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Deux maisons de notre temps

Deux   maisons venues D’ailleurs

Dans le secteur de l’architecture résidentielle, l’internet, entre autres, a ouvert de nouveaux horizons et révèle des talents inattendus, davantage à l’Est. Cette évolution s’observe, par exemple, à travers l’œuvre de deux architectes, l’Indien Gurjit Matharoo et la Japonaise Suzuko Yamada, présentés dans le dernier volume de l’ouvrage Homes for Our Time*.

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Philip Jodidio

Gurjit Matharoo est né à Ajmer, au Rajasthan, en 1966. Après son diplôme en architecture au Center for Environmental Planning and Technology à Ahmedabad en 1989, il a travaillé pendant deux ans au Tessin, d'abord dans le bureau de Michele Arnaboldi puis chez Giorgio Guscetti. En 1991, il a créé sa propre agence, Matharoo Associates, à Ahmedabad. Son bureau s'occupe non seulement d'architecture, mais aussi de conception structurelle, d’intérieur, de design de produits et d’aménagement paysager. Il a construit de nombreuses résidences à Ajmer et Ahmedebad mais aussi des immeubles plus conséquents en Inde.

En IndE, la maIson XXl dE GurjIt matharoo

Le commerce de diamants, textiles, pétrole et métaux a fait de Surat l’une des villes les plus prospères et les plus dynamiques d’Inde. Cette maison est située à 20 kilomètres du centre-ville, dans la commune côtière de Dumas. Construite pour un couple de bijoutiers et leur fils, la résidence est suffisamment élevée au-dessus des palmiers pour offrir une vue sur la mer d’Arabie.

Baptisée «150 Steps Up to the Sea», elle s’étend sur une superficie de 1440 m2. Gurjit Matharoo a eu l’idée de créer une connexion entre un puits d’eau douce, situé sur le site, et la mer et d’en faire le fil directeur de la conception.

Des éléments tels que l’entrée, la cuisine, les chambres et les bassins ont été conçus selon les règles du Vastu Shastra, science de l’architecture traditionnelle indienne. Une base en pierre est surmontée de tubes en béton empilés. Aux niveaux supérieurs, chaque tube contient des chambres à coucher, tandis que les espaces de vie se trouvent en dessous. La chambre principale du premier étage donne sur le volume central de la maison. Cette résidence privée sur cinq étages a été construite avec des murs en pierre, des colonnes et des murs et des dalles en béton armé. Le plancher est en bois de Kadapa et les murs en teck de Birmanie. Gurjit Matharoo explicite ainsi son projet: «Inspiré par la typologie aujourd’hui disparue des anciens puits à degrés indiens –une longue volée de marches donnant accès à une nappe d’eau en constante fluctuation– l’escalier part de la base du puits, fait le tour de l’intérieur et s’enroule autour du vide éclairé par le soleil, reliant tous les espaces à mesure que l’on s’élève vers le sommet: une promenade de 150 marches vers la mer.»

© Yurika Kono

Forêt tubulaire

La maison Daita2019 de Suzuko Yamada a une superficie de 138 m2 . De manière inattendue, l’architecte compare son sentiment à l’égard de cette maison à une expérience vécue dans une forêt au Rwanda où elle est tombée sur un groupe de gorilles des montagnes sauvages semblant tout à fait à l’aise malgré l’absence de murs et de toit pour vivre. Pour étayer sa démarche, elle explique: «C’est l’architecture vernaculaire d’une forêt de gorilles. Je me suis demandée ce que cela donnerait d’avoir une maison comme celle-ci dans un petit quartier résidentiel de Tokyo. Je me suis aussi interrogée sur la possibilité de créer une maison où la vie nue serait doucement enveloppée par des couches de fils et d’objets créant une variété de profondeurs, et où la lumière du soleil et les regards des passants seraient tenus à distance.»

Ainsi, il n’y a pas de murs entre cette maison et son jardin. Il y a cependant «du bois de construction, des éléments en acier, des poteaux et des poutres monotubes, et des contreventements, il y a aussi des contremarches et des rampes d’escalier, des cadres de fenêtres, des meubles, des rideaux, des vêtements et autres objets divers, des arbres et des plantes en pot, des vélos, des bajoues, des pelles et une vaste quantité de livres, de cassettes vidéo et de DVD».

L’intérieur de la maison est en bois et l’extérieur en acier. Elle a clairement été conçue pour que sa forme puisse être facilement modifiée. Il s’agit peut-être de l’une des maisons contemporaines les plus radicales imaginées depuis de nombreuses années. Elle n’est sans doute pas du goût de tous, mais elle est certainement innovante, ce que le site web dezeen.com a reconnu en lui accordant son prix de la «maison urbaine de l’année» en 2020.

Suzuko Yamada est née en 1984 à Tokyo. Elle a étudié au département de Design environnemental de l’Université de Californie à Berkeley et a poursuivi ses études en environnement à l’Université Keio à Tokyo. Elle a travaillé de 2007 à 2011 dans le bureau de Sou Fujimoto avant de fonder sa propre agence, Suzuko Yamada Architects, en 2011.

Homes for Our Time, Volume 2, Philip Jodidio, Éditions Taschen, 2022.

© Yurika Kono

© Yurika Kono

www.neolith.com

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