking about it, we kept having to look at this horrible plan and feeling irritated with it, so we thought, « Let’s have one of our own”.4 Toute la durée du processus de négociation, de planification et de débat du projet a aussi servi pour créer des liens communautaires entre voisins et futurs usagers. Le bâtiment devait héberger un centre de soins, une crèche, un bar et plusieurs bureaux. Un équipement qui rend plus facile la vie quotidienne aux personnes (et plus spécifiquement aux personnes dépendantes : enfants ou personnes âgées) est un équipement de proximité qui permet de concilier les tâches reproductives, ménagères et des soins avec
4 Matrix, Making Space, Women and the man made environment, Pluto Press, London, 1985, p.91
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la vie professionnelle et politique des ses habitants. Le choix des fonctions au sein de l’équipement touchait directement au groupe de femmes du quartier et elles se sont impliquées très rapidement dans le processus de gestation et conception du projet. La réalisation des projets à une échelle locale peut être un très bon outil pour résoudre des problèmes concrets qui touchent directement au voisinage. La participation directe des riverains peut entrainer un débat qui enrichisse la programmation des projets. Malgré la qualité irréfutable de la sphère de proximité, qui compte parmi ses avantages la création des rapports plus humains dans un petit cercle de connaissances, certaines chercheuses mettent l’accent sur la nécessité d’une action intégrée à plusieurs échelles d’intervention. Le travail sur l’échelle locale ne suffit pas si à une échelle plus large (communale, urbaine ou régionale) on ne fait pas attention aux enjeux de territoire (zoning, mobilité, budgeting). Les politiques publiques étant divisées par échelles d’intervention (législation fédérale, législation régionale, législation communale, etc.) elles tendent à encercler des problématiques dans des restrictions administratives alors qu’elles devraient être pensées de manière transversale, d’autant plus que la vie quotidienne des personnes ne se limite pas à une échelle en particulier. Le cas de Berne (cas d’étude 9) est emblématique car elle est une des premières régions à avoir appliquée une approche d’infrastructures douces à la planification. Il serait important de nuancer et de relativiser le succès de Berne, car la bonne qualité des infrastructures déjà existantes dans la région suisse permet d’en faire une analyse plus poussée. Néanmoins, ce cas nous permet d’identifier des actions et des stratégies concernant les processus de développement métropolitains aujourd’hui par exemple, en termes de mobilité. La mobilité est un des champs d’action dans le but de rendre 84
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les espaces publics accessibles à tous et toutes. Vu que le sentiment d’insécurité augmente quand l’éclairage n’est pas adéquat et quand les moyens de transport sont peu disponibles ou fréquents –et plus particulièrement la nuit, un réseau de transport en commun adapté aux besoins multiples est un outil pour aider à l’émancipation de toutes les personnes et leur permettre de jouir du droit à la ville. Il est intéressant de voir le point de vue d’Yves Jouffe5, sociologue des mobilités urbaines, concernant la proximité et la mobilité. Selon cet auteur, on a fait passer des autoroutes en pleine ville au nom de l’accessibilité aux villes, dans une logique d’ordenation du territoire qui suitue la voiture dans son centre. Cette situation est assez contradictoire car, d’un côté, on construit des grandes infrastructures routières pour accéder facilement aux villes qui, en même temps, se présentent comme des endroits hostiles au piéton. On pense aux infrastructures des autoroutes urbaines, chemins de fer, rings, etc. L’accessibilité dont on parle ici est celle du transport en commun en détriment de l’automobile privée. Intégrer la perspective de genre à la gestion de la mobilité urbaine veut donc dire tenir compte des particularités des groupes sociaux et de l’analyse de leurs déplacement en ville (quels usagers sont plus récurrents dans les transports en commun et dans les transports privés, quelles sont les motivations de leurs trajets, etc.). Nombreuses études6 7 8 montrent comment les hommes et les femmes utilisent différemment les transports en commun. Quelques éléments intéressants en ressortent. D’un côté, les 5 Jouffe, Yves (2011), Contre le droit à la ville accessible. Perversité d’une revendication consensuelle, Ediciones HIC (Habitat International Coalition), Santiago, Chile, janvier 2011, p. 45-58. 6 Van Uytven, Annemie, Civitas mobilis : gender issues, final report, Civitas mobilis, Leuven, 2009, p.31. 7 Rømer Christensen, Hilda, “Transgen : gender mainstreaming European transport research and policies : building the knowledge base and mapping good practices”, Copenhagen: University of Copenhagen, 2007. p.146. 8 Amazone ASBL, Les femmes et les transports publics, Institut pour l’égalité entre les hommes et les femmes, 2015, Bruxelles.
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femmes utilisent d’avantages les transports en commun9 pour plusieurs raisons : elles ont un moindre accès aux voitures que les hommes, de même que le pourcentage des licences de conduire est inférieur chez les femmes que chez les hommes10. Si, en outre, on intègre la variante de classe ou de race, les statistiques sont encore plus flagrantes. Paradoxalement l’ASBL Belge Amazone a publié une étude qui témoigne de l’existence de barrières qui empêcheraient les femmes d’utiliser les transports en commun, notamment en ce qui concerne l’accessibilité (pas toutes les arrêts et gares sont équipés d’ascenseurs, d’escaliers mécaniques, etc, absence de mobilier dans les arrêts de bus/ tram, etc, les manques en termes de sécurité11, non moins que des barrières découlant des tarifs, des trajets et des horaires. La discrimination est ainsi double.
« L’émancipation économique des femmes mène, dans les conditions urbanistiques actuelles, à une croissance des déplacements et à une complexification des problèmes de mobilité en ville. Les hommes et les femmes n’y circulent pas de la même manière »12. Une logique d’actuation comme celle de Berne est donc intéressante lors que l’on souhaite intégrer la perspective de genre à la planification de manière intégrée. Si l’on met à jour le réseau de transports en commun, en le faisant plus divers, plus sensible et que l’on l’adapte aux différences entre citoyens, à travers des mesures comme une meilleure répartition des fréquentations des transports en dehors des heures de pointe 9 Gender: Science, Technology, Environment, http://www.genderste.eu/ 10 Instituto Vasco de la Mujer, La evaluación de impacto en función del género en transporte y movilidad, Septembre 2013. 11 Bien que les passagères des transports en commun sont plus nombreuses que les passagers, il n’en reste pas moins que plus de femmes (43%) que d’hommes (38%) invoquent des raisons de sécurité pour justifier le fait de ne pas prendre les transports publics. Femmes et hommes : des chemins différents ? www.amazone.be/spip.php?article4494&lang=fr#nb7 12 Lienard, Claudine, ‘Ça roule, ma poule ?’ Théories et actions collectives de femmes pour la mobilité en Wallonie, Université des femmes, Bruxelles 2010.
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ou une meilleure interconnexion des réseaux dans le but de réduire les temps d’attente, l’espace public sera ensuite utilisé différement, avec un public plus mixte et plus divers. Si au début de ce travail on a évoqué la prétendue accessibilité universelle de l’espace public, à la lumière des éléments analysés il émerge que l’adaptation de la mobilité est un élément clé pour rendre effective cette accessibilité universelle. Le département des Transports publics du Royaume Uni, par exemple, réalise des enquêtes sur l’utilisation des transports en commun depuis l’année 2000. Les donnes ont été récoltées selon des critères de genre, d’âge, de métier, etc., une démarche qui peut être utile pour intégrer les besoins des femmes aux politiques de mobilité13. Ce qui est particulièrement intéressant dans la démarche de Berne est qu’elle met en place un système d’amélioration du réseau public des transports au niveau régional, mais que, parallèlement, ils ont réussi à l’appliquer sur la petite échelle. À l’aide de subventions publiques, ils ont promu des améliorations des espaces publics autour des gares: élargissement des trottoirs, réduction des largeurs des voiries, implantation d’un réseau de voies cyclables, mise en place de mobilier urbain, etc. Ce type de démarche peut résoudre quelques problématiques spatiotemporelles liées à la conciliation des sphères domestiques et publiques. Plus un réseau de transports sera réfléchi pour répondre à des besoins différents et multiples, plus des groupes sociaux différents vont en profiter. La création d’espaces publics accessibles et surs aux alentours des gares des transports régionaux comme dans le cas de Berne privilégie d’un côté ceux qui utilisent les transports en commun et, de l’autre elle peut contrecarrer quelques discriminations liées aux temporalités différentes au sein de la région qui peuvent être liées au genre.
« Du privé au public, et du domestique au global, les 13 «Les femmes et les transports publics», Amazone ASBL, Institut pour l’égalité entre les hommes et les femmes, Bruxelles 2015, p.3
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différences temporelles expliquent l’hégémonie de la contemporanéité et de cette manière les exclus ne sont plus ceux qui sont loin de l’activité, mais ceux qui ont un autre rythme, autre temps. Les exclus, les ‘autres’, sont précisément ceux qui n’ont pas la capacité de concilier leur temps privé avec le temps public, le temps ou se gère le pouvoir, le travail rémunéré et la reconnaissance, et là ou on détermine les activités qui sont reconnues comme urgentes et prioritaires face à celle qui peuvent être omises ou ignorés »14
Si l’exemple de Berne est utile pour voir comment la perspective de genre est appliquée à une échelle régionale, le cas de Vienne (cas d’étude 10) est intéressant parce qu’appliqué à l’échelle de la ville. Par l’intégration du Gender Mainstreaming (GM) à toutes les échelles de planification urbaine, Vienne est devenue une ville où il fait bon vivre15. Si l’espace public relève du pouvoir public, ce dernier doit veiller à rendre ces espaces accessibles et surs. Cela veut dire aussi qu’il doit activement prendre des mesures pour contrercarrer toutes les discriminations sous-jacentes à cet espace, quelle que soit la nature, et ainsi y promouvoir l’égalité des genres. Un outil politique essentiel qui s’applique à la gestion urbaine est le GM, lequel peut être définit comme «La (ré) organisation, l’amélioration, l’évolution et l’évaluation des processus de prise de décision, aux fins d’incorporer la perspective de l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines et à tous les niveaux, par les acteurs généralement impliqués dans la mise en 14 amann y alcocer, Atxu, borjabad pastor, Maite Espacios diferentes en un mundo desincronizado. La velocidad de las arquitectas en la Universidad, ETSA Madrid». Cité dans Arquitectura y Género, Maria Novas. Traduction personnelle de l’espagnol. 2014. 15 ”Liveability Indices: What can we learn from them?”, in Insights, n°1, Singapore, Centre for Liveable Cities, septembre 2013, http://www.clc.gov.sg/documents/insights_ doc/2013/CLCInsights_LiveabilityIndices.pdf
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place des politiques».16 Le GM, ou approche intégrée de la perspective de genre dans les politiques publiques, est une stratégie qui vise à renforcer l’égalité entre hommes et femmes dans la société. Cette stratégie met en place un examen comparatif de la situation des hommes et des femmes concernés pour ensuite en identifier les inégalités et les réduire, voire les éliminer17. Le GM est une approche transversale et structurelle, et elle cherche à s’inscrire dans toutes les disciplines politiques (emploi, affaires sociales, finances, santé, mobilité, justice, gestion urbaine, etc.) et dans toutes ses phases (préparation, décision, mise en œuvre, évaluation et vérification). Selon l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes : « La prise en compte systématique de la dimension de genre dans la définition et la mise en œuvre des politiques s’inscrit en outre dans le cadre du principe de ‘bonne gouvernance’ ou de ‘bonne administration’ qui implique notamment un haut niveau de transparence et d’objectivité dans la gestion des affaires publiques18 19. Actuellement, l’approche GM est obligatoire en Belgique à niveau régional. Par contre, à niveau local et communale, l’application du GM elle est seulement conseillée, sous le titre de Charte pour l’égalité des femmes et des hommes dans la vie locale. Malheureusement, seulement 9 des 589 communes belges l’ont signé et adopté.20 16 Conseil de l’Europe, «L’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Cadre conceptuel, méthodologie et présentation des bonnes pratiques», Rapport final d’activités du Groupe de spécialistes pour une approche intégrée de l’égalité, Strasbourg, Direction générale des Droits de l’Homme, 2004, édition revue (EG-S-MS (98) 2 rev), p. 13 17 Institut pour l’égalité des hommes et des femmes, Gender Mainstrereaming ; http:// igvm-iefh.belgium.be/fr/activites/gender_mainstreaming 18 Ibid. 19 Pour avoir plus d’information on peut visiter le site du Conseil de l’Europe en matière de gender mainstreaming : www.coe.int/t/dghl/standardsetting/equality/03themes/ gender-mainstreaming/EG_S_ MS_98_2_rev_fr.pdf 20 tumelaire, Virginie, Genre et Espaces publics, donner de l’espace à l’égalité de genre, Centre de Documentation sur la Politique de Genre d’Amazone, Mars 2015, p. 40.
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Schéma de conception du projet de Frauen Werk Stadt, Vienne.
Si le Gender Mainstreaming n’a été d’obligatoire application que récemment, l’analyse intersectionnelle21 reste un mot souvent réservé aux sociologues et au monde de l’académie. Appelée aussi théorie de l’intersectionnalité, elle est un outil analytique pour comprendre les situations de personnes subissant simultanément plusieurs formes de domination ou des discriminations en raison de la race, l’âge, l’origine ethnique et l’orientation sexuelle. Bien que cette définition soit apparue il y a désormais un quart de siècle, il est difficile de trouver aujourd’hui des politiques explicites qui visent à intégrer une perspective intersectionnelle aux politiques publiques dans sa totalité. Dans le cadre d’implantation du GM à la planification urbaine à la ville de Vienne, on trouve le projet de Frauen Werk Stadt. Un projet de 359 logements fait par et pour des femmes. Le projet est ambitieux et il intègre plusieurs échelles d’intervention. Il s’inscrit aussi en ce que les auteures féministes définissent comme les «infrastructures de la vie quotidienne». Le principe d’infrastructures de la vie quotidienne et de nouvelle vie quotidienne22 est née en 1979 lorsqu’un groupe de femmes 21 Crenshaw, Kimberlé. “Demarginalizing the Intersection of Race and Sex: A Black Feminist Critique of Antidiscrimination Doctrine, Feminist Politics and Antiracist Politics” University of Chigaco Legal Forum 1989: 139-167. 22 Horelli, L. y Vepsa, K, In search of supportive structures for everyday life, en ALTMAN, I. y Churchman, A. (eds.) Women and the Environment. New York: Plenum Press, 1984.
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Schéma axonométrique du projet de Frauen Werk Stadt, Vienne.
scandinaves23 a établi une vision commune pour une vie future plus unie. D’une manière explicite, il se donnait pour but de conçevoir la création d’une société qui allait redéfinir le travail – rémunéré et non rémunéré- d’une manière égalitaire et qui allait aussi organiser et distribuer toutes les tâches d’une manière qui n’ait pas recours aux stéréotypes sexuels. On pourrait aussi introduire la notion du care, qui regroupe toute une série de préoccupations ayant pour but d’apporter des réponses aux besoins des autres. La notion, introduite par Carol Gilligan dans les années 1980, ne relève pas seulement du souci des autres ni d’une préoccupation strictement féminine, mais d’une politique cruciale recoupant l’expérience quotidienne de la plupart d’entre nous24. L’idée du care croise de manière transversale la 23 NORD, The New Everyday Life Perspective, Estocolmo, The Nordic Council.1991. 24 Molinier, Pascale, Laugier, Sandra, Paperman, Patricia, Qu’est-ce que le care? Souci des autres, sensibilité, responsabilité, Editions Payot, Paris 2009
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Perspective du projet de Frauen Werk Stadt, Vienne.
notion de travail, de travail reproductif rémunéré et sa relation avec le capitalisme. La pensée de Silvia Federici s’inscrit dans cette même logique. Cette penseuse et activiste italienne a été parmi les pionnières des revendications pour la rémunération des tâches domestiques. Si le travail domestique est rémunéré, dit Federici, toutes les personnes pourront le faire. Le salaire serait pour le travail, et non pas pour les femmes25. C’est à cette vision que s’adhèrent les infrastructures de la vie quotidienne: questionner les structures de division du travail et proposer des nouvelles formes d’agencement qui soient plus adaptés aux besoins de notre époque. 25 Federici, Silvia, «Es un engaño que el trabajo asalariado sea la clave para liberar a las mujeres», Article paru au journal espagnol « El Diario », le 24 mai 2014, http://www.eldiario.es/economia/engano-trabajo-asalariado-liberar-mujeres_0_262823964.html
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Plan d’un appartement et vue du projetde Frauen Werk Stadt, Vienne.
La notion d’ «infrastructures de la vie quotidienne» s’inscrit dans un contexte spatial et provient de la confluence des études de genre et de la pratique urbanistique : se déplacer aux postes de travail, accompagner les enfants à l’école, faire les courses, réaliser des rencontres sociales, participer du loisir que la ville offre, parmi un énorme éventail d’autres taches laborales, domestiques et politiques. Elles se développent dans les environnements physiques dessinés par des architectes, designers, et urbanistes. Cependant, ces espaces peuvent tourner le dos à des groupes spécifiques comme les femmes, les personnes handicapées, les enfants et les personnes âgées, jusqu’au point de générer des difficultés dans leurs vies quotidiennes. Le choix du terme «infrastructures» n’est pas innocent. Dans le langage traditionnel de l’urbanisme, les infrastructures sont liées aux aspects productifs de la ville : système routier, ferroviaire, télécommunications, système d’égouts, etc. Souvent, ces types d’infrastructures, dites dures, apparaissent dans les priorités politiques à partir desquelles se fondent les plans urbanistiques. C’est pourquoi le fait de parler d’ «infrastructures» pour parler de tous les actes qui soutiennent les tâches non productives de la ville a une connotation politique très forte qui poursuit leur valorisation et intégration dans les priorités institutionnelles. 93
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Guide de dessin de l’espace public et de l’interaction sociale, dévéloppé par Matrix, dans Making Space, 1985.
Le concours du projet urbanistique a été gagné par Franziska Ullmann. Franziska elle-même et trois autres architectes (Gisela Podreka, Else Prochazka et Liselotte Peretti) ont projeté chacun des quatre immeubles qu’intègrent le projet. Ce dernier s’axe sur trois objectifs : intégrer les différentes étapes de la vie quotidienne des femmes aux critères de design, aux processus de planification et à la construction des logements ; augmenter le pourcentage des femmes qui participent aux processus de planification pour leur garantir une place dans le développement urbain futur et , enfin, démontrer que les critères pour une planification adaptée aux femmes sont possibles dans la pratique et non seulement en tant que manifeste théorique. Une attention particulière a été accordée sur le dessin de l’espace public dans toutes ses échelles, dès l’accessibilité du transport en commun depuis le 94
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Image du métro de Mexico DF
centre-ville, jusqu’au dessin du mobilier urbain. Les relations entre espaces intérieurs et extérieurs sont directes et fluides et conçues dans le but de créer des espaces intermédiaires. Ces espaces, qui n’ont souvent pas un usage défini, peuvent être très utiles comme endroit de rencontre entre voisinage, endroit de jeu en cas de pluie, etc. Les façades transparentes au rez-de-chaussée et une multiplicité d’entrées peuvent aider à une sensation de sécurité. Souvent on associe un manque de visibilité et un manque du contrôle à une sensation de peur ou d’insécurité. C’est pourquoi une bonne orientation des portes d’entrée, ainsi que des cages d’escalier, peuvent contribuer à une ambiance conviviale. Comme le disait
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l’architecte Josep Llinàs lors d’une conférence à l’ETSAB26, les sphères publique et domestique s’enrichissent mutuellement là où elles se rencontrent grâce à la perméabilité et aux transferts réciproques entre les deux. Des espaces de stockage surdimensionnés ont été mis au rezde-chaussée pour entreposer des vélos, des chaises roulantes, des poussettes, etc. Les logements sont étroitement liés aux espaces publics et semi-publics environnants. Par exemple, dans le cas de Vienne, les espaces de vie (salon, salle à manger et cuisine) sont orientés vers la cour intérieure en relation visuelle avec les espaces de jeux extérieurs. Malgré que l’on s’intéresse principalement à l’espace public, les conditions du logement sont ici très intéressantes car ces deux sphères sont très liées. Des équipements de proximité tels qu’une crèche, un centre de soins, une station de police et environ 800m2 de surface commerciale de proximité sont aussi inclus dans le projet. Un endroit dynamique et en mouvement, et avec un public multigénérationnel qui contribue à un environnement sain et agréable. Il ne s’agit pas d’affirmer que tous les publics doivent forcément se mélanger (on imagine aisément des publics dont les besoins sont différents), mais plutôt de faire en sorte que toutes les personnes puissent retrouver sa place dans un espace public de proximité. La présence de mobilier urbain favorise également l’échange entre voisins et la bonne circulation. Les bancs sont disposés dans les rues à forte pente ou dans les longs trajets (entre deux endroits à forte densité, par exemple). Les bancs linéaires ne favorisent pas le croisement du regard ni la conversation. Ils sont protégés de la circulation lourde par des haies ou des
26 Escola Tècnica Superior d’Arquitectura de Barcelona, Conférence cycle Habitatge i Centre Cultural Fort pienc, Taller temàtic d’Habitatge i Rehabilitació, Seminari construir comunitats, Barcelone, 18 mars 2015.
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arbustes ou bien ils sont collées aux murs27. Encore plus, à l’échelle du détail, les pavés comme élément constitutif des trottoirs présentent souvent des problèmes pour les personnes âgées, pour l’utilisation des poussettes ou pour des personnes à hauts talons, et ce matériel peut aisement être remplacé par des matériaux qui vieillissent mieux et qui ne glissent pas en cas de pluie. De la même manière, la mise en place d’une signalisation claire qui soit visible, en hauteur, et qui montre facilement où sont les équipements de proximité est désirable, que ce soit pour les personnes âgées, aussi bien que pour les personnes qui arrivent en ville pour la première fois, non moins que pour les personnes analphabètes. C’est dans cette logique que les signalisations désignés par Lance Wyman (cas d’étude 12) prennent du sens. C’est lors des Jeux Olympiques du Mexique que tout un réseau de signalisations iconographiques sont mises en place pour faciliter l’orientation d’une manière ludique en ville. Un espace public qui rend plus facile les tâches quotidiennes est aussi un espace qui offre de l’autonomie et qui favorise l’égalité d’opportunités aux personnes.
« De larges trottoirs qui favorisent la réalisation d’activités de différente nature, avec une différentiation des matériaux, des couleurs et des textures en cas de changement de niveau; des tours d’arbres au niveau du trottoir; des garde-corps et des rampes dans les zones à pente considérable ; des pas des piétons très différenciés et des feux qui tiennent compte des temporalités lentes; des bancs à l’ombre qui génèrent des zones de repos dans les parcours urbains ; des espaces intermédiaires entre extérieur et intérieur ; une signalisation qui rend plus facile l’orientation, l’identification et l’appropriation. Les espaces de relation doivent être travaillés de manière inclusive, en réfléchissant à tous les âges et les conditions 27 Chaumont, Laura, Zeilinge, Irene, «Espace public, genre et sentiment d’insécurité», Garance ASBL, 2012, page 10.
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des personnes qui vont s’en servir, de façon à incorporer des espaces pensés pour des groupes d’utilisateurs précis enfants, personnes âgées, etc.)28 » Outre aux projets d’immeubles, Eva Kail, a entrepris, à l’aide de son Bureau, plusieurs projets de parcs. Les projets partaient de l’analyse29 d’utilisation des espaces publics de manière genrée. Depuis son application, une des méthodes de travail dans le cadre du GM est la Budgétisation genrée (Gender Budgeting) qui, par le biais de l’intégration de la variante sexuelle dans les statistiques, vise à une distribution des ressources égalitaires. Précisément, l’étude examine la façon dont les filles et les garçons utilisent les parcs viennois, ce qui a permis de constater que les filles adolescentes ont une tendance à se retirer de l’espace public, alors que la présence des garçons du même âge augmente considérablement.30 Cette étude a conduit à la réalisation de deux projets pilotes d’aménagement de parcs publics (fiche 8) : Einsiedlerpark et le Bruno Kreisky Park. L’étude a permis de comprendre les différences de mobilité, d’intérêts et de priorités des filles par rapport aux garçons au sein des parcs pour ensuite les intégrer à leur conception et à leur design. Ainsi, plusieurs aspects de la phase de conception ont été soigneusement traités : accessibilité, sécurité, visibilité, 28 «Aceras anchas y activas que favorezcan la realización de diferentes actividades, con diferenciación de materiales, colores y texturas en los cambios de nivel; alcorques al mismo nivel de la acera; barandillas y rampas en las zonas con pendiente; pasos de peatones muy diferenciados y con semáforos que tengan en cuenta los tiempos lentos; bancos con sombras que generen zonas de descanso en los recorridos urbanos y en las áreas de estancia; espacios intermedios de relación entre los interiores y exteriores; señalización que facilite la orientación, la identificación y la apropiación. Se tienen que trabajar los espacios de relación de manera inclusiva, pensando en todas las edades y condiciones de las personas que lo usarán, incorporando espacios específicamente pensados para grupos concretos de usuarios y usuarias». Zaida Muixí dans Arquitectura y Género, Maria Novas, p. 51, traduction personnelle. 29 Schlaffer, Edit, Benard, Cheryl, «Verspielte Chancen? Mädchen in den öffentlichen Raum! » , « Opportunités perdues ? Les filles dans l’espace public » (1996/1997). 30 Genre et espaces publics, Donner de l’espace à l’égalité de genre, Centre de documentation sur la politique de Genre d’Amazone. Page 44.
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DISCUSSIONS
Aspects physiques Design polyvalent et multifonctionnel de l’espace Présence des plaines de jeux Espaces verdoyants Visibilité et transparence Bon éclairage et accessibilité Bon entretien Bonne connectivité et environnement multifonctionnel Participation citoyenne dans le design des espaces
Conséquences sociales Diversité des personnes qui occupent l’espace Diversité d’activités Interaction et comunication entre personnes Célébrations, trouvailles, fêtes populaires Tableau dévéloppé par Ortiz Guitart, Anna, Hacia una ciudad no sexista. Algunas reflexiones a partir de la geografía humana feminista para la planeación del espacio urbano,
signalétique et maintenance. Anna Ortiz Guitart31 a élaboré un tableau basé sur les travaux de Lia Karsten32 et de Ursula Paravicini33, dans lequel elle expose quelques aspects physiques dans le dessin de l’espace public qui ont des conséquences dans l’usage.
31 Ortiz Guitart, Anna, Hacia una ciudad no sexista. Algunas reflexiones a partir de la geografía humana feminista para la planeación del espacio urbano, Territorios 16-17 / Bogotá 2007, pp. 11-28. 32 Karsten, Lia, Children’s use of public space: the gendered world of the playground, en Childhood 2003, 10 (4): p. 457-473. 33 Paravicini, Ursula, Public spaces as a contribution to egalitarian cities, en Ulla Terlinden (ed.), City and gender. Intercultural discourse on gender, urbanism and architecture. Schriften der Internationalen Frauenuniversität, Opladen.2002.
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Espace de participation à Malmö, Rosegard.
Dans le Bruno Park, les espaces d’action et les espaces de repos sont séparés. Un design polyvalent et multifonctionnel de l’espace permet plusieurs types d’ambiances et, par-là, plusieurs types de publiques, en fonction du genre, de l’âge ou des habilités physiques. La présence de plaines de jeux pour enfants, qui soient bien visibles depuis le mobilier urbain environnant (sans barrières architecturales), et bien entretenues (propreté et mobilier urbain adéquat), est importante pour permettre la diversité d’usages (gens assis, enfants qui jouent, etc.). Bien que le parc soit accessible à tous les publics, les activités plus différenciées sont séparées. Une notion importante à tenir compte est l’accessibilité depuis les transports en commun. On trouve là une des principales différences entre les deux parcs. L’un –Bruno- est directement lié au réseau des transports en commun (métro, bus) ce qui rend le parc facilement accessible depuis plusieurs zones de la ville. Alors que, à Einsiedlerpark, la station de métro la plus proche se situe à environ un kilomètre 100
DISCUSSIONS
de distance du parc. Une attention spéciale a été portée sur la sensation de sécurité du parc. La question de la sécurité est un des critères dont il faut tenir compte lorsque l’on analyse des espaces publics. L’expérience des femmes (et d’autres groupes minoritaires) avec la violence est directement associée aux relations de pouvoir patriarcales de domination présentes dans les sociétés occidentales. Malgré les statistiques qui situent la plupart des violences envers les femmes dans la sphère domestique, il n’en demeure que les espaces urbains présentent des obstacles pour le déroulement de la vie quotidienne pour beaucoup des femmes. En effet, il existe un risque beaucoup plus grand de subir violences machistes pour les femmes que les hommes et, par conséquent, elles tendent à éviter certaines zones considérées comme dangereuses. Ces choix témoignent de l’idée que l’espace peut être dangereux, ce qui réaffirme la domination masculine dans l’espace public. Ainsi, selon certaines auteures, les femmes peuvent contribuer de manière indirecte à la reproduction de la domination masculine sur l’espace.34 Or, ce cercle vicieux – expériences, peurs, domination masculine - peut être contrecarré à travers quelques stratégies qui peuvent être intégrées dans les politiques de gestion urbaine. Tant en journée comme en soirée, l’accessibilité libre et universelle aux espaces publics reste toujours à atteindre, ce qui le situe en tant qu’élément important lors de la conception des espaces. Cela peut être promu à travers un éclairage qui permettrait une anticipation des situations ( l’œil précède le pas ), mais aussi à travers la création d’ambiances sûres et de facile appropriation. Le sentiment d’appartenance à un endroit, un 34 Buckingham, Shelley, Análisis del derecho a la ciudad desde una perspectiva de género, article publié en Ana Sugranyes y Charlotte Mathivet (eds.), Ciudades para tod@s. Por el derecho a la ciudad, propuestas y experiencias, Santiago, Coalición Internacional para el Hábitat, 2010, pp. 59-64. Document complet disponible sur <www.hic-al.org/>.
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quartier ou une place, fait croître le sentiment de sécurité de cet endroit. C’est à partir de cette idée que les architectes ont conçu les espaces et les ambiances des parcs. Car, si l’on tient compte des spécificités des peurs produites par les inégalités présentes dans l’espace public, on pourrait réduire leur effet contraignant en termes de mobilité et accessibilité. Le parc Rosens Matta Roda dans la banlieue de Rosengård, à Malmö (cas d’étude 7) a été conçu d’une manière similaire. Ancienne parcelle en périphérique utilisée en parking, elle a été réaménagé en parc public. Encore ici, une étude genrée des activités qui se réalisent au sein des espaces publics a permis d’identifier comment et quels types d’espaces reproduisent ou renforcent certains types de rapports de domination. C’est ainsi donc que le Rosens Matta Roda voit la lumière. Dans un premier moment, le parc prévoyait l’installation d’un skate parc, des murs d’escalade et des panneaux pour graffitis35. De la même manière qu’à Vienne, ici, le Gender Budgeting a permis d’analyser quel type d’installation était utilisée en fonction des genres36 et a permis aux commanditaires d’opérer un changement de programme pour le parc. Un groupe de travail s’est ainsi crée pour la mise en place d’un espace de participation. Pendant plusieurs mois, des collectifs, associations et petites entreprises du quartier se sont engagés dans ce processus qui mettait les intérêts des jeunes filles et les femmes au centre des préoccupations. Les attentes ou les priorités des filles montrent un contraste avec les premiers croquis du parc : des espaces destinés aux activités de dance et de musique. Le dessin du parc fait ainsi spéciale attention aux problématiques issues des espaces de participation. Une scène est mise en place pour faire des représentations, pour y faire des concerts ou tout simplement pour jouer. Des gradins sont 35 Tumelaire, Virginie, Genre et Espaces publics, donner de l’espace à l’égalité de genre, Centre de Documentation sur la Politique de Genre d’Amazone, Mars 2015, Page 54. 36 Tumelaire, Virginie, Ibid. Seulement un 10-20% des jeunes filles répondent aux intérêts par ce genre d’activité socialement attribuée aux garçons.
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DISCUSSIONS
Discussion autour d’une maquette à grande échelle, par Matrix.
installés pour sauver le dénivelé important entre le haut et le bas, ce qui permet d’éviter les points noirs et peu visibles, mais aussi de créer un espace de détente avec des vues sur la place. Finalement, les parties proches des voies de circulation ont été protégées par des haies ou des arbres. Si la définition de la notion d’infrastructures quotidiennes et sa définition est relativement récente, les apports des architectes qui travaillent dans ce sens à la planification urbaine ne l’est pas. Nous pensons par exemple à Alice Constance Austin, laquelle participe, dès le début du vingtième siècle à la création d’une communauté socialiste autogérée en Californie (cas d’étude 5). Avec un bagage fortement lié à celui des premiers utopistes socialistes (Charles Fourier, Jean-Baptiste André Godin, etc.) qui avaient déjà esquissé la collectivisation des tâches domestiques, Austin dessine le plan d’une ville sous forme circulaire dans lequel elle met en place des infrastructures collectives et des stratégies pour rendre la vie quotidienne plus facile : un système novateur de gestion des déchets, un système centralisé de lavage 103
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Discussion autour d’une carte lors d’un parcours diagnostique, Torelló, Catalogne.
des linges, des cuisines et des crèches collectives, etc. Bien que l’on ait accès à peu de documents graphiques sur le projet, on sait qu’une attention spéciale a été accordée à l’espace public partagé.37 Malheureusement le projet ne fut jamais construit, car les institutions californiennes ne furent jamais d’accord avec un projet dont le caractère politique était tellement significatif, en même temps que, au sein de la communauté, de nombreuses personnes sabotèrent le projet par son apparence prisonnière.
La participation est un élément structurel et récurrent dans toutes les initiatives présentées plus haut. Elle permet un exercice intense d’empathie : comprendre les besoins et les manières de vivre des gens, et anticiper les changements qu’une société subit. Ceci est primordial pour construire les espaces publics qui sont nécessaires à un bon développement de vie en communauté. 37 Foster, John M. Greenwood, “Another look at the Llano del Rio colony,” and associates Alex kirkish California department of transportation, SCA Proceedings, Volume 23, 2009.
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DISCUSSIONS
Maquettes réalisées par des enfants pour le projet de Malmö.
Dessiner des espaces avec le citoyen (en tant que guide et complice) permet à toute initiative de partir du consensus et qu’un débat collectif soit généré autour du projet38. Ensuite, une implication de la part du citoyen dans les processus de construction de la ville génère une conscience sur les questions collectives et elle augmente le sentiment d’appartenance et de responsabilité vers les espaces communs de la ville. Il convient de souligner, toutefois, que la participation n’est pas synonyme de succès. Les dynamiques au sein des nouveaux espaces de participation (associations des quartiers, contrats de quartier, etc.) peuvent refléter les mêmes discriminations existant dans des espaces de participation traditionnels. Il faut faire une attention particulière à ces moments, car si l’on essaye de construire des nouveaux espaces de participation on doit essayer d’abolir toutes les sortes de hiérarchies en raison des revenus, du genre, de la race ou bien de la classe sociale. À titre d’exemple, nous 38 Subirats Joan, Andreu, Marc, Aguirre Jon, «Hem de parlar sobre participació ciutadana», revue Diagonal, numéro 40, hiver 2015.
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pouvons nous référer au témoignage du collectif coopératif d’architectes Barcelonais La Col, lequel, lors d’une expérience de participation, « a mis à disposition un espace de crèche. On voit en suite comment les statistiques de participation féminine augmentent d’une manière incroyable en comparaison aux espaces de participation traditionnels des administrations ou la plupart des participants sont des hommes retraités39 ». Si l’intégration de la participation à la gestion urbaine se veut un élément clé dans le chemin vers une société plus juste, les éléments et conditions qui la forment doivent être aussi porteurs de transparence, égalité et solidarité. Ainsi, donner des outils aux personnes qui ont normalement été exclues de la participation (femmes, enfants, personnes âgées, immigrés, etc.) est un premier pas pour être conscient de la complexité de la vie quotidienne des personnes.
Pouvoir effectif des citoyens
Coopération symbolique
Non participation
Contrôle citoyen Délégation du pouvoir Partenariat Réassurance Consultation Information Désinformation Manipulation
39 Participació i arquitectura, «Converses d’Arquitectura», 12 février 2016, https://www. youtube.com/watch?v=Eo6JBCZhWo4 1°40’’
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DISCUSSIONS
Image provenant du site internet du Collectif IPÉ.
Image provennant de «Espacios para la vida cotidiana», Col.lectiu Punt6.
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De ce point de vue, il serait opportun de nous arrêter sur l’échelle40 que Sherry R. Arnstein a développée où, d’une manière simplifiée, elle définit les types de participation possible. Ce schéma sous forme d’échelle comprend tous les degrés possibles de participation. Depuis la non-participation –ce que Arnstein appelle la manipulation - jusqu’à un stade maximal appellé contrôle social –ou action directe des citoyens dans la prise de décisions. Dans le premier, Arnstein décrit les mécanismes par lesquels la participation n’est qu’un outil d’obtention du soutien public. Dans le deuxième, il décrit les différents niveaux de participation. Ainsi, un premier bloc est formé par la participation apparente (information, consultation et cogestion), c’est-à-dire qu’il s’agit d’une participation dans la planification, mais pas dans la prise de décisions. L’auteure définit cette phase en tant que légitimatrice du terme ‘participation’, mais insuffisante et monodirectionnelle, sans un retour fructueux de la part des institutions. La dernière phase, présentée comme la vraie participation, renvoie à des associations ou des alliances stratégiques, dans le processus de négociation paritaire entre les gouvernements et la citoyenneté. Dans ce dernier groupe, les relations entre citoyens et institutions peuvent varier, en allant d’une association égalitaire jusqu’au contrôle citoyen des moyens de conception et de planification, sans intermédiaire et autogérée. Cette échelle a possiblement été dépassée par les nuances et par la complexité de faire la ville due à la multiplication des acteurs qui la forment. Néanmoins, dans des contextes urbains, il est intéressant d’avoir des propositions qui se déplacent d’échelle dans toutes ses stratifications. Ce qui est important est donc que les gens puissent participer de l’avenir de son environnement dans la mesure où ils le souhaitent et que celui-ci satisfasse ses 40 Arnstein, Sherry R, Journal of the American Institute of Planners, vol. 35, no. 4, juillet 1969, p. 216-224
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DISCUSSIONS
besoins. Chaque niveau de participation peut être propice en fonction de la situation personnelle précise. Un des enjeux principaux de la participation citoyenne dans la planification est la communication. En tant qu’architectes et urbanistes, on a traditionnellement intégré une manière de communiquer les plans qui n’est accessible qu’à une partie très réduite de la population. Lorsque l’on démocratise la prise des décisions, on se retrouve face à des gens qui n’ont peut-être jamais vu un plan auparavant ou qui, en tout cas, ne sont pas familiarisés avec le langage architectural, ce qui exige un effort de communication et d’adaptation des moyens d’expression du spécialiste au public en question. En architecture, il est fréquent d’utiliser le langage d’une manière abstraite. Ce type de langage peut être, dans certaines situations, un élément de mise à distance entre les projets et les expériences de la vie quotidienne des personnes. Dans les années 90, le Collectif Matrix (fiche 3) a eu cette expérience lors de la concertation pour le Stockwell Health Center.
[…] at first, we did not realize how difficult it was for women on the management committee to get a feel of the building from the plans, of where the windows and doors and walls were, how big or small the space was. […]; this time we used cut out bits of paper for all the work benches and machinery and walls and windows. Everybody moved the bits of paper around trying out different arrangements and seeing how big things were in relation to each other. This really seemed to work. […] Next we did bubble diagrams showing the relationships between different activities. It was in general discussion that the idea involved for a café around which the building could informally focus. […] On this first relationship diagram the café was drawn in a circle; […] immediately, the café became circular in people’s minds. While we had made the distinction 109
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between diagram and building shape, others had not.41 Il est intéressant de voir à quel point la communication est importante dans les nouveaux espaces de participation. Adapter les moyens au public et faire un exercice de mise en égalité de tous les individus qui y participent est un premier pas pour un processus sain et inclusif. Le langage est un outil politique et il est important de savoir que l’usage que l’on en fait peut être excluant pour certaines personnes. Parallèlement, l’adaptation du langage graphique et des moyens d’expression utilisés peuvent être très utiles pour lancer des discussions qui partent d’une même base de savoir. Par exemple, Matrix a réalisé une maquette d’un bâtiment à grande échelle du style «doll house». Dans cette maquette, les murs porteurs et les éléments fixes étaient fixés à un socle, tandis que les éléments susceptibles d’être modifiés (cloisons, etc.) étaient complètement amovibles.
“We found this model very useful during discussions. The relative size and position of spaces could be judged and women could immediately show what they meant when suggesting how space could be used “42 Malgré sa naïveté, ce type de stratégies est essentielle lors que des personnes qui ne sont pas issues du monde professionnel intègrent les espaces de participation et de prise de décisions. Dans le même sens, un autre type de stratégie souvent utilisée dans les processus de participation sont les parcours diagnostiques. Comme son nom l’indique, il s’agit de parcours en groupe et à pie ayant pour but d’apercevoir des situations potentiellement problématiques. En premier lieu il s’agit d’identifier le réseau des endroits d’utilisation quotidienne pour en analyser les conditions. Ainsi, à l’aide de techniciens et de 41 Matrix, Making Space, Women and the man made environment, Pluto Press, London, 1985, page 97. 42 Ibid, page 99
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personnes formées43, on est capable collectivement d’enregistrer (photos, plans, dessins, etc.) toutes les informations concernant l’espace public quotidien pour ensuite le retravailler. Le collectif Punt6 (cas d’étude 1) a développé un questionnaire pour la reconnaissance urbaine avec une perspective de genre qui met à disposition une évaluation des environnements proches et leur accessibilité. Il s’agit d’une stratégie qui devrait être utile aux institutions responsables des politiques publiques urbaines pour intégrer la perspective de genre selon l’expérience des citoyens. Cet outil est indispensable, car il permet aux utilisateurs des espaces publics de se manifester en ce qui concerne leur vie quotidienne, ce qui fournit des outils précieux pour architectes, urbanistes et techniciens qu’ils peuvent intégrer dans les dessins officiels. Le collectif IPÉ (cas d’étude 2) a travaillé avec cet outil dans le cadre du projet des espaces publics à Ixelles44, au sein duquel plusieurs personnes avaient qualifié différentes zones comme « potentiellement dangereuses », « endroit sombre, encaissé et noir qui provoque un sentiment d’insécurité.», endroit où « Il ne s’y passe rien. Il y a un parking »45. ou encore « Pas d’usage précis, inactivité, terrain utilisé comme un parking, endroit sombre ». De la même manière, plusieurs usagers ont remarqué des difficultés liées à la mobilité en ville : « Il y a énormément d’obstacles surtout pour les piétons et poussettes : retirer les poteaux d’éclairage qui sont sur les trottoirs, élargir les trottoirs46. » Selon les architectes en charge, le projet a été trop ambitieux et quelques intentions issues des réunions de quartier allaient à l’encontre des lois urbanistiques -à savoir, les distances de 43 On pense à des architectes, urbanistes, médiateurs sociaux, formés formellement ou pas, mais qui soient capables de guider la dynamique. 44 Projet inscrit dans le cadre du Contrat de Quartier Sceptre 2010-2015. 45 CR Table ronde Rue Gray-Entre Deux Ponts, 18 mai 2015. 46 GEP – GT 2 du 10 juin 2010-06-13, Table Ronde Rue Gray - Rue des Deux Ponts - Rue des Artisans.
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sécurité par rapport aux voies de chemin de fer n’étaient pas suffisantes. Cela nous montre les limites que peut rencontrer un processus de participation. S’agissant d’un processus long, de conciliation entre plusieurs acteurs tels que services communaux, de médiateurs et des citoyens - ce qui ne va pas sans difficultésil risque de susciter des frustrations au sein de cet même espace de participation et de créer à terme un sentiment de désenchantement. On voit comment les stratégies mises en place se répètent dans plusieurs situations, que ce soit concernant la méthodologie mise en place ou le type d’intervention architecturale. Il s’agit donc d’anticiper les conséquences sociétales des actes architecturaux avant qu’ils ne soient pas dessinés pour qu’ils ne soient pas porteurs des discriminations. Ainsi, toutes les propositions présentées ci-dessus, quelle qu’en soit la nature, partagent une série de caractéristiques intrinsèques, à savoir, la volonté de rendre nos environnements plus habitables sur la base des connaissances locales et de rendre nos institutions plus transparentes, non moins que de questionner les rapports entre administration et citoyen, toujours avec l’exigence d’une approximation entre eux; la recherche d’un endroit d’expression dans un environnement historiquement fait par et pour des hommes; et le désir du dépassement des relations de domination inégales.
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CONCLUSIONS
Conclusions
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« L’architecture est l’expression même des sociétés, de la même façon que la physionomie humaine est l’expression de l’être des individus »1. L’étude des pratiques spatiales et sociales qui intègrent la diversité des identités (genre, sexe, classe sociale, ethnie, âge, etc.) a été sans doute un des grands apports de la géographie humaine à l’urbanisme et à la planification urbaine. De la même manière, la géographie féministe a permis la visibilité des groupes sociaux qui avaient été cachés derrière l’identité masculine –hétérosexuelle, classe moyenne, occidentale- autour de laquelle ont eu lieu la plupart d’expériences architecturales, urbanistiques et politiques. L’étude des espaces publics avec une perspective de genre a permis l’analyse de la vie quotidienne des femmes, leurs expériences, mais aussi les restrictions auxquels les personnes sont soumises dans le milieu urbain en raison du temps, de la mobilité et de la sécurité. Ces dernières décennies on a vu croître la participation féminine dans la discipline et de plus en plus de villes intègrent cette perspective pour en faire des villes moins sexistes et plus égalitaires.
« La production de l’espace a toujours été très lié au pouvoir et donc de nature partielle, et non neutre »2. En premier lieu, et tout au long du présent travail, on a vu comment les relations entre espace public et genre sont productrices d’inégalités dans la pratique spatiale de l’architecture et l’urbanisme. Il serait essentiel de contrecarrer ces inégalités qui sont présentes non seulement dans la pratique quotidienne de l’espace public mais aussi dans la transmission de connaissances et de la théorie de l’architecture et de l’urbanisme. Le 1 Bataille, Georges, Dictionnaire critique d’architecture, documents mai 1929. 2 Bourdieu, Pierre, « De la domination masculine », Article paru en Août 1998, p.24, http:// www.monde-diplomatique.fr/1998/08/BOURDIEU/3940
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CONCLUSIONS
développement d’une histoire plus diverse ou d’une Herstory dans les écoles d’architecture serait un élément incontournable pour aller vers une égalité dans la discipline et créer d’autres référents, qui puissent s’éloigner du star-system. Si les enjeux des urbanistes et architectes féministes sont déjà largement publiés et diffusés dans les médias scientifiques, académiques, ce n’est pas le cas dans les réalisations urbanistiques. Avant d’être connues par le grand public il faut qu’elles soient reconnues. Tant qu’elles ne seront pas valorisées et, donc, reconnues, répertoriées, analysées et diffusées aux écoles d’architecture et aux institutions, elles resteront des connaissances inaccessibles, condamnés au domaine de l’anecdotique.3 Toutes les propositions citées dans ce travail, mettent au centre des questionnements les éléments qui touchent aux groupes sociaux les plus défavorisés. Cela en termes de ségrégation (Jane Jacobs à New York et Melrose Commons), de zoning, de sensation de sécurité (Parcs à Vienne), inaccessibilité (desing Mexico), exclusion sociale (Collectiu Punt 6 et IPE Collectif) et dégradation des villes. L’espace public se présente ainsi comme un élément possédant un grand potentiel en tant que cadre physique et social pour une société plus juste et saine. Dans cette recherche on a présenté toute une série de stratégies et outils pour contrecarrer les effets d’une évidente discrimination dans la sphère publique, que ce soit de caractère structurel ou bien de caractère individuel ou circonstanciel. Il s’agit certes d’une problématique qui ne peut seulement se résoudre au sein de la discipline mais à l’échelle de toute la société. Seul avec un changement de paradigme qui transforme les relations de domination patriarcales –et avec elles les relations humaines- on arrivera à changer l’espace où l’on habite. Pour les féministes radicales, la mixité totale restera 3 Piche, Denise, Des villes au féminin, projets ici et ailleurs, Recherches féministes, Volume 2 numéro 1, 1989.
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dans l’illusion aussi longtemps que le système d’organisation social patriarcale persiste. Ainsi, déjà au XIXème siècle, Engels liait l’origine de la propriété à la subordination de la femme. Dans cette logique, la fin de la domination masculine entraînera la fin de la propriété privée. Il s’agit donc de faire du privé, public et politique. Redessiner les frontières entre les tâches traditionnellement attribuées à la sphère privée –et considérées non productives, non rémunéréeset leur donner une nouvelle signification.
En deuxième lieu, on a évoqué à plusieurs reprises la notion de sécurité dans l’espace public. Ce sentiment est lié à l’expérience des personnes et il n’est pas fixe. Il peut évoluer au niveau individuel, en fonction de l’endroit, du temps et de personnes. Quand on parle de sécuriser l’espace public on ne pense pas à des mécanismes technologiques de vidéosurveillance. Ce type de contrôle assume que la violence est circonstancielle et non systématique et il tend plutôt à une violation des droits civils sous couvert de protection sociale. Pour décrire l’ambiance sécuritaire que l’on souhaiterait on pourrait parler de la complexité conventionnelle évoquée par Christopher Alexander lors qu’il décrit l’activité d’un coin de rue dans une ville américaine quelconque. La sécurité ne s’établit pas exclusivement avec des mécanismes de surveillance, mais par toute une série d’évènements quotidiens et sans importance au premier coup d’œil : mouvement des personnes, personnes entrant et sortant des bâtiments, commerces, et bureaux, piétons qui flânent, des passants, etc. En outre, j’aimerai bien évoquer aussi la notion de durabilité sociale. Parallèlement à la durabilité environnementale, indispensable dans toute considération de gestion urbaine, ce travail prétend mettre sur la table les paramètres de durabilité 116
CONCLUSIONS
sociale. Le design durable a toujours été lié, depuis les années 1970 à l’environnement. Il a souvent été à partir des consignes suivantes : manière : prôner les matériaux qui polluent peu ou pas dans sa production, transport et mise en place ; minimiser les apports des énergies non renouvelables dans la construction ; prôner la création des rues piétonnes au détriment des rues motorisées ; profiter des avantages climatiques (orientation solaire, topographie, etc.). Mais si cette définition est adéquate en termes d’environnement, elle n’est pas suffisante en milieu urbain. Le design durable doit absolument comprendre et s’adresser aux conditions de notre environnement urbain et fournir un accès aux logements ainsi qu’aux voies qui le desservent, à l’éducation et à la santé, aux transports publics ainsi qu’un accès à la participation politique. Souvent reléguée à l’arrière-plan au rofit des défis écologiques -et surtout économiques- la durabilité sociale se refère au champ de la lutte contre l’exclusion sociale, aussi bien en termes d’accessibilité aux équipements publics que de participation de la vie publique. Cette démarche, ne vise pas seulement à garantir l’accès universel aus personnes agées ou à mobilité réduite, mais de donner «à tous les mêmes chances, de sorte que chacun puisse prendre part à tous les aspects de la société.»4 Finalement, un des constats le plus intéressants que nous tirons de ce travail est que la discipline elle-même est en train de changer. Les attitudes discriminantes sont récurrentes tel que nous avons eu l’occasion de le montrer plus haut, dans la pratique de l’espace public mais aussi au sein de la discipline de l’architecture. La discréditation des femmes s’accroît à mesure
4 ECA – European Concept for Accessibility (2008) Edité par l’Europäisches Institut Design für Alle in Deutschland e.V. (EDAD). Berlin: Nordbahn GmbH. À télécharger sous: www.design-fuer-alle.de.
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que l’on accède à des postes de responsabilité5 (Leakey pipeline). Cette discrimination revient également dans l’article de Denise Scott Brown –toujours pas reconnue au Prix Pritzker, -intitulé Sexism and the Star-system in Architecture6, au sein duquel Scott Brown évoque les difficultés de reconnaissance rencontréesdans le monde de l’architecture en tant que femme. Un avis confirmé lorsque le bureau de Venturi-Scott Brown a obtenu le prix mentionné et que le jury a argumenté que seule une personne pouvait le remporter. Or, cela n’a pas posé de problème quelques années plus tard, lorsque Jacques Herzog et Pierre de Meuron se sont vu décerner le Prix Pritzker et ceci ne semblait poser des problèmes à personne.7 Le biais masculin est renforcé par la construction d’egos et par une culture de l’autopromotion qui est fortement compétitive. Ainsi, un dévouement complet des professionnels est attendu. Sachant que la division du travail non rémunéré est inégale en fonctions des genres, les architectes peuvent-elles rester des nuits entières aux bureaux lors de la présentation des concours, etc. ? On assiste à une diminution de la présence des femmes à 5 L’analyse de la réalité professionnelle de l’architecture et de l’urbanisme en Belgique (et un peu près de la même manière dans les pays occidentaux) montre comment, malgré le pourcentage égalitaire sexué des élèves, et l’augmentation des architectes femmes dans la discipline, cette égalité ne se cristallise toujours pas dans le monde professionnel et encore moins dans les postes de responsabilité et de décision. 6 Scott Brown, Denise, Room at the Top, Sexism and the Starsystem in architecture, in Architecture: A Place for Women, ed. Ellen Perry Berkeley and Matilda McQuaid (Washington, DC: Smithsonian Institution Press, 1989), 237–46. 7 Il est important de rappeler que le Prix Pritzker, bien que le plus célèbre prix d’architecture, n’est pas le seul. Il est intéressant de savoir qu’ils en existent plusieurs, bien moins connus et de nature très différente. Pour en cite quelques-uns à niveau international: Aga Khan Awards for Architecture (prix qui reconnait des projets d’architecture dans le monde musulman), European Union Prize for Architecture Mies Van der Rohe Awards, Arc-Vision women and architecture, AJ Womens Awards, Holcim Awards, Ashden Awards for sustaineble Energy, Audi Urban Future Award, CAF, Educational Facility Desing, CTRUH Awards, Emilio Ambasz Award, Lubetkin Priwe, International Architecture Awards, MCHAP Mies Crown Hall Americas Prize, WAF Awards, WAN Awards, Shrinkae Awards, etc. Et encore quelques-uns en Europe : Europe : 40 under 40, European Hotel Desing Awards, Architecture Prizes UK, RCO Awards, Civic Trust Awards, GTA Awards, Gulbeskian Prize, Housing Desing Awards, RTRA Awards, Wood Awards, Young architects of the year, etc. On a le choix.
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CONCLUSIONS
une rapidité alarmante8.
« The Pritzker Price jury has a certain definition of architecture and almost 19th century notion of great men and of design that is generated through the genius of one mind. It’s taken a long time to find a woman to fit these notions” 9 Le changement de paradigme auquel nous avons fait référence va à l’encontre de plusieurs types de discriminations. D’un côté, il vise à la production de projets qui soient sensibles à une utilisation non-discriminante et, de l’autre, à la promotion d’une manière de faire l’espace public qui ne soit pas, elle-même, discriminante à son tour. Avoir accès à la définition même de l’espace public à travers des mécanismes de coproduction, de la participation citoyenne, etc. est une préoccupation qui dépasse le souci d’élaboration d’un programme précis car elle porte en soi un questionnement de la discipline même et de la manière dont nos environnements sont construits. Si on réclame le droit à la ville –ou autrement dit, le droit à utiliser tout ce que la ville peut nous offrir d’une manière égalitaire, il est aussi important d’exiger le droit à faire la ville.
« Le droit à la ville implique non seulement le droit à se servir ce qui existe déjà dans les espaces urbains mais aussi à définir et créer ce qui devrait exister ayant pour but de satisfaire les besoins humains pour le déroulement d’une vie quotidienne décente dans les environnement urbains »10
8 Heynen, H. Genius, gender and architecture. The star system as exemplified in the Pritzker Price. Architectural Theory Revieuw, 17, 2012. 9 Scott Brown, Denise, après que Zaha Hadid aie reçu le Prix Pritzker en 2004. 10 buckingham, Shelley, Análisis del derecho a la ciudad desde una perspectiva de género, article publié en Ana Sugranyes y Charlotte Mathivet (eds.), Ciudades para tod@s. Por el derecho a la ciudad, propuestas y experiencias, Santiago, Coalición Internacional para el Hábitat, 2010, pp. 59-64. Document complet disponible sur <www.hic-al.org/>.
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