MANIFESTE
POUR LES COMPÉTENCES NUMÉRIQUES
Ouvrage rédigé avec la participation de personnalités influentes du monde des affaires publiques, de l’éducation, de la politique, de la recherche et de l’industrie
Ce document, produit par European Schoolnet et DIGITALEUROPE, vous est présenté dans le cadre de la campagne 2014 pour les compétences numériques pour l’emploi. La campagne 2014 pour les compétences numériques pour l’emploi est une initiative de la Commission européenne financée dans le cadre du programme de l’UE pour la compétitivité des entreprises et des PME (CEPME). Elle fait partie de la Grande Coalition de l’UE pour l’Emploi numérique. Les personnes à contacter à la Commission européenne sont : André Richier, administrateur principal de l’unité « Technologies habilitantes clés et économie numérique, Direction générale pour les entreprises et l’industrie. Alexander Riedl, directeur adjoint de l’unité « Base de connaissances », Direction générale pour les réseaux, les contenus et la technologie des communications.
Éditeur :
European Schoolnet (EUN Partnership AISBL) Rue de Trèves 61, Bruxelles 1040, Belgique
Conception, adaptation graphique et impression :
Hofi Studio, République tchèque
Publié :
Octobre 2014
ISBN :
Ce livre est publié conformément aux conditions générales de la licence Creative Commons – Attribution 3.0 non transportée (http://creativecommons.org/licenses/by/3.0/).
TABLE DES MATIÈRES Avant-propos Introduction
5
Tableau d’ensemble
7
Chapitre 1 Les emplois numériques du futur
15
Chapitre 2 La fonction informatique facteur de valeur ajoutée
21
Chapitre 3 L’impact de la mondialisation
30
Chapitre 4 Le défi du « e-leadership »
37
Chapitre 5 Le maître-mot d’une nouvelle pédagogie : l’innovation
43
Chapitre 6 Les nouveaux talents numériques
51
Chapitre 7 La grande coalition pour les emplois numériques
59
Chapitre 8 Prospective
62
Biographies des principaux contributeurs
69
Bibliographie et références
75
3
4
Manifeste pour les compĂŠtences numĂŠriques
INTRODUCTION L’histoire de l’Europe prend un nouveau virage. La troisième révolution industrielle est amorcée, et ce sont nos actions qui détermineront la place de l’Europe dans la nouvelle économie qui se dessine. Pour rejoindre l’ère numérique, il ne suffit pas d’adopter les toutes dernières technologies. Il faut aussi favoriser la prise de risque, susciter un espoir dans l’avenir et dans l’entreprenariat. Nous devons réaffirmer la passion du progrès jadis incarnée par l’Europe, cette même passion qui animait l’Europe à l’époque où elle envoyait des navires autour du globe et avait inventé le monde moderne. Nous devons également repenser l’éducation, de la façon dont nous apprenons à la façon dont nous pensons, dont nous travaillons et dont nous vivons ensemble. Tout cela est à notre portée. Nous pouvons y arriver. L’Europe est aujourd’hui un carrefour pour l’innovation dans le monde, et c’est aussi en Europe que paraissent la majorité des publications scientifiques. Ces atouts exceptionnels valent qu’on les considère sous un angle neuf. Nous devons repenser notre culture, devenue trop académique, trop rigide et trop centralisée, afin de pouvoir confier les clés de notre avenir à ceux qui préfèrent consacrer l’essentiel de leur temps à faire advenir l’impossible plutôt que de mettre au point leur prochaine mesure. L’ère numérique nous offre une occasion unique. Loin de se limiter à une technique particulière, le numérique nous ouvre à une culture entièrement nouvelle. Il suffit pour s’en rendre compte de regarder la facilité avec laquelle certains entrepreneurs passent des systèmes de paiement aux fusées porteuses ou aux voitures électriques. La voie royale pour accéder à cette nouvelle culture est l’apprentissage de la programmation et des structures complexes. Alliée à une collaboration agile et décentralisée entre acteurs, c’est elle qui va créer des formes de créativité véritablement innovantes.
Gilles Babinet Défenseur du numérique en France
INTRODUCTION
5
6
Manifeste pour les compĂŠtences numĂŠriques
TABLEAU D’ENSEMBLE L’excellence et l’innovation sont devenues vitales Bruno Lanvin L’idée que l’Europe serait une « utopie réaliste » est aujourd’hui mise véritablement à l’épreuve – et pour la première fois. Bien qu’elle soit indiscutablement mondiale, la crise actuelle prend diverses formes et tournures dans différentes régions du monde. C’est en effet la première fois dans l’histoire moderne qu’une crise éclate à un moment où la principale économie de production ne correspond pas à la principale économie de consommation. C’est également la première fois que l’on retire des avantages concurrentiels internationaux de facteurs qui n’ont que très peu à voir avec les ressources naturelles, la géographie et les « avantages technologiques durables ».
L’urgence, une impression récente Confrontée à une évolution économique rapide, l’Europe doit déterminer de toute urgence les bases de sa prospérité future. Au cours de la dernière décennie, l’Europe a fait à cet égard des choix stratégiques : la construction d’une économie compétitive et inclusive, se placer à l’avant-garde de la protection et de l’innovation environnementales en font partie. La crise actuelle rend ces choix plus coûteux et plus précieux. Aujourd’hui, peu de données illustrent mieux le sentiment d’urgence qui nous saisit alors que le chômage chez les jeunes européens (soit les 15 à 24 ans), atteint près de 24 % à la fin de 2013 (voir le schéma ci-dessous).
TABLEAU D’ENSEMBLE
7
Taux de chômage des jeunes, UE-28 et EA (zone euro)-17, après correction des variations saisonnières, janvier 2000 – juillet 2013
Source : Eurostat 2014
Parallèlement à ce sentiment d’urgence, l’impression que les nouvelles techniques de production, les nouvelles tendances et nouveaux comportements de consommation offrent un terrain fertile à une « reprise créatrice d’emplois » en Europe, qui ne remette pas en cause son ambition d’être un leader mondial de la productivité, de l’innovation et de l’intégration, est grandissante. Dans ce contexte, les technologies de l’information et de la communication et les compétences numériques deviennent le pivot de l’analyse et des politiques futures, pour créer une reprise durable et créatrice d’emplois en Europe.
Une nouvelle série d’opportunités Les évolutions dans le domaine de l’information et des réseaux (informatique en nuage, « big data », médias sociaux, internet mobile et convergence numérique pour n’en citer que quelques-uns) demandent de nouvelles compétences et offrent des possibilités considérables à ceux qui les génèreront et les maîtriseront les premiers. On pourra trouver ici des données sur les niveaux actuels et anticipés d’offre et de demande en compétences numériques. Celles-ci font ressortir un déficit persistant pour l’Europe dans son ensemble : le paradoxe d’un taux de 8
Manifeste pour les compétences numériques
chômage élevé, allié à un grand nombre d’offres d’emploi non pourvus dans le numérique, reste des plus frappants dans le paysage européen. Nous nous trouvons à un moment où le choix du meilleur angle pour soulever la question des compétences numériques est aussi important que les outils et des méthodes à adopter pour l’aborder. La compétitivité mondiale est de plus en plus dominée par le savoir et l’innovation, et l’Europe doit tabler sur ses points forts (notamment sur le secteur des TIC et l’économie du savoir) pour développer des avantages concurrentiels durables sur la scène internationale. Cependant, adapter la qualité et la structure de la main-d’œuvre européenne aux défis et opportunités offertes par l’économie mondiale du savoir reste difficile. Si aucune mesure n’est prise, les efforts déployés pour construire l’avenir de l’Europe et en faire une puissance mondiale et un modèle de « compétitivité avec intégration » seront grandement compromis. C’est à cela que répond le défi des « compétences numériques pour le 21ème siècle ».
Un maillon manquant, essentiel à l’intérieur comme à l’extérieur. Les différents acteurs s’accordent à dire que les compétences numériques sont essentielles pour stimuler la compétitivité, la productivité, l’innovation, ainsi que le professionnalisme et l’employabilité du marché du travail européen. Il est nécessaire de veiller à ce que le savoir, les compétences, les capacités et l’inventivité des managers, des professionnels des TIC et des utilisateurs soient conformes aux normes internationales les plus élevées et qu’elles soient sans cesse réactualisées, grâce à une formation continue efficace. L’Europe a besoin à la fois de personnes cyber-compétentes pour produire les infrastructures et de personnes cyber-compétentes pour les utiliser. Une société « numériquement compétente » est le précurseur d’une société fondée sur le savoir. Faute de compétences numériques suffisantes dans la population européenne, les investissements réalisés et prévus dans les infrastructures (par exemple le haut débit) ne produiront pas les bénéfices escomptés. Du point de vue industriel, il est également certain qu’une pénurie importante et durable de travailleurs des TIC compromet sérieusement le succès de l’économie européenne. En effet, elle affectera le développement des industries de haute technologie, retardera l’innovation et finira par rejaillir sur l’emploi et la productivité dans les secteurs connexes. Par conséquent, la pénurie de professionnels qualifiés affaiblit la capacité de l’Europe à affronter la concurrence mondiale. Au sein de l’UE, ces pénuries constituent en outre une menace pour la réalisation d’un marché unique numérique.
TABLEAU D’ENSEMBLE
9
Les compétences numériques sont indispensables à la compétitivité, à la croissance et aux emplois en Europe En 2007, suite à une vaste consultation et des discussions avec les divers acteurs et les États membres dans le cadre du Forum européen sur les compétences numériques, la Commission européenne a adopté une communication intitulée : « Compétences numériques pour le 21ème siècle : Encourager la compétitivité, la croissance et l’emploi », comportant une stratégie européenne de long terme sur les cyber-compétences. Cette stratégie a été favorablement accueillie par les États membres lors des conclusions du Conseil Compétitivité de novembre 2007. Les parties prenantes ont également adopté un programme d’actions à long terme. L’industrie des TIC a créé la « Commission du leadership sur l’industrie des TIC » afin de contribuer à la mise en place de la stratégie. Selon une étude connexe, les politiques nationales qui s’occupent des TIC tendent à ne s’intéresser qu’au développement de compétences de base pour les utilisateurs. Le développement de compétences pointues destinées aux professionnels relèverait quant à lui de la politique de formation professionnelle continue. Selon l’étude, neuf pays ont des politiques visant à améliorer les compétences informatiques indispensables au commerce électronique. Si vingt-six pays disposent de politiques destinées aux usagers, onze pays (le Danemark, la France, l’Allemagne, la Hongrie, l’Irlande, Malte, l’Espagne, le Portugal, la Roumanie, le Royaume-Uni et la Turquie) ont des de politiques visant spécifiquement le développement de cyber-compétences destinées aux professionnels. L’étude a relevé au total quarante-cinq initiatives visant en particulier le développement des compétences des professionnels des TIC. Des progrès très importants ont été réalisés dans l’élaboration de la stratégie de l’UE pour développer ces compétences. Un Référentiel européen et un portail européen sur les compétences et les carrières en compétences numériques ont été établis parallèlement à plusieurs partenariats multilatéraux de haut niveau. De nouvelles activités ont été lancées depuis. Il s’agit de mesures liées à l’offre et à la demande, notamment le développement de scénarios de prévision, afin de mieux anticiper l’évolution, la poursuite du développement du Référentiel européen des compétences numériques ainsi que la promotion d’incitations financières et fiscales appropriées. Dans cet esprit, la Semaine paneuropéenne des compétences numériques, grande campagne de sensibilisation pour promouvoir les compétences numériques, partager les expériences, renforcer la coopération et mobiliser les divers acteurs, a été un événement décisif. Alors que l’Europe peine encore à trouver une issue à la crise, les réflexions de 2007 prennent de nouvelles couleurs : dans le secteur des TIC, le chômage est bien en dessous du taux de chômage global, toutes années confondues. Cela indique que la croissance du secteur des TIC (et des compétences numériques) mérite d’être examinée en tant qu’instrument de politiques contracycliques capables d’enclencher la reprise créatrice d’emplois mentionnée précédemment. 10 Manifeste pour les compétences numériques
Jouer les atouts de l’Europe dans la course mondiale aux talents En reprenant la pyramide des compétences élaborée par l’INSEAD, l’Europe doit répondre à des défis inédits, dans chacun de ses trois niveaux : (1) l’initiation et les compétences élémentaires, dont les cyber-compétences, les mathématiques et les sciences (codage compris) : (2) Les compétences professionnelles requises pour le marché de l’emploi et acquises dans l’enseignement supérieur, mais aussi et de plus en plus, « sur le tas » ;
Niv eau 3
(3) Les talents de l’économie mondiale du savoir (EMS), moins tangibles mais qui supposent de savoir diriger des équipes et anticiper le changement, et qui sont essentiels à l’innovation.
Niv eau 2
EMS Talents relevant de l’économie mondiale du savoir
Talents relevant de l’économie mondiale du savoir
Compétences professionnelles
Compétences professionnelles
Niv eau 1
Alphabétisation et Alphabétisation et compétences de base compétences de base (Mathématiques, Sciences et alphabétisation en informatique)
L’Europe investit beaucoup moins que les États-Unis et le Japon dans l’enseignement supérieur. Selon une étude récente de l’Economist Intelligence Unit (EIU), les États-Unis, Singapour, le Royaume-Uni, l’Irlande et la Corée du Sud seraient les pays les plus performants pour former les informaticiens qualifiés dont ils ont besoin. L’EIU montre que la clé de la réussite de ces pays réside dans une vigoureuse augmentation des inscriptions aux études supérieures, notamment en sciences et en ingénierie. Ces pays possèdent également des universités ou des instituts de technologie prestigieux ou les technologues, outre les compétences techniques, sont formés à la gestion et aux affaires. TABLEAU D’ENSEMBLE
11
Mettre en œuvre et élaborer l’Agenda numérique pour l’Europe En 2010, la Commission européenne a adopté l’Agenda numérique pour l’Europe, qui distingue sept domaines d’action prioritaires : la création d’un marché numérique unique, une plus grande interopérabilité, le renforcement de la confiance et de la sécurité sur internet, l’accélération de l’accès à internet, davantage d’investissement dans la recherche et développement, la consolidation de la culture et de l’insertion numériques, l’application des technologies de l’information et des communications pour répondre aux défis auxquels est confrontée la société, comme le changement climatique et le vieillissement de la population. Parmi les avantages, citons la facilitation des paiements et de la facturation électroniques, la mise en œuvre rapide de la télémédecine et l’éclairage à haute efficacité énergétique. Dans le domaine des cyber-compétences et de l’insertion numérique, la Commission européenne entend : • Promouvoir le leadership virtuel (ou «e-leadership ») et la professionnalisation des informaticiens afin d’augmenter le vivier de talents européens, ainsi que les compétences et la mobilité des informaticiens en Europe. • Soutenir le développement d’outils en ligne permettant d’identifier et de reconnaitre les compétences de praticiens et d’utilisateurs des TIC liées au Référentiel européen des compétences numériques et à l’Europass. • Favoriser une plus grande participation des femmes pour travailler dans le secteur des TIC. • Faire de l’initiation numérique une priorité de la réglementation sur le Fonds social européen (2014-2020). • Proposer des indicateurs communs à l’ensemble des États membres de l’UE en matière de compétences numériques et d’éducation aux médias. Il est relativement facile de voir comment la typologie décrite plus haut (pyramide des compétences) pourrait être directement appliquée à chacun de ces points d’action. L’un des défis sera de le faire de manière homogène dans l’ensemble des institutions européennes et des gouvernements nationaux.
Il est temps de passer à l’action : innover pour exceller et exceller pour innover Au cours de ces dernières années, plusieurs acteurs, dont le secteur industriel privé en particulier, ont fortement insisté pour formuler des 12 Manifeste pour les compétences numériques
recommandations et des mesures immédiates. D’après des analyses et des données récentes, les points suivants méritent une attention particulière : • Des travaux statistiques approfondis sur la pénurie des compétences informatiques doivent être menés afin d’identifier les déficits propres à certaines compétences. Des rapports Eurobaromètre annuels doivent être rédigés, afin de présenter la perception des employeurs à l’égard des compétences informatiques dont ils auront besoin au cours des trois à cinq prochaines Les cyber-compétences années.
sont une composante
• Des incitations en direction des essentielle dans tous les enseignants doivent être mises en domaines de l’innovation. place afin qu’ils actualisent leur propre formation et modernisent leur pédagogie de façon à y intégrer l’enseignement et l’apprentissage numérique. Des certifications attestant des compétences numériques des enseignants pourraient être introduites. • La Commission européenne doit mettre sur pied et financer des concours interscolaires de mathématiques et de sciences dans toute l’Europe afin de récompenser l’excellence. De plus, il est clair que le défi des cyber-compétences sera aussi bien qualitatif que quantitatif. L’Europe a besoin d’un vivier d’informaticiens hautement qualifiés qui répondent aux besoins des employeurs. Le modèle classique selon lequel il faut « étudier d’abord et travailler ensuite » devient moins pertinent à mesure que la volatilité du marché augmente. Les employeurs et les formateurs doivent travailler en étroite collaboration afin de proposer un cadre d’acquisition de compétences plus souple (en apprenant à apprendre). Mais une stratégie à l’initiative de l’UE ne suffit pas à court terme. Il est évident que le problème de l’offre et de la demande en compétences numériques se pose avec de plus en plus d’acuité. En effet, la demande en compétences va augmenter non seulement sur les infrastructures technologiques traditionnelles, mais encore en professionnels capables de collaborer par des échanges de savoirs. Pourtant, chacune de ces recommandations sans exception est transcendée par l’ « impératif mondial d’innovation » auquel est confrontée l’Europe. Les cyber-compétences sont une composante essentielle dans tous les domaines de l’innovation ; autrement dit, l’Europe doit faire preuve d’excellence dans les compétences numériques pour pouvoir rester en tête de la course mondiale à l’innovation. Pour innover, l’Europe doit exceller. En parallèle, l’Europe doit améliorer ses systèmes d’éducation et de formation pour créer et attirer plus de talents, de chercheurs, ainsi que de professionnels et de cadres hautement qualifiés. Que ce soit dans l’enseignement supérieur, dans l’apprentissage tout au long de la vie ou l’enseignement élémentaire, l’Europe doit innover pour exceller. TABLEAU D’ENSEMBLE
13
Recommandation : agir maintenant ou jamais En tant que région, l’Europe doit faire preuve d’imagination et encourager largement les politiques qui apportent des réponses à des manques de compétences numériques non pas de façon cyclique, mais structurellement. La crise actuelle a introduit une certaine confusion dans ce débat, car une baisse du niveau de la demande a pu faire croire que l’écart entre offre et demande se resserrait. Mais il s’agit largement d’une illusion : si les entreprises, les gouvernements et les universités européennes ne réagissent pas rapidement, ce fossé va devenir criant une fois que la reprise sera amorcée. Les économies européennes qui ne profitent pas de la crise pour renforcer leur capacité à former des employés et cadres qualifiés en numérique se verront marginalisées dans cette course à la compétitivité mondiale fondée sur le savoir et tournée vers l’innovation. Demande globale et offre de compétences
Demande de compétences liées au marché du travail Scénario 2:
Programme d’enseignement pour les e-compétences amélioré
Offre de compétences liées au marché du travail
Pénurie de compétences
Scénario 1:
Aucune mesure prise
Temps
Avant la crise
Pendant la crise
Après la crise
Source : Lanvin, B. et Fonstad, N. (2010), «Strengthening e-Skills for Innovation in Europe » (Renforcer les compétences numériques pour l’innovation en Europe), INSEAD eLab, 2010.
Face au défi immédiat que représente actuellement le chômage des jeunes en Europe, l’urgence à agir revêt une nouvelle signification. La révolution numérique à laquelle nous avons assisté n’en est qu’à ses balbutiements : son avenir doit être fortement lié aux objectifs plus vastes de l’Europe (compétitivité sociale, croissance soutenable et innovante), tout en restant fermement ancrée dans les besoins et attentes des citoyens de l’Europe et en y répondant. Leur offrir la possibilité d’acquérir des compétences numériques est un élément clé de ce complexe édifice.
14 Manifeste pour les compétences numériques
CHAPITRE 1 Les emplois numériques du futur L’impact des TIC sur l’emploi Les répercussions de la déferlante technologique actuelle sur l’emploi sont une question importante et non-résolue. Il y a fort à parier que les ajustements nécessaires devront être profonds, longs et douloureux. Malheureusement, à ce jour, nous n’avons aucun moyen de savoir si l’impact et la trajectoire de cette vague de technologies sera différente des révolutions technologiques précédentes. Bref, ces changements auront-ils des retombées positives ou négatives sur l’emploi et, à terme, sur les structures sociales, politiques et économiques ? Ceux qui cherchent à se consoler en caressant l’idée que les révolutions agricoles et industrielles du passé n’ont pas provoqué une augmentation durable du chômage feraient bien de se souvenir des terribles fractures sociales qui accompagnèrent ces transformations (les œuvres de Charles Dickens et d’Emile Zola en sont la parfaite illustration). Quelle que soit la vitesse des changements ou ce qui finira par en résulter, nous sommes sûrs d’une chose : les travailleurs de demain auront besoin de compétences qui leur permettront de créer de la valeur économique dans un monde où des pans de plus en plus importants du marché du travail risquent d’être remplacés par l’automatisation, les logiciels et les robots. Mais d’autres difficultés doivent être prises en compte.
Les données disponibles sont sujettes à des limitations L’analyse formelle de l’impact de la technologie sur la croissance et l’emploi est freinée par une limitation des données existantes. Une rupture apparaît entre un ralentissement des tendances de productivité observées au niveau macrocosmique et des taux de croissance plus rapides déclarés par les grandes entreprises au niveau microcosmique. Il est probable que les données officielles ne soient pas le reflet fidèle des apports de la technologie ou ses réalisations. Par exemple, les moyens informatiques sont calculés de façon approximative, en estimant les biens et services informatiques déployés dans l’entreprise. Mais aujourd’hui, il est fort possible que ces mêmes entreprises utilisent des ressources informatiques plus nombreuses et plus performantes via des services externes en cloud, tels que Salesforce et Google Apps, tout en dépensant moins que pour des ressources internes équivalentes. En outre, les macrodonnées font ressortir un « décrochage » entre la productivité et l’emploi, ainsi qu’entre la productivité et les salaires (alors que la productivité continue à croître, les salaires et la croissance des emplois s’amenuisent). Cela renforce ce que l’on appelle parfois la « l’effet déformant des superstars dans la CHAPITRE 1 LES EMPLOIS NUMÉRIQUES DU FUTUR
15
mutation technologique » : la technologie crée beaucoup de richesses, mais qui ne profitent qu’à un petit nombre de gens. À ce titre, citons par exemple Facebook, qui a généré énormément de richesse pour ses créateurs et une poignée d’individus mais qui n’a pas créé beaucoup d’emplois. Autre exemple, l’impact des progiciels comme TurboTax, très lucratif pour ses créateurs mais qui a mis au chômage quantité d’employés affectés à la préparation des déclarations fiscales. Il est probable aussi que si les données tardent à refléter les effets, c’est parce qu’il faut du temps aux technologies pour se répandre, de même que pour les faire adopter à une échelle où l’on puisse en quantifier l’impact. De plus, l’apprentissage et l’absorption de nouveaux processus technologiques sont longs à mettre en place et peuvent nécessiter des réformes dans les réglementations et une mise à niveau des compétences, et tout cela retarde l’apparition des effets dans les données. Enfin, la classification des technologies, emplois, tâches et produits nouveaux peut être compliquée elle aussi par le fait que les cycles technologiques changent plus vite que les systèmes de collecte de données officiels. Mises bout à bout, ces difficultés conduisent à soupçonner qu’il existe une grande divergence entre ce que l’on observe sur le terrain et les mesures présentées dans les données officielles.
Des différences dans l’adoption de nouvelles technologies dans le temps et l’espace Jamais auparavant les changements technologiques n’auront été si rapides, mais l’adoption des nouvelles technologies par les institutions, les entreprises et les particuliers est très variable selon le temps et le lieu. En outre, la vitesse à laquelle les mutations technologiques sont acceptées et adoptées dépend de différences d’ordre social et culturel. De fait, faute d’être bien acceptées sur le plan social, certaines technologies qui risqueraient de supprimer des emplois (par exemple les caisses automatisées dans les supermarchés) n’ont pas eu les mêmes retombées. Certaines entreprises se sont même engagées à ne pas laisser la technologie priver les travailleurs d’emploi en leur trouvant d’autres tâches de production au sein de l’organisation. Mais il devient urgent de distinguer entre activités et emplois. Un emploi est constitué d’un ensemble de tâches différentes. Un nombre croissant d’activitésqui font partie même des emplois les plus hautement qualifiés sont susceptibles d’être automatisées. Si les étapes d’une activité peuvent être formalisées et mises sur le papier, il y a de fortes chances pour qu’un logiciel puisse l’automatiser. La question la plus aiguë – car sans réponse – est de savoir quel pourcentage des activités de chaque emploi dans l’ensemble de l’économie finiront pas être automatisées, et quelle quantité de main d’œuvre sera encore nécessaire pour faire le reste. Lorsque l’on réfléchira à l’impact de la technologie sur l’emploi et les suppressions de postes, il importera de rechercher des complémentarités entre les gens et les machines, de manière à ce que le rôle des travailleurs soit d’ajouter de la valeur 16 Manifeste pour les compétences numériques
à des milieux de travail de plus en plus automatisés. Il y a peu de chances pour que des activités qui sortent de la routine et qui demandent de la créativité, un sens de la communication, de l’empathie et la capacité à traiter des informations nouvelles et non formalisées soient automatisées dans un avenir prévisible.
Différences entre les remplacements d’emplois Certains emplois sont détruits et de nouveaux se créent. Cependant, bien souvent, les compétences exigées pour ces nouveaux emplois sont très différentes. Les personnes qui perdent les emplois détruits ne sont pas forcément qualifiées pour prendre les nouveaux postes (par exemple, quand des robots remplacent des ouvriers sur une chaîne de montage, il faut quelqu’un pour les entretenir et un logiciel pour les commander ; mais il y a peu de chances pour que ce soit l’un des ouvriers licenciés qui occupe cette place). L’équilibre entre les emplois créés et détruits pendant cette phase de transition reste à trouver, et c’est le sujet de nombreux débats. Il est possible que, dans un premier temps,, les disparitions d’emplois soient plus nombreuses que les créations. Mais avec l’accélération de la croissance induite par la technologie, il se peut qu’il y ait un effet de levier, et que de nouveaux emplois se créent. Le rééquilibrage risque d’être long et douloureux et il faudra sans doute trouver des solutions pour de nombreux travailleurs privés d’emploi. Des facteurs de pression démographique bien définis, notamment le vieillissement de la population et le départ à la retraite des « baby boomers », risquent de créer des restrictions sur le marché du travail, surtout dans les pays les plus développés. Il pourrait en résulter de nouvelles frictions et des problèmes d’assortiment entre l’offre et la demande de main d’œuvre. En même temps, tandis que les entreprises continuent à dire qu’elles se heurtent à la pénurie de compétences, ce problème n’est généralement confirmé ni par les données (par exemple, dans l’ensemble, on voit peu augmenter les salaires des emplois demandant des qualifications difficiles à trouver) ni par leur propre expérience, car on ne les entend rarement affirmer que cette pénurie les aurait empêchées d’honorer des contrats. Il est malgré tout indéniable que dans des emplois hautement spécialisés comme les « data scientists » et les ingénieurs logiciels qualifiés, les salaires connaissent une forte augmentation. Si rien n’est fait pour remédier aux pénuries de compétences, les facteurs décrits ici risquent désormais de s’additionner et d’entraîner des problèmes d’assortiment sur le marché du travail. La métamorphose de la demande de compétences pourrait être vertigineuse.
Dans le domaine des compétences en technologies, les exigences évoluent à toute allure Les compétences numériques, ou cyber-compétences, recouvrent des types et des niveaux de compétences très différents, qui peuvent changer très vite, surtout les plus techniques et les plus spécialisées. Elles comprennent généralement CHAPITRE 1 LES EMPLOIS NUMÉRIQUES DU FUTUR
17
les compétences allant du déploiement des infrastructures matérielles (ainsi un « petit » poseur de câble à l’ingénieur télécoms ou réseaux, par exemple), aux compétences en infrastructures logicielles nécessaires pour utiliser le matériel informatique, depuis la maîtrise des bases jusqu’aux compétences des utilisateurs débutants à confirmés. De plus, il y a un large spectre de compétences techniques, qui vont des bases (par exemple ingénieurs et techniciens en administration de réseau ou chargés de l’assistance) aux qualifications très pointues, telles qu’ingénieurs systèmes, programmeurs de systèmes, architectes de systèmes, concepteurs de services de haut niveau, concepteurs d’expériences utilisateur et de visualisation des données, architectes et concepteurs de services, data scientists et ingénieurs de données. Mais il y a aussi un besoin croissant de personnes polyvalentes, compétentes aussi bien dans le domaine technique que celui de l’entreprise (et d’autres compétences relationnelles) – ou compétences de leadership virtuel (ou « e-leadership »). Au sens de l’entreprise et du relationnel s’ajoutent des aptitudes techniques ou une connaissance des technologies. C’est le cas par exemple de managers versés dans les technologies, qui comprennent les atouts qu’elles peuvent apporter à l’entreprise, comment elles peuvent la transformer, les gros investissements et restructurations qu’elles nécessitent, et qui ont le pouvoir, le talent et le courage de prendre les décisions exigées par cette mue. Du côté technique, il s’agira de techniciens doués d’aptitudes relationnelles et capables de repérer les opportunités de développement de l’entreprise qui peuvent être créées grâce aux technologies, et d’en faire part à la direction.
Les obstacles auxquels font face les entrepreneurs du numérique Les entrepreneurs du numérique pèsent eux aussi de plus en plus pour la croissance et l’emploi, mais ils se heurtent à de nombreux obstacles, surtout en Europe (Clayton and van Welsum, 2014). Citons entre autres le manque de flexibilité et d’échelle qui résulte de la fragmentation du marché due aux réglementations (qui restreignent le champ de l’expérimentation, de l’innovation ou de la prise de risques) ; ou la difficulté à se développer au-delà des frontières nationales ; ou d’obtenir des financements, que ce soit pour se lancer ou pour se développer (surtout pour les initiatives plus innovantes et, de ce fait, plus risquées) ; ou l’ « interdiction d’échouer » (difficultés à réessayer après un échec voire plus ; il s’agit d’un obstacle à la possibilité de bénéficier des TIC, car de nombreuses sociétés prospères ont été créées après une série d’échecs essuyés par ce que l’on appelle les « serial entrepreneurs ») ; une absence d’harmonisation, ou des réglementations et une fiscalité excessivement compliquées – ainsi que l’incertitude quant aux changements apportés aux réglementations (essayer de suivre ces changements et d’être en conformité coûte très cher aux entreprises ; surtout les petites, pour lesquelles cela risque même d’être prohibitif) ; difficulté à recruter à l’international, et politiques qui semblent favoriser plutôt les grosses entreprises et/ou les entreprises officialisées. 18 Manifeste pour les compétences numériques
Les entrepreneurs qui essaient de tirer leur épingle du jeu dans le tourbillon des technologies doivent apprendre des façons simples de travailler dans un environnement économique dynamique sous tension. Une infrastructure de TIC fiables, abordables et rapides est également une condition sine qua non, et si les conditions économiques et réglementaires sont en place, des entrepreneurs pourront participer à l’économie globale. Cela leur donnera non seulement la possibilité d’aller chercher des ressources n’importe où dans le monde, qu’il s’agisse de talents ou connaissances d’un genre particulier, ou d’aller chercher des fonctions d’assistance à l’entreprise à la demande, mais aussi d’ouvrir de nouveaux marchés pour leurs produits.
Certaines compétences sont vite dépassées À qui revient la responsabilité de doter l’économie des bonnes compétences ? Les technologies évoluant à toute vitesse, certaines qualifications peuvent vite être dépassées : certaines, disons, tous les deux à trois ans, et pour d’autres, très spécifiques (par exemple certains langages de programmation), cela peut être encore plus rapide. Ce phénomène a d’importantes implications sur l’offre de ces qualifications : les individus se demandent lesquelles acquérir, voire rechignent à se former à des compétences dont la valeur ou la compétitivité sera de courte durée ; de leur côté, les entreprises rechignent à former des salariés en raison de la fugacité de nombreuses compétences, qu’il suffit de prendre à d’autres sociétés ; et les systèmes éducatifs sont trop lents à s’adapter à des besoins aussi volatiles. Cela soulève la question de la reconversion : à qui revient la responsabilité de doter les travailleurs des bonnes compétences ? Au vu de ces constats, et avec le développement de modes de travail alternatifs (par exemple le temps partiel et le travail en freelance), il revient de plus en plus aux individus de prendre en main leur formation plutôt que de la réaliser avec sonentreprise ou avec les pouvoirs publics. Mais cela requiert que l’on soit capable de promouvoir les compétences ainsi acques et les travailleurs ne semblent pas miser sur cette aptitude ; un changement d’état d’esprit est nécessaire pour que les gens se préparent au changement permanent ou fréquent : on ne va plus à l’école pour acquérir des compétences pour un emploi à vie ; non, l’avenir sera fait d’apprentissage et de changement tout au long de la vie, ce qui exige une grande adaptabilité. De la même manière, le système éducatif n’enseigne pas les compétences permettant de s’adapter à un monde que les technologies ne cessent de transformer. Les décideurs politiques risquent d’appliquer des mesures qui pourraient en réalité constituer des freins à l’embauche et n’arrivent pas à débarrasser le marché du travail de ses rigidités. Quant aux entreprises, elles semblent accorder davantage d’importance à la gestion de leurs biens de production et, pour les grosses sociétés, à ce que leurs actionnaires exigent à court terme, notamment des profits, qu’à la gestion de leurs ressources humaines – à l’exception, notable, de l’expérimentation qu’est l’Ecole 42, en France. CHAPITRE 1 LES EMPLOIS NUMÉRIQUES DU FUTUR
19
Recommandations Ces sx facteurs exercent des pressions sur la société et peuvent être extrêmement perturbateurs. C’est ce que Murray et van Welsum (2014) appellent la « triple menace des technologies de l’information ». Selon leur étude, le développement des TIC provoque trois types de perturbations : une répartition inégale des richesses, des perturbations affectant la main d’œuvre et l’avenir du travail, et des perturbations d’ordre sociétal et politique. Il semble que l’impact des technologies sur l’emploi suscite de nombreuses angoisses, et un sentiment de crainte. En même temps, du point de vue formel (analytique), rien ne montre que ces craintes sont justifiées, et ce déferlement technologique semble être différent des cycles connus dans le passé. Le marché du travail est cependant de plus en plus polarisé, et un nombre croissant d’activités– y compris dans les emplois à hauts salaires des « knowledge workers », (les professionnels qui vivent de leur savoir) risque d’être profondément touchées par l’automatisation. Des études montrent qu’aux États-Unis par exemple, la plupart des professions qui connaissent la croissance la plus rapide sont aussi désormais celles qui sont les moins bien rémunérées ; et nous sommes ici face à une difficulté réelle, en particulier dans des sociétés dont l’économie est basée sur la consommation, car, en l’absence de dépenses, la croissance va se gripper.
Les qualités majeures du monde qui vient seront la flexibilité et l’adaptabilité, la capacité, en fait, à se repenser dans un monde en perpétuelle mutation.
Étant donné les multiples forces qui s’exercent, et l’incertitude quant à leurs effets (nets) sur la durée, une seule recommandation se dégage : il fautprendre conscience que ces transformations vont avoir lieu, et qu’elles risquent d’entraîner des turbulences. L’automatisation liée aux logiciels et à la robotique va prendre de plus en plus de place dans nos vies quotidiennes et tout l’enjeu sera de trouver des domaines de complémentarité où, plutôt que d’être en compétition avec les systèmes automatisés, on pourra apporter une valeur ajoutée. Les tâches dites « interpersonnelles », faisant appel à des interactions physiques, ou en face à face, pourraient bien gagner en importance, surtout avec les changements de modes de vie et le vieillissement de la population. Très probablement, les qualités majeures du monde qui vient seront la flexibilité et l’adaptabilité, la capacité, en fait, à se repenser dans un monde en perpétuelle mutation.
20 Manifeste pour les compétences numériques
CHAPITRE 2 La fonction informatique facteur de valeur ajoutée Le leadership, ça compte Tout autour de nous, nous constatons les conséquences de la numérisation : on fait appel aux technologies de l’information (TI) pour transformer l’industrie et l’ensemble de la société. Avec l’apparition de l’internet des objets, le changement s’opère à un rythme effréné. Pourtant, l’organisation qui devrait avoir carte blanche dans une société pour faire advenir ce changement, la direction informatique, semble souffrir d’un certain retard. Son rôle, à terme, est de transformer les investissements en informatique, qu’il s’agisse de ressources humaines, de processus ou de technologies, en valeur pour l’entreprise, avec l’aide de collaborateurs capables de les utiliser. Mais est-ce bien ce qu’elle fait ? L’informatique est sans doute l’une des ressources qui a le plus de vitalité dans l’entreprise aujourd’hui ; et pourtant, certaines des pratiques utilisées pour la gérer et l’appliquer l’empêchent de libérer tout son potentiel. Une étude de l’Innovation Value Institute (IVI), une organisation irlandaise fondée par la National University of Maynooth et Intel, visant à contribuer à la transformation de la gestion des TI, montre que dans de nombreuses sociétés, les services informatiques sont en dessous de leurs capacités et que la direction n’est pas disposée à financer l’innovation en TI. Dans ces organisations, l’importance que l’on attache à la direction informatique est entièrement tournée vers le fonctionnement de l’entreprise, et le potentiel des nouvelles technologies n’est pas exploité. Dans ce genre d’entreprises l’introduction de l’informatique en nuage, par exemple, est analysée en fonction de sa capacité à permettre des réductions de coûts et une meilleure gestion des opérations informatiques, et non pour son potentiel à créer de l’innovation. On constate le même cercle vicieux dans la profession d’informaticien. Des observateurs du secteur se plaignent souvent des faibles perspectives d’évolution de carrière, de l’image de geek, de l’enfermement à courte vue dans les seules technologies, de la banalisation croissante et la baisse d’importance stratégique des TIC au sein des entreprises. Les personnes suffisamment qualifiées qui entrent dans la profession et y restent sont trop peu nombreuses, tandis que les entreprises européennes ont du mal à saisir le potentiel innovant de l’informatique. Sur la scène internationale, la compétitivité est menacée. Pour remédier à cette situation, les DSI doivent mieux démontrer où réside la valeur de l’informatique. Et pour cela, il faut des gens qui disposent du bon mélange de CHAPITRE 2 LA FONCTION INFORMATIQUE FACTEUR DE VALEUR AJOUTÉE
21
compétences et de connaissances ; c’est ce qu’on appelle de nos jours le « e-leadership ».
Remédier aux préjugés et réunir compétences en informatique et en affaires Les jeunes s’imaginent parfois, à tort, que les informaticiens ne travaillent que dans des entreprises d’informatique. En réalité, moins de 50 % d’entre eux sont employés dans l’industrie informatique. La plupart travaillent dans les services informatiques d’entreprises utilisatrices de TIC. Selon une autre idée fausse, faire carrière dans l’informatique, c’est se vouer aux technologies. Si l’on considère les technologies de l’information au sens large, on retrouve de moins en moins de purs spécialistes de technologie. La tendance est à un mélange de technologie et de compétences d’autres métiers. Les informaticiens qui réussissent sont ceux qui parlent couramment deux langues : celle de l’entreprise et celle de la technologie.
Les TIC sont d’abord un instrument, et leur capacité à procurer un avantage concurrentiel se déploie au mieux lorsqu’elles servent à innover dans une activité professionnelle.
D’après certaines études, lorsqu’un métier et l’informatique se rencontrent, ce sont les grandes structures qui sont le plus à même d’innover. Les TIC sont d’abord un instrument, et leur capacité à procurer un avantage concurrentiel se déploie au mieux lorsqu’elles servent à innover dans une activité professionnelle. De plus, avec la démocratisation qu’apportent des technologies plus récentes, il y aura de plus en plus de gens capables de se servir des TIC dans les entreprises. On le voit déjà avec les « PaaS » ou « platforms-as-a-service » (plates-formes de services à la demande), des outils de plus en plus sophistiqués et faciles à utiliser, qui vont permettre la construction de solutions informatiques innovantes en dehors de l’environnement traditionnel. Mais il faut pour cela des personnes qualifiées, qui connaissent aussi bien les TIC que l’activité de l’entreprise. Autre lacune conséquente, celle de l’enseignement de l’informatique en lien avec l’innovation dans le management : cette matière devrait être au programme de MBA des grandes écoles commerciales.
L’importance des TIC Freddy Van den Wyngaert, DSI d’Agfa-Gevaert et président de l’Association européenne des DSI (European CIO Association – EuroCIO), déclare que même dans peu de temps, les sociétés vont souffrir si elles n’innovent pas et si elles ne 22 Manifeste pour les compétences numériques
s’emparent pas de la transformation numérique à bras-le-corps en développant des cyber-compétences et du leadership numérique. Par exemple aujourd’hui, Agfa HealthCare, l’une des branches commerciales de la société, qui produisait jusque-là essentiellement des pellicules chimiques et du matériel de radiologie, est en train de se transformer en société de logiciels et de services destinés aux nombreux domaines du secteur de la santé. La numérisation et l’informatique sont essentielles pour équilibrer la qualité des soins, la sécurité des patients et la rentabilité des soins du groupe. Michael Gorriz, DSI de Daimler, explique le rôle charnière des TIC dans la fabrication des véhicules : « Les TIC font partie intégrante de toute la structure organisationnelle. Elles interviennent dans tous les processus primaires et secondaires de l’activité. Avant même que le premier morceau de métal soit utilisé, une Mercedes-Benz a déjà parcouru des millions de kilomètres sur ordinateur. Nos véhicules sont conçus, construits et développés en trois dimensions sur l’ordinateur. Les simulations incluent des essais de collision, des tests de résistance et des simulations de conduite. C’est uniquement grâce à ces simulations que l’on peut prévoir le comportement d’un nouveau modèle. » Chez Intel, l’informatique peut se comparer au système nerveux de la société, et peu à peu elle s’apparente à ses muscles. Des systèmes de TI automatisés permettent aux usines d’Intel à travers le monde de fabriquer et d’expédier plus d’un milliard de pièces de technologie ultraperformante par an.
Les compétences numériques dans les entreprises utilisatrices En matière de nouveaux produits et services, ce sont les TIC qui font la différence. Mais faute de professionnels disposant des qualifications nécessaires, leur potentiel est menacé. Pour répondre au besoin généralisé de compétences en informatique dans tous les emplois, il serait judicieux de promouvoir et d’utiliser une certification telle que le permis de conduire informatique européen (PCIE), qui rendrait de grands services aux étudiants, aux entreprises et à la société dans son ensemble. Au niveau des informaticiens, non seulement il y a une pénurie d’étudiants en informatique, en gestion de l’information et dans les domaines apparentés, mais encore, dans d’autres matières, on n’accorde que trop peu d’attention aux TIC. Dans toutes les professions classiques, il faut connaître les TIC pour pouvoir travailler avec professionnalisme, en particulier dans les métiers ou l’innovation intervient. Bien que les universités encouragent l’acquisition de compétences numériques de diverses façons, nous devons veiller à ce que les programmes scolaires évoluent au même rythme que l’environnement des nouvelles technologies. Les réseaux sociaux et l’informatique en nuage, les big data n’existent que depuis peu de temps, mais ils influencent déjà considérablement notre vie. Il est CHAPITRE 2 LA FONCTION INFORMATIQUE FACTEUR DE VALEUR AJOUTÉE
23
capital que les compétences numériques figurent dans notre plan de formation continue. « Nous avons besoin que la société nous fournisse une main-d’œuvre qualifiée, aux compétences numériques adaptées, qu’ils s’agisse d’utilisateurs pointus ou de professionnels des TIC, souligne Michael Gorriz. Il ne s’agit pas seulement d’un besoin de grandes entreprises qui en ont besoin, c’est une condition sine qua non pour évoluer vers une société de la connaissance. » Aujourd’hui, c’est la science de la conception qui est capable de fournir de nouveaux outils permettant à des cadres de gérer les TI et d’en retirer de la valeur. L’Innovation Value Institute, par exemple, crée des outils et des programmes de formation pour des cadres informaticiens en poste Une fois regroupées, les connaissances sont codifiées et saisies dans l’ « IT Capability Maturity Framework » (IT-CMF), un référentiel et une banque de connaissances évolutifs. Il est possible de produire spontanément des formations à partir de ce référentiel, de façon à ne pas prendre de retard dans la formation et l’éducation sur les évolutions technologiques, qui vont toujours plus vite.
L’e-compétence, pour mettre tout le monde à niveau Le fossé qui existe entre les offres de formation et les besoins de l’industrie ne saurait perdurer. La profession des informaticiens étant encore immature, il y a en effet un abîme entre les diverses compétences en TI et les connaissances des praticiens. L’introduction d’un cadre de définition uniforme des cyber-compétences en Europe va permettre aux établissements Le Référentiel européen des scolaires jusqu’au tertiaire, aux employeurs, aux salariés, aux compétences numériques organismes de formation et (eCF) peut servir de aux agences de recrutement « pierre de Rosette » aux d’œuvrer de façon plus articulée. Une telle approche permetcompétences numériques tra aux entreprises de traduire en Europe. les attributions des postes à pourvoir en compétences requises, et aux informaticiens de se définir d’après les compétences en TI qu’ils possèdent. En outre, s’ils sont articulés autour de ces compétences, les cours proposés par les formateurs seront limpides. Le Référentiel européen des compétences numériques (eCF) peut servir de « pierre de Rosette » aux compétences numériques en Europe. À terme, il favorisera la mobilité des spécialistes car tout le monde s’y retrouvera, d’une organisation à l’autre et d’un pays à l’autre.
24 Manifeste pour les compétences numériques
Pour qu’il produise tous ses effets, il est urgent que les principales parties prenantes, l’industrie, les prestataires de services éducatifs et les gouvernements, adoptent toutes ses mesures phares. Sans cette cohérence, la mobilité et l’évolution de carrière des travailleurs en Europe risquent d’être freinées.
Capacité organisationnelle et cadres de cybercompétences Comme l’écrivit un jour Oscar Wilde : « Le cynique est celui qui connaît le prix de toute chose et la valeur d‘aucune » Nombreux sont les DSI qui auront quelqu’un a l’esprit en lisant cette citation. Dans le domaine des TIC, on accorde une grande importance aux coûts. Si on veut tirer pleinement parti des bénéfices économiques de l’innovation nourrie de technologies informatiques, il faut s’attacher davantage à la valeur. Pour déterminer les moyens humains et matériels qu’impliquent les TIC dans l’entreprise, les DSI et PDG doivent les envisager comme un tout, au lieu de considérer la somme des compétences de chaque employé. À cet égard, comprendre la maturité d’une entreprise éclaire sur la nature des stratégies et tactiques qui peuvent être mises en place pour augmenter la valeur ajoutée apportée par les ressources humaines, techniques et opérationnelles d’une entreprise. En s’appuyant sur des cadres de référence de capacités en TIC, une entreprise peut repérer des lacunes dans ses moyens informatiques au niveau de l’organisation. L’application d’une telle analyse peut mettre en lumière la nécessité de perfectionner la maîtrise de telle ou telle compétence spécialisée. C’est pourquoi on retrouve un lien entre les référentiels de capacités des entreprises, tels que l’IT-CMF et les référentiels de compétences numériques individuelles, tels que l’e-CF.
L’évolution du rôle des DSI La convergence d’importantes tendances telles que l’informatique en nuage, la démocratisation des TIC et l’innovation en matière de services a une influence majeure sur le rôle du DSI. Toutefois, la manière dont le DSI gère les ressources informatiques opérationnelles de base (c’est-a-dire dans l’optique de « maintenir le bateau à flot ») risque de changer considérablement au fur et à mesure de l’adoption de services en nuage. La fourniture de ces services va de plus en plus passer par la gestion des relations avec l’extérieur plutôt que des ressources en interne. En réalité, de nombreuses entreprises vont adopter un modèle de cloud hybride, qui conservera en interne des moyens de fourniture destinés aux processus et aux activités les plus sensibles, tout en faisant appel à un écosystème de fournisseurs externes pour les procédures commerciales en contact direct avec la clientèle. La réussite de cette transition nécessitera des changements dans les profils de compétences des DSI comme des informaticiens qui travaillent dans le service informatique. CHAPITRE 2 LA FONCTION INFORMATIQUE FACTEUR DE VALEUR AJOUTÉE
25
L’informatique opérationnelle étant de plus en plus confiée à des fournisseurs externes, il est probable que les DSI s’intéressent à la façon d’utiliser l’informatique comme levier de l’innovation. Une étude d’Accenture montre qu’il est nettement plus rentable d’utiliser les TI pour transformer l’entreprise que de tenter de faire des économies en interne. Mais la manière dont cette innovation est créée, mise en œuvre et gérée risque de beaucoup évoluer. Par exemple, plutôt que de confier principalement l’innovation à la fonction TIC interne, il sera possible, grâce à la sophistication croissante et la facilité d’emploi de solutions sous forme de plates-formes de services à la demande, de concevoir et de mettre en place des solutions en externe. De plus en plus de produits sont numérisés, ou contiennent de l’informatique, ce qui fait intervenir les DSI sur les processus essentiels de l’entreprise et non plus seulement sur les outils qui servent à son travail, comme les progiciels de gestion intégrée ou la gestion des ressources humaines. L’optimisation de l’entreprise, l’articulation des systèmes informatiques internes et des médias sociaux pour assister les clients et le développement de liens externes avec des clients ou des Tout cela met les DSI en entreprises partenaires, tout première ligne dans les cela met les DSI en première entreprises. ligne dans les entreprises. Ils doivent favoriser des solutions élaborées dans l’entreprise et les gérer, ce qui va considérablement faire évoluer leur rôle. À ce jour, trop de DSI continuent à se préoccuper de maîtriser le risque de dommages dus aux utilisateurs et de le limiter. Une grande macro-tendance dans l’entreprise est de considérer les utilisateurs de solutions comme des sources d’innoDe toute évidence, le besoin vation et d’en tirer parti. Au fur et de « doubles casquettes », à mesure qu’apparaît le pouvoir des nouvelles plates-formes, le de professionnels aussi rôle du DSI doit évoluer vers leur versés dans l’informatique adoption et capitaliser sur le potentiel de ressources qu’offrent que dans une autre fonction les utilisateurs, car leur proximiopérationnelle, risque de té avec l’activité et leur nombre relatif font d’elles de formidables devenir criant. occasions de développer de nouvelles sources d’innovation. Cette évolution devra passer par une redéfinition des compétences numériques des DSI, des professionnels des TIC et des programmeurs au service d’entreprises utilisatrices. De toute évidence, le besoin de « doubles casquettes », de professionnels aussi versés dans l’informatique que dans une autre fonction opérationnelle, risque de devenir criant.
26 Manifeste pour les compétences numériques
Les DSI doivent de leur côté développer les compétences nécessaires à l’entreprise pour démonter la valeur des TIC pour la revitaliser ; quant aux éducateurs, ils doivent veiller à ce que cette évolution se reflète dans la façon dont la nouvelle génération est formée. Plus de 5 000 cadres dans le monde ont suivi des formations conçues par l’IVI pour convaincre de la valeur des TIC, et un nouveau programme intitulé « Gérer les TI pour créer de la valeur » est en cours d’application. En parallèle, l’Association européenne des DSI est en train de rédiger son propre programme d’études sur le leadership virtuel, qui correspond à l’e-CF et porte directement sur les besoins côté demande. Si ces initiatives représentent d’importantes avancées dans l’amélioration de la gestion des services informatiques, il y a peu de chance de chance pour qu’elles suffisent à faire pencher la balance. D’autres mesures sont nécessaires pour parvenir à une solution satisfaisante.
Recommandations Il faut promouvoir l’adoption du Référentiel européen des compétences numériques et de profils d’emplois en TIC pour permettre l’uniformisation des compétences, des profils de responsabilités et de l’enseignement. Il faut aider les instituts de formation en Europe à élaborer des programmes d’études et de formation conformes à l’e-CF et aux profils de TIC correspondants. Actuellement, il est difficile pour les employeurs comme pour les informaticiens de comprendre à quoi forment les différents cursus, surtout d’un pays à l’autre. L’harmonisation des études avec l’e-CF et les profils de TIC devrait largement contribuer à ordonner les offres d’enseignement et à s’y retrouver dans la jungle des études proposées. Améliorer l’enseignement des TIC pour les autres professionnels. L’informatique est devenue vitale pour toutes les professions, à tel point que, pour chaque spécialité, il est impératif d’enseigner aux étudiants les compétences informatiques correspondant à leur domaine pour qu’ils s’insèrent rapidement dans leur travail. De nouvelles technologies comme le big data, l’internet des objets, la 3D, le cloud, ne sont pas seulement des technologies informatiques dont les travailleurs devraient avoir connaissance. Elles devraient être connus de tous, étant donné leur importance pour tous les domaines économiques, des services commerciaux à la logistique, des gouvernements aux PME, la santé, etc. Améliorer les relations et la compréhension entre la direction et la fonction informatique. Dans certaines entreprises, les hauts dirigeants continuent à se préoccuper de la productivité et du coût des TI, plutôt que de leur capacité à favoriser l’innovation. Le concours de la Commission européenne – grâce à des communications sur les politiques – pourrait contribuer à inciter les principaux acteurs à reconnaître davantage la plus grande importance des TI dans les entreprises européennes. Ces communications sur les politiques peuvent également traiter d’autres sujets, tels que l’information ou la gouvernance numérique, l’analyse stratégique des environnements informatiques et les relations CHAPITRE 2 LA FONCTION INFORMATIQUE FACTEUR DE VALEUR AJOUTÉE
27
entre conseils d’administration et services des TI. Il est conseillé aux membres des conseils d’administration et administrateurs tiers de pousser à l’acquisition de connaissances en informatique. Les postes de DSI et de haute direction de l’informatique doivent devenir plus pointus et comporter plus de connaissances des entreprises, des compétences de communication, des attitudes de changement dans la gestion, pour que ces « chefs » puissent jouer ces rôles si nécessaires d’e-leadership et de renouvellement de l’activité dans leur organisation. Promouvoir l’informatique auprès des jeunes. À défaut d’une compréhension précise des nombreuses et diverses perspectives de carrière dans l’informatique, on risque de voir peu à peu les jeunes se détourner de cette voie, ce qui constitue à terme une véritable menace pour la capacité de l’Europe à affronter la concurrence. Les efforts doivent porter sur les lycées et même si possible sur les écoles primaires, car c’est là que se prennent les premières orientations et choix de carrières. Nombreux sont les enseignants qui n’ont ni les compétences ni les connaissances pour donner envie aux jeunes de s’orienter vers les TI. Il faudrait donc demander à des chefs de file du numérique (DSI, chefs d’entreprises), plus à même de susciter l’enthousiasme, de raconter leur parcours aux jeunes. Des visites à des entreprises phares seraient fructueuses pour ouvrir les yeux des jeunes sur de nouvelles possibilités de carrière. La campagne 2014 pour les compétences numériques pour l’emploi joue déjà un rôle essentiel pour changer les perceptions. Une action coordonnée entre la profession, les pouvoirs publics et certains établissements scolaires pourrait contribuer à aller plus loin dans ce travail et à soutenir les principaux objectifs de la stratégie numérique pour l’Europe. Pousser à la mise en place de groupes de travail en e-leadership au niveau national. Dans certains pays, des efforts sont fournis au niveau national pour mettre autour d’une même table le monde universitaire, les professionnels, les communautés d’utilisateurs des TI et les gouvernements, afin d’élaborer des campagnes nationales sur les TI, lancer des actions dans les écoles, pousser à des façons nouvelles d’enseigner avec l’informatique, etc. Certaines actions sont menées par un « Monsieur Numérique » national. Ces groupes de travail, nous en avons la conviction, peuvent jouer un rôle décisif pour diffuser les messages dont nous avons parlé auprès d’autres catégories de la société. Faire mûrir la profession informatique. Hormis pour les professions classiques en informatique, aucun diplôme n’est exigé pour pourvoir certains postes clés. Nul ne songerait à demander à un chirurgien sans expérience d’opérer. Cette possibilité d’occuper des postes clés sans avoir à justifier de titres académiques intervient en parallèle avec le fait que de grands groupes internationaux et des institutions d’État sont complètement dépendants du bon fonctionnement et de la sûreté des systèmes informatiques. S’il est vrai que tous les postes n’ont pas besoin de connaissances et de diplômes spécialisés, certains (par exemples les architectes d’entreprise, les responsables de sécurité, 28 Manifeste pour les compétences numériques
etc.) devraient être astreints à justifier d’un mélange équilibré de connaissances théoriques et pratiques. Dans son programme sur les compétences numériques et l’e-leadership, la Commission européenne a adopté des mesures décisives. Tant la profession des TIC et les organisations demandeuses de TI sont très favorables à ces initiatives. Une coopération permanente entre plusieurs des principales directions générales de la Commission européenne intervenant dans cette sphère (par exemple la DG Réseaux, la DG Entreprise et industrie, la DG Éducation et culture, la DG Recherche, la DG Emploi, Affaires Sociales et Insertion) consolidera les solutions proposées au niveau des politiques et facilitera leur adoption. Les TI sont maintenant si répandues dans tous les domaines de nos économies et de la société qu’aucune direction générale ne peut s’en réclamer la « propriétaire ». Se mettre d’accord sur une priorité et une orientation au sein de la Commission européenne est la moitié la plus facile de la solution. La plus difficile demande de mettre en ordre de bataille la profession, les gouvernements des États et le monde universitaire; or c’est à ce niveau que les acteurs dans ces domaines doivent assumer leurs responsabilités. Étant donné le rôle de catalyseur d’innovation des TIC pour les entreprises, l’appel à agir sur les compétences numériques en collaboration et en concertation est sans équivoque. Tous les acteurs doivent prendre à cœur l’appel à l’action et intervenir maintenant pour éviter que l’Europe ne perde encore plus de compétitivité économique.
CHAPITRE 2 LA FONCTION INFORMATIQUE FACTEUR DE VALEUR AJOUTÉE
29
CHAPITRE 3 L’impact de la mondialisation La nature du défi mondial sur les compétences numériques Dans le paysage économique mondial d’aujourd’hui, il n’y a pas suffisamment de personnes qualifiées en TIC pour répondre à une demande qui va croissant dans tous les pays. Dans un rapport récent sur les cyber-compétences (2014), un sondage a révélé que 70% des personnes interrogées percevaient l’existence d’une grave pénurie de compétences numériques freinant la performance et la croissance des entreprises, et que ce problème est encore plus criant lorsque l’on considère des tendances technologiques nouvelles et récentes telles que le big data, l’internet des objets, les outils et technologies sociaux, le téléphone portable et l’informatique du nuage. Selon une projection, le rapport précité prédit que, dans la période de croissance économique modeste qui s’annonce, l’Europe risque de se retrouver confrontée à une pénurie en compétences numériques de 509 000 emplois d’ici à 2015, chiffre qui pourrait atteindre 1,2 millions en 2020 en raison du manque de talents disponibles. En Europe, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie totalisent 60 % des postes vacants mais on observe des pénuries de même ampleur à l’échelle planétaire, aux États-Unis, au Canada, au Brésil, en Australie, en Russie, en Afrique du Sud, en Amérique latine, en Malaisie et au Japon. Cela fait maintenant plusieurs années que, dans plusieurs pays, la réduction de la pénurie en compétences numériques est à l’ordre du jour. Dans toute la littérature, la question qui revient toujours est de savoir dans quelle mesure cette pénurie est due en partie à l’immaturité de la profession. Ce chapitre traite de la nature de la profession d’informaticien et comment elle est affectée par l’internationalisation croissante des rôles et des postes. La part croissante de la mondialisation est un facteur déterminant dans l’importance qu’a pris le contexte international. Elle est à la fois source de difficultés et d’opportunités pour la profession des informaticiens et, étant donné que l’inforSi on n’y parvient pas, non matique est partout, pour les seulement la croissance sociétés dans leur ensemble. L’étude (Sherry et al, 2013; sera freinée mais le risque 2012 et 2014) montre que si on de pannes informatiques la développe et si on l’amène à maturité, il sera plus facile de coûteuses et dangereuses relever les défis présentés par augmentera. les cyber-compétences et de permettre aux TIC de stimuler 30 Manifeste pour les compétences numériques
la croissance et d’améliorer les conditions sociales et la qualité de vie. En revanche, si on n’y parvient pas, non seulement la croissance sera freinée mais le risque de pannes informatiques coûteuses et dangereuses augmentera.
La profession des TIC Le rapport de l’IVI (Innovation Value Institute) et du CEPIS (Council of European Professional Informatics Societies) sur les compétences numériques et le professionnalisme informatique, intitulé « Fostering the ICT Profession in Europe » (2012) [Encourager la profession d’informaticien en Europe) a défini quatre piliers dans la profession d’un spécialiste des TIC : • Des ensembles de connaissances : La définition d’un socle de connaissances propres à une profession peut servir de base pour établir des normes et des processus d’accréditation. • Compétences : pour que les entreprises puissent recruter les collaborateurs dont elles ont besoin et les faire évoluer, il est essentiel qu’elles arrivent à saisir quels sont leurs besoins en moyens et en compétences pour les personnels travaillant à divers postes. • L’éducation et la formation : Des qualifications et certifications reconnues et des formations non académiques et informelles sont des composantes qui se renforcent mutuellement dans l’évolution d’une carrière. • Déontologie professionnelle : Un critère qui définit toute profession est l’adhésion à une déontologie professionnelle. Il n’existe pas de définition unique qui ferait l’unanimité sur ce qu’est un informaticien professionnel, et les vues diffèrent selon les pays et les entreprises. Celle qui est utilisée dans le cadre de cette recherche est tirée d’une initiative antérieure de la Commission européenne, selon laquelle un informaticien est quelqu’un qui : • Possède une compréhension complète et à jour d’un socle de connaissances dans son domaine ; • Se montre disposé en permanence à se former et justifie d’un ensemble adapté de qualifications, de certifications, d’expérience professionnelle, d’une formation officielle et/ou non officielle ; • Adhère à un code de déontologie convenu et/ou aux pratiques règlementant sa profession, et • Grâce à une pratique compétente, produit de la valeur pour des parties concernées. CHAPITRE 3 L’IMPACT DE LA MONDIALISATION
31
À ce jour, la profession d’inLe développement d’un formaticien ne s’est pas universellement développée professionnalisme en TIC ou n’a pas partout atteint un seulement au niveau national haut niveau dans ces principales composantes. Cela ne suffit plus à répondre à constitue un défi au niveau l’ampleur et à la nature du national. Mais cela devient défi que représentent les encore plus critique lorsque l’on passe au niveau intercyber-compétences. national. Si les spécialistes des TIC doivent travailler là où ils se trouvent, leurs compétences doivent aussi être comprises et transférables n’importe où dans le monde. Par conséquent, le développement d’un professionnalisme en TIC seulement au niveau national ne suffit plus à répondre à l’ampleur et à la nature du défi que représentent les cyber-compétences.
La dimension internationale de la profession d’informaticien À quoi voyons-nous que l’informatique devient de plus en plus une profession internationale ? Dans une étude récente (2014) auprès des parties intéressées par les TIC dans l’Union Européenne, plus des trois quarts (77 %) des personnes interrogées estiment que l’informatique est une profession internationalisée. Les pays doivent unir leurs efforts au niveau mondial pour arriver à faire évoluer la profession. En outre, pour une majorité significative (80%) de répondants, les spécialistes des TIC doivent partager la compréhension d’un socle de connaissances communes (un tronc commun de savoirs que les informaticiens doivent tous posséder). La dimension internationale prend de plus en plus d’importance dans l’agenda européen sur les compétences numériques. En mars 2014, la Commission européenne a organisé un atelier international sur les compétences numériques à Bruxelles, qui faisait appel à des spécialistes des TIC du monde entier, dont l’Europe, les États-Unis, le Canada, les Japon, la Russie, la Malaisie, l’Australie et le Brésil. Tous se sont accordés sur le besoin de renforcer le dialogue et de collaborer au niveau international pour répondre aux pénuries de compétences, apprendre des initiatives ou bonnes pratiques internationales afin de favoriser une plus grande maturité de la profession d’informaticien. D’autres réflexions issues du débat mené lors de cet atelier sont présentées plus loin dans ce chapitre.
32 Manifeste pour les compétences numériques
Faire évoluer la profession en réponse au défi de la pénurie en compétences numériques Selon les experts, il est fondamental de faire évoluer la totalité des composantes de la profession d’informaticien pour remédier efficacement à la pénurie mondiale de qualifications informatiques. Cette maturation doit être entreprise de façon à permettre la mobilité internationale des professionnels compétents, tout en respectant et en tenant compte des différences culturelles, économiques et linguistiques entre les pays et les régions. Grâce aux progrès des communications et l’internationalisation de nombreuses organisations, les travailleurs ont de moins en moins besoin de s’expatrier pour mettre leurs compétences à la disposition des employeurs. La transférabilité du travail et des travailleurs est étroitement liée à l’évolution de la profession, en ce qui concerne la reconnaissance internationale des normes de qualifications et de compétences. Dans cette partie, nous allons nous pencher sur chacune des composantes de la profession d’informaticien et voir quelles sont les actions menées pour les faire évoluer au niveau international.
Socles de connaissances Grâce aux socles de connaissances, on dispose d’une organisation formalisée du savoir nécessaire pour acquérir la maîtrise d’une profession. Cette formalisation du savoir contribue au professionnalisme et peut ensuite servir à élaborer des programmes d’étude, des normes et des certifications le cas échéant (Agresti, 2008; Denning et Frailey, 2011). Quel que soit le domaine, il n’est pas facile de mettre au point ces socles et de les maintenir à jour et pertinents. Et dans les TIC, c’est encore plus difficile en raison de la diversité des métiers de cette branche professionnelle et de la rapidité des évolutions technologiques. Un grand nombre d’initiatives internationales ont été lancées pour élaborer des socles suffisamment modulaires et souples pour s’adapter à des contextes très divers : citons le socle de connaissances du génie logiciel (ou « SWEBOK », pour « Software Engineering Body of Knowledge »), mis au point par l’IEEE, (« Institut des ingénieurs électriciens et électroniciens »), les Programmes d’étude de la société d’informatique de l’ACM, le cursus de connaissances professionnelles étendues en informatique de BCS, les paramètres d’identification de carrières (PIC) et les compétences de base en informatique du NASSCOM. En outre, un nouveau projet de 2014 financé par la Commission européenne, sur lequel travaillent actuellement Ernst & Young et Cap Gemini, s’attache à mettre au point un socle de connaissances de base pour les TIC.
Référentiels de compétences Les qualifications et compétences nécessaires pour remplir certains rôles professionnels en informatique peuvent être formalisées en un référentiel de compétences. Avec ces référentiels, les éducateurs, les personnes chargées de définir les postes et les recruteurs disposent d’un guide plus précis. Il existe toutes CHAPITRE 3 L’IMPACT DE LA MONDIALISATION
33
sortes de référentiels analogues dans d’autres pays. Par exemple, au RoyaumeUni, le SFIA (Skills Framework for the Information Age – Cadre de compétences numériques pour l’ère de l’information), l’e-CF (European e-Competence Framework – Référentiel européen des compétences numériques) et au Japon, l’IPA, un référentiel commun pour les compétences et les carrières. Ce sont des outils très difficiles à élaborer, notamment parce qu’il faut les maintenir à jour et les créer dans un format facile à utiliser pour les éducateurs et les professionnels des RH. L’Australian Computer Society se distingue par un travail très utile dans la création de modèles pour l’enseignement et les RH destinés à faciliter l’adoption des référentiels. Mais la majorité des acteurs consultés dans cette étude s’accordent à trouver que les référentiels existants, un peu comme les socles de connaissances, devraient être mieux définis plutôt que d’essayer de créer un cadre de référence universel.
Les spécialistes des TIC n’ont plus qu’un lointain rapport avec ces programmeurs isolés véhiculés par les stéréotypes courants. La majorité doit collaborer étroitement avec les entreprises et/ou se soumettre à leurs impératifs sociaux et politiques.
Études et formation
Parvenir à professionnaliser les TIC nécessite des études qui apportent une compréhension vaste et profonde des principales notions, ainsi qu’une formation et un perfectionnement continus, pour que les professionnels puissent se maintenir informés des évolutions dans un domaine qui change à toute vitesse. Il existe une tension entre la nécessité pour l’enseignement de faire comprendre aux étudiants des concepts qui ne changent pas, ou rarement, et le besoin ressenti par l’industrie de disposer d’une main d’œuvre qui soit totalement au courant des toutes dernières technologies. Malgré cette tension, il est important de faire remarquer que si les diplômes universitaires et les accréditations professionnelles sont des titres de compétences reconnus et importants, il existe des variations d’un pays à l’autre quant au degré auquel l’apprentissage formel/informel est reconnu et apprécié (Carcary et al., 2012). Les spécialistes des TIC n’ont plus qu’un lointain rapport avec ces programmeurs isolés véhiculés par les stéréotypes courants. La majorité doit collaborer étroitement avec les entreprises et/ou se soumettre à leurs impératifs sociaux et politiques. Les employeurs indiquent que les diplômés en TIC manquent souvent des compétences métier ou sociales nécessaires et qu’il faut leur faire suivre des formations supplémentaires avant qu’ils soient « opérationnels ». Ce qui en soi soulève une question complexe : qui se doit d’assurer l’enseignement et la formation en TIC ? L’éducation nationale ou les employeurs ? 34 Manifeste pour les compétences numériques
Parmi les recommandations qui ont été faites, citons une collaboration entre l’industrie et le monde universitaire qui fait la part belle au mentorat et à des stages structurés en entreprise. Lorsqu’indiqué, les programmes d’étude devraient aussi faire appel aux référentiels de compétences et aux socles de connaissances pour que les cours répondent aux besoins des entreprises. Des tendances et évolutions technologiques nouvelles, comme le big data, peuvent être traitées au moyen de courts stages intensifs, ce qui éviterait d’avoir à modifier la totalité des programmes de troisième niveau. D’une manière générale, il faut recourir à des approches souples et ciblées, par exemple les « Mooc » (cours en ligne de masse) pour se mettre à niveau dans les compétences nouvelles, tandis que pour les compétences de base et la compréhension des notions élémentaires, on peut passer par des voies plus classiques. Améliorer la qualité des études en STIM (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques) dans le primaire et dans le secondaire est également considéré comme essentiel pour donner envie à plusieurs générations d’élèves de faire carrière dans les TIC. Des compétences d’entrepreneuriat et de créativité sont elles aussi de plus en plus intégrées dans les études d’informatique dans différents pays et cadres éducatifs. Toutes les études et formations en TIC doivent travailler à se rendre accessibles et attrayantes à toutes les couches de la société et, actuellement, les femmes et les minorités sont sous-représentées dans la profession.
Déontologie
Il faut renforcer le rôle
Des règles éthiques et un code de la déontologie dans de déontologie édictés de façon le professionnalisme en officielle sont perçus comme une part essentielle du profesinformatique et le formaliser sionnalisme dans des profesdavantage. sions établies telles que, par exemple, le droit et la médecine. Ceux qui développent les TIC et en ont la maîtrise au sein des entreprises ont un formidable pouvoir de nuire en ne remplissant pas leur devoir de vigilance ou en agissant de façon intentionnelle et, à ce titre, ont besoin d’être assujettis à des normes éthiques contraignantes. (Weckert et al, 2013). Plus l’informatique envahit la société et plus ce niveau de risque augmente. Ces considérations incitent fortement à penser qu’il faut renforcer le rôle de la déontologie dans le professionnalisme en informatique et le formaliser davantage, mais dans une profession aussi diversifiée et mondialisée, c’est loin d’être simple. Étant donné que les TIC participent étroitement aux divers aspects d’une entreprise, on s’attend parfois à ce qu’elles encouragent ou permettent des comportements contraires à l’éthique qui ne naissent pas au sein de la fonction informatique. La consultation menée auprès d’acteurs internationaux majeurs lors du récent atelier international suggère que le travail sur la déontologie des TIC doit rester suffisamment souple pour pouvoir fonctionner dans tous les pays, et qu’il faut qu’il soit créé dans des formats que les éducateurs et les professionnels puissent utiliser. CHAPITRE 3 L’IMPACT DE LA MONDIALISATION
35
À cet égard, des associations professionnelles ont entrepris des travaux intéressants pour rendre des règles éthiques plus adaptables et faciles à utiliser par les professionnels. Le CEPIS, par exemple, se sert d’histoires et d’autres outils pour susciter la discussion et l’acquisition d’une compréhension de ce qu’est la déontologie (CEPIS, 2014). L’Australian Computer Society pour sa part a rédigé des études de cas très détaillées pour montrer la pertinence de la déontologie dans divers contextes professionnels auxquels participent les TIC (ACS, 2014). En ce qui concerne la certification, les intéressés consultés dans cette recherche la considèrent complexe et potentiellement contre-productive, à l’exception des situations à très haut risque comme les TIC dans le domaine de la santé, où la sécurité est essentielle.
Recommandations Toutes les composantes ou piliers de la profession d’informaticien sont à faire évoluer de façon uniforme pour pouvoir fonctionner aussi bien au niveau international que national. De fait, les spécialistes des TIC travaillent de plus en plus dans des équipes multinationales. Faire accéder la profession à la maturité doit se faire avec prudence, dans la concertation et la coopération, afin que les problèmes culturels et linguistiques soient respectés, tout en favorisant l’avènement d’une profession d’informaticien internationalement reconnue. Cela suppose de tirer les enseignements de ce qui fonctionne dans les autres pays et de coordonner la définition de normes et de cadres de référence qui doivent être reconnus dans tous les pays.
36 Manifeste pour les compétences numériques
CHAPITRE 4 Le défi du « e-leadership » Aperçu Les technologies de l’information et de la communication, ou TIC, que l’on appelle aussi les « e »-technologies (pour « électronique »), ou technologies numériques, prennent de plus en plus d’importance et constituent une transition radicale dans l’économie mondiale. De nouveaux marchés s’ouvrent dans leur sillage et la façon dont les entreprises créent leur produits et délivrent leur prestations est bouleversée. L’innovation en est un facteur décisif (OCDE 2010). Cette nouvelle réalité, en particulier les modèles opérationnels, les façons de travailler et de créer de la valeur, appelle à de nouvelles formes d’organisation et, essentiellement, à de grandes adaptations dans la direction des entreprises. Dans la compétition planétaire d’aujourd’hui, diriger nécessite de savoir identifier et exploiter les multiples occasions d’innover qui éclosent de toutes parts. Dans la plupart des économies occidentales, on reconnaît de plus en plus la demande croissante pour cette qualité de leadership dans l’innovation introduite par les TIC, que l’on désigne le plus souvent sous le nom de « e-leadership », ou leadership virtuel (Avolio et al. 2001). Dans les grandes firmes européennes, le e-leadership nécessite non seulement une compréhension approfondie des capacités fondamentales des TIC et de leurs dernières évolutions, mais aussi l’aptitude à répondre à des problèmes d’organisation et à diriger du personnel hautement qualifié dans des disciplines autres. Ce n’est que lorsque les équipes sont guidées avec ce niveau de compétence que l’entreprise peut mettre à profit les nouveaux modèles opérationnels et exploiter les opportunités d’innovation qu’apporte la technologie. En revanche, un mauvais e-leadership peut avoir des effets désastreux et créer des retards considérables et des dépenses excessives, aussi bien dans les entreprises du secteur privé que dans le secteur public.
La pénurie actuelle de compétences numériques en Europe La récession économique en Europe, déclenchée par la crise financière de 2007, a donné lieu à un chômage sans précédent ; et pourtant, pendant toute cette période, il est devenu de plus en plus flagrant que dans certains domaines de compétences liées aux TIC – les « cybercompétences », ou compétences numériques – l’insuffisance de l’offre menaçait la croissance économique, la compétitivité et l’emploi sur le continent. Pour répondre au manque de qualifications, il faut agir sur deux fronts à la fois : l’exploitation des TIC au niveau technologique et au niveau opérationnel. CHAPITRE 4 LE DÉFI DU « E-LEADERSHIP »
37
Au niveau technologique, le nombre de diplômés en informatique s’est plus ou moins stabilisé, avec des effectifs atteignant chaque année entre 115 000 et 125 000 personnes. Depuis 2006, un déclin s’est amorcé, et depuis 2010, les chiffres stagnent au niveau le plus bas : environ 100 000 diplômés en informatique sortent chaque année de l’enseignement supérieur dans les États membres de l’Union Européenne (UE à 27). L’effet de cette stagnation ou de ce déclin dans le nombre de personnes qui rejoignent les effectifs des personnels informaticiens dans les entreprises est démultiplié en Europe par un accroissement des sorties, à l’heure où les informaticiens commencent maintenant à prendre leur retraite. Il existe également des différences régionales, comme le montre la figure ci-dessous, le nombre de diplômés en informatique au Royaume-Uni ayant baissé d’un tiers depuis 2003. Devançant le Royaume-Uni, la France contribue aujourd’hui à produire 18 % des diplômés en TIC européens. Le Royaume-Uni en fournit 17 % et l’Allemagne occupe la troisième place, avec une contribution de 15 % des diplômés en informatique entrant sur le marché du travail. Il y a dix ans, la Grande-Bretagne produisait près d’un tiers des informaticiens européens (30 %) et l’Allemagne seulement 7 % (Gareis et al. 2014). Les diplômés en informatique dans les États membres – évolution 2000 – 2012 France Royaume-Uni Allemagne Espagne Pologne Pays-Bas République Tchèque Grèce Italie 19 autres États membres
Source : Empirica, 2014
Si le manque de main-d’œuvre qualifiée en technologie reste un problème, le principal domaine de demande non satisfaite sur ce marché est celui des catégories les plus qualifiées, où se trouvent les compétences en e-leadership. Les prévisions 38 Manifeste pour les compétences numériques
présentées sur la figure ci-dessous montrent la croissance de la demande attendue dans les grandes catégories d’emplois en TIC, d’après des projections de l’activité économique d’empirica et d’IDC et les tendances du marché du travail qui se dégagent de l’étude d’Eurostat sur la main d’œuvre. Dans l’ensemble, la demande en compétences numériques devrait croître le plus fortement dans des catégories d’emploi liée au management et à l’analyse de l’activité dans l’entreprise. Cela représente des défis et des opportunités pour l’enseignement supérieur.
44,2%
Management, architecture et analyse de l’entreprise
15,5% 8,5%
Informa ciens – niveau professionnel
15,9% 10,1% 3,7%
Informa ciens – niveau -16,8% associé/technicien -11,8%
-3,9%
Total
9,3% 3,2% 1,8%
2020 2015 2012 comparé à 2011
L’évolution de la main d’œuvre en TIC en Europe
Depuis longtemps déjà, les grands groupes industriels s’inquiètent de la combinaison de ces évolutions : une offre en diplômés en informatique qui stagne et une demande qui s’intensifie en personnes hautement compétentes en e-leadership. Par exemple, le groupe de travail ressources humaines de l’EuroCIO, l’organisation européenne des directeurs des systèmes d’information, avait déjà conclu en 2009 qu’il fallait revoir l’offre de formations dans l’enseignement de fond en comble pour répondre à ces besoins croissants. L’EuroCIO est intervenue sur ce problème en s’engageant dans une coopération innovante avec de grandes écoles de commerce pour mettre au point de nouveaux cursus d’étude en leadership virtuel. Ces cours sont destinés à améliorer les compétences et la prise de décision liée à l’innovation aux niveaux professionnel confirmé et exécutif dans les entreprises. Pour remédier aux insuffisances en qualification, la Commission européenne a lancé une série d’initiatives destinées à encourager la création d’une gamme complète de compétences liées aux TIC. Dans le souci de pallier les besoins de professionnalisation des informaticiens, ces initiatives ont commencé par élaborer des stratégies et des instruments pour combler le fossé entre la demande et l’offre en compétences numériques. Puis, dernièrement, elles se sont attaquées au manque de compétences dans le domaine du e-leadership. CHAPITRE 4 LE DÉFI DU « E-LEADERSHIP »
39
Compétences en e-leadership La tâche la plus épineuse du leadership virtuel est de faire en sorte que la détection, l’évaluation et l’exploitation des opportunités offertes par le TIC débouchent sur des réussites nettement plus conséquentes. Les compétences en e-leadership peuvent se définir comme la somme du socle de connaissances et des compétences dont l’économie moderne a besoin pour créer de l’innovation et la guider au moyen des TIC. Cette conception recoupe des catégorisations bien établies des compétences numériques, en particulier celles présentées en 2004 par des représentants du monde du travail lors du Forum européen sur les compétences numériques. La Commission européenne a choisi de s’intéresser d’abord aux besoins en leadership des entreprises moyennes à grosses au niveau de la prise de décision au sommet. Ici, la prise de décision sur l’innovation au moyen des TIC concerne des portefeuilles comportant plusieurs opportunités d’innovation plus ou moins bien définies (Peppard et Thorp 2013), et la recherche de l’innovation suppose de motiver et de diriger du personnel hautement qualifié, dont certains, mais pas tous, doivent avoir une compréhension des TIC et de leur potentiel. Pour que ces équipes multidisciplinaires hautement qualifiées chargées de l’innovation soient bien dirigées, il est indispensable de savoir appréhender correctement le travail des divers spécialistes qui les composent. Une évaluation précise des opportunités économiques offertes par les TIC est essentielle pour la prise de décision au sommet de la hiérarchie. Le dirigeant de telles équipes doit communiquer efficacement avec elles et comprendre parfaitement les outils d’aide à la décision. Cela demande non seulement d’avoir des compétences approfondies et pointues pour exploiter les TIC, mais aussi d’être un commercial chevronné, qui sache également communiquer et organiser. Des compétences de cette nature en e-leadership ne figurent que partiellement dans les cursus en sciences des systèmes d’information, alors qu’il faut avoir une compréhension étendue de l’entrepreneuriat et de la gestion des entreprise jusqu’aux niveaux des DSI et au-delà.
Le développement des formations en e-leadership Sous l’égide de la Commission européenne, des travaux destinés à rédiger des orientations pour favoriser l’extension de cursus d’études en e-leadership ont démarré en 2013, avec une priorité sur les grosses entreprises. Des programmes d’enseignement basés sur ces cursus sont nécessaires afin de permettre de disposer de capacités multidisciplinaires à un très haut niveau d’expertise, convenant aux rôles de direction qui apparaissent aujourd’hui dans les grandes entreprises ou organismes du privé et du public en Europe. Une première étape a consisté à déterminer sur quelle base se constituait l’offre de formation en Europe. Des recherches approfondies sur l’ensemble 40 Manifeste pour les compétences numériques
des programmes dans ce domaine ont été menées dans toute l’Europe. La plupart d’entre eux associent les deux catégories de compétences nécessaires au e-leadership : la compréhension de l’informatique de pointe et les méthodes d’innovation dans l’entreprise. Plus de mille programmes de troisième cycle de niveau maîtrise proposant ces objectifs d’apprentissage ont été identifiés en Europe. Mais la grande majorité des offres imposent des études à plein temps et s’adressent à des gens qui veulent faire carrière. Cela permet d’établir un cadre de référence au leadership virtuel, mais cela ne suffit pas pour combler les manques en leadership de l’innovation dont l’économie va avoir besoin dans les dix prochaines années. Il existe moins de cinquante programmes en Europe capables d’enseigner toutes les compétences du e-leadership à ceux qui apportent déjà avec eux une expérience significative de la direction, et qui les qualifie pour diriger la transformation numérique dans leur entreprise. Ce chiffre est insuffisant pour que les entreprises européennes puissent bénéficier des volumes de main-d’œuvre qualifiée nécessaire au monde du travail, et il est nécessaire d’agir pour renforcer l’activité existante et répondre aux objectifs d’innovation dans l’UE : les organismes de formation et d’enseignement en Europe doivent prendre en charge davantage de cursus d’étude en e-leadership.
Créer des outils de dispense de formations en e-leadership pour les parties prenantes Des instructions pour multiplier les offres de formations en compétences de leadership virtuel ont été rédigées à partir des programmes d’enseignement établis par l’EuroCIO. L’intention était de donner un coup d’accélérateur aux travaux intensifs de définition de contenu des programmes actuels, en faisant coopérer employeurs et écoles de commerce. Ce travail s’est avéré payant, puisqu’il a donné lieu à des programmes en e-leadership prenant autant en compte les besoins du monde du travail dans le domaine du management que les conclusions des recherches les plus récentes dans les domaines concernés. Ces orientations ont été réunies dans un opuscule détaillant les profils des programmes et les cursus d’étude correspondants. Ces profils se composent essentiellement d’un ensemble d’objectifs d’apprentissage que l’université et les employeurs jugent indispensables pour justifier d’une compétence en prise de décision sur l’innovation par les TIC, en particulier au niveau haute direction. De ce travail avec les parties prenantes est ressorti le besoin de disposer de différents profils d’e-leadership, en incluant des matières professionnelles allant de l’architecture d’entreprise à la sécurité et à la conduite des affaires. Grâce à la participation de professionnels qualifiés, chaque profil d’étude a été validé. Les premiers profils d’études en leadership virtuel ont été ratifiés par le conseil d’administration de l’EuroCIO à la mi-2014. De nombreuses universités et écoles de commerce ont ensuite procédé à une évaluation de leurs programmes CHAPITRE 4 LE DÉFI DU « E-LEADERSHIP »
41
par rapport aux exigences du e-leadership contenu dans ces profils, afin de déterminer la viabilité du concept. Les profils d’études ont été validés car ils facilitent le dialogue entre le monde de l’enseignement et le monde du travail sur les objectifs d’apprentissage requis et peuvent servir à améliorer les programmes et l’expérience des étudiants de l’enseignement supérieur dans de nombreux pays européens. Ces travaux de la Commission européenne pour favoriser des initiatives d’e-leadership pour les grosses entreprises sont complétés par d’autres, destinés aux PME et aux entrepreneurs. Dans les deux cas, les acteurs du monde du travail et du monde universitaire s’efforcent de trouver des occasions de favoriser le développement des compétences en e-leadership. Dans les petites entreprises européennes et parmi les entrepreneurs, la priorité est de réduire la charge de travail des apprenants. Pour ce faire, les stratégies d’enseignement consistent à compléter des contenus enregistrés dispensés à distance par des séances sur place. Tout en continuant à miser sur le travail en réseau, par exemple lors de courtes périodes de stage l’été, et en respectant parfaitement les objectifs d’apprentissage définis pour le leadership virtuel, elles utilisent au mieux le temps dévolu à la formation. Pour chacun, l’étude s’accompagne de travaux pratiques, qui permettent de s’exercer au maximum à la pratique du leadership actif tout au long d’un programme. Pour certaines parties de l’apprentissage, des supports conçus pour l’enseignement en MOOC ont pu être utilisés.
Orientations futures Il reste à espérer qu’à l’avenir, des établissements d’enseignement plus nombreux feront équipe avec le monde du travail pour mettre en place un ensemble de cours basés sur les programmes d’études en e-leadership, tout en redéfinissant les modes d’enseignement et en les rendant plus efficaces. Ce mouvement pourra être amplifié grâce à une coopération et un partage de contenus enregistrés entre établissements, allégeant ainsi la pression sur les moyens, surtout dans les universités qui souhaitent ajouter une profondeur technologique à leurs programmes. Au fur et à mesure que les initiatives de la Commission européenne en leadership virtuel mûrissent, il faut en transférer la gestion à des acteurs/parties prenantes de confiance, de façon à ce qu’elle soit la plus légère possible. Une première étape a consisté à tirer parti des structures d’administration que l’EuroCIO avait établies et créées pour son propre programme d’enseignement destinés aux cadres. Un dialogue avec les grandes associations européennes et les principales parties prenantes s’est instauré, et il devrait s’élargir dans la prise de décision au niveau européen, dans le droit fil des multiples intérêts en jeu. Pour parvenir à son objectif, c’est-à-dire accroître les moyens humains, l’innovation et la valeur en Europe, l’enseignement du e-leadership a besoin de la collaboration active de nombreux acteurs.. 42 Manifeste pour les compétences numériques
CHAPITRE 5 Le maître-mot d’une nouvelle pédagogie : l’innovation Se préparer à un avenir numérique : les cybercompétences dans l’enseignement Les compétences que l’on acquiert dans le système éducatif européen ne reflètent pas toujours celles dont on a besoin dans un monde qui se numérise de plus en plus. Dans le même temps, si l’usage des TIC se généralise chez les jeunes, ils n’ont pas nécessairement envie de les étudier : en effet, le nombre d’inscriptions et de diplômés dans les filières maths, sciences et technologies en Europe, exprimé en pourcentage tous domaines confondus, a chuté au cours de la dernière décennie. . En conséquence, nous devons faire face au problème du « tuyau percé » : un désintérêt pour les études en « STIM » (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques), qui commence à la fin du primaire et se poursuit jusqu’en troisième cycle et se traduit par une raréfaction des effectifs recrutables. C’est dans ce contexte que l’Europe vise à un taux d’emploi pour les femmes et les hommes de 75 %, pour la tranche d’âge des 20 à 64 ans à l’horizon 2020. Lancée en novembre 2010, l’initiative « De nouvelles compétences pour de nouveaux emplois » vise à : mieux anticiper les besoins futurs en matière de compétences; mieux adapter les qualifications aux besoins du marché du travail; rapprocher les mondes de l’éducation et du travail. En théorie, le système éducatif européen devrait déjà être en train de doter les enfants et les jeunes des compétences en informatique et des cybercompétences nécessaires sur le marché de l’emploi de 2020. Pourtant, d’après un indicateur sur les compétences numériques récemment élaboré et basé sur le référentiel de compétences numériques de la Commission européenne, 23 % de la population européenne en est dépourvue (2012) ; la fourchette va de 6 % en Suède à 50 % en Roumanie. Si l’on tient compte du fait que pour fonctionner dans la société numérique, on doit avoir plus d’une compétence de niveau élémentaire, c’est près de la moitié de la population de l’UE (47 %) qui peut être considérée insuffisamment armée en matière numérique (totalement dépourvue de cybercompétences ou faiblement pourvue). Cette situation risque d’être désastreuse pour la génération actuelle, qui va découvrir que la grande majorité des emplois requiert ce type de compétences lorsqu’elle arrivera sur le marché de l’emploi.
CHAPITRE 5 LE MAÎTRE-MOT D’UNE NOUVELLE PÉDAGOGIE ...
43
Politiques éducatives Malgré un net fossé entre les compétences que possèdent les élèves et les attentes, tout le système éducatif encourage l’acquisition de connaissances élémentaires en TIC. En général, elle est traitée de manière globale à plusieurs niveaux de l’éducation : la compétence des enseignants ; la compétence des élèves ; la sécurité en ligne pour tous ; les TIC pour les personnes ayant des besoins particuliers, ainsi que des mesures pour réduire la fracture numérique. Les textes prévoient aussi la mise à disposition d’infrastructures, pour que les établissements scolaires aient accès aux technologies dont elles ont besoin, telles que des tableaux interactifs, dans certains cas des netbooks et des tablettes, ainsi que des laboratoires d’informatique classiques (aussi bien fixes que mobiles). Les contenus numériques sont également une priorité dans la plupart des pays d’Europe, de groupes d’entraînement en ligne pour les enseignants et leurs élèves à la fourniture de manuels électroniques ou de bases de données. Les rapports rédigés par European Schoolnet en 2013 sur l’expérience de divers États membres européens indiquent l’existence de nombreux textes et pratiques pertinents répertoriés par les ministères de l’Éducation de ces pays. Ils incitent à l’acquisition de compétences de base en TIC et à faire reconnaître la culture numérique comme une composante fondamentale des concepts modernes de maîtrise des savoirs élémentaires. Il existe toutes sortes d’approches pour mettre en place l’initiation numérique et l’enseignement de compétences numériques au niveau national, à partir d’un programme distinct d’enseignement des TIC. En général, elles portent sur les compétences des utilisateurs des TIC jusqu’à l’intégration des TIC dans toutes les matières. Certains pays (par exemple l’Allemagne) et régions se sont tournés vers l’utilisation d’un système de certification par des tiers pour valider les compétences de base en TIC, notamment par le biais du Passeport numérique européen. Mais pour la majorité, la fracture numérique n’est pas un objectif essentiel et les écoles appliquent de manière très hétérogène les textes. Cela explique largement l’écart qui existe entre les objectifs ministériels et les niveaux de compétences atteints par les élèves. S’il est nécessaire de maintenir les politiques actuelles visant à ce que les méthodes et les outils de TIC atteignent la base du système éducatif, il faut en parallèle insister pour que ces approches bénéficient au plus grand nombre. En outre, il faut accorder plus d’attention aux questions de fracture numérique, veiller à ce que tous les étudiants acquièrent un bon niveau de compétences de base en TIC, quelle que soit leur formation initiale. Un grand obstacle à l’apprentissage des compétences en TIC reste le problème de la qualification des enseignants, pour laquelle il n’existe pas de normes communes à toute l’Europe. Les normes en vigueur dans le monde ne sont pas forcément applicables au contexte européen. C’est pour répondre à ce besoin que 44 Manifeste pour les compétences numériques
les ministères de l’Éducation se penchent actuellement sur l’institution de leur propre norme, qui devrait s’articuler avec le Référentiel européen des compétences numériques (e-CF). Des initiatives réunissant de multiples acteurs et permettant à des enseignants d’expérimenter la pédagogie innovante assistée par la technologie sont fondamentales, et le laboratoire de la classe du futur de European Schoolnet en est un exemple : vingt-cinq sociétés productrices de technologies ont collaboré avec les ministères de Schoolnet à ce jour, touchant ainsi plus de 13 000 enseignants.
Mettre la barre plus haut L’e-CF, certes utile comme point de départ dans l’initiation au numérique pour tous, n’est plus adapté quand il s’agit préparer ceux qui pourraient s’orienter dans des voies plus poussées pour se former à l’informatique, par des formations ou des cursus universitaires. Ce problème, que l’on retrouve dans tous les États membres de l’Europe, est clairement exprimé dans le rapport LivingstoneHope publié en 2011 : « Les industries pâtissent d’un système éducatif qui ne comprend pas leurs besoins. Qui plus est, les programmes scolaires portent davantage sur les compétences en bureautique que sur les compétences en informatique et en programmation, plus rigoureuses, dont a besoin le secteur des technologies de pointe comme celui des jeux vidéo et des effets visuels. En même temps, les jeunes et leurs enseignants ont besoin de mieux connaître les perspectives d’emploi dans ces secteurs et les qualifications qui peuvent les y amener. Les « STIM » (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques) et l’art sont essentiels pour y parvenir. » Le rapport recommande ensuite que l’on accorde autant d’importance à l’informatique comme discipline qu’aux autres sciences telles que la physique et les mathématiques, enseignées à partir de onze ans et plus dans le cadre du socle de base des programmes dans les collèges. À la suite de ce rapport, le gouvernement britannique a commencé à substituer aux cours traditionnels de TIC (dont l’approche s’appuyait sur les compétences numériques) des cours d’informatique axés sur la programmation, la conception de sites web et le développement d’applications pour appareils mobiles.
Mathématiques et physique La réussite en mathématiques et en physique est essentielle pour passer des compétences de base en informatique à des compétences numériques. De bonnes aptitudes en mathématiques, notamment la compréhension de l’algèbre et des algorithmes, sont essentielles indispensables pour pouvoir appréhender la programmation et l’informatique. Une étude de Microsoft sur l’enseignement et l’apprentissage, montre que les mathématiques sont l’un des domaines dans lesquels la pédagogie innovante est la moins utilisée en classe. De même, CHAPITRE 5 LE MAÎTRE-MOT D’UNE NOUVELLE PÉDAGOGIE ...
45
des connaissances et des compétences en physique sont indispensables dans la gestion de réseaux et les applications informatiques. Le niveau relativement faible de réussite et d’intérêt des étudiants pour ces matières en Europe est préoccupant pour l’acquisition de compétences numériques de niveau supérieur. Une étude d’Eurydice sur ces sujets signale en particulier l’absence de politique de soutien aux élèves moins performants au niveau national dans plusieurs pays d’Europe. Les pays qui obtiennent les meilleures notes en sciences et en mathématiques dans le programme de l’OCDE pour l’évaluation internationale des élèves (PISA) ont en général mis en place des systèmes éprouvés pour que ceux qui ont du mal en maths et en physique soient accompagnés pour mieux réussir. Eurydice fait également remarquer que le rôle spécifique des TIC en mathématiques est souvent négligé : « L’utilisation des TIC en mathématiques est imposée dans la plupart des pays. Et pourtant, bien qu’ils soient partout disponibles, les ordinateurs sont rarement utilisés dans l’enseignement des mathématiques. Cette contradiction révèle l’incapacité à faire des mathématiques un sujet pertinent en faisant le lien avec une technologie que les élèves utilisent au quotidien. » Enfin, les mathématiques et la physique souffrent d’un manque d’intérêt de la part des filles. Les exemples et les modèles utilisés dans ces matières attirent beaucoup plus les garçons. Cela dissuade souvent les filles de choisir les mathématiques et la physique au dernier cycle du secondaire, ce qui fait obstacle à l’étude de l’informatique dans l’enseignement supérieur, et par conséquent, aux carrières en informatique. Un aspect très important du problème est le désintérêt pour les questions de diversité au cours de la formation préparatoire des enseignants. Eurydice émet les remarques suivantes à ce sujet : « La capacité à s’adresser à un public diversifié – c’est-à-dire le fait d’enseigner a un ensemble d’élèves de tous horizons, en tenant compte des différents centres d’intérêts des garçons et des filles – et la lutte contre les stéréotypes de genre dans les rapports avec les étudiants, est bien souvent absente de ces programmes. » Ces questions soulignent la nécessité d’améliorer la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage des mathématiques et de la physique, grâce à des approches plus innovantes qui s’appuient sur les technologies modernes, en accordant beaucoup plus d’attention aux questions d’égalité des sexes.
L’informatique en tant que discipline Le peu d’informations au niveau européen sur le rôle de l’informatique en tant que discipline spécifique dans les programmes scolaires est révélateur. Il ressort des rapports par pays menés par European Schoolnet que l’informatique – à supposer qu’elle soit au programme – est presque toujours facultative. Une rare exception est la Suisse, où l’informatique est une discipline obligatoire depuis 2008. 46 Manifeste pour les compétences numériques
L’Autriche offre un autre exemple intéressant. Dans ce pays en effet, l’enseignement des TIC à des fins professionnelles est explicitement mentionné dans les objectifs nationaux, de même que les « e-compétences », par-delà les compétences numériques de base, dont fait partie « l’informatique pratique ». L’informatique devient une matière à part entière à partir du premier cycle du secondaire. Les compétences acquises sont validées par des qualifications décernées par des tierces parties telles que l’EDCL mais aussi grâce à des certifications délivrées par des entreprises du secteur telles que Cisco, Microsoft, SAP, Novell et Oracle. A Chypre aussi, l’informatique est enseignée à titre d’ «introduction obligatoire» au cours de la première année du secondaire. Au cours des deux années suivantes, les étudiants peuvent choisir de suivre des modules en informatique, en gestion d’applications et de réseaux (ce dernier sous le parrainage de l’Académie de gestion de réseaux de Cisco). Des établissements d’enseignement technique spécialisé proposent une option d’ingénierie en informatique sur trois ans couvrant toutes les matières liées à l’informatique. Plusieurs autres pays proposent également des options techniques similaires dans l’enseignement professionnel secondaire. Mais le nombre d’élèves, notamment de filles, qui choisissent ces options, est souvent très faible. Peu de pays mentionnent l’e-CF comme un outil pour définir la compétence en informatique et en faire une norme européenne commune. Cette situation est regrettable dans la mesure où une définition par l’e-CF offrirait un bien meilleur aperçu de la situation dans l’UE. Malgré la relative absence de politiques plus larges sur les sciences de l’information dans les pays européens, il existe néanmoins des exemples d’approches pour intégrer l’informatique et de la technologie dans la scolarité : • “l’Institut de technologie du Massachussetts (Massachussetts Institute of Technology – MIT) a conçu un langage de programmation nommé « Scratch » pour les jeunes enfants. Des écoles de l’Union européenne l’utilisent dès l’école primaire. Les communautés Scratch sont particulièrement puissantes au Royaume-Uni et au Portugal ; • Le projet Surf Net / Kennisnet, financé par le ministère néerlandais de l’Éducation, de la Culture et des Sciences, a produit des applications et des services innovants qui permettent à des établissements d’enseignement de tirer pleinement parti du potentiel des TIC. Mais les TIC ne sont pas obligatoires dans les écoles néerlandaises ; • L’étude Innovative Teaching and Learning, (ITL) sponsorisée par le programme Partners in Learning de Microsoft, se penche sur l’impératif de préparer les jeunes au 21e siècle. Elle s’intéresse surtout aux pratiques d’enseignement, dont la forte corrélation avec les objectifs d’apprentissage du 21e siècle est démontrée. Les résultats révèlent que la majorité des étudiants continuent CHAPITRE 5 LE MAÎTRE-MOT D’UNE NOUVELLE PÉDAGOGIE ...
47
à se comporter en consommateurs d’information, plutôt qu’en inventeurs de solutions, d’innovateurs ou de producteurs. Si le recours aux TIC dans l’enseignement est de plus en plus courant, dans bon nombre des établissements étudiés, les élèves qui s’en servent pour apprendre restent une exception. Il est temps de passer de bonnes Il est temps de passer de pratiques isolées à une approche générale de l’enseignement et bonnes pratiques isolées de l’apprentissage de l’inforà une approche générale matique. Les systèmes éducatifs dans l’Union européenne de l’enseignement et doivent réfléchir à la nécessité de l’apprentissage de de redonner du panache à l’informatique, et d’inclure dans les l’informatique. programmes scolaires des compétences plus pointues. Inutile d’attendre d’être au collège ou au lycée pour aborder les matières informatiques : il existe aussi des méthodes simples pour les étudier dès le plus jeune âge.
Les aînés ne donnent pas envie aux jeunes Ces exemples que sont pour les jeunes leurs professeurs, leurs parents, leurs conseillers d’orientation, voire des personnalités médiatiques, jouent un rôle déterminant dans leur choix de carrière. Les filles, quant à elles, comptent particulièrement sur l’appui de modèles plus âgés pour prendre des décisions concernant leur future carrière. Le graphique ci-dessous compare l’opinion d’étudiantes, de professionnels des TI de Cisco, de parents et d’enseignants. Qu’est-ce qu’implique les emplois de gestion de réseaux Internet ? 0% 0% 0% 0% 0% 0% 0% 0% 0% 0% 0%
développement de logiciels
rencontre avec les clients
aide aux autres personnes
amélioration du monde
Pourcentage d’emplois de gestion de réseaux Internet qui implique chacune de ces activités selon Cisco Étudiantes qui pensent qu’une grande majorité des emplois de gestion de réseaux Internet implique chacune de ces activités Parents et enseignants qui pensent qu’une grande majorité des emplois de gestion de réseaux Internet implique chacune de ces activités
48 Manifeste pour les compétences numériques
Il montre que la perception que les parents et les enseignants ont des carrières en informatique est particulièrement irréaliste : moins de 35 % estiment que les emplois dans la gestion de réseaux informatiques ont un impact positif dans le monde, et la grande majorité croit que les informaticiens ne passent guère de temps au contact d’autrui, comme par exemple des clients. *Il ressort de cette étude qu’il y a de fortes chances pour que les informations transmises aux jeunes sur les carrières ne soient pas réalistes. Il est donc indispensable de mieux informer les enseignants et les parents sur les carrières en informatique si l’on veut qu’un plus grand nombre de jeunes choisisse cette voie.
Combler le fossé entre l’éducation et l’emploi Un autre défi majeur est la fracture entre l’éducation et l’emploi. Les réformes de l’enseignement primaire et secondaire sont souvent motivées par la nécessité de doter les enfants d’un bagage qui leur permette de jouer un rôle de citoyens éduqués. Dans de nombreux pays, on reste sceptique quant à la nécessité d’impliquer les entreprises et de tenir compte de leurs besoins dans le développement des compétences nécessaires aux jeunes pour leur avenir professionnel. Cette réticence s’enracine dans l’idée que le système éducatif ne saurait se préoccuper uniquement d’être un vivier pour préparer de futurs candidats à des emplois. Il ne fait aucun doute que les jeunes doivent acquérir des connaissances pour eux-mêmes et étudier des matières, aussi bien pour avoir une vie plus agréable que pour multiplier leurs possibilités d’emploi. Mais il est possible que la balance ait trop penché dans cette direction : les jeunes souffrent particulièrement de l’impact de la crise économique. Les pays qui ont été le moins touchés par la crise, notamment les Pays-Bas, l’Allemagne et l’Autriche, mettent particulièrement l’accent sur le rapport entre les mesures d’employabilité des jeunes, comme l’apprentissage et l’implication des employeurs dans la scolarisation. Le Dr Anthony Mann, du groupe britannique Education and Employers Taskforce, observe : « L’analyse de l’OCDE montre que les pays qui disposent de systèmes éducatifs combinant apprentissage en classe et placement en entreprise dans le cadre d’un parcours professionnel, comme c’est le cas avec le modèle allemand, connaissent en général un chômage beaucoup plus faible chez les jeunes ». Son rapport poursuit ainsi : « L’exemple britannique montre qu’il existe des relations statistiquement favorables et significatives entre le nombre de contacts qu’un jeune peut avoir à l’école (entre quatorze et dix-neuf ans) avec des employeurs (par exemple lors de forums de l’emploi ou lorsqu’ils relatent leur expérience professionnelle) et la confiance en eux (entre dix-neuf et vingt-quatre ans) pour réaliser leurs objectifs de carrière au final. » La campagne européenne de 2014 pour les compétences numériques pour l’emploi est une bonne illustration d’une collaboration multilatérale dans ce domaine. Elle réunit des centaines d’acteurs de tous les secteurs afin de sensibiliser collectivement aux carrières en informatique, à l’offre en formations CHAPITRE 5 LE MAÎTRE-MOT D’UNE NOUVELLE PÉDAGOGIE ...
49
et aux possibilités de carrières pour les jeunes, les personnes privées d’emploi et la reconversion des employés. Pour avoir le maximum d’impact, cette action concertée, qui représente plus que la sommes de ses parties, doit être soutenue sur la durée. Sur l’enjeu plus large des sciences et de la technologie, le projet inGenious, financé pour moitié par le programme de recherche FP7 de la Commission et pour moitié par la profession, est une initiative conjointe lancée par European Schoolnet et la Table ronde des industriels européens, visant à susciter plus d’intérêt chez les jeunes Européens pour les études et carrières scientifiques et technologiques. Toutes les mesures prises dans le cadre de ce projet visent, à travers la coopération entre l’enseignement et la profession, à améliorer l’image que les jeunes se sont forgé des carrières dans les sciences et technologies et à les inciter à réfléchir aux nombreuses et intéressantes possibilités qu’elles peuvent leur offrir plus tard.
Recommandations Voici les questions prioritaires : • Relever le niveau de compétence des enseignants. Instaurer une accréditation en compétences numériques conforme à l’e-CF, pour que dans toute l’UE, les élèves bénéficient pleinement des investissements dans les infrastructures de TIC. • Veiller à ce que l’acquisition de compétences numériques démarre dès le primaire et le secondaire pour aller jusqu’aux études d’informatique. Faire en sorte que les compétences numériques soient encouragées dès le primaire et dans le secondaire et, aux niveaux supérieurs, accorder la primauté aux cyber-compétences de haut niveau, en plus des compétences en informatique. • Renforcer l’enseignement des sciences, surtout des mathématiques et de la physique. Mettre d’avantage l’accent sur la diversité ; aider les élèves en difficulté et appliquer des méthodes plus innovantes. Inciter les employeurs à participer aux programmes d’orientation professionnelle qui s’adressent aussi aux adultes dont s’inspirent les jeunes, comme les parents et les enseignants. • Augmenter le nombre de partenariats multipartites en mettant des professionnels du secteur et de l’éducation autour d’une même table pour répondre non seulement au problème des carrières mais aussi de l’acquisition des compétences. • Continuer à faire des compétences numériques et des mesures d’accompagnement une priorité afin que l’action s’inscrive sur la durée et entraîne le changement nécessaire dans le système éducatif. 50 Manifeste pour les compétences numériques
CHAPITRE 6 Les nouveaux talents numériques Aller chercher les talents et les exploiter Partout dans le monde, les personnes possédant des qualifications numériques sont difficiles à trouver parce que les TIC évoluent à toute vitesse, tandis que les systèmes éducatifs se transforment plus lentement. Plus l’informatique modifie notre vie quotidienne et plus ces pénuries sont criantes. Ce chapitre traite de deux enjeux majeurs dans cette situation : • Le premier concerne le potentiel des professionnels qualifiés, qui n’est pas pleinement exploité. Pour remédier à la sous-exploitation des compétences numériques et favoriser une véritable innovation basée sur les technologies de l’information, il est nécessaire de disposer de stratégies et de techniques de management. • L’autre enjeu est la marginalisation de millions d’Européens vis-à-vis de l’économie numérique : les femmes, les seniors, les handicapés et les personnes victimes de la fracture sociale/numérique. Les aider à acquérir des compétences numériques pourrait accroître l’offre en main-d’œuvre qualifiée. Des programmes de formation pour les exclus du numérique se sont avérés payants. Mais des actions à plus vaste échelle sont indispensables. D’après l’étude menée pour la Commission européenne par European Schoolnet et l’université de Liège, malgré la notion de « digital natives », ces jeunes qui sont nés avec le web, en 2013, un Européen sur quatre n’a encore qu’un accès restreint aux outils technologiques chez lui et à l’école. Des mesures doivent également être prises pour mieux armer l’ensemble de la population qui, bien qu’ « incluse », n’a pas assez confiance en elle et n’a pas la maîtrise suffisante pour mettre ces outils à profit, dans sa vie de tous les jours comme dans sa vie professionnelle.
Agir en faveur de la diversité Chez les employés d’Europe, et dans l’ensemble du secteur des TIC, la faible diversité reste problématique. Elle est particulièrement aiguë dans les PME en informatique. L’image du jeune programmeur isolé, penché sur des lignes de code dans un bureau mal éclairé sans possibilité d’autonomie et de créativité perdure, et elle est souvent brandie par des exemples influents. Pourtant, les atouts de la diversité dans les équipes sont abondamment démontrés, et la nature collaborative de la majeure partie du travail en informatique est bien comprise, du moins dans la profession. Une étude menée par European Schoolnet pour Cisco en 2009 fait apparaître des écarts considérables entre la façon dont CHAPITRE 6 LES NOUVEAUX TALENTS NUMÉRIQUES
51
les informaticiens décrivent leur emploi et la façon dont les personnes qui influencent les jeunes – surtout les parents et les enseignants – en parlent. Et d’un autre côté, l’absence de modèles positifs dans les médias et la culture dans son ensemble dissuade les gens d’envisager sérieusement une carrière dans les TIC. La catégorie la plus importante à être touchée par ce problème est celle des femmes, qui continuent à placer et à percevoir les carrières en informatique comme la chasse gardée des hommes.
« Si la moitié des 500 millions d’Européens en reste exclue et n’en bénéficie pas, nous nous retrouverons confrontés à un déséquilibre entre sexes et âges et à une injustice sociale de grande ampleur. Tant nous-mêmes que les législateurs doivent prendre toutes les mesures possibles pour s’attaquer au problème. » Edit Herczog, ancienne députée au Parlement européen. « Cela fait déjà longtemps que l’on a conscience du manque de femmes dans les domaines scientifiques et la recherche. Si la moitié des 500 millions d’Européens en reste exclue et n’en bénéficie pas, nous nous retrouverons confrontés à un déséquilibre entre sexes et âges et à une injustice sociale de grande ampleur. Tant nous-mêmes que les législateurs doivent prendre toutes les mesures possibles pour s’attaquer au problème. » Edit Herczog, ancienne députée au Parlement européen. Les décideurs politiques et les acteurs du domaine des TIC doivent s’unir pour résoudre ce problème de perception, qui décourage l’émergence de nouveaux talents, restreint l’innovation dans les TIC et leur utilisation et aboutit à un déséquilibre nuisible à l’économie et à la société en général. Pour parler des personnes âgées, Edit Herczog utilise le concept d’ « immigrants numériques » créé par Mark Prensky : des gens qui ne sont pas nés dans un monde régi par internet. Appelant à la démystification des TIC, elle observe : « Il faut poursuivre les programmes et des ateliers pour les aider [les personnes âgées] à comprendre que c’est un outil [les TIC] qui permet de trouver des informations et de les échanger, et que ce n’est pas si différent de la radio et de la télévision... Ils [les services rendus par les TIC] peuvent aider à se réduire leur sentiment de vulnérabilité et le transformer en indépendance durable. » Face au rapide vieillissement de la population active en Europe, les compétences numériques peuvent aussi être un excellent atout dans le profil d’un 52 Manifeste pour les compétences numériques
professionnel expérimenté, car elles rendent ses autres qualifications encore plus attractives sur un marché de l’emploi en pleine évolution. Des modes de formation non institutionnels peuvent aider à résoudre le problème d’autres populations exclues. À cet égard, les télécentres informatisés communautaires sont un excellent moyen d’initiation numérique et d’éducation des adultes destinés aux groupes cibles défavorisés dans l’ensemble de l’Europe. Généralement situés dans des bibliothèques publiques, des écoles et des centres socioculturels, et souvent dirigés par des organismes bénévoles ou municipaux, les télécentres sont pour la plupart gratuits, ouverts et locaux. Ils donnent accès à des outils technologiques, à un apprentissage informel et à des possibilités de travail en réseau attrayantes pour les exclus du numérique. Les visiteurs commencent souvent par y apprendre les bases, ce qui est bénéfique pour leur développement personnel, leur citoyenneté active et leur insertion sociale, et à terme sur leur employabilité, un élément essentiel de ce modèle. Selon l’étude MIREIA, il existerait près de 250 000 organisations d’insertion numérique dans l’UE, soit une organisation d’insertion pour 2000 habitants en moyenne. Mais les initiatives nationales ont besoin d’être synchronisées. C’est dans ce but qu’a été créée l’association à but non lucratif Télécentre Europe. Telecentre-Europe joue également un rôle d’intermédiaire pour inciter au partage d’informations entre les pays, ce qui permet à l’Europe de répondre à l’évolution des besoins en informatique en qualité d’entité.
La réussite dépend du déploiement des compétences numériques Entre 41 % et 56 % des entreprises tous secteurs confondus disent recruter régulièrement des spécialistes en TIC et avancent que de nombreux postes sont « difficiles à pourvoir ». Ce point de vue est corroboré par une recherche empirique de l’OCDE et par le Forum européen sur les Compétences numériques. Il est par conséquent indispensable que nous utilisions correctement les compétences numériques dont nous disposons. La mise en place de personnels qualifiés en TIC peut être coûteuse, car il faut souvent les reformer après leur embauche, en raison de la spécificité de nombreuses sociétés de TIC. En outre, des indicateurs révèlent que les entreprises européennes sont moins aptes que les sociétés américaines à tirer parti des compétences numériques pour la productivité. De la même façon, les firmes américaines implantées en Europe semblent plus à même de réaliser des gains de productivité grâce aux TIC que les entreprises locales. Cela peut s’expliquer par des différences dans les pratiques au niveau de l’organisation et de la gestion, et dans l’utilisation des moyens. Il existe aussi des disparités entre les entreprises européennes. Si les grosses sociétés sont très conscientes du besoin de compétences numériques chez leurs nouvelles recrues, les PME le sont moins, alors que tout montre qu’elles pourraient tirer beaucoup d’avantages d’une utilisation efficace CHAPITRE 6 LES NOUVEAUX TALENTS NUMÉRIQUES
53
de l’informatique. Selon une étude de Vanson Bourne menée à l’échelle mondiale, 60 % des PME considèrent l’utilisation de la technologie informatique comme un facteur décisif pour assurer la prospérité de leur société ou simplement sa survie. Le secteur public quant à lui est demandeur en e-compétences, car il a de plus en plus recours à des mécanismes numériques, par exemple dans l’administration digitalisée au gouvernement, et dans la santé. Il y a deux façons de répondre au manque de compétences : premièrement, en renforçant la formation professionnelle, l’immigration de main d’œuvre ou l’externalisation ; deuxièmement, en utilisant mieux le personnel formé ou pouvant l’être. Si l’Europe se préoccupe beaucoup actuellement d’approvisionner son réservoir de talents, elle doit aussi veiller à savoir comment les exploiter.
De la classe au lieu de travail L’avenir du travail est façonné par les innovations technologiques. Par conséquent, les tendances mondiales de la technologie et de l’innovation doivent être reflétées dans l’enseignement. Les enseignants ont besoin d’une part de souplesse dans leurs moyens pédagogiques pour arriver à motiver et à remotiver les jeunes et les personnes en formation continue, et d’autre part d’infrastructures adaptées dans les établissements scolaires. Selon des rapports sur l’UE, les directeurs d’établissement et les enseignants européens déplorent un manque d’ordinateurs qui, selon eux, serait le plus gros obstacle à un apprentissage innovant ; et un enseignant sur deux souhaiterait être mieux formé à la pédagogie par les TIC. À cet égard, l’évolution des technologies du cloud est une bonne illustration. D’après l’IDC, ce secteur dans son ensemble a un taux de croissance de plus de 27% ; et pourtant, 56 % des entreprises européennes n’arrivent pas à trouver de personnel pour travailler sur des projets cloud. Une poignée d’écoles innovantes seulement commence à utiliser des services basés sur le nuage dans l’enseignement, et les compétences numériques de haut niveau dans ce domaine restent rares dans les cursus universitaires en dehors des formations en informatique. Ceux qui disposent des compétences cloud nécessaires seront en capacité de faire évoluer leur entreprise. Il faut donc que les DSI soient les premiers à se former au cloud. Un rapport de Microsoft sur la formation, intitulé Cloud computing: « What IT professionals need to know » (l’informatique du nuage, ce que les informaticiens doivent savoir), décrit l’évolution des nouvelles possibilités d’emploi offertes par la technologie du Cloud. L’impact de la technologie, ou l’organisation et les compétences est un thème récurrent dans le récent rapport de la London School of Economics intitulé « Modelling the Cloud : Employment effects in two exemplary sectors in the UK, Germany, Italy & the US »(« Façonner le nuage – Les effets de l’emploi dans deux secteurs exemplaires en Grande-Bretagne, Allemagne, Italie et aux États-Unis »). D’après l’étude, l’informatique en nuage va bouleverser la façon 54 Manifeste pour les compétences numériques
dont les secteurs industriels sont gérés : s’ils veulent réussir, les managers devront adopter un profil professionnel plus hybride, et être aussi à l’aise avec la technologie qu’avec les affaires. Les compétences en TIC s’imposent de plus en plus sur le marché du travail et les répercussions sur l’encadrement sont évidentes. Avec un taux de chômage des jeunes qui atteint des records en Europe, l’acquisition des compétences et des accréditations du 21è siècle sera capitale pour les jeunes qui voudront saisir la chance de ces nouveaux emplois. L’industrie des TIC a son rôle à jouer pour développer les ressources humaines et les faire évoluer, en travaillant à tous les niveaux et en partenariat avec les autres acteurs afin que les compétences en TIC, combinées à d’autres compétences pertinentes comme la collaboration et la communication efficaces, ouvrent la voie à ces possibilités d’emploi.
Le défi des compétences numériques en Europe relève du management Des conclusions du London School of Economics Centre for Economic Performance révèlent de grandes différences dans les pratiques de gestion des sociétés européennes dans leur utilisation des TIC : d’après cette étude, cellesci seraient bien moins efficaces que leurs concurrentes américaines, avec les mêmes technologies et en recrutant auprès du même bassin d’emplois. Une autre étude sur les pratiques de gestion dans des petites entreprises de l’aéronautique comme dans les grandes, elle aussi de la London School of Economics, vient corroborer cette observation. Les incitations sont plus nombreuses et les salaires plus élevés aux États-Unis pour les utilisateurs du numérique hautement et moyennement qualifiés, et que dans le genre de tâches routinières qu’ils accomplissent, ces professionnels fassent meilleur usage de leurs compétences. La qualité de la gestion a également un effet sur l’innovation. Comme le note un groupe d’analystes très respectés dans le domaine de l’économie et de la gestion informatique : « Ce n’est pas juste en branchant des ordinateurs ou des équipements télécom que les entreprises améliorent leur qualité de service et réalisent des gains de productivité. En réalité, elles passent par un processus, parfois long et difficile, de « co-invention ». Ce sont les vendeurs d’informatique qui inventent les technologies ; mais ce n’est pas à eux que l’on doit l’application des outils, ils ne font que la rendre possible ; c’est donc aux utilisateurs de ces technologies de « co-inventer » les applications. La co-invention, comme toute invention, fait intervenir à la fois des aspects liés aux processus de fabrication et aux produits eux-mêmes. Du côté co-invention, une utilisation rationnelle de l’informatique suppose souvent des bouleversements dans les entreprises. » Cette observation met en lumière une fracture encore mal explorée en Europe dans la chaîne de valeur des compétences numériques. Relever le défi des compétences numériques en Europe relève du management : tous les domaines de CHAPITRE 6 LES NOUVEAUX TALENTS NUMÉRIQUES
55
l’entreprise comme la finance, le marketing et l’administration sont de plus en plus concernés, car ils exigent en effet des compétences numériques pour déployer les outils informatiques permettant d’accroître la productivité et d’atteindre les objectifs fixés. Plutôt que vers les facultés d’informatique, c’est donc sur les écoles de management que doivent se tourner nos regards, et les décideurs politiques feraient bien d’y réfléchir pour éviter une mauvaise affectation des moyens.
Europe prend garde ! Les talents attirent les talents Un professionnel talentueux a tendance à chercher du travail dans les entreprises les plus performantes. Une étude sur des niveaux de salaires comparables montre que l’on est disposé à acquérir des qualifications plus adaptées et de plus haut niveau si on a des chances de décrocher un emploi dans une société connue pour ses bons résultats. Et comme ces organisations savent mieux exploiter les compétences, elles ont les moyens de mieux rémunérer un travail innovant, que ce soit par les salaires ou d’autres avantages. Sur un marché de plus en plus mondialisé, les professionnels des TIC européens de talent iront frapper à la porte des entreprises qui leur offrent les meilleures possibilités. Or il existe un réel danger de voir de plus en plus ces opportunités sortir des frontières européennes. Et, alors que l’Europe est en train de revoir la stratégie de développement de ses qualifications numériques, voilà qu’elle devient un exportateur net de compétences plutôt qu’un centre régional pour l’innovation de grande valeur. Fâcheux résultat. Et pourtant, c’est la réalité.
Recommandations C’est dans les qualifications de sa population que se trouve le potentiel de l’Europe. Sans infrastructure à tous les niveaux – surtout dans les établissements scolaires et les instituts de formation – l’usage des TIC ne peut être que limité et, sans qualifications, il ne peut produire qu’une valeur économique et sociale limitée. Un meilleur accès aux appareils et à internet est indispensable, de même que des éducateurs mieux formés. Si on ne fait rien, la pénurie de qualifications numériques empêchera l’UE d’être compétitive dans l’économie internationale. À cet égard, la stratégie numérique pour l’Europe propose toute une série d’objectifs d’intégration numérique : notamment, faire passer l’utilisation régulière d’internet de 60 % à 75 % d’ici à 2015 (et de 41 % à 60 % pour les personnes défavorisées) et réduire de moitié le pourcentage de la population n’ayant jamais utilisé internet d’ici 2015 (à 15 %). Pour atteindre ces objectifs, un programme d’action sur la culture et les compétences numérique s’impose. Il comprendrait des interventions d’initiation à la culture numérique pour les groupes en danger d’exclusion, favoriserait des partenariats multipartites et créerait des incitations 56 Manifeste pour les compétences numériques
au secteur privé à lancer des initiatives qui feraient bénéficier tous ceux qui ont un emploi de formations. Il devrait également s’intégrer de manière globale avec des initiatives prises dans le secteur éducatif. Pour répondre au double problème de la productivité et de l’efficacité d’un investissement dans du personnel qualifié en technologie, il est fondamental de mettre en place les mesures suivantes : • Insister davantage sur la gestion des technologies et sur une prise de conscience des bonnes pratiques de gestion. Les managers ont besoin de bénéficier de formations plus poussées, qui comprennent des cours sur la meilleure manière de tirer parti des moyens informatiques ; quant aux pouvoirs publics, ils doivent inciter les entreprises mal gérées à acquérir de meilleures compétences. • Les salariés cybercompétents doivent être encouragés à jouer un rôle actif dans la stratégie de l’entreprise. Trop souvent, le personnel qualifié se trouve relégué à des tâches à des fonctions étroitement techniques, sans avoir la possibilité d’appliquer ses aptitudes de façon innovante, qui stimule leur productivité. • Veiller à ce que les personnes qualifiées améliorent leurs conditions d’emploi. Les rémunérations, et en particulier l’écart défavorable entre les salariés qualifiés et ceux qui ont de l’ancienneté mais moins de qualifications, sont décourageantes pour les jeunes qui débutent. Les entreprises déclarent qu’elles ont des postes non pourvus, mais on cherche en vain de meilleurs niveaux de salaires en Europe pour les professionnels cybercompétents en général. • Changer les perspectives de carrière pour les cybercompétents. Les entreprises les plus prospères sont celles qui ont intégré le logiciel numérique dans leur fonctionnement. Cependant, le personnel capable de les utiliser est rarement en mesure, et encore moins incité, à se lancer dans les carrières les plus attrayantes dans des grands groupes européens. • Les gouvernements doivent veiller à ce que leur usage des compétences numériques soit exemplaire ; que la qualité de leurs services numérisées soient la meilleure possible et qu’ils investissent dans des expérimentations et des modèles de pratiques d’excellence. • Faire en sorte que les compétences élémentaires soient de même niveau dans l’ensemble de l’Union européenne pour que les employeurs sachent mieux repérer les talents. Mieux comprendre les attentes professionnelles sera également profitable aux employés, si les qualifications correspondent aux descriptions des postes.
CHAPITRE 6 LES NOUVEAUX TALENTS NUMÉRIQUES
57
L’augmentation de la productivité grâce aux compétences numériques relève de deux attitudes : la flexibilité à s’adapter aux nouvelles pratiques rapidement et à peu de frais ; et l’innovation. la Commission européenne et les États membres doivent insuffler un enthousiasme pour ces qualités dans l’éducation, dans les services publics et dans les programmes de sensibilisation. Les décideurs politiques, le monde des entreprises, le monde universitaire, les spécialistes des ressources humaines et les chefs d’entreprise doivent prendre ces conseils pratiques en considération.
58 Manifeste pour les compétences numériques
CHAPITRE 7 La grande coalition pour les emplois numériques Unir ses forces et travailler ensemble L’Europe est confrontée à une situation paradoxale : d’un côté, 25 millions de gens sont sans emploi ; de l’autre, dans certains pays, les entreprises ont du mal à trouver des experts qualifiés en technologies numériques. Dans certains pays, plus de la moitié des jeunes qui voudraient travailler sont au chômage. Dans le même temps, il pourrait y avoir jusqu’à 900 000 postes non pourvus dans les technologies de l’information et de la communication d’ici à 2020 si nous ne faisons rien. Cette situation est inacceptable. Pour tirer les leçons de ces statistiques, nous devons nous demander comment les technologies numériques sont en train de transformer la société européenne, son économie et ses marchés du travail et ce que cela signifie pour notre main-d’œuvre. L’économie numérique offre de formidables débouchés aux Européens, mais seulement s’ils possèdent les bonnes qualifications. Nous assistons à un changement profond dans la structuration de la masse salariale : la polarisation des travailleurs faiblement qualifiés et hautement qualifiés. Les Européens faiblement qualifiés sont les plus touchés par la crise économique ; ils ont de plus en plus de mal à trouver un emploi, sont confrontés à la précarité et souffrent de la concurrence de travailleurs moyennement qualifiés, même dans des postes subalternes. Les travailleurs hautement qualifiés, au contraire, vont largement profiter de ce renversement du marché du travail. L’Europe n’est pas la seule dans cette situation ; la même tendance est observable dans le monde entier, par exemple aux États-Unis ou au Canada, mais aussi dans plusieurs pays asiatiques. À la différence de la plupart des autres secteurs de l’économie, l’industrie des TIC crée de nouveaux emplois. Plus de 100 000 nouveaux emplois en technologies de l’information ont été créés en 2012, alors que les emplois dans l’ensemble ont chuté. Les compétences numériques sont très demandées dans tous les secteurs d’activité, pas seulement celui des TIC. Les services financiers, l’énergie, l’automobile, le commerce de détail, la fabrication, le design et bien d’autres sociétés recherchent des experts en TIC. Pratiquement tous les secteurs de l’économie s’appuient sur les outils numériques et sur des gens capables de les concevoir, les utiliser et les entretenir. Tous ont besoin d’experts pour l’informatique en nuage, la confidentialité et la sécurité, l’architecture d’entreprise, le développement d’applications nomades, le broyage de données (« big data analytics ») ou le marketing numérique, pour n’en citer que quelques-uns. Un grand nombre de ces emplois figurent parmi les mieux rémunérés d’Europe.
CHAPITRE 7 LA GRANDE COALITION POUR LES EMPLOIS NUMÉRIQUES
59
Réflexions tirées de la grande Coalition pour les Emplois numériques Il ressort clairement de cette situation que nous devons investir davantage dans la formation en TIC, réformer nos systèmes éducatifs et promouvoir des carrières en technologies numériques, surtout parmi les femmes. Ce n’est qu’avec une main d’œuvre qualifiée en informatique que les technologies numériques continueront à peser dans la croissance et la création de valeur en Europe. Cela nécessite des solutions aussi bien pour le court que pour le long terme. Pour remédier à la pénurie des compétences numériques en Europe et aux centaines de milliers de postes non pourvus en TIC, la Commission européenne a lancé la grande Coalition pour les Emplois numériques (Coalition) en 2013, un partenariat multipartites,. De cette initiative, on peut dès à présent dégager quelques réflexions utiles. La première est que, pour créer une main d’œuvre adaptée à l’ère du numérique, il faut que toutes les parties prenantes – entreprises et pouvoirs publics, écoles et universités – collaborent étroitement. Il faut que les gens soient mieux informés des débouchés passionnants qui s’offrent à eux dans les technologies numériques, dans les petites entreprises comme dans les grandes. Nous devons adapter les programmes scolaires et offrir davantage d’occasions de formations en entreprise. Ce n’est pas une mince tâche et cela demande des mesures décisives, des moyens, et une vision partagée par tous les intéressés. Cette vision s’articule autour de cinq grands buts : (1) Tous les Européens doivent apprendre les bases en TIC au cours de leurs études. Il faut que nous harmonisions les diplômes et les programmes scolaires des écoles et universités d’enseignement professionnel, pour que les étudiants y acquièrent les compétences pour réussir sur le marché du travail. Et notamment des compétences en programmation. (2) Il faut que les jeunes, en particulier les femmes, découvrent que les technologies numériques constituent un choix de carrière intéressant et que des compétences numériques sont essentielles à la réussite professionnelle. Nous devons travailler à démystifier l’informatique : ce n’est pas une profession réservée aux « geeks ». (3) Les modules de formation doivent être mieux conçus, en collaboration avec les employeurs, les sociétés d’informatique et les secteurs traditionnels, pour que les compétences que les gens apprennent soient celles dont les entreprises ont réellement besoin. (4) Une fois que les gens ont achevé leur formation, ils doivent pouvoir obtenir des certifications comparables reconnues par leurs employeurs, et qu’elles soient rémunérées et approfondies.
60 Manifeste pour les compétences numériques
(5) Il faut que les gens vivent là où se trouvent les emplois en TIC. Cela suppose une plus grande mobilité des travailleurs dans l’UE ou de nouvelles approches pour amener le travail là où se trouvent les gens. La deuxième réflexion qui se dégage de la Coalition pour les Emplois numériques est que tous ses participants sont avant tout des acteurs de la transformation. Cinquante-cinq promesses de soutiens ont été faites, certaines par de grosses sociétés, mais aussi des petites, des établissements de formation et des ONG. Ces soutiens s’engagent à offrir des formations, des stages et des emplois ; ou à organiser des carrefours métiers et des journées portes ouvertes pour informer les jeunes sur les carrières en TIC. Nous demandons également aux dirigeants d’entreprises et aux responsables politiques de s’engager à apporter un large appui à la Coalition, en élargissant l’adhésion à d’autres sociétés de TIC et utilisatrices de TIC. Nous voulons que tous les acteurs s’approprient davantage la Coalition et qu’ils se mettent relation avec des organismes pouvant apporter des financement, grâce à la Garantie pour les Jeunes, le Fonds social européen et Erasmus+. La troisième réflexion part du constat que les difficultés sont variables d’un pays à l’autre, il faut que des initiatives aux niveaux national et local complètent l’action au niveau européen, dans un esprit d’authentique subsidiarité. L’UE ne devrait intervenir que dans les domaines où elle procure une valeur ajoutée européenne. Les initiatives nationales et locales peuvent prendre en compte les besoins spécifiques aux niveaux national, régional et local. Plus de dix coalitions nationales et locales ont déjà été lancées, et plusieurs autres vont démarrer dans les mois qui viennent. Le monde se met au numérique, ainsi que le marché du travail. Le défi des cybercompétences va figurer encore quelques temps en tête de l’agenda politique. Des compétences comme la programmation sont le nouveau B-A – BA du savoir élémentaire. Que l’on veuille être ingénieur, designer, enseignant, infirmière ou web entrepreneur, on a besoin de compétences numériques. Nous tous, décideurs de politiques publiques, sociétés, éducateurs et particuliers, nous avons la responsabilité collective de faire en sorte que la main d’œuvre en Europe dispose des bonnes compétences numériques. Les bonnes compétences pour rester à l’avant-garde de la technologie numérique et permettre à nos enfants d’accéder aux emplois de demain.
CHAPITRE 7 LA GRANDE COALITION POUR LES EMPLOIS NUMÉRIQUES
61
CHAPITRE 8 Prospective Avancer et intensifier nos efforts En 2014, l’Europe a cruellement besoin de renouer avec la croissance et la productivité. Les symptômes aigus de la crise financière ont peut-être reculé, mais les maux sous-jacents ne sont pas guéris. L’austérité et les restrictions budgétaires ne peuvent à elles seules relancer la prospérité. Face aux défis durables que constituent le vieillissement de la population, la répartition inégale des soins médicaux, l’inefficacité énergétique et la pollution, les technologies de l’information peuvent changer la donne. L’Europe doit apporter un soutien au développement des bonnes compétences pour croître grâce à l’innovation et l’initiative entrepreneuriale. Comme le déclare Jan Muehlfeit, président de Microsoft Europe et coprésident de l’Association européenne pour les Compétences numériques, « le développement des compétences et de la main d’œuvre sont le pétrole de l’avenir économique de l’Europe ». Et l’innovation, selon le mot de Peter Drucker, père du management moderne, « consiste à apporter une nouvelle capacité à des ressources afin de créer de la valeur ». L’innovation informatique présente certaines particularités qui déterminent la demande de compétences : • La rapidité : Même si le secteur des TIC dépend également d’évolutions à long terme, telles que les nouvelles normes en matière de téléphonie mobile ou la recherche fondamentale dans le domaine des technologies de stockage ou de la conception de processeurs, aucune autre industrie n’a des cycles d’innovation aussi courts. Les compétences sont vite obsolètes et exigent d’être sans cesse réactualisées. • L’interdépendance : Dans les TIC, l’innovation est rarement un phénomène isolé. Des concepts tels que les stratégies de plate-forme sont essentiels à l’industrie. Par conséquent, la demande en compétences est déterminée par les évolutions technologiques et par la dynamique du marché, y compris dans la stratégie. • La dimension sociale : les TIC ont donné lieu à des phénomènes sociaux tels que le développement collaboratif, les médias sociaux et l’externalisation ouverte. Elles modifient l’interaction sociale et les méthodes de travail. Les TIC suscitent donc une demande de compétences dans les domaines sociaux, juridiques et administratifs.
62 Manifeste pour les compétences numériques
• La dimension véritablement planétaire : En dématérialisant les sites de travail, les TIC ont été l’une des premières industries à accéder à une dimension véritablement planétaire. Certains aspects restent locaux, en particulier ceux à l’intersection avec la société, les utilisateurs et les entreprises ; alors que d’autres sont de plus en plus concentrés. Par exemple : pour les services que Google offre dans plus de 100 pays, l’entreprise dispose de seulement dix grands centres de données répartis aux quatre coins du globe. • La dimension entrepreneuriale : L’innovation introduite par les TIC est de plus en plus un phénomène dû à l’ouverture et à des processus comme la gestion d’ « essaimages » et d’entreprises externes ainsi que d’une croissance issue de fusions et acquisitions. Il y a moins de dix ans, des acteurs mondiaux tels que Facebook et Google venaient à peine de voir le jour et en étaient à leurs balbutiements. • La capacité à provoquer transformations et bouleversements : En effet, les TIC déclenchent des vagues d’innovation non seulement par la création de nouveaux produits et services, mais aussi parce qu’elles créent un nouveau centre névralgique au sein de l’entreprise, qui transforme les processus et les modèles d’organisation. En servant de fondement à des modèles économiques entièrement nouveaux, les TIC ont le pouvoir de bouleverser et de réinventer les industries. Il s’agit donc d’aspects importants, qui interdisent de s’en tenir à une vision étroite de compétences numériques dépendant exclusivement des technologies. Quand on possède tout un éventail de compétences, les TIC doivent nécessairement en faire partie. L’éducation est au cœur de la solution. Il nous faut intégrer les compétences numériques et l’enseignement assisté par les TIC plus profondément dans nos systèmes éducatifs, de même que dans la formation continue, y compris des aptitudes au management et des compétences entrepreneuriales. Comme le fait remarquer Michael Gorriz, le DSI de Daimler : « Avoir la possibilité, comme les professionnels des TIC et les employés effectuant des tâches structurées, d’acquérir et de développer les compétences numériques dont ils ont besoin devrait devenir la règle dans notre société. Les grandes organisations ne sont pas les seules à en avoir besoin ; c’est nécessaire aussi pour instaurer petit à petit en Europe une société innovatrice ou ce que l’on appelle parfois une «société de la connaissance». »
CHAPITRE 8 PROSPECTIVE
63
Avertissement L’Europe est en danger. Le vivier qui produit les futurs talents européens en informatique – une discipline et un secteur d’activité essentiel au 21è siècle – est déficient. La possibilité d’utiliser les TIC à bien plus vaste échelle dans l’enseignement primaire et secondaire en les intégrant dans les programmes scolaires reste largement inexploitée. C’est pourtant durant cette période de développement que naît la motivation de poursuivre des études et que les compétences de base s’acquièrent. Les TIC pourraient offrir aux enseignants de nombreuses occasions d’innover dans leur pédagogie, en particulier en rapprochant le monde scolaire des problèmes concrets de la réalité. Il pourrait s’agir par exemple d’utiliser des données ouvertes et en temps réel sur l’environnement ou la circulation routière dans un cours de géographie, d’accéder à des documents historiques dans des bibliothèques numériques dans un cours d’histoire ou de réaliser des analyses d’informations à partir de grands volumes de données réelles dans un cours de mathématiques. Les études d’informatique pèchent des compétences numériques essentielles, par exemple les connaissances relatives à la dimension sociale des TIC, à l’esprit d’entreprise, à l’innovation et à la gestion en général. Ces compétences s’acquièrent le plus souvent après l’obtention du diplôme, au cours de la vie professionnelle. Certaines universités, trop rares, tiennent compte du problème. Ainsi, à l’université de Warwick, en Angleterre, le programme « Key Skills » offre aux étudiants la possibilité de suivre un cycle d’études court pour acquérir ces compétences clés. Le manque de compétences numériques dans l’enseignement primaire, secondaire et supérieur en Europe a créé un marché du travail des TIC où les diplômes universitaires traditionnels ne sont plus le seul critère d’employabilité. En réalité, nombre de professionnels des TIC sont diplômés dans d’autres domaines que l’informatique. Les compétences se démontrent en effet par des réussites obtenues dans un poste qu’on a occupé, au cours d’une carrière, ou bien on se contente de les revendiquer, sans qu’il soit possible de les évaluer et de les vérifier par des preuves officielles.
Le moment est venu d’agir Dans ce Manifeste, des chefs de file de divers domaines d’activité proposent un certain nombre de mesures concrètes destinées à enrichir le vivier de professionnels en TIC, qui permettront, en retour de rajeunir et de pérenniser un secteur des TIC sain et de disposer d’une main-d’œuvre qualifiée plus importante.
64 Manifeste pour les compétences numériques
Commencer dès l’enseignement primaire et secondaire Acquérir des compétences numériques dès le plus jeune âge, de l’école primaire jusqu’au début du cursus universitaire permet de cultiver un esprit d’innovation, qui constituera de plus en plus un atout lorsque l’on entre sur le marché du travail. Menées dans des écoles et des universités et destinées aux enseignants et aux étudiants, des initiatives telles que l’Imagine Cup de Microsoft, le World Ahead Program d’Intel ou la Science Fair de Google, témoignent de l’adhésion de la part de l’industrie autant que de l’intérêt manifesté par les élèves et des étudiants. Depuis son lancement, 1,75 millions d’étudiants originaires de plus de 190 pays ont participé au concours Imagine Cup. Le point commun de ces initiatives, c’est qu’elles font appel à la créativité et à l’esprit d’entreprise, tout en exposant les étudiants à des problèmes qui peuvent être résolus à l’aide des TIC. On pourrait aller plus loin et intégrer ces éléments d’apprentissage dans les programmes scolaires pour favoriser l’innovation dans l’organisation des enseignements (par exemple, en explorant de nouveaux espaces et sujets d’apprentissage), ce qui entraînerait une innovation pédagogique à l’aide des TIC.
Rendre les carrières dans les TIC plus attrayantes Seule une transformation radicale de l’enseignement des TIC parviendra à rendre ce métier attrayant. Les citoyens européens ne se formeront au numérique dans leur métier que lorsqu’ils auront plus de visibilité sur les énormes possibilités et évolutions de carrière offertes par le domaine des TIC. C’est par exemple l’objectif du Portail européen des Carrières et Compétences numériques, qui se propose de rapprocher compétences et emplois, en plus de briser la stigmatisation dont les métiers du secteur des TIC font l’objet. Un changement radical reste nécessaire pour modifier la perception que l’on se fait de l’informatique, principalement les jeunes, les femmes et les salariés seniors. Un moyen serait de faire appel à des « ambassadeurs numériques » en Europe, des représentants issus des TIC, mais aussi d’autres milieux apparentés, tels que des DSI, des entrepreneurs numériques et des scientifiques éminents, qui seraient mis en avant et donnés en exemple. Si l’on ne brise pas les stéréotypes qui enferment les professions des TIC, ils feront obstacle à la croissance des services informatiques et freineront l’innovation métier dans presque toutes les entreprises. Prendre en compte le rôle actif que les femmes peuvent jouer dans les TIC permettrait d’avancer. C’est justement ce que fait le Code des Pratiques d’excellence des Femmes dans les TIC, une initiative de Neelie Kroes, vice-présidente CHAPITRE 8 PROSPECTIVE
65
de la Commission européenne. C’est la première série de mesures pratiques destinées à mettre en avant l’expérience des femmes dans des carrières informatiques. De nombreux partenaires du monde universitaire ou du secteur des TIC y ont adhéré.
Accroître et élargir la collaboration entre le milieu universitaire et l’industrie des TIC Dans un monde des TIC dont l’essentiel des changements se font au rythme effréné des activités des entreprises et des marchés, le milieu universitaire se doit de maintenir un lien étroit avec la profession. À cet égard, des programmes conçus pour l’industrie avec la participation d’universités, comme le projet « Academic Initiative » d’IBM ou le programme « Academic Alliance » de Microsoft, méritent d’être signalés. Une première mesure a été de mettre des produits et des services à la disposition des universités gratuitement ou à prix réduit. Ensuite, nouvelle étape, des centres de données d’envergure industrielle et des environnements d’analyse de grands volumes de données ont été mis en place, telle la campagne d’information sur l’informatique en nuage, la « Cloud Computing University Initiative » d’IBM et de Google. L’industrie des TIC s’est lancée dans des centres de recherche sur les campus, des échanges de personnel et de nouvelles formes de coopération. L’université finlandaise Aalto, créée en collaboration avec le groupe Nokia et d’autres partenaires industriels, en est un exemple. En mettant à la disposition des étudiants des locaux communs pour la conception et les services, elle soutient leur activité entrepreneuriale et leur participation à des projets d’innovation. Les industriels conseillent également les universités sur les moyens d’améliorer et de compléter les cours d’informatique et les programmes d’études connexes. La campagne « Service Science » d’IBM, qui promeut des programmes d’innovation dans les TIC pour la création de systèmes de services complexes tels que les soins de santé et l’énergie, en est un exemple. Il y a place pour une meilleure collaboration entre les organismes de formation privés en informatique, l’industrie et le monde universitaire. On touche ici au sujet, déjà abordé dans cet ouvrage, la certification à proposer en complément des diplômes universitaires. Les compétences qui font l’objet d’une certification sont celles qui répondent à des demandes précises du marché, par exemple la maîtrise des méthodes de développement de logiciels et de la formation sur les produits, ou des langages de programmation spécifiques. Une certification peut compléter une formation universitaire plus générale par des éléments spécifiques qui permettent à un employeur d’évaluer les compétences d’un professionnel des TIC sur une tâche, une technologie ou un outil. Une certification telle qu’elle est décrite ici répond aussi au problème de la gestion de la qualité et du rythme d’évolution du marché des TIC, qui rend les qualifications spécifiques vite obsolètes. 66 Manifeste pour les compétences numériques
Promouvoir des normes de certification européennes Donner des professionnels des TIC une image positive encourage l’acquisition de connaissances de pointe. Lorsque l’on considère l’investissement que représente l’apprentissage de compétences dans un secteur particulier, la certification constitue un point de référence très important, car elle encourage la mobilité des professionnels et offre une justification au développement de structures professionnelles attrayantes. À cet égard, le Référentiel européen des compétences numériques (eCF) offre un cadre européen consensuel et multipartite pour les compétences des professionnels du domaine des TIC dans tous les États membres et dans toutes les industries. Le référentiel dispose du potentiel pour devenir un atout majeur pour l’Europe. Fruit d’un ambitieux travail de lancement par l’INSEAD, les recommandations européennes pour les compétences numériques dans les programmes scolaires, alignées sur le référentiel eCF, distingue les professionnels des TIC par un programme d’études normalisé. Il vient conforter le rôle des universités européennes dans la formation de professionnels des TIC et de responsables disposant de compétences numériques en Europe. Et il est certain que c’est un pas dans la bonne direction.
Partenariats pour l’innovation dans l’enseignement des TIC et le développement des compétences numériques Les gouvernements, l’industrie et le monde universitaire doivent travailler en étroite collaboration pour que l’Europe puisse disposer des e-compétences pointues nécessaires aux nouvelles approches comme le Cloud, les TI vertes, la cyber-sécurité, l’interopérabilité et l’e-santé. Les compétences nécessaires pour assurer le succès de l’industrie des TIC devront évoluer et s’aligner sur les nouveaux flux de croissance. L’impact des compétences numériques sur des secteurs tels que la santé va modifier et améliorer notre stratégie pour affronter certains des plus grands défis de la société. Certaines organisations, à travers Europe, s’occupent de faire progresser l’enseignement de l’informatique et les compétences numériques. En voici quelquesunes : l’Association européenne pour les compétences numériques (European e-Skills Association – EeSA), L’Association européenne pour les Compétences numériques (EeSA); Le Groupe européen pour l’Apprentissage de l’Industrie (ELIG); La European Foundation for Management Development (EFMD); European Schoolnet (EUN); DIGITALEUROPE etc. Chacune contribue à atteindre les objectifs plus vastes exposés dans ce Manifeste et, d’une manière générale, fait progresser la stratégie de la Commission européenne sur les compétences numériques sur le terrain. CHAPITRE 8 PROSPECTIVE
67
Prêts à franchir les prochaines étapes, l’Europe et les États membres doivent à présent traduire en actes les recommandations qui viennent d’être proposées. Un investissement concerté et de grande ampleur est requis de tous pour que l’Europe puisse profiter pleinement d’une compétitivité renforcée, d’une croissance plus forte et d’emplois plus nombreux et de meilleure qualité. Voici, en résumé, les défis qui restent à relever : • Créer les compétences numériques intégratives nécessaires aux professions du secteur des TIC de l’avenir ; • Promouvoir le rôle des TIC et de l’apprentissage assisté par les TIC dans l’enseignement primaire et secondaire afin d’éveiller l’intérêt et la motivation des élèves et des étudiants pour des carrières dans ce domaine ; • Élargir et améliorer les programmes d’études dans le domaine de l’informatique et des disciplines connexes afin de s’attaquer aux défis à venir dans le secteur des TIC ; cela implique une rupture avec l’approche essentiellement technique de la discipline ; • Créer de nouveaux modèles de partenariat entre le secteur privé et le monde universitaire, en particulier pour favoriser la participation des étudiants dans l’innovation basée sur les TIC et soutenir l’apprentissage entrepreneurial ; • Compléter les diplômes universitaires par des qualifications informelles mises en place par l’industrie selon des normes acceptées à l’échelle européenne et des programmes de certification.
68 Manifeste pour les compétences numériques
BIOGRAPHIES DES PRINCIPAUX CONTRIBUTEURS Gilles Babinet Défenseur du numérique en France Au titre de « Digital Champion », c’est-à-dire responsable des enjeux de l’économie numérique pour la France, Gilles Babinet œuvre pour créer une culture de l’innovation dans l’enseignement. C’est le président de CaptainDash et l’ancien président du Conseil national du Numérique. Professeur Martin Curley Vice président et directeur de Intel Labs Europe, Intel Corp. En qualité d’ingénieur en chef et de vice président des laboratoires d’Intel, Martin partage la responsabilité de plus 4000 chercheurs et développeurs en Europe. Au cours de sa carrière, il a occupé des rôles de directeur internationale des système d’information, d’automatisation et de recherche à Intel, General Electric et Philips. Martin a cofondé l’IVI (Innovation Value Institute) en Irlande et il est actuellement coprésident du Groupe de définition de politiques et de stratégies en innovation ouverte de l’UE. Il est également chargé de rôles de conseil à l’échelle européenne sur les TIC et la mesure de l’innovation. Dr Michael Gorriz DSI et directeur de la gestion informatique, Daimler AG Le Dr Michael Gorriz occupe le poste de directeur des systèmes d’information (DSI) chez Daimler AG depuis janvier 2008, après une longue carrière d’informaticien à différents postes chez Daimler et dans le secteur aéronautique. Il est chargé de la stratégie, de la planification et du développement de tous les systèmes informatiques ainsi que l’exploitation de tous les centres de données et des réseaux de communication de Daimler AG. Avant cela, il a assumé la direction de l’informatique dans divers services de Daimler en qualité de vice président, ainsi que de systèmes dans le monde entier. En 2009, les revues allemandes CIO et Computerwoche ont attribué au Dr Michael Gorriz le titre de « DSI de l’année » pour les grandes entreprises.
BIOGRAPHIES DES PRINCIPAUX CONTRIBUTEURS
69
Peter Hagedoorn Secrétaire général, Association européenne des DSI Peter est secrétaire général de l’Association européenne des DSI (autrefois l’EuroCIO) depuis 2011. Il a fondé la plateforme des DSI néerlandais en 2004. Il a plus de vingt années d’expérience dans des entreprises du secteur informatique, à des postes de DSI et de vice président, notamment chez Hagemayer et OcéNV, des multinationales néerlandaises, et dans des postes de conseil au sein de sociétés publiques et privées en Europe. Birgit Hanny Directrice générale adjointe, ASIIN Birgit occupe des fonctions de haute direction et de conseil pour l’agence d’accréditation ASIIN. Elle travaille à l’élaboration et au renforcement de critères et de principes sur les modalités de l’assurance qualité externe dans l’enseignement supérieur et participe à des services de conseil et d’évaluation pour des organismes qui interviennent dans l’éducation ou la recherche. Avant cela, Birgit était consultante expert pour KPMG (BearingPoint), à la fois pour le secteur de la finance et le secteur public. Dr Lex Hendriks Consultant en connaissances des entreprises, EXIN Avec plus de 25 années d’expérience en informatique, en gestion de services informatique, formation et certification, Lex a contribué au programme de certification de l’ITIL au programme de gestion de services informatique de l’EXIN, dont elle a été l’un des architectes. Il a également participé à plusieurs projets sur les compétences numériques, dont le projet de labels de qualité pour les compétences numériques de la Commission européenne, dirigé par empirica. Lex a publié plusieurs articles sur la recherche assistée par ordinateur en logique mathématique et théorie de la conception. Edit Herczog Ancienne députée européenne et responsable de la Fondation pour l’internet européen Dans ses fonctions de député européen, Edit a passé la dernière décennie au Parlement européen à défendre la compétitivité et la prospérité. Au service du Comité sur l’industrie et le budget, elle luttait pour le meilleur usage des biens de production européens. Le développement de ressources humaines, l’agrandissement de notre vivier de talents et la transition numérique sont ses principaux chevaux de bataille. En qualité d’ambassadrice des compétences numériques pour la Fondation de l’internet européen, elle fait campagne sur la nécessité d’assister aussi bien les jeunes que les personnes âgées pour qu’ils aient toutes les chances de profiter du numérique. Edit a travaillé dans le secteur privé dans le domaine des produits chimiques spécialisés. 70 Manifeste pour les compétences numériques
John Higgins CBE, Directeur général, DIGITALEUROPE La carrière informatique de John s’est d’abord déroulée chez Ernst & Young, d’abord à un poste d’analyste de systèmes, puis il a occupé des postes de conseiller expert, avant d’entrer dans la firme californienne dot. com, Rocket Networks, dont il a été le PDG. John a été nommé directeur général de DIGITALEUROPE en 2011, après avoir occupé des postes équivalents au Royaume-Uni. Il est membre du conseil de direction de l’université de Warwick, et il a présidé des comités pour la Confederation of British Industry and World IT Services Association (confédération d l’Industrie britannique et de l’Association des Services informatiques dans le monde). John est membre de la Royal Society of Arts et a été nommé « commandeur de l’Empire britannique » en 2005 pour services rendus à l’industrie informatique au Royaume-Uni. Tobias Hüsing Consultant de recherche expert, empirica Le travail de Tobias consiste en recherches et en conseils sur les politiques d’e-leadership et de cybercompétences, et sur le marché du travail, ainsi qu’en élaboration de politiques sur la recherche, l’innovation et les transferts de connaissances. Il coordonne actuellement l’étude sur les compétences d’e-leadership pour les PME, pour le compte de la Commission européenne. Chez empirica, Tobias dirige l’équipe chargée des prévisions sur l’offre et la demande en compétences numériques, d’analyser les observations tirées du marché du travail et le système de fourniture d’études et de formation en compétences numériques et en e-leadership. Dr Bruno Lanvin Directeur général, INSEAD eLab Dans ses fonctions de directeur exécutif du laboratoire numérique de l’INSEAD est à la tête des divers travaux sur l’innovation menés par cet institut (le modèle de préparation à l’innovation ; l’indice planétaire de l’innovation). À travers son travail de rédaction de l’Indice des Technologies de l’Information dans le Monde et du Rapport sur les Technologies de l’Information dans le Monde, il participe aussi depuis longtemps au Forum économique mondial. La carrière de Bruno comprend des rôles de direction exécutive à la Banque mondiale et aux Nations Unies, où il a été chef de cabinet du directeur général ; chef de la planification stratégique et chef de l’unité de compétitivité commerciale des PME.
BIOGRAPHIES DES PRINCIPAUX CONTRIBUTEURS
71
Simon Robinson Directeur, empirica Simon dirige des équipes de conseil et de recherche chez empirica, qui travaillent sur l’innovation ; l’administration dans le domaine de la recherche ; le transfert de connaissances ; l’innovation dans les domaines de la santé et des soins sociaux et l’évaluation des interventions publiques, notamment les grandes actions d’économies d’énergie dans l’UE. Dans le domaine des compétences numériques, il est à l’origine de l’approche prise par les « Directives européennes et les labels de qualité pour les études en e-leadership » pour les DG Entreprises et Industries et à présent, il coordonne des travaux sur les Directives européennes et les labels de qualité pour les nouvelles études. Professeur Sharm Manwani Professeur exécutif chargé du leadership informatique, école de commerce d’Henley, Université de Reading À la fois enseignant et chercheur, Sharm a pour spécialités l’entreprise et l’intégration des TI, au niveau de la stratégie, l’architecture et des programmes sur le changement. Il a créé le mastère très réputé de Deutsche Telekom en gestion de l’information dans l’entreprise. Sharm a occupé des postes de DSI européen chez Diageo et Electrolux. Il fait partie du jury de grands prix décernés par le secteur de l’informatique et il a donné plusieurs conférences académiques et professionnelles. Son livre sur le changement dans l’entreprise grâce à l’informatique intitulé : Successful Management (« Réussir dans le management »), a été publié avec le concours de la British Computer Society. Dr Clare Thornley Associée de recherche, Innovation Value Institute (IVI) Clare travaille en particulier dans les domaines suivants : la récupération d’informations ; les nouvelles façons de mesurer l’impact de la recherche pour inclure son influence sur la théorie et la pratique ; la gestion de l’information pour améliorer la performance ; la déontologie et la philosophie de l’information. Elle est associée de recherche à l’IVI depuis septembre 2013 et a été membre de l’équipe affectée au projet « Compétences numériques : la dimension internationale et l’impact de la mondialisation ». Elle a également une vaste expérience de l’enseignement et de la formation et a enseigné sur la récupération d’informations et les politiques de recherche dans des universités britanniques et irlandaises. Les docteurs Marian Carcary et Eileen Doherty, associées de recherche à l’IVI, ont aidé Clare dans la rédaction de son article pour le Manifeste.
72 Manifeste pour les compétences numériques
Freddy Van den Wyngaert DSI du groupe Agfa-Gevaert Freddy a plus de trente années d’expérience comme informaticien, à la fois en Europe et aux États-Unis. Il est vice président et responsable en chef de l’information pour les services communs internationaux d’ « Agfa ICS » (services d’information et de communication) et il occupe également les fonctions de président du conseil d’administration de l’Association européenne des DSI (EuroCIO). Avant d’entrer chez Agfa-Gevaert, Freddy a travaillé à divers postes de direction de services informatiques et commerciaux chez ExxonMobil Chemical. Freddy est membre du conseil d’ADM, un réseau d’entreprises/de sociétés d’informatique en Belgique, et président du conseil du CIOforum pour l’entreprise belge. Dr Desirée van Welsum Consultante-expert en politiques des TIC, la Banque mondiale Spécialisée dans les retombées économiques des technologies de l’information et des communications, Desirée van Welsum est consultante-expert en économie et en politiques. Elle a plus de dix ans d’expérience dans la recherche économique appliquée et l’analyse des politiques dans les secteurs privés et public de l’économie, après avoir travaillé tour à tour à l’OCDE, à l’ONU, (UNCTAD et ITU), au Conseil de la Conférence et à l’Institute of Economic and Social Research (NIESR). Elle a aussi conseillé le Groupe RAND, l’INSEAD et la Commission européenne. Elle a publié de nombreux ouvrages traitant des retombées des TI, notamment sur la croissance et la productivité, l’innovation, l’emploi et les compétences, les échanges de services, ainsi que la délocalisation à l’étranger et la sous-traitance.
BIOGRAPHIES DES PRINCIPAUX CONTRIBUTEURS
73
RELECTEURS Emma Bluck, directrice, Gold Spark Consulting et consultante, European Schoolnet Patrice Chazerand, directeurchargé de l’économie numérique et des groupes d’échanges commerciaux, DIGITALEUROPE Alexa Joyce, directrice des politiques, de l’enseignement et l’apprentissage, Microsoft Marianne Kolding, vice présidente du groupe de recherche des services européens d’IDC Jonathan Murray, directeur, DIGITALEUROPE Andrea Parola, directeur général, European e-Skills Association Christel Vacelet, chargée de communications, European Schoolnet
BIBLIOGRAPHIE ET RÉFÉRENCES Ala-Mutka, K., Punie, Y., & Redecker, C. (2008). “Digital Competence for Lifelong Learning” Note de synthèse. Commission européenne Notes techniques du JRC ( JRC48708). Andersson, T., Curley, M., et Formica, P. (2010). “Knowledge driven entrepreneurship. The key to social and economic transformation”. Springer. ACS (2014). Études de cas de l’Australian Computer Society Code of Professional Conduct Agresti, W. (2008). “An IT body of knowledge: The key to an emerging profession”, IEEE IT Professional, novembre-décembre 2008, pp 18-22. Avolio, B.J., Kahai, S. et Dodge, G.E. 2001. “e-Leadership: Implications for Theory, Research, and Practice”. Leadership Quarterly, 11(4): 615-668. Bilbao, B., Dutta S. et Lanvin, B. (2014) – “The Rewards and Challenges of Big Data”, Global Information Technology Report, Cornell-INSEAD-Forum économique mondial. Bresnahan, T., Brynjolfsson, E., et Hitt, L. (2002) “Information Technology, Workplace Organization, and the Demand for Skilled Labor: Firm-Level Evidence”. Quarterly Journal of Economics, Vol. 117 pp. 339-376 Carcary, M., Sherry, M., McLaughlin, S. et O’Brien, C. (2012). “Career development for ICT professionals: driving transparency in educational attainment”. Cattaneo, G., Husing, T., Kolding, Korte, W.B., et M. Lifonti, R. (2009). “Monitoring e-Skills demand and supply in Europe. Current situation, scenarios, and future development forecasts until 2015”. Cedefop. “Skill supply and demand in Europe. Medium Term forecast up to 2020”. CEN (2008). CWA 15893-1:2008. Référentiel européen des compétences numériques – 1ère partie : le référentiel. Atelier sur les compétences en TIC du CEN. BIBLIOGRAPHIE ET RÉFÉRENCES
75
CEN (2012). CWA 16458. Les profilss professionnels européens en TIC. Atelier sur les compétences en TIC du CEN Clayton, T. et Welsum, D. (2014), “Closing the Digital Entrepreneurship Gap in Europe: Enabling Businesses to Spur Growth”, Rapport d’activité du conseil de la conférence, p 425, 2014. Autorité danoise sur les entreprises et Commission européenne(2012). Conférence européenne au sommet : “A Single Digital Market by 2015 – A driver for economic growth and jobs”. Denning, P.J. et Frailey, D.J. (2011). “The profession of IT. Who are we now?” Communications de l’ACM. 54(6), 2011, p25-27. Devillard, S., Desvaux, G., & Baumgartner, P. (2007). “Women Matter. Gender Diversity a corporate performance drive.” McKinsey & Company. DIGITALEUROPE Dolton, P., & Pelkonen, P. (2008). “The wage effects of computer use. Journal of Industrial Relations”, 46 (4), 587-630. Commission européenne, direction générale pour l’éducation et la culture (2007). “The Key Competences for Lifelong Learning – A European Framework”. Journal officiel, L 394. Commission européenne (2008). Rapport sur la démographie. “Meeting Social Needs in an Ageing Society”. Commission européenne(2011). “Employment and Social Developments in Europe.” Direction générale pour l’emploi, les affaires sociales et l’insertion. Commission européenne(2014). “Measuring Digital Skills across the EU: EU wide indicators of Digital Competence”. EuroCIO (2012). Programme d’enseignement exécutif de l’Association européenne des DSI. Commission européenne (2014). “e-Skills: The International Dimension and the Impact of Globalisation”. IVI, CEPIS, IDC et Empirica. European e-Skills for Jobs (Compétences numériques pour l’emploi) Forum européen pour les compétences numériques (2004). “e-Skills for Europe: Towards 2010 and Beyond”. Rapport de synthèse 76 Manifeste pour les compétences numériques
Fondation européenne pour le développement du management Institut européen de l’innovation et de la technologie Groupe industriel pour l’apprentissage européen Parlement européen, & Conseil (2004). Décision n° 2241/2004/ce du Parlement européen et du Conseil sur un cadre communautaire unique pour la transparence des qualifications et des compétences (Europass). Journal officiel, L 390/6 Parlement et Conseil (2006). Recommandation 2006/962/CE du Parlement européen and et du Conseil sur les compétences clés pour un apprentissage tout au long de la vie. Journal officiel, L 394. European Schoolnet European Schoolnet (2013) Rapports de réflexions par pays European Schoolnet et l’Université de Liège (2013). “Survey of Schools: ICT in Education. Benchmarking access, use and attitudes to technology”. Eurostat (2014) Statistiques du chômage dans l’UE-27, AE-17, les États-Unis et le Japon, après correction des variations saisonnières, janvier 2000-2012 Eurostat (2014) Statistiques du chômage des jeunes dans l’UE-27, AE-17, après correction des variations saisonnières, janvier 2000-2012 Eurostat 2013). Statistiques sur les études de troisième cycle. Fonstad, N.O, et Lanvin B. (2010). “European e-Competence Curricula Development Guidelines” – Rapport final. Forge, S., Blackman, C., Bohlin, E., & Cave, M. (2009). “A Green Knowledge Society. An ICT policy agenda to 2015 for Europe’s future knowledge society”. SCF Associates Ltd. Gareis, K., Hüsing, T., Bludova, I. Schulz, C., Korte, W.B. (2014) “e-Skills: Monitoring and Benchmarking Policies and Partnerships in Europe”. Green, J. (2007). “Democratizing the Future. Towards a new era of creativity and growth”. Philips Design. Hagel, J., Brown, J. S., & Davidson, L. (2009). “Measuring the Forces of Long Term Change: The 2009 Shift Index”.
BIBLIOGRAPHIE ET RÉFÉRENCES
77
Hasebrink, U., Görzig, A., Haddon, L., Kalmus, V., Livingstone, S., & membres du réseau des jeunes Européens en ligne (2011). “Patterns of risk and safety online. In-depth analyses from the EU Kids Online Survey of 9- to 16-year-olds and their parents in 25 European countries.” Programme de la Commission européenne sur la sécurité sur internet Hüsing et al. (2012). “e-Leadership: e-Skills for Competitiveness and Innovation Vision, Roadmap and Foresight Scenarios”. Rapport final de l’étude “Vision, Roadmap and Foresight Scenarios for Europe 2012-2020”. IDC (2009), “Post Crisis: e-Skills are needed to Drive Europe’s Innovation Society”, Livre blanc. IVI et CEPIS (2012). “e-Skills and ICT Professionalism – Fostering the ICT Profession in Europe”. i2010. Groupe de haut niveau (2009) “Benchmarking Digital Europe. 20112015 a conceptual framework”. i2010 Espace Information. Recherche sur les LIT Kolding, M., Robinson, C., & Ahorlu, M. (2009) “Post Crisis: e-Skills are needed to Drive Europe’s Innovation Society”. Livre blanc de l’ICD Lanvin, B. et Evans, P. (2013), Rapport sur la compétitivité des talents dans le monde, INSEAD-HCLI-Adecco, novembre 2013. Lanvin, B. et Fonstad, N. (2009), “Who cares? Who dares? Providing the skills for an innovative and sustainable Europe”, INSEAD. Lanvin, B. et Fonstad, N. (2010), “Strengthening e-Skills for Innovation in Europe”, INSEAD eLab, 2010. Le Monde (2005). « L’Europe est la dernière utopie réaliste » (Interview de Mario Vargas Llosa). Livingstone, I., & Hope, A. (2011) “Next Gen. Transforming the UK into the world’s leading talent hub for the video games and visual effects industries”. Livingstone, S., & WanMedia, Y. (2011). “Literacy and the Communications Act. What has been achieved and what should be done”. Projet de la LSE sur les politiques sur les médias. Mann, A. (2012). “It’s who you meet: why employer contacts at school make a difference to the employment prospects of young adults”.
78 Manifeste pour les compétences numériques
Molinsky, A., Davenport, D., Iyer, B. et Davidson, C. (2012) “Three skills every 21st century manager needs”. Harvard Business Review, pages 139-143 (HBR Reprint R1201N). Murray, J. et Welsum, D. (2014), “Information Technology’s Triple Threat”. Nef consulting. Social Return On Investment (SROI). Nordberg, D. (2008). “Designing business curricula: building relevance into higher education”, International Journal of Management Education, 7(1): 81-86. OCDE 2010. « La Stratégie de l’OCDE pour l’innovation : Pour prendre une longueur d’avance ». Peppard, J. et Thorp, J. (2013). “What Every CEO Should Know and Do about IT”, disponible auprès de Joe.Peppard@esmt.org Renkin, T. (2012). “The global race for excellence and skilled labour”, Deutsche Bank/DB Research, Current Issues/Technology and Innovation, 5 mars 2012, Francfort-sur-le-Main. ROSE (2012). “The Relevance of Science Education”. Sherry, M., Carcary, M., McLaughlin, S. et O’Brien, C. (2013). “Actions towards maturing the ICT profession within Europe”. International Journal of Human Capital and Information Technology Professionals. 4 (1), 46-61. The Economist (2008), “How technology sectors grow – Benchmarking IT industry competitiveness”. Toohey, S. (1999). “Designing Courses for Higher Education”. Buckingham: Society for Research into Higher Education and the Open University Press. Weckert, J. et Lucas, R. (2013). “Professionalism in the Information and Communication Technology Industry”. ANU Press, Canberra.
BIBLIOGRAPHIE ET RÉFÉRENCES
79