INFOSPAS Juin 2018
S E R V I C E D E P R É VOYA N C E E T D ’A I D E S O C I ALE S
L’UNITÉ COMMUNE, UNE PRISE EN CHARGE INNOVANTE POUR LES BÉNÉFICIAIRES DE L’AIDE SOCIALE 2
Unité commune: l’expérience lausannoise Résultats de l’évaluation et recommandations Interviews
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Florent Grin Responsable de l’Unité commune ORP/CSR
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Malika Gringet Assistante sociale à l’Unité commune
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Joëlle Bühler Conseillère en personnel à l’Unité commune
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Judith Bovay Cheffe du Service social de Lausanne
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Michel Cambrosio Redmer Chef du Service du travail de Lausanne
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Brèves
Le nombre chômeurs en fin de droit est en augmentation constante dans notre canton. C’est l’aide sociale qui prend le relais pour garantir le minimum vital à celles et ceux qui ne peuvent plus compter sur le soutien de l’assurance chômage. Pour les personnes qui en ont la capacité, le retour à l’emploi est la seule manière de retrouver son autonomie. On constate pourtant qu’à l’heure actuelle, seuls 20% des bénéficiaires du revenu d’insertion (RI) sont suivis par les ORP dans le cadre d’un processus de réinsertion professionnelle. Nous avons la conviction que cette proportion pourrait être plus élevée. De ce fait, le Département de la santé et de l’action sociale et le Département de l’économie, de l’innovation et du sport ont chargé l’Office régional de placement (ORP) et le Service social de Lausanne de mener un projet pilote d’Unité commune ORP/CSR qui réunit les assistants sociaux et les conseillers en personnel au sein d’une même gouvernance, dans le but d’augmenter le taux de retour des bénéficiaires de l’aide sociale sur le marché du travail. Jugeant prometteuse cette expérience inédite, le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) a financé l’évaluation du projet réalisée par l’Université de Lausanne. Les résultats démontrent que cette structure, innovante par sa composition, sa gouvernance et son fonctionnement, est pertinente et ouvre des perspectives intéressantes. Notamment, on relève 9,2% de prise d’emploi supplémentaire dans le groupe Unité commune en comparaison avec un traitement standard.
Le Conseil d’Etat a la volonté de donner la possibilité d’accéder à l‘accompagnement de l’Unité commune à tous les bénéficiaires du RI qui ont la capacité de retrouver un emploi. Il a donc décidé de pérenniser ce dispositif à Lausanne dès le 2e semestre 2018 et de l’étendre au Nord vaudois d’ici à la fin 2018, puis dès 2019 à l’ensemble du canton de manière progressive. Des discussions sont en cours avec le Conseil des Régions d’Action Sociale pour réaliser cet objectif. L’évaluation a montré que la collaboration ORP/ CSR a engendré une forte satisfaction tant des bénéficiaires que des collaborateurs et collaboratrices des CSR. Le changement que représente le développement des Unités communes va permettre de simplifier l’accompagnement des bénéficiaires du RI tout en le rendant plus efficient. Vous trouverez dans ce numéro de l’INFOSPAS des interviews de certains des acteurs et actrices de la phase pilote menée à Lausanne. Il nous a en effet paru intéressant de leur donner la parole pour leur permettre de partager une partie de leur expérience à la veille de la généralisation du dispositif. Pierre-Yves Maillard Chef du Département de la santé et de l’action sociale
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UNITÉ COMMUNE: L’EXPÉRIENCE LAUSANNOISE De février 2015 à janvier 2017, un projet pilote destiné à favoriser l’insertion professionnelle des bénéficiaires de l’aide sociale (RI) a été mené par le Canton et la Ville de Lausanne.
Une prise en charge intégrée plus intensive.
Une Unité commune ORP-CSR a été créée afin de tester une nouvelle politique d’insertion professionnelle, plus intensive et plus spécialisée, à l’intention des nouveaux bénéficiaires du revenu d’insertion aptes à travailler. L’Unité commune réunissait dans un même lieu les compétences et les outils des conseillers en personnel de l’ORP (CP) et ceux des assistants sociaux du CSR (AS), avec un AS pour 80 dossiers et un CP pour 65 dossiers, soit un taux d’encadrement plus élevé que d’ordinaire, où il est de 120 à 130 dossiers pour un CP.
Cette approche globale a permis aux 1200 bénéficiaires du RI concernés par l’expérience d’être considérés comme des demandeurs d’emploi et d’accéder aux prestations de placement renforcées de l’ORP, tout en bénéficiant de mesures d’insertion sociale du CSR. Grâce à cette prise en charge, les chances des personnes à l’aide sociale de se réinsérer sur le marché du travail ont augmenté de manière significative.
RÉSULTATS DE L’ÉVALUATION ET RECOMMANDATIONS Une évaluation menée par les professeurs G. Bonoli, D. Oesch et R. Lalive de l’IDHEAP et de l’UNIL a démontré que cette nouvelle prise en charge commune a été plus efficiente pour les usagers et qu’elle a permis d’écourter la durée moyenne du RI, tout en présentant un intérêt sur le plan coûts-bénéfices.
De meilleures chances de réinsertion sur le marché du travail.
Un dossier pris en charge par l’Unité a coûté en moyenne 11% en moins de prestations RI par rapport au mode de prise en charge habituel. On a constaté 9,2% de prise d’emploi supplémentaire dans le groupe Unité commune par rapport au mode de prise en charge ordinaire. Les postes proposés sont en meilleure adéquation avec les attentes et capacités des bénéficiaires et les prises d’emploi sont plus durables. Tant les bénéficiaires que les collaboratrices et collaborateurs ont exprimé leur satisfaction quant au fonctionnement de cette unité et aux résultats obtenus. Certaines pistes d’amélioration ont été relevées par les évaluateurs. Notamment, la charge de travail des assistants sociaux et des conseillers ORP s’est révélée déséquilibrée. L’utilité de limiter tem-
porellement la prise en charge dans l’Unité et de la réserver à des profils qui ont une chance d’en bénéficier a aussi été questionnée. Le rapport d’évaluation formule ainsi les recommandations suivantes: n Adapter les taux d’encadrement (augmentation du nombre de bénéficiaires suivis par un conseiller en placement et diminution de celui des AS). n Examiner la question d’une limite temporelle de prise en charge par les Unités communes. n Améliorer certaines procédures, dont la simplification de la gestion administrative qui sera intégrée dans les Unités communes. Pour en savoir plus: consultez le rapport d’évaluation sur le site web de l’Etat de Vaud https://www.vd.ch.
Interviews M. Florent Grin Responsable de l’Unité commune ORP/CSR de la Ville de Lausanne Jusqu’ici, comment vous y êtes-vous pris pour faire de l’Unité commune une véritable équipe, soudée et motivée? J’ai la chance d’avoir des collaborateurs volontaires et curieux du métier de l’autre, avec l’envie d’expérimenter un nouveau modèle de prise en charge et de faire tomber certains préjugés. Même si l’Unité Commune a une mission prédominante en lien avec l’insertion professionnelle, j’ai toujours considéré qu’il y a une égalité des rôles entre les AS et les CP, avec des domaines de compétences propres. Je me suis rapidement rendu compte que les deux corps de métier partagent des valeurs et une définition commune de l’insertion socioprofessionnelle, comme la recherche d’autonomie, le soutien ou l’accompagnement. J’ai cherché à impliquer les personnes dans la réflexion et à créer un climat de travail propice aux échanges. J’ai aussi veillé à ne pas instaurer de «lead» par défaut des CP, mais à insuffler une notion de complémentarité.
Point de vue
Comment préparez-vous la généralisation du dispositif au 2e semestre du point de vue de l’organisation et des métiers? Nous sommes dans une phase de recrutement. La priorité est donnée aux candidatures internes, afin de bénéficier de l’énergie positive qui anime des collaborateurs volontaires.
pilote. Je peux donc compter sur des collaborateurs engagés, prêts à accueillir leurs futurs collègues et à transmettre leur expérience et les connaissances acquises durant ces trois dernières années. Grâce à leur enthousiasme, ils seront les meilleurs vecteurs d’intégration possible. Quant au management, nous accompagnerons les nouveaux collaborateurs en offrant un terreau favorable à l’échange des pratiques et à la rencontre, en gardant une flexibilité dans l’organisation du travail et en soignant la formation. Quelles sont vos idées pour faire progresser l’Unité commune de façon à ce qu’elle réponde encore mieux aux besoins? Je plaide depuis quelque temps déjà pour une mutualisation des MIS et MIP, pour que les AS et les CP puissent «activer» les bénéficiaires sur une offre commune, aussi bien dans la dynamique de suivi commun qu’en solo. Nous devrions aussi développer des partenariats forts avec les entreprises qui souhaitent démontrer leur Responsabilité Sociale. Nous pourrons compter sur un conseiller entreprise qui sera en lien direct avec l’Unité commune pour le placement. J’espère que cela aidera à casser les a priori des employeurs sur les bénéficiaires de l’aide sociale.
Nous conserverons notre orientation de complémentarité entre les deux professions et développerons l’interdisciplinarité. Deux équipes de CP et deux d’AS seront créées. Chaque équipe sera composée d’une dizaine de personnes et travaillera toujours avec la même équipe de l’autre métier. Cela favorisera la création de liens et d’affinités professionnels. Nous veillerons aussi à cultiver, avec le soutien des cadres intermédiaires, l’échange et la créativité, car je suis convaincu que c’est ce qui permet d’amener les bénéficiaires vers la résolution des problématiques sociales et d’emploi.
Je vois aussi des opportunités dans la révision de la mesure «stage professionnel RI », qui est peu attractive ou trop complexe d’un point de vue administratif pour les employeurs en comparaison avec la même mesure à disposition des bénéficiaires de l’assurance-chômage (LACI). Que le bénéficiaire relève de la LACI ou du RI, il ne devrait pas y avoir de différence dans les mesures proposées aux employeurs, afin de ne pas induire de discrimination ni donner d’indication sur l’appui social dont bénéficie le demandeur d’emploi.
L’Unité commune va beaucoup grandir; comment pensez-vous favoriser l’intégration des nouvelles personnes? Tous les membres de mon équipe ont choisi de rester dans le dispositif à la fin de l’expérience
Enfin nous devrions envisager de développer les compétences en interne, notamment sur des questions d’orientation professionnelle ou avec de la formation du type « CAS en insertion professionnelle».
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Mme Malika Gringet Assistante sociale à l’Unité commune Qu’est-ce que l’Unité commune change pour vous dans votre travail quotidien? Toutes les personnes de l’Unité commune ont choisi d’y travailler. On est une chouette équipe motivée. La collaboration est donc facile, mais il a fallu mettre en place une organisation pour travailler ensemble. Par exemple, nous consacrons une demi-journée par semaine aux séances «tripartites», qui réunissent un-e conseillère en personnel (CP), un-e assistante sociale (AS) et un-e bénéficiaire. Une autre demi-journée est réservée pour les premières rencontres, qui se tiennent en commun dans une partie des situations.
Point de vue
La CP et l’AS qui ont un dossier en commun définissent ensemble la stratégie à adopter. Il y a parfois des divergences, mais c’est très rare et cela résulte le plus souvent de malentendus ou de différences de perception. D’où l’intérêt de faire les premières rencontres en commun. Notre objectif partagé, c’est le retour à l’emploi. Ma crainte était que nous mettions la pression sur le bénéficiaire pour qu’il retrouve vite du travail, au détriment de ses problématiques sociales. Mais cette crainte était infondée. Ici, on prend en charge globalement et on module le rythme. Si le bénéficiaire n’arrive pas à suivre, on s’adapte. Mon travail est plus intéressant, motivant et gratifiant qu’avant. Il n’y a jamais de triangulation avec le système des rencontres tripartites, ça simplifie le suivi et j’ai l’impression de faire un meilleur travail. Et puis tout est partagé. On a deux regards, sur le plan du métier et aussi humain. Dans les cas difficiles, il est possible d’échanger avec quelqu’un qui connaît aussi la situation. C’est important, cela permet de prendre du recul plus facilement. Et puis ça fait tellement de sens! On a le même objectif et le bénéficiaire est vraiment au centre des préoccupations. Quelle est la plus-value de cette forme d’organisation pour le bénéficiaire? Le suivi est très dynamique et c’est plus efficace: les chiffres montrent qu’il y a davantage de retours à l’emploi et que ces retours sont plus stables.
Quand nous faisons la première rencontre en commun, cela permet au bénéficiaire d’expliquer sa situation et de poser toutes ses questions en une seule fois. Il entend un seul son de cloche, comprend mieux le système et se sent valorisé par ce double soutien. Les stratégies que nous élaborons sont aussi plus diversifiées. Nous avons accès aux deux catalogues de mesures et pouvons donc combiner deux mesures en parallèle si nécessaire. Avant, je ne pouvais pas mettre de mesure sociale en place s’il y avait un suivi ORP. Je pense que l’Unité commune est l’avenir de la réinsertion professionnelle, pour tous les chômeurs et pas seulement les bénéficiaires du RI. Souvent, on reçoit des personnes en fin de droit qui ont des problématiques sociales qui auraient pu être traitées avant si la CP de l’ORP avait pu faire appel aux prestations de l’AS. Si la personne avait reçu un appui social plus tôt, une dégradation aurait peut-être pu être évitée et elle ne serait peut-être jamais arrivée au RI. En quoi le fait de travailler étroitement avec une conseillère en personnel nourrit votre propre pratique? La grande différence, c’est que cela a cassé les préjugés que je pouvais avoir sur le métier de conseiller en personnel. Dans le CSR où je travaillais avant, je n’avais presque aucun contact avec l’ORP. Je pensais que les CP s’intéressent peu au social, que leur seule préoccupation est de placer le bénéficiaire le plus vite possible. Je les voyais comme rigides et carrés! Maintenant, je les comprends bien mieux et je vois qu’ils prennent en compte les problématiques sociales s’ils savent ce qu’il est possible de faire. Ici, j’ai aussi une meilleure vue d’ensemble des options pour aider le bénéficiaire et des questions liées à l’emploi. Je connais l’ORP, son catalogue de mesures, son fonctionnement, le parcours du chômeur, les exigences du marché du travail. Et la communication est très rapide avec les CP. Les collègues sont dans des bureaux juste à côté, ça nous fait gagner du temps.
Mme Joëlle Bühler Conseillère en personnel à l’Unité commune Qu’est-ce que l’Unité commune change dans le travail quotidien d’une conseillère en personnel? Ce qui est intéressant ici, c’est le côté humain et la diversité. On a une petite fenêtre sur la vie des gens qui nous permet de comprendre pourquoi ils en sont arrivés là. Normalement, à l’ORP, on ne peut pas s’occuper des problématiques sociales. Des préoccupations comme la garde des enfants, les poursuites ou les ennuis administratifs n’entrent pas en ligne de compte. Ici, ça fait partie du cahier des charges de voir la situation dans sa globalité. C’est hyper motivant et ça nous nourrit. Actuellement, environ 2/3 des suivis sont mixtes. Je reçois donc aussi des personnes sans la participation de l’assistante sociale, mais comme j’ai plus d’ouverture sur les problématiques sociales, je peux plus facilement appréhender le besoin d’appui social et je peux mieux orienter. J’ai aussi plus de temps à consacrer à chaque personne, ce qui me permet de travailler sur plusieurs pistes. A l’ORP standard, ils n’ont pas le temps de consacrer 45 minutes à chaque rendez-vous, alors qu’ici, le premier rendez-vous dure environ une heure, puis les rendez-vous de suivi entre 30 et 60 minutes.
Point de vue
J’ai le sentiment de faire un travail plus approfondi et de meilleure qualité. Je peux bien accompagner les gens pour faire en sorte qu’ils ne reviennent pas, car l’objectif reste toujours de leur permettre de s’en sortir en ayant des outils pour la suite. Quelle est la plus-value de cette forme d’organisation pour le bénéficiaire? En ayant accès en même temps au catalogue de mesures de l’ORP et à celui des CSR, on peut renforcer les fondamentaux fragiles et moduler: plus de social ou plus d’emploi selon la situation. Cette flexibilité, c’est un luxe qu’on a. On a beaucoup de marge de manœuvre, on peut choisir où mettre les priorités et réagir très vite en cas d’aggravation subite de la situation, par exemple si une personne est expulsée de son appartement. Cela donne de bons résultats sur le long terme.
Les bénéficiaires se sentent aussi davantage considérés, on prend en compte leur problématique dans son ensemble et on peut adapter le rythme. On a aussi plus de temps pour expliquer. Du coup, ils comprennent mieux le système, leurs devoirs et leurs droits, pourquoi on fait certaines choses et on pose certaines questions. C’est plus confortable pour eux, mais pas seulement. Il y a une création de lien, ils nous font plus confiance. Ils sont moins réfractaires et il y a une meilleure adhésion aux mesures proposées. Le fait d’être deux renforce aussi le discours. Il n’est pas possible de jouer l’une contre l’autre. Et nous avons plus d’objectivité et d’équité avec ces deux regards. En quoi le fait de travailler étroitement avec une assistante sociale nourrit votre propre pratique? On a la chance de construire ensemble un projet. C’est un travail d’équipe, on peut demander l’avis des autres, prendre du recul et parfois changer de point de vue. Et on sait qu’on va pouvoir se relayer. Ça rassure de savoir qu’on sera deux dans les situations difficiles. Maintenant, j’ai une meilleure connaissance du métier de l’assistante sociale. Les AS peuvent parfois être perçus comme trop maternels, par comparaison avec nous qui avons un rôle plus dans le contrôle et la sanction. Mais ça s’équilibre, à force de se côtoyer on voit qu’on est bien complémentaires. Les CP font comprendre aux AS que les gens ne sont pas si fragiles et qu’il faut parfois accélérer le rythme. Ils les ouvrent aussi aux exigences du marché du travail. De leur côté, les AS nous aident à mieux comprendre les problématiques sociales, du coup, ça arrondit nos angles, on est davantage dans l’accompagnement. En trois ans on a prouvé que ces deux mondes sont compatibles. Et puis j’apprends beaucoup, sur le RI, la loi sur l’action sociale, les procédures, l’assurance maladie, les impôts, etc. Ça m’aide pour le suivi en solo.
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Mme Judith Bovay Cheffe du Service social de la Ville de Lausanne Quel bilan tirez-vous de la phase pilote de l’Unité commune (UC) ? L’Unité commune n’est pas une fusion de deux services. Il s’agit de travailler en interdisciplinarité. Dans les faits, le service social délègue des assistants sociaux (AS) à l’ORP, où ils ont été très bien accueillis. Dans l’UC, il est possible de modifier le rythme d’intervention et de mettre en œuvre un suivi plus intense. Les conseillers en personnel ne suivent que des bénéficiaires RI et ont moins de dossiers à traiter. Nous voyons un effet sur le taux de sortie du RI. C’est gratifiant pour les professionnels. En revanche, il manque l’inscription dans la durée. On ne peut pas mesurer les effets pour les personnes qui n’ont pas encore trouvé d’emploi. Les questions en lien avec les bénéficiaires qui n’ont pas de sorties plus rapides ont été laissées de côté.
Point de vue
Quel impact l’Unité commune a-t-elle sur la pratique des assistants sociaux (AS) ? Sur le fond, c’est le même métier que dans les CSR. Je n’envisage pas de spécialisation. Les AS restent des généralistes, mais il faut oser poser la question des modes d’intervention différenciés selon les types de bénéficiaires, les problématiques ou les types de parcours au RI. On peut valider un suivi spécifique en mettant la priorité à l’insertion professionnelle ou autour de certaines problématiques, comme celle des familles monoparentales par exemple. L’interdisciplinarité aide à sortir des représentations et travailler à deux disciplines est enrichissant, mais cela ne va pas sans difficultés. Il est donc très important que chaque métier soit au clair sur le cadre de son intervention, sur les méthodes de travail, sur l’autre métier et sur le statut des deux professions. L’objectif étant la réinsertion professionnelle, les CP sont légitimés d’emblée et les AS viennent en soutien. Ce n’est pas un problème si on en est conscient. Certains AS craignent de perdre de la variété dans le métier, en segmentant les bénéficiaires par catégories. Je suis plus pondérée. Il y a autant de diversité à l’UC que dans les CSR. C’est toute l’essence de l’aide sociale: trouver des réponses à de nombreuses problématiques hétéroclites.
Un effet positif possible de l’UC est aussi de permettre une certaine mobilité professionnelle chez les AS. Je souhaite favoriser cette mobilité interne à Lausanne, en donnant la possibilité de changer de types d’unité tout en restant AS au sein du CSR. Quelle est selon vous la plus-value de l’Unité commune pour les bénéficiaires? Actuellement, les suivis mixtes étant rares, le bénéficiaire est suivi soit par l’AS, soit par le CP et les allers et retours entre l’ORP et les CSR sont fréquents. L’UC minimise cet effet «porte tournante». La concertation et la coordination entre les intervenants réduisent aussi les triangulations et la dispersion des informations et l’accès au double catalogue des mesures permet d’avoir une stratégie plus adaptée. Comment vous préparez-vous à l’extension du dispositif à l’entier des bénéficiaires au 2e semestre 2018 ? Un comité de pilotage réunissant le Service du travail et le Service social traite de plusieurs volets importants, comme la constitution et l’organisation des équipes, la gouvernance ou la création d’outils informatiques. Au moment de la bascule, les AS du CSR seront transférés dans l’Unité commune. Il faudra probablement quelques mois pour ajuster les ressources et le nombre de dossiers par AS. Quels sont selon vous les facteurs de succès de cette généralisation? La motivation du personnel est un facteur essentiel. Il faudra veiller à constituer des petites unités pour pouvoir conserver une proximité et un esprit d’équipe. Un des enjeux sera aussi de garder de la souplesse, d’ajuster en permanence grâce à une bonne compréhension des évolutions et d’avoir assez d’ouverture pour entendre non seulement les réussites, mais aussi ce qui ne marche pas. Des moments d’évaluation de certains volets, par exemple les critères d’entrée et de sortie, devront être prévus. Une gouvernance active, avec une communication régulière au niveau des chefs de service, est aussi cruciale, ainsi que l’accord de tous les acteurs, à tous les niveaux.
M. Michel Cambrosio Redmer Chef du Service du travail de la Ville de Lausanne Quel bilan tirez-vous de la phase pilote de l’Unité commune (UC) ? Le suivi des bénéficiaires est plus intensif, il y a davantage de postes proposés et de prises d’emploi et nous constatons moins de réinscriptions au chômage. La satisfaction des bénéficiaires est élevée, notamment pour ce qui concerne l’adéquation des postes proposés avec ce qu’ils savent et ont envie de faire, ce qu’ils cherchent, ce pour quoi ils se sentent capables. Les coûts supplémentaires de l’Unité commune sur une année civile sont compensés presque à 100% par une diminution des coûts du RI. Il est probable que les effets financiers positifs vont se cumuler au fil du temps. Les assistants sociaux (AS) et les conseillers en personnel (CP) travaillent bien ensemble et apprécient cette complémentarité. Ils ont vite constitué une véritable équipe. Pour autant, il ne s’agit pas de la naissance d’un nouveau métier; les AS et les CP conservent leur identité professionnelle. Cette interdisciplinarité est très fructueuse. Les UC s’enrichiront peut-être à moyen ou long terme d’autres spécialistes, par exemple en orientation professionnelle ou en migration.
Point de vue
Quelle est selon vous la plus-value de l’Unité commune pour les bénéficiaires? La population prise en charge par l’UC, en regard d’une population habituellement suivie par un ORP, se caractérise par une proportion plus grande de personnes éloignées depuis longtemps du marché du travail ou sans formation reconnue. Ces difficultés peuvent être traitées de façon systématique dans l’UC. Cela donne une forme de spécialisation sur ces profils et aide à identifier les mesures d’insertion professionnelle adéquates. Et le placement rapide n’est pas un mantra à l’UC. On cherche surtout des solutions solides et de longue durée. L’Unité commune prend pleinement en compte les problématiques sociales dans le processus de placement; en quoi cela favorise-t-il le retour à l’emploi? De mauvaises conditions sociales peuvent empêcher de trouver ou de garder un emploi. Avec la prise en charge commune, on peut travailler sur
des problématiques de base, comme la perte du logement, la garde des enfants ou les difficultés financières. Avec l’élargissement du regard porté sur le bénéficiaire grâce à l’intervention de l’AS, le CP peut se focaliser sur la question de l’emploi et de l’insertion professionnelle. Comment vous préparez-vous à l’extension du dispositif à l’entier des bénéficiaires au 2e semestre 2018 ? Les effectifs de l’Unité commune vont tripler. Nous cherchons des volontaires à l’interne et nous avons mis au concours certains postes. Il est possible que nous procédions à des engagements complémentaires, mais il est trop tôt pour le dire. L’Unité commune déménagera cet automne dans de nouveaux locaux. Un développement informatique est aussi en cours. Il permettra de mieux prévoir les rendez-vous communs, ce qui est très important pour limiter les temps d’attente. Quels sont selon vous les facteurs de succès de cette généralisation? La motivation des professionnels est cruciale, de même que la qualité de l’orientation faite par les CSR. Il est aussi fondamental de pouvoir compter sur un soutien politique dans la durée et sur un partenariat solide entre le CSR et l’ORP. Il est très important de laisser une souplesse d’organisation à l’UC. Si la charge de travail des AS et des CP est inégale, ce déséquilibre retarde la mise en œuvre de la stratégie d’insertion. Les bénéficiaires sont motivés quand ils arrivent à l’UC et il faut éviter qu’il ne se passe rien pendant deux mois parce que l’AS ou le CP est trop occupé. La qualité des circulations est aussi importante: les personnes doivent pouvoir passer facilement d’une structure à l’autre suivant les changements de leur situation. Le bilan socio-professionnel est une étape incontournable pour construire un vrai projet d’insertion. Le point de départ du processus ne doit donc pas être bâclé. Durant la phase pilote, une partie des premières rencontres ont été conduites en commun. Cette gestion tripartite de la première rencontre a bien fonctionné; elle peut accélérer la prise en charge et réduire les files d’attente.
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NEWS Brève
Remplacement du logiciel PROGRES
Le projet de remplacement du logiciel PROGRES pour la gestion des dossiers RI et BRAPA a démarré fin janvier comme prévu. Le groupe de projet comprend quinze informaticiens de la Direction des services d’information appuyés par deux spécialistes en systèmes d’information du SPAS. La phase préparatoire du projet est maintenant terminée. Une série d’ateliers s’est déroulée avec des personnes ressources du SPAS, permettant aux informaticiens de prendre connaissance des activités
métiers et de maquetter la solution informatique. Le périmètre du projet a ainsi pu être validé. La première séance du comité de pilotage s’est tenue fin avril et a marqué le lancement effectif du projet. La phase de conception du projet a commencé. Elle doit permettre la construction, puis l’affinage de la nouvelle solution informatique adaptée aux besoins des activités RI et BRAPA. A ce jour, la mise à disposition est planifiée pour juillet 2019 pour le BRAPA et pour fin 2020 pour le RI.
Brève
«Ouvre les yeux!» Un bus pour sensibiliser à la traite des êtres humains en Suisse La Suisse est un pays de destination et de transit pour la traite des êtres humains. Comme ce trafic est clandestin, la population est peu ou mal informée sur ce phénomène, sur sa signification et sur ses différentes formes. Du 17 octobre au 3 novembre 2017, le bureau de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) à Berne a coordonné, avec le soutien de ses partenaires, les 3e Semaines d’action contre la traite des êtres humains. De nombreux événements ont eu lieu dans toute la Suisse afin de sensibiliser la population.
Dans ce cadre, un bus d’information a été inauguré le 18 octobre 2017 à Berne. Il parcourra la Suisse jusqu’en octobre 2018 afin de sensibiliser la population sur la traite des êtres humains. Dans le canton de Vaud, le bus d’information fera escale: n Les 8 et 9 juin à Lausanne, Place de l’Europe. n Les 15 et 16 juin à Yverdon-les-Bains, Promenade Auguste-Fallet. Pour en savoir plus: le site La Suisse contre la traite des êtres humains http://www.18oktober.ch/fr.
INFOSPAS Action sociale, juin 2018. Auteur: SPAS. Graphisme et mise en page: Cayenne Communication Visuelle, Lutry. Distribution: Autorités d’application du RI, organismes prestataires des MIS, organismes subventionnés, conseil des régions RAS, partenaires. Photo M. Maillard: copyright©Sieber ARC, DR. Votre avis nous intéresse. Merci d’adresser vos questions, remarques et commentaires concernant INFOSPAS Action sociale à l’adresse suivante: info.spas@vd.ch.
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