Livre Blanc : Former les Dirigeants de 2030

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FORMER LES DIRIGEANTS DE 2030 LIVRE BLANC





LE PROFIL DES DIRIGEANTS DES ENTREPRISES AU MAROC A L’HORIZON 2030

Au carrefour des économies du Nord de la Méditerranée et de l’Afrique, le Maroc poursuit une ambitieuse stratégie de développement, de modernisation et d’internationalisation. Terre d’accueil des investisseurs étrangers, le Royaume s’est engagé dans une nouvelle ère relationnelle avec ses voisins d’Afrique subsaharienne et a multiplié les rapprochements avec la communauté des pays riverains de l’Atlantique. Cette dynamique fait figure d’exception sur la rive sud de la Méditerranée : elle couronne une stratégie volontariste menée à grands renforts de plans sectoriels mis en place par les pouvoirs publics, dans l’agriculture, la pêche, les mines mais aussi les énergies renouvelables, la logistique, l’automobile ou l’aéronautique, etc. Les entreprises marocaines, publiques et privées, sont les fers de lance de cette stratégie ambitieuse dont les initiatives sectorielles ne sont pourtant que la partie émergée de l’iceberg. Si tout le monde s’accorde à dire que le capital humain revêt une importance économique cruciale et croissante, force est de constater que la formation de nos futurs dirigeants d’entreprises est un sujet qui a été relativement négligé dans les analyses et les débats. C’est omettre que les compétences, les apprentissages et les qualifications des dirigeants sont des composantes-clés de la performance, du développement et de l’innovation : seuls des hommes et des femmes entreprenants, passionnés, en mesure d’exercer un leadership responsable et engagé, seront garants de la croissance économique forte, durable et partagée que nous appelons tous. Il faut souligner que dans un monde de plus en plus complexe et incertain, bouleversé par le digital, des avancées technologiques imprévisibles, des ruptures politiques, sociales ou environnementales, la formation des leaders et des managers de demain ne se fait pas sans questionnement. Le système éducatif ainsi que les méthodes d’enseignement façonnent en effet les individus, les entreprises et la société. La Business Education stimule le changement et, alternativement, y répond. En d’autres termes, les décisions que nous prenons aujourd’hui influeront sur la vie des cadres et des entreprises pendant des décennies. Ce Livre Blanc est une invitation à regarder l’avenir pour décider au présent. La nature des défis et des nouveaux modèles auxquels les dirigeants devront faire face en 2030 (horizon si proche, et si lointain en même temps), nous invite à nous interroger : comment former les leaders de 2030 ? De quel portefeuille de compétences devons-nous équiper les futurs leaders pour contribuer à améliorer l’entreprise et la société ? Et, en définitive, quelle élite managériale et entrepreneuriale souhaitons-nous pour le Maroc à l’horizon 2030 ? Nous partageons dans ce Livre Blanc le fruit de nos recherches et de nos réflexions enrichies par le témoignage de dirigeants avertis. Nous y dressons un portrait du Maroc de 2030, nous y exposons les principaux défis pour les managers et, surtout, nous y mesurons la contribution concrète des Business Schools à la formation de leaders et de dirigeants. La Business Education a la mission de faire émerger ces talents, en nombre et en qualité, et doit inspirer les entreprises de demain. Présente là où le futur se dessine, ESCA Ecole de Management y apporte sa vision prospective à travers ce Livre Blanc. Faisons en sorte qu’il suscite un large débat. La formation des leaders est un vrai sujet qui mérite d’avoir la place qui lui revient dans nos institutions, notre économie, notre système éducatif et notre société. Au Maroc, nous devons former nous-mêmes et chez nous nos futurs dirigeants, ancrés dans nos réalités et porteurs de nos ambitions. Thami Ghorfi Président ESCA Ecole de Management

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LE PROFIL DES DIRIGEANTS DES ENTREPRISES AU MAROC A L’HORIZON 2030

SOMMAIRE INTRODUCTION............................................................................................... ......... 7 I - LA FORMATION DES DIRIGEANTS : UNE NECESSITE POUR L’EMERGENCE ECONOMIQUE DU MAROC................... ........ 9 1. Les défis de la formation des dirigeants au Maroc à l’horizon 2030 : une brève synthèse des approches prospectives........................................... .............10 2. Le rôle de l’éducation et de la formation dans la réussite de l’émergence et de la transition vers une société de progrès............................................... .............18 II - LE PROFIL DES DIRIGEANTS A L’HORIZON 2030................................................ 21 1. Les défis du Maroc à l’horizon 2030......................................................................... 24 2. La mission des dirigeants à l’horizon 2030 : rupture et continuités....................... 29 3. Des qualités de leadership pour réussir l’émergence.............................................33 III - LA CONTRIBUTION DES BUSINESS SCHOOLS A LA FORMATION DES DIRIGEANTS DE 2030........................................................... 39 1. Le rôle des business schools dans la formation des futurs dirigeants..... ............. 40 2. Les clefs de succès pour former et préparer les dirigeants de demain.................42 CONCLUSION........................................................................................................... 46 REMERCIEMENTS.................................................................................................... 50

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INTRODUCTION La population marocaine en 2030 avoisinera 40 millions d’habitants selon les projections du Haut Commissariat au Plan. L’une des principales mutations démographiques qui marqueront cette échéance est l’inversion de la pyramide des âges avec un poids croissant des 15-60 ans et des personnes âgées. La catégorie des 30-50 ans se substituera aux classes d’âge plus jeunes qui ont longtemps constitué un « fardeau » démographique. C’est à la fois une opportunité pour le décollage économique du Maroc et un défi majeur pour les pouvoirs publics, les acteurs de la formation et la société dans son ensemble. Réussir la transition vers une société de progrès et l’émergence d’une économie dynamique et compétitive exige une taille démographique et une structure de la population qui porteront ces projets. Il est toutefois indéniable que l’économie du savoir exige une formation et une qualification de celles et ceux qui constituent le capital humain. A cet égard, on peut affirmer que les performances de l’entreprise marocaine à l’horizon 2030 reposeront sur les épaules des jeunes qui sont aujourd’hui dans nos salles de classes et nos amphithéâtres. En effet, les cadres de la classe d’âge 35-50 ans en 2030 sont les jeunes que nous nous attelons à former et à préparer aujourd’hui. La problématique de la formation des cadres est présente dans les débats publics au Maroc depuis des décennies. Ce débat s’est polarisé autour de la question de l’éducation et de la formation dans le contexte d’une pression massive des nouvelles générations sur le système scolaire qui devait relever un défi de gestion des flux pour « généraliser » l’enseignement. Or, notre défi aujourd’hui est plus d’ordre qualitatif. La formation des cadres appelés à améliorer le taux et la qualité de l’encadrement dans nos entreprises n’a pas encore été abordée comme une problématique autonome. C’est en partant de ce simple constat que les enseignants-chercheurs de ESCA Ecole de Management se sont attelés à mener une réflexion sur la formation des dirigeants pour le Maroc de 2030. L’approche que nous avons adoptée a consisté à identifier, à travers une série d’entretiens, la perception que des dirigeants d’entreprises et des entrepreneurs ont des défis du Maroc des années 2030, des qualités qui seront requises pour agir en manager entrepreneur dans ledit environnement et du rôle des écoles de management pour préparer la réussite de ces acteurs de l’émergence et de la transition vers une société de progrès. Nous livrons le résultat de cette recherche, sous la forme d’un Livre Blanc, comme contribution au débat que connaît notre société autour de la problématique de l’enseignement et de la formation. Après une brève synthèse des principales contributions à ce débat au cours des années 2000, nous livrerons notre pronostic sur les principaux défis pour les managers du Maroc des années 2030. Nous exposerons ensuite le profil et les qualités requises pour réussir des responsabilités managériales dans le nouveau contexte. Nous déclinerons enfin, le modèle pédagogique et académique de l’école de Management qui s’assigne pour mission de former et de préparer la réussite des leaders de demain. Notre but est de susciter un échange fécond dans l’intérêt de la jeunesse marocaine et de toutes les parties prenantes.

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LA FORMATION DES DIRIGEANTS : UNE NÉCESSITÉ POUR L’EMERGENCE ECONOMIQUE DU MAROC


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1. Les défis de la formation et la préparation des dirigeants à l’horizon 2030 : une synthèse des principales approches prospectives Un certain nombre d’organismes ont tenté, au cours des dix dernières années, de dresser une esquisse du Maroc des années 2025-2030. A travers l’examen de la production de ces différentes institutions, nous avons essayé de cerner dans quelle mesure ces organismes ont pris en considération la formation des futurs dirigeants comme une problématique spécifique par rapport à la problématique plus générale de l’enseignement et de la formation au Maroc. 1. Le rapport du cinquantenaire de l’independance du Maroc A la veille du cinquantenaire de l’Indépendance du Maroc en 2005, le rapport faisant le bilan d’un demi siècle d’indépendance 1 et esquissant les contours d’un avenir souhaitable a été élaboré grâce à une mobilisation de l’intelligencia marocaine. Nous avons extrait de ce volumineux rapport quelques paragraphes particulièrement axés sur l’enseignement, la formation et la problématique de l’accès à la société du savoir. Les recommandations du rapport couvrent l’ensemble des composantes du système de l’éducation-formation. L’unique préconisation relativement liée à la formation des dirigeants a trait au thème de l’entrepreneuriat lorsque les rapporteurs recommandent d’« Accorder une place de choix au développement de l’esprit d’entreprenariat». (P. 80). Cette préconisation est justifiée par la recherche d’une amélioration de « l’auto-emploi ». Cette justification révèle que la problématique abordée dans ce rapport est celle de l’emploi des jeunes et de la lutte contre le chômage et non la formation des dirigeants de demain en tant que problématique spécifique. Les rédacteurs des chapitres relatifs à l’éducation et à la formation du rapport du cinquantenaire semblent partager une conviction générale qui se dégage de toute notre recherche documentaire et qui consiste à récuser le caractère spécifique de la problématique de la formation des dirigeants. Il semble communément admis que les dirigeants de demain émergeraient « naturellement » d’un système d’enseignement dont les objectifs seraient plus clairs et réalistes, les moyens plus importants et mieux gérés et la gouvernance plus rigoureuse et plus transparente. Dans ce livre blanc, nous avons pris le pari d’adopter l’hypothèse inverse en considérant que la formation et la préparation de la réussite des dirigeants de demains est une obligation qui doit s’inscrire dans une 1

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Comité directeur du Rapport, Cinquante ans de Développement Humain & Perspectives 2025, «L’avenir se construit et le meilleur est possible », Document de Synthèse du Rapport Général, 531 pages, 2005, disponible sur le site: http://hdr.undp.org/sites/default/files/nhdr_2005_morocco-fr.pdf

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démarche volontariste. La formation des élites de demain et plus spécifiquement la préparation du vivier duquel émergeront les leaders des années 2030 est une responsabilité à laquelle il faut accorder une attention particulière, des ressources appropriées et une pédagogie dédiée. 2. Les rapports du Haut Commissariat au Plan (HCP) Le Haut Commissariat au Plan a mené une réflexion prospective sur le Maroc des années 2030 qui lui a permis de produire 24 rapports thématiques couvrant une grande variété de questions allant de la démographie, à l’énergie, au statut des jeunes, à la perception par les jeunes de l’avenir etc. Le HCP a consacré un rapport intitulé «Eléments pour le renforcement de l’insertion du Maroc dans l’Economie de la Connaissance » à la question de l’enseignement et de la formation 2. Le résumé à grands traits de ce rapport permet de repérer la conception et les préconisations relatives à la formation des dirigeants des entreprises au Maroc à l’échéance 2030. La principale conclusion dégagée du diagnostic du HCP est que le scénario de rupture avec les tendances passées est la seule alternative à envisager dans la mesure où la poursuite de l’évolution au rythme constaté au cours du passé récent du pays serait synonyme de régression. L’ambition d’une insertion réussie dans l’économie mondiale et les attentes de la population en matière de bien-être collectif rendent impérative l’obligation d’adopter un scénario de rupture. Le rapport examine les conditions de cette rupture. Le rapport du HCP a bien mis en évidence le caractère transversal du projet de rupture à réaliser. Les variables sociales et économiques y sont intimement liées à des variables de suivi, de pilotage, d’ajustement, bref à des variables de management et de conduite du changement. A ce niveau, le rapport nous interpelle implicitement sur le profil des hommes et des femmes qui seront les acteurs de ce changement. Le scénario de rupture préconisé nous interpelle sur la problématique de la formation des agents du pilotage du changement dans les organisations au Maroc, et en particulier, dans les entreprises. En définitive, sans aborder la thématique de la formation des dirigeants de demain, la contribution du HCP au débat sur la prospective 2030 a soulevé des questions intimement liées à la question centrale de ce Livre Blanc.

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Haut Commissariat au Plan, Prospective Maroc 2030, « Eléments pour le renforcement de l’insertion du Maroc dans l’Economie de la Connaissance », rapport rédigé par Ahmed Driouchi & Nada Zouag, avril 2006, 145 pages. Rapport à consulter sur le site www.hcp.ma ESCA Ecole de Management © 2015

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3. Les rapports du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) Plusieurs documents du Conseil Economique, Social et Environnemental ont traité directement ou indirectement les questions de l’enseignement et de la formation. Au risque de paraître éclectiques dans notre choix des analyses et des prescriptions de cette institution que nous exposerons dans ce paragraphe, nous limiterons notre survol de la production du CESE à trois documents : L’Emploi des Jeunes (AS N°2/2011), L’Apprentissage Tout au Long de la Vie : Une Ambition Marocaine (AS N° 12/2013) et le rapport sur La Cohérence des Stratégies Sectorielles et les Accords de Libre Echange. (AS N°16/2014). a. Le Rapport sur l’emploi des jeunes Essayons de résumer, en quelques lignes, le contenu du rapport 3 sur l’emploi des jeunes. Au niveau du diagnostic, le CESE dresse un état des lieux qui souligne à la fois la gravité du chômage des jeunes et l’urgence de mettre en œuvre des politiques novatrices en matière d’emploi. A partir des constats dressés, le CESE a formulé des recommandations qui devraient « former la nouvelle politique de l’Etat en matière de la promotion de l’emploi des jeunes » selon les termes utilisés par les rédacteurs du rapport. Le rapport souligne parmi les actions à 4 entreprendre « la promotion de l’auto emploi et de la création de la très petite entreprise ». Le Rapport du CESE, détaillé et riche en recommandations déclinées en mesures concrètes, constitue une synthèse renouvelée des approches de la problématique de l’emploi des jeunes qui est inscrite sur l’agenda des responsables politiques depuis plusieurs décennies. Ce que nous relevons dans ce rapport, concernant la question de la préparation de la relève et la formation des dirigeants à l’horizon 2030 c’est, une nouvelle fois, le fait que cet aspect de la formation est négligé probablement sous la pression de l’urgence à trouver des solutions à la masse des chômeurs et des jeunes de 15-35 ans qui arrivent sur le marché de l’emploi chaque année ! A l’exception notable d’une mesure relative à l’encouragement de l’entrepreneuriat, le rapport sur l’Emploi des Jeunes a davantage décortiqué et cherché à trouver des solution à des problèmes de « masse ». Abordant la mesure relative à l’entrepreneuriat, les rédacteurs du rapport recommandent de « promouvoir une meilleure connaissance de la vie économique et de l’entreprise à travers l’introduction ou le renforcement de programmes de formation en « entrepreneuriat » au niveau de l’enseignement secondaire et supérieur et de la formation professionnelle. Ces programmes consistent à introduire très tôt divers modules de formation et de sensibilisation au sein des cursus pédagogiques afin d’assurer une ouverture sur le monde du travail et une

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Ce rapport a été préparé et rédigé par la Commission Permanente des Affaires de la Formation, de l’Emploi et des Politiques Sectorielles du CESE.

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Ibid, page 20

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familiarisation avec l’environnement de l’entreprise dans lequel les jeunes baignent à l’issue de leur parcours scolaire ou universitaire. Cette action repose notamment sur la sensibilisation, la formation et l’accompagnement en vue de développer l’esprit d’entreprise et susciter des vocations à l’entrepreneuriat » 5. La lecture du rapport permet de déceler une approche originale de la problématique de l’employabilité des jeunes et la recherche de solutions à l’absence de passerelles entre l’enseignement, la formation et le monde professionnel. La question de la diffusion de la culture de l’entrepreneuriat, véritable axe d’une politique de la formation des élites de demain, est aussi très explicite dans le rapport. Nous retrouverons des préoccupations et des recommandations qui complètent ce diagnostic sous d’autres angles dans le rapport que le CESE a consacré à l’Apprentissage Tout au Long de la Vie (ATLV). b. Le Rapport sur l’Apprentissage Tout au Long de la Vie Arrêtons-nous maintenant sur les raisons qui ont présidé à l’auto saisine du CESE sur la question de l’Apprentissage Tout au Long de la Vie (ATLV). Le Conseil avance pour expliquer et justifier son initiative, deux séries de raisons : des raisons économiques et des raisons sociales. Dans la première catégorie, les rédacteurs du Rapport dédié à ATLV écrivent : « Les investissements directs étrangers (IDE) au Maroc sont encore souvent trop liés au seul faible coût relatif de la main d’œuvre. Leur élargissement vers des activités de plus haute valeur ajoutée repose sur le développement des aptitudes technologiques et du niveau de formation préalable des citoyens. Ce développement conditionne aussi l’appropriation efficace et inventive des technologies étrangères, gage d’autonomie et d’indépendance à moyen et long terme. Or, le recours à la formations continue reste encore insuffisante » 6 . L’état de développement du capital humain qui résulte de cette situation est peu adapté à la compétition mondiale dans laquelle les entreprises deviennent de plus en plus « apprenantes » par le développement des compétences de leurs Ressources Humaines. Le raisonnement avancé établit une corrélation entre flux des IDE (et donc l’attractivité du territoire), la capacité d’absorption des technologies avancées et des innovations et le niveau de la formation et de qualification des citoyens. La formation continue apparaît comme le déterminant d’une amélioration de capacité d’absorption qui conditionne l’attractivité du pays dans les secteurs porteurs de l’économie. Eriger la formation et ATLV en priorité est une exigence d’une insertion maitrisée et avantageuse pour le Maroc dans les flux mondiaux d’échanges et d’investissements. Le rapport du CESE pointe du doigt un 5

.Ibid. page 48.

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CESE, Rapport d’auto saisine sur « L’Apprentissage Tout au Long de la Vie : Une Ambition Marocaine » (AS N° 12/2013). Le document est disponible sur le site du Conseil Economique, Social et Environnemental www.cese.ma ESCA Ecole de Management © 2015

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aspect majeur qui marquera l’entreprise de 2030 : le contenu technologique et en innovation ira croissant et marquera une rupture avec les structures de l’économie de rente. L’intérêt du CESE est révélateur des changements qui sont à l’œuvre dans l’environnement des entreprises au Maroc. Or, des entreprises plus apprenantes, proposant des biens et des services à contenu technologique plus élevé requièrent certes une main d’œuvre plus qualifiée et apte à maintenir ses qualifications (ce que souligne le rapport) mais également une nouvelle génération de dirigeants aptes à piloter avec expertise et leadership les entreprises apprenantes. En résumé, nous pouvons dire que le CESE, sans se fixer l’objectif de traiter la problématique de la formation des dirigeants dans les rapports qu’il a produit jusqu’à aujourd’hui, dresse un diagnostic et fait des propositions en matière de formation, de qualification et d’enseignement qui dessinent, en creux, le profil des dirigeants dont le Maroc aura besoin à l’horizon 2030. c. Le Rapport sur la Cohérence des Politiques Sectorielles et Accords de Libre-Echange 7

Ce rapport a préconisé le renforcement des capacités nationales en matière de ressources humaines parmi ses préconisations pour une meilleure cohérence entre les stratégies sectorielles et les accords de Libre Echange. Il souligne que la formation des RH, clé de la compétitivité du pays, doit aller au delà de la formation initiale pour aborder la formation continue et professionnelle. Les rédacteurs du rapport ont distingué l’impact à court terme d’une réforme du système de la formation de ses effets à plus long terme. C’est à travers cette distinction que le volet de la formation des dirigeants se trouvé ébauché dans ce document du CESE. En effet, les préconisations du rapport mettent l’accent sur le fait qu’il s’agit « à court terme d’optimiser le pilotage et la mise en œuvre des politiques sectorielles engagées, mais il permettra, à moyen et long terme, d’atteindre l’objectif plus ambitieux de disposer d’un réservoir d’expertises adaptées au profil de chaque acteur, au niveau des départements ministériels, des organisations patronales, syndicales, des entreprises et de la société civile, à même de prendre part, de manière active et efficace, à la construction de la vision commune de développement durable du pays. » (Page 81)

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Conseil Economique, Social & Environnemental, Rapport sur la Cohérence des Politiques Sectorielles et Accords de Libre Echange : Fondements Stratégique pour un Développement Soutenu et Durable, Rapport d’auto saisine N°16, 2014. Document disponible sur le site du Conseil Economique, Social et Environnemental www.cese.ma

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4. Le Livre Blanc de la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM) La CGEM a publié, en 2007, un « Livre Blanc Pour Renforcer et Consolider le Dynamisme de l’Economie Marocaine » 8 dans lequel la question de la formation vient en tête des priorités. Le document insiste toutefois sur le dispositif des contrats spéciaux de formation (CSF) auquel il consacre un long développement pour en diagnostiquer les dysfonctionnements et proposer un modèle alternatif. Il consacre ensuite quelques lignes à la problématique plus globale de l’enseignement. Abordant la problématique de l’enseignement, les rédacteurs du Livre Blanc écrivent : « On ne saurait trop le répéter : il est urgent de prendre des mesures pour aligner l’offre de formation de l’enseignement supérieur sur les besoins d’un secteur privé en plein essor. On ne peut indéfiniment supporter une situation des plus paradoxales où les entreprises souffrent du manque de travailleurs qualifiés quand des diplômés se retrouvent sans emploi à la sortie des universités.» (P. 23). Les besoins du secteur privé auxquels le livre blanc de la CGEM fait référence renvoient à la disponibilité de cadres ayant un taux et un niveau d’employabilité élevé. Sans vouloir sous estimer l’importance de ces besoins, nous constatons que la préparation des dirigeants de demain reste en dehors du champ de réflexion des rédacteurs de ce document.

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CGEM, Livre Blanc Pour Renforcer et Consolider le Dynamisme de l’Economie Marocain, document disponible en version électronique sur le site de la confédération patronale www.cgem.ma ESCA Ecole de Management © 201512

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CONCLUSION Les rapports, notes et études des rédacteurs du Rapport du Cinquantenaire de l’Indépendance du Maroc, du Haut Commissariat au Plan HCP, de la CGEM et du CESE ont apporté des contributions au débat sur la problématique générale de l’enseignement et de la formation au Maroc. Ces contributions ont focalisé sur l’urgence d’une réforme du système de l’enseignement et de la formation au Maroc au vu des performances modestes réalisées. Cependant, ces institutions n’ont que très accessoirement, et de façon indirecte, abordé la problématique de la formation des dirigeants de demain. L’ampleur et l’urgence des chantiers de l’alphabétisation, de la généralisation de l’enseignement, de l’amélioration de la qualité, de l’adéquation de la formation à l’emploi et de la maitrise des coûts de l’enseignement accaparent l’attention et les ressources. Les écoles marocaines forment certes quelques dirigeants en particulier dans les écoles d’ingénieurs, mais une politique volontariste et assidue de formation des leaders de demain fait encore défaut. Devrait-on accepter le double postulat que les élites du pays seront formées à l’étranger comme c’est le cas depuis des décennies et que le système de formation au Maroc doit être cantonné dans à un rôle de préparation des cadres subalternes et de middle management? Ou bien devrait-on inscrire à l’agenda des institutions d’enseignement au Maroc l’ardente mission de former et de préparer la réussite des leaders de demain?

Nous discuterons brièvement le rôle de la formation dans le processus de l’émergence économique et la transition vers une société de progrès avant d’aborder la problématique centrale de ce Livre Blanc.

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2. Le rôle de l’éducation et de la formation dans l’émergence économique et la transition vers une société de progrès L’importance de la thématique de la formation des dirigeants découle d’abord des choix fondamentaux faits par le Maroc d’adopter un modèle d’économie libérale et ouverte en rupture avec l’économie de rente et ce pour préparer les condition de l’émergence économique et la transition vers une société de progrès par la mise en place d’une économie compétitive. La modernisation de l’économie et de la société passe par la résolution de problématiques de gouvernance et de management dans divers secteurs de l’économie et de la société et revoie à la question de la formation des dirigeants. Nous constatons que l’émergence économique et la modernisation sociétale sont des priorités sur l’agenda de l’ensemble des acteurs de la société civile et des responsables politiques et ce, depuis l’avènement du nouveau règne en 1999. Or, l’enseignement, la formation et la recherche scientifique sont des préalables à tout processus de décollage économique et de modernisation sociale. Le rapport du cinquantenaire de l’indépendance du Maroc souligne bien cette importance quand il évalue à deux points de croissance la contribution de l’enseignement et de la connaissance lorsque les politiques sont adoptées dans un sens favorable. Ce même rapport souligne le lien entre formation, recherche et développement durable quand ses rédacteurs ont écrit « Par le développement de la recherche, de la connaissance et des modes de gestion appropriés, le savoir favorise la préservation de l’environnement et sa reconstitution ainsi que la valorisation des ressources et des potentialités locales pour les mettre au service du développement humain » 9. L’accès de la population à l’éducation est impératif dans le cadre des nouvelles réalités mondiales. La remise en cause du modèle dit de développement « auto-centré » avec la libéralisation des flux de commerce, de l’investissement et d’information ont accéléré l’interdépendance des économies et intensifié la pression concurrentielle devenue globale. Cette réalité est bien exprimée par l’importance de la recherche de la compétitivité aussi bien au niveau des discours que des politiques étatiques. La compétitivité, qu’elle soit basée sur les coûts ou structurelle, suppose une productivité du travail élevée, alignée sur les meilleurs niveaux internationaux. Une main-d’œuvre qualifiée et un taux d’encadrement approprié sont aujourd’hui des conditions de base pour une insertion dans les flux d’échange mondiaux. L’éducation et la formation permettent de construire des avantages comparatifs soutenables et durables.

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Mohammed Tawfik Mouline & Anissa Lazrak, Rapport sur les Perspectives du Maroc à l’horizon 2025 : Pour un développement humain élevé in 50 ans de Développement Humain & Perspective 2025, page 78.

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La formation et l’apprentissage tout au long de la vie ont pour rôle de consolider les connaissances de base acquises dans le processus d’éducation et de transformer les acquis de l’expérience en connaissances structurées et transférables. Dans un monde marqué par une obsolescence rapide, les connaissances doivent faire l’objet d’une réactualisation dont le rythme est dicté par la dynamique du progrès technique et des innovations. Partant des propositions précédentes, il est évident que tout dysfonctionnement du système de la formation comporte le risque d’une déconnection par rapport aux normes qu’impose la concurrence globale. L’accès et la participation à la production et à la diffusion des connaissances jouent un rôle de premier plan dans l’amélioration de la productivité, la facilitation de l’innovation et le progrès technique. Plusieurs études et rapports font de l’accès au savoir une condition pour la qualification de la société à un processus réel de développement humain. Enfin, la production intellectuelle, à condition qu’elle s’intéresse aux réalités, aux défis et aux formes de complexité de notre contexte, favorise la confrontation aux modèles entrepreneuriaux, managériaux et de leadership existants. Par ce fait, elle contribue à la création de modèles ancrés dans la réalité marocaine.

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Traiter la problématique de la formation des dirigeants pour le Maroc de 2030 exige une approche multidisciplinaire vu que le thème de la formation des élites recouvre une grande variété de sujets qui transcende le champ étroit de la gestion ou celui du Management des Organisations. L’un des objectifs majeurs d’une telle étude doit être de cerner le profil du dirigeant de demain (horizon retenu : 2030). On peut esquisser ce profil soit à travers L’exploration des perceptions que les dirigeants d’aujourd’hui ont du métier de « Chef d’entreprise » de demain ou par l’identification des caractéristiques dominantes qui marqueront l’environnement des affaires dans les quinze prochaines années. 10

Notre méthodologie a consisté à combiner ces deux approches. Capitalisant sur la connaissance que les rédacteurs de ce Livre Blanc, tous enseignant-chercheurs et formateurs, ont de l’environnement des entreprises marocaines nous avons interrogé des entrepreneurs et des dirigeants qui ont accepté de partager avec nous leurs connaissances et leurs perceptions des défis que les dirigeants auront à relever dans les années à venir. L’exploration de la perception des défis qui marqueront l’environnement des affaires au cours de 15 prochaines années peut aider à la définition des missions d’un cadre dirigeant dans le nouveau contexte fruit d’une évolution qui a déjà commencé. C’est en partant de cette perception que nous avons identifié les qualités qui aideront à relever les défis et saisir les opportunités dans l’environnement des années 2030. La démarche qualitative ainsi mise en œuvre nous a permis de traiter les défis, les missions, les compétences et les capacités des dirigeants de demain. Notre démarche nous a amené à aborder la question des attentes par rapports aux business schools en matière de formation de la nouvelle génération de dirigeants. Dans notre choix des dirigeants à interroger pour recueillir des témoignages et des retours sur expérience, nous avons privilégié la diversité des parcours et des profils comme critère majeur. Les résultats de cette « projection » dans le Maroc de demain sont exposés dans les pages ci-après avec la volonté d’un respect total de l‘objectivité et d’impartialité.

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Le mode d’entretien retenu a été celui d’un échange en face-à-face souvent indispensable dans une analyse qualitative. Le traitement des données collectées a consisté à dépouiller les enregistrements et les prises de notes pour compiler d’ensemble des réponses sur un seul document exploitable pour une analyse du contenu. Ce travail a donné ensuite la matière première pour la rédaction d’un draft qui a été soumis à toute l’équipe impliquée dans le projet. Nous avons soumis le résultat de notre réflexion à un panel de décideur et de chercheurs avant la rédaction de la version finale de ce Livre Blanc.

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1. Les nouveaux défis pour la direction des entreprises en 2030 Les principaux défis auxquels les dirigeants doivent faire face apparaissent comme des défis « intemporels » selon le terme utilisé par plusieurs de nos interlocuteurs. Etant partis de la distinction entre les défis actuels et ceux du futur, à l’horizon 2030, nous avons été rapidement amenés à faire le constat que les défis de demain sont déjà ceux d’aujourd’hui! C’est l’une des conséquences de la mutation des l’environnement des affaires au Maroc au cours des 25 dernières années et ce, à la faveur des réformes engagées depuis le milieu de la décennie 1990. La libéralisation du commerce extérieur, la conclusion de plusieurs accords de libre échange, les politiques de libéralisation, l’évolution technologique au cœur de laquelle nous soulignons la digitalisation de l’économie, l’évolution du cadre réglementaire ont projeté les cadres dirigeants et la communauté entrepreneuriale dans un contexte plus exigeant en intensifiant la concurrence sur les marchés et sur les ressources et les compétences. Au delà de l’impératif de disposer d’une Vision et d’une stratégie appropriée et de mettre en œuvre une saine gestion opérationnelle selon les règles de l’art, il est largement admis depuis les réformes du début des années 2000 que les défis majeurs que les managers doivent anticiper pour être en mesure de remplir leur mission ont pour noms : gérer dans la complexité, réussir la transition vers une économie digitale, innover, intégrer les dimensions qualité et satisfaction client dans les processus de décision et de réalisation, cultiver l’adaptation et développer l’agilité, maitriser l’internationalisation des activités et des marchés et faire preuve d’un engagement social, sociétal et environnemental (RSE) authentique. 1. Le défi de la complexité croissante de l’environnement Le manque de visibilité face à la montée de nouveaux défis de nature économique, technologique, sociale et géopolitique est un des constats récurrents dans la littérature managériale. Une concurrence directe, indirecte, potentielle et, parfois, déloyale a amené certains de nos interlocuteurs à parler d’une « invasion » du marché ! Face à cette réalité de plus en plus marquée par la complexité et les fluctuations de fortes amplitudes, nos interlocuteurs ont mis l’accent sur l’impératif de mettre en place des outils et des procédures adéquats pour en maitriser les impacts et en limiter les effets négatifs sur les entreprises. Plusieurs dirigeants ont insisté sur l’impératif de « rester en veille » et de disposer d’une « analyse pertinente de son environnement ». Certains préconisent de « développer des compétences en matière de prospective et de Business Intelligence » en interne, en l’absence de structures dédiées au niveau du pays.

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Enfin, concernant l’évolution de l’environnement au cours des décennies 2020 et 2030, nos interlocuteurs n’ont pas omis de souligner que les nouvelles technologies permettront d’affronter la complexité croissante du monde des affaires. Paradoxalement, ces technologies vont rendre le monde du travail et de l’entreprise et l’ensemble de l’environnement plus « simple ». Etre attentif à la cette complexité ne doit pas nous détourner de l’attention que nous devons à l’évolution des technologies qui nous donneront des outils de sa gestion. 2. Le défi de l’innovation continue Relever ce défi apparaît comme une condition de survie dans le monde de demain. Les personnes interrogées ont été unanimes à considérer que c’est un défi majeur. La maitrise de l’innovation passe fondamentalement par le «maintien» d’un « rythme d’innovation avec efficacité et productivité» sur l’ensemble des processus de l’entreprise (innovation sur les produits, les services, les modèles d’affaires, etc.). La concurrence accrue sur les ressources et la diffusion des technologies digitales vont de plus en plus obliger les entreprises à innover sur les processus achats, logistique, production, et commercialisation. Mais les innovations de demain porteront encore plus sur les Business Models en raison de l’obsolescence de nombreux modèles d’affaires en vigueur dans nos entreprises. 3. Le défi de la digitalisation et de la transition vers l’économie de l’information L’une des dynamiques à l’œuvre dans les économies du XXIème est la digitalisation avec un poids croissant des technologies numériques dans la reconfiguration des modèles économiques en vigueur dans tous les secteurs économiques. Souvent associé à l’innovation, l’impératif d’intégrer les technologies de l’information dans la conception et le déploiement des solutions aux diverses problématiques managériales retient toute l’attention des dirigeants d’aujourd’hui et ce sera encore plus le cas à l’horizon des années 2030. Aucun secteur économique ne peut rester à l’abri du phénomène que l’on désigne déjà par le terme « Uberisation » en référence à l’entreprise qui a bouleversé la donne sur le marché du transport par taxi. L’extension de l’usage de l’Internet et les restructurations radicales qu’elle entraine placent la transition vers l’entreprise digitale incontournable. C’est incontestablement l’un des enjeux majeurs des années 2030. La conception de l’architecture des systèmes d’information devrait être mise au service des mutations qu’implique la digitalisation afin de favoriser la dynamique d’adaptation aux changements de l’environnement. Nos interlocuteurs ont formulé l’importance de la rupture qu’entrainent les technologies numériques en mettant l’accent sur :

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• La maîtrise des « nouvelles technologies » dont celles de l’Internet avec ce que certains de nos interviewés estiment être « les risques énormes »; • « La mobilisation des technologies dans le processus de gestion de l’entreprise ».

TEMOIGNAGE

LE NOUVEL ENVIRONNEMENT ET LES LEADERS DONT NOTRE PAYS A BESOIN L’économie du savoir est d’abord une économie de l’information. La convergence et l'interaction du mobile, des réseaux sociaux, du Big Data et du Cloud sont en train de révolutionner le monde digital. Un tel constat permet d’affirmer que la dimension digitale de l’économie est aujourd’hui et sera encore plus demain extrêmement importante à prendre en considération pour cerner les caractéristiques de l’environnement. L’économie collaborative et le P2P vont renforcer les relations économiques de particulier à particulier dans les sociétés de demain et constituent une tendance marquante des évolutions en cours. Nous avons l’habitude de qualifier le nouvel environnement de complexe. La complexité de l’environnement ne doit pas nous induire en erreur. Face à cette complexité, nous disposons de plus en plus d’outils de prévision et de management issus de la révolution numérique. A ce propos, rappelons que parmi les exigences de l’innovation, les chercheurs s’accordent aujourd’hui à souligner la pertinence de la simplicité. Dans cet environnement, et dans un souci de simplicité, je propose de résumer les qualités dont un dirigeant doit faire preuve en trois points, les 3C : 1. La Citoyenneté : la première exigence vis-à-vis d’un dirigeant est sa responsabilité de citoyen vis-à-vis de sa communauté, de son entreprise, de son pays. Il s’agit de l’aptitude à servir l’intérêt général pour servir mieux et durablement l’intérêt privé ; 2. La Compétence : la citoyenneté sans compétence ne peut suffire pour mener à bien des projets et réussir dans les responsabilités qui exigent du leadership. La compétence renvoie aussi, il faut le rappeler, à une culture de la performance. Un dirigeant n’a pas une simple obligation de moyen mais aussi une obligation de résultat. 3. Le Courage : le courage d’entreprendre, le courage de prendre des risques tout en assumant ses responsabilités, le courage de se relever d’un échec, etc. Citoyenneté, Compétence et Courage : voilà trois qualités extrêmement importantes dans la réussite des dirigeants. Mohamed HORANI Président Directeur Général HPS 26

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4. Le défi d’une demande plus orientée « qualité » et la satisfaction client La satisfaction client est un défi que les dirigeants de demain, comme ceux d’aujourd’hui, doivent relever ; c’est un défi « intemporel ». Nos interlocuteurs ont insisté sur la nécessité de garantir le niveau de qualité attendu par les clients/consommateurs et d’innover pour être en phase avec leurs exigences futures. L’instauration de normes et d’une culture de la qualité paraît incontournable pour garantir le niveau requis de qualité. La professionnalisation de la fonction par la normalisation garantit « le développement du marché » et « la satisfaction client, condition de la fidélisation ». 5. Le défi de l’agilité et de l’adaptation (avec une maîtrise continue des processus opérationnels !) Les termes « agilité » et « adaptation » sont revenus à plusieurs fois dans les propos des personnes interrogées. Ainsi, la dirigeante d’une grande institution de crédit à la consommation affirme que l’une des clés de la réussite est « d’être agile quelque soit l’environnement et ses changements (…) La remise en question et l’agilité sont les clés de tous les défis actuels et futurs ». D’autres dirigeants interrogés ont mis l’accent sur l’émergence de nouvelles formes de travail et la nécessité de concevoir et de mettre en place des « structures agiles ». La restructuration des processus et des organisations doit être un réflexe quand l’environnement change. Le temps des procédures conçues pour durer, des organisations figées et des bureaucraties sous toutes leurs formes, est bien révolu! 6. Le défi de la maîtrise du processus d’internationalisation L’impératif de maitriser le processus de l’internationalisation a été exprimé de diverses manières par la plupart des dirigeants que nous avons rencontrés. Certains ont insisté sur la bonne maitrise de l’agenda « le timing de l’internationalisation », quand d’autres focalisent sur le bon choix de la région et des marchés à cibler comme par exemple, « Etre précurseur en Afrique ». En tout état de cause, « s’ouvrir à l’international » est perçu comme incontournable et les dirigeants de demain doivent « savoir s’internationaliser en maitrisant la planification et le marketing à l’international ». Certains dirigeants ont attiré l’attention sur l’émergence d’une nouvelle réalité, celle du « multiculturalisme » dont il faut tenir compte pour relever ce défi.

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TEMOIGNAGE DEVELOPPER LES CAPACITES D’ANALYSE, LE SENS CRITIQUE ET L’INTELLIGENCE EMOTIONNELLE A partir d’un certain nombre de tendances déjà décelables, on peut souligner le rôle croissant qu’auront plusieurs composantes dans les années 2030 : 1- La première est celle que je désigne par « la capacité à être multitâches ». Dans nos actions au quotidien, nous sommes très souvent amenés à agir simultanément sur plusieurs chantiers, dossiers, projets ou problèmes. L’environnement accroîtra probablement cette tendance et le succès sera fonction de la capacité à gérer une multiplicité de projets. 2- L’intelligence émotionnelle contribuera sûrement au succès des dirigeants de demain. L’analyse froide et rationnelle des données n’a jamais garanti le succès des cadres. Il en sera toujours de même. Préparer la réussite des dirigeants de demain passera par le développement de l’intelligence émotionnelle de ces futurs leaders. 3- Une grande capacité à trier et à analyser rapidement des volumes croissants de données fera la différence entre les bons managers et les leaders. La problématique de l’information a changé ! Il n’est plus question d’absence ou de pénurie d’information mais de l’excès des données brutes disponibles. Extraire, hiérarchiser et analyser l’information pertinente est la clef de la bonne décision. 4- Une connaissance des langues étrangères et surtout la maîtrise des cultures d’autres pays seront des atouts fondamentaux pour explorer et gérer un marché par défaut mondialisé. 5- Le dirigeant de 2030 devra indéniablement dompter tout le processus opérationnel des business qu’il sera amené à développer. En effet, le nombre d’entreprises se développera et les matières premières se réduiront. La marge sera par conséquent réduite et la gestion opérationnelle impactera significativement la profitabilité. 6- La maîtrise des technologies sera un atout indéniable pour émerger dans un environnement qui sera composé de plus en plus de e-profils ou profils numériques. Les entreprises seront jugées sur leur capacité à interpeller les internautes sur le web 5.0.

»;

7- Le dirigeant 2030 devra avoir une parfaite connaissance de l’histoire pour analyser les tendances antérieures, en tirer des key learnings et se projeter pour construire des stratégies pérennes. 8- La nécessité d’être à la fois éthique (en ligne avec ses valeurs) et capable d’évoluer dans des environnements qui ne le seront plus (mondialisation, éthique différente en fonction des cultures…) Les Business Schools auront pour rôle de cultiver la simplicité face à la complexité par un retour au fondamental : révéler et développer les attitudes et des comportements favorables au progrès et cultiver l’autonomie par l’esprit critique. Anis BENHLAL Manager Associé Boomerang Alumni ESCA Ecole de Management 28

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7. Le défi de l’engagement envers la société et la responsabilité de l’entreprise La RSE fait déjà partie des préoccupations des dirigeants d’aujourd’hui, plusieurs insistent sur l’acuité de ce défi pour les dirigeants du Maroc de 2030. Les termes et expressions de RSE, « entrepreneuriat social », « impact sociétal de l’entreprise » ou encore de « responsabilité » ont été utilisés par la quasi totalité des interviewés. Inscrire ses actions dans une logique de développement durable sera ainsi un défi à inscrire sur l’agenda du dirigeant de demain. Dans le contexte de l’émergence, la RSE revêt une dimension d’implication à la fois plus profonde, plus fine et plus large. Elle amène l’entreprise à se substituer à d’autres corps de la société où à l’Etat afin d’évoluer et d’ancrer sa propre durabilité dans son propre environnement. La pression des parties prenantes est certes un déterminant de l’engagement dans une démarche RSE mais, au delà de cette «pression», les dirigeants seront de plus interpellés sur les valeurs éthiques qu’ils portent et qu’ils incarnent. La prise de conscience de la RSE ne doit toutefois pas faire oublier que diriger des entreprises sera toujours synonyme de création de valeur. « Assurer la continuité de l’entreprise », relever le « défi de la compétitivité », viser « l’excellence opérationnelle » ou encore rechercher « l’optimisation des processus » relèveront bien de la mission du dirigeant de demain qui doit combiner la gestion de la création de la valeur actionnariale à celle de la création de la valeur pour toutes les autres parties prenantes. Tels sont, à grands traits, les défis d’aujourd’hui et plus encore de demain. Comment ces défis impactent-ils la mission des dirigeants d’entreprises à l’horizon 2030 ? C’est à cet aspect que nous consacrons les développements suivants.

2. De nouvelles missions pour les dirigeants en 2030 Les missions que les dirigeants de demain auront à remplir ne différent pas fondamentalement de celles que les entrepreneurs et les managers remplissent aujourd’hui. Nous constatons toutefois que ces missions à l’horizon 2030 vont être plus marquées par le poids croissant des technologies digitales, la consolidation du rôle des réseaux sociaux, les contraintes liées à la mise en place d’équipes compétentes et engagées, la pression des attentes en matière de RSE et ce dans un monde de concurrence globalisée. A l’ensemble des défis correspond une redéfinition des missions des dirigeants de demain dont le socle repose sur la capacité à mettre en place un système de veille efficace. Nous déclinerons la mission des dirigeants 2030 en proposant une typologie des rôles articulée autour de 4 volets : une veille efficace, un management optimal des ressources et des compétences clés, une prise en compte responsable des intérêts de toutes les parties prenantes et une garantie de la viabilité et de la pérennité de l’entreprise dans un marché plus globalisé. ESCA Ecole de Management © 2015

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MISSION 1 : METTRE EN PLACE UN SYSTEME DE VEILLE ET D’INTELLIGENCE ECONOMIQUE EFFICACE Gérer la complexité qui marquera de plus en plus le monde des affaires reposera sur une approche qui donnera toute sa place à la prévision. Se doter d’outils avancés d’aide à la décision et exploiter le potentiel qu’offrent les nouvelles technologies suppose une démarche volontariste de mise en place de systèmes de veille qui intègrent toutes les composantes de l’environnement : veille géopolitique, veille technologique, veille réglementaire, veille concurrentielle, veille stratégique etc. Si Henry Mintzberg a placé les rôles liés à l’information au cœur de son modèle managérial sur les rôles des dirigeants, nos interlocuteurs mettent l’accent sur la conception, la mise en place et le pilotage d’un système de veille qui nourrit en informations pertinentes l’organisation de manière continue. Ils considèrent que c’est là l’une des missions d’un dirigeant. MISSION 2 : MOBILISER, PLANIFIER ET PILOTER LES RESSOURCES ET LES COMPETENCES CLES Ayant mis l’accent sur le défi que constituent le recrutement, la formation, la motivation, la fidélisation et la rétention des ressources humaines qualifiées, il est logique que cette préoccupation se retrouve au niveau des missions que les dirigeants de demain auront à assumer. De même la place accordée à l’innovation et à la technologie dans le diagnostic des défis à affronter a amené ces dirigeants à intégrer la mobilisation de la technologie et de l’innovation parmi les composantes de la mission des dirigeants de demain. S’agissant du volet talents et compétences, et reprenant les termes et les expressions de nos interlocuteurs, le dirigeant en 2030 doit : • « Mettre le travail, le mérite et l’effort au centre de ses préoccupations • « S’entourer de compétences autonomes et responsables » ; • « Fixer l’orientation et donner du sens à ses collaborateurs » ; • « Contrôler par des outils avancés et des collaborateurs confirmés (bonnes volontés et professionnels confirmés) ». S’agissant de l’innovation et de la technologie, les extraits suivants illustrent la place que les ressources techniques et technologiques et leur gestion occuperont dans la mission des dirigeants de demain : • « Avancer sur la technologie et non la rattraper » ; • « Développer des partenariats de R&D » ; • « Initier les idées innovantes ».

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MISSION 3 : AGIR EN CONCERTATION AVEC TOUTES LES PARTIES PRENANTES L’horizon du dirigeant 2030 paraît plus large que celui des dirigeants des structures bureaucratiques et hiérarchisées qui ont longtemps été la référence de la littérature en management. En une dizaine d’années, nous constatons que le paradigme du développement durable a fait son chemin et imprègne le discours des dirigeants marocains comme l’atteste les propos tenus par nos interlocuteurs lors de cette enquête. La référence au Développement Durable et à la RSE est très fréquente et explicite chez la presque totalité des dirigeants interrogés. L’horizon qui plaçait le dirigeant d’une entreprise dans un dialogue avec les seuls actionnaires est bien révolu. Le dirigeant de demain aura pour mission de créer de la valeur pour l’actionnaire, oui, mais tout en tenant compte des intérêts de l’ensemble des parties prenantes : collaborateurs, clients, fournisseurs, collectivités territoriales, les générations futures, etc. Les quelques extraits ci-après montrent comment les dirigeants 2030 seront sollicités sur la responsabilité de leurs actions. Nos interlocuteurs, interrogés sur la mission des dirigeants de demain ont insisté sur : • « La réalisation des attentes professionnelles des collaborateurs » ; • « L’octroi du climat et des moyens nécessaires aux collaborateurs » ; • « Le Développement d’un mode de management responsable » ; Plusieurs dirigeants ont mis l’accent sur la dimension participative et collaborative qui marquera les modèles économiques dans les années 2030. Les dirigeants seront sollicités sur leurs aptitudes à adhérer à une culture plus soucieuse de partage, plus orientée vers l’empathie, plus marquée par l’humilité. Les dirigeants d’aujourd’hui et plus encore ceux de demain sont appelés à entreprendre une révolution culturelle pour développer et consolider des équipes qui redonnent au travail sa place de valeur cardinale dans une société qui valorisera davantage l’effort et le mérite. MISSION 4 : ÊTRE GARANT DE LA VIABILITE ET DE LA PERENNITE DE L’ENTREPRISE DANS UN MARCHE GLOBALISE Nous retrouvons, à travers un certains nombre de réponses à notre question relative à la mission des dirigeants de 2030, le « noyau dur » de la mission d’un chef d’entreprise. L’approche ancrée dans la réalité de l’entreprise adoptée par tous nos interlocuteurs impose en effet de ne pas oublier qu’une entreprise doit être viable en tant qu’organisation et que sa viabilité est d’abord une question de rentabilité et donc une question de capacité à sauvegarder et à développer ses parts de marché ! Or, les marchés étant de plus en plus globalisés, la mission du dirigeant revient à garantir la viabilité de l’entreprise dans un contexte de concurrence globale. L’impératif d’assurer la compétitivité des entreprises comme composante fondamentale de la mission du dirigeant est très largement reconnu et admis et partagé aussi bien par la recherche en management que par les praticiens. ESCA Ecole de Management © 2015

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Cet impératif est intimement lié à celui du développement à l’international et la conquête des marchés qualifiés par l’un de nos interlocuteurs de « stratégiques ». Voici quelques extraits de l’intitulé d’une des missions du dirigeant en 2030 tels que perçus par quelques dirigeants que nous avons sollicités pour leurs témoignages: • « Développer des partenariats à l’international et envahir des marchés stratégiques » ; • « Chercher la croissance à l’international » ; • « Développer ses parts de marché et élargir ses horizons » ; • « Savoir détecter à temps les besoins et créer les solutions optimales »

TEMOIGNAGE Les missions d’un dirigeant à l’horizon 2030 seront largement identiques à celles que nous avons le devoir d’assumer dans nos entreprises aujourd’hui. Il s’agira principalement de : 1. S’entourer de compétences qu’il rend autonomes et responsables. 2. Faire en sorte que chacun soit son propre patron : nul n’est indispensable, nul ne doit l’être, nul ne doit le devenir, tout le monde doit être dans la recherche de l’excellence. 3. Piloter et se servir des radars 4. Savoir affronter le nouveau mode de travail: Avoir une autre façon de travailler, moins de présentiel, plus de mobilité en utilisant la technologie.

Karim RADI BENJELLOUN General Manager & Co-fondateur DISWAY

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3. Les qualités qui feront le succès des dirigeants en 2030 Après avoir esquissé les principaux défis que les entrepreneurs et dirigeants d’entreprises du Maroc de 2030 auront à relever, nous avons cherché à explorer les qualités requises pour diriger avec succès dans les quinze prochaines années. On essayant de dresser le profil type du dirigeant marocain en 2030 les traits saillants qui se dégagent de nos investigations nous conduisent à définir ce profil à travers trois qualités fondamentales et trois compétences-clés. Les qualités marquantes du leader de demain seront: • La Citoyenneté qui place l’intérêt général de la collectivité au cœur des objectifs de l’organisation ; • Le Courage d’entreprendre, d’oser et d’assumer ses responsabilités ; • La Compétence en terme d’aptitude à manager dans un contexte de transformation digitale avec l’émergence de nouveaux métiers et le développement d’une économie collaborative et les bouleversements que ces phénomènes entraînent pour le monde du travail et de l’entreprise (Télétravail, Systèmes Experts, Big Data, etc.) Les compétences clefs qui feront la différence entre les managers et les leaders de demain sont résumés comme suit d’après la synthèse de nos entretiens : • Aptitude à agir en leader et à cultiver la performance par la formation d’équipes gagnantes et une forte conviction de l’utilité d’investir dans la ressource humaine ; • Savoir faire confirmé en matière de management et capacité à diffuser l’optimisme • Enracinement local assumé et intelligence du monde global. 1. Agir en leader et cultiver la performance En synthétisant, à grands traits, les réponses que nous avons obtenues à propos de cet aspect de la mission des dirigeants, nous avons retenu quelques mots et quelques expressions qui résument bien la composante « Leadership » dans la perception de la mission des dirigeants de 2030. A notre question, nos interlocuteurs ont répondu spontanément qu’un futur dirigeant doit : • « Être un Visionnaire » ; • « Savoir décliner la vision en stratégies » ; • « Assurer une Veille économique et concurrentielle et être optimiste » ; • « Avoir une culture de performance d’entreprise » ; • « Faire preuve de flexibilité » ; • « Maitriser l’art du réseautage ».

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TEMOIGNAGE METTRE LES VALEURS QUI FONDENT LA CULTURE NATIONALE AU CENTRE DU PROJET DE FORMATION DES LEADERS DE 2030 La qualité d’un cadre est évaluée à travers son comportement. Ce comportement exprime un ensemble de valeurs enracinées qui façonnent l’individu. L’empathie, le sens du partage, le rapport au travail, le sens de l’effort, etc. sont le socle sur lequel l’engagement et la performance viennent se consolider. Travailler ces valeurs est plus important qu’autrefois en raison de la démission de certaines institutions sociales qui formaient au respect de ces valeurs (la famille, les communautés de quartier, les structures tribales etc.). A ce niveau une Business School doit jouer un rôle important à travers les activités et les travaux d’intérêt général que les futurs lauréats sont amenés à réaliser. L’engagement dans des activités d’intérêt général est un (ré)apprentissage de la vie en société avec son corollaire de don, de partage et d’altruisme. Apprendre à apprécier ce qu’on a et rompre avec l’habitude de focaliser sur ce que l’on n’a pas (encore) est un exercice utile pour des cadres amenés à gérer des ressources rares dans le strict respect de toutes les parties prenantes. Engagé sur l’intérêt général, il devra apprendre à donner sans contrepartie pour apprendre le leadership. Adnane FILALI Directeur Général Fond d’Investissement Ghayach Alumni ESCA Ecole de Management

La place d’une saine gestion de la ressource humaine a été soulignée à travers plusieurs propositions que nous avons relevées lors de nos entretiens : • « Avoir de l’exigence dans le choix des collaborateurs » ; • « Cultiver l’Autonomie » ; • « Investir dans le capital humain » (fonction RH au centre de ses préoccupations) ; • « Savoir détecter les talents et les amener au top management ».

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L’ensemble de ces propositions met l’accent sur la maitrise du processus RH dans l’entreprise et ce, du recrutement jusqu’à la rétention des profils à fort potentiel. La maitrise de ce processus est souvent associée à l’adoption d’un style de management qui favorise l’autonomie, l’écoute, le partage et la participation. Ce qui est révélateur c’est à la fois la variété, la récurrence et parfois la redondance des réponses qui mettent l’accent sur cette mission qui émerge comme une véritable pierre angulaire dans la perception que nos interlocuteurs ont de la mission d’un dirigeant. 2. Maîtriser Les fondamentaux du management et être adepte du Lifelong Learning ! Les interlocuteurs de l’équipe qui a élaboré ce Livre Blanc ont insisté sur la maitrise des fondamentaux (marketing, finance, etc.), la curiosité et la capacité à agir avec célérité et l’aptitude à l’apprentissage continu comme qualité indispensable pour agir avec efficacité dans l’environnement du Maroc 2030. Les termes qui sont revenus dans les propos des dirigeants ont été les suivants : • « Bien connaître le client »; • « Apprendre à apprendre en pleine évolution et en plein changement »; • « Agilité intellectuelle (sens de l’adaptation, de la flexibilité et de la souplesse) ». 3. Assumer son enracinement et agir en « manager Glocal» ! L’international est omniprésent dans les propos des dirigeants que nous avons interrogés ; la mondialisation a fait son œuvre et nos managers placent désormais leur réflexions et leurs actions dans leur vrai contexte: le village mondial. La conscience aigue de nos dirigeants de la nécessité de prendre en compte la mondialisation des flux explique le caractère récurrent des expressions du genre « ouverture sur l’international », « formation à l’international », « approches multiculturelles » ou encore, plus trivialement « maîtrise des langues » dans les réponses à nos questions. Or, si nous rappelons les autres composantes de la mission, on se rend vite compte que la dimension « locale » est prégnante ! Être à l’écoute des parties prenantes, faire preuve de leadership dans les entreprises d’ici, communiquer, partager et mobiliser des équipes formées d’hommes et de femmes enracinés dans la culture locale sont des aspects de la mission qui suppose un enracinement dans la réalité d’ici. La prise en compte de la mondialisation prépare à une approche plus en phase avec le management du XXI siècle : Locally Rooted, Globally Opened synonyme d’une démarche qui associe un enracinement local à une ouverture au monde.

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TEMOIGNAGE FAIRE L’EXPERIENCE DU TERRAIN À L’INTERNATIONAL DOIT CONTRIBUER À FORGER LES LEADERS DE DEMAIN 1. Les valeurs sont incontestablement à la base de toute la pyramide ! Solidarité, altruisme, sens de l’honneur, courage, et surtout humilité constituent le socle sur lequel repose tout l’édifice. On ne mettra jamais assez l’accent sur l’importance des valeurs qui fondent l’environnement culturel de la performance économique d’un pays. C’est d’ailleurs valable ici au Maroc comme partout ailleurs. 2. Ensuite, l’expérience du terrain à l’international est un complément indispensable à la formation des dirigeants de 2030. Notre expérience en Afrique sub-saharienne est à ce propos pleine d’enseignements. 3. Apprendre le management et préparer la réussite des futurs dirigeants passent par une approche multiculturelle des problèmes. La formation et l’expérience du terrain à l’international doivent contribuer à former au travail et à la conduite de projets dans cette perspective.

Youssef BENKIRANE Senior Banker - Direction Générale de l'International - BMCE BANK

Les qualités d’écoute, d’intelligence émotionnelle et l’intuition à choisir ses collaborateurs sont également soulignées par certains dirigeants. Ainsi « Etre courageux, à l’écoute de ses collaborateurs, ouvert, ayant 11 une bonne maîtrise des langues et un bon niveau de communication » , « Intelligence émotionnelle très élevée doublée d’une forte intelligence culturelle »12 et « Savoir-être, savoir faire, intuition dans le choix des 13 collaborateurs, adaptation, réseautage et le goût du challenge » ont été soulignées comme qualités indispensables pour réussir sa mission de dirigeant et de leader. Les termes-clés ici sont Vision, Stratégie, Communication, Veille, Anticipation, Adaptation et Networking. Partant de leurs expériences de terrain, nos interlocuteurs résument en quelques mots ce que la littérature managériale a mis presque un siècle à concevoir ! Le rôle de l’expérience comme accélérateur de l’apprentissage trouve son illustration ici et doit inciter en plus une grande école de management à impliquer plus les dirigeants dans la formation comme le préconisent la plupart de nos interlocuteurs à propos de leur perception du rôle des Business Schools dans la formation des dirigeants. Notre investigation et les témoignages recueillis auprès des dirigeants d’entreprises nous ont permis de mettre l’accent sur les attentes quand au rôle des écoles de management dans la préparation de la nouvelle génération des dirigeants.

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Aziz QADIRI Président du Réseau Entreprendre Maroc.

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F. JIRARI General Manager Association pour le Progrès des Dirigeants APD

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M. JAZOULI Fondateur et Directeur Général de Valyans Consulting

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TEMOIGNAGE LES VALEURS AU CŒUR DES QUALITES DES DIRIGEANTS QUI REUSSISSENT DURABLEMENT Trois éléments fondamentaux font la qualité d’un individu dans les métiers dont la chaîne de valeur est structurée autour du savoir et de la connaissance (éléments qui marqueront l’économie de demain plus encore que celle du début des années 2000) : 1. Le premier élément est un prérequis absolu sans lequel on ne peutparler de ressource humaine de qualité. Il s’agit des valeurs. Les termes d’éthique, du sens de l’intérêt général désignent souventcette même exigence. Sans ces valeurs, la confiance ne peut pas s’installer, l’échange sera difficile à entretenir, et la qualité des relations de travail risque de s’en trouver impactée négativement. Il s’agit d’un défi sociétal majeur au Maroc. 2. Ensuite, l’agilité, l’aptitude à oser, l’esprit d’innovation, la confiance en soi et la capacité à créer et à entretenir un climat de confiance, brefles talents d’un individu le disposent à diriger et à assumer un rôle deleader. Dans une société qui évolue à une vitesse extrêmement rapide, les connaissances, les savoir-faire et les métiers eux-mêmes deviennent rapidement obsolètes. L’aptitude à faire évoluer ses compétences dans un environnement où les ruptures sont fréquentes est une capacité distinctive. Je place l’agilité au cœur des talents àcultiver. 3. La valeur travail et le sens de l’effort doivent être un processus continu. J’insisted’autant plus sur cet aspect qu’il me semble qu’avec la génération Y,on a tendance à sous-estimer son importance dans la réussite en entrepreneuriat et dans les rôles de management. Le cursus scolaire contribue certes à révéler, à consolider et à développer ces qualités mais il faut aussi mettre l’accent sur l’importance de toutes les activités extra-scolaires dans la formation de futurs dirigeants aptes à agir dans le respect des valeurs, de façon agile et à engager les efforts requis pour mener à bien des projets. Hicham LARAQUI Directeur Associé Valyans

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LA CONTRIBUTION DES BUSINESS SCHOOLS À LA FORMATION DES DIRIGEANTS A L’HORIZON 2030


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1. Le rôle des Business Schools dans la préparation des dirigeants de demain On peut synthétiser les résultats de nos investigations en trois catégories de rôles : former des dirigeants porteurs valeurs, les préparer à affronter la réalité de l’entreprise et de l’environnement global, assurer leur réussite en consolidant les compétences transversales indispensables pour exercer des responsabilités dans un monde complexe. Les dirigeants interrogés ont souligné la nécessaire implication des leaders et des chefs d’entreprises dans la formation des dirigeants de demain et donc dans la vie des business schools pour contribuer à la réussite du projet pédagogique dont les contours ont été ainsi esquissés. Nos interlocuteurs ont d’abord mis l’accent sur la place centrale des valeurs dans la formation et le succès d’un futur dirigeant. Les valeurs qui ont été pointées du doigt sont : L’intégrité, l’autonomie, la responsabilité, le travail et le sens l’effort. Former les dirigeants de demain et préparer une élite entrepreneuriale pour le Maroc de 2030 nécessite une connectivité plus forte à l’entreprise et une puissante connaissance des espaces internationaux. Les managers interrogés ont insisté sur la nécessité de dispenser une formation orientée vers, voire ancrée dans, la réalité de l’entreprise et de former les futurs dirigeants à un « Long Life Learning » en raison de l’obsolescence rapide des technologies, des savoirs et du savoir-faire. C’est la fin des enseignements figés. Les écoles de management doivent de ce fait : • « Mettre les étudiants face aux réalités de la vie et du marché » ; • « Faire travailler plus en entreprise (le système d’alternance est efficace) » ; • « Confronter continuellement les étudiants à la réalité pour les préparer aux changements ». • « Favoriser l’expérience à l’international des étudiants». La polyvalence « positive » doit être valorisée pour que les futurs dirigeants soient préparés à un cœur de métier. L’accent est mis sur les qualités humaines, essentielles pour « gérer une équipe au quotidien » mais aussi sur la capacité à s’auto-former. Un futur dirigeant est un cadre capable « d’aller à l’essentiel » et qui, de ce fait, doit faire preuve d’une capacité de synthèse et de « comprendre rapidement les enjeux ». Le profil à former, selon nos interlocuteurs, doit être : • Pragmatique ; • Persévérant (se redresser en continu) ; • Une force de proposition ; • Maîtrisant les enjeux opérationnels. 40

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La réussite d’une école de management à former des dirigeants qui répondent à ce profil requiert un ancrage renforcé avec le monde de l’entreprise dont la contribution peut être multiformes à travers : • L’enseignement « en prenant en charge des cours dispensés dans une optique équilibrée conciliant la rigueur académique et la dimension professionnelle » ; • Le transfert d’une partie de leur expertise à travers des séminaires ; • La contribution à l’innovation à travers des activités de recherche. Trois facteurs-clefs conditionneront le succès des business schools dans la préparation de la nouvelle génération des dirigeants. La qualité de cette préparation sera déterminante pour la réussite de la transition vers une économie d’innovation et une société de progrès.

TEMOIGNAGE Une école de management doit avoir comme but de former des individus: • Capables d’aller à l’essentiel avec une capacité de synthèse et de comprendre rapidement les enjeux. • Pragmatiques. • Aptes à comprendre la valeur du travail et de l’effort et que le chemin n’est pas facile. • Persévérants (se redresser en continu) • Sachant être une force de proposition • Sachant être exigeants • Rapidement opérationnels. Pour cela, une école de management doit : • Les faire travailler beaucoup en entreprise; • Former à des métiers mais en donnant juste les outils pour que les étudiants « fabriquent » eux-mêmes leurs postes de demain ; • Les aider à avoir un projet de « vie » global ( personnel et professionnel) • Leur permettre l’expérience à l’international ; • Les confronter continuellement à la réalité (les mettre dans la vraie vie) pour être prêt aux changements ».

Laila MAMOU Présidente du Directoire WAFASALAF

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2. Les clefs de succès pour préparer les dirigeants du Maroc de 2030

3 La production et la diffusion de connaissances a haute valeur ajoutée pour le succès des futurs dirigeants

facteurs concernent le cœur de métier des B-Schools :

La multiplication et le renforcement des partenariats pour une meilleure ouverture sur l’environnement.

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La mise en place d’une pédagogie au service de l’émergence économique


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Une pédagogie au service de l’émergence économique Les développements précédents ont permis de dresser une liste des qualités et des compétences que les futurs dirigeants doivent acquérir et développer pour être à même d’exercer leurs missions dans l’environnement des années 2030. Les attentes par rapports aux écoles de management découlent du profil esquissé. La question qui nous interpelle ici est celle des innovations pédagogiques à introduire dans la conception des programmes et la pratique pédagogique tout au long du cursus de formation. La quête d’un modèle pédagogique adapté à une économie en émergence et à une société en transition nous incite à chercher dans deux directions: les pratiques pédagogiques dans les pays qui ont réussi l’émergence et la transition d’une part et les standards internationaux de qualité dans le domaine de l’enseignement et la formation en Management d’autre part. Les modèles de la Chine, de l’Inde, de la Turquie ou encore de la Corée du Sud montrent la voie de la réussite de l’émergence : la réforme des systèmes d’éducation et de la formation dans l’objectif d’atteindre une évolution qualitative des profils des lauréats des écoles d’ingénieurs et des écoles de management en particulier. Ces pays se dotent de structures de formation davantage dédiées à la formation des élites et moins soucieuses de la gestion d’un enseignement de masse. Les standards de la qualité en matière de formation en management mettent l’accent sur la mise en place et l’amélioration d’un système qui garantit le développement des compétences des futurs lauréats en interaction dynamique avec le monde professionnel, la communauté de la recherche en management et dans une perspective mondiale. Les axes majeurs de cette pédagogie sont : 1. Le développement d’une dimension forte de pensée critique par rapport aux enseignements eux mêmes, aux énoncés, aux situations pour faire face à la complexité ; 2. Le renforcement de la pédagogie par « les études de cas » d’entreprises et de groupes marocains mais aussi émanant de pays émergents pour apprécier les modèles qui feront les champions de demain ; 3. L’implémentation du Design Thinking pour développer l’agilité d’esprit, imaginer et oser l’innovation dans les produits, les processus et les business models ; 4. L’intégration de la technologie au cœur de l’acte d’apprentissage avec ce que cela implique comme changement dans le rôle de l’enseignant. L’étudiant accède aux données et apprend à en faire usage et à les traiter pour décider ; 5. L’expérience de l’entrepreneuriat, à travers des activités au sein de l’école mais aussi par les projets réels qui présentent des enjeux importants ; 6. La remise en cause des contenus et leur enrichissement régulier par l’engagement des enseignants. ESCA Ecole de Management © 2015

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Bâtir une connaissance à haute valeur ajoutée pour le succès des futurs dirigeants Le modèle pédagogique adapté à une économie en émergence et à une société en transition doit faire une place de choix non seulement au contenu et aux méthodes de transmission et d’implication des apprenants dans le processus de formation mais également à la mise en place et le pilotage du processus de production et de diffusion de nouvelles connaissances pour mieux contribuer à la transition vers une société du savoir. C’est dans cette optique que nous insistons sur l’importance croissante de la Recherche dans le domaine de Management pour une formation de qualité. Il s’agit d’une Recherche Appliquée, développée en parfaite symbiose avec le monde de l’entreprise, orientée vers la production de savoirs utiles pour améliorer les pratiques et les techniques managériales dans un contexte d’émergence. Il s’agit concrètement de: 1. La rédaction d’études de cas tenant compte des situations des entreprises dans leur environnement, de leur mode de gouvernance et de management. Les problématiques traitées dans ces cas doivent enrichir le mode de pensée des futurs dirigeants ; 2. L’engagement de travaux de recherche appliquée utiles à l’entreprise, à son secteur et au service de la décision. Les champs de l’Entrepreneuriat et du Management du Changement sont au cœur des disciplines concernées par ces recherches ; 3. Le partage de la production intellectuelle sous toutes ses formes pour les confronter aux intelligences des parties prenantes et l’enrichir. La spécificité de cette recherche découle de celle de son contexte marqué par la transition d’une économie basée sur les « ressources » et des préoccupations d’optimisation de l’emploi de ces ressources à une économie d’innovation dont la dynamique est reliée à la créativité et à la qualité des ressources humaines.

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Multiplier et renforcer les partenariats pour une forte connexion à son environnement L’étude menée et complétée par des interviews avec des entrepreneurs et des dirigeants a bien mis en évidence la dimension d’ouverture aussi bien au niveau des qualités requises pour être un dirigeant efficace dans l’environnement d’aujourd’hui et celui de demain qu’au niveau des attentes par rapport aux business schools qui doivent être des institutions très ouvertes sur leurs environnement. Nous tenterons d’expliciter le sens de cette ouverture en partant des pratiques des meilleures Business Schools et des standards de qualité en vigueur dans le monde de l’éducation et de la formation en management. Un modèle pédagogique ouvert sur son environnement est un modèle d’enseignement et de formation en management conçu et implémenté de façon à ce que le monde professionnel soit constamment présent dans les préoccupations et les actions des acteurs de la formation (ouverture sur le monde professionnel) et de façon à ce que la dimension internationale soit intégrée de façon systémique dans le contenu tout au long du cursus, le choix des enseignants et le pilotage de la recherche. Ce modèle se décline à travers une connectivité organique avec l’entreprise et une orientation résolue vers l’international : 1. Connectivité à l’entreprise : a. La production intellectuelle utile à l’entreprise enrichit les enseignements et les savoirs. b. L’entreprise comme partenaire dans la gouvernance à travers sa contribution aux organes d’orientation de l’école de management c. Les Allers-retours permanents avec les entreprises partenaires avec des modalités multiples d’échange et de collaboration. 2. L’engagement international : a. Les cours de Géopolitique et Géo-économie pour mieux comprendre les espaces et les mouvements pour mieux appréhender les incerti tudes des situations à venir et donc d’accéder aux clefs de décryptage du monde et ses différentes sous régions pour y déceler des opportu nités. b. Avec tous les accords de libre-échange qu’il a signé et ratifié, le Maroc a besoin de dirigeants qui osent le « marché global ». Les stages et semestres d’études sur quatre continents et la Global Classroom avec de nombreuses nationalités forgent une meilleure compréhension des autres, mais aussi la diversité multiculturelle du dirigeant.

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CONCLUSION Au terme de cette incursion dans l’univers du Management au Maroc des années 2030, nous retiendrons d’abord que cet horizon marquera l’achèvement d’une triple transition démographique, économique et sociétale. La société marocaine sera marquée par les traits d’une société urbaine, avec une pression moindre des classes d’âge jeune et une économie dans laquelle la part des activités que nous cataloguons dans le secteur quaternaire prendra plus de poids que les secteurs traditionnels. L’une des ruptures marquantes de la transition vers cette nouvelle société est annoncée par la révolution que constituent le défi et l’opportunité formidable de l’avènement et de l’essor de l’économie digitale. L’univers du travail, de la formation, des loisirs, du management et de l’entrepreneuriat sera bouleversé par le basculement vers le numérique et au cœur de ce modèle les technologies de l’information et des réseaux. La seconde rupture qui impactera l’environnement et redéfinira les missions des dirigeants sera la demande sociétale exprimée encore timidement par les ONG qui militent en faveur d’une responsabilité sociale, sociétale et environnementale. Agir en conformité avec les standards et les règles plus en phase avec les attentes d’une multitude de parties prenantes exigera de placer l’éthique au centre des préoccupations de acteurs de demain. Enfin, le Manager du Maroc de 2030 aura à remplir ses missions dans un monde plus intégré par les flux d’échanges commerciaux, de transactions financières et de flux d’information. Le monde de 2030 en sera plus globalisé et la concurrence plus ouverte, achevant la transition vers une économie de l’hyper-compétition. Les nouvelles réalités de l’économie de demain sont annonciatrices de défis, certes, mais aussi d’opportunités que constitueront les outils de l’économie digitale qui rendront le monde complexe de demain en définitive plus simple à manager ! Des tendances ainsi sommairement décrites, nous avons esquissé le profil du dirigeant des années 2030. Les valeurs sont le noyau dur du profil esquissé. La maîtrise des technologies qui définissent l’économie du savoir sera au cœur de la compétence qui le distinguera du profil de cadre. L’aptitude à s’engager dans une démarche entrepreneuriale et à oser assumer avec confiance la responsabilité des projets qu’il sera amené à conduire couronneront son action et en feront un leader capable de mobiliser des hommes et conduire le changement. Une fois le contexte décrit dans ses tendances les plus marquantes et le profil des dirigeants de demain esquissé à grands traits, une immense attente s’exprime légitimement vis-à-vis du monde de l’éducation et de la formation : comment les écoles de management et les autres institutions impliquées dans la formation des élites préparent-elles les jeunes apprenants d’aujourd’hui à assumer leurs responsabilités dans un monde en perpétuel évolution ?

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Nous avons exposé le fruit de nos investigations et de notre expérience en tant que communauté d’enseignement et de recherche en Management. L’école pour laquelle nous militons, et que nous essayons de déployer, place les technologies digitales au centre de son modèle pédagogique. Notre engagement résolu depuis plus d’une décennie dans la Recherche en Management n’a pas de signification autre que de garantir une habilitation du corps professoral à dispenser une formation qui colle aux réalités d’aujourd’hui et plus encore de demain. Enfin, ce Livre Blanc a insisté sur la double connectivité avec le monde de l’entreprise et de l’international. Cette connectivité est à la fois un moyen et une fin : nous préparons nos étudiants à quitter le monde étroit de la salle de classe et à se projeter, dès l’école, dans le monde de l’entreprise, et dans le monde.

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REMERCIEMENTS


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Les recherches pour la réalisation du Livre Blanc « Profil des Dirigeants du Maroc à l’horizon 2030 » ont été dirigées par le Professeur Lhacen BELHCEN et Thami GHORFI, Président d’ESCA Ecole de Management. Ont collaboré aux travaux d’enquête, de préparation, de rédaction et d’édition : Ibtissam ABARAR – Badr ABBA – Mouna BENCHOUIKHA – Abdennasser DAIF – Imane EL GHAZALI – Zoulikha MAAROUFI – Mohammed MAKKAOUI – Mahja NAIT BARKA.

Lhacen BELHCEN Titulaire d’un Doctorat d’université en Sciences Economiques de l’Université Hassan II de Casablanca, Lhacen Belhcen rejoint le Ministère de l’Economie et des Finances en 1993 en qualité de Chef de Cabinet du Ministre, avant d’intégrer le corps professoral d’ESCA Ecole de Management à partir de 1995. Il y assure les cours de politique générale de l’entreprise et de management stratégique dans les Parcours Grande Ecole et Executive Education. En 2005, il prend la responsabilité de la Direction Recherche de l’Ecole, et dirige depuis janvier 2015 le « Entrepreneurship & Leadership Institute » d’ESCA Ecole de Management. Les principaux domaines de recherche de Lhacen Belhcen sont l’entrepreneuriat international, l’investissement direct international des firmes des pays émergents et l’entrepreneuriat familial dans la région MENA. Il a participé à plusieurs rencontres scientifiques nationales et internationales en rapport avec ses domaines de recherche et celles relative à la formation en management. Il a publié récemment « Un modèle de Transfert de Technologie Sud-Nord : le cas High Payment Systems HPS » (en collaboration avec Yoni Abittan, 2011) qui a reçu en 2013 le Prix des Meilleures Pratiques de Management dans la région Euro-Med de l’EFMD, Fondation Européenne pour le Développement du Management ; « Management et Managers dans la région MENA : Le Cas de l’Afrique du Nord » (Chapitre « Maghreb » du Manageor, avec Hamid Bousta, 2010), « Moroccan Outward FDI in the Western African Countries » (2012), « Gouvernance, Entrepreneuriat et RSE dans le Contexte Africain » (2014) et « Internationalisation des entreprises familiales : le Cas des Family Business Marocaines » (à paraître en 2016).

Thami GHORFI Président de ESCA Ecole de Management, Thami Ghorfi enseigne la stratégie de communication et le management du changement. Diplômé de l’ISG Paris et détenteur d’un MBA de l’ESSEC Business School, Thami Ghorfi a développé une expertise sur l’entrepreneuriat, la conduite du changement et les pratiques de gestion au Maroc et dans la région MENA – des champs d’expertise pour lesquels il a été honoré en 2010 d’un Doctorat Honoris Causa de Grenoble Ecole de Management. Conseiller auprès de plusieurs institutions et think tanks dans les domaines de la stratégie et du développement social, il intervient régulièrement en tant qu’expert et conférencier lors de rencontres internationales. Thami Ghorfi est Membre académique international du Comité EDAF (Deans Across Frontiers) de l’EFMD (European Foundation for Management Development, Bruxelles - Belgique), Membre de l’Academic Advisory Board de GBSN (Global Business School Network, Washington – Etats-Unis) et Membre de l’Advisory Council pour la région MENA de AACSB (Association to Advance Collegiate Schools of Business, Tampa – Etats-Unis). Thami Ghorfi a été nommé en 2011 Membre du Conseil Economique, Social et Environnemental, une institution indépendante consultative qui réalise des études et propositions auprès du gouvernement marocain.

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Ce Livre Blanc est le fruit d’une large concertation à l’issue d’échanges et de réflexions riches et engagées. L’équipe de rédaction tient tout particulièrement à remercier pour leur contribution:

Ismail AKALAY Directeur Général des Activités Métaux de Base et Cobalt & Centre de recherche de MANAGEM

Anis BENHLAL Manager associé de BOOMERANG Alumni ESCA Ecole de Management

Youssef BENKIRANE Directeur Général de BMCE Bourse

Adil BENNANI

Country General Manager de TOYOTA DU MAROC

Adam BOUHADMA

Fondateur et Manager de 9rayti.ma (Education Media Company)

Mohamed ETTALALI

Directeur Général de VENTEC Maroc

Adnane FILALI

Directeur Général de GHAYACH Fonds d’investissement Alumni ESCA Ecole de Management

Nezha HAYAT

Co-Fondatrice de l'Association des Femmes Chefs d'Entreprises du Maroc (AFEM) Membre du Directoire de Société Générale Maroc

Mohamed HORANI

Président-Directeur Général de HPS

Mohcine JAZOULI

Fondateur et Directeur Général de Valyans Consulting

Farida JIRARI

Présidente de l'Association pour le Progrès des Dirigeants (APD)

Abdelilah LAHLOU

Directeur Général du Laboratoire IBERMA

Hicham LARAQUI Directeur Associé Valyans Consulting

Laila MAMOU

Présidente du Directoire de WAFASALAF Coach

Aziz QADIRI Président de Réseau Entreprendre Maroc

Karim RADI BENJELLOUN

Co-fondateur et Directeur Général de DISWAY

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À PROPOS

D’ESCA ECOLE DE MANAGEMENT ‘’Former des managers entrepreneurs, responsables, capables de gérer dans la complexité et d’améliorer la performance des entreprises, dans une économie en émergence’’ : telle est la mission qui anime ESCA Ecole de Management pour atteindre son objectif, figurer dans la communauté des meilleures Business Schools de la région méditerranéenne. Fondée en 1992 et classée n°1 des Business Schools au Maroc (Classement Eduniversal 2015) et en Afrique francophone (Classement Jeune Afrique 2014), l'Ecole propose un large portefeuille de programmes et forme chaque année 1 100 étudiants, cadres et dirigeants de 19 nationalités différentes. Forte d'un réseau de plus de 70 partenaires académiques internationaux, ESCA Ecole de Management a fait de l’international un axe stratégique de son développement et accueille chaque année des étudiants et participants étrangers dans le cadre de semestres d’études et de Study Trips. En accord avec sa mission, ESCA Ecole de Management développe une recherche dynamique appliquée aux entreprises, menée par l'ensemble de ses enseignants-chercheurs. L'activité de recherche s'articule autour de 4 pôles : l’entrepreneuriat, l’innovation, le développement durable, la géopolitique/géoéconomie des marchés émergents. L'Ecole compte plus de 3 300 diplômés fédérés autour de l’association ESCA Alumni. Plus d’infos : www.esca.ma



7, rue Abou Youssef El Kindy Boulevard Moulay Youssef 20 070 Casablanca - Maroc Tél : +212 5 22 20 91 20 Fax : +212 5 22 20 91 15

www.esca.ma ESCA Ecole de Management © 2015


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