L'écume des jours, les couleurs du temps

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L’écume des jours, les couleurs du temps.



« Un jour, il y aura autre chose que le jour.»


La paesologia est un chemin entre l’ethnologie et la poésie. Ce n’est pas une science humaine, c’est une science vaincue, utile à rester désarmés, immatures. La paesologia n’est autre que le passage du corps dans le paysage. C’est une discipline fondée sur la terre et sur la chair. C’est simplement l’écriture qui vient après avoir baigné le corps dans la lumière d’un endroit.


Les choses peuvent se raconter de mille et une façons. Avec des mots, les nôtres ou ceux d’un autre; parfois même en silence. S’attacher aux couleur de ces lieux - celles des murs, les couleurs des voix ou des regards, celles du matin ou celles du soir ... S’attacher aux couleurs et imaginer ce qu’était et ce que l’on voudrait que (re) deviennent ces endroits. Dans sa définition de la Paesologia, Franco Arminio parle de passage. Dans ma définition de ces paysages, je joue avec et sur les mots. Synonymes de passage : extrait, moment, fragment, altération, fuite, galerie, trace ... Fragment de vie. Galerie photographique. Traces du passé. Moment présent. Fuite du temps. Extraits de l’Ecume des jours.




«On oublie rien de ce que l’on veut oublier, c’est le reste qu’on oublie.»



ÂŤ Je ne voudrais pas crever Sans savoir si le soleil est froid, Si les quatre saisons Ne sont vraiment que quatre. Âť



Page blanche et trainée de poudre... Des émotions qui restent envers et contre tout. Envers et contre nous. Des lieux hantés de souvenirs. Des lieux habités de couleurs et de lumières. Des instants présents qui échappent à tous les temps. Et toutes ces choses, tous ces lieux qui n’existeront jamais mieux qu’au passé. Qui ne se réinventeront jamais plus qu’au futur.





« Je voudrais pas crever Avant d’avoir usé Sa bouche avec ma bouche, Son corps avec mes mains, Le reste avec mes yeux. »



« Des insectes pointus avaient creusé le sol de mille petits trous; sous les pieds c’était comme de l’éponge morte de froid. J’avançais sans me presser et regardais les fleurs dont le coeur rouge sombre battait au soleil. A chaque pulsation un nuage de pollen s’élevait, puis retombait sur les feuilles agitées d’un lent tremblement. »



ÂŤ Les gens ne changent pas, ce sont les choses qui changent. Âť


Capturer l’instant, l’immortaliser, figer le temps. Photographie pour les uns et les autres. Souvenirs pour eux. Ils ont vécu ces lieux. Incroyablement. Tellement fort qu’aujourd’hui encore leur récit est plus détaillé et coloré que ne le sera jamais aucune photographie. Sans y remettre un pied, ils savent être nos yeux, notre nez, nos oreilles et nous inventent même une mémoire.


« Maintenant, les feuilles des arbres étaient grandes et les maisons quittaient leur teinte pâle pour se nuancer d’un vert effacé avant d’acquérir le beige doux de l’été. Le pavé devenait élastique et souple sous les pas et l’air sentait la framboise. Il faisait encore frais mais on devinait le beau temps derrière les fenêtres aux vitres bleuâtres. Des fleurs vertes et bleues poussaient le long des trottoirs, et la seve serpentait autour de leurs tiges minces avec un léger bruit, humide comme un baiser d’escargots.»





« Je mourrai un peu, beaucoup, sans passion, mais avec intérêt. »




Extraits : L’Ecume des jours, Boris Vian, 1947 Je voudrais pas crever, Boris Vian, 1952 Photographies : Romagnano al Monte, IT


Estelle le Deaut - 2014


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