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Avant-propos
Cet ouvrage a vocation à proposer des perspectives et à développer un point de vue interdisciplinaire sur la session Europan Villes vivantes 2, afin d’inspirer les équipes qui viendront à concourir. La diversité des profils des auteurs et de leur champ d’expertise ou de recherche est en elle-même une indication des nombreux fils tissés dans l’articulation entre la ville et le vivant. Je les remercie chaleureusement d’avoir accepté de prendre la plume pour orienter les candidats et exprimer de manière savante ce que cette nouvelle session d’Europan peut nous apporter en matière d’aide à la conception et à la réalisation de projets innovants. Nous ne partons pas tout à fait de rien, du point de vue des réponses formelles, puisque cette session sera la seconde à investir ce thème. Lors de la session 16, j’ai été frappée par la force du concept de villes vivantes, et de la grande appétence des jeunes concepteurs pour en tirer de nouvelles matières à penser et de nouvelles façons de dessiner la ville et les territoires. De la géographie à l’écologie naturaliste, en passant par la mémoire industrielle et la toponymie, les réponses ont résolument voulu montrer comme le « déjà-là » est structurant dans une vision durable et soutenable du développement urbain. C’est une leçon pour ceux, plus installés, qui hésitent à emprunter le chemin de la transition écologique, et singulièrement celui de la sobriété foncière, fortement porté par le ministère de la Transition écologique. C’est aussi une illustration éloquente de ce qui anime la jeunesse en matière de conception architecturale et urbaine, à l’articulation entre la création et la transformation d’un patrimoine bâti, si précieux du point de vue culturel mais aussi environnemental.
On a ressenti dans nombre de projets le respect renouvelé et puissant, documenté, des écosystèmes naturels, du relief, des savoirfaire. On a mesuré la prise de conscience, au sein des générations qui émergent dans le milieu professionnel, des travers d’un développement prédateur, consommateur de ressources, court-termiste, financiarisé. On a observé avec intérêt ces tentatives de choisir un autre chemin pour répondre aux besoins exprimés par les maîtres d’ouvrage et les collectivités. On a relevé, enfin, une inscription affirmée dans le temps long de la géologie, de la transformation des territoires et des sols, en même temps que la mise en exergue de l’urgence écologique. Ce qui nous a peut-être manqué, dans cette première session de Villes vivantes – marquée, rappelons-le, par la sidération qu’a générée la pandémie de Covid-19 et ses effets – ce qui nous a manqué donc, ce sont… des projets d’architecture ! Je m’explique en tentant de traduire le sentiment qui m’a traversée au long de cette session et au-delà, qui me saisit souvent face à cette nouvelle génération de concepteurs. L’accélération du changement climatique ainsi que de l’érosion de la biodiversité incitent à la timidité quant à la posture à adopter pour réaliser des projets. L’incertitude est forte sur les solutions à adopter, pour éviter les désordres causés par les générations antérieures, ou ne pas en créer de nouveaux. Il est tentant d’en faire le moins possible, de concentrer l’ambition sur le toilettage de l’existant et la reconquête des espaces et espèces naturels. La sobriété et la subtilité de certaines propositions ont ainsi été saluées. Mais il reste des besoins à satisfaire : loger, nourrir, accueillir, produire, enseigner, relier. Le monde de demain devra savoir résoudre cette difficile équation du mieux avec moins. Cela implique de se confronter au projet, construit, inscrit, de ne pas renoncer. Dans cette session, je forme le vœu que les équipes sauront trouver ce chemin de conciliation. C’est l’ambition même du concours et c’est aussi essentiel pour donner à voir les imaginaires positifs et inclusifs de la ville de demain, à tous ceux qui sont à même de les réaliser.
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Début 2022 le thème de la 17e session d’Europan est décidé à l’échelle européenne : ce sera Villes vivantes 2. Un bis devenu coutumier depuis les Villes adaptables 1 et 2 d’Europan 13-14. Avec le thème c’est tout le cycle du concours qui s’enclenche : la recherche de sites dans les pays participants, l’élaboration des dossiers de sites, l’ouverture des inscriptions aux candidats, puis viendront les rendus, les jurys, les forums, les résultats... et les suites opérationnelles.
Le thème est un point d’ancrage théorique de l’ensemble de ce processus ; une question orientée mais ouverte. Elle appelle une réflexion particulière, située et prospective, incarnée par les projets d’architecture, d’urbanisme et de paysage. Il est dans les habitudes d’Europan France de nourrir cette thématique tout au long du cycle et notamment par des contributions de différentes personnalités ; cette fois avec le dispositif éditorial des Cahiers d’Europan. Un cahier C17A, donc, pour ouvrir la session. Un cahier C17B viendra analyser a posteriori les réponses proposées par les équipes.
Pour mener à bien cette ambitieuse tâche qui m’a été confiée en octobre 2022, j’ai proposé de découper la question en deux parties : d’interroger d’abord comment le vivant et sa singularité pouvait rencontrer la spatialité propre à l’architecture et à la ville, puis, d’interroger la vitalité propre aux activités de conception face à la bio-éco-diversité. Des contributeurs de différents horizons disciplinaires ont été sollicités : de l’anthropologie avec Perig Pitrou, de l’éthologie avec Anne-Lise Dauphiné-Morer, de l’urbanisme avec Daniela Perrotti et ses collègues, du paysage avec Florine Lacroix et de l’architecture, bien entendu, avec Fabien Gantois, Léa Mosconi et le studio Rijsel, sans oublier l’ingénieur et président d’Europan France, Alain Maugard. C’est en toute indépendance vis-à-vis de l’organisation d’Europan que les auteurs livrent leur point de vue. Leur prise de position n’est d’ailleurs pas toujours convergente – nous n’avons pas cherché à les lisser. Les oppositions comme les complémentarités que l’on pourra déceler entre ces écrits nous semblent faire la richesse d’une réflexion ouverte.
Alors que les candidats ont maintenant à concevoir des projets investissant une réalité territoriale concrète, exigeante et complexe apportée par des élu.e.s, cet ouvrage vise à compléter le thème européen en esquissant différentes pistes de recherche. Puissent ces quelques éléments de réflexion nourrir le travail des équipes d’architectes, de paysagistes et d’urbanistes sur qui repose la contribution majeure d’Europan.