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Linn
Avant-propos
Le travail que nous faisons chez Extery est visiblement clairement tracé : nous fabriquons du mobilier urbain de haute qualité, durable et accrocheur. Aucun doute à ce sujet. Lors de la planification et de la conception de nos produits, nous pensons toujours à ce qu’ils apporteront à notre espace commun, à ces événements et activités qu’ils faciliteront et soutiendront, voire qu’ils susciteront. Mais en même temps, nous nous rappelons que les choses que nous fabriquons servent de toile de fond au paysage urbain, le salon partagé qui façonne notre quotidien, dans lequel des histoires et des événements naissent et s’entremêlent. Nous traversons cet espace tous les jours. Nous y célébrons des occasions spéciales. C’est un endroit où nous faisons l’expérience de la routine et du prévu, mais c’est aussi un endroit où nous sommes ouverts aux événements inattendus et aux rencontres aléatoires. Des histoires sont racontées et des vies se rencontrent dans cet espace. Le mobilier Extery est un accessoire sur cette scène. Nous lui apportons la touche finale, mais sa véritable signification et son importance ne sont révélées dans l’espace urbain qu’il habite qu’une fois qu’il fait partie des histoires uniques des gens. Ces histoires sont très importantes pour nous. Dans cet album, des écrivains estoniens partagent avec nous leurs histories qui mettent en lumière la dimension invisible de ce que nous créons – offrant ainsi un aperçu de nos produits qui n’est pas reflété dans les images de marketing ou les faits et chiffres. Bonne lecture !
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L’équipe EXTERY.
Travailler ensemble pour enrichir l’environnement urbain:
6 Linn
Conçu par : Pent Talvet
La peau rugueuse caresse la surface lisse du bois
Celle-ci a une structure : des sinuosités, des veines, qui serpentent de-ci, de-là. Pour une raison quelconque, l’homme – appelons-le Pierre – se met à penser à sa vie. Dans cette dernière aussi, il y a eu des détours, et des courants. Quand il réfléchit à ses trois mariages, il pense que c’est précisément ça, un courant – enfin un drôle de courant, plutôt le même fossé dans lequel ils se sont tout jetés. Au début c’était bien. Puis ça a été chaud. Aujourd’hui, ces mariages sont plutôt comme des pots de confiture oubliés sur quelque étagère poussiéreuse du grenier de sa mémoire, dans lesquels une épaisse couche de moisissure empêche d’apercevoir le contenu réel. Ses enfants doivent se promener quelque part dans le monde, déjà grands, ayant oublié leur père depuis longtemps. C’est un homme simple, disent certaines personnes. De l’extrémité d’un doigt il suit une veine du bois, puis s’arrête soudain lorsqu’il remarque une tache plus foncée. Un nœud, pense-t-il. C’est ainsi qu’il s’est perçu lui-même toute sa vie, comme une tache sombre et isolée. Les courants l’ont contourné, se heurtant toujours à cette résistance obstinée ; lui n’a pas bougé, il a gardé le même froncement invariable des sourcils, entre tous ces champions de l’évitement ou du tortillement, les talons solidement plantés dans le sol, les mains sur son outil. C’est le travail qui lui a fait les mains rugueuses, qui a renforcé sans relâche sa noirceur et son obstination, couche après couche, année après année. Cette vie peut bien tourner, moi je ne bouge pas d’ici. Pierre est un beau nom, on y sent du poids, de la densité. De l’âge aussi, sans doute ; peut-être même une certaine dignité. Mais ce n’est pas son nom, heureusement.
Birk Rohelend