Exterieur Design 2010

Page 1

HABILLAGE l CONFIDENCES

1

Hybride et ibérique ■ Pour l’éditeur Vondom, Javier Mariscal a signé une ligne de mobilier hybride, transformant les classiques jardinières en tables, mange-debout ou assises rythmées par des couleurs flashy. Vondom, collection Moma.

Dessinateur de BD très populaire en Espagne, Javier Mariscal transpose sans complexe son univers graphique délirant dans le monde du design à travers des créations pop et colorées.

2

Passé présent ■ Délurée et bien ancrée dans son époque, cette chaise en plastique déclinée en coloris acidulés s’inspire pourtant des techniques ancestrales de la vannerie. Mariscal a été jusqu’à imiter les irrégularités du tressage pour rendre cette création venue du passée mais destinée au monde moderne plus crédible. Amat 3, chaise Miralook.

XOAN MARÍN

PROPOS RECUEILLIS PAR DOROTHÉE BÉCART

Javier Mariscal

A

ART PLASTIQUE

l’origine, vous êtes dessinateur de BD. Quand vous dessinez un meuble, votre « premier jet » est-il celui d’un bédéaste ou d’un designer ? Mon travail commence toujours par le dessin, graphique, industriel ou autre. Je suis avant tout dessinateur ; c’est pour cette raison que mes créations ne sont pas toujours rigoureusement géométriques et ont plutôt tendance à afficher des courbes organiques.

L’une de vos créations, Julian, une chaise pour enfants en forme de chien éditée par Magis, était à l’origine un personnage de BD. Y a-t-il un fil conducteur entre vos différents travaux, qu’ils touchent aux domaines de l’art, de la BD ou du design ? Tous mes personnages de BD terminent un jour leur carrière dans une autre discipline. Ce qui a deux

58 II extérieurs extérieurs design design 58

1

2

dimensions peut facilement se traduire en trois dimensions. Voir naître Julian en trois dimensions a été fascinant pour moi. Mon univers graphique personnel m’aide à aborder n’importe quel travail. J’aime que mes personnages soient utiles à presque tout et sautent d’une planche de BD à un tabouret ou sortent d’un tableau pour devenir un objet en céramique... Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser au design, à la fin des années 70 ? Comme à peu près tout ce qui arrive dans la vie, ce fut le fruit du hasard. Le designer d’intérieur Fernando Salas m’a proposé de faire quelques dessins pour un bar de Valence, le Duplex. Il fallait en particulier dessiner les tabourets du bar, et c’est ainsi qu’est né mon premier objet, le tabouret Duplex, dont l’un des pieds

est tout tordu, ce qui ne l’empêche pas de tenir en équilibre. Voilà comment tout a commencé ! Un certain nombre de vos créations dégagent un feeling « fifties ». Comment expliquez-vous votre attirance pour cette période ? Les années 50 ont été une décennie incroyable, particulièrement aux États-Unis. Les Américains venaient de remporter la Seconde Guerre mondiale ; ils étaient regardés et admirés par le monde entier ; ils étaient pleins d’optimisme. Le pétrole coulait à flots, les ressources naturelles paraissaient inépuisables, le développement de nouvelles technologies et l’avènement du plastique ouvraient de nouvelles perspectives pour l’industrie. Tout cela se ressent dans le design de ces années-là, des énormes et sublimes limousines aux appareils électroménagers. Vu de l’Espagne, tout cela

semblait merveilleux. Aujourd’hui, tout a changé, nous avons pris conscience que le développement durable était préférable au consumérisme à outrance, mais j’aime tout de même appliquer cette esthétique de l’optimisme à mon travail, bien que je recoure à des techniques sans doute plus durables qu’à l’époque. L’arbre est une autre figure récurrente dans votre travail créatif, des palmiers de vos carnets d’ébauches (« Mariscal sketches ») aux forêts enchantées qui se dessinent sur les dossiers de la chaise Alma... Quand j’étais petit, je vivais près d’un endroit où poussaient d’énormes ficus centenaires. Ils sont toujours là aujourd’hui et continuent à grandir. Quand je vais à la plage au bord de la Méditerranée, il y a toujours des pins qui protègent du soleil ardent. Je suis méditerranéen, une zone géographique pas si boisée, mais

où on trouve toujours des palmiers et des pins. En fait, je ne peux pas vivre sans les arbres. Et ils ont une silhouette que j’adore dessiner. Vous avez créé un jardin pour le Teatro del Bosque à Mostoles. Quelles leçons avez-vous tirées de cette expérience ? Avez-vous d’autres projets de jardins ? J’ai appris énormément de choses en faisant ce jardin. Par exemple, que tout ou presque est possible à l’extérieur, même les jardins verticaux ou des reliefs engazonnés qui prennent la forme d’animaux. J’ai aussi appris qu’il était techniquement possible d’entretenir le jardin sans gaspiller l’eau. Cette proposition radicale a été accueillie avec beaucoup d’enthousiasme et de sens de l’humour par les gens du théâtre de Mostoles. Et je me dis qu’une majorité de gens serait ouverte à ce type de jardin... ce qui me donne

envie de continuer, même si je n’ai pas de projet précis pour le moment. À quoi ressemble le jardin de vos rêves ? Le jardin de mon studio à Palo Alto, un bâtiment industriel du XIXe siècle reconverti en ateliers, est mon jardin idéal : il a un verger, un bassin où nagent poissons et tortues, des bougainvilliers qui grimpent jusqu’à une hauteur de 20 mètres, des cyprès, des palmiers, des acacias, des cactus... toutes ces plantes diverses cohabitent les unes avec les autres sans schéma prédéfini. Elles sont toutes autochtones, et je crois que c’est important de choisir pour son jardin des plantes adaptées au climat où l’on vit : elles résistent mieux, et offrent des parfums et des couleurs qui nous ramènent à notre enfance. Pour moi, le jardin est avant tout une affaire d’émotions. extérieurs design I 59


HABILLAGE l CONFIDENCES

Vous dessinez des meubles pour la maison et pour le jardin. Y a-t-il pour vous une différence fondamentale entre ces deux univers ? Il y a une tradition méditerranéenne du mobilier d’extérieur qui inspire toujours mes créations. Le premier souci du designer quand il crée du mobilier d’extérieur, c’est de penser au plaisir que les gens en tireront dans des moments de détente. Ils doivent inspirer des moments hédonistes : s’asseoir sur la terrasse pour prendre un apéritif ou s’allonger dans un hamac pour faire une sieste. Pour l’éditeur Vondom, vous avez expérimenté le design d’objets hybrides, faisant le lien entre mobilier et végétation. Quel message avez-vous voulu faire passer à travers ces créations ? Plus qu’un message, il s’agissait d’une intention de démontrer toutes les possibilités que nous donne un

matériau aussi flexible et malléable que le plastique. Pourquoi se contenter de faire un pot de fleurs quand cela peut aussi être une lampe ? Pourquoi se limiter à créer une table toute simple si elle peut être aussi une lampe et une jardinière qui peut apporter une touche de vert, de la lumière les nuits sans lune et de la fraîcheur les jours de canicule ? Vous avez installé une pergola étonnante sur le toit d’un hôpital, faite de chaises de jardin surdimensionnées. Le second degré est-il une seconde nature pour vous ? L’humour a le pouvoir de transformer n’importe quoi en quelque chose de mieux. Cette structure relevait toutefois plus de l’ironie que de l’humour. C’était un clin d’œil aux idées reçues que nous avons sur les objets de notre quotidien. Une chaise qui change d’échelle devient une sculpture. Et ces chaises

géantes peuvent se muer en une pergola qui permet de se protéger du soleil. Brouiller les signes et les codes est important si l’on veut continuer à créer et à ne pas prendre les choses trop au sérieux. Vous créez principalement des objets en plastique. Est-ce votre matériau favori ? Quels sont les autres matériaux que vous aimez travailler ? Le plastique et la technique de rotomoulage offrent une large gamme de solutions pour le designer et la production. Le plastique n’est pas nocif quand il est fabriqué de façon adéquate, il a beaucoup de qualités positives, en particulier lorsque l’on s’intéresse à la fabrication de meubles pour l’extérieur, qui doivent résister aux intempéries. Mais j’aime aussi le bois, sa qualité, sa texture, et même son odeur. En fait, tous les matériaux sont magnifiques dès lors que l’on les traite bien.

4

5

3

2

« le mobilier d’extérieur doit inspirer des moments hédonistes » 1

Drôles d’oiseaux ■ Jardins verticaux, sculptures étonnantes, reliefs engazonnés qui prennent les traits d’animaux cartoonesques... le premier jardin de Javier Mariscal, créé pour le Teatro del Bosque à Mostoles, s’est rapidement mué en terrain de jeux et d’expériences plein d’humour et de légèreté pour le bédéaste-designer. Jardin du Teatro del Bosque, Mostoles (Espagne).

1

60 I extérieurs design

2

Forêt enchantée ■ Des branches qui se terminent en arabesques, de drôles d’oiseaux plus ou moins revêches et des créatures à quatre pattes

indéfinies : fasciné par les arbres et le monde végétal, Javier Mariscal a dessiné sur le dossier de cette chaise pour enfants la forêt de ses rêves, luxuriante et délirante. Magis, chaise pour enfants Alma.

3

Feeling fifties ■ Pour cette chaise destinée à la terrasse et au jardin, qu’il a conçue pour un éditeur japonais, Mariscal a choisi de partir d’une base très fifties, avec une coque en polypropylène boostée par des coloris n’engendrant pas la mélancolie, et percée de trous qui créent des jeux d’ombre inédits. Yamakawa, chaise t42.

4

Lumière maure ■ Cette version moderne

5

Des planches au plancher ■ Ces

des lanternes marocaines, couverte de motifs en relief évoquant les moucharabiehs, montre l’attachement profond de Mariscal à la culture maure. Vondom, lampe Mora.

drôles de toutous colorés qui servent de tabourets aux tout-petits étaient à l’origine le personnage d’une BD de Mariscal, adepte du libre-échange entre ses différentes disciplines de prédilection. Magis, tabouret pour enfants Julian.

extérieurs design I 61


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.