Vu comme ça

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vu comme ça

© SALT.

Le magazine de votre attente

Ciné

Wim Wenders revisite l’esprit Cinnecita pour Persol

éco

Joseph Stiglitz : « L’inégalité est un choix »

Life Style

La barbe, nouvelle identité masculine

Innovation

Google, vers l’humanité 2.0

Santé Visuelle Optique de contact, les 5 règles d’or


Photo Marc Forzi - Modèle RIVAGE - Photo non contractuelle

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vu comme ça

02 édito

”Vu comme ça”, le magazine de vos attentes

04 Société

Produire en France

08 économie

Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’Economie : « L’inégalité est un choix »

12 Innovation

Google : vers l’humanité 2.0

14 recherche

CLM Communication Vu Comme ça 69A rue de Paris – 91400 Orsay Tél. : 01 60 92 53 26 Fax : 01 60 92 53 52 info@clm-com.com

Vision et neurosciences : Essilor et l’Institut de la Vision s’engagent

16 Inspirations

Lucas de Staël, l’Atelier des Inspirés

www.clm-com.com

20 Contours de la mode

Salt., inspiré par l’évidence et la beauté des Grands Dehors

Gérant-Directeur de la publication Gérard Larnac

24 C’est tendance

Rédaction Directeur de la rédaction : Gérard Larnac g.larnac@clm-com.com

Urban Trends

30 Fashion Market

Carven : So Chic, So Paris

Publicité Responsable Commercial – Publicité : Didier Gaussens d.gaussens@clm-com.com

32 Design impulse

Parasite Odyssée de l’espace

34 Life Style

Abonnement-Petites Annonces Directrice Administrative : Martine Cabirol m.cabirol@clm-com.com

La barbe, la nouvelle identité masculine

38 ciné

Wim Wenders revisite l’esprit Cinnecita pour Persol

Directeur Artistique Jean-Christian Hunzinger www.exatypo.com CLM Communication décline toute responsabilité sur les documents qui lui sont confiés, insérés ou non. Les textes, dessins et photos ne sont pas rendus. Les textes sont publiés sous la responsabilité de leur auteur. La reproduction intégrale ou partielle de la présente publication est interdite (loi du 11 mars 1957) sauf autorisation expresse de l’éditeur ou du Centre Français d’exploitation du droit de copie, 3 rue Hautefeuille, 75006 Paris.

Vu Comme ça est une publication CLM Communication SARL au capital de 7622 euros.

40 culture

Sepik, la fascinante expo à toucher du doigt

#01

42 destination voyage Treno Notte

44 photo

L’œil nomade : chroniques photographiques de Pierre Rocher

46 Santé Visuelle

Lentilles de contact et entretien : les 5 règles d’usage à ne pas perdre de vue

48 idées shopping

© CLM Communication

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édito

”Vu comme ça”, le magazine de vos attentes

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a vue, c’est d’abord et avant tout la vie qui va avec. Bien voir c’est vivre bien : des individus plus épanouis, mais aussi plus efficaces et plus productifs (au travail, à l’école). Mais c’est aussi une garantie de sécurité (« au volant la vue c’est la vie », dit un célèbre slogan de la prévention routière) et de santé générale : la pleine possession de ses moyens sensoriels ralentit l’évolution des maladies neurodégénératives. Sans oublier naturellement le plaisir du look, de la mode et de la beauté, dans une société où l’apparence a pris une importance considérable. Les lunettes ne font pas écran, elles font lien. En cela ce sont des objets altruistes, tournés vers l’autre. La vue est le sens de la compétence sociale, de l’attention à l’autre et de la construcLa vue est le sens tion de soi. de la compétence sociale, De sorte que l’ensemble de la chaîne des prode l’attention à l’autre et fessionnels de votre santé visuelle, ophtalde la construction de soi. mologiste, opticien, orthoptiste, joue un rôle capital dans la qualité et de confort de vie de chacun. Il fallait bien un magazine pour lui tirer son chapeau ! « Vu comme ça », le magazine de votre salle d’attente, veut accompagner vos réflexions en donnant du sens au train d’information qui nous embarque quotidiennement : société, innovation, culture… Parce que vous êtes curieux de tout nous sommes curieux de tout ! Et bien sûr du « life style », du design, de la mode, avec les toutes dernières tendances « lunettes » ! Enfin, des conseils en santé visuelle, recueillis auprès des experts de la spécialité, vous permettront à chaque numéro de mieux vivre votre vision. « Vu comme ça », la vue est belle ! La rédaction

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#DontCrackUnderPressure

TAG HEUER RACER 2

Nerves of steel. Courage. Focus. These are the qualities needed by all free-riders when they challenge the elements of nature. Like TAG Heuer, they keep redefining physical and mental boundaries, and never crack under pressure.


société

Produire en France :

c’est juste, c’est nécessaire, c’est rentable ! ArnAud Montebourg et Yves Jégo sont à l’initiAtive des preMières Assises du produire en FrAnce qui se sont tenues le Mois dernier à reiMs. l’occAsion d’une réFlexion ApproFondie sur le MAde in FrAnce et les phénoMènes de ré-industriAlisAtion. d’AutAnt que lA Filière optique s’est déJà très ForteMent Mobilisée.

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es 1ère Assises du Produire en France se sont déroulée à Reims les 10 et 11 septembre derniers. À la suite de « Vive la France », une initiative ayant pour but de défendre la fabrication et le savoir-faire français, Yves Jégo et Arnaud Montebourg, à l’initiative de ces journées, se sont réunis au-delà de leurs différences politiques dans le partage d’une valeur commune : le « patriotisme économique ».

Yves Jégo, président fondateur de l’association Pro France : « Nous adressons aujourd’hui un triple message : 1. Dire aux consommateurs : « Vous êtes les acteurs

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de l’économie et vous devez faire de l’origine un critère dans la prise de décision » ; 2. Dire aux entrepreneurs : « Vous êtes les moteurs de l’économie et nous devons vous aider » ; 3. Dire enfin que la « marque France » pèse lourd à l’étranger. Il est bon, à travers la dépression que nous traversons, de regarder la France à travers les yeux des autres. Les entreprises et les consommateurs accordent une place de plus en plus importante à la transparence sur l’origine des produits ; c’est la raison d’être du label Origine France Garantie. Seul et unique label transversal et de certification de l’origine française, son principe est simple : au moins 50% du prix de revient unitaire est acquis en France ; le lieu où le produit prend ses caractéristiques essentielles est situé en France. En moins de cinq ans d’existence, plus de 1500 gammes de produits ont été labellisées dans plus de 450 entreprises, ce qui représente des milliers de références commerciales. » On l’a amèrement constaté depuis une bonne trentaine d’année : quand l’industrie s’en va, la recherche et l’innovation ne tardent pas à suivre. La désindustrialisation a progressivement laminé les compétences, les savoir-faire ; et il n’est pas jusqu’aux formations qui ne disparaissent. Depuis quelques années un mouvement inverse s’est opéré : la relocalisation, liée à la création de pôle de compétitivité (70 sur tout le territoire) entame un cercle vertueux où,


Photos © Michel Jolyot

de nouveau, production et innovation s’alimentent mutuellement. Pour autant cette ré-industrialisation se fait surtout à l’aide de la robotique ; de sorte que la création d’emplois reste modeste au regard de ce qui a été détruit. Mais la ré-industrialisation est bien à l’ordre du jour, et la volonté est bien là : le retour de l’Etat stratège et facilitateur, même si on est loin de la planification des années 60-70, permet de définir des priorités en concertation avec les industriels, avec une trentaine de plans d’action. Sur le rôle des Pouvoirs publics sur le marché, Christine Lorimy, chef d’entreprise, est enthousiaste : « C’est la région qui a réglé la « tripaille administrative » afin de m’ouvrir le marché chinois, bien que je ne représente qu’une TPE de 10 salariés ! ». Avec le CICE et les lois Macron l’Etat n’apparaît plus comme ce monstre paperassier et résolument antientreprise ; et privé et public n’ont jamais été aussi près de coopérer en bonne intelligence. Au cours de ces Assises le modèle allemand est resté bien entendu au cœur des interventions, et plus précisément le tissu du Mittelstand. Le « Mittelstand », c’est la formidable pépinière de petites et moyennes entreprises (PME) allemandes. Celles-ci emploient outre-Rhin plus de 70 % des salariés du privé. Fortement exportatrices, elles sont aussi très ancrées dans les territoires. « À partir des années 80, explique Laurence Parisot, présidente d’honneur du MEDEF, avec la mise en place de l’impôt sur la fortune (ISF)

Made in, made by, made of Où l’apport de la langue anglaise au business s’élargit... Au-delà du « made in », qui ne signifie plus grand-chose et se retrouve largement supplanté par le label Origine France Garantie, deux autres concepts : le « made by » et le « made of ». Le « made by », c’est la garantie inhérente à toute marque forte. Le nom vaut engagement de qualité ; et de plus en plus engagement social et environnemental. Le « made by », c’est l’assurance par le prestige d’une signature internationale. En revanche, si la dimension éthique peut être présente, rien n’est dit quant à la défense des emplois sur le territoire national. Il s’agit au contraire de grands acteurs mondialisés dont l’apport en termes de relocalisation reste faible. Le « made by », longtemps dominateur, a été éclipsé en France par l’arrivée du label Origine France Garantie, plus drastique et donc plus fiable pour le consommateur que le simple « made in ». Le « made of » signifie « conçu en » : c’est une signature stylistique, déjà utilisée en publicité mais qui n’est pas encore un label. Contrairement au « made by » déterritorialisé, le « made of » implique bien une relocalisation de la conception sur le territoire national. C’est en fait l’assurance que la valeur ajoutée créative a bien été réalisée dans le pays mentionné, même si l’industrialisation se fait ailleurs. Le « made of » rappelle que la relocalisation industrielle ne peut pas compenser les destructions passées et qu’aujourd’hui le développement des emplois passe par la défense des compétences créatives de haut niveau.

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les entreprises familiales françaises se sont vendues à de grands groupes. L’Allemagne possède moins de champions du CAC 40, nés chez nous du rachat des pépites nationales, mais plus d’entreprises du Mittelstand. » Jean-Pierre Champion, directeur général de Krys Group : « Il est toujours possible de retrouver de la compétitivité en se positionnant sur le haut de gamme et la valeur ajoutée ; et en nous transformant nousmême. C’est ce que nous avons fait chez Krys Group, puisque de distributeur nous sommes également devenus fabricants. Nous avons fait le choix de produire une partie de nos verres ophtalmiques, c’est-à-dire là où se trouve la marge. L’industrialisation augmente nos gains de productivité tous les ans par extension de nos capacités. Pour ce faire, bien entendu, il est nécessaire de pouvoir investir. Dans notre unité de Bazainville nous sommes tout à fait concurrentiels par rapport aux usines de Chine et de Thaïlande. » Tandis que le coût de la main d’œuvre en Chine connaissait une progression de 20% en sept ans, Atol parvenait en France à contenir ce même coût de la main d’œuvre en France par le développement de son parc robotique/machines outil et par l’amélioration de sa productivité. Au point qu’il lui est désormais moins onéreux de fabriquer sur le territoire national que de délocaliser la production en Chine, avec un écart de 20% ! Le secret ? Après avoir orchestré en 2004 le retour de la production dans l’hexagone, la démarche d’Atol a été couronnée de succès et a constitué un réel levier de croissance. Ce retour en France a notamment permis de sauvegarder ou créer quelque 1000 emplois dans le bassin jurassien, tout en proposant aux consommateurs des produits technologiques à haute valeur ajoutée à un prix compétitif. Preuve que la France peut être compétitive en coûts de production. Pour le montage des lunettes : 5 dollars par unité produite. Le même montage en Chine atteint aujourd’hui les 6 ou 7 dollars... La volonté politique semble rencontrer une dynamique favorable à un redéploiement du « Produire en France ». Pour autant il faut ici rappeler que la délocalisation n’est responsable que d’un faible taux de destruction d’emplois. La désindustrialisation a des causes plus profondes. Elle est due à la mondialisation financière, et à la rupture d’échelle entre rendement du capital et rendement du travail. Pour autant un « patriotisme économique » bien pensé, qui ne reposerait pas sur des mesures protectionnistes mais sur une véritable citoyenneté consommatoire, ne peut qu’avoir des effets bénéfiques sur l’économie. Sur le court terme, et de façon certes limitée, avec des créations et des maintiens d’emplois. Mais aussi sur le long terme, avec le « retour des savoir-faire » et la renaissance de l’innovation par la formation, la recherche et le développement.

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Pour un patriotisme du quotidien « Il est nécessaire de faire jonction dans la lutte économique. Avec Yves Jégo nous avons choisi d’unir nos sensibilités pour lancer un appel : « Défendons notre appareil productif ! » La France ne doit pas avoir honte d’ellemême, de ses productions ni de ses territoires. Un pays qui ne produit pas est un pays qui s’appauvrit, et qui se place sous la dépendance des autres. Chacun peut se joindre à ce patriotisme du quotidien. Si l’on vote tous les cinq ans avec une carte d’électeur, on vote tous les jours avec la carte bleue ! Ce relèvement industriel, chacun doit y participer. » Arnaud Montebourg, ancien ministre du redressement productif.

Acheter local : les mentalités commencent à évoluer « Dans la bataille pour le produire français il faut considérer le coût complet. Dans un monde ouvert le protectionnisme ne veut plus rien dire. Mais nous avons été trop prisonnier du dogme inverse : « Acheter loin c’est acheter mieux ». Le taux d’achats à l’international valait même bonus ! Aujourd’hui on constate que si le prix de départ de Chine est moins cher, les coûts induits sont considérables : les délais, les traductions, la qualité, le suivi, les retours, l’empreinte carbone, etc. Bien des choses achetées au loin seraient mieux achetées au près. Il faut se dégager de l’impact du prix facial. Certains produits peuvent être trois fois plus chers au départ mais rentables au bout de trois ans. La question est alors celle du financement. Sur la question « Acheter mal mais moins cher » ou « Moins mais mieux et durable » les mentalités sont en train d’évoluer. » Pierre Pelouzet, médiateur des relations inter-entreprises auprès du ministère de l’économie et président de l’Observatoire des achats responsables.

La compétitivité des entreprises dépend aussi d’un écosystème favorable à la demande « La compétitivité ne tient pas à la fiscalité. Elle est structurelle et dépend de l’innovation, du haut de gamme, de la croissance, de la formation... Le social ni le fiscal ne sont des freins à la compétitivité. Ils sont facteurs au contraire d’un écosystème favorable à la demande. » Walter Broccoli, syndicaliste, ancien responsable FO et figure emblématique de la lutte ouvrière (Arcelor-Mittal à Florange).


Compétitivité française : l’exemple d’Atol Date

Chine

France

Mai 2007

Coût de main d’œuvre: 5 dollars

Coût de main d’œuvre : 4 dollars + Coût robotique/machines outil : 3 dollars Total : 7 dollars

Janvier 1010

Coût de main d’œuvre : 5,5 dollars

Coût de main d’œuvre : 4 dollars + Coût robotique/machines outil avec passage en 2/8 : 1,5 dollar Total : 5,5 dollars

Janvier 2014

Coût de main d’œuvre : 6 dollars

Coût de main d’œuvre : 4 dollars + Coût robotique/machines outil avec passage en 3/8 : 1 dollar Total : 5 dollars

La certification Origine France Garantie a l’avantage, selon Atol, « de rassurer les consommateurs qui sont enclins à faire des achats responsables ». Le baromètre annuel réalisé par Atol avec l’Ifop confirme d’ailleurs que 7 français sur 10 sont prêts à payer plus cher un produit fabriqué en France. Enfin, côté emploi, l’engagement pour le « Fabriqué en France » a permis à Atol de préserver et créer un millier d’emplois depuis 10 ans dans l’industrie, et de créer 300 magasins Atol, soit environ 1000 emplois supplémentaires. Symbole de ce redéploiement des savoir-faire à la française, la lunette Téou. Une véritable « lunette de lunetier » (société CEMO, Morez) avec en plus toute une technologie embarquée crée par deux start-up de Lannion (Côtes d’Armor) ». Première lunette « connectée » disponible sur le marché français, ce pur produit « France » devrait connaître de nombreuses évolutions au fil des mois, notamment en termes d’interactivité domotique et d’information. Les possibilités d’innovation paraissent n’avoir de limite que l’imagination. C’est ainsi qu’à l’avenir un comptage des battements de cils, couplé à un système d’alerte, permettra de prévenir l’endormissement au volant. Autre exemple : une lunette pour les personnes âgées, dotée d’un gyroscope pour détecter les chutes.

KRYS GROUP reçoit officiellement le label Origine France Garantie

Le Petit Futé de la consommation citoyenne De plus en plus présent dans les médias et le débat public, le made in France est un moyen pour les consommateurs d’acheter des produits de qualité tout en dynamisant l’emploi et l’économie dans nos régions. Le Petit Futé s’intéresse à cette nouvelle pratique de consommation avec une toute première édition du Petit Futé « Made in France » : pour consommer national et retrouver une dynamique de succès par nos actes du quotidien.

Yves Jégo, président fondateur de Pro France et député-maire de Montereau-Fault-Yonne, en Seine-et-Marne, a remis officiellement le label Origine France Garantie à KRYS GROUP ce mardi 13 octobre 2015 à Bazainville (Yvelines), en présence de Fabien Hamès, président de KRYS GROUP, Jean-Pierre Champion, directeur général de KRYS GROUP, et Arnaud Montebourg, ancien ministre de l’Économie et cofondateur de Vive la France. Véritable vitrine de l’excellence de la filière optique française, le site de Bazainville, créé en 1980, fait aujourd’hui partie de la première centrale d’achats du secteur, qui représente 23 % du marché des lunettes. Elle expédie chaque année 8,5 millions d’articles, dont près de 5 millions de verres.

Guide du Made in France 2016 - Le Petit Futé Version numérique offerte disponible sur : http://boutique.petitfute.com

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économie

Joseph Stiglitz :

« L’inégalité est un choix politique, pas une fatalité »

Il murmure à l’oreille des présidents et parcourt la planète pour convaincre les Etats d’en finir avec l’austérité : Joseph Stiglitz a mis tout son poids dans la bataille pour lutter contre ces inégalités qui asphyxient nos démocraties. Rencontre avec le prix Nobel d’économie à l’occasion de son dernier passage à Paris.

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uteur de deux best-sellers, Le Triomphe de la cupidité et Le Prix de l’inégalité, Joseph Stiglitz présentait récemment à Paris son dernier ouvrage : La Grande fracture – les sociétés inégalitaires et ce que nous pouvons faire pour les changer (Éditions Les Liens qui Libèrent). L’occasion d’un bilan de l’économie mondiale sept ans après le début de la grande crise financière, et des quelques remèdes qu’il est encore possible de lui apporter. Un tour d’horizon en neuf idées-forces. 1. Le niveau actuel des inégalités économiques est en train de tuer la démocratie « Abraham Lincoln définissait la démocratie comme étant le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Or nous avons

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désormais le gouvernement du 1%, par le 1% et pour le 1% », jette d’emblée Joseph Stiglitz. Un propos qui a d’autant plus de poids que celui qui prononce ces paroles graves n’a rien d’un dangereux révolutionnaire : il n’est autre que l’ancien économiste en chef de la Banque mondiale et prix Nobel d’économie 2001. L’économiste, démocrate et proche des Clinton, poursuit son travail sur les dommages collatéraux qu’occasionne l’augmentation constante des inégalités au sein de la société. Il s’intéresse plus particulièrement au cercle vicieux qui en renforce aujourd’hui la tendance : « L’aggravation de l’inégalité économique se traduit en inégalité politique, qui donne à l’argent un pouvoir sans limite ; et cette inégalité politique accroît l’inégalité économique . » Et d’insister : « La démocratie aujourd’hui ce n’est plus “un homme-une voix”,

c’est “un dollar-une voix”. Le niveau actuel des inégalités écono miques torpille nos démocraties . » 2. Les marchés financiers ont appauvri le salarié et cassé la demande En cause, les politiques de déréglementation irresponsables, de réductions d’impôts, et d’allégements fiscaux pour les plus aisés. « Si les marchés financiers ont pu passer de 2,5 % à 8 % du PIB, c’est parce qu’ils ont pris l’argent dans la poche des citoyens. La cassure entre le 1% et les 99 % autres est pire aux Etats-Unis que partout ailleurs. Depuis 30 ans nous avons voulu changer les lois de l’économie et le monde entier nous a malheureusement imité. L’idée consistait à diminuer les impôts, à libéraliser, à déréguler. Nous pensions alors que cela provoquerait plus d’inci-


L’Euro contre la démocratie

«

tation, plus de liberté, plus d’énergie économique, et que la part de chacun s’en trouverait augmentée. Nous avions tort. Au cours des années, avec moins d’impôts et moins de répartition, la croissance a diminué. Depuis lors la majorité des revenus stagnent, et le taux de chômage réel est comparable à celui de la France. Un homme salarié est aujourd’hui moins bien payé qu’il y a 40 ans. L’économie américaine ne fonctionne plus depuis des années que pour le 1 % qui ont vu leurs revenus croître de 22 %, soit une multiplication par deux en 35 ans. C’est un changement extraordinaire. La société n’est plus divisée en classes sociales, elle est divisée entre le 1% et le reste. Si nous sommes tous dans le même bateau, le 1 % est sur un autre bateau. Kennedy avait l’habitude de dire : “La marée soulève tous les bateaux” pour dire que la croissance économique était profitable

à tous. Or nous avons désormais la preuve du contraire. Tout l’argent va au sommet, et pour les autres, la grande majorité, il ne reste rien. Le revenu médian aux Etats-Unis est plus faible qu’il ne l’était il y a un quart de siècle. Le salaire minimum est au niveau de ce qu’il était il y a 50 ans ! Et la récession a empiré les choses. La classe moyenne a perdu sa richesse, son travail, sa maison. Officiellement la reprise économique a débuté en 2009. Pourtant 91 % des bénéfices ont été au 1 %. La vaste majorité, elle, n’a pas vu de reprise. Alors que la productivité a plus que doublée en 40 ans, les revenus stagnent pour la première fois dans l’Histoire. » « Mon dernier ouvrage, La Grande fracture, décrit les différentes manières dont les Etats-Unis sont devenus aussi inégalitaires. 80 milliardaires possèdent autant que le reste de l’humanité. Cette fortune, ils ne l’on pas gagné : ils en

L’Euro a créé un déficit démocratique en Europe. Les gens votent contre l’austérité et le gouvernement répond que ce n’était pas au programme. Or les questions qui inquiètent les gens doivent être au programme ! L’Euro est dans un état impossible. Il n’y a pas suffisamment de volonté politique pour que ça fonctionne. L’Europe était un projet politique. Il fallait organiser une convergence entre l’intégration politique et l’intégration économique. L’Euro impliquait une intégration politique qui n’a pas eu lieu. C’était une vue erronée. Désormais, quel est le coût comparé du maintien et de l’abandon de l’Euro ? L’Euro a-t-il contribué au rapprochement des pays et au développement de la prospérité ? La réponse est : « Non, c’est même le contraire ». C’est un échec économique autant qu’un échec politique. Pour sauver l’euro, il faut une union bancaire et une harmonisation fiscale et sociale, doublé d’un fond de solidarité. Il faut changer la structure de la banque centrale européenne. Un des premiers problèmes c’est qu’au moment de la création de l’euro le monde était néolibéral, et que depuis la crise de 2008 le néolibéralisme est massivement rejeté. Mais les idées néolibérales sont tellement inscrites dans la structure même de l’euro qu’il est difficile de s’en débarrasser. En outre l’Europe ne dispose pas d’une union de transfert. Lorsque la banque de Californie est en difficulté la nation la sauve. Nous savons quoi faire. Or dans le cas grec l’Allemagne ne veut pas entendre parler de ce genre de dispositif. Aujourd’hui l’Euro divise l’Europe et crée des dépressions. Cela vaut-il le coût ? L’important n’est pas dans la monnaie papier. Aujourd’hui la finance est électronique. Il serait facile de sortir de l’euro avec un système d’euro flexible, avec un euro-grec, un euro-allemand, un euro-français... en faisant en sorte qu’ils restent raisonnablement alignés. Dans 30 ans, en maintenant suffisamment de solidarité sociale et politique, on pourrait alors revenir à un euro unique. Mais je ne le vois pas à l’horizon. Nous sommes en pleine incohérence. L’Allemagne ne veut pas restructurer la dette grecque, tandis que le FMI en fait une condition de son intervention. Le traitement infligé à la Grèce garantit une dépression plus profonde et plus longue. Comment demander cela, quelles que soient les réformes structurelles imposées ? C’est le programme luimême qui crée la dépression. »

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ont hérité. L’inégalité des chances est une autre dimension. Nous nous sommes rendus compte qu’il y a un transfert intergénérationnel de l’inégalité. Un enfant de riches, même nul en classe, s’en sortira toujours mieux qu’un enfant de pauvres qui travaille très bien. Penser que les Etats-Unis sont la terre du possible est un mythe. C’est là que l’on observe le plus haut niveau d’inégalité avec le moins d’égalité des chances, y compris dans ce qui touche à la santé. » 3. Réécrire les règles du jeu « Ce que je veux dire ici, c’est que l’inégalité n’est pas seulement le résultat d’une économie : c’est un choix politique. C’est d’ailleurs ce qui me rend optimiste : car si l’inégalité était le résultat d’une loi, un peu comme la gravité, il n’y aurait rien à faire. Si l’inégalité est un choix, alors on peut changer politiquement les choses pour obtenir plus d’égalité. » « Nous avons fait des choix. Nous en payons un prix exorbitant. Nous avons affaibli notre économie, divisé la société, torpillé notre démocratie. Et ce n’est pas là une vision idéologique. Le FMI ou l’OCDE ont fait des études qui démontrent que tel est bien le cas. Nous savons

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désormais combien l’inégalité est néfaste pour l’économie. » « Alors que faire ? 40 ans d’inégalité ne se règlent pas comme ça. La bonne nouvelle en Amérique, c’est qu’il y a désormais consensus au sein du parti démocrate pour considérer que l’inégalité est notre problème n°1. Même les républicains l’acceptent. Il faut réécrire les règles du jeu. J’ai étudié ce qui se passe à l’île Maurice. Ils ont fait le choix de l’éducation et de la santé pour tous. C’est aujourd’hui une des économies qui croient le plus vite dans cette région du monde. L’austérité en revanche est en train de tuer l’Espagne et la Grèce. » « Mais le poids de la finance dans les campagnes électorales a transformé la politique : il ne s’agit plus de défendre des convictions mais des intérêts privés. Lors des dernières élections présidentielles de 2012, chaque candidat a dépensé plus d’un milliard de dollars. Et cela sera pire encore en 2016. De telles levées de fond ne concernent que les très riches. La politique est devenue un investissement comme un autre qui réclame un retour sur investissement. Les riches utilisent l’argent pour rendre les votes de la majorité pauvre impossibles. Pourquoi voter si c’est Wall Street qui dirige ? Nous avons aujourd’hui 10 banques qui vont à l’encontre des intérêts de 350 millions d’Améri-

cains. En 2014 le taux de participation aux élections a été le plus faible de notre histoire. » 4. L’austérité est une mauvaise politique Joseph Stiglitz se veut surtout pragmatique : « Limiter l’inégalité est la partie la plus facile. La difficulté, c’est la réforme politique. Comment rendre démocratiques nos démocraties ? Notre défi consiste avant tout à relancer la demande. On ne fait pas croître une économie avec le chômage. Il faut de la demande, pas de l’austérité. Nos services publics ont perdu 2,5 millions d’emplois depuis la crise. La capacité des politiques monétaires pour stimuler l’économie est très limitée. L’austérité c’est de la mauvaise politique. La Réserve Fédérale a contribué à l’inégalité. Faire les riches plus riches ne bénéficie pas à la société. Le premier problème est un problème de demande, pas le niveau de revenu. Les pays scandinaves ont inventé la flexi-sécurité : l’Etat assure le plein emploi. En cas de chômage, on retrouve un nouvel emploi rapidement, sinon on a droit aux aides sociales. Voilà une bonne façon d’organiser les choses. Pourquoi ça marche ? Parce que les impôts sont élevés, ce qui permet de financer la recherche, les


à lire :

Joseph Stiglitz, La Grande fracture - les sociétés inégalitaires et ce que nous pouvons faire pour les changer (Éditions Les Liens qui Libèrent, 2015).

innovations technologiques, les infrastructures, l’éducation… Il faut garder à l’esprit que Google, et plus généralement l’Internet et la nouvelle économie, sont issus de recherches subventionnées par l’Etat. Il faut le soutien de fonds publics si l’on veut de la croissance. » 5. L’impôt doit encourager ce qui est bon pour l’intérêt général, et décourager ce qui est mauvais « Il faut également revoir la structure de l’impôt. Notre système d’impôt, régressif, fait qu’en pourcentage le 1% paye moins que les autres. Ce système n’est pas stable, il ne peut survivre à moins qu’il ne se réforme. Il faut accroître les impôts sur la pollution et les réduire sur le travail. Il faut les augmenter sur les entreprises qui n’investissent pas et les baisser sur celles qui investissent. L’impôt doit permettre de décourager ce que l’on ne veut pas et encourager ce que l’on veut. » 6. En finir avec la recherche de la rente qui tue l’esprit d’entreprise « Le problème fondamental n’est pas le marché en soi ; c’est qu’on a

déformé le marché. La concurrence s’est transformée en monopoles, car là où il y a de la concurrence on ne peut pas faire beaucoup d’argent. L’une des premières sources de l’inégalité est la distorsion du système économique que représente la recherche de la rente. » 7. Retrouver la fierté « On peut fonctionner avec un certain degré d’inégalité. Mais désormais cette inégalité est devenue extrême. Au point de corrompre nos sociétés. Aujourd’hui tous les matins les écoliers américains répètent le serment à la nation qui se termine par la phrase « Justice pour tous ». Nous commençons à comprendre que quelque chose ne fonctionne pas. Nous n’avons pas su créer la société que nous aurions aimé créer. » 8. La finance doit retrouver son rôle de moteur de l’économie « Le secteur financier doit jouer pleinement son rôle. Comment faire en sorte qu’il fasse ce pour quoi il est fait, à savoir servir l’économie ? Les prêts des banques sont aujourd’hui en dessous de ce qu’ils étaient avant la crise. Les ban-

quiers préfèrent la spéculation. Il faut imposer la séparation entre les banques de dépôts et les banques d’investissements. On a sauvé les grandes banques, mais pas les banques de proximité qui prêtaient aux PME. Nous avons concentré les efforts sur le big business de la spéculation… Pour résoudre la crise on a permis aux grandes banques de fusionner ; elles sont devenues plus grandes encore. De plus la plus grande part des profits des entreprises enrichit d’abord la banque. C’est là une distorsion de l’économie. Le “shadow banking” a massivement manipulé et truqué les marchés. La transparence est nécessaire. Il faut que les gens comprennent ce qu’ils perdent pour réagir. » 9. Changer la nature de la croissance « Nos ressources sont rares et non tarifées. Il va falloir changer la nature de notre croissance. On ne peut continuer dans une croissance matérialiste, avec plus de voitures, plus de TV. Il faut restructurer l’économie autour d’une économie de service, d’éducation, de santé. » Propos recueillis à Paris, le 2 septembre 2015.

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innovation

Google : vers l’humanité 2.0 ?

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LEs GOOGLE GLAss PRéFiGUREnt Un MOndE nOUVEAU : CELUi dE L’hUMAnité 2.0. APRès AVOiR sU ACCédER À dEs MiLLiOns d’indiVidUs dOnt iL A sOiGnEUsEMEnt PROFiLé Et MOdéLisé LEs COMPORtEMEnts, LE CéLèBRE MOtEUR dE REChERChE A BiEn d’AUtREs PROjEts POUR nOUs. AU CœUR dE sA stRAtéGiE, UnE PhiLOsOPhiE : LE tRAnshUMAnisME. EtEs-VOUs PRêt POUR L’èRE CyBORG ?

q

u’il fasse l’objet de plus de 400 procédures pour pratiques anti-concurrentielles ou d’une condamnation par la Cnil pour sa politique en matière de respect de la vie privée, Google tisse sa toile sans coup férir. Avec un accès direct à plus de 300 millions d’utilisateurs dans le monde (90% de parts de marché en Europe), le moteur de recherche s’est constitué de gigantesques bases de données comportementales à l’aide de ses mouchards numériques. Par son ampleur comme par son acuité, cette nouvelle “connaissance client” (mais aussi citoyenne, politique, intellectuelle, sexuelle, etc.) préfigure une véritable société de surveillance comme aucun état policier n’en avait jamais rêvé. Mais le géant de Mountain View ne compte pas en rester là. Le champ de ses récentes diversifications donne le vertige : informatique, biologie, nanotechnologie, sciences cogni-

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tives. Le moteur de recherche a pris est le signe avant-coureur. L’idée : la pied dans l’ensemble des domaines nature est un handicap qu’il convient où se joue le futur proche de nos de surmonter pour parvenir au sousociétés : intelligence artificielle, ro- verain Bien. Et si demain on arrêtait botique, drones, réalité augmentée, de vieillir ? Et si l’on faisait reculer santé... Rien ne lui échappe. En maî- la mort ? On parle déjà de nano-rotrisant l’ensemble de ces différents bots injectés dans le corps afin de le territoires d’innovation dont il va réparer. Fondée en septembre 2013 orchestrer à sa façon la convergence, par Google, la société Calico entend Google est tout simplement en train bien s’attaquer au problème. Avec pour objecde modeler l e m o n d e Demain, à qui appartiendra tif vingt ans d’espérance qui vient selon sa vision un homme doté d’un cerveau de vie en plus à l’hosingulière. augmenté par Google ? rizon 2035 ; Cette vision, quelle est-elle ? À la et le projet d’uploader le cerveau base de ce projet, une philosophie ; pour le conserver en activité après celle du transhumanisme, incarnée notre mort ! Autant dire que le vieux chez Google par le véritable pape fantasme d’immortalité est de rede ce mouvement, Ray Kurzweil. Le tour. Mais à quel prix ? transhumanisme, c’est le dépassement de l’humain dans la techno- Avant même la fin de cette première logie : la fusion de l’homme et de la moitié de xxie siècle, par l’augmentamachine, du neurone et du silicium. tion de l’ensemble de ces capacités, À ce titre la Google Glass, lunettes l’homme aura peut-être définitiveintelligentes à réalité augmentée, en ment quitté son état naturel. Une


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méthéen de l’homme sauvé par la technique, soit. Finies la souffrance physique, l’inefficacité… Nous savons pourtant ce qu’est l’un des plus grands dangers qui pèse sur le devenir de l’espèce humaine : l’autonomisation de la technique. Tchernobyl et Fukushima sont là pour nous rappeler les faits. Un processus qui échapperait à la volonté humaine, accidentellement ou délibérément, a désormais les moyens technologiques d’une destruction globale de l’humanité. Cette délégation, lorsqu’elle devient inconditionnelle, ou arbitraire, n’est rien d’autre qu’un crime contre l’humain.

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L’initiative est rapide, la délibération est lente. C’est pourquoi le progrès, de plus en plus fulgurant, s’il pose de plus en plus de questions, tend naturellement à s’éloigner de l’exigence démocratique. Il s’impose par une sorte de messianisme dont il ne s’agirait plus de débattre.

humanité 2.0 se prépare ; et ceci n’est pas de la science-fiction. Notre conception de l’humain va être complètement redéfinie, selon une vision du Bien exclusivement occidentale, transcendante, ultra-compétitive, impériale, technophile et hiérarchique, qui instaurera une fracture entre l’homme augmenté et l’homme non augmenté. Avec une question subsidiaire : à qui appartiendra un homme doté d’un cerveau augmenté par Google ? Et que deviendra la beauté lorsque votre vision, augmentée, projettera votre regard dans les pores de la peau de l’être qui vous est cher ? Nos perceptions naturelles offrent un équilibre propice au développement harmonieux d’une existence, un juste milieu favorable à l’expérience terrestre. C’est grâce à cette harmonie que l’homme a pu développer des arts, des innovations, des pensées, des sagesses. Il ne tient qu’à nous d’aller plus loin dans ces voies-là. Car elles sont celles de la liberté et de la volonté.

Il y a dans le projet transhumaniste une haine psychotique du corps, de la chair, de l’éros. Il ne se constitue d’ailleurs qu’à partir de cette défiance initiale. Et puis, dans cette course au suréquipement du cerveau, on a oublié une chose fondamentale : la survalorisation de l’intelligence et du QI, selon une visée purement fonctionnelle et utilitariste, se fait au détriment de la conscience, mais aussi au détriment de toutes les dimensions non fonctionnelles de l’existence et qui fondent la joie de vivre : émotionnelles, sentimentales, perceptives, symboliques, imaginaires, inconscientes... Qu’est-ce que serait un super-héros augmenté de partout, sans la conscience ? Incapables d’enseigner aux hommes le libre usage de la pensée autonome, comme le voulaient les humanistes, nous voilà en passe de confier cette même autonomie à la machine. Un double échec. Cette nouvelle ère cyborg marquera l’aboutissement du grand rêve pro-

Nous sommes entrés dans une phase où se défient trois pensées antagonistes qui tentent chacune de prendre l’ascendant : le vieil humanisme, dont le déclin a éveillé les deux autres : le transhumanisme et le fondamentalisme religieux. Le premier était libre et éclairé. Les deux autres, délire neuro-technologique et obscurantisme, se rejoignent en une même tendance à la barbarie. Déjà, aux Etats-Unis, certains “explorers” équipés de Google Glass se font régulièrement casser la gueule dans les lieux publics pour non-respect de la vie privée d’autrui. Ce n’est là que le début de la contestation. Car ce sont deux visions incompatibles qui s’affrontent désormais. Devant cette rupture historique dont nous sommes les contemporains, peut-être que l’homme hésitera à déléguer sa raison, ses amours et ses rêves à la machine ; et que de ses imperfections mêmes, de ses limites naturelles enfin assumées, naîtront les sagesses à venir. + www.google.com/glass/

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recherche

Vision et neurosciences : Essilor et l’Institut de la Vision s’engagent

Afin de lutter efficAcement contre les effets du vieillissement visuel dAns le monde, lA coopérAtion des sAvoirs s’orgAnise. d’AutAnt que les besoins, déjà immenses, vont littérAlement exploser dès les prochAines Années. Au cArrefour de l’optique, des neurosciences et des nouvelles modélisAtions mAthémAtiques, essilor et l’institut de lA vision Allient leurs compétences pour étudier le vieillissement visuel et ses conséquences.

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a population mondiale des plus de 65 ans va quasiment tripler d’ici 2050. Quant au nombre de presbytes, il passera de 1,9 milliards d’individus à 2,3 milliards. C’est ainsi que la France va compter 2,3 millions de presbytes en plus d’ici 2020. Les Etats-Unis vont connaître une progression de 17 millions, l’Amérique Latine 43 millions et l’Asie… 300 millions ! Les besoins seront d’autant plus pressants que les modes de vie de plus en plus mobiles et connectés grâce aux nouvelles technologies (tablettes, smartphones…) tendent à augmenter les exigences en matière de performances visuelles.

Comme le souligne le Vision Impact Institute, le coût de la mauvaise vision aux Etats-Unis atteint 60 millions de dollars par… jour ! Un coût imputable principale-

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Inserm, CNRS) viennent d’annoncer la création d’un laboratoire commun de recherche fondamentale sur le thème : « Vieillissement Visuel, Action et Autonomie ».

Ce nouveau laboratoire de recherche est à la croisée de plusieurs disciplines : optique bien sûr, mais aussi psychophysique, neurobiologie, évaluation clinique, modélisation mathématique. Une équipe plurielle comprenant une dizaine ment aux plus de 40 ans. Au plan monde spécialités a été constituée. C’est là dial, la perte de productivité est chiffrée l’alliance des neurosciences et de l’opà 275 milliards de dollars par an. Ce sont tique. Ce labo de recherche est placé les seniors, et particulièrement les sesous la direction du Dr Angelo Arleo, niors âgés de plus de 65 ans, qui pèsent directeur de recherche au CNRS depuis le plus lourd dans la balance. Les popu2012 et reconnu pour son expertise en lations vieillissantes sont en effet suneurosciences de la cognition spatiale, jettes à une perte particulièrement d’autonomie, à des sur les processus Au fil des recherches, troubles de vision sensorimoteurs et de nouvelles catégories cognitifs d’orienet de la perception, de produits ne vont pas tation et de planidommageable manquer d’apparaître notamment dans fication spatiale. la locomotion. Le plus souvent due à une chute, la perte La gouvernance de ce laboratoire comd’autonomie est donc directement liée à mun de recherche est assurée par un l’état de la vue. comité scientifique et un comité directeur mixtes comprenant des cherDe tels enjeux à la fois sanitaire mais cheurs d’Essilor et de l’Institut de la Viaussi économique, nécessitaient une sion/Université Pierre et Marie Curie. prise de conscience forte et des initiaOn note en leur sein la présence du protives dignes de ce nom. C’est pourquoi fesseur Sahel, directeur de l’Institut de Essilor et l’Institut de la Vision (UPMC, la Vision, et du professeur Safran, pro-


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fesseur associé de l’UMPC. Un conseil scientifique réunissant des experts internationaux contribuera aux orientations des travaux et au partage mondial des résultats académiques. La création de ce laboratoire de recherche marque un tournant dans l’existence des sciences optiques. En s’alliant à d’autres disciplines, il s’agit de mieux comprendre et d’évaluer les mécanismes de dégénérescences des fonctions perceptives et cognitives dans le cadre du vieillissement du système visuel, tout en définissant les méthodes et les instruments de mesure et de dépistage nécessaires. Ce nouveau protocole de recherche intervient alors qu’on vient de montrer que des affections de l’œil sont liées à d’autres désordres : c’est ainsi que des marqueurs communs ont été récemment mis en évidence entre les maladies neurodégénératives et le glaucome. Chercher à l’intérieur d’une même discipline n’a désormais plus de sens : tout tient à la transdisciplinarité, à la mise en réseau des investigations et des découvertes.

Cette approche holistique est un changement d’échelle dans l’ordre de la recherche, une rupture conceptuelle avec l’ère des spécialités naguère autonomes au point d’en être autistes. C’est tout à l’honneur de la filière d’être en pointe dans ce domaine. Les recherches vont être menées sur la population des seniors de plus de 55 ans, presbytes donc, et ne souffrant d’aucune pathologie oculaire. À plus long terme, cette entité travaillera à la conception et à l’évaluation de produits d’optique ophtalmique innovants, de protocoles de réadaptation fonctionnelle et cognitive, ainsi qu’à d’autres solutions et services aptes à compenser les effets liés au vieillissement visuel. « En faisant ainsi avancer la connaissance sur la vision et les interactions œil-cerveau, cette démarche contribue à la mission d’Essilor de permettre au plus grand nombre de mieux voir pour mieux vivre », explique Eric Perrier, directeur R&D d’Essilor International. Le professeur José-Alain Sahel se félicite de ce projet très prometteur qui

« s’inscrit dans le prolongement de nos partenariats et renforce à la fois le pôle de recherche sur le handicap (plateformes Homelab et StreetLab) et les axes de recherche en neurosciences de l’Institut de la Vision. » En effet, ce nouveau laboratoire de recherche, en plus de ses plateformes propres, s’appuiera sur des structures et des équipes existantes afin de mener des expérimentations comportementales avec des personnes en situation de déficit sensoriel, dans un environnement contrôlé totalement monitoré. Une toute nouvelle aventure du savoir et de la prise en soin du vieillissement visuel et de ses conséquences sanitaires, sociales et économiques. Celleci ne manquera pas de générer son lot d’innovations, à même de donner toute sa place à l’opticien dans le contexte du grand boom des presbytes âgés, attendu à partir de 2015.

Sites à visiter

www.visionimpactinstitute.org www.institut-vision.org www.streetlab-vision.com

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Inspirations

Lucas de staĂŤl

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S

ans conteste, il est une des révélations majeures de la décennie : Lucas de Staël, petit-fils du célèbre peintre Nicolas de Staël, a su en quelques années se faire un prénom. Après avoir été remarqué lors du concours international de design des Lunetiers du Jura, le jeune homme, qui a découvert la lunetterie à 19 ans à l’occasion d’un stage en entreprise, collabore notamment pour Face-à-Face, grand incubateur de talents. C’est en 2006 qu’il lance sa propre marque. Installé dans un vieil atelier du centre parisien qui tient du cabinet de curiosité tout autant que du laboratoire, Lucas de Staël offre une palette inédite faite de pureté stylistique et d’audace créative. Lunettes combinées cuir et acier, en peau d’iguane, granit, noyer ou cuir de vache : des collections de très haut de gamme qui renouvellent complètement l’approche de l’objet, saluées par de nombreux prix, dont deux Silmo d’Or, en 2012 et 2014. Un subtil équilibre entre charme rétro et absolue nouveauté. • • •

Toutes photos pages 38 à 42 © LUCAS de STAËL

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www.lucasdestael.com 18


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conTourS de LA mode

inspiré par l’évidence et la beauté des Grands dehors

+ SALT. • Alycia

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+ SALT. • John

De gauche à droite : Aaron Behle (Président de SALT.), David Rose (Designer) et JP Collett (Directeur marketing) >

L

es jeunes fondateurs de SALT. (SALT. comme Sea, Air, Land, Timeless) conduisent leurs affaires comme ils se conduisent euxmêmes. Avec une extrême attention au monde et aux autres. À mille nuances, mille subtilités, SALT. invente un business model qui ne serait pas uniquement “business”. Mais nous parlerait aussi du monde, de la nature. C’est-à-dire de nous-mêmes. Aaron Behle, Président, JP Collett, directeur marketing et David Rose, designer transfuge d’Oliver People, ont un principe : « Simple Things made well ». Loin des turbulences névrotiques du

mass market, ils développent un art de l’écoute positive, fait de patience éveillée et de bonnes vibrations. Que ce soit en interne, où le travail se pense de façon collégiale, ou encore vis-à-vis du consommateur. « La société appartient à ses employés. Il s’agit avant tout d’une expérience collaborative », explique Aaron. « Et nos inspirations viennent tout droit de l’océan, de la montagne et du désert ; de la connexion intemporelle des êtres humains avec les éléments. » C’est ça, l’esprit SALT. Loin des tendances et des opportunismes de circonstance, SALT. cultive le goût de la nuance et de l’intemporel. « Il faut cesser de considérer la nature comme un simple spectacle, poursuit Aaron. C’est avant tout notre milieu vital, celui auquel il faut se reconnecter si l’on veut ressentir que nous sommes vraiment des êtres vivants. La question, ce n’est pas la vague, c’est comment l’utiliser. Et capturer le moment où une communion s’opère entre elle et nous. » « Les détails, la diversité, la couleur, les mouvements, les événements de la nature infusent tout ce que nous faisons », poursuit JP. Source d’inspiration stylistique, mais aussi existentielle. « Beauté, connexion, simplicité : tels sont les principes auxquels nous donnons forme, grâce au travail exceptionnel de la 3e génération d’artisans japonais qui travaille pour nous. » Et le consommateur participe pleinement de cette même inspiration. Non comme simple “client”, mais comme in-

dividu irremplaçable qui vient prendre sa juste place dans le cercle des vivants. David : « J’ai tout de suite été frappé, dans l’objet “lunettes”, par cette rencontre très particulière entre le service médical et la mode. Nous sommes très influencés par l’outdoor car nous avons la chance de vivre en Californie du sud, dans un lieu où nous pouvons aller surfer le matin, nous promener dans la montagne enneigée l’après-midi et marcher dans le désert le soir. Nous sommes donc très proches de la beauté, de la diversité et des perpétuels événements de la nature. » Il suffit de jeter un œil sur la collection pour s’apercevoir avec surprise de la proximité entre les événements formels et chromatiques dont la nature est traversée et leurs transcriptions dans l’univers de la création lunetière. Rien d’artificiel : juste la force pénétrante de la simplicité. SALT. fait souffler sur les linéaires l’air vif des grands dehors et renouvelle tout ce que nous pensions savoir sur les lunettes. • Contact SALT. en France SALT. EUROPE Service Clients : +33 4 93 84 24 29 salteu@saltoptics.com Ana Sedes, Managing Director Europe Tél. 07 60 54 98 45 asedes@saltoptics.com + www.saltoptics.com

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+ SALT. • Brower

+ SALT. • Hayley

+ SALT. • Lynn

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+ SALT. • Steph

+ SALT. • Milla

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c’est tendance

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a ville est devenue un organisme vivant. Hier on la voulait avant tout rationnelle, ce qui donnait à notre cadre urbain la raideur un peu froide d’une carte pour circuit imprimé. Vint Le Corbusier, qui voulut y instiller une dose de bonheur ; mais cette génération d’architectes gardait encore une approche trop productiviste, trop fonctionnaliste de la ville : les avenues restaient un hommage à la ligne droite, à la hiérarchie des activités et à la circulation. Aujourd’hui la ville se réinvente autour de la rencontre. Rencontre des cultures, rencontres des individus : ville-monde, ville-globale. Une “Smart City”,

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émotionnelle, sensorielle, expérientielle, écologique. Avec ses espaces éphémères, ses nouveaux déplacements (vélib, autolib...), elle devient le support à de nouvelles convivialités. Le citoyen n’est plus un usager passif : il devient acteur de son évolution et de sa dynamique (empowerment). La ville n’est plus seulement un lieu que l’on occupe mais un processus auquel on adhère, auquel on participe. On ne dessinera pas une lunette, on ne dessinera pas une automobile, sans garder en tête cette absolue révolution des villes à laquelle nous sommes en train d’assister ; avec ses codes, ses “body language”, ses civilités nouvelles.


+ Andy Wolf

+ Andy Wolf

+ Andy Wolf

+ Rye & Lye • Immagine98 + rh+

+ rh+

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+ ISSEY MIYAKE lance ISSEY MIYAKE EYES PROJECT en collaboration avec Kaneko Optical. Le concept s’inspire de l’idée d’un trait métallique semblable à un coup de pinceau. Tout comme la conception de vêtements a commencé pour ISSEY MIYAKE par l’idée s’une seule pièce de tissu (A Piece Of Cloth ), la ligne de lunettes a été imaginée à partir d’un simple trait.

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+ Komono Mod. Crafted - Bennet Ivory Demi

+ Komono Mod. Crafted - Vivien Ivory Demi

+ Komono Mod. Crafted - Riviera Black

+ Komono Mod. Crafted - Lulu Indigo Demi

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+ ORIGINeyes

+ ORIGINeyes

+ Banana Moon • Visioptis

+ Woodone

+ Tom Tailor • Visioptis

+ Mexx • OWP

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+ Mexx • OWP


+ My Woody

+ Etnia Barcelona Collection Vintage

+ Etnia Barcelona Collection Vintage

+ Etnia Barcelona Collection Vintage

+ Etnia Barcelona Collection Vintage

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Fashion Market

so Chic, so Paris

«

La maison Carven, c’est le lieu de mémoire de la mode française », déclarait Frédéric Mitterrand, alors ministre de la culture, lors de la remise des insignes de Commandeur dans l’ordre de la Légion d’Honneur à sa fondatrice. C’est au sortir de la guerre que Carmen de Tommaso s’installe Rond-point des Champs-Elysées pour créer sa marque. De la haute couture pour femmes menues, qui trouve rapidement son public. Dès 46 un parfum vient agrandir le périmètre de la créatrice. Viendront,

durant les années 70, les foulards, les cravates, les bijoux. Depuis 2008, Carven connaît un nouveau départ avec le rachat de la marque par Henri Sebaoun. La boutique de Saint-Germain-des-Prés ouvre en 2011. La marque est devenue la coqueluche des rédactrices de mode, une référence absolue dans l’univers du prêt-à-porter féminin. En 2015, un nouveau chapitre s’ouvre avec l’arrivée d’Alexis Martial et Adrien Caillaudaud à la direction artistique femme. Leur première collection été a été dévoilée lors de la Fashion week, le 6 octobre dernier.

C’est à SEAPORT qu’ont été confiés la création et le développement commercial de la licence Carven Eyewear pour les collections de lunettes solaire et optique. Cette première ligne est identifiable par un élément commun : le fil d’or et la couleur. Une rencontre qui ne doit rien au hasard. Depuis 1985, les sociétés SEAPORT et ODLM magnifient les plus grands noms de l’élégance à la française grâce à leur créativité et leur souci extrême du détail. La première collection Carven Eyewear a été présentée en France et à l’international sur le Silmo 2015. + www.seaport-odlm.com

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Le fil d’or , cher à la Maison Carven, pare le bout de branche de ses reflets, mis en valeur par une perle de résine époxy rose. Plusieurs détails apportent à ce modèle la subtilité Carven, à l’image du fil d’or sur le manchon. Les coloris ont été pensés dans leur ensemble : laque rosée, acétate poudrée, métal doré, or rose mat ou brillant... Chaque teinte a été considérée pour aboutir à une combinaison harmonieuse.

Cette pantos, aux accents rétro modernes et travaillée tout en finesse, apportera un look ultra féminin à celle qui la portera. Les verres au léger effet miroir doré laissent apparaître par transparence de fines plaquettes en titane doré.

Audacieuse Acétate ou métal, pourquoi choisir ? La femme Carven a de l’audace et portera les deux ! Ce modèle combiné présente une structure métal, fixée à l’arrière des cercles en acétate. En survol, une laque rose pétillante vient sublimer le regard.

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Design impulse

ParaSitE, Odyssée de l’espace « L’homme... Donnez-lui un masque et il dira la vérité », prétendait Oscar Wilde. Nouvelles architectures, nouvel aspect, nouvelle socialité. Parasite survole les possibles en utilisant pour ses structures de forme les matières les plus expressives, comme l’inox Steelskin, ainsi que les couleurs les plus hype de la galaxie : couleurs LED, irisées et lumineuses. Des lunettes travaillées comme de véritables bijoux de l’espace, tombés comme des aérolithes incandescents, battant encore des rythmes venus du fin fond du cosmos. Look radical “cyber punk”, avec toujours un temps d’avance. Et toujours cette élégance dans la stupéfaction, ce brio technologique dans la fonction. En cela Parasite demeure unique, à l’image de sa nouvelle collection Legion : entre le masque et la lunette, entre le futurisme et la mythologie. Le sens n’existe qu’à travers ce qui le parasite, ce qui le contredit ! Parasite serait à la fois la quintessence de la lunette et ce qui s’en éloigne le plus. L’absolu mystère d’un objet en quête de lui-même. Magistral !

+ www.parasite-eyewear.com

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Toutes photos Š Parasite

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Life StyLe

La barbe :

la nouvelle identité masculine © Viorel Sima - Fotolia

LE VisaGE, haut LiEu DE L’iDEntité, Connaît PEu DE RéELLE tRansFoRMation. iL y Eu LE REtouR DEs ChEVEux LonGs ChEz LEs FEMMEs au tERME DEs annéEs 80, L’aPPaRition DEs CRânEs Rasés ChEz LEs hoMMEs à La toutE Fin DEs annéEs 90. Et MaintEnant ça : La BaRBE. LE nouVEL éLéMEnt DE L’iDEntité MasCuLinE auquEL Doit s’intéGRER La PaiRE DE LunEttEs.

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a barbe ! Elle n’a pas bonne presse, la barbe. Dans l’imagerie collective, les « barbus » désignent les terroristes fondamentalistes. Et le groupe d’activistes féministes La Barbe doit son nom à l’aspect « macho » supposé indissociable de l’excroissance pileuse de ces messieurs. Loin de ce style réputé sale, vulgaire, clodo, beatnik, le bon père de famille et le salarié sérieux ne se concevaient pas autrement qu’impeccablement ra-

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sés de près. Mais ça, c’est du passé. Car il y a du neuf dans le domaine du poil ; et pas qu’un peu. Pour attirer l’attention sur les maladies de la prostate, il y a une dizaine d’années, des australiens se font pousser la barbe tous les mois de novembre. Depuis, les mâles américains se sont tous convertis à la barbe de sapeur. Et redécouvrent le look hipster des artistes bohèmes du Greenwich

Village des années 50. Différence (de taille, si l’on ose dire) : la barbe n’est plus hirsute mais au contraire extrêmement soignée. Depuis quelques années le phénomène gagne la France. Et rien à voir avec les barbes de trois jours à la Gainsbourg. Rien de défraichis, rien de négligé. Pour preuve, le retour en grâce de ce vieux métier oublié, celui de barbier. La vie du poil masculin n’en est certes pas à sa première révolution : sur le modèle de Barthès, le goal de l’équipe de France championne du monde de football en 1998, la mode du crâne rasé va transformer les hommes chauves en nouveaux play-boys durant tout le début du xxie siècle. Venu des mouvements skinheads des


© Façonnable - ODLM

années 80, fortement imprégnée d’une sulfureuse aura de violence et de références néo-nazies, le « crâne rasé » va complètement pacifier son image et transformer tous ses codes. Dès lors on ne peut plus dessiner une lunette pour homme comme auparavant : et la révolution des branches (dans le trait comme dans les rendus de matières et de couleurs) et des faces (beaucoup plus fortes) va accompagner ce mouvement. Et maintenant ça : la barbe. Que s’est-il donc passé dans l’imagerie du mâle occidental ? L’infantilisation a été une constante de la représentation masculine à travers la mode, la publicité et le cinéma. Vue de l’esprit ? En 2002, L’Obser-

© Silhouette

ver britannique faisait remarquer qu’en quelques années à peine, le nombre d’hommes ayant déposé une plainte contre des publicités pour atteinte à leur image avait été multiplié par dix ! Parallèlement était organisée une virilisation de l’image des femmes, agressives, conquérantes, sûres d’elles. À tel point que le féminisme que l’on donnait pour moribond reprenait des couleurs.

Une évolution de taille dans la représentation de l’homme occidental. Comme toute représentation, l’identité masculine est avant tout une construction sociale. Tandis

que les femmes occidentales ont su accéder à la maîtrise de leur autonomie et de leur liberté, les hommes en revanche se sont trouvés à la traîne des évolutions sociales qu’ils ont davantage subies que désirées. Les années 80 ont révoqué le machisme des décennies précédentes (on se souvient de la pub Athéna et de cet homme nu tenant dans ses bras un bébé). Un nouveau type de magazines se développe, le magazine masculin : FHM , GQ, etc. L’imagerie masculine va durablement s’installer dans le cliché « éternel ado lescent un brin irresponsable et irrémédiablement sexy », d’autant qu’une véritable culture gay et transgenre se développe fortement. De l’éphèbe à l’androgyne il n’y a qu’un pas, que Calvin Klein ou Gap vont franchir allègrement au

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© Saloon - Silmo Paris 2014

nité amoindrie, traitée selon la stratégie de l’effacement et de l’euphémisme, dans un contexte propice à l’égalité, voire à la confusion, des sexes, le tout sur fond de développement des gender studies.

© TOM REBL EYEWEAR

© SALT.

cours des années 90. Avec même un côté franchement « nurserie » dans les calendriers de rugbymen ou ailleurs… Tout cet imaginaire s’est constitué petit à petit autour d’une masculi-

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L’homme y a collectivement gagné en capacité de remise en cause de ses propres travers : machisme, sexisme, paternalisme sont devenus des attitudes dont il est le premier à rire. Et si les structures sociales évoluent moins vite que lui, plus rien ne semble s’opposer à une véritable égalité des droits entre les deux genres. Cependant une différence subsiste : l’image des femmes a été contemporaine d’une nouvelle construction sociale de la féminité. Ce qui n’est pas le cas de l’homme, dont la représentation, ne s’accompagnant d’aucune construction sociale particulière, est un facteur de déstabilisation et d’incertitude. Vint la barbe. Ce retour des looks très « iiie République », à la Jaurès, à la Hugo, s’inscrit dans une verti-

gineuse rupture avec tout ce que nous venons de décrire. Aux EtatsUnis, les implants font fureurs et les géants de l’industrie du rasoir grise mine. Dans les endroits les plus branchés, les jeunes hommes barbus, généralement urbains, créatifs et progressistes, ombrageux et élégants, semblent désormais majoritaires. Une révolution qui désinvestit le look superficiel de naguère pour exprimer une gravité nouvelle. Si au premier abord les visages tendent à se ressembler, en revanche la singularisation se joue sur une intériorité mieux assumée : une force intérieure. Symbole d’expérience, de maturité et de sagesse, signe d’autorité intellectuelle, la barbe permet de repenser de fond en comble l’identité masculine. Une identité masculine enfin décomplexée, emprunte d’humour et de tolérance. La revendication d’une nouvelle virilité, adoucie, très à l’aise avec l’évolution des mœurs et pleinement complice de la féminité contemporaine.


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ciné

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e dernier film de Wim Wenders s’appelle Vai, Paparazzo ! : un hommage en noir et blanc au cinéma italien, à Cinnecita, à la Dolce Vita et au fameux personnage de Paparazzo, le photographe de Fellini dont la popularité fit un nom générique pour tous les paparazzi de la terre. On doit au grand réalisateur allemand de multiples chefs d’œuvres, L’Angoisse du gardien de but au moment du pénalty (1971), Alice dans les villes (1974), Faux mouvements (1974), Paris, Texas, palme d’Or à Cannes en 1983, Les Ailes du désir (1986)... Formé à la cinémathèque de Paris au contact des films de Murnau, de Fritz Lang et d’Ozu, Wim Toutes photos © Persol (Luxottica)

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Wenders revient sans cesse à travers ses films sur la question de l’image et de la vision. Il s’impose rapidement comme le maître de l’errance et du road-movie. On se souvient que c’est Alain Mikli qui réalisa pour Jeanne Moreau, Max von Sydow, William Hurt et tous les autres les lunettes du film de Wenders Jusqu’au bout du monde (1991). Une ode à la diversité du monde et à la beauté des images : « Je pense que la vue passe par les yeux, mais pas seulement, dit-il. La plupart d’entre nous sommes capables d’entendre et de voir, aussi, avec notre cerveau, avec nos tripes, avec notre âme. » Et de dresser cet éloge des lunettes, accessoire qu’il utilise depuis

toujours avec beaucoup de goût et de précision : « Le cadre me permet de mieux voir, de me concentrer sur ce que je regarde avec plus d’attention. » Quel meilleur ambassadeur pouvait trouver Persol pour l’iconique Cellor (contraction d’acétate de cellulose et d’or), avec sa sensualité toute méditerranéenne et sa classe très 1950’s ? Ce petit film, par la beauté de ses plans, est une vraie leçon de cinéma. Il inscrit tous les codes de la marque Persol (« Per il Sole »), synonyme d’élégance masculine, de voitures de sport et de séduction à l’italienne. Un pur bijou. Comme la Cellor. • + www.persol.com

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culture

la fascinante exposition à toucher du doigt Depuis 2010 AlAin Mikli et le Musée Du quAi BrAnly collABorent pour offrir Au puBlic MAlvoyAnt un pArcours sensoriel lui perMettAnt De Découvrir les œuvres MAîtresses Des expositions. tel est le cAs pour l’exposition sepik, sur l’Art De pApouAsienouvelle Guinée, ActuelleMent en cours. une initiAtive MAjeure où les technoloGies MoDernes rencontrent l’Art Des peuples preMiers. époustouflAnt.

© mikli diffusion france 2015 photos f. Gandiol

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C

onnaître une œuvre sur le bout des doigts… Telle est l’extraordinaire expérience qu’Alain Mikli offre pour la cinquième année consécutive aux visiteurs malvoyants de l’exposition Sepik (Musée du quai Branly, Paris). Quatre reproductions en relief d’œuvres maîtresses de la fabuleuse exposition Sepik sont ainsi présentées dans l’espace sensoriel que le musée des Arts Premiers destine plus particulièrement aux personnes malvoyantes. Un choix réalisé avec le plus grand soin, par le commissaire de l’exposition luimême. Chaque œuvre, interprétée à l’aide de formes en relief, de textures et de nuances colorées, est désormais réalisée par impression 3D. Les pièces réalisées en acétate de cellulose dans les ateliers Mikli de la rue Campo Formio sont ensuite recouvertes de résine, puis polies, afin de

donner au toucher une impression de pierre ou de bois. Chaque interprétation est le fruit d’un travail d’experts réalisé avec les équipes du musée du quai Branly qui ont indiqué à l’équipe de Mikli Diffusion France quels éléments représenter par le toucher. La démarche consiste à mettre les éléments les plus significatifs en très haut relief. Ces représentations tactiles ne sont pas des reproductions, mais bien des interprétations, des supports de médiation. Les quatre réalisations incluent un masque de rituel ; une sculpture de femme ancêtre ; un extrait de frise représentant un visage d’ancêtre peint et une planche sculptée. Dans le casque audio, un commentaire parlé, à la fois descriptif et esthétique, mais aussi social et culturel, permet au visiteur d’approfondir chaque détail, en parfaite connaissance du contexte ethnographique.


Pour se rendre dans l’espace tactile, des bandes podotactiles mènent le visiteur depuis l’entrée de l’exposition. Un espace audio complète le dispositif, permettant au visiteur de se plonger par le son, les chants et la musique, dans l’univers mental et sonore des peuples du Sepik. Lorsque l’exposition cesse de faire spectacle, une compréhension plus haute gagne le visiteur : il entre dans un parcours, il participe de ces formes, de ces sons, comme s’il en était lui-même l’auteur ; il se les approprie. Dans la participation qu’elle suppose, la visite tactile et sonore amplifie les sensations. Plus qu’un lieu à l’usage exclusif des malvoyants, l’espace tactile et sonore est d’abord un espace de compréhension, d’immersion dans cette culture autre qu’il nous est proposé d’explorer. Après une première intervention autour de l’exposition La Terre vue

du ciel de Yann Arthus-Bertrand, puis dans le cadre du musée d’art moderne du Centre Pompidou, Alain Mikli, poussé par sa passion pour cet acétate de cellulose qui a fait le succès mondial de ses lunettes, a inventé ses “images tactiles” pour permettre aux personnes aveugles et malvoyantes un accès à l’esthétique visuelle. Un pari à la fois génial et généreux, qui se poursuit depuis 2010 avec le musée du quai Branly et le premier parcours audio-tactile au cœur des collections permanentes (déjà 27 œuvres tactiles présentées en roulement). Depuis lors, ces publics spécifiques ont pu toucher du doigt les arts des peuples Maoris (2011), des Aborigènes (2012), des Indiens des Plaines (2014) et des Mayas (2014). Cette année, Mikli Diffusion France et le musée du quai Branly emmènent les visiteurs en Papouasie-NouvelleGuinée, dans le cadre de l’exposition

Sepik, Arts de Papouasie-NouvelleGuinée, jusqu’au 31 janvier 2016. Première exposition en France consacrée aux arts des populations du plus grand fleuve du nord de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, long de plus de 1100 kilomètres, l’exposition Sepik, Arts de PapouasieNouvelle-Guinée rassemble une collection inédite de 230 œuvres. Installés depuis plusieurs millénaires sur les rives du fleuve et de ses affluents, les habitants du Sepik évoluent dans un monde où tout objet usuel est susceptible d’être sculpté, gravé ou peint de figures animales, humaines ou de motifs abstraits. Un art au quotidien où règnent les figures ancestrales et mythiques, les cérémonies d’initiation et les signes obscurs. + www.quaibranly.fr + www.alainmikli.com

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destination voyage

Train de nuit pour Rome. Ville éternelle, ville de l’instant, elle vous accueille, des ocres des ruelles au bleu azur de ces ciels lumineux contemplés par des ruines millénaires. Dolce Vita ? Pas si simple. Nouvelle étape sur le blog voyage de notre globe-trotter.

A

peine débarqué de la gare Roma Termini vous voilà en plein cœur. De quoi, vous ne sauriez le dire au juste. Expliquer ce charme indéfinissable qui vous saisit dès vos premiers pas dans la ville éternelle, ce serait un peu trahir ce qui précisément vous le rend si précieux. Vous gardez ça pour vous. A deux pas, c’est l’hôtel des Artistes. Avec sa terrasse de verdure sur le toit. Votre premier capuccino après la nuit passée dans les soubresauts du Palatino. La clim était déréglée. Vous grelottiez. A présent vous vous installez dans le matin clair. Physiquement, mais aussi mentalement. le n’est pas du design. El et e od m la r sa lagune, le de Milan la capita me Venise, languissante su is un peu e m m co s pa la fo Rome n’est usée. Ni com u tout ça et à ce une ville m Rome est un pe ’elle génère . qu té t au en be m comme Floren re ve ns le mou de sa prop re da tiè re en zas. La vie tiè e az en ut pi e s jaillie to ouve tout ion de se tr at re im se an e L’ . m es Ro . le bonheur. ses ru plus que cela t. Le bruit de avoir inventé an e, tr av au en e se ut ul to t et qui la prop mble, avan e de s où la ville se é sous le sign de ses terrasse r exemple. ne : toujours plac ur e pa is a po en t, on V en av e N m m Piazza ger pleine nne, com lie ga ta en l’i s y à re s’ r à op eu pr ce istesse Mais un bonh me s’il existait une réticen cements de tr an él ne s s ce lle om ie rs C ic ou rf l’éphémère. t-on bien touj uantes et supe perdre. Perçoi , les joies tonitr , histoire de n’inquiéter ce an ér ub pas avoir à le ex L’ iterranéen ? se à la gravité au monde méd les masques que l’on impo e sorte. e ste, en quelqu qu di t su en é lit uv vi so ci nt de so forme élaborée personne. Une

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En 1960 La Dolce Vita remporte la expression Palme d’Or en soi et re au Festival nd populair sous les tra de Cannes, e le métier its de Papara d loufoque d zzo (person magazines e photogra evient une nage dont “Peoples”). p h e mondain le C n hroniques de ce bonh de la via Ve om donnera les “papa eur facile, b razzi” des neto, les Ch rillant, oste Mastroiann amps-Elysé nta i) va progre es romains, ssivement d toire. Mais Marcello (i à laquelle il nterprété p écouvrir qu appartient ar Ma e tou ma vrées, futile s. Film du d sque en fait la décomp te la frime de la jeuness rcello é o e dorée senchantem sition des cl monde cyn a ique et san ent existen s illusion. tialiste, de la sses aisées, désoeuperte de so i dans un

C’est que Rome est aussi une ville de ruines. Elle a plus que d’autre s cette double connaissance, et si profondément inscrite dans sa chair, de la grande ur et de la décadence. Milan n’est pas une ville de ruines. Venise n’est pas une ville de ruines. Florence n’est pas une ville de ruines. C’est elle, Rome, qui porte au plus profond de son identité la stupeur de son empire effondré. Elle, Rome, confron tée à cette conscience de ce que tout disparaît. Elle regarde une étoile, en conserv e au front la lumière ; mais c’est une lumière froide. La lueur fossile d’un astre depuis longtemps éteint. Il y a dans cette lumière-là tant de sagesse, tant de justesse . Née du monde sauvage, fille du Tibre et de la Louve, Rome. Tenir vibrantes ces ruines. A chaque pas. Ruelles coupées en deux, à l’oblique. Un triangle obscur, un triangle de lumière. Quelque part dans le Trastevere. Un chat, écrasé de chaleur, dort à l’ombre murmurante d’une fontaine solitaire. Se mêler à ça : à cette exacte rumeur des choses.

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photo

L’œil Nomade : chroniques photographiques de Pierre Rocher

On connaît Pierre Rocher : une figure dans le milieu de l’optique, à la fois ancien industriel (il a introduit les lentilles souples en France) et opticien de renom (Vision Contact, Paris). On connaît moins en revanche le Pierre Rocher photographe, inlassable globe-trotter curieux du monde et amoureux de ses beautés.

Q

ue ce soit par le texte ou par l’image, Pierre Rocher est d’abord un fabuleux conteur. Dans la préface de son ouvrage L’œil nomade, ses « Chroniques photographiques » comme il les appelle, il explique comment la photographie s’est révélée à lui sous les traits d’un jeune soldat égaré dans la débâcle de 1940, et qui fut accueilli dans la maison familiale de Bergerac. Pour tout bagage le réfugié ne possédait rien d’autre qu’un Rolleiflex, appareil photo d’exception. Son nom : Willy Ronis. Avec Robert Doineau, Ronis va devenir l’un des plus grands représentants de la photographie humaniste. Pour le jeune Pierre, la rencontre est déterminante. Laisser le monde faire trace : c’est qu’en Dordogne on a l’habitude des grottes

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ornées, de ses mains dont le contour a traversé les âges pour venir faire signe. Ainsi en est-il de la photographie. Encouragé par Willy Ronis, Pierre Rocher, tout en devenant l’opticien que l’on sait, se met à son tour à capter les signes que le monde lui envoie. Fasciné par la technique, il traque les formes parfaites des avions, des reflets dans les nouveaux espaces de la modernité, l’élan précis des ouvrages d’art. Chaque chapitre est consacré à une forme : la roue par exemple, symbole du monde et fondement de la technique. Car au-delà du livre de photographie – et c’est ce qui en fait sa grande originalité – L’œil Nomade est ce que son auteur nomme lui-même « un livre de curiosité » : l’occasion de méditer sur le monde et d’exprimer son étonnement

et son admiration, par de courts textes à la fois denses et lumineux. C’est cette connaissance et reconnaissance que nous livre Pierre Rocher, à travers un ouvrage d’une très haute tenue esthétique. Les images en vis-àvis, dans de splendides doubles-pages d’où l’humour n’est pas exclu, dialoguent et s’interrogent mutuellement, multipliant les surprises et les lectures possibles. La beauté du monde est avant tout dans le regard. Elle s’inscrit à chaque page de ces exceptionnelles chroniques en noir et blanc.

L’œil Nomade, premières chroniques noir et blanc (1980-2010), par Pierre Rocher (CLM Éditeurs, Orsay, 2013). Disponible sur : www.edition-optique.com


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santé visuelle

Lentilles de contact et produits d’entretien : cinq règles d’usage à ne pas perdre de vue !

L’ASNAV et la SFO viennent de rendre public un com-muniqué commun à l’attention des professionnels de la contactologie, afin de leur rappeler les usages de base. Des conseils utiles à partager avec les porteurs, des armes face à la concurrence qui vient.

© Fotolia

L

a nouvelle loi sur la consommation introduit la mise en vente libre des solutions d’entretien pour lentilles. Face à l’impact de cette nouvelle disposition sur les pratiques des porteurs, la SFO et l’ASNAV attirent l’attention sur l’importance capitale de respecter certaines règles clés en matière d’usage et d’entretien des lentilles. Une condition sine qua none pour un port parfaitement sécurisé et une santé visuelle préservée. Un vent de libéralisation souffle sur la vente de produits d’optique. Le 11 décembre dernier, l’article 17 quater A du projet de loi sur la consommation prévoyant de libéraliser la vente des solutions d’entretien pour lentilles a été adopté par l’Assemblée Nationale. La commercialisation de ces produits n’est donc plus réservée aux seuls pharmaciens et opticiens mais désormais ouverte à des non professionnels de la vue, acteurs de la grande distribution et

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sites internet notamment. La perspective de diversification des circuits de vente des solutions lentilles, avec des circuits moins sécurisés que d’autres, incite la SFO et l’ASNAV à appeler le consommateur à la plus grande vigilance.

Produits d’entretien lentilles : deux règles de prudence 1. Privilégier la qualité : les produits d’entretien pour lentilles ne sont pas des produits de consommation courante mais des dispositifs médicaux, au même titre que les lentilles elles mêmes, qui sont posées directement sur l’œil à la surface de la cornée. Le consommateur doit donc s’assurer de la qualité de son produit d’entretien, en termes d’innocuité pour la cornée et d’efficacité antimicrobienne, afin d’éviter tout risque d’intolérance, d’infection ou de complication. Les professionnels de la

vue sont à l’évidence mieux placés pour conseiller les porteurs de lentilles sur le choix d’un produit d’entretien présentant ces garanties. 2. Suivre le conseil de l’ophtalmologiste : si l’ophtalmologiste recommande à son patient porteur de lentilles un produit d’entretien plutôt qu’un autre, ce n’est pas sans raison. Il veille en effet à lui prescrire une solution compatible avec sa physiologie oculaire, qu’il tolérera parfaitement. Seul un professionnel de la vue est à même de suggérer le remplacement d’un produit d’entretien par un autre, sans risque pour le porteur. La SFO et l’ASNAV rappellent également l’importance des règles de bon usage des lentilles. Les lentilles de contact sont un mode de correction visuelle moderne et performant, de plus en plus confortable, sûr et simple d’utilisation, permettant au-


Ne pas dépasser la durée de port quotidien conseillée (12 heures par jour maximum généralement) : retirer ses lentilles dès qu’une sensation d’inconfort ou de picotement est ressentie et mettre alors des lunettes de vue pour reposer ses yeux. Attention, on ne dort pas avec ses lentilles sauf si elles sont spécialement prévues pour cela !

Lentilles cosmétiques : des risques accrus !

© Fotolia - Marin Conic

jourd’hui de corriger tous les défauts visuels, mais exigeant en contrepartie du soin et de la rigueur de la part des porteurs. À défaut, le port de lentilles peut présenter des risques pour la santé visuelle. « Le non-respect de certaines règles élémentaires d’hygiène et d’utilisation peut entraîner des pathologies variées dont certaines très graves », confirme le Dr Evelyne Le Blond, Présidente de la SFO ALC (Société Française des Ophtalmologistes Adaptateurs de Lentilles de Contact). Avant toute adaptation de lentilles, un examen ophtalmologique complet est donc nécessaire pour s’assurer que la personne ne présente pas de contre-indications au port de

lentilles, comme la sécheresse oculaire par exemple. Bien respecter la durée de renouvellement conseillée (journalière, bimensuelle ou mensuelle le plus souvent), prévoir toujours une boîte de lentilles neuves d’avance pour les changer à la bonne date. Entretenir ses lentilles tous les jours en suivant scrupuleusement les consignes données : se laver les mains avant toute manipulation, renouveler quotidiennement la solution d’entretien dans l’étui, bien refermer le flacon de solution après usage, changer régulièrement l’étui.

Les lentilles cosmétiques (lentilles de couleur, lentilles à motifs, etc.) peuvent faire l’objet d’un achat d’impulsion, sur internet par exemple, en particulier de la part des jeunes, pour une occasion ou une soirée. Elles ne doivent jamais être portées sans examen ophtalmologique et conseils préalables ! Les lentilles cosmétiques sont des lentilles comme les autres : elles présentent les mêmes risques en cas de non-respect des consignes d’usage et d’hygiène. Les jeunes qui les portent sans conseil et de manière prolongée, toute la nuit par exemple, s’exposent à un abcès de cornée qui peut se déclarer rapidement et toucher les deux yeux en même temps.

+ www.asnav.org + www.sfo.asso.fr

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