Journal Festivals 2015

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F E S T I VA L S

Année 2015 - Gratuit © Zélie Noreda

À L’INTÉRIEUR…

31 festivals membres : Festival Panoramas | Les Nuits Botanique | Spot Festival | Les Nuits Sonores | Art Rock | Les 3 Éléphants Sakifo | Jardin du Michel | Les Invites de Villeurbanne | Le Rock Dans Tous Ses États | Garorock | Les Tombées de la Nuit Couleur Café | Les Eurockéennes de Belfort | Montreux Jazz Festival | Terres du Son | Dour | Les Vieilles Charrues GéNéRiQ | Paléo Festival Nyon | Reggae Sun Ska | Sziget Festival | La Route du Rock | C/O Pop Festival | Pully For Noise Festival De Musique Émergente en Abitibi | Marsatac | N.A.M.E Festival | Rockomotives | Iceland Airwaves | Bars en Trans

Une trentaine de responsables de festivals réunie à Montréal, Dijon ou Bruxelles autour d’une immense table ronde et qui discute avec passion de l’évolution de leur secteur, des nouvelles créations musicales à imaginer, construire et partager. L’occasion d’envisager les nouveaux moyens d’accessibilité pour tous, des bonnes pratiques sauvegarde environnementale, du soutien aux artistes, centre de nos préoccupations et de la défense des droits des intermittents et travailleurs du spectacle…

Numéro ISSN : 1763-0603 - Ne pas jeter sur la voie publique

© Alexis Briot

Et le Vivre Ensemble alors? En début d’année, les internautes découvraient la « cartocrise », nouvelle forme originale de cartographie, qui recense… les festivals et structures culturelles menacés voire carrément rayés (de la carte). Le buzz est immédiat sur la toile et les likes de désespoir dégoulinent sur les réseaux sociaux. Mars 2015, le journal Le Parisien en fait sa « une » et annonce qu’une centaine de festivals à travers la France n’auront tout simplement pas lieu cette année. La raison ?

• Pas de bénévoles, pas de festival !_ __________ 3 • Un festival pour tous, tous pour un festival__ 5 • Développement artistique durable_____________ 5 • Extension du domaine de la fête_______________ 6 • Jamais pareil, pour toujours____________________ 6 • Placer nos protégés au-dessus de la ligne médiane_ _____________________________ 7 • Circulez, y’a tant à voir !_________________________ 8 • Du fort de Saint-Père à La Nouvelle Vague : une nécessaire adaptation______________________ 8 • Sélection DeConcert! : 18 artistes repérés _ ______________________ 9 à 11 • Fondation d’avenir______________________________ 12 • Enfin la majorité !_______________________________ 12 • Des relations artistiques au long cours_____ 13 • Ceux qui l’aiment prendront la route________ 14 • 6PAR4 n’est pas égal à 3_____________________ 14 • Une passerelle entre générations____________ 15 • Lyon-Tanger : d’une ville à l’autre, tout un monde____________________________________ 16 • Ce qui n’est à personne appartient à tous____ 16 • Créer et s’engager______________________________ 17 • Solidaires, sinon rien !_ ________________________ 17

Le non renouvellement de subventions et les coupes budgétaires, entre autres. La bedaine commence à devenir un peu trop grosse… Quelques jours plus tard, la grande majorité des partis politiques se félicite du résultat des élections départementales, pour lesquelles un français sur deux n’est pas allé voter. Tout va bien. On éteint la télé et hop, au lit, les enfants. Alors que le « vivre ensemble » est martelé depuis quelques temps -encore plus depuis

le 7 janvier 2015-, il semblerait qu’on préfère se boucher les oreilles. Pourtant, les festivals de musique sont habitués à faire un boucan pas possible en Europe. Lieux de rencontre, de mixité et de solidarité, ils sont des espaces modernes et puissants de culture. Celle qui, à côté de l’éducation, permet de grandir, se forger une identité et s’émanciper. Celle qui gomme les inégalités. Celle qui, en fin de compte, fait du bien à cette vilaine gueule de bois. par P-O. Bobo

31 festivals indépendants, 8 pays avec chacun une histoire forte et singulière. Une bande d’amis qui depuis 2008 se rencontre pour construire ces espaces de découvertes et de joies musicales rassemblant chaque saison, des millions de spectateurs qui viennent vivre des parenthèses précieuses dans nos sociétés troublées. Chaque printemps annonce une nouvelle saison de festivals dont vous découvrirez ici le détail de des aventures mais également la sélection musicale DeConcert!, qui découvre 18 newcomers qui feront la tournée de vos évènements. Bonne lecture et bons festivals à toutes et tous.

Jean-Paul Roland & Paul-Henri Wauters Présidents de DeConcert!

Retrouvez toute l’actualité de la Fédération DeConcert! sur www.deconcert.org



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© Paléo - Anne Colliard

PALÉO FESTIVAL NYON Suisse

Pas de bénévoles, pas de festival ! Créé en 1976 par quelques copains, le Paléo Festival Nyon est devenu, en quarante ans, un monument parmi les festivals européens. Aujourd’hui, l’événement nyonnais serait incapable d’accueillir ses 230 000 spectateurs sans l’effort de ses bénévoles. Ainsi, il a choisi de fêter sa 40ème édition en rendant particulièrement hommage à leur soutien.

Paléo © Jeanne Tullen

Le fait de reposer sur une organisation à but non-lucratif préserve Paléo d’un certain nombre de contraintes mais aussi de nombreuses sources de revenus : le financement privé (sponsoring) est limité à 19 % du budget et il n’y a aucune subvention publique. Il s’agissait donc pour l’équipe de construire un système adapté à ce fonctionnement, et c’est en s’appuyant sur un réseau de bénévoles que le Festival a pu grandir. De plus, sachant que le Festival évolue toujours en structure et logistique, il a parfois

besoin de plus de bénévoles, sans que le nombre de festivaliers ne puisse pour autant augmenter. En 2014, ce sont ainsi près de 4800 collaborateurs précieux qui se mobilisent : ils sont de tous les secteurs et de toutes les tâches. Si les idées directrices du Festival sont prises par quelques dizaines d’employés permanents, la réalisation et la mise en place de Paléo reposent pleinement sur ses bénévoles.

85% des bénévoles reviennent d’une année à l’autre En échange de leur contribution, ils reçoivent des compensations : accès aux concerts bien sûr, mais aussi l’hébergement dans un camping confortable et réservé à leur seul usage, cantine et tickets nourriture et boissons, bons pour inviter les copains et un petit pécule à la fin, de l’ordre du symbolique en Suisse (environ 140 euros par semaine). Résultat ? « Il y a une liste d’attente chaque année : le taux de collaborateurs revenant d’une année à l’autre est de 85% environ », nous confie Michèle Müller, responsable du service de presse (et de soixante collaborateurs durant la semaine du Festival). « Ils viennent pour l’atmosphère, les concerts, le camping, les rencontres, le fait de pouvoir passer une semaine entre amis… L’ambiance est joviale et de plus, les postes peuvent parfois être professionnalisants. »

été réalisées en 2014 grâce au concours de cinq photographes, dont les images seront également exposées au public dans une galerie, sur le terrain du Festival. Un second projet photographique a par ailleurs pris forme l’année dernière : une carte blanche proposée à cinq autres photographes mandatés par le Musée de L’Elysée, dont chacune des visions offre un point de vue singulier sur Paléo. Le résultat de ces travaux sera également présenté sur le terrain cet été, dans un espace éphémère spécifiquement conçu à cet effet. Le Festival se projette dans un avenir aux horizons artistiques élargis, afin de proposer au public et à ses bénévoles une semaine complète placée sous le signe de la découverte. Musique, projets photo ou installations architecturales inédites, de quoi recomposer le visage multiple de Paléo. • Lara Orsal

Un livre dédié aux bénévoles Pour célébrer ses quarante ans, le Paléo Festival Nyon souhaite proposer une édition 2015 qui restera dans la mémoire des gens, à commencer par ceux sans qui rien ne pourrait se faire. En plus d’offrir une journée de Festival supplémentaire, l’équipe des quelque soixante permanents a choisi de souligner et remercier l’apport indispensable des bénévoles et l’ensemble de leur œuvre. Ce sera fait en leur dédiant un livre qui dévoilera les bénévoles et les coulisses du Festival. Les photos ont

PALÉO FESTIVAL NYON NYON / CH DU 20 AU 26 JUILLET 2015 www.paleo.ch

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LES VIEILLES CHARRUES France

Un festival pour tous, tous pour un festival Parallèlement à leur engagement sur le terrain du développement artistique, Les Vieilles Charrues s’appliquent à rendre l’événement accessible à tous, en s’appuyant sur des échanges d’expérience et une charte commune avec d’autres festivals. Depuis deux ans aux Vieilles Charrues, une véritable mutation se déroule, sur l’organisation interne, la manière de penser le festival et de l’aborder. Certains services ont même été réorganisés. 2015 sera notamment l’occasion de mettre en place la dématérialisation de l’argent sur le site : avec un bracelet préapprovisionné, il ne devrait plus y avoir de problèmes de sécurité liés à l’argent, et les files d’attente seront moins longues. Cette technologie a bien sûr un coût, et peut ressembler à une usine à gaz du point de vue du montage, mais les bénéfices en termes d’organisation et de sécurité seront bien plus conséquents. L’organisation a de toute façon fait des choix responsables et citoyens qui ne sont pas forcément ceux de la rentabilité immédiate : en 2010, elle a déjà mis en place un système de gobelets consignés. « Auparavant, on gérait 1 million de gobelets jetables ! Imaginez ensuite la gestion du circuit gobelets propres et gobelets sales, ça prend des proportions énormes. » nous explique Jérôme Tréhorel, le directeur. Grâce à cette opération, le festival a réduit sa production de déchets de 6 tonnes, alors, l’action va s’étendre à d’autres contenants.

« On échange aussi beaucoup avec des festivals de même taille ou type d’organisation que nous. Je peux échanger sur des aspects sociaux, juridiques, avec la Route du Rock, les Eurockéennes, mais, par le jeu des similitudes, j’aborde un peu plus de sujets avec Rock en Seine, le Main Square, Solidays, ou le Paléo. Sécurité, outils de gestion des stocks, budgets, etc. » Et oui, là où les médias ont bien voulu relayer une soi-disant féroce concurrence entre les festivals, la solidarité se met en place en bonne intelligence. « On partage nos expériences sur des sujets et enjeux comme l’évolution dans les relations

avec les autorités, l’Etat, les prestataires, les partenaires, etc. ; mais aussi le développement durable : les notions d’accessibilité, de prévention, de gestion en tri des déchets ou énergies… En accessibilité, par exemple, on a mis en place des boucles magnétiques sur l’espace scénique pour les personnes malentendantes appareillées, comme aux Eurockéennes. Chacun des festivals impliqués dans ces échanges a indiqué sur quel secteur il s’estimait le plus performant, et s’est engagé dans des missions ou des actions dont bénéficient ensuite les autres. » C’est, entre autres initiatives, sur cette logique que s’appuie

la Charte d’accessibilité des festivals, dont les Vieilles Charrues sont signataires au même titre que Les Eurockéennes qui l’ont initiée, ou encore Rock en Seine qui a suivi d’un même élan. • Xavier Reim / Lara Orsal

LES VIEILLES CHARRUES CARHAIX / FR DU 16 AU 19 JUILLET 2015 www.vieillescharrues.asso.fr

La solidarité à plusieurs festivals En 2011, Les Vieilles Charrues ont fait réaliser un audit afin d’établir les actions prioritaires à mener pour respecter la future législation en matière d’accessibilité, applicable en 2015. En 2013, des supports en braille ont par exemple été développés pour accueillir les personnes mal voyantes. © Mathieu Ezan

TERRES DU SON France

Développement artistique durable On veut donner aux gens l’envie de découvrir ou redécouvrir des choses », déclare le directeur, Hugues Barbotin. S’il existe quelques lieux en Touraine, l’école Jazz à Tours, l’école de musiques actuelles et amplifiées Tous en Scène, ainsi que les dispositifs d’accompagnement de la Fracama, les salles de concert manquent : Le Bateau Ivre a notamment fermé il y a quatre ans. Face à ce constat, la profession de foi de Terres du Son est d’autant renforcée : « on a toujours été dans une logique de découvertes, de rencontres, on fait un festival de territoire, dédié aux tourangeaux et on veut aussi être un outil fédérateur, au niveau de la diffusion, pour les artistes et acteurs des musiques actuelles », poursuit Hugues Barbotin. © Anthony Oblin

Dix ans après sa création, le festival Terres du Son a enfin atteint son but initial : s’ancrer dans le territoire, le revaloriser, et installer les notions de développement durable, y compris au niveau artistique, en accompagnant de jeunes talents locaux.

Pour construire sûrement, il faut parfois se battre longtemps : ce fut le cas pour Terres du Son, qui a rencontré les trois premières années des difficultés financières qui limitaient nécessairement les prises de risque. Mais depuis 2014, l’équipe organisatrice a réussi à évoluer puis faire exactement ce qu’elle désirait depuis le début : « l’idée de notre démarche, c’est la découverte, le partage, avant de fixer une ligne artistique forte. On veut mélanger tous les styles musicaux pour que chacun s’y retrouve, tout en les confrontant à d’autres découvertes.

Porteur de projets créatifs Après le co-financement l’an dernier de six créations originales, l’équipe est plus que jamais convaincue de la nécessité de soutenir les jeunes talents et d’offrir un pilier à la créativité. Chargé de l’accompagnement artistique, Charly Dupuis nous explique le dispositif mis en place pour trois groupes coups de cœur par an, originaires de la région et se situant dans une optique de professionnalisation : « on leur offre une résidence de coaching scénique, du développement sur le live et la scène, on travaille sur le son, les lumières, le show… On affine en fonction de leurs besoins. Et ils jouent lors du

festival. » De plus, Terres du Son leur propose de l’aide à la diffusion en les faisant jouer à la Fête de la Musique ou dans d’autres salles de la région, ou encore du conseil sur la communication et un relais de leurs actualités. Enfin, ils obtiennent une aide au démarchage professionnel, auprès des tourneurs, éditeurs, labels, managers, etc. : il s’agit donc d’un véritable parti-pris de l’organisation. En 2015, ce sont ainsi Roller 79, Chevalien et Padawin qui bénéficient de cette action financée par la Région d’une part, et le festival d’autre part. Enfin, Hugues Barbotin souhaite renouveler l’expérience de production de créations originales, motivé par « une forte volonté de travailler localement, de jouer un rôle-moteur dans les projets artistiques. On a envie de faire autre chose que de la diffusion. On veut aller au-delà de l’accompagnement, et offrir au public davantage de choses différentes, inédites, originales, qu’ils ne verront pas ailleurs. » Pari à renouveler ! • Charles Sarraute / Lara Orsal

TERRES DU SON TOURS / FR DU 10 AU 12 JUILLET 2015 www.terresduson.com

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ART ROCK France

Extension du domaine de la fête Le festival armoricain prépare cette année sa 32ème édition. Résolument urbain, sa pérennité repose sur la confiance construite au fil des années, que lui accordent les riverains, la municipalité, et le commerce local. jours de festivités se déroulent en bonne intelligence avec l’ensemble des habitants : « Nous faisons chaque année du porte-à-porte pour chiffrer les demandes d’invitations des riverains habitant aux abords de l’événement » précise Jean-Michel Boinet. Cette diplomatie s’étend jusqu’aux résidents d’une maison de retraite située non loin du cœur du festival : depuis leurs débuts, personne ne s’est plaint d’une éventuelle nuisance sonore. Art Rock, en tant qu’événement culturel, est une aubaine économique pour les Briochins.

© DR

Depuis 1983, le festival Art Rock est un événement profondément lié à l’identité de la ville de Saint-Brieuc. Musique, arts de rues et performances en tout genre investissent l’ensemble du centreville pendant trois jours. Le festival a notamment fait place à la compagnie nantaise de théâtre de rue Royal de

Luxe, invitée pour la première fois en 1986. « Pour affirmer notre identité pluridisciplinaire, l’espace urbain est idéal » affirme Jean-Michel Boinet, directeur du festival. De la grande scène au parc des promenades en passant par le musée de Saint-Brieuc, Art Rock se déploie en terre conquise. Les trois

Le rayonnement de Saint-Brieuc Le festival contribue au rayonnement de la ville au sein d’une région accueillant nombre de festivaliers. « Dans une ville provinciale comme Saint-Brieuc, le festival constitue une aération pour la population ». Ainsi, la mise en place du festival repose sur une bonne volonté collective, reconduite d’année en année. Si l’organisation doit composer avec le soutien financier fluctuant des collectivités territoriales, elle compte sur le développement des partenariats privés et du mécénat, ainsi que sur les bonnes relations qu’elle entretient avec les diverses entreprises du coin. Cette dynamique profite in fine aux artistes et à l’ensemble des habitants du centre-ville. « À Saint-Brieuc, pendant le week-end d’Art Rock, la musique est dans la rue et personne ne lui échappe ».

À la conquête de nouveaux lieux Art Rock a cependant besoin davantage d’espace et doit s’adapter à différentes contraintes. Augmenter la capacité de la grande scène de 8 à 10 000 places, selon le souhait de l’organisation, nécessite non seulement le déplacement d’un marché, mais aussi celui d’un parking, ce qui est compliqué pour la mairie. Il faut convaincre les personnes concernées : élus, riverains, commerçants… et faire œuvre de pédagogie afin de susciter leur curiosité. « On monte au créneau seuls ou avec les politiques qui soignent toujours leurs électeurs. En mettant les formes, dans cette société, tu peux faire plein de choses en fait » constate Jean-Michel Boinet. Quelques infrastructures du centreville pourraient aussi être efficacement investies aux yeux de l’équipe d’Art Rock, qui cherche notamment à développer à court terme le potentiel de la cathédrale. « L’évêché a l’air partant ». Le festival aura ainsi conquis toutes les chapelles. • Maxime Vatteblé

ART ROCK ST BRIEUC / FR DU 22 AU 24 MAI 2015 www.artrock.org

DOUR FESTIVAL Belgique

Jamais pareil, pour toujours En 26 ans et autant d’éditions, le festival a pris bien des atours, aussi bien sur le plan de sa programmation que sur celui de son implantation. Par ailleurs, le public de Dour se renouvelle à un rythme effréné. Pourtant, l’identité du festival est bien établie : comment relever ce pari quand on doit constamment se ré-inventer ? L’esprit ouvert à tous les éclectismes, Dour n’a jamais sombré dans l’élitisme : les styles musicaux à l’affiche ont toujours été variés. Il y a quelques années, quand l’équipe a programmé Marcel et son Orchestre, elle a récolté quelques quolibets. Mais Alex Stevens, co-programmateur, défend les choix du festival : « On ne veut pas de condescendance, on tient au mélange d’ambiances. Il y a toujours eu cette idée chez nous de vouloir être à l’avant-garde : les premières années, on a fait Coolio, on était les premiers à programmer du hip-hop. Il y avait une vraie volonté d’innovation quand Carlo Di Antonio (fondateur du festival, NDLR) a décidé, dans les années 90, de varier les styles et les salles. On essaye de ne pas être dans l’intellectualisation du festival : la programmation n’est pas une œuvre d’art. On veut créer un moment. » Entre nouvelles scènes et appels à projets, l’organisation cherche sans cesse à faire évoluer son projet, tout en sachant que dès qu’il s’agit de bouger les lignes entre une idée et sa mise en place, il peut se passer du temps.

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La concurrence jusque dans la « niche » La volonté de se réinventer se mêle aussi aux contraintes, aussi changeantes que le marché, telles les périodes de disponibilité des artistes en tournée : si l’affiche est faible dans un style, le festival va compenser par un autre. Ses véritables concurrents sont aujourd’hui les festivals de niche, comme Alex Stevens nous l’explique : « Le Hellfest rassemble tous les artistes métal en juin, il n’y en a plus un seul qui tourne en juillet. Les groupes indie viennent en mai pour Primavera, repartent aux USA en juillet pour le Pitchfork, puis reviennent en Europe au mois d’août. Les artistes hiphop viennent juste avant notre weekend. » En réaction à ce planning imposé, les petits festivals alentour mettent trop d’argent sur les groupes belges et français, qui essayent de jouer tous les 50 kilomètres. Face à cette flambée des prix, Dour est obligé d’adapter sa programmation pour éviter d’avoir à augmenter le prix du ticket de manière démesurée. « Jouer à Dour, ça te donne du crédit » Autre particularité, le public est européen, très varié, changeant : s’il n’y a pas de

© Clémentine Piret la Pieuvre

grosse fluctuation dans les cycles du festival, qui est plutôt stable, les gens ne s’y rendent en général pas plus de trois à quatre fois. Le taux de renouvellement du public est d’un spectateur sur deux, et en 2014 par exemple, 30 % d’entre eux se rendaient à Dour pour la première fois. Ceci oblige l’organisation à repartir d’une feuille blanche à chaque édition, mais elle est armée d’un sacré atout : « On a une position forte, les artistes veulent jouer chez nous, c’est chouette sur leur CV. Quand tu joues à Sonar, à Dour, aux Trans, ça te donne un crédit, un cachet, parce que le public a besoin de repères, de filtres. Les artistes veulent s’associer à notre

image. Les agents nous demandent où et à quelle heure ça jouera avant de parler d’argent. » Et le public leur accorde le même crédit, les yeux fermés : 90 à 95 % des pass vendus sont de la catégorie « Pass 4 Jours ». • Lara Orsal

DOUR FESTIVAL DOUR / BE DU 15 AU 19 JUILLET 2015 www.dourfestival.eu


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© Botanique - Bart Vander Sanden

LES NUITS BOTANIQUE Belgique

Placer nos protégés au-dessus de la ligne médiane Dans une économie de la musique qui se réinvente, le marché du concert peut parfois sembler gangréné par la rentabilisation… Paul-Henri Wauters, co-président de DeConcert! et programmateur du Botanique et de ses Nuits, partage son avis sur la question. et de programmation. Jusqu’à présent, pratiquement personne ne peut s’en passer. Dans cette équation, le live est de plus en plus tiraillé entre la période de mise en place, d’apprivoisement de la scène et celle de rentabilisation.»

Paul-Henri Wauters © DR

Est-il plus difficile de programmer en saison ou de constituer l’affiche d’un festival ? «Je pense que le plus compliqué, c’est de monter un festival en saison. Ce qui est notre cas puisque les Nuits Botanique se déroulent au mois de mai et que la période des festivals ne débute réellement que début juin. Etant donné que les disques se vendent moins qu’avant, que la répartition des bénéfices du streaming pose problème et que ses revenus tombent rarement dans la poche des artistes, le live est devenu pour les groupes la plus importante source de rémunération. Cependant, pour exister dans le monde de musiques qu’on qualifiera d’actuelles, les projets doivent toujours être accompagnés de sorties. Qu’elles soient matérielles ou virtuelles. Les artistes se fixent donc des échéances. Ils concentrent les énergies, les idées pour arriver à l’enregistrement d’un disque. Quand il est prêt, le projet l’est aussi. Mais il a alors besoin de l’ensemble de la profession. D’un travail de promotion (label), de diffusion (médias classiques, internet…)

Comment s’exprime cette dichotomie ? «Un projet musical dure de un à deux ans. Laps de temps pendant lequel les artistes essaient de profiter au mieux, c’est normal, de l’objet immortalisé. D’un côté la saison que je qualifie de période de repeuplement comme dans le monde animal ou végétal. Elle permet de sentir, d’ajuster. De l’autre l’été pendant lequel un certain nombre de groupes vont se partager des contenants de 30 000 ou 40 000 personnes. Voire plus parfois. Chacun essaie de placer son protégé au-dessus de la ligne médiane. J’entends par là parmi les demandés et non les demandeurs. Ceux qui sont censés amener le monde et remplir les jauges. Pendant l’été, la concurrence joue plus que d’habitude. Les festivals se battent à coups de montants parfois très importants pour s’assurer la présence de l’un ou de l’autre à leur affiche. Et ça mène à un processus inflatoire.» Quels en sont les dangers ? «D’une part, il fragilise l’économie de ces événements. Jusqu’aux chevilles des colosses qui vu les montants engagés peuvent aussi se casser la gueule. De l’autre, il met à mal l’équilibre entre la période de gestation et celle de la grosse finance. La durée de la saison en salles rétrécit. Avant, elle commençait

fin septembre. Maintenant, c’est plutôt à la mi octobre. Je constate aussi la multiplication des festivals de showcases où les artistes jouent souvent gratuitement. Uniquement payés par la présence de professionnels. On ne va pas se plaindre. La Belgique est irriguée par les tournées. Nous vivons dans un pays qui possède l’une des offres les plus riches du monde au kilomètre carré. Mais il ne faudrait pas que souffrent davantage les salles soutenant la croissance des artistes.» C’est déjà votre cas ? «Il y a une fragilisation du pôle de développement. De moins en moins de groupes acceptent de jouer devant des capacités adaptées à leur notoriété. Certains s’y plient par plaisir, pour le rodage. Là où d’autres cherchent à jouer dans des salles trop petites, quand ils

ne refusent pas juste de jouer, pour faire monter la sauce, susciter le buzz, attiser la frustration et se donner l’image du groupe rare voire inaccessible. Plus l’été sera rémunérateur, plus la période qui précède sera déserte. Pour les Nuits, j’essaie de ne pas trop dépasser les montants auxquels un groupe peut prétendre avec une salle remplie en saison. Je dois parfois faire des croix sur des projets qui auraient eu leur place chez nous. Mais Hot Chip, par exemple, est resté très raisonnable. Je ne citerai pas de nom mais de toute la programmation, notre plus gros cachet s’élève à 23 000 euros…» • Propos recueillis par Julien Broquet Les Nuits Botanique Bruxelles / Be Du 26 AVRIL au 19 MAI 2015 www.botanique.be

© Xavier Marquis

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SAKIFO La Réunion

Circulez, y’a tant à voir ! La singularité du Sakifo ne repose pas que sur son insularité, mais aussi sur son modèle économique : porté par une société de production, le festival fait le choix de s’étendre et d’échanger, plutôt que celui de se sédentariser. Le budget de l’événement réunionnais est constitué à 13 % de subventions publiques, et à 40 % de financements privés. Mais ces derniers accusent euxmêmes une baisse de 30 à 35 % cette année, puisqu’il s’agit d’entreprises locales également sous le coup de la crise économique. Cette réalité peut avoir des conséquences désastreuses pour un événement, d’autant plus quand il est porté par une société de production plutôt que par une association, limitant ainsi ses sources publiques de financement. On peut d’ailleurs s’interroger quant à ce choix stratégique : Jérôme Galabert, directeur, s’en explique : « Quand on décide de rester une société de production plutôt que de monter une association pour toucher des subventions, on fait le choix de la liberté, le choix d’entreprendre, parce qu’une entreprise, ce n’est pas sale. C’est un problème culturel français, ça, pas spécifiquement réunionnais. Tout manque de souplesse sur les dispositifs, globalement : du coup on perd en potentiel. »

Un Sakifo indépendant Pourtant, le festival peut se targuer d’avoir assuré son indépendance financière, et donc artistique, ainsi que d’avoir réussi à créer une économie, et six emplois permanents. Mais à quel prix ? « Notre apport économique, en termes d’emploi, de rayonnement de l’île, reste à prouver aux yeux de certains, mais à leur décharge, on en est encore au stade des études. Ça devient quand même de plus en plus fatiguant d’être en combat permanent. La précarité crée une drôle de réflexion, où tu te remets en cause et en question, constamment. Mais on fait aussi ça pour être en alerte, en recherche, en mouvement : quand on ré-invente des scènes, par exemple. » confie-t-il. Direction l’Afrique du Sud Pour transformer ses contraintes en atouts, Sakifo cherche à étendre son rayonnement, exporter ses propositions, en impulsant des échanges avec les pays côtiers de l’Océan Indien, en Afrique. Une déclinaison du festival à Durban (Afrique du Sud),

© Yann Oulia

une semaine après l’édition réunionnaise, est en projet. Jérôme Galabert raconte : « Ce sera un mélange des gens et des genres, comme au Sakifo, mais en tenant bien évidemment compte des spécificités de Durban, dans la conception de l’événement. En 2015 on va faire tout petit, en 2016 on fera en fonction des moyens qu’on aura trouvé. » L’idée de l’opération est de créer un pont entre la Réunion et l’Afrique du Sud, et de : « faire circuler les artistes et les savoir-faire. On n’est qu’à 4 heures d’avion, c’est assez facile d’aller là-bas. » De plus, la zone offre quelques autres événements avec lesquels le Sakifo parvient à créer un circuit pour les artistes, et à partager la prise de risque financière : « pour l’instant, on le fait avec des artistes locaux, en organisant la circulation

Afrique du Sud / Océan Indien. On est tous fragilisés au niveau de notre propre survie, déjà, on a la tête dans le guidon. On est sur des échanges, une synergie, qui ne sont pas encore un réflexe : ça viendra. » • Charles Sarraute / Lara Orsal

SAKIFO La Réunion / FR DU 5 AU 7 JUIN 2015 www.sakifo.com

LA ROUTE DU ROCK France

Du fort de Saint-Père à La Nouvelle Vague : une nécessaire adaptation L’association Rock Tympans, organisatrice de l’incontournable Route du Rock, gère à Saint-Malo depuis fin 2012 le centre de musiques actuelles La Nouvelle Vague, feu l’Omnibus. L’équipe doit désormais assumer de nouvelles contraintes et un nouveau statut.

Aucune confusion des genres chez Rock Tympans. L’organisation d’un festival et la gestion d’une salle à l’année sont deux métiers totalement différents. S’ils connaissent sur le bout des doigts les tenants et les aboutissants de leur édition été depuis vingt-cinq ans, et ceux de leur édition hiver depuis dix ans, les membres de Rock Tympans sont à la tête de la Nouvelle Vague depuis peu. Il n’est ici plus seulement question de « l’indie way of life » mais d’action culturelle au sens large. « Le spectre artistique est beaucoup plus large, il y a de nouveaux réseaux à activer ou réactiver » confirme François Floret, le Directeur Général de Rock Tympans. La salle a une capacité totale d’un peu plus de 900 places. Au-delà de la programmation, le respect des normes d’accessibilité et de sécurité, ou encore les contraintes techniques, diffèrent grandement d’un événement en plein air comme la Route du Rock été. En dehors d’organiser des concerts, la Nouvelle Vague comprend également un studio d’enregistrement, des locaux de répétition, met en œuvre une politique de développement culturel vers l’extérieur, a la responsabilité d’informer, de former et tout cela impliquant une autre logistique. Ces nouvelles responsabilités constituent un « épanouissement supplémentaire » pour François Floret et toute son équipe.

de monopole ? François Floret réfute le terme et préfère mettre en avant le professionnalisme et le mérite de son équipe : « Nous ne sommes pas le seul festival en France à avoir une salle. Cette gestion s’inscrit dans une logique: nous avons gagné nos galons avec notre travail, en gardant toujours notre ligne. » La Nouvelle Vague n’est pas destinée à devenir la vitrine de la Route du Rock : « il n’y a aucune stratégie en ce sens » assure François Floret. Les soirées Route du Rock Session ont plutôt lieu dans des salles parisiennes et d’autres salles de province. Proposer des moments hors les murs L’animation d’un lieu culturel et la promotion des musiques actuelles ne se cantonnent pas aux murs de La Nouvelle Vague. C’est la salle qui vient au public lors d’interventions en lycée, en prison ou encore en hôpital. D’autres événements décalés voient parfois le jour : l’organisation d’un concert derrière une autre « Nouvelle Vague » malouine, une poissonnerie celle-là, aura lieu. « Petit à petit, nous voulons amener le public à découvrir des choses, à prendre des risques. Les Malouins ne s’approprient pas assez leur salle, il faut qu’ils en soient les acteurs » explique François Floret, toujours avide de nouveaux défis. • Maxime Vatteblé

© 2014 Nicolas Joubard

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Développer ses activités La Nouvelle Vague est un plus pour Rock Tympans qui met maintenant à profit son expérience et son expertise tout au long de l’année. « Avec nos deux éditions annuelles, les artistes de notre roster, et la gestion de la salle, nous sommes de facto encore plus crédibles aux yeux des agents d’artistes, des managers, et des tourneurs » précise François Floret. Rock Tympans serait alors en position

LA ROUTE DU ROCK ST MALO / FR DU 13 AU 16 AOÛT 2015 www.laroutedurock.com


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18 artistes repérés :

La sélection DECONCERT! 2015

À DeConcert! on partage tout, même les artistes S’engager en faveur des artistes émergents, c’est le point commun de l’ensemble des festivals de la Fédération DeConcert! La sélection DeConcert! réussit le pari de réunir autour de la même table aussi bien des mastodons avec 230 000 festivaliers que des festivals plus modestes en terme d’entrées, tous unis par la même passion : l’émergence artistique. Cette année, les 31 festivals de la fédération ont repéré, se sont réunis, ont échangé et ont présenté une soixantaine de newscomers. Parmi ces talents venus des quatre coins du monde, 18 artistes ont été sélectionnés pour faire partie de l’aventure DeConcert ! Ces coups de coeur musicaux, destinés à « devenir grands » sont à découvrir ci-dessous et en écoute sur notre site internet et très prochainement sur les nombreuses scènes des différents festivals membres de la Fédération DeConcert!. Retrouvez cette sélection DeConcert! sur le sampler 2015 (édition limitée, disponible sur demande à infos@deconcert.org) et en écoute sur deconcert.org. Textes : Lara Orsal Nicolas Plommée

JESSICA 93

Supported by Les Nuits Sonores

LAETITIA SHÉRIFF Quiconque a déjà vu Laetitia Shériff sur scène sait quelles décharges électriques elle envoie sous la peau. Depuis plus de dix ans, la chanteuse-bassiste rennaise d’adoption, parcourt les scènes, remplit les bacs à disques, accumule les expériences en tous genres, au fil de ses rencontres. Sa carrière est rythmée par ses collaborations, impressionnantes : elle joue dans le groupe Trunks, travaille avec le saxophoniste François Jeanneau, le guitariste Olivier Mellano, la diva punk Lydia Lunch, ou encore Noël Akchoté, Robert Le Magnifique, et depuis son dernier album, avec Carla Pallone (violoniste, Mansfield. Tya), Thomas Poli (guitariste-arrangeur, Montgomery, Dominique A…), et Nicolas Courret (batteur, Eiffel). Elle n’a plus grand chose à envier à Nick Cave, P.J.Harvey ou Sonic Youth.

Geoffroy Laporte n’est pas transgenre mais déteste les catégories bien établies. C’est un banlieusard grand connaisseur du rap hardcore de Lunatic mais adepte d’un rock DIY, qui abhorre le piano mais encore plus d’être comparé physiquement à Kurt Cobain. Enfant des années 1980, il en a retenu le côté sombre et un goût revendiqué pour tout ce qui sonne “underground”, jusqu’à jouer autrefois de la musique traditionnelle grecque rebétiko. Notre homme-orchestre du troisième type alterne en concert guitare et basse sur fond de boîte à rythmes : seuls face à la foule sont les indomptés.

13 mai > Nuits Botanique (BE) 15 mai > Nuits Sonores (FR) 21 mai (au Jardin Moderne) > Bars en Trans (FR) 29 mai > 3 Éléphants (FR) 18 juillet > Dour (BE)

12-13 et 14 février > GéNéRiQ (FR) 13 mai > Nuits Botanique (BE) 29 mai > 3 Éléphants (FR) 7 juin > Jardin du Michel (FR) 3 juillet > Eurockéennes (FR) 17 juillet > Vieilles Charrues (FR) 18 juillet > Dour (BE)

12 février > GéNéRiQ (FR) 4 avril > Panoramas (FR) 3 juillet > Eurockéennes (FR) 9 juillet > Montreux Jazz Festival (CH)

COTTON CLAW Supported by Les Eurockéennes

Après avoir été soutenu et accompagné par La Rodia en 2012, le producteur Lilea Narrative a eu envie de mettre en place un projet qui lui trottait dans la tête depuis un petit temps : monter un vrai live-band, avec 64 pads joués sur scène. Il a invité les producteurs Zo aka La Chauve-Souris, YoggyOne et Zerolex à fonder avec lui Cotton Claw, projet qui propose un son fait pour les clubs, une house texturée par des synthés analogiques et des mélodies faussement naïves et ultra-catchy. Si tout est joué live et sans séquence, les morceaux sont pensés à l’avance.

ISAAC DELUSION

Supported by Les 3 Éléphants

Chacun propose des idées, amène une mélodie, une ligne de basse, un beat, etc. : après des carrières solo les ayant frottés à quantité de scènes et d’artistes, les quatre producteurs de Cotton Claw ont de la matière pour créer.

Supported by C/O Pop

Aucune connotation religieuse dans ce nom de groupe, mais une foi intacte dans la musique, fût-elle soumise aux lois de la gravité selon Isaac Newton. D’abord duo né aux portes de Paris avec Jules, fan de hip hop d’électro, et Loïc chanteur de folk amateur de pop, amis depuis leurs 14 ans, le groupe forcément électropop s’adjoint sur scène un bassiste, Nicolas, puis un multi-instrumentiste, Bastien, pour passer le cap l’été dernier d’un premier album éponyme distribué par une grosse maison de disques. Mais c’est bien en concert, du Pitchfork Festival Paris dès son premier maxi en 2012 en passant par le SXSW à Austin, Texas mais aussi l’Inde, jusqu’à l’Olympia en tête d’affiche début 2015, que la voix d’ange de Loïc, parmi une myriade d’effets sonores, fait toute la différence.

15 mai > Nuits Botanique (BE) 23 mai > Art Rock (FR) 16 juillet > Dour (BE) 17 juillet > Montreux Jazz Festival (CH) 18 juillet > Vieilles Charrues (FR)

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La sélection DECONCERT! 2015

VERVEINE DAD ROCKS!

Supported by GéNéRiQ

FLAVIEN BERGER

Supported by Spot

Snævar Njáll Albertsson a beau être un “papa rocker” hyperactif, membre du groupe suédois Mimas et grand manitou des albums de Dad Rocks! réalisés entre Danemark (Mount Modern en 2012) et Rennes (Year Of The Flesh en 2014), notre islandais exilé en Europe est surtout resté un grand enfant qui adore démonter tout le cirque autour du folk (“le folklore folk ?”) au point de s’entourer d’un maximum de camarades de jeu multi-instrumentistes. Trompettes et cordes offrent sur scène une version scandinave de Piccolo Saxo, voire une sorte de grand cabaret dad-aïste.

Supported by Panoramas

Dans une autre vie scénique, Verveine a d’abord existé sous la forme d’un duo folk des plus classiques. Mais l’esthète helvète Joëlle Nicolas, maîtresse femme devenue seule maître à bord dès le 7 titres électropop inaugural Peaks de 2013 lui a enfin donné une suite avec le EP Antony en ce printemps après avoir été labellisée “artiste Iceberg” parmi la scène émergente entre France et Suisse. Notre nouvelle prêtresse “folktronica” n’aime effectivement rient tant que souffler le chaud et le froid derrière claviers et machines en concert jusqu’à faire passer dans cette Verveine-là un poison insidieux, d’autant plus violent qu’il est délicieux.

12-15 février > GéNéRiQ (FR) 1er mai > Spot (DK) 12 mai > Nuits Botanique (BE) Novembre 2015 > Iceland Airwaves (IS)

PUTS MARIE Supported by For Noise

Entre l’irrévérence et les outrages à la pudeur, il y a le rock tel que le pratiquent les Suisses de Puts Marie. Après une longue pause dans le groupe, pendant laquelle les membres en ont profité pour avoir des enfants, monter sur les planches de Broadway, devenir disquaire, jouer avec Nick Porsche, et beaucoup voyager, le groupe s’est reformé, plus fort que jamais. Du spoken-word sur des lignes de basse jazzy, avec un esprit cabotin et un goût certain pour le cabaret burlesque, Puts Marie offre de véritables performances, et se renouvelle sans cesse. En effet, après deux ans protégés dans leurs costumes et déguisements, les musiciens se frottent à la scène en civil, et c’est, jusqu’alors, ce qu’ils ont fait de plus déroutant : on ne pourra pas crier « à poil ! ».

5 juillet > Eurockéennes (FR) 19 juillet > Vieilles Charrues (FR) 22 juillet > Paléo (CH)

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12 et 13 février > GéNéRiQ (FR) 22 mai > Art Rock (FR)

HUSBANDS

Supported by Garorock

17 juillet > Dour (BE) 23 juillet > Paléo (CH)

NICOLAS MICHAUD Supported by Les Nuits Botanique

Après plus d’une décennie avec le groupe belge Été 67 et deux albums à la clé, son chanteur Nicolas Michaux tente l’échappée en solo. Sans forcer, à la coule, avec son beau timbre de voix entre le géant Dominique A et le discret Mathieu Boogaerts, il prend Un Nouveau Départ au gré de voyages entre l’Europe et l’Afrique. Ce petit Nicolas devenu un peu plus grand se bat, tel feu son homonyme, compatriote illustre et homme de lettres, Henri, contre tout ce qui nous rend tiède : tout feu tout flamme.

13 février > GéNéRiQ (FR) 5 avril > Panoramas (FR) 23 mai > Art Rock (FR)

ALO WALA

Supported by Marsatac

Au départ, Husbands était la cour de récréation artistique de Mathieu Hocine (Kid Francescoli), Mathieu Poulain (Oh! Tiger Mountain) et Simon Henner (Nasser), trois musiciens émérites de la scène marseillaise, chacun dans son groupe, et néanmoins amis. Mais le sens du tube que recèlent leurs pop songs les emmènera jusqu’au festival Yeah!, des voisins de Lourmarin : Laurent Garnier, Arthur Durigon et Nicolas Galina montent leur label Sounds Like Yeah! pour l’occasion, et Husbands est bien sûr, leur première signature. Solaires et comme naturalistes, les chansons du premier album, tout simplement intitulé Husbands, s’offrent comme des petites pièces d’orfèvrerie au potentiel d’hymnes de plein air : du son béni pour nos étés.

Repéré en première partie des Salut C’est Cool, qui l’avaient invité à ouvrir leur concert, Flavien Berger a fait ses classes dans une école de création industrielle, où il a pu apprendre le design sonore. C’est sans doute aussi parce qu’il vient d’une famille de cinéma qu’il s’est naturellement intégré au collectif visuel Sin, et qu’il ne compose de musique que s’il a conçu au préalable toute l’imagerie qui l’inspirera. Compositeur des bandes-originales de son cinéma intérieur, il synthétise parfois même malgré lui, la démarche de Kraftwerk, la classe d’Etienne Daho, et les imaginaires visionnaires de Philip K. Dick ou d’Isaac Asimov. Signé chez Pan European Recording, l’un des labels DIY actuels à la ligne artistique la mieux tenue, Flavien Berger déroule son film.

15 mai > Nuits Botanique (BE) 17 juillet > Dour (BE)

Non mais allô quoi ? Voilà une jeune MC américaine d’origine indienne liée à un producteur d’électro tropicale et il n’en faut pas plus pour entendre en écho les noms de MIA et Diplo… Sauf que cette fois tout ne se joue pas entre Angleterre et Etats-Unis : Shiva Ahlowala a voyagé depuis 2011 entre son Chicago d’origine et le Danemark, où est basé son complice norvégien Copyflex, mais aussi en GuinéeBissau et en Inde. Alo Wala, mélange de deux mots bengali et hindi, est signée sur le label lisboète de Buraka Som Sistema, avec une apparition sur In A Minute, titre du troisième album Buraka l’an dernier, et a un tourneur russe à cheval entre Berlin et Rotterdam. Le clip vidéo de City Boy a mis le feu sur les réseaux sociaux dès le retour des beaux jours, et ceux à venir s’annoncent radieux pour notre MC suivie depuis 2013 jusque sur scène comme son ombre par Copyflex, maître à penser du trio copenhaguois Copia Doble Systema complété par un VJ et un percussionniste. Alo Wala ? Allô le monde ?

29 mai > 3 Éléphants (FR) 26 juin > Garorock (FR) 19 juillet > Dour (BE) 21 juillet > Paléo (CH)


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La sélection DECONCERT! 2015

FRAGMENTS Supported by Les Vieilles Charrues

Ce trio instrumental rennais aurait mérité dans les années 1980 d’être signé sur Factory ou, plus près de nous, une décennie plus tard sur F Com, pour accompagner sur un tempo “dream pop” les descentes d’afters… En équilibre entre claviers et machines, guitare et batterie, Benjamin, Sylvain, tous deux trentenaires, et Tom, le vrai benjamin de la bande, ont chacun d’autres projets musicalement fort différents en parallèle (The Last Morning Soundtrack, Magnetic Days, Piranha, Throw Me Off The Bridge…), mais c’est bien Benjamin qui fait le lien entre eux trois pour avoir joué avec l’un et l’autre. Face à ce cycle sonore des saisons qui défilent, depuis la fin de la nuit en hiver jusqu’au premier matin de printemps, ces [Fragments] sont bel et bien éternels.

Supported by Dour

MAMMÚT

Et si le meilleur nouveau groupe de rap français était… belge ? Stromae a bien commencé comme MC Maestro avant de trouver sa propre voix. De la chanson jusqu’aux musiques électroniques, sans oublier non plus le rock, la Belgique a toujours été une terre de talents, l’humour en plus. Forts de l’un mais aussi de l’autre au point de s’être appelés La Smala, nos six MC et un DJ issus en 2007 des rangs de Nouvelle Génération et de L’Exutoire ont enchaîné comme il se doit les “mixtapes” avant que tout ne s’accélère, l’an dernier, avec le huit titres Un Murmure Dans Le Vent puis, en ce printemps 2015, l’album Un Cri Dans Le Silence. Avant de rassembler toujours plus autour d’elle, La Smala, dont l’avalanche de “punchlines” a plusieurs fois réuni plus de deux mille jeunes concitoyens dans la salle bruxelloise L’Ancienne Belgique, est déjà championne d’un hip hop irisé.

Finie la musique des dinosaures de mamie Björk, Gus Gus et Sigur Rós, place en Islande aux plus jeunes Mammút ? Comme l’île n’est pas grande, Mammút né en 2004 des cendres du trio ROK, son noyau féminin originel, a pour chanteuse la fille de du bassiste de Kukl, précédent groupe de Björk avant The Sugarcubes, et pour bassiste la petite sœur du batteur de Sigur Rós. Un guitariste et un batteur alors à peine majeurs sont cooptés par leurs petites camarades. Devenu énorme au pays, déjà forte de trois albums véritablement post-punk, cette incontrôlable créature sexuellement mixte à cinq têtes débarque enfin sur le continent européen. En Islande comme bientôt partout ailleurs, Mammút écrase l’ennui.

LA SMALA

30 mai > 3 Éléphants (FR) 17 juillet > Vieilles Charrues (FR)

5 juillet > Couleur Café (BE) 15 juillet > Dour (BE)

GRAND BLANC

La musique de Grand Blanc trahit, plus que leurs origines, le fait que la new wave aurait tout aussi bien pu naître dans l’ennui post-industriel de Metz que dans le désœuvrement de Manchester. Il suffit d’un environnement crasseux et sans espoir pour inspirer des énergies à la tension palpable, et ce n’est que parce qu’ils chantent en français qu’on pense à Bashung (la voix sombre de Benoît) ou Elli & Jacno (la voix claire de Camille) plutôt qu’à Joy Division ou Cure, quand

Supported by Art Rock

JEANNE ADDED Supported by Terres du Son

SOVIET SUPREM Supported by Sziget

Supported by Iceland Airwaves

on les écoute. Déjà grand, en effet, mais bien plus dans la noirceur synthétique que dans le blanc minéral, le quatuor messin aux textes inspirés a sorti son premier EP il y a moins d’un an, et semble déjà lancé à toute berzingue, sur une courbe exponentielle.

12 et 13 février > GéNéRiQ (FR) 10 mai > Nuits Botanique (BE) 23 mai > Art Rock (FR) 5 juillet > Eurockéennes (FR)

1er mai > Spot 12 mai > Nuits Botanique (BE) Novembre 2015 > Iceland Airwaves (IS)

TOO MANY ZOOZ

Supported by Terres du Son

Jeanne Added n’entend pas des voix, elle en joue comme d’un instrument, héritage d’un apprentissage musical au long cours, entre chant lyrique et violoncelle au conservatoire de Reims, puis jazz au Conservatoire supérieur de musique de danse de Paris et Royal Academy of Music à Londres. Après avoir envoyé balader tout ça, elle s’invente un personnage de Tintin(e) post-new wave puis croise la route de Rachid Taha le temps de Now Or Never, duo remarqué sur Zoom, des Trans Musicales de Rennes qui l’intronisent artiste résidente l’an passé, du chorégraphe Philippe Decouflé pour la création WieBo, et de Dan Levy, moitié masculine de The Dø, pour l’aider à arranger

son album estival et programmatique Be Sensational. Sur scène, le trio féminin qu’elle forme avec Narumi Omori (Tristesse Contemporaine) aux synthés et Anne Paceo (Rhoda Scott, China Moses, Mélissa Laveaux…) à la batterie est une sacrée valeur ajoutée pour la jolie petite Jeanne à la fois à la basse et au chant (en anglais) façon contrechamp.

Fondé il y a deux ans, Soviet Suprem annonce la couleur avec ses choix de pseudonymes : à ma gauche, Sylvester Staline joué par R-Wan, issu du groupe de rap-musette Java, et à ma droite, John Lenine, joué par Toma Feterman, du groupe de rock festif La Caravane Passe. L’intention de décalage est claire, le groupe s’amuse de toute l’imagerie soviétique pour illustrer sa musique fantasmée des Balkans, volontairement à l’opposé de la culture pop mainstream trop abondamment déversée, selon eux, par les US. Après un EP puis un premier

album, mêlant rap, rock et cuivres dans une dynamique joyeusement fédératrice, Soviet Suprem peut déjà se targuer d’avoir une réputation scénique des plus populaires.

La belle histoire des musiciens du métro peut donc être vraie : derrière ce nom mystérieux se cache un trio new-yorkais des plus désarmants, version hip hop des fanfares de rue. Matt Doe, 23 ans et trompettiste depuis une douzaine d’années, fait la connaissance de Leo P, saxophoniste baryton de 24 ans, à l’école de musique. Dans le métro, Matt rencontre King Of Sludge, batteur et multi-percussionniste qui a plus que leur âge cumulé, ils jouent d’abord ensemble avant d’être rejoints par Leo. Toujours dans le métro, les voilà filmés par Questlove, batteur et tête pensante à coiffure afro de The Roots, qui twitte la vidéo. Buzz, premiers pas discographiques l’an dernier et Trans Musicales de Rennes, les trois de Too Many Zooz ont trop le swag pour juste plaire aux zouz.

6 juin > Sakifo (FR) 12 juillet > Terres du Son (FR) 24 juillet > Paléo (CH)

23 mai > Art Rock (FR) 12 juillet > Terres du Son (FR) 20 juillet > Paléo (CH)

15 mai > Nuits Botanique (BE) 4 juillet > Eurockéennes (FR) 12 juillet > Terres du Son (FR)

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MONTREUX JAZZ FESTIVAL Suisse

Fondation d’avenir

Deux ans après le décès de son fondateur Claude Nobs, le Montreux Jazz Festival œuvre à transmettre son héritage : le goût du partage, de la proximité, notamment via sa fondation et son « Academy ». Focus sur cette transmission d’utilité publique. Jazz Academy. En automne, cette semaine de résidence leur offre du temps pour faire de la musique bien sûr, mais aussi pour suivre des cours de music business. Les sessions sont assurées par des mentors, comme par exemple Erik Truffaz ou Charles Lloyd du côté des musiciens, mais également par des professionnels du secteur, qui leur proposent du suivi, du conseil et des outils pour consolider leur carrière.

Charles Lloyd et Lorenz Kellhuber © 2014 FFJM - Marc Ducrest

Montreux a longtemps été critiqué par les puristes pour sa pluridisciplinarité, mais la volonté d’être non-exclusif sur le jazz, de rendre hommage au fait que ce style musical se nourrit de tous les autres et les influence aussi, est restée intacte. A l’époque où il y avait encore des studios d’enregistrement dans la ville, les musiciens pouvaient enregistrer des projets spéciaux aussi bien pendant le festival qu’en dehors de cette période. « On veut être dans un mélange subtil entre continuité et renouvellement.

Nous travaillons sur des projets en équipe, pour poursuivre le rêve, et rester dynamiques. » explique Antoine Bal, porte-parole du festival. « On maintient des rapports privilégiés avec les artistes, même s’ils sont moins faciles à entretenir dans des routings où il est compliqué d’offrir du temps. Mais cet héritage de Montreux a une valeur reconnue. On peut encore créer la différence, inviter des artistes un peu plus longtemps que le temps du concert au Festival, organiser des workshops avec eux pour le public… »

La Montreux Jazz Artists Foundation Ce champ des possibles est exploré par la Montreux Jazz Artists Foundation, reconnue d’utilité publique depuis 1999, et dont l’objectif est de mettre en avant les découvertes et de les accompagner. Pendant le festival se déroulent alors des workshops, des créations, des cycles de conférences, des concerts dans les parcs, et enfin, des compétitions de piano, guitare, et voix, qui ont rassemblé l’an passé 198 candidats venus de 42 pays. Les lauréats de ces compétitions, 12 jeunes artistes, participent ensuite à la Montreux

Une bulle créative « Chaque soir on propose des sessions publiques gratuites et à la fin de la résidence, on organise un concert final : on mise sur les petits formats, la proximité. C’est une grande réussite artistique. On crée du lien, c’est un cercle vertueux. Pour nous, l’accompagnement des artistes de demain repose sur la création de lien et la facilitation des échanges ». Rien d’étonnant si l’on se souvient que le fondateur ainsi que l’actuel directeur du Montreux Jazz Festival, Mathieu Jaton, viennent de l’hôtellerie, qu’ils ont fondé leur réputation sur leur sens de l’entregent, et celle du festival sur leur sens de l’accueil des artistes. Mettre à l’aise les musiciens dans un cadre magnifique à tel point qu’ils passent quelques jours en plus sur place, leur offrir une bulle de tranquillité dans laquelle ils peuvent librement se rencontrer, jammer, créer au débotté, tel est l’esprit que le festival cherche à insuffler dans tous ses domaines d’action. • Lara Orsal

MONTREUX JAZZ FESTIVAL MONTREUX / CH DU 3 AU 18 JUILLET 2015 www.montreuxjazzfestival.com

FESTIVAL PANORAMAS France

Enfin la majorité ! Morlaix, son viaduc, ses petites maisons de caractère, son port et ses inondations et surtout son festival. Panoramas, qui depuis maintenant 18 éditions accueille le public le plus jeune de France. Quelle est donc la recette miracle made in Bretagne d’un tel succès ? Panoramas est enfin majeur ! À peine plus âgé que son public, dont la moyenne d’âge oscille entre 16 et 22 ans, le festival breton peut se targuer en 2015, d’accueillir le public le plus jeune de l’Hexagone. Cette jeunesse présente évidemment bien des attraits, à commencer par un goût certain pour l’amusement et l’inventivité : « ils sont ultra-déguisés, ils poussent le truc à l’extrême. Une fois, on a eu un mec costumé en radar routier pendant toute la durée du festival. Sinon, on a de tout : des tigres, des éléphants, des abricots, des bananes… On a tous les fruits et légumes, et beaucoup d’animaux, en fait ! », raconte Joran Le Corre, programmateur. Un public jeune mais connaisseur. Preuve en est de l’engouement pour le festival breton capable, des années durant, de réunir en son sein, le maestro Laurent Garnier, figure de proue de la French touch, et jeunes gens passionnés de sons électro mais pas toujours fidèles. « Le jeune festivalier est volatile, s’amuse

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à dire Joran Le Corre, « il faut avoir un coup d’avance dans la programmation ». Avoir des artistes électro, majeurs ou émergeants, c’est le « nerf de la guerre ». Et cette année « Pano » mise haut avec Point Point, Kink ou encore Alesia. © Éric Tanguy

Savoir s’éclater en restant responsable Lorsque l’on sait que plus de 6 000 (courageux) festivaliers logent au camping chaque soir, dans un climat tout juste printanier, 27 000 spectateurs sur trois jours dont une grande majorité de « kids » et bien entendu une certaine tendance à l’excès, l’éclate c’est bien mais raison il faut garder.

Bleue, APICA, Entre-Fête qui œuvre en milieu festif. Sur le terrain, les associations et leurs équipes interviennent sur la réduction des comportements à risques. Ces bénévoles sont à l’écoute des festivaliers et participent aussi à tisser des liens intergénérationnels.

La prévention et la sécurité représentent donc un coût, conséquent, pour Panoramas : l’enveloppe allouée représente 10 % du budget global du festival, quand l’enveloppe artistique ne représente que le double. Pour la prévention, Panoramas s’appuie sur plusieurs partenaires tel que L’Orange

Sur place tout est fait pour rassurer et encadrer le festivalier. Il y a toujours la volonté du festival d’anticiper par rapport à ce qui pourrait être nécessaire à l’avenir mais en concertation avec les collectivités et les élus locaux qui doivent accompagner l’événement sur ce terrain là. Panoramas expérimente par exemple cette année un dispositif complémentaire de prise en

charge des mineurs après leur passage par les secours. « On préfère voir un mec passer la soirée déguisé en radar qu’allonger à la CroixRouge ». • Guillaume Chauvigné / Lara Orsal

FESTIVAL PANORAMAS PAYS DE MORLAIX / FR DU 3 AU 5 AVRIL 2015

www.festivalpanoramas.com


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LES ROCKOMOTIVES France

Des relations artistiques au long cours À la fois piste de décollage et tour de contrôle, les « Rockos » s’emploient à aiguiller les artistes. Faire de Vendôme une zone de confort et un point de repère pour les jeunes talents et les groupes confirmés, tel est le jeu de cette famille qui ne cesse de s’agrandir. Comme à la maison. Pour les équipes des Rockomotives, c’est ainsi qu’un artiste doit se sentir lorsqu’il foule les rues de Vendôme. Après les marathons des tournées estivales, l’escale automnale en Loir-et-Cher se doit d’être des plus agréables. « Le vin local participe à la bonne entente » plaisante le directeur du festival, Jocelyn Borde. Si l’attachement au territoire et au terroir est un des fondements des « Rockos », l’éducation musicale est également essentielle aux yeux de l’équipe. La programmation, mêlant audace et expérience, permet aux artistes de se produire devant un public avide de découvertes. « La maxime du festival : exigeant mais pas élitiste ». La démarche séduit. À tel point qu’elle donne des idées et des envies de scène aux talents locaux. Ropoporose, duo du crû constitué d’un frère et d’une sœur ne dépassant pas la quarantaine à eux deux, en sont le meilleur exemple. Enfants des Rockomotives, ils sont de fidèles spectateurs du festival depuis leur enfance et désormais des membres de la famille après leur prestation délivrée en 2012. Une histoire d’amitié entre musiciens et l’organisation, parmi d’autres.

Une relation durable entre les artistes et le festival Nombreux sont les artistes à avoir tissé un lien solide avec le grand rendez-vous musical de Vendôme : Yann Tiersen, Olivier Mellano, Gablé ou encore Laetitia Shériff, il y en aurait tant d’autres à nommer. Au-delà des étiquettes, la qualité de la relation est le seul critère d’importance pour l’association Figures Libres, en charge du festival. Et puis il y a les coups de cœur, comme Montgomery ou Piano Chat : le premier passage de ce dernier, en 2010, dans un bar, est une révélation : il rejouera sur scène quelques jours plus tard et reviendra en 2013. Il y a enfin les nombreuses rencontres entre artistes à l’affiche, qui se font tout naturellement. « Nous ne cherchons pas à valoriser ce facteur humain, qui n’est pour nous pas un plus, mais une évidence logique. » analyse Jocelyn Borde. Soutenir les coups de cœur Les Rockomotives souhaitent offrir un moment à part aux artistes qu’elles soutiennent. Ainsi qu’être les meilleurs ambassadeurs pour ceux qui les font vibrer. Le festival est capable de programmer un groupe à plusieurs reprises, sans crainte de redondance « On ne reproche jamais aux

© Laure Benoist Carré

théâtres d’avoir une relation privilégiée avec un acteur » souligne Jocelyn Borde. Là encore, seule l’intention compte. « Si des artistes ne correspondent pas à notre esthétique, nous ne les programmons pas » explique Jocelyn Borde. En toute simplicité. • Maxime Vatteblé

LES ROCKOMOTIVES VENDÔME / FR DU 24 AU 31 OCTOBRE 2015 www.rockomotives.com

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FESTIVAL DE MUSIQUE ÉMERGENTE EN ABITIBI Canada/Québec

Ceux qui l’aiment prendront la route Depuis douze ans, le Festival de Musique Emergente en Abitibi-Témiscamingue réussit le pari de faire se déplacer les foules : public, musiciens et professionnels parcourent plus de 600 kilomètres depuis Montréal, pour découvrir de nouveaux talents dans une ville pionnière à plus d’un titre.

© Félix Laferté

Rouyn-Noranda s’est construite il y a un siècle, sur des minerais de cuivre et d’or, dans le cadre d’un plan de colonisation du gouvernement québécois. Cette histoire a fondé la mentalité de ses citoyens, dont les habitudes sont de savoir créer à partir de rien, avoir la volonté de défricher, considérer qu’on ne peut rien obtenir sans effort. « Les choses se sont faites progressivement : au départ, on a monté ce festival parce qu’on en avait assez de devoir faire des milliers de kilomètres pour voir des shows », explique Sandy Boutin, le co-fondateur et programmateur du FME.

Et pour cause : « En tant qu’Abitibien, j’allais souvent à Montréal le week-end, assister à des concerts avec des amis : on faisait l’aller-retour à chaque fois. C’était usant, et surtout, ça nous semblait absurde. Alors, avec deux proches, nous avons eu envie d’avoir notre événement à nous, sans penser à la portée de notre projet. » Au-delà du challenge personnel, l’équipe du FME avait à cœur de faire le bien des groupes et de la région. Au Canada, les très grandes distances qui séparent les villes les unes des autres font que la scène indépendante du Québec est

polarisée sur Montréal. L’essence coûte cher, il n’y a pas de trains rapides, il est donc difficile pour les artistes d’étendre leur sphère d’influence et se faire connaître en dehors de chez eux. Un petit coin de paradis « Nous avons dû construire nos arguments lorsque nous nous sommes mis à la recherche de sponsors et de subventions », se rappelle Sandy Boutin. En plus de mettre en avant la scène émergente dans sa programmation, le FME s’est fixé des objectifs particuliers : être un pôle

d’attraction touristique pour l’AbitibiTémiscamingue, déjà réputé pour sa nature ; retenir les jeunes en région et freiner leur exode vers les villes universitaires ; faire du festival un moteur de développement économique pour Rouyn-Noranda. Le budget de la première édition était si petit qu’il était impossible de financer l’hébergement des groupes sur place. Mais parade fut trouvée : « on a dû appeler les groupes, et leur demander si ça les dérangeait d’être logés dans un camp de vacances, en bord de lac : ils devaient apporter leurs propres sacs de couchage, on s’occupait de leur faire à manger. Tout le monde a accepté. Et ce qu’on a fait pour gérer ce petit budget est finalement devenu la marque de fabrique du festival. Tous les artistes se retrouvent au camp après les concerts, communiquent, jouent ensemble autour du feu jusqu’au lendemain le matin… » Aujourd’hui, les artistes y sont toujours logés, et ne voudraient être nulle part ailleurs. De même, les médias, professionnels et spectateurs montréalais viennent en nombre au FME, attirés par l’atmosphère sans protocole ni prétention, qui règne sur le festival, et prêts à faire la route pour tous les artistes émergents qui y jouent : « On veut conscientiser les gens, pas leur servir forcément ce qu’ils veulent, mais leur faire découvrir des choses ». C’est réussi ! • Xavier Reim / Lara Orsal

FESTIVAL DE MUSIQUE ÉMERGENTE ROUYN-NORANDA / CA DU 3 AU 9 SEPTEMBRE 2015 www.fmeat.org

Les 3 Éléphants France

6PAR4 n’est pas égal à 3 A Laval, l’association organisatrice du festival Les 3 Éléphants est également aux commandes toute l’année de la salle de musiques actuelles 6PAR4. Pour programmer à la fois un événement annuel et des concerts à l’année sur un même territoire, il faut ajouter sans retrancher, multiplier sans diviser. pour les artistes, les questionnements de Jeff Foulon, le programmateur, ont changé : « Cet artiste, est-ce que je le programme en salle ou est-ce que je le programme sur le festival ? Est-ce que c’est un projet spécial ? » La vraie difficulté pour construire l’affiche du festival semble plutôt de réunir 40 artistes sur 3 jours, d’autant plus quand la réalité économique fait que le prix des groupes change selon la période, saison ou été : « je vois certains de mes collègues profiter des artistes pour 2 à 3 fois moins cher que moi, parce que je suis un festival, et qu’ils sont une salle, même si nos événements ont lieu au même moment : on est sur une période entre-deux » ajoute Jeff Foulon. La sélection se fait aussi sur la capacité budgétaire, car l’époque veut que les agents visent le festival plutôt que la salle : ils y voient l’occasion de plus de visibilité, de prestige et d’argent.

© St. Dufresne

Mutualiser les moyens et jouer deux partitions aux temporalités différentes permet à l’association Poc Pok de bien travailler ses deux projets. Les équipes

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sont sur le terrain et en relation avec les corps de métier du secteur tout au long de l’année. Depuis que la salle est identifiée, et sollicitée comme étape de tournée

De la S.M.A.C au festival Pourtant, il est parfois dans le meilleur intérêt d’un artiste de jouer en saison plutôt que pendant le festival, et l’équipe arrive à défendre cette position. Ce fut le cas par exemple avec Breton, qui a ouvert la saison du 6PAR4 en découverte, puis joué aux 3 éléphants. Jeff Foulon raconte les autres cas de figure rencontrés : « Il y a des artistes que je n’ai pas eus au 6PAR4 parce que je devais les avoir sur le festival, et qui finalement n’ont fait ni l’un, ni l’autre : c’est dommage.

Mais parfois, je transforme l’essai de la salle en faisant revenir un artiste : par exemple, Christine and the Queens était venue assurer la première partie de Miossec en 2011 au 6PAR4, et elle est tête d’affiche des 3 éléphants en 2015.» La labellisation S.M.A.C. du 6PAR4 donne à l’équipe des moyens supplémentaires pour accompagner les groupes locaux, mais il n’y a pas vraiment de répercussion directe sur le festival. En revanche, le travail d’accompagnement réalisé a des effets : le nombre d’artistes en professionnalisation augmente, et la scène s’exporte plus. « Il y a dix ans, à Laval, c’était plus compliqué pour un groupe d’émerger. Les Lavallois sont tous partis à Rennes, sans autre choix : Florian Mona, Montgomery… Il manque encore des cafés-concerts et des petits lieux de diffusion, il en va de la vivacité des scènes. C’est un maillon manquant, entre le 6PAR4 et les 3 Eléphants : il faudrait plus de lieux de diffusion » souhaite Jeff Foulon. Il est à parier que si ce vœu devenait réalité, et que les artistes jouaient ainsi plus régulièrement, leur développement serait encore mieux assuré. • Xavier Reim / Lara Orsal

Les 3 ÉLÉPHANTS Laval / FR Du 29 mai au 31 MAI 2015 www.les3elephants.com


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JARDIN DU MICHEL France

Une passerelle entre générations Le festival de musiques actuelles puise ses forces parmi les habitants de Bulligny, commune de 500 âmes dans laquelle il est implanté depuis dix ans. Jeunes et anciens travaillent et partagent de nouvelles expériences, ensemble : ils cultivent leur jardin. participer à cet événement car ils sont fiers de leur village, de leur territoire. Leur curiosité s’éveille au fur et à mesure des découvertes. » Les échanges entre retraités et adolescents sont en revanche permanents.

© Photo’rel

La Lorraine n’est pas réputée pour être une terre de festivals. À l’Est de la France, les Eurockéennes de Belfort et le Cabaret Vert de Charleville-Mézières polarisent le bassin festivalier. Le site du Jardin du Michel, situé à une trentaine de kilomètres de Nancy, a beau être en milieu rural, le travail effectué par l’organisation depuis 2005 s’est avéré payant : tout le village de Bulligny participe avec enthousiasme à ce temps fort culturel, où peuvent être

accueillis plus de 20 000 spectateurs. « Le Jardin du Michel est un rendez-vous : plus de la moitié du village est bénévole » synthétise Dominique Sibilia, la directrice du JDM. Ses bénévoles sont âgés de 16 à 84 ans. Si tous apportent leur pierre à l’édifice en amont, les différentes générations s’approprient l’événement, chacune à sa façon, comme le raconte Dominique Sibilia : « La musique n’est pas la priorité des plus anciens. Ils veulent

Une mixité des générations Organisé par la seule Société Coopérative d’Intérêt Collective (SCIC) culturelle de l’Est, Turbul’lance, le festival s’est lui-même fondé sur le dialogue entre générations : le conseil d’administration est composé de personnalités âgées de 22 à 60 ans. « On a monté une SCIC parce que ça nous permettait de garder nos bénévoles, de rester démocratique, d’avoir une responsabilité locale et de devenir un acteur social » . La structure nourrit un lien social pour tous les âges. En collaboration avec la Protection Judiciaire de la Jeunesse, des mineurs délinquants participent, épaulés par des bénévoles expérimentés, à la mise en place des structures, ou encore à la décoration. Une chorale éphémère avec des artistes et les occupants d’une maison de retraite ainsi qu’un atelier de marionnettes ont par exemple été mis en place. Un atelier, animé par une compagnie de cirque, a été monté

par le Jardin du Michel dans un centre hospitalier spécialisé dans l’accueil des handicapés physiques ou moteur. « Les échanges intergénérationnels sont très satisfaisants ». Un événement majeur mais vulnérable L’action du festival est aujourd’hui reconnue, même si les calendriers électoraux ajoutent toujours à la vulnérabilité qu’a par nature tout événement ponctuel. « Je n’attends pas de certitudes dans ce métier-là, mais j’aimerais bien que les politiques le prennent en compte, cet aspect-là, le fait qu’un festival joue tout sur trois jours » espère Dominique Sibilia. Plus gros événement en plein air de la région, le JDM a connu des conditions météo difficiles comme en 2013. La transmission permet au Jardin du Michel de dépasser ces seules considérations économiques : « Il faut arriver à dissocier la réussite économique et la réussite intrinsèque du festival ». • Maxime Vatteblé / Lara Orsal

JARDIN DU MICHEL BULLIGNY / FR DU 5 AU 7 JUIN 2015 www.jardin-du-michel.fr

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NUITS SONORES France

Lyon-Tanger : d’une ville à l’autre, tout un monde Dix ans après avoir investi Lyon, le festival Nuits Sonores fait escale à Tanger en 2013. Nuits sonores & European Lab Tanger vivent en 2015 une 3ème édition, décisive pour la suite. L’association Arty Farty, organisatrice de Nuits sonores et European Lab, se développe à l’international depuis 15 ans, avec des projets dans une trentaine de villes à son actif. Des projets « one shot » qui ont permis à l’équipe de construire des relations privilégiées avec des personnalités, professionnels et médias du monde entier : « Aujourd’hui, il y a une véritable nécessité de fonctionner sur la solidarité, la complémentarité entre les différents projets et activités. Tout l’écosystème doit être pensé » confie Vincent Carry, directeur. Alors, pourquoi et surtout comment, créer une édition de Nuits sonores à Tanger et la pérenniser ? L’équipe, touchée par le mouvement du printemps arabe, se sentait armée, d’assez d’expérience et de maturité pour se lancer. Tanger se révèle être l’écrin idéal pour trois raisons : son positionnement géo-stratégique (le pont Europe/Afrique et le bassin méditerranéen), la culture et l’historique rock, et enfin, le patrimoine et la topographie de la ville. Tanger VS Lyon ? C’est l’ensemble de ces spécificités que Violaine Didier prend en compte pour construire sa programmation, nous explique-t-elle, « Quand on va à Tanger, ça n’a rien à voir avec ce qu’on fait à Lyon. On cherche à les bousculer, leur faire découvrir d’autres musiques, et ils nous offrent la même chose en retour. Il y a un fil connecteur important entre nos cultures, le principe de transe : ils sont sensibles au hip-hop, krautrock, psyché et à la musique progressive. On prend aussi beaucoup plus en compte la personnalité des artistes qui jouent. »

© B-Rob

C’est parfois par hasard que les mélanges les plus improbables se font, comme en 2013 lorsque le batteur de Camera, un groupe allemand de noise, bloqué à la douane, se fait remplacer au pied levé par un groupe de gnaouas, percussionnistes traditionnels. Offrir un festival aux Marocains Le projet que l’équipe avait imaginé et dont elle rêvait depuis deux ans se concrétise : un événement culturel généreux, collaboratif et participatif,

qui favorise les rencontres artistiques transméditerranéennes et la mixité des publics, mais aussi l’échange des idées, des projets et des perceptions culturelles. Ces deux dernières années renforcent leur envie de pérenniser un rendez-vous culturel et artistique annuel à Tanger mais aussi de nouer des collaborations nombreuses avec le Maghreb et le pourtour méditerranéen. Ce festival ne pourrait bien sûr se construire sans le conseil des associations locales et la bienveillance des Marocains. Entièrement

gratuit, 2015 est une étape décisive pour Nuits sonores Tanger dans sa construction et son équilibre, notamment budgétaire. • Lara Orsal

NUITS SONORES LYON / FR DU 13 AU 17 mai 2015 www.nuits-sonores.com

LES TOMBÉES DE LA NUIT France

Ce qui n’est à personne appartient à tous Comment créer tout en se dépossédant dans le même élan ? Les Tombées de la Nuit tentent chaque année de poser l’équation, mais jamais de la résoudre : le questionnement doit être permanent, puisque personne n’a pouvoir à trancher définitivement sur ce qui est intrinsèquement mouvant. « Notre schéma, c’est le mouvement permanent. Je ne fais pas un festival hors-sol. Ce qui m’intéresse, c’est la question de la place du spectateur : comment on questionne cette place-là. Le rapport à l’œuvre, les lieux investis. Sans dogme pour autant, il y a une forte dimension participative. Comment est-ce qu’on révèle la ville ? » Claude Guinard, le directeur du festival rennais, semble faire du doute une hygiène intellectuelle. Quelles propositions faire pour poser la question de la place du spectateur ? Il refuse de n’occuper que le sacro-saint centre historique de la ville pour commencer. Il revendique surtout qu’il n’y ait pas un seul lieu estampillé Tombées de la Nuit, pour ne jamais rien exclure, ni personne. Depuis que la durée de l’événement est passée d’une à trois semaines il y a trois ans, l’équipe a plus de temps pour s’aventurer dans d’autres territoires, urbains, et ruraux. « On veut explorer et faire explorer la ville, on va continuer à bouger, qui plus est dans le contexte actuel, qui appelle à ça. » Le domaine d’expression s’étend ainsi à une nouvelle zone à l’ouest de la ville, c’est là que se terminera le parcours,

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et pas dans le centre-ville. C’est une vraie volonté de la part de l’organisation, qui anticipe sur la migration en révélant ces nouveaux espaces. « C’est notre rôle. » Des spect « acteurs » Bien que l’événement soit depuis ses débuts soutenu par la municipalité, la ville en tant que corps social est souvent questionnée, parfois pas toujours très rassurée par les propositions qu’il lui fait. La ville est sensible. Mais les Tombées de la Nuit ne sont pas là pour endormir les honnêtes citoyens, elles les rappellent à leur rôle d’acteurs : « Je revendique le projet politique. Déjà, je ne fais pas qu’une proposition artistique : j’use des propositions artistiques pour les questionner en tant que citoyens. On s’interroge : comment peut-on construire les choses ensemble, comment peut-on jouer collectivement. On interpelle les artistes, les habitants du lieu où l’on se trouve : notre moteur est de prendre le pouls du territoire pour lui faire une proposition adaptée. On a une connexion permanente avec ce qu’est le territoire au moment où on l’investit », revendique Claude Guinard.

© Thomas Seest - Dominoes - Copenhague 2013

Ne faire qu’un avec la ville Le projet qui symboliquement a remis les clefs de la ville et de la manifestation à ses habitants fut « Les Veilleurs de Rennes ». La chorégraphe Joanne Leighton, ancienne directrice du centre chorégraphique de Belfort, avait alors installé, pour un an, un abri de verre en haut d’un immeuble, et dans lequel un citoyen veillait sur sa ville. Comme quoi il ne s’agit pas uniquement d’un festival de rue, mais de quelque chose de plus hybride. Les Tombées de la Nuit se sont également libérées du carcan des thématiques chaque année : « Nous sommes trop mouvants pour être

dans une case. Nous allons chercher le point de rencontre le plus juste entre la ville et le citoyen, en dehors des logiques de consommation. Voilà ce que nous faisons. » • Charles Sarraute / Lara Orsal

LES TOMBÉES DE LA NUIT RENNES / FR DU 2 AU 19 JUILLET 2015

www.lestombeesdelanuit.com


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LES INVITES DE VILLEURBANNE France

Créer et s’engager Aux Invites de Villeurbanne, la fête est synonyme de spectacles et de concerts gratuits dans toute la ville et surtout là où l’on ne s’y attend pas. Mais c’est aussi un temps de réflexion et de débats, et une tribune pour des paroles engagées dans l’espace public. La 14ème édition du festival « pas pareil » souhaite réaffirmer les valeurs d’engagement et de citoyenneté à travers la parole d’artistes du monde entier. Les Invites revendiquent leur profonde amitié avec le Burkina Faso et accueillent chaque année plusieurs compagnies et artistes de l’Ouest africain. Séduit par l’effervescence d’une scène théâtrale qu’il découvre en 2008, Patrice Papelard, directeur artistique des Invites, raconte son coup de cœur : « La concentration des artistes qu’on peut rencontrer là-bas est impressionnante. Je trouve au Burkina Faso la même énergie que dans le courant alternatif des années 1980 en France ». Production musicale, théâtre, arts en tout genre, le Burkina Faso est une des places fortes culturelles de l’Afrique et affirme également une portée militante. Les artistes ont été notamment au cœur du soulèvement populaire d’octobre 2014 à l’origine du départ du président Blaise Compaoré. Les Invites s’emparent cette année de cette effervescence et de cette vigueur de la culture burkinabée, en

programmant plusieurs de ses artistes : des danseurs avec la Cie Auguste et Bienvenue, les insolents de « Démocratie I Love You » sur la « fabrique » des présidents en Afrique, le one-man Didier Nana, le conteur KPG, la fanfare Kundé Blues, etc. Une édition aux couleurs africaines Bouillonnante et engagée dans des combats pour la liberté, la jeune création africaine est bien représentée avec, en particulier, la compagnie de danse tunisienne BROTHA from another MOTHA compagnie, dirigée par le chorégraphe Seifeddine Manaï. L’occasion aussi de montrer comment la danse s’invite dans l’espace public. « La danse porte un sens très politique dans la rue. Le langage chorégraphique de cette jeunesse est extrêmement engagé » explique Patrice Papelard. Et pour accompagner cet engagement, c’est une véritable place africaine avec maquis et DJ’s qui va investir le centreville. Ce décor éphémère sera complété par

© Elodie Dondaine

un mur interactif en bouteilles colorées créé par Karine Berthiaume, scénographe du FME, et un fond de scène imaginé par la jeune artiste Anaïs et Fac-o-scéno, repérés au festival Rendez-vous chez nous au Burkina Faso. Militants, les Invites le sont jusque dans la fête, véritable manifeste face aux grincheux. Et cette 14ème édition promet de ne pas déroger à la règle : dancefloor sur un manège d’auto-tamponneuses,

concerts inattendus en pleine rue, spectacles et impromptus continueront de faire bouger les rues de Villeurbanne. • Ateliers Frappaz

LES INVITES DE VILLEURBANNE VILLEURBANNE / FR DU 17 AU 20 JUIN 2015 invites.villeurbanne.fr

LES EUROCKÉENNES DE BELFORT France

Solidaires, sinon rien ! Pour la première fois, 3 grands festivals français ont collaboré sur un projet d’intérêt général. Aux côtés des Vieilles Charrues et de Rock en Seine, les Eurocks ont pu réaliser des investissements en matériel d’accessibilité et ratifier une Charte de confort d’usage des festivals. Un premier pas vers des lendemains plus solidaires ?

Derrière l’opération « Festivals Solidaires », il y a la problématique de l’accessibilité, qui il y a quelques années encore pouvait sembler ne revêtir que le caractère obligatoire des visites de sécurité : les enjeux n’étaient pas bien connus. Mais l’équipe organisatrice des Eurockéennes a vécu des expériences fortes d’accueil de personnes en situation de handicap (PSH) physique ou mental dès 2009, et a alors réalisé que certains d’entre eux n’avaient jamais vu de concert. Il était temps d’agir, et donc, d’abord, de réfléchir : « On a imaginé tout le parcours d’une personne en situation de handicap de son domicile jusqu’au festival, en commençant par « comment acheter son billet pour les Eurocks quand on est aveugle ? », puis « comment prendre le train quand on est en fauteuil ? », etc. On a ainsi listé toutes les problématiques, et cherché les solutions techniques », explique Jean-Paul Roland, le directeur du festival et initiateur du programme Eurocks Solidaires. Un festival précurseur A partir de 2010, l’organisation investit dans du matériel d’accueil pour les PSH : cheminements, signalétique adaptée, plateformes… Au fur et à mesure, accompagné par des experts, les Eurocks s’améliorent et deviennent carrément un laboratoire des bonnes pratiques : bornes d’accès à l’énergie pour fauteuils

électriques, boucles magnétiques pour appareillages auditifs, sanitaires adaptés, rampes d’accès à tous les espaces du festival... L’année dernière, grâce au mécénat (Fondation EDF, Malakoff-Mederic), à l’opération “Festivals Solidaires” et aussi au financement participatif, l’équipe a développé de nouvelles actions. Les Eurocks ont ainsi obtenu un label d’accessibilité de ses sites Internet, Opquast Website, qui respecte les bonnes pratiques de navigation web. Le festival a pu également déployer d’autres solutions innovantes comme les joëlettes, fauteuils surélevés qui permettent aux personnes concernées de mieux voir les concerts, et à d’autres festivaliers de changer leur perception des PSH. Enfin, des espaces de repos dédiés ont été aménagés, avec un encadrement spécialisé. Cercle de réflexion et réseau collaboratif Pour développer l’ensemble de ces actions, Les Eurockéennes mènent un dialogue permanent avec différents acteurs de l’accessibilité. « Avec des associations locales et nationales, des services ministériels, des bénévoles formés que nos mécènes vont mettre à disposition sur le terrain, comme General Electric ou la Fondation EDF, on a créé un cercle de réflexion et de connaissances qui ont une vraie expertise dans leur

domaine », raconte Jean-Paul Roland. « A terme, on aimerait que tous les outils et moyens d’accès, dont certaines personnes du public ont besoin, soient des choses qui aillent de soi dans les grands événements publics, pas que dans les festivals. » C’est dans cette démarche de partage du matériel et de l’expérience que les Eurockéennes ont développé un “container accessibilité”, contenant jusqu’à 5 tonnes de matériel et mis gratuitement à disposition de tout événement régional qui en fait la demande à l’organisation. Au-delà des festivals Pour autant, dans cette course au meilleur accueil possible, le piège à éviter est l’isolement de ces publics empêchés. Le risque de ghettoïsation est une crainte à laquelle le festival va répondre en réfléchissant à une « Maison All-Access », que Jean-Paul Roland nous présente : « Ce pourrait être un lieu d’échange géré par des PSH, à destination de tous les festivaliers. Ça nous permettrait

notamment de montrer les nouvelles technologies autour du handicap et les pratiques musicales dédiées, qui sont parfois susceptibles d’évoluer vers des applications utiles à d’autres catégories de personnes. » Cet espace, comme le container accessibilité, serait modulable et mis à disposition d’autres événements. Solidaires, sinon rien ! • Xavier Reim / Lara Orsal

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Fédération DeConcert! Techn’Hom 5, 3 Rue Marcel Pangon F. 90300 Cravanche / France infos@deconcert.org Direction de la publication Les Eurockéennes / Jean-Paul Roland Coordination générale Guillaume Chauvigné, Marilyn Tona, Jean-Philippe Michel, Camille Prieur

Régie Publicitaire Hervé Castéran & AMC communication

La fédération DeConcert! est soutenue par :

Graphisme laCompagnie Impression Est Imprim Les festivals sont responsables du contenu éditorial et iconographique de leurs articles.

Numéro ISSN : 1763-0603 - Territoire de Musiques - Association Loi de 1901 - Code APE 9001Z - Siret 791 831 670 000 17

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