La Maison Voir, S'asseoir, Penser

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Séminaire : Pérennité et obsolescence du mouvement moderne Professeurs du séminaire :

Ginette Baty-Tornikian

Alain Dervieux

Dominique Druenne

La Maison Voir, S’asseoir, Penser Eddy Montonati



La Maison Voir, S’asseoir, Penser



Eddy Montonati

La Maison Voir, S’asseoir, Penser

Séminaire Pérennité et obsolescence du Mouvement Moderne Ginette Baty-Tornikian Alain Dervieux Dominique Druenne



Tables des Matières

Préface

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- Pourquoi la maison ?

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Préambule - Raisons de ce mémoire

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I. La maison n’est pas une baie 1. Le parcours 2. Ouvrir : de la lumière mais surtout une vue 3. Voir l’intérieur se projeter vers l’extérieur

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II. Une baie qui demande à être habitée 1. Relation intérieure extérieure 2. Plus qu’un tableau collé sur la façade 3. Assurer l’immobilité

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III. Le ponton 1. Un sol 2. Avancer sur la nature 3. Aboutir à une vue

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Conclusion

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Quelques citations – Quelques notes

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Sources des illustrations

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Bibliographie

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PrĂŠface


La maison reste le projet le plus riche en matière d’expérimentations et de recherches sur l’espace. L’architecture moderne s’est accaparée le sujet pour en faire le support de ses innovations spatiales et constructives, étant donné qu’il offre de larges possibilités à la création architecturale. La maison est aussi le meilleur moyen pour faire connaître l’architecture, et la diffuser, puisque la question d’habiter touche chacun d’entre nous et que tout le monde veut se loger dans les meilleures conditions. Seulement, l’architecture ne traite pas seulement le fait d’apporter un confort, de la sécurité ou un besoin de surface à vivre, mais elle veut s’efforcer d’agencer la juste enveloppe dont l’homme a besoin pour s’épanouir. Cette enveloppe constituée de six parois1, comme le disait Jacques Pezeu-Massabuau, nous entoure afin de concrétiser l’acte d’habiter, puisqu’elle permet à l’homme d’être abrité. « L’acte d’habiter commence dès qu’on a l’impression d’être abrité »2 disait aussi Gaston Bachelard. Maintenant que l’abri remplit son rôle protecteur face au climat : le froid, la pluie, le soleil, qu’en est-il de l’homme ? Que fait-il à l’intérieur de son chez soi ? Qu’en attend-il ? Que devient son rapport à l’extérieur puisqu’il a un intérieur qu’il entoure ? Est-ce que l’homme attend d’être isolé pour vivre, coupé du monde ? Ou a-t-il besoin de la collectivité pour vivre et s’épanouir ? La juste réponse serait de dire qu’il faut que l’homme soit isolé dans sa collectivité. Il faut qu’il est un univers à lui mais parmi les siens, sa société. Ainsi son habiter doit offrir un isolement autant qu’une ouverture sur l’extérieur. C’est pour cela que la vue sur un ailleurs depuis l’habiter est nécessaire pour installer un homme et lui offrir le statut social qu’il mérite au sein de sa société. Mais cet abri ne peut se détacher de l’élément commun à tous les êtres : le sol. C’est bien évidemment ce lien qui engage une présence et qui en rassemble d’autres. Faire partie de cette étendue confère à l’homme son être. « Être, c’est être situé » disait Merleau-Ponty. La notion d’appartenance à un sol est très importante pour celui qui habite, en plus d’avoir un lieu de vie, il dispose d’un extérieur privé dont il peut jouir à sa guise. Seulement, ce sol doit se faire sentir, et garder son pouvoir de générateur d’espace, ce qui implique une combinaison fine entre lui et l’abri. De sorte que l’habitant soit dans un intérieur où cet extérieur ne se trouve être que sa projection. De cette logique, nous ne visualisons pas une boîte au milieu d’un terrain mais un sol accueillant une boîte ouverte qui se projette sur lui-même. Ce qui implique une relation intérieure extérieure forte où l’homme puisse avoir conscience de son environnement proche. 1 2

Habiter rêve, image, projet p 27 La poétique de l’espace 10


Lee House, Tadao Ando

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La maison est le seul programme capable de fournir un abri posé sur un sol en extérieur. L’appartement apporte tout le confort, la sécurité, chaque chose dont l’homme a besoin pour vivre mais comme il est placé généralement bien au-dessus du sol, ce manque (de sol) ne complète pas l’acte d’habiter, du moins l’intérieur reste un intérieur sans projection aucune. Être abrité, immobile devant un extérieur est la grande force que la maison amène. C’est là que l’architecture existe. La maison égale poésie, consciente de l’être humain. Car, « le coin est un refuge qui nous assure une première valeur de l’être : l’immobilité »3 disait Gaston Bachelard, non seulement le coin, l’abri qualifie l’une des valeur de l’être, mais aussi engage l’acte de penser, « dès que nous sommes immobiles, nous sommes ailleurs ; nous rêvons dans un monde immense. »4 Un espace dédié à cette immobilité nécessaire apporte une consistance à la maison, tout d’un coup, il y a un intérêt à vivre au sein de cette enveloppe qui se dessine autour de nous. Il y a une réelle pensée du logement et surtout sur la maison. Cette mise en relation avec l’extérieur qui capte les pensées d’un homme devrait être présent dans chaque composition résidentielle. De cette relation effective avec l’extérieur, la maison ne doit être qu’un parcours conduisant à une vue choisie démontrant l’impact qu’elle procure sur son site, sa parcelle. Autrement dit, la maison n’est qu’intéressante si elle se comporte comme le ponton ou le promontoire. Un simple endroit où l’on se pose, on s’asseoit, on regarde et de ce fait on pense. Voilà l’ultime raison de concevoir une maison, et ce n’est qu’en obtenant ce résultat que l’on crée une maison.

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La poétique de l’espace Gaston Bachelard p 131 La poétique de l’espace Gaston Bachelard p 169 12


“Le pacte avec la nature a été scellé ” (in F. Pierrefeu et Le Corbusier La Maison des Hommes, 1942)

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L’architecture développe la pensée sur l’habiter, sur une base riche de disciplines et d’univers différents. La maison requiert cet état d’esprit car elle permet l’utilisation des données qu’un architecte engrange pour penser. Montrer l’importance de concevoir de la maison est un but. Ce programme, bien que banal pour certains, demande un investissement particulier, et engage surtout un combat d’idées impressionnant. En France, la maison est le marché des constructeurs et elle se trouve enfermée dans le traditionalisme et le régionalisme. De cette réalité, venir innover dans la maison individuelle devient une opération compliquée et périlleuse où l’architecte prend les armes pour faire valoir un changement. Bien ancré dans le fait que la maison est une machine à habiter5, c’est à dire le lieu favorisant un épanouissement, nous voulons définir ce projet, poser le problème de la maison en s’intéressant au plus près de l’homme, (de l’habiter) dans son rapport à l’extérieur.

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Le Corbusier 15


Pourquoi la maison ? La maison offre la possibilité de travailler sur l’espace de l’homme, au plus près de ces activités personnelles. On traite l’homme non pas pour le groupe mais pour l’individu. C’est du sur-mesure, et l’on est plus dans un traitement précis d’ambiance, du rôle d’un parcours et de son rythme. Vraiment il y a une attention particulière à entreprendre. Et puis ce rapport au sol est fort et important. Il favorise l’appropriation d’un extérieur proche et lointain. Il permet de s’extraire de la maison et de se retrouver dans un espace à soi mais en dehors de l’abri que l’on habite, en étant à l’intérieur du clos privé. Cette possibilité d’aller à l’extérieur change tout dans le rapport entre un dedans et un dehors. On a le choix. On peut aller dehors, chez soi aussi. On peut habiter un extérieur autant qu’un intérieur et c’est cela qui diffère de l’appartement ; où la vue que l’on a de sa baie est un paysage que l’on ne peut maîtriser en d’autre terme qui ne nous appartient pas. On n’a pas d’emprise sur celui-ci. Il peut être beau, mais il ne nous appartient pas, et de là on ressent une frustration. Cette frustration se ressent car en fait tout simplement, il n’y a pas de lien avec cet intérieur et cet extérieur. Cet extérieur est distant. Il y a frustration aussi sur le fait que l’on ne peut pas le parcourir, il ne fait pas partie de la projection de notre intérieur et de plus les baies proposées ne sont là que pour faire rentrer de la lumière, non pour cadrer une vue. Dans l’appartement, on est cloîtré, l’intérieur ne se projette pas. Il y a un vis-à-vis important presque trop où l’intimité est bannie une fois les rideaux ouverts. On subit le traitement de la façade du bâtiment plutôt que le souci d’une vue. Et cela va de même pour la composition intérieure puisqu’elle vient dans la réflexion d’un ensemble complexe. La maison est un objet unique répondant qu’à ses seuls besoins, il ne doit pas se soumettre à d’autres entités. De ce fait, on se concentre sur lui et son potentiel à générer de l’habiter sous plusieurs formes et c’est en cela que la maison est un formidable terrain d’expérimentations, et d’innovations. On peut tout faire de ce programme. C’est un sujet de réflexion aux horizons infinis. La contrainte est peu présente. Il est si simple que l’on peut s’y perdre. On est à l’échelle de l’homme. On traite le petit espace comme le grand avec autant d’attention, et le petit espace prend une importance capitale. Ce projet est intime dans son ensemble, de la réflexion entre l’architecte et son commanditaire, entre l’architecte et ses entreprises, où l’architecte endosse plusieurs casquettes. De plus, l’habitant est vraiment au contact de la pensée de l’architecte, il voit l’espace construit vivre et l’espace abstrait se mettre en place pour favoriser l’espace vécu6. La facture d’une maison, ses détails de construction, de mise en œuvre importe car cela fait partie d’un quotidien. C’est un projet qui se vit 24 heures sur 24. Et puis il inclut nombre de fonctions et d’usages que l’on peut traiter classiquement ou que l’on peut extrapoler grâce à cette présence attirante qui est l’extérieur, cet espace de tous les possibles. On rencontre la maison le plus souvent dans les lotissements pavillonnaires. Cet étalement urbain se retrouve aux abords des villes, ainsi constituant des zones habitées sans lien avec le centre ville. Ce sont des paysages d’habitations sans qualités qui se développent sans créer un esprit de communauté, chacun sa maison et son jardin.

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Trois expressions dites par J. Pezeu-Massabuau, Habiter rêve, image, projet p133 16


Lotissement pavillonnaire, Loir-et-Cher

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Aucun lotissement favorise la mixité des activités, il n’y a que de la maison posée sur leur parcelle où un traitement paysager est oublié, ce qui n’embellit pas le site choisi. Pour celui qui se retrouve au milieu de cette forme urbaine, il ne voit que la démonstration d’une certaine propriété foncière, à un tel point que la route ou le trottoir qu’il foule ne peut être public. Il voit des maisons toutes différentes sans dialogues où un esprit commun n’existe pas. La plupart du temps, il n’y a pas de vie puisqu’on résume ces lotissements à des zones dortoirs. Certes l’endroit y est calme, mais l’endroit ne favorise pas les lieux de rencontre en communauté pour profiter de ce calme avec de la végétation. Chaque parcelle est fermée au public car privé et comme une parcelle est la composante commune de ces lotissements, on peut considérer ces bouts de ville comme interdits aux personnes étrangères. Ce sont des lieux où l’on passe sans marquer un temps, où les voies d’accès et les trottoirs servent qu’à la circulation, de piétons ou de voitures. Une route à deux voies et un trottoir de chaque côté puis directement la limite de parcelle. Les temps d’arrêt ne sont que privés, les parcelles et leurs maisons. Les lotissements pavillonnaires pourraient-ils devenir un parc ? Pourquoi ne pourrait-on pas assister à une réinterprétation du lotissement pavillonnaire comme on a pu la saisir dans le domaine du cimetière ? Le cimetière, maintenant, se visite puisqu’il est un parc. C’est un lieu, un vrai, que l’on parcourt dans une rencontre avec une végétation abondante, et représentative de sa région, où notre but est de visiter la dernière demeure d’un défunt. C’est un parc, qui a des heures d’ouverture, il n’est pas une zone libre. Maintenant que l’envie de faire un parc avec des maisons est soulevée, il serait plus qu’intéressant de penser ce parc comme une zone libre. C’est-à-dire de donner un sol sans barrières où ce sol est à tout le monde, se permettre d’instaurer ce sentiment serait un gage de modernité, aller à l’encontre d’une propriété trop affirmée. De cette manière, ce n’est pas la barrière qui dit “cet espace est à moi“ mais c’est l’individu qui se fixe lui-même son rapport aux autres. Et là se repose la question de l’abri qui se pose sur un sol vierge de toute propriété, on habite juste, on ne prend pas. Où la végétation vient entourer cet habiter. La végétation ne serait-elle pas le meilleur choix pour définir un lieu d’intimité pour ne pas dire de propriété ?. Le Cambodge était un pays, avant sa période khmers rouges tragique, où l’habitat se définissait par une maison sur pilotis et de la végétation abondante pour marquer un lieu d’appropriation. La végétation servait à définir de l’intimité mais aussi des zones tampons afin de distancer les maisons les unes des autres et par la même occasion un chemin de passage se créait. Maintenant la clôture est là partout, car depuis cette terreur, les gens veulent se renfermer dans une enveloppe protectrice et dissuasive. Il est sûr qu’un sol sans propriétés pose un problème pour dessiner les limites privé-public afin de sortir un plan d’aménagement des sols. Et actuellement c’est un problème majeur au Cambodge pour faire valoir son droit de propriété. Seulement vivre sans barrières, sans un quotidien de contrôle est une belle idée, est-ce que c’est une idée ou tout simplement une logique humaine, celle de la communauté ? Dans cette idée de vivre sans barrières, il faut considérer le sol autant que le ciel, le soleil, trois éléments qui doivent nourrir chacun. Avoir cette approche fait partie du projet de maison. Le ciel doit être vu, il ne doit pas être obstrué par une haute construction qui veut montrer sa place dans le paysage proche, où son toit “pointu“ découpe le bleu. Au-delà de trois mètres cinquante de haut, un mur est gênant dans la prise en compte d’un horizon. Se promener dans un ensemble homogène, où l’horizon est unique et affirmé, apaise et confère à celui qui visite un statut plein et entier de 18


Lotissement de maisons Ă patio, La Rochelle

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centre, puisque l’horizon n’est qu’une ligne imaginaire circulaire dont l’observateur est le centre et où le ciel et la terre ou la mer semblent se joindre.7 Ici, le mur de trois mètres cinquante cache entièrement des maisons et leurs extérieurs (patio) et l’ensemble homogène n’en est que le lotissement qui accueille ces maisons. Donc, l’horizon se place sur le toit plat de ces habitations. D’un seul coup, il y a une union forte, les constructions admettent un logis mesuré à l’échelle de l’homme où la hauteur maximale est trois mètres cinquante. La hauteur habitable se situe à deux mètres cinquante, on reste proche de notre sol, on peut communiquer avec lui de n’importe quel point du logement. L’unité se retrouve dans l’intimité. Il y a un partage réel et équitable de l’extérieur depuis l’intérieur. Installer un rapport fort intérieur extérieur est une attitude liée à la construction de la maison, cela en est même une attente importante, qui ne peut être oublié lors de la conception de celle-ci, puisque la maison est le programme qui se veut être le seul point vers l’extérieur. Il faut le prendre en compte comme tel. Et pour mettre en place cette pensée qui est vraiment celle de la maison, on doit traiter un sol, un toit le plus simplement pour laisser la place à la vie. Deux horizontales clairement définies qui ouvrent sur l’extérieur. Les verticales, servant à tenir le toit d’une part mais aussi à recevoir la lumière, s’engagent à mettre en scène l’extérieur, à le cadrer, à favoriser une séquence de moments avec la nature. Nous ne sommes pas en train de s’imaginer un trou dans une enveloppe mais bien de faire réagir la composition d’un intérieur avec son extérieur. Tout ce qui est présent pour construire doit engager cette relation intérieure extérieure. C’est là que l’intérieur est l’espace servant et l’extérieur est l’espace servi pour celui qui voit depuis l’intérieur. La maison choisit son extérieur et le met en scène. Nous avons parlé brièvement de verticales, introduisons ce qui pose l’activité et la propose : le meuble. Lui aussi il doit faire le lieu, le créer et faire de l’espace. On ne parle plus de meuble contre un mur mais du meuble paroi, de la paroi meuble, ce meuble là qui sert plus qu’il ne décore puisqu’il va libérer l’espace, laisser la lumière venir inonder le sol et l’on ne retrouvera que les meubles indispensables posés comme des œuvres d’art. Tout d’un coup, nous voyons un espace clair, réduit à l’essentiel où seul le strict minimum pour vivre est mis en valeur. “Less is more“ dixit Mies Van Der Rohe la simplicité nécessite plus d’intelligence et de savoir-faire et que surtout moins il y a de choses autour de nous plus on vit. Il est évident que le travail de cet architecte marquait par l’ingéniosité de ses détails constructifs et la composition éclairée de ces intérieurs mais il faut noter que la recherche de simplicité dans la forme et la fonction ne voulait que mettre en valeur la vie des habitants. Et le meuble lui a permis cela entre autre. Celui qui a mis le meuble au service de la maison est l’architecte Shigeru Ban avec la maison meuble (The Furniture House). Le meuble tient la maison à tous les niveaux. Le toit est soulevé par le meuble, chaque espace est composé par le meuble, il y a une unité constructive et utilitaire. Seule la maison peut permettre cette initiative et la concrétiser. La maison est vraiment le lieu de concrétisation d’idées nouvelles, on expérimente avec la maison, on avance avec elle. Toutes les nouvelles technologies, les nouveaux matériaux pour l’habiter se sont retrouvés tester dans ce programme, et de ce fait la maison a évolué. La maison permet une évolution, et elle se remet en cause par la même occasion, on renouvelle la façon d’habiter, de voir les choses et de faire réagir 7

Définition de horizon Le Petit Larousse Illustré 20


son logis avec son environnement. À tous niveaux, on se projette grâce à la maison technologiquement, spatialement et spirituellement. On est tellement libre dans cet exercice que l’on invente, on cré, on produit, on teste et des idées concrètes naissent pour devenir possible dans d’autres programmes. Car la maison est la miniature de la ville, de ces composantes en tout cas. Notre bibliothèque dans notre maison est ouverte sur l’extérieur et profite de la lumière naturelle et bien nos bibliothèques en ville s’ouvrent maintenant sur la nature, de même pour les cuisines de restaurants qui demandent à être vues du public. Et à la vue de cela, il s’installe le sentiment d’intimité que l’on a dans nos maisons ; sa place, son intérieur, son extérieur, le vu et le caché. Maintenant nos bâtiments publics multiplient les fonctions, dans un cinéma (un exemple), on a une cafétéria, une bibliothèque,… On assiste à des équipements multifonctions même s’il y en a une (fonction) qui est majeure. Par là, peut-on suggérer une interprétation de la maison ? La maison ne concentre pas l’homme sur une seule fonction comme on peut l’être dans un théâtre, un cinéma où l’on vient pour voir un spectacle, un film ; ou dans une école où l’on se cultive. Ce n’est pas un programme qui nous cantonne à une ou quelques fonctions et puis dans la maison nous ne sommes pas un client, un spectateur ou un élève mais simplement soi dans un intérieur qui nous propose bon nombre de fonctions que l’on choisit selon ses propres envies, c’est un espace de liberté total capable de nous stimuler dans un intérieur et un extérieur. C‘est un lieu où l’on peut choisir. Je reprends la phrase au dessus “dans la maison nous ne sommes pas un client, un spectateur ou un élève mais simplement soi “ à laquelle je colle une phrase du philosophe Jacques Pezeu-Massabuau « Toute habitation entraîne un relâchement du code vestimentaire à un certain degré »8. Le logement est un moment où on se retrouve, on lâche son apparence extérieure, c’est à dire celle qui est codé par notre statut, notre société. Dans l’appartement, on ne peut le montrer, et vivre réellement ce “relâchement“ en extérieur, ce n’est pas sur un balcon qu’il y a affirmation du soi. L’extérieur de la maison, même petit, est une représentation du monde dans lequel on vit. Aller dehors tel que l’on veut, librement où on ne pense pas aux regards de quelques uns, est une possibilité qui a du sens. On est chez soi, on fait ce que l’on veut dans son chez soi et dans son extérieur, cela à une force, la maison accompagne le fait que l’on a un lieu pour s’assumer seul, en famille et puis entre amis. Chaque envie que l’on a en nous et que l’on a créé, chaque personne que l’on a accepté autour de nous peuvent exister librement. C’est un monde “personnel“ qui peut s’étendre d’un intérieur vers un extérieur. On peut penser que la maison est le trait de l’individualisme, mais ce programme n’est pas plus individuel que l’appartement est collectif, personne ne se mélange dans les H.L.M, les immeubles, c’est du chacun chez-soi aussi, on se retrouve en bas, là est la grande force des immeubles, il y a un lieu public au pied des habitations. Même s’il n’est jamais étudié comme il devrait l’être, il existe. La maison est un espace de l’habiter entier, un intérieur et un extérieur mais il serait plus complet s’il comprenait dans sa composition un espace public permettant à certains de s’approprier un endroit de convivialité. La maison doit être généreuse dans ce sens, là on repense à la question soulevé au-dessus “le lotissement pavillonnaire doit devenir un parc.“ Les appartements manquent d’un extérieur mais leurs habitants ont un espace public, la maison possède un extérieur mais n’a pas d’espace public et à cela s’ajoute la question de densité, 8

La Maison espace réglé, espace rêvé p40 21


penser vertical. Peut-on imaginer une maison l’une au-dessus de l’autre où l’espace public est présent et conjointement lié à cette maison ? Cela serait une réponse à l’étalement urbain, bien sûr on ne percevrait plus la maison comme seule entité puisqu’elle formerait par superposition un ensemble construit imposant, soit sous forme de barres ou de tour, à la différence que ce “bâtiment“ montrera plus d’extérieur que d’espace clos et c’est l’entité qui montre sa façade plutôt qu’un bâtiment qui impose la sienne. Il n’y aurait plus de couloirs mais une circulation horizontale en extérieur, abritée mais où l’on sent le vent, le froid, la chaleur. Et aussi où il serait disposé du vert, pelouse, arbre, fleurs. La maison est une question à laquelle il faut répondre seulement nous le voyons bien, ce programme concentre bon nombre d’interrogations, d’appels aux raisons de notre manière de vivre. Aborder ce sujet demande un approfondissement sur l’habiter. Qu’est-ce qu’habiter finalement ? Nous avons besoin de voir à l’extérieur, c’est une nécessité, tant pour avoir de la lumière car si l’on voit c’est que l’on reçoit de la lumière, tant pour admirer le monde depuis notre baie. A-t-on réellement besoin d’avoir un extérieur à soi avec sa maison ? Non, posséder un extérieur n’est pas vital, c’est une certitude, mais en avoir un apporte une dimension autre à l’habiter, il définit une certaine liberté. La maison est toujours un rêve, et cette idée le sera toujours. Vivre dans une habitation qui n’existe que pour sa famille ou ses proches est une réussite sociale au même titre que c’est un désir fort de créer son monde à son image. La maison est un idéal de vie ; son terrain, sa maison, son paysage. Avoir son monde et se permettre de représenter le monde dans lequel chacun vit. Avoir un sol, des arbres, un horizon, mais aussi une forme d’eau où notre maison en est que l’unique centre traduit simplement le fait dont nous avons besoin de tenir une position, d’avoir un statut, d’être situé dans une miniaturisation de notre planète. Ceci est la caractérisation de la maison, c’est le contexte de la maison. Voir son extérieur nous rassure, il est notre pièce extérieure, notre lieu de vie n’est plus notre intérieur mais notre intérieur plus notre extérieur. La fonction habiter change grâce à cette relation forte avec l’extérieur. Il y a un échange, l’intérieur grandit par son rapport avec son extérieur. Cet échange est possible par le traitement de l’enveloppe, la manière de penser la couche périphérique a un sens profond surtout quand elle est la résultante d’une réflexion totale de la maison. On ne peut penser un intérieur puis une enveloppe, ni construire une enveloppe dans laquelle on va adapter un intérieur. Projeter la maison depuis l’intérieur est logique, de l’intérieur vers l’extérieur. Tout élément constitutif du logis doit se mettre en place pour ouvrir sur l’extérieur. C’est le seul intérêt de la maison. Ouvrir vers l’extérieur est le but, cette idée doit être clairement définie ainsi la maison ne peut pas être un espace difficile à comprendre. Il faut un espace simple, à l’image d’un ponton ou d’un promontoire. Quand on voit un ponton, un promontoire, on voit un sol et une vue qui nous est proposée. La maison ne doit pas être plus complexe que ces deux éléments fondateurs. Un sol habitable, un statut dans un territoire et une ouverture sur un ailleurs. Tout ce qui doit composer une maison ne doit pas enfreindre cette relation sol – vue. Si l’on rentre plus dans ce système-là, on observe que le ponton ou le promontoire est en réalité un parcours en contact avec la nature qui nous conduit à une vue choisie. Ce parcours possède des temps d’arrêt, il y a un rythme, on s’arrête, on regarde et puis on reprend notre déambulation jusqu’à la vue la plus généreuse.

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Great (Bamboo) Wall, Kengo Kuma

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Cette vue généreuse n’est pas une finalité mais le point d’orgue dans le rapport avec l’extérieur. Elle ouvre plus qu’elle ne termine ou ferme puisque c’est elle qui permet un va-et-vient perpétuel intérieur extérieur. C’est ce jeu qui ne doit pas être rompu, cette spirale visuelle allant du très proche, proche, lointain , infini importe. On lève les yeux pour penser, pour réfléchir ; si l’on a un paysage lointain devant nous on se projette plus facilement dans la réflexion que l’on a entreprise et que l’on veut approfondir. La nature apaise, la voir depuis son intérieur aide à se tranquilliser, et donc à se concentrer essentiellement sur les idées qui nous occupent l’esprit, en laissant de côté l’activité qui nous entoure. Depuis notre intérieur, la vue de l’extérieur permet autant de se sentir dans notre collectivité que de nous concentrer sur soi-même. Comment favoriser ce va-et-vient jugé nécessaire ? Quels sont les éléments du logis permettant d’engager la rencontre avec l’extérieur ? Que fait-on devant cet extérieur ? Comment peut-on vivre avec l’extérieur ? Est-ce qu’il y a besoin d’un espace à réserver devant une baie pour créer l’échange avec l’extérieur ?

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House in Redfern, Engelen & Moore

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Préambule Raisons de ce mémoire

L’architecture moderne a pris le projet de maison à bras le corps, on le sait. Les architectes de cette période ont développé des idées principalement liées au logement individuel. Ils ont contribué à l’évolution de ce programme tant au niveau spatial, constructif et structurel que spirituel. Aujourd’hui, ces maisons mais surtout ces idées « modernes » restent modernes, toujours porteuses d’un lendemain. Il y a une pérennité des idées, c’est une évidence. Ses idées restent en avant sur leur temps car elles ne sont pas représentées dans nos villages, ou nouvelles villes françaises. Il y a une réticence de la part des décideurs à laisser construire de l’architecture moderne. Le toit terrasse fait peur autant que le pilotis et le blanc. Faire de l’architecture moderne pour le programme maison est un défi, un combat d’architectes contre des personnes non informées ou parfois même sourdes à un désir de “nouveauté“. L’intérêt de se pencher sur la maison devient un exercice périlleux où l’on se rend compte que c’est un univers à part. C’est un projet d’architecture au combien intéressant et très complexe dans le bon sens du terme, mais en contrepartie, ce secteur d’activité est bouché, sclérosé par une pratique trop standardisée qui n’accepte pas ou peu les changements requis pour une nouvelle architecture ou tout simplement il ne peut y faire face par manque de compétences et d’ouverture aux nouvelles pratiques. On constate un renoncement 9 des jeunes architectes à faire du moderne pour la maison car l’innovation y est très difficile mais on observe aussi qu’ils engagent fortement un changement de ce secteur. Nous avons des idées fortes dans le sens d’un habiter de qualité, venant des architectes modernes mais cela n’empêche pas qu’elles soient contrées et étouffées par des personnes qui ne veulent pas qu’elles existent à grandes échelles. Il ne consiste pas à critiquer les constructeurs, mais la pratique qui stagne, qui n’avance pas et qui ne propose plus. Regarder la maison vient du fait que ce programme est négligé, les constructeurs ont bâti des lotissements pavillonnaires avec comme base des maisons de qualité plus que moyenne. Une fois, la parcelle trouvée un plan rectangulaire compact (un bloc) réfléchi à l’avance vient se caller. La maison s’implante très simplement cinq mètres en retrait par rapport à la limite de trottoir (là où il y aura une clôture) et à trois mètres, trois mètres cinquante de distance par rapport aux voisins afin que le propriétaire puisse faire le tour de sa maison et avoir un arrière plus important. Voilà comment un pavillon se pense dans 95% des cas, on pose un volume percé sur un terrain sans qu’il y est une réflexion de l’habitation sur son site. Ainsi, chaque fenêtre (car ce sont des fenêtres non des baies) ne sont là que pour apporter de la lumière dans les pièces et 9

Maison individuelle, architecture, urbanité p 234 Guy Tapie 26


Photo p 29

Plan d’implantation d’une maison dans un lotissement pavillonnaire, Loir-et-Cher

rien d’autre, pour la vue rien n’est pensé. Il n’y a aucun cadrage. Ces maisons sont comme mortes, elles ne sont en aucun cas en réactivité avec le paysage qu’il entoure. Alors de l’intérieur, on a pas de relation avec l’extérieur. Il n’y a pas de réflexion projectuelle depuis l’intérieur. Le pavillon se pense sur un dessin volumétrique de l’ensemble, des façades, on dessine à l’intérieur d’une enveloppe, on sépare les espaces par des cloisons où l’on répartie les fonctions. On assiste à une organisation des différents lieux de la maison comme un assemblage de boîtes collées les unes aux autres et pour la circulation un couloir, long et sinueux, ne proposant pas un parcours mais un passage au beau milieu de portes et de cloisons. Ce couloir se retrouve souvent en connexion avec l’entrée principale et l’escalier permettant d’aller à l’étage. Il se place sur l’axe médian de la composition, ce qui coupe en deux l’organisation de la maison. Il crée une barrière plus qu’un pont entre les différentes fonctions. L’autre caractéristique de ces pavillons est, on l’a dit ci-dessus, la relation inexistante entre l’intérieur et l’extérieur. Le mur aveugle sur l’arrière de la maison, autrement dit le jardin, la partie extérieure la plus intime, est très fréquent. Nous voyons beaucoup de 27


salons, salles à manger (le lieu le plus utilisé par une famille) sans aucune ouverture sur ce jardin qui possède la plus grande profondeur de champ. Ce salon est ouvert sur les petits côtés (sur la largeur de la parcelle) où la profondeur de champ maximum est quatre mètres. De ce fait, le lieu le plus important où l’on se réunit est renfermé sur luimême. Il ne se projette pas. Comment arrive-t-on à un résultat aussi frustrant pour un homme ? D’après plusieurs dialogues avec des propriétaires de pavillons, le constat est simple. Le constructeur proposant ses services dialoguent très peu avec ses clients. Il ne fait pas prendre conscience aux futurs propriétaires que par rapport à la parcelle, il faut ouvrir l’espace d’une certaine manière afin de profiter de l’extérieur, d’une orientation, du soleil. Il n’y a pas de suivi, pas de conseils. Rien n’est fait pour confronter les idées faussées du client sur la future construction, ne pas contredire le client reste une règle. Et, nous architectes, on se retrouve devant des aberrations, des choix qui ne sont pas logiques pour celui qui habite. Comment pouvons-nous appeler une maison une maison si elle n’est pas en relation avec son extérieur ? La définition même d’une maison est une habitation qui réagit avec son environnement proche, c’est un extérieur plus qu’un intérieur, en tout cas les deux sont fortement liés. Et toute cette relation passe par l’enveloppe de l’édifice, nous le savons, placer une baie ne doit pas être une intervention banale, elle est créée parce qu’elle s’ajoute à un intérieur, une fonction. Une baie est égale à un apport de lumière et au choix d’une vue afin de prolonger un intérieur. C’est en pensant la maison de cette manière qu’il est possible de remettre en avant une pensée sur la maison afin d’expliquer comment on peut donner à ce projet une consistance. Voir, s’asseoir, penser, trois verbes qualifiant trois actions définissant la maison. Ce lieu est un moment de repos où l’homme se pose et vit apaisé. Cette vision ne peut se concrétiser dans une maison où les ouvertures ne sont pas la résultante d’une pensée ayant pour but de projeter l’intérieur sur l’extérieur. Voir, c’est sentir une habitation qui vit, qui propose des cadrages sur son paysage. C’est aussi comprendre que le dedans veut faire rentrer le dehors de la meilleure façon. S’asseoir annonce que la baie qui crée la relation avec l’extérieur a été dessinée spécialement pour celui qui vit dans son logis. Penser devient l’ultime étape où l’homme assiste à l’ouverture de son habitat. Il est immobile, assis devant une baie agencée à sa taille, qu’il l’englobe et qu’il lui offre un paysage. Devant un paysage, on pense, on se retrouve, on touche un ailleurs. Ce mémoire propose de regarder la maison dans sa relation avec son environnement proche. En prenant cet axe de lecture, nous allons nous rendre compte que ce programme d’architecture a une consistance dans le cas où il s’ouvre sur un paysage choisi, c’est l’essence même de la maison. L’abri de l’homme doit le laisser en contact avec ce qui l’entoure. La maison ne doit être qu’un abri, un sol (générateur d’espace) et un toit puis une enveloppe. Une enveloppe qui décide d’offrir des opacités, des transparences créant ainsi des moments, des variations sur un paysage pour celui qui habite.

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Salon - Salle Ă manger

Plan de la maison

Maison dans un lotissement pavillonnaire, Loir-et-Cher Le mur aveugle bloquant la vue sur le jardin depuis le salon et la salle Ă manger

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I. La maison n’est pas une baie

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1. Le parcours

La maison n’est pas qu’une baie, cette habitation permet de s’installer sur un site, de le visiter, de le voir autrement grâce au parcours qu’elle génère. L’impact d’une maison engage des accès, des chemins qu’ils soient vécus depuis l’intérieur ou depuis l’extérieur. Sur le site, cet édifice est un centre, un point où tout converge ou tout part. Le parcours permet une chose importante, connaître son environnement, apprécier tout ce qui nous entoure, il apporte une ambiance. C’est pour cela que réfléchir à la manière dont une personne va déambuler dans son logis est un travail à privilégier. C’est comprendre les mouvements du corps humain, c’est étudier les réactions du corps par rapport à l’espace qu’il rencontre. De cette manière, nous pouvons savoir ce que nous pouvons lui offrir. Assis, debout, penché, couché, nos angles de vues sont différents, ils changent ce qui induit des sensations tout aussi particulières. Chaque trajet parcouru ponctué de moments variés induit un sentiment. La promenade architecturale procure des instants de questionnement, d’attirance que nous ressentons rien qu’à la vue d’un espace. Ainsi ouvrir une façade n’est pas une chose banale. Ce qui prime c’est ce que nous faisons à l’intérieur, qu’elle est la posture de l’homme, que fait-il à un endroit précis de la maison ? Suivant la fonction qu’occupe l’homme, et la posture qu’il a à ce moment, nous pouvons déterminer les dimensions de l’ouverture ainsi que sa place dans l’enveloppe protectrice. Le parcours se faisant, nous noterons les différentes caractéristiques des moments qui se présentent au fil du temps de notre promenade. Une lumière tamisée, puis indirecte ou zénithale où s’ajoute une baie haute, basse, en longueur ou verticale et des meubles qui proposent et posent une activité. Même sans les meubles comme nous pouvons le voir en déambulant dans le Pavillon de l’Allemagne de L. Mies van der Rohe à Barcelone, la position des parois qui crée l’espace tient un discours fort mais le meuble apporte une spécification, il demande un langage du corps. Ce pavillon de Mies se visite debout sans que nous perdions un instant d’émotion face à ses espaces, seulement si le meuble avait été une composante de ce projet, une toute autre interprétation aurait été envisagée dans la relation à l’extérieur. Nous le voyons bien dans la Farnsworth House que ce soit pour le salon ou la chambre, le meuble tient l’espace, donne une orientation et induit une posture face à une nature complètement happée par ses grandes baies. Le parcours n’est pas une finalité en soit, il est bien au début de la composition, c’est lui qui permet l’enchaînement des lieux, il distille plusieurs directions, pour définir l’emplacement des fonctions. Ce ne sont pas les fonctions, les “pièces“ qui laisse de la place à une distribution mais bien le parcours qui vient placer les activités entre elles. De cette première intention, on ne sent pas de couloir dur, sans qualité qui n’est que le résultat d’un vulgaire entre deux (pièces). Traiter un parcours a du sens, il donne une identité, il est la réponse à plusieurs questions. Entrer dans son logis, aller dans le salon en passant par la penderie qui offre un espace d’assise donnant une vue sur ce salon qui se prolonge sur le jardin n’est pas

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anodin. Le parcours donne le ton, l’ambiance d’une maison dès l’instant premier où nous le pratiquons. Voilà l’importance d’un parcours, il fait la maison, la façonne, organise les vues, il raconte une histoire. Ce qui est intéressant quand nous ne pensons pas “couloir“, c’est que chacun peut avoir son parcours et là on obtient une richesse de déplacement. On bouscule les appréhensions face aux espaces qui s’enchaînent, nous pouvons obtenir plusieurs lectures d’une maison, tout d’un coup la maison est vivante. Il suffit qu’une personne ait son chemin et au moment où la lumière change, le rapport aux choses devient tout autre, surtout si l’on voit le paysage vivre au gré des saisons.

Maison de vacances en bord de mer, Maurice Sauzet, architecte Rythme de souffle – rythme d’espaces10

Installer un rythme, une progression dans le rapport à l’espace et dans la relation avec le paysage. Là, l’intérieur communique avec l’extérieur, tout se lie. Maurice Sauzet arrive dans ce plan très simple à expliquer une chose importante. Plus qu’une baie, le parcours joue avec l’extérieur, il cherche à mettre l’habitant dans un rapport étroit avec le proche, le moyen et le lointain du paysage dans une progression maîtrisée par 10

Habiter l’architecture, Maurice Sauzet p 85 33


l’enchaînement des espaces. Voir son paysage en mouvement est la meilleure manière de comprendre ce qui nous entoure et comme c’est la maison qui le permet, on ressent un dialogue très fort entre ce volume habité et notre habitat. Penser aux déplacements de l’intérieur traduit le fait que les abords de la maison ont une importance, une présence qu’il faut magnifier. L’intérieur crée les distances par le parcours. La maison est un espace-temps, elle temporise la vie de ses habitants, c’est un cocon protecteur qui redéfinit un monde. Elle donne sa vision sur ce qui nous entoure. Le parcours libère l’espace, laisse vivre le corps en mouvement et définit la qualité des vues. En pensant la promenade architecturale, nous annonçons les volontés d’ouvertures, les possibilités de cadrages sur l’extérieur. L’orientation de la maison va induire des choix, hiérarchiser le programme, et les fonctions entre elles, afin de gérer les conditions climatiques et de bénéficier de la bonne lumière.

2. Ouvrir : de la lumière mais surtout une vue

L’enveloppe est le cachet de la maison et de tout autre bâtiment. Elle est vécue de l’extérieur dans la plupart des cas. Quand nous pensons enveloppe, nous pensons extérieur, seulement une maison se vit de l’intérieur et de plus c’est cette fine couche de matière qui permet à l’habitant d’avoir une relation avec l’extérieur. L’enveloppe ferme le regard de l’extérieur vers l’intérieur et non le contraire. Elle engage bien des vues sur les abords de la maison. Outre que la vue, la lumière passe par cette enveloppe car si elle n’existait pas, il n’y aurait pas de vue ni d’espace, pas d’architecture. La manière de faire rentrer la lumière dans la maison conditionne la vie que nous allons y avoir à l’intérieur. Soit la lumière est là pour éclairer, pointer un endroit ou qualifier un lieu. La lumière est une composante de la maison, elle se façonne pour servir l’habiter. Cela fait penser à la salle de bains de la Villa Savoye de Le Corbusier. Une lumière zénithale vient éclairer le lavabo, et ce puit de lumière est assez bien décalé de la baignoire pour ne pas éblouir celui qui prend son bain afin que celui-ci puisse regarder avec une lumière optimale le paysage à travers la grande baie horizontale de l’autre côté de la pièce. Dans cette salle de bains, nous pouvons regarder autant le paysage aux alentours que le ciel (par le puit de lumière zénithale). Ces simples possibilités permettent d’apprécier un lieu. Comme il est dit au-dessus, la lumière engage les vues, et induit des postures. Nous ne pouvons pas rester des heures sous un soleil de plomb en lisant un livre, chaque lumière a son langage et offre des possibilités. C’est le même principe que dans les musées où les lumières zénithales et indirectes sont demandées pour voir les œuvres et pour ne pas les fragiliser. Et puis, les lumières directes ou même filtrées sont conseillées pour la circulation. La variation des qualités de lumières vont premièrement apporter un rythme au parcours et puis surtout proposer des lieux propices à une activité. Chaque lieu a une ambiance, une caractéristique qui génère une attitude. 34


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Salle de bains de la Villa Savoye, Le Corbusier

Autrement dit si une lumière indique une attitude, cela suggère que nous allons obtenir une vue sur l’extérieur qui lui sera associée. Chaque lumière se prend par des ouvertures calculées pour générer un effet voulu, bien entendu, la personne est attirée par la source de lumière et donc nous avons un regard qui vient analyser cela. Qu’il y est une lumière qui nous attire puis une vue, nous sommes curieux dans une maison, car nous sommes en contact avec les détails, au plus proche de la pensée de l’architecte. Chaque détail de construction apporte une lecture fine sur les idées qui ont fait la maison. Il faut, bien entendu, savoir les comprendre mais dans biens des cas, ils parlent d’eux-mêmes. Si la maison apporte cette curiosité à l’habitant, il fera ce va-etvient entre le centre et la périphérie de la maison pour être en relation avec l’extérieur, ainsi il comprendra que l’extérieur n’est pas et ne doit pas être un monde à part mais bien la continuité de l’intérieur, une pièce en plus qui ouvre plus qu’elle ne ferme. Une vue vers l’extérieur projette l’habitant dehors, il l’extrait de son enveloppe pour qu’il se sente libre, pour lui dire à chaque instant qu’un monde s’ouvre à lui et qu’il peut y participer. Avoir le sentiment que nous sommes toujours en connexion avec ce qui nous entoure est important, il faut que nous sentions que nous sommes dans une maison et pas dans une prison. Il est évident qu’une vue sur un paysage lointain à une grande force, un élan formidable qui amène en dehors de tout cocon, rien qu’à le voir nous voulons participer réellement à tout ce que nous voyons ; toucher, sentir ce lieu lointain mais même une vue banale sur cinq, dix mètres de profondeur donnant sur son jardin où nous avions planter des fleurs, apporte à l’habitant cette extériorisation voulue. Tout se joue sur l’ouverture et l’acceptation de l’extérieur dans son intérieur, un dedans dehors. Nous traitons bien ici la question de l’ouvrir, il faut de la lumière, certes, mais si nous ouvrons la maison, il faut voir dehors. Regarder à travers le plan vertical d’une paroi ne peut pas être que par le biais d’un trou, nous avons besoin d’une baie. 11

Photo prise par Eddy Montonati 35


Une baie n’est autre que la réflexion entre un plein et un vide, c’est-à-dire, que l’architecte pense les deux en même temps, il agence ces deux composantes pour se permettre de laisser place à un extérieur. Ainsi l’architecte s’efforce de créer une transition nette et précise entre un dedans et un dehors de sorte que nous sentons que l’intérieur se projette vers l’extérieur.

3. Voir l’intérieur se projeter vers l’extérieur

Voilà ce qu’une maison peut offrir à celui qui habite, accepter le dehors. Une maison a besoin de son extérieur et il faut qu’elle soit en relation avec lui mais surtout qu’elle montre son étroit rapport avec celui-ci où la question de limite s’annonce comme un sujet intéressant. Premièrement, le sol est l’élément “générateur d’espace“, s’il se continue de l’intérieur vers l’extérieur, nous sentirons un élan vers la nature, il en va de même pour le toit et les murs, seulement le sol engage tout autant l’œil que les jambes à le parcourir pour rejoindre cet extérieur voulu. Voir le sol se prolonger après l’enveloppe de la maison, saute aux yeux, et c’est là que nous nous posons la question du traitement de la limite. Comment s’effectue le passage intérieur extérieur ? Comment l’architecte a-t-il poser l’enveloppe sur ce sol ? D’abord, le sol doit être premier, nous devons saisir que le sol est venu au tout début et que c’est grâce à lui que la maison a pu se construire. Le sol doit être fort, très affirmé, en quelque sorte nous devons sentir qu’il jouit d’une liberté. (cf. The Farnsworth House de L. Mies Van Der Rohe : c’est un sol qui déborde et aussi du même architecte Le Pavillon de l’Allemagne où les parois glissent sur le sol, le sol bouge). Nous devons venir à la conclusion que tout se pose sur ce sol et qu’il y a donc une distinction nette entre ce plan horizontal et les plans verticaux du logis. Ensuite il est important de voir qu’il y a une connexion forte entre le sol habitable et le sol naturel. Soit le sol de la maison vient se fondre dans une pelouse ou dans la terre, sinon il peut venir recouvrir ce sol naturel afin de sentir un glissement délicat entre ces deux plans. L’effet est que visuellement et ensuite physiquement il y est une continuité matérielle entre les deux sols. (cf. Villa Dall’Ava OMA : le sol de la maison rattrape le sol naturel en pente et donne au salon une ampleur magnifique puisque le jardin devient son prolongement “naturel“.).12 Le sol ne doit pas être figé sinon il manquerait cette liberté des éléments pour que la maison fasse acte de présence, de vivacité. Il faut qu’il y est du mouvement dans ce type de logis car elle accueille une famille, une vie débordante, nous devons sentir que la maison réponde à cela par le fait qu ‘elle accueille l’extérieur, et qu’elle se projette dehors, afin qu’il y est ce va-et-vient, dedans dehors, d’une manière la plus simple. Si le sol est pensé ainsi, libre de déborder, de chercher au delà un événement, l’enveloppe ne peut pas contrer cette volonté. L’enveloppe vient bien après afin qu’elle aiguise la curiosité de celui qui vit à l’intérieur. Les pleins et les vides viennent à la fin 12

Pour comprendre cet effet, regardez le film Villa Dall’Ava de Richard Copans, Les Films d’Ici ; collection « Architectures » 1995 / 26’ 36


Maison Dayton, Vincent James Associates

Villa C, Groep Delta

pour caller de fabuleux cadrages rendant cet extérieur attractif, attirant, qui engage l’envie de s’extraire dehors. Nous ne disons pas que l’intérieur est une chose à fuir mais que celui qui vit dans un intérieur a besoin de cette formidable échappatoire : le dehors.

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Si nous notons, dans une maison, un élan vers cet ailleurs, le sol tiendra une part importante dans cet engagement. Ajouter à l’effort de ce sol, l’agencement intérieur de la maison par le biais des meubles, parois ou parois meubles (cf. Furnitutre House, Shigeru Ban) doit permettre aussi de créer cette relation avec l’extérieur. Il en va de la réflexion de l’architecte qui doit penser le meuble avec le dehors. Le meuble propose et pose une activité de l’homme, ce qui induit une posture, une vue et un comportement de la personne. Tout ce que le meuble induit, génère des données qui indiquent comment un architecte peut faciliter une vue adaptée vers l’extérieur pour l’habitant. Il est clair que tous les meubles composant une maison ne peuvent pas engager cette relation mais certains meubles sont plus directement ciblés comme un bureau, une table à manger, un divan qui orientent la vue dehors. Il faut comprendre que, pour voir notre intérieur se projeter dehors, chaque élément de la maison encourage cela, tout est une question de combinaison logique et simple, l’architecte doit trouver une communion entre les éléments, dans le but, qu’ils prennent le même chemin sans qu’ils se contredisent. Tout n’est qu’une question de faire avec de l’hétérogénéité de l’homogénéité. Chaque élément tient un discours en allant servir l’idée principale qu’une maison peut offrir : l’extérieur. Même si nous voyons son intérieur créé un contact avec l’extérieur, est-ce qu’à l’approche de cette éventualité, notre corps peut tenir une place devant ce rapport dedans dehors ? Est-ce qu’il y a réellement une relation intérieur extérieur si nos yeux ne peuvent pas se poser et avoir le temps de contempler le paysage devant nous ? Et si l’on ne peut pas parcourir ce dehors, est-ce qu’il y a vraiment une relation avec lui ? Qu’est-ce qu’une relation intérieure extérieure ?

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Fisher House, Louis I. Kahn

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II. Une baie qui demande à être habitée

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1. Relation intérieure extérieure

La question de la limite a été posée, dans le chapitre précédent, sans qu’elle ne trouve toutes ces réponses. Il doit y avoir une limite puisque le dedans et le dehors n’existeraient pas, et puis aussi parce que nous ne pourrons pas nous positionner et nous situer en tant qu’homme. Ensuite, toujours dans le but de côtoyer le plus facilement cet extérieur, cette limite reste une limite si nous pouvons la traverser, la voir et jouer avec elle. Là, est la relation avec l’extérieur quand nous sommes à l’intérieur, physiquement et surtout psychologiquement, la limite ne doit pas freiner nos envies. Nous ne voulons pas d’une barrière mais bien d’une limite que nous pouvons franchir ou pas, qui nous laisse le choix. La limite doit être juste, c’est à dire que sa matérialité ne peut se contredire, elle doit être comprise. Un garde-corps est une limite que nous ne refusons pas car elle sert à nous protéger d’une chute vers un vide, elle nous dit qu’elle est là pour notre bien “en exagérant“ mais c’est ça. La relation intérieure extérieure existe que si elle accepte celui qui veut voir ou passer de l’autre côté = la pièce du vent, du soleil, de l’arbre… Comment peut-elle nous accepter et nous faire comprendre que nous pouvons être en contact avec elle ? Dans un premier temps, cette limite doit avoir un espace devant elle pour nous accueillir. Rappelons bien que nous considérons la position d’un homme dans son intérieur qui se trouve au rez-de-chaussée de sa maison car en contact direct avec le sol naturel. Ayons toujours à l’esprit que le sol habitable projette cet intérieur avec le sol naturel vers l’extérieur. Nous sommes ancrés, dans le fait que l’homme se déplace horizontalement ; là est sa nature. Ici, pour expliquer la maison, nous sommes toujours en contact avec le vrai sol, celui qui accueille et fait la maison, celui qui lui donne un statut. Voir un extérieur depuis une vue perchée devient une autre relation, on perd le sol et cela change beaucoup. Revenons à cet espace qui doit se placer devant cette limite dedans dehors. S’il y a un lieu véritable devant cette limite qui donne vue vers un paysage, c’est qu’il y a une demande de prise en contact. Comment peut-elle se traduire matériellement ? Ce n’est bien sûr pas un plein qui va nous permettre de voir dehors mais bien un vide, qui s’appellera une baie puisque qu’elle sera composée d’une menuiserie accueillant une feuille de verre, ceci est une base. Le traitement de cette baie ainsi que sa pose conditionne bien évidemment le dialogue avec la vue qui est permise. Restons dans l’absolu sur une baie qui est comme un vide. Nous voyons un vide, nous nous approchons et nous constatons qu’il y a un lieu devant qui nous permet d’y vivre, d’y habiter. Qu’est-ce qu’il se crée à cet instant même ? Sommes-nous happés par la vue, est-ce que nous pouvons nous asseoir, rester debout ? Est-ce que ce vide nous donne les clés sur le comportement que nous devons avoir devant ce paysage ? Est-ce que l’on peut avoir une posture face à cet extérieur ou bien au contraire, on ne peut s’asseoir en se sentant bien qu’en lui tournant le dos ou même s’allonger le long de cette baie en ayant une vue de côté ? Nous sommes en train de voir s’il y a un couple qui existe entre la baie et l’espace devant elle qui lui est directement associée. Cette association existe réellement car comme dit au-dessus dans un sous-chapitre, une baie induit un comportement, une posture. L’intérieur dirige la vie que nous avons, c’est en sachant cela qui nous pouvons croire en la pensée de l’architecte et la comprendre. Une baie va nous dire si l’on peut créer un contact avec l’extérieur ; assis, debout, allongé, en marchant ou immobile. Elle va nous dire aussi 42


qu’il est mieux de regarder ce paysage en prenant un peu de distance, en s’écartant d’un ou deux mètres ; ou peut-être il est préférable de s’en rapprocher au maximum = le rôle du cadrage. Le comportement va aussi se déduire par rapport à la forme de la baie, mais aussi par rapport à la place qu’elle tient dans l’espace. Est-elle horizontale, verticale, au niveau de notre visage “de nos yeux“ ou au niveau de nos pieds (cf. relation japonaise au paysage). Si nous revenons au parcours, nous sommes devant la baie et à un instant du parcours qui nous situe dans la maison. Dans la maison comme dans tout autre architecture, tout est lié et tout apporte une réponse à ce que l’on vit. Cette baie, est-ce que nous pouvons l’ouvrir ou pas ? Nous allons rester sur le fait qu’elle est fermée et que simplement elle marque bien une limite à franchir ou pas, nous verrons plus tard. Pour nous, maintenant la baie est un vide, le verre qui la compose ne s’ouvre pas et nous sommes devant. Ce vide a une dimension qui nous englobe, elle prend tout notre corps. Elle est plus large que notre corps et elle part du sol au plafond, c’est à dire, plus haute que nous. Disons que ce plafond est à deux mètres cinquante voir trois, et que de chaque côté de la baie, il y a du plein. Nous assistons à un cadrage le plus libre qui soit puisque nous pouvons nous positionner comme nous le voulons afin d’observer ce qu’il y a à travers la feuille de verre. L’espace devant cette baie est confortable, il y a de la place. Que ressentons-nous ? Le sol se continue de l’intérieur vers l’extérieur, il y a un appel réel, nous voulons aller dehors, mais en même temps nous sentons bien que nous pouvons rester là devant cette baie qui nous permet de contempler un paysage choisi. Nous ressentons un apaisement, la baie nous considère et voilà elle dit : “je t’offre ce paysage“. À nous d’accepter cela, nous ne pouvons qu’être content de ce cadrage puisqu’il nous considère et qu’il vient nous chercher tel que nous sommes. Alors nous regardons ce qu’il se passe dehors, quel est ce paysage ? Nous nous approchons, nous reculons, nous nous décalons, nous observons et nous contemplons ce qu’il y a devant nous car à un moment donné nous avons le cadrage parfait qui nous correspond. Nous avons choisi notre position, notre angle de vue et ça y est, nous voyons ce que nous avons envie de voir à l’instant présent. Ce cadrage est si ouvert que demain il nous mettra devant autre chose car selon notre état, nous changeons de regard et de sensibilité. La relation avec l'extérieur passe par le fait qu'il faut sentir toute la matière concentrée au sol et dans le toit pour laisser un horizon clair seulement séparé de nous par une fine couche de matière bien réfléchie. Il ne s'agit pas de tout ouvrir mais de faire comprendre aux habitants que les ouvertures ont été pensées judicieusement. Tout le travail, qui embellit la relation intérieure extérieure et qui suggère d’autres cadrages dans le cadrage, est la menuiserie. Cette matière de bois, d’acier ou autre vient présenter le vide par le verre. Son rôle premier est de protéger l’habitation des intempéries, vent, pluie, le froid, la chaleur. Tout le savoir faire d’une menuiserie tient un discours réel car les techniques utilisées pour rejeter l’eau, aérer, ouvrir et fermer, à battants ou à coulisses, sont pensées. Cette limite dedans dehors est un lieu où règne le déploiement des savoir-faire de l’homme pour disposer d’un intérieur confortable à la vie. Voir et comprendre comment cette menuiserie vient se poser entre le sol et le plafond doit susciter de la curiosité, les détails apparaissent comme des événements importants. Nous allons savoir vivre avec cette limite si nous la comprenons, nous allons avoir au fil du temps en la pratiquant un rapport particulier avec elle, puisque quotidiennement nous allons la franchir de nombreuses fois. C’est pour cela que la maison est un projet plus qu’intéressant dans l’expérimentation d’un espace. Chaque 43


jour, nous vivons dans cet espace et si cette maison est bien ou mal conçue, elle nous apportera toujours des surprises. Si elle est bien conçue, il n’y aura pas de surprises mais bien des révélations qui vont se créer. La juste réalisation des détails qui ne montre aucune défaillance et qui a toujours la même force, étonne à chaque fois. Nous nous disons que le choix de ce détail a été, est et restera le bon. En ce qui concerne cette menuiserie, nous nous apercevons qu’elle n’est plus le lieu où l’on ne prend que la lumière mais le lieu où nous voulons aussi voir à travers de mieux en mieux. La fenêtre banale, qui a toujours existé et qui se fait encore, est celle qui se compose de deux vitres, et donc il y a cette pièce de bois contenant l’ouverture qui se trouve en plein milieu de l’ensemble (crémone13). Cette fenêtre déclinée en portefenêtre, est la plus gênante pour celui qui veut voir car les deux vitres sont si peu larges qu’elles ne peuvent pas nous contenir. À chaque fois, nous voulons voir en étant à l’aise, mais ce n’est pas possible. Ces fenêtres ne sont pas faites pour voir, elles sont à bannir pour celui qui veut observer un paysage. C’est pour cela que nous assistons à la fabrication d’autres types de fenêtres, (1/3 ; 2/3) et autre, où le centre de la baie est libre d’une opacité, de ce fait une vitre assez large nous permet de contempler son paysage et l’autre plus petite pour aérer. De toute manière quand une baie nous invite à regarder dehors, elle devient déjà un événement dans la maison et elle se montre comme une oeuvre d’art, un travail précis et fort. Un vide qui veut que nous voyons à travers, reste un moment bien agencé pour l’œil d’un homme, il y a une lumière agréable et surtout il est fait de tel sorte pour que nous nous y sentons bien devant, que nous ayons le temps et le calme nécessaire pour scruter les subtilités d’un paysage. Cette baie qui nous englobe transforme-t-elle ce paysage en une toile qui serait collée sur la façade ? Est-ce que nous pouvons comparer cet extérieur à un tableau qui se pose devant nous ? Notre cadrage est-il celui d’un tableau ? Avons-nous les mêmes sensations devant un extérieur et devant un tableau ? Ressentons-nous le même plaisir d’observations ?

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Crémone : n.f Dispositif de verrouillage des croisées ou des portes composé de deux tringles métalliques qu’on hausse ou qu’on abaisse en faisant tourner une poignée de forme oblongue. 44


Maison dans un lotissement pavillonnaire (Loir et Cher) La fenĂŞtre banale Ă bannir pour celui qui veut voir.

Maison de Livio Vacchini

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2. Plus qu’un tableau collé sur la façade

Nous pouvons nous demander si, du fait du cadrage organisé par la baie et ce qu’elle induit sur le comportement de l’habitant (une position d’observateur), le paysage vu devient le fond peint d’une toile. Le cadrage d’un peintre comme celui d’un architecte se trouve être le même, le peintre peint un paysage qui déborde mais qu’il limite, il choisit son paysage dans la nature. Cette démarche est celle de l’architecte et qui plus est, celui de la maison ; chaque maison a son propre paysage.14 Nous ne voulons pas comparer un tableau et le véritable paysage car bien évidemment ce n’est pas comparable, seulement la question est intéressante sur un point de vue. Il faut que nous nous demandions pourquoi nous avons besoin de cet extérieur pour vivre, car enfermé nous, les hommes, nous nous sentons mal, pas à l’aise. Chaque homme s’extériorise, a besoin de contact, de ressentir quelque chose autour de lui. Est-ce que le tableau d’un paysage aussi beau soit-il apporte ce besoin d’être en société ? Nous réfléchissons à la réaction d’un homme devant un tableau et puis devant le paysage de sa maison présenté par un cadrage parfait. Ce que nous pouvons dégager c’est le sentiment d’appartenance au paysage de notre maison. Nous sommes sédentaires, le paysage est à nous puisque nous sommes fixes, ancrés dans une habitation stable, non mobile, le paysage qui nous entoure nous appartient. Il est à nous donc nous ne sommes pas entrain d’entrer dans un processus de réflexion qui vise à analyser le paysage idéal d’un peintre pour en comprendre toutes les subtilités. Le paysage de notre maison, il est là, il est comme il est et c’est à nous de le comprendre comme il est. Le fait est que devant ce paysage nouveau, comme dans toutes nouvelles situations pour un homme, nous nous adaptons à ce que nous sommes confronté. Apprendre à aimer son extérieur permet à l’habitant de s’y retrouver et de pouvoir y rêver ainsi le seul fait de considérer ce paysage amène à le découvrir, l’interroger et à le faire réagir avec son intérieur. L’autre idée à développer, c’est que le paysage offert par la maison n’est pas une décoration comme le tableau pourrait s’y prêter. Le paysage était premier, avant la maison et avant qu’une personne puisse penser à y construire une habitation. Ce dehors fait accepter un retour sur les choses, il est une histoire et il est le point sur lequel nous pouvons reporter notre histoire. Le tableau est une pièce qui est apportée dans la maison alors que le paysage constitue la maison. Même si ce tableau est fait de la main de l’habitant sur le paysage de la maison qu’il habite, il ne peut y avoir le même rapport au temps, il manque la réalité des choses qui est si forte entre un homme et son monde. « Comme le rappelle encore Heidegger, il y a là au contraire acte d’institution : « Bien droit sur la roche, le temple ouvre un monde et ramène, en même temps, à la Terre, qui alors seulement se révèle comme sol natal. » C’est bien le lieu (la maison) qui crée l’espace qui l’environne. »15 Le site était là avant la maison, dès que la maison est présente et qu ‘elle crée l’espace d’y habiter, elle met en scène la vision de ce monde, elle définit son paysage. Le seul spectacle que la maison offre est son extérieur. Dans nos maisons d’aujourd’hui, l’être est déjà considéré, c’est pour cela que nous pouvons le faire évoluer, le projeter, le faire réagir à l’extérieur, aux autres mais 14 15

Paysage : n.m Etendue de pays qui s’offre à la vue. La maison espace réglé, espace rêvé, Jacques Pezeu-Massabuau p 29 46


surtout à lui-même. Dans la maison, nous avons tout pour nous libérer de nos tâches quotidiennes ; maintenant l’être nous importe, l’individu prime sur l’objet (et la signification qu’il apportait). C’est véritablement l’homme et le monde qui est le sujet premier à défendre dans le projet de maison. Moi et mon environnement, question obtenant des réponses venant du moi intérieur. Au lieu de s’intéresser à la personne qui a peint, action logique qu’un tableau nous propose, le paysage de notre maison nous questionne nous, comme être penseur, qui est en perpétuelle discussion avec son soi, avec ce qu’il est, ce qu’il fait et ce qu’il a pu être et faire. Nous sommes derrière ce paysage car nous choisissons ce cadrage qui nous correspond car il nous plaît, nous sommes décideurs devant quelque chose qui est grand. Nous n’avons pas de réel contrôle sur un grand paysage mais du fait que cette étendue s’offre à notre vue, elle nous appartient, et ce sentiment est plus fort si cette vue nous est donnée par notre maison, car c’est nous qui avons voulu créer cela. Ce paysage rappelle notre volonté de le voir ainsi, car notre personne a tranché, cette vue me correspond et je m’y retrouve tel que je l’ai depuis ma baie, assis dans mon fauteuil. « La nature est un objet énigmatique, un objet qui n’est pas tout à fait objet ; elle n’est pas tout à fait devant nous. Elle est notre sol, non pas ce qui est devant, mais ce qui nous porte »16 La nature a un pouvoir sur nous, la nature c’est nous et le fait d’en être séparé ou bien même de se rendre compte qu’elle ne peut pas faire partie de notre quotidien vient refroidir les esprits jusqu’à s’en sentir exclut. Nous parlons bien de RELATION quand nous sommes devant un paysage, il y a un échange que l’on ne maîtrise pas, c’est une évidence. Nous ne pouvons que la voir, n’y la toucher, n’y même la sentir. Nos yeux font le travail et notre corps tient une place, nous voyons ceci parce que nous sommes placés à un endroit précis. Voir renvoie à notre position, dans notre action de voir dehors, il y a un élan vers l’extérieur (produit par l’architecture) mais un retour qui est tout aussi important, chose qui ne peut se produire quant nous regardons un tableau. Le tableau nous montre un monde dont nous ne faisons pas partie, il ne nous englobe pas, il n’a pas cette force. Nous ne sommes pas dans le tableau alors que nous sommes dans la nature qui ne peut se voir qu’à travers la capacité de nos yeux à capter le maximum de notre horizon. Nous vivons dans des paysages qui s’enchaînent successivement au gré de la rotation de notre tête et notre envie de placer nos yeux sur une chose qui nous plaît à regarder. Notre champ de vision est déjà un cadrage le plus naturel qui soit, soit nous le rétrécissons, nous le grandissons au fur et à mesure de notre pensée. Un bon cadrage est le résultat d’une recherche incessante du parfait (trait de notre personnalité). Nous choisissons ce qui nous semble beau pour nous, car il n’y a que nous qui pourrons communiquer les effets que cela nous procure. Alors comment l’architecte peut suggérer des cadrages qui sauront satisfaire son commanditaire et surtout qui lui permettront de s’y retrouver ? Un cadrage dans une maison est le fruit d’un dialogue avec la personne qui tente de définir sa maison rêvée. À la différence du peintre qui peint pour son plaisir, l’architecte détient un bon projet si en face de lui, il y a des personnes enthousiastes et curieuses de comprendre les idées et les intentions énoncées. À tout niveau, la maison est un échange ; entre l’architecte et son commanditaire puis entre la maison et ses habitants et enfin entre les habitants et leur environnement. Afin que tout cela marche, l’architecte se doit être plus que 16

La Nature – notes, cours du Collège de France, collections Traces Ecrites, Paris 1995, p19-20, Merleau-Ponty 47


explicite sur son œuvre. C’est à peine s’il doit distiller un mode d’emploi mais sans enlever le plaisir de laisser découvrir aux futurs habitants un lieu réagir avec ses abords et le lointain. Installer ce dialogue avec la nature implique la construction d’une forte relation avec ce dehors, cela passe par marquer cet espace qui doit exister devant la baie. Rien qu’un fauteuil, une chaise longue devant un paysage le dit clairement, ce paysage est à vous, asseyez vous et contemplez “cet objet énigmatique“ dixit MerleauPonty. « C’est une loi de la biologie humaine cela ; la case carrée, la chambre, c’est la propre et utile création humaine, cette fenêtre derrière laquelle le bonhomme est planté, c’est un poème d’intimité, de libre considération des choses. Un million de fenêtres dans l’azur, c’est ici que la féerie commence. »17

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Quand les cathédrales étaient blanches, voyage aux pas timides, Le Corbusier 1937 48


House, camino a Farellones, dRN Architects + Bernardo Valdès

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3. Assurer l’immobilité

« Mais d’abord le coin est un refuge qui nous assure une première valeur de l’être : l’immobilité… La conscience d’être en paix en son coin propage, si l’on ose dire, une immobilité. L’immobilité rayonne »18 ; « Dès que nous sommes immobiles, nous sommes ailleurs ; nous rêvons dans un monde immense. L’immensité est le mouvement de l’homme immobile. L’immensité est un des caractères dynamiques de la rêverie tranquille »19 Avoir son coin dans la maison devant une baie qui nous montre un paysage, devient le moment majeur de cette habitation. Si ce coin existe, la maison a une consistance, elle devient un point vers l’extérieur, vers un ailleurs dont nous sommes les maîtres. Voilà pourquoi il faut un espace devant une baie qui nous permet de l’habiter, de s’asseoir devant dans un fauteuil, sur une chaise à table car notre être se pose, marque un temps et au bout de quelques minutes, nous nous évadons et nous pensons. Nous faisons abstraction du monde qui nous entoure pour se concentrer sur soi-même. Nous nous isolons du tout afin d’essayer d’avancer nos idées. Réfléchir, penser, rêver ; toutes ces activités qui sont inscrites en nous, se font lorsque nous sommes immobiles ; assis, allongés. Rien ne nous perturbe, nous sommes plonger dans nos pensées. Nous prenons un instant sur notre temps, pour nous perdre dans ce qu’il s’est passé ou ce qu’il va se passer dans notre vie. C’est un besoin que l’on a de faire ce retour sur soimême pour que nous comprenions la vie que nous menons, et puis pour savoir qui nous sommes en réalité. Faire le point, poser des bases de réflexion, des repères qui vont être des leçons à se souvenir pour plus tard, si nos prochaines péripéties viennent à être identique à celles qui se sont déjà produites. L’extérieur permet de s’extraire d’un quotidien trop souvent étouffant. Il permet paradoxalement de ne pas se sentir seul, puisque l’extérieur, c’est les autres aussi, la société. Se sentir seul est un sentiment mal vécu par l’homme, appartenir à rien se vit comme un rejet. Voir ce dehors accueilli par son intérieur raccroche, en définitive, l’habitant à la vie. L’habitant a besoin d’isolement par rapport aux autres, avoir sa maison pas trop près du voisin, être un peu dans un recul par rapport aux choses, sert à construire son identité propre, à définir sa personnalité, seulement il ne faut pas qu’il soit séparé de sa société. L’homme doit avoir un univers à lui mais parmi les siens. En d’autre terme, la juste réponse serait de dire qu’il faut que l’homme soit isolé dans sa collectivité. La maison n’est autre que le lieu où l’on se repose, où l’on se pose. C’est notre lieu. Nous arrivons à vivre dans un espace qui n’a pas d’extérieur à soi où l’on peut se projeter et se dire ce petit bout de monde c’est le mien, seulement, il y a un manque, pas un manque de propriété, de posséder mais bien d’appartenance. Avoir un lieu qui nous ressemble mais dehors. Rien que cela nous projette à l’extérieur. L’architecture peut magnifier cela, rendre cela possible car l’architecte comprend cette envie d’extérieur que bien des gens ne savent pas, comment expliquer ce besoin. La maison est le programme architectural qui sert à faire penser l’homme, à le faire réagir avec son environnement. Accompagner cette nécessité le plus simplement qui soit est le 18 19

La poétique de l’espace Gaston Bachelard p 131 La poétique de l’espace Gaston Bachelard p 169 50


travail de l’architecte. « A window wants to be room, » Kahn insisted. The window, having completed the room, longs to become a room itself. People want to pause beside the window that has its own light and communes with its landscape. This is why Kahn often carefully placed a small chair or bench beside his windows. He hoped that people would read books there, and it never occured to him that some people do not like books. »20 Penser la fenêtre et la place pour une assise juste devant, bien positionnée pour que, dès que nous levons les yeux, après avoir fini un chapitre de notre livre, nous puissions observer notre paysage, doit être logique ; Quel plaisir ; d’appartenir à ce monde qui nous est offert. « D’un point de vue psychanalytique, le rapport entre le dedans et le dehors est pour Freud le premier temps de l’introduction du sujet humain à la prise en compte de son identité, de sa forme, de sa consistance. Il pense que l’enfant qui naît maîtrise d’abord le monde extérieur, mais a besoin de l’autre pour assouvir sa soif et sa faim … Dans une deuxième phase, l’enfant va poser la différence dedans/dehors en prenant du dehors ce qui lui convient. Ainsi encore une fois le dehors est lieu nécessaire pour l’être humain… mais un dedans sans respiration et échange venant du dehors n’est autre qu’une prison. … D’un point de vue esthétique : l’intérieur et l’extérieur communiquent par la lumière et par l’échange de l’air. L’air et la lumière sont la vérité effective du ressenti et de la vie même. … Penser le rapport dans ce qu’il articule, c’est penser que l’homme a rapport au proche et au lointain en même temps, il est l’être qui côtoie le ciel à travers sa fenêtre ; habiter c’est s’approcher du lointain pour pouvoir en faire partie et pouvoir se perdre dans le monde dont il fait ainsi partie. « Nulle part, dit Maldiney, notre présence n’est aussi expressément mise en vue que là où elle affronte ses limites, celles de l’espace qu’elle habite dans une âme et dans un corps. » « Les limites, qui font respirer l’homme dans son habiter, sont celles qui animent l’homme et l’habiter de l’homme sur terre, toutes ces dimensions rythmées règlent notre vie et notre temps, notre regard et notre rapport aux autres. Nous pouvons affirmer que l’articulation dedans dehors est la mesure que l’homme a de son espace habité ; perdre cette mesure, c’est perdre ce qui, dans l’homme, le relie au fondement de son être au monde. »21 Ouvrir sur l’extérieur et planter un homme devant, c’est faire que son être se rapproche du lointain pour mieux définir l’idée du proche, de sa place, là où il est ; là où il se situe. Nous sommes plus conscient où nous vivons si nous connaissons notre environnement puisqu’il nous réfère au lieu où nous habitons. « De ma fenêtre, de mon balcon, de ma cour, de ma rue, le lointain m’est donné d’abord comme paysage qui vient ici se rassembler et se disperser. Tout le loin comme horizon tient à ce qu’il n’est jamais que ce qui me rapproche du chez-moi et qui me donne un chez-moi ouvert au spectacle du monde. L’horizon devient mien tout en restant anonyme et lointain. Il tient dans cette distance le possible de toute appropriation du distant, qui est le rythme de la vie transformé en regard qui part et revient chargé du spectacle du monde et en même temps épuré de sa trop grande présence. Dans ce mouvement du regard, ce qui est gardé comme vigilance et bienveillance, le chez-moi est un lieu ouvert, fermé et proche parce que rendu à son 20 21

Louis I. Kahn Houses 1940-1974, Yutaka Saito p 033 Qu’est-ce qu’habiter ? Bernard Salignon p 70 51


propre dès que la vue retourne au regard, c’est le monde à partir du proche à la fois tourné vers moi et à la fois détourné de moi, il existe au loin comme par surcroît. »22 C’est en quoi cette relation intérieure extérieure est complexe au même titre qu’elle est tout aussi compliquée, il y a une question de limite, d’enveloppe mais ce qu’il y a à comprendre c’est la place de l’homme dans son habitation. Cette relation pose cette question difficile : Qu’est-ce que crée cette relation dedans dehors sur l’homme ? Nous savons que nous avons besoin d’un intérieur pour s’abriter, manger, boire, vivre et dormir mais cet extérieur à quoi sert-il ? à part qu’à penser, à avoir une porte de sortie un ailleurs. Tout pousse à penser que cet extérieur devient une nécessité véritable, un espace indissociable à une vie pleine et entière. Et c’est extérieur prend toute sa symbolique que s’il est vu depuis notre lieu de vie, de repos mais aussi surtout si ce lieu de vie est ancré sur le sol naturel en connexion directe avec la nature, notre habitat. Le programme, qui remplie toutes ces caractéristiques, ne peut être que la maison individuelle. C’est une évidence. Sans oublier que la maison est maison que si elle offre cet extérieur à l’habitant de la manière la plus explicite qui soit. “Se charger du spectacle du monde“ dixit Bernard Salignon, quand notre regard part au loin et qu’il revient, il a pris quelque chose “le spectacle du monde“. Nous allons voir cet extérieur pour prendre une force, quelle est sa nature ? Nous ne savons pas mais nous la ressentons. Nous sentons un appel et en retour nous obtenons un soulagement. Généralement, nous prenons une grande bouffée d’air devant un paysage, une grande respiration qui nous détend. Cela vient du fait que nous nous déchargeons de nos tracas dans ce paysage qui nous englobe, qui est grand donc il peut recevoir et contenir toutes ces choses gênantes qui bloquent notre esprit. On se libère d’un poids. C’est pour cela qu’en voyant dans les livres d’architectures, une chaise confortable, architecturée placée devant un paysage qui en même temps se trouve être un élément meublant une maison, nous sommes attirés, envieux de constater qu’un architecte pense à la place de l’homme dans son habitation. Le simple fait de voir cette maison offrir cette vue, de comprendre que cette vue est faite pour être contemplée par la personne qui habite, nous avons envie d’y être. Il y a un sentiment de liberté. L’architecture est pensée à l’essentiel, il n‘y a pas de gardecorps pour éviter de casser ce paysage. Et cette chaise qui dit ici vous pouvez prendre votre temps à regarder et puis à penser.

Une plate-forme primitive en pleine nature, Grose & Bradley

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Qu’est-ce qu’habiter ? Bernard Salignon p 76-77 52


Un sol, un toit et une vue, ce n’est autre que la définition propre de l’abri. Rien ne peut être aussi jouissif d’être abrité sous un arbre, contre un tronc qui nous protège du vent, des broches qui avec ses feuilles écartent la pluie et laisse un sol sec, pour s’asseoir ou même s’allonger et la nature qui nous est offerte. Un paysage à 360° devant nos yeux, un sol qui se perd dans le lointain, une végétation qui cadre des points de fuites sur d’autres paysages, on a bien un dedans dehors où le dedans n’est autre que l’arbre et l’envergure de ces broches qui ont un réel impact au sol. Nous parlons beaucoup de grand paysage, du lointain mais aussi du proche. La maison est un projet d’architecture qui peut se construire à flanc de colline comme en pleine ville dans une densité forte. Nous voulons recentrer le sujet sur la réalité des maisons en France, c’est-à-dire du pavillon sur son petit lopin de terre afin de rappeler que la maison que nous voyons dans notre pays possède peu de terrain et presque pas d’horizon. Autrement dit, certains se disent pourquoi ouvrir et poster un homme devant une baie qui ne présente qu’un maigre bout de terrain sans réelle importance. L’intérressant dans cette situation, c’est l’enjeu qu’il y a à surmonter pour rendre ce terrain plus qu’attractif et surtout plaisant. L’intérêt de cadrer des vues et de dire l’espace que je prévoie devant cette baie sera un lieu de lecture où nous pouvons nous asseoir, constitue un point de vue qui doit avoir un point de fuite donné par le cadrage. De cette manière, nous lançons dans ce paysage, certes petit, des lignes. Ces lignes vont servir à construire notre paysage à faire en sorte que notre intérieur se projette vers l’extérieur. À partir de notre fauteuil, des distances vont se créer, des champs de visions, des événements vont s’entremêler pour composer un paysage. Nous ne sommes pas entrain de dire que nous allons changer le paysage présent mais nous allons plutôt le révéler. Nos sources, nous allons les prendre dans l’art du jardin japonais, puisque à la base du jardin japonais, c’est la place de la maison qui est le centre et ensuite la place de l’homme dans son habitation qui est le point de départ de la constitution de ce jardin, car il est ancré dans cette tradition que ce jardin est fait pour être regardé, pour représenter le monde. Le rapport que les Japonais ont avec la nature est très fusionnel, tous les sens sont mis en éveil pour ressentir les éléments de la nature. « Au Japon, les techniques propres à créer des distances dans des espaces réduits sont uniques au monde. Elles organisent des ruptures directionnelles et des seuils successifs. Ruptures, changements de direction, traversées sensoriellement fortes avec pertes d’orientation créent une impression de distance sans rapport avec l’éloignement matériel d’un point à l’autre. » … « la coutume d’enlever ses chaussures, de circuler en chaussons dans les pièces de bois et de marcher nu-pieds sur les tatamis crée des degrés d’intériorité liés à la chaleur des matériaux »23 L’espace qui assure l’immobilité est un événement important dans la maison, il est le lieu où se trouve le ou les points projectuels qui crées la relation avec l’extérieur. C’est bien cet espace qui permet de maîtriser l’extérieur depuis son intérieur, c’est lui qui permet avec l’architecture (de toute manière cet espace c’est de l’architecture est rien d’autre) de projeter notre intérieur sur l’extérieur, de sorte que l’habitant soit dans un intérieur où cet extérieur ne se trouve être que sa projection. De cette logique, nous ne visualisons pas une boîte au milieu d’un terrain mais un sol accueillant une boîte 23

Habiter l’architecture, Maurice Sauzet (p217) 53


ouverte qui se projette sur lui-même. Ce qui implique une relation intérieure extérieure forte où l’homme puisse avoir conscience de son environnement proche. Le sol et le toit qui débordent, qui viennent chercher, qui font ce va-et-vient vers le paysage, accompagne notre regard, ils ne peuvent exister qu’en disposant de cette liberté. Tous les architectes qui se sont inspirés de l’architecture japonaise comme Frank Lloyd Wright, Ludwig Mies Van Der Rohe, ont noté la liberté des éléments de cette architecture et surtout la force qui était concentré dans le toit et le sol. Ces deux notions se retrouvent dans les œuvres de ces deux architectes, et ils ont su adapter cela à l’architecture de leur temps et dans leur production respective. De cette époque moderne, il y a eu les prémisses de cette conquête de l’extérieur, de faire comprendre aux gens en passant par la construction de maisons que l’homme doit avoir un contact avec la nature.

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Maison traditionnelle japonaise

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III. Le ponton

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1. Le sol

L’image qui me vient en tête quand je pense à la maison est celle du ponton. Ce sol, toujours connecté au sol naturel qui s’avance vers la nature, un lointain. Ce n’est juste qu’un sol habitable puisque nous pouvons nous y asseoir, marcher, s’allonger mais surtout il nous permet d’habiter une étendue. Le simple fait de passer des berges du lac, de l’étang ou depuis une plage à cette matérialité de bois ou de pierre, supportée par des pilotis ancrés dans le fond de cette “pièce“ d’eau, est une étape, c’est le passage d’un monde à un autre. Nous entrons. Ce sol invite à découvrir une nature, il y a une intimité qui se crée entre la personne qui prend ce chemin et le lieu. Ce sol nous donne une direction et nous emboîtons le pas afin de vérifier pourquoi il y a ce ponton et ce qu’il veut nous montrer. Le parcours commence. Bien avant de se retrouver sur le ponton, nous marchons dans la nature à l’approche de l’eau, d’un étang par exemple. Nous sommes dans la nature, entourés d’arbres, de végétation et l’eau brille au loin sous le soleil. Nous sommes sur un chemin de terre avec des abords de verdure, de chaque côté il y a des fossés et c’est là que la forêt débute, l’orée des bois. Nous approchons de l’étang, au loin ce qui nous donne une direction, ce sont les arbres qui s’écartent sur les berges, alors que la végétation reste dense sur le pourtour de cette pièce d’eau. Nous savons qu’il y a un lieu, un événement. En s’avançant, un ponton se dessine sur l’eau. Une forme plane qui glisse sur l’élément liquide, supportée par de fins pilotis. Dans notre marche en sa direction, notre envie est de le découvrir, de savoir pourquoi il est là et connaissant les pontons nous savons qu’il est toujours intéressant d’être dessus. Arrivés devant, nos yeux sont scotchés par la vue qui est accompagnée par ce sol. Il n’y a qu’une étroite plate-forme de bois, pas de garde-corps. Nous regardons ce sol fait de planches de bois de largeurs différentes mais de même longueur. Nous nous intéressons au sol afin de savoir s’il est en bon état, puis l’analyse se faisant, simultanément nous constatons de sa matérialité, de son intégration avec le paysage, ce qu’il procure, la place qu’il prend et comment il est raccordé au sol naturel, cette terre parsemée d’herbe. Nous nous interrogeons sur le seuil de ce ponton, son impact, l’écartement des arbres qui nous laisse la place de le visiter. Nous observons la présence du ponton, la force de ce sol ainsi que la structure qui le fait naître sur l’eau. Passer sur cet assemblage de bois est une étape, nous franchissons une limite, nous passons vraiment d’un espace à un autre. Alors pourquoi quand nous sommes sur le ponton, nous sommes autre part ? Tout simplement, avant nous étions dans la forêt entourés d’arbres, de grandes verticales qui nous cachaient du ciel, du soleil et nous protégeaient du vent . Et puis nous étions dans la nature, dans la végétation, le ponton où nous sommes maintenant même au début de celui-ci, nous permet de prendre une distance, des distances ; un recul sur la nature pour la voir. Ce sol va nous ouvrir des perspectives et puis nous allons être beaucoup plus conscient de notre place puisque tout vient à nous, le soleil, le vent, la pluie, notre place est marquée. Nous ressentons tout ce qu’il y a autour de nous, c’est une mise à nu qui ne nous fragilise pas mais plutôt qui nous fait sentir vivant, réactif aux choses. Notre corps est sollicité par notre nouvel environnement qui est beaucoup plus centré sur nous, nous tenons une place, nous devenons un centre où tout part et tout arrive.

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Nous sommes à l’entrée, et le parcours est tracé seulement avant d’arriver au bout de ce ponton, il faut marcher. Instinctivement, nous allons être intéressé tout le long du ponton par les abords. Soit nous zigzaguons de droite à gauche pour regarder où nous choisissons un côté, chacun a son propre parcours même sur une ligne, nous ne sommes jamais intéressé par les mêmes choses. En marchant nous observons le sol, l’endroit où nous posons nos pieds et nous regardons dans l’eau puis nous levons les yeux et nous obtenons un nouveau champ de vision, des points de fuites sur la nature dans laquelle nous étions. Et selon notre ressenti, nous allons nous asseoir et marquer un temps, nous créons nos propres lieux qui s’accompagnent d’une posture, d’une fonction en réaction à ce que nous voyons. Ce sol qui est un espace de liberté pur puisqu’il propose plus qu’il ne commande nos envies. Voilà ! sur ce sol, nous avons la possibilité de choisir ce que nous pensons être bon de faire, vivre les choses comme nous les ressentons. Certains iront direct à l’essentiel au bout du ponton pour un retour plus calme en s’arrêtant sur un côté du ponton pour contempler ce qu’il décide de voir. Chacun a son parcours et donc nous pouvons partager cela, c’est pour cela que c’est un lieu riche car il développe des sentiments propres à notre personnalité qui vont nourrir les pensées d’un collectif de personnes. Les limites? Les vrais limites se trouvent à chaque bout du ponton et non sur les côtés. Les abords du ponton s’étirent tellement qu’en contact avec notre corps nous ne sentons pas de limites qui nous prennent, c’est-à-dire qu’à l’entrée ou au bout du ponton, il y a un cadre que l’on ressent. La largeur des planches de bois forme un seuil, cette largeur est perceptible, elle est proche, elle a une mesure, une échelle humaine au sens où nous la sentons. Nous avons une entrée et une “sortie“ et entre les deux un parcours libre qui à part la frontière bois – eau, il n’y a pas de limite ou plutôt pas de séquence créée matériellement, le rythme se mesure par notre envie de voir. Sur les côtés, il n’y a pas de marque pour s’arrêter. Est-ce que la limite intérieure extérieure se construit par rapport à des événements, des séquences réelles de cadrages bien matérialisées par un plein et un vide ? Nous essayons de voir s’il manque quelque chose à ce sol pour créer un dedans et un dehors. Avons-nous besoin de verticales qui vont dessiner un cadre, une succession de découpages de la nature pour avoir des paysages et que par la tranche de ces verticales nous allons sentir un intérieur, un entre-deux et l’extérieur ? ou ne suffit-il pas d’un toit pour rendre le même effet ? Le sol fait l’espace, c’est évident ; le fait-il complètement ? Encore une fois, regardons The Farnsworth House de L. Mies Van Der Rohe, c’est un sol et un toit qui flotte, et rien que ça crée une maison. La nature est happée, les espaces sont réduits à l’essentiel pour simplement donner le maximum de place à l’homme devant la nature.

The Farnsworth House, Ludwig Mies Van Der Rohe

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Le plus admirable dans cette réalisation, c’est l’intégration au site. Elle provient d’un dialogue non-mimétique avec la nature. Aucune tentative de camouflage, ses formes, ses couleurs et ses matériaux sont indiscutablement le fruit du travail de l’homme. Malgré tout, la maison et son environnement sont complémentaires par contraste, transparence ou écho des formes, constituant ainsi une des associations modernes les plus réussies entre architecture et nature. “ Mies affirme avoir voulu que la maison soit la moins visible dans le paysage, dans le but de mettre en valeur de façon absolue. “ dixit un critique d’architecture“.24 Comme le ponton, cette maison glisse sur une étendue lisse à la rencontre de la nature. Il est clair qu’un sol fort, c’est-à-dire, qu’il tient une place importante, il se voit comme élément libre, générant l’intérieur comme accueillant l’extérieur. Il tient cette place de générateur d’espace à tous sens du terme, c’est lui qui permet la construction d’un tout, d’une maison. Cela ne veut pas dire qu’il doit être surélevé par rapport au sol naturel mais nous devons nous apercevoir qu’il se détache des verticales, et du toit, il doit déborder, créer de la respiration. Il doit y avoir des filets d’air et de lumière entre ce sol et le futur mur. Il faut sentir dans une maison une indépendance des éléments, tout est lié, mais chaque élément a sa liberté propre. Comme pour le ponton, le sol est premier et en marchant dessus, nous y ajoutons notre vie et il se met à vivre. Si nous devons ajouter quelque chose pour mieux y vivre, il faudra garder la force du sol, faire qu’il reste premier. Le sol a une place importante, si la relation intérieure extérieure mérite d’être beaucoup plus présente, les verticales ou le toit ne doit pas gêner la lecture du sol puisque c’est lui qui amène l’œil et les pieds vers la nature.

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L’architecture d’aujourd’hui n°373 _ Novembre Décembre 2007


2. S’avancer sur la nature

Choisir un endroit, un site et trouver les paysages pour les cadrer. Comme il est dit au début de cet écrit, le parcours est aussi à l’extérieur. Il faut amener l’homme sur un lieu propice à la découverte de l’essence même de son environnement. Nous pouvons parler de ce chemin sinueux et pentu qui mène à la Chapelle de Ronchamp de Le Corbusier. Le parcours commence déjà en bas de la colline. Tout un chemin à parcourir avant d’arriver à l’endroit cherché ne peut que donner du sens à ce qu’il y a au bout, la découverte d’un lieu. Cela donne de l’importance, nous nous disons que s’il faut faire toute cette marche, c’est qu’à l’arrivée notre effort sera récompensé. Avant de montrer la nature, il faut la comprendre pour distinguer sa beauté. Il faut travailler un site, c’est pour cela qu’un ponton ne se place jamais n’importe où, il y a des raisons multiples à son implantation. Chaque point du site amène une question ; est-ce qu’ici nous allons pouvoir dialoguer avec la nature ? C’est une vraie question puisqu’il faut se rendre compte si le terrain voulu sera celui qui va remplir nos volontés d’édifier une habitation capable de réagir en tous points avec ses abords. Il ne suffit pas de mettre un sol n’importe où et nous regardons s’il y a une réaction quelconque avec le site. D’abord, il y a des intentions qui vont se confronter, puis une nature qu’il va falloir travailler pour la révéler.25Comme la nature est première et que la volonté que nous avons est de la magnifier, il faut savoir s’installer de manière à ne pas la changer, c’est-à-dire que notre point d’impact devenant un centre par la suite, où tout tourne autour, il doit tout capter, il doit absorber ses alentours pour les redistribuer de l’intérieur du logis. Nous ne changeons pas le site si nous arrivons à obtenir le centre de ce qui nous est donné. Nous parlons de maison alors cet édifice devra se fondre dans la végétation assez pour garder l’identité de lieu et pas trop pour qu’elle tienne une place et qu’elle puisse avoir un dialogue avec son environnement. Un logis au plus près du sol est très intéressant du fait que la hauteur totale de l’édifice se place en dessous des feuillages, et que chaque point du logis se trouve en étroite relation avec le sol naturel, nous travaillons l’horizontale pour laisser le sol habitable et naturel dans un échange perpétuel, tant pour accueillir l’extérieur que pour projeter l’intérieur au-delà de la limite intérieure extérieure. Un volume simple sortira de nos interrogations puisqu’il nous permettra de bien le situer et de comprendre son impact, une fois que nous vivrons à l’intérieur. Comprendre d’un coup d’œil comment le bâtiment réagi avec son extérieur comme sur un ponton. Une fois conscient de la portée du volume bâti sur le site, rien n’est plus simple pour vivre et profiter des possibilités qu’il offre. S’avancer sur la nature, c’est avoir de la place pour l’homme qui veut voir, s’asseoir et penser grâce aux paysages qui lui sont donnés à observer par le biais de sa maison. Effectivement nous ne pouvons pas trouver un paysage à chaque endroit du logis, c’ est chose difficile seulement cela devient possible si vraiment la maison est conçue pour être une vraie maison, un point vers l’extérieur. Engager le dialogue dedans dehors ne peut se limiter à une vue, nous le voyons sur le ponton, tout est fait pour habiter une étendue. C’est essence du ponton se doit d’être réinterprété dans la maison, chaque point du ponton offre une vue mineure ou majeure, une personne qui s’y promène peut voir, s’asseoir et penser. 25

Le Nôtre, grand paysagiste français 62


Skywood House, Graham Philips

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S’avancer sur la nature, c’est aussi jouer avec la nature. C’est-à-dire qu’une fois les cadrages installés, nous allons révéler le site, faire ressortir des lignes du relief, accentuer les axes de vues, construire notre paysage pour s’y projeter. Il faut que nous sentions notre travail en relation avec cette nature qui se trouve devant nous. Nous nous servirons du végétal pour masquer des objets disgracieux, pour créer des perspectives, des changements de direction, des distances, des éloignements en rapport à des points fondateurs du paysage. Tout ce travail sert simplement à créer un va-etvient entre nous depuis notre intérieur et ce que l’on voit ainsi nous voulons disposer, éparpiller des attirances, de sorte que le logis et les paysages voulus deviennent deux aimants toujours en tension. Créer une tension ; et une distance qui s’éloigne et qui se rapproche. Cela passe par des sélections optiques, des points de repos pour stabiliser une vue est en faire une image. La maison est un point d’arrêt dans le paysage, elle est le socle qui nous permet d’avoir une position vers. De ce fait, nous sommes devant des choix qui ont été faits. Dans la maison, nous avons des mises à distances qui ont une porté, ces mises à distances veulent nous montrer des profondeurs de champs qui mettent en scène des événements qui se sont installés dans le paysage. Il y a notre langage qui se crée, ainsi une partie de nous vient à la rencontre de cet extérieur qui devient plus familier, nous commençons à le connaître, à l’apprécier et à s’y retrouver. D’un coup, la maison se place vraiment à l’extérieur, elle englobe le tout puisque tout vient à elle et tout part d’elle du fait de notre place d’homme qui maîtrise son espace, son habitat. Cet extérieur, ce dehors se constitue comme une “pièce“ de notre maison. C’est notre pièce du vent, du soleil, de l’arbre…

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Skywood House, Graham Philips

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3. Aboutir à une vue

Dans une maison, il y a un lieu de vie où tout le monde se rassemble, ce lieu devient le lieu. Celui où tout se passe, où tout se trame dans une vie de famille. Ce sont les moments vécus qui ont fait de cet endroit, un point particulier de la maison. De ce fait, il est incontournable donc une vue doit s’y associer et elle doit être la vue qui concentre les qualités de la nature habitée. C’est un point de contact particulier et privilégié. C’est là que la nature est prise, et que le dialogue commence. C’est là que nous savons que la maison est conçue pour rentrer en symbiose avec son environnement. C’est le parcours qui amène à ce point et à cette vue, un parcours n’a pas de fin s’il est pensé, il se construit de repos pour l’homme, qui deviennent selon leur utilisation de plus en plus importants dans l’inconscient des habitants. Arriver sur ce lieu n’est pas une fin en soi mais le début de quelque chose. L’espace qui va réagir avec nous, installe un climat de réflexion, de questionnement, nous entrons dans un monde. La force d’une maison est de jouer avec les sens, les images qui nous viennent en réaction à un lieu : la phénoménologie. Alors le lieu n’est plus un intérieur, un extérieur, il est plus que cela puisqu’il raconte une histoire qui nous amène à penser, à revenir sur ce que l’on a fait et à ce que l’on va faire. C’est pour cela que tout le travail de la relation intérieure extérieure qui vise, à projeter son intérieur, à mettre de sa personnalité dehors et à un faire un retour sur ce que nous avons fait pour habiter ce lieu que nous voyons à travers cette vue qui cadre notre paysage, ne peut que nous amener dans un ailleurs, “dans un monde immense… L’immensité est un des caractères dynamiques de la rêverie tranquille.“ disait Gaston. La vue majeure sert “à sceller le pacte avec la nature“, elle met de façon absolue la nature en avant. C'est cette vue qui va générer de l'intérêt pour les autres vues ainsi un regard va s'aiguiser chez les habitants et chacun aura sa vue ; celle qu’ils préfèrent. De cette manière, chacun va se nourrir des appréciations des autres pour découvrir la richesse de la relation intérieure extérieure qui existe pour leur maison. Cette vue qui attire ne laisse pas les autres en reste au contraire, elle va leur donner une importance puisque pour comprendre cette vue qui est mise en avant, les autres seront là pour accompagner sa beauté et la force qu’elle tient. Ces autres vues sont des points très intéressants, ils méritent de l’intérêt. Ils vont étirer la maison, l’agrandir, et rendre des fonctions beaucoup plus magiques qu’il peut y paraître. Un exemple, une salle de bains totalement ouverte sur un petit jardin privé, vient déployer un monde à part entière. Se doucher dans notre intérieur mais dehors car nous sentons le soleil, nous voyons le ciel, et le pied d’un arbre ainsi que tout ce qui le constitue. Ces vues ajoutent à l’ensemble une ambiance, imprégnant notre dedans du dehors. D’un coup, notre intérieur ne peut exister tout seul, et c’est le but, il devient dépendant des paysages comme les paysages sont dépendants de notre logis puisqu’ils existent grâce à la présence de l’homme qui habite. 66


Habiter l’architecture, Maurice Sauzet p 93_95

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Aboutir à une vue, c’est le bout du ponton, c’est là où si nous passons cette limite, nous nous retrouvons dans la nature, dans l’eau donc mouillés mais contents que le ponton soit là comme repli pour retrouver notre position d’observateur. Nous voulons dire que le paysage dans lequel nous vivons avec notre maison, n’est pas un paysage normal. Il présente la force de notre maison. C’est-à-dire qu’une fois dehors avec notre maison dans notre dos, à côté de nous, elle exerce sur nous une protection, elle rassure contre un extérieur un peu hostile. Elle est notre repli. Tout cela pour dire que cette vue majeure est là aussi pour nous faire accepter une chose. Étant donné qu’elle cadre tout ce que représente notre habitat, nous allons pouvoir observer la réalité du climat qu’il soit clément ou non. Ainsi, notre maison devient le rempart contre toute atteinte, elle installe une confiance pour servir le calme nécessaire au repos. Une fois à l’intérieur, nous sommes à notre place, dans notre cocon. C’est un lieu “sacré“ puisqu’il renferme nos pensées, nos idées, notre personnalité entière. Voir dehors depuis notre dedans implique que nous sommes capable d'être virtuellement dehors en étant protéger par l'enveloppe que nous avons construite. « La relation aux arts, à l’architecture, à la musique, élève en nous une énergie insoupçonnée. Celle qui est élevée par le sentiment amoureux est d’un ordre voisin. La prise de conscience de notre liaison intime au monde, la contemplation des paysages sont, elles aussi, l’origine d’un afflux énergétique. Elles nous font véritablement vivre. » « le volume construit peut se concevoir comme un condensateur mettant en tension sensorielle l’homme face au paysage. Il ne s’agit pas là d’une pratique obscurantiste mais d’un regroupement de sensations qui, par leurs synergies, élèvent les effets à leurs paroxysmes. Avoir un jardin, grand ou petit, autour de sa maison n’offre pas forcément tous les avantages sensoriels possibles du rapport entre le dedans et dehors. Une construction même immergée dans un cadre merveilleux, est rarement composée pour élever, au plus haut, sa relation au monde extérieur.»26 Une relation dedans dehors n’est pas la seule chose importante dans une maison, mais l’intérêt reste dans le fait de sentir la manière dont on amène cette relation. Le parcours, la façon dont on conçoit le corps en mouvement en rapport aux constituants même de l’enveloppe et son extérieur choisi, devient l’essence du projet de cette habitation.

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Habiter l’architecture, Maurice Sauzet _Chris Younès , philosophe p177 68


Le salon de thé est le lieu qui capte le paysage de cette maison Croquis du projet 1. Entrée 2. Cuisine 3. Salon 4. Séjour 5. Rangements 6. Salon de Thé 7. Salle de Bains 8. Chambres 9. Local technique

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Plan du premier étage et du rez-de-chaussée

Salon

Salon de thé The Great (Bamboo) Wall, Kengo Kuma

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Conclusion

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Un dedans dehors aurait pu simplement résumer cet écrit, c’est tout le sujet, comment habiter dans un intérieur qui ne nous enferme pas puisque l’extérieur, nous l’avons analysé, est une nécessité pour vivre. En partant du fait que, la maison doit être le lieu où l’homme vient à prendre du recul sur les choses, et que donc sa position devient celle d’un observateur, ce projet d’architecture ne peut qu’accompagner cette réalité en lui offrant un, voir des paysages qui permettront à l’homme de trouver dans ce monde qui lui est donné, une respiration et un champ de réflexion immense. La relation intérieure extérieure est un sujet vaste et compliqué à discerner aux premiers abords seulement le fait de prendre la maison dans son ensemble, en s’attachant aux choses qui la constitue, c’est-à-dire, le parcours, le sol, le toit, la baie et ensuite la place de l’homme dans son habitation, nous permet de rentrer petit à petit dans cette question qui prend maintenant une place importante. Il est dit que, de nos jours, notre maison se soucie réellement de l’être dans son intérieur. Nous constatons l’intérêt qui est porté sur les réactions de l’homme face à un espace, face à des objets et puis nous notons aussi que l’intérieur se dote d’une technologie qui vise à réduire l’impact des objets qui nous entoure afin d’obtenir des espaces clairs laissant la place à la vie des habitants. Être proche de son environnement est la question du moment, nous pensons écologie, respect de l’environnement en passant par le recyclage, l’utilisation de produits non-dégradants pour la nature et en scrutant nos comportements quotidiens afin de les adapter à une pratique beaucoup plus responsable favorisant la bonne santé de notre monde. Cette prise de conscience passe par la maison puisque ce modèle d’habitat est très répandu et qu’il permet de gérer toutes ces nouvelles questions environnementales sur une grande échelle. Chaque maison peut devenir le lieu, encore une fois, d’amélioration sur l’espace et dans son rapport à l’extérieur. Voir son extérieur, c’est regarder son monde, sa société. Nous l’avons dit, un intérieur qui se projette à l’extérieur, tente à amener l’homme dehors et donc à le confronter à son monde, d’un coup, la relation dedans dehors qui est réfléchie, ne se contente pas de simplement permettre à l’habitant d’observer son jardin pousser. Cette relation mène à un retour sur soi-même, qui est plus que nécessaire pour vivre, étant donné que le moment où nous allons nous perdre dans nos pensées, nous nous faisons avancer. Nous ne disons pas que toutes les questions qui se posent aujourd’hui seront élucidées grâce à des personnes qui se poseront devant leur baie pour réfléchir mais il y aura, et c’est certain, une prise de conscience véritable sur la vie qu’ils mènent. Grâce aux paysages dans lesquels nous sommes envahis, nous cherchons une porte de sortie, un renouveau et des solutions. Nous allons chercher le meilleur de nous-mêmes. Un logis, qui offre explicitement cet ailleurs, est construit à partir d’élément qui vise à réagir avec l’extérieur, aucune relation intérieure extérieure ne se réalise qu’en disposant une grande baie sur un beau paysage. C’est bien plus que cela et nous l’avons vu et analysé. Cette relation devient l’essence du projet maison, quand une maison accueille son extérieur, nous le ressentons, nous le voyons au premier coup d’œil et plus nous regardons plus nous sommes curieux et là les détails de constructions deviennent les indices qui ont permis cette approche avec le dehors. Du coup, il n’y a plus de sacré et de profane, comme l’histoire de l’architecture a pu le vérifier dans l’évolution de l’habitat. Maintenant, le sacré c’est le dedans et le dehors, ces deux entités sont associées puisqu’elles se complètent pour offrir un meilleur cadre de vie. L’extérieur devient une pièce à part, elle est réellement associée au projet de la maison, les habitants se préoccupent de plus en plus de l’aménagement de leur 72


extérieur alors qu’avant il était plus ou moins laissé à l’abandon. Malgré cet engouement pour les Français de s’occuper de leur terrain, nous constatons le retard qu’il y a chez les constructeurs (ceux qui produisent le plus de maisons) à apprendre l’évolution de l’architecture dans ce domaine précis. L’époque qui a su bouleverser le rapport entre l’homme et l’architecture est l’époque moderne, années 1920-1930, où l’homme devient le sujet à redéfinir dans son rapport à l’espace et cette base de réflexion a été martelée par beaucoup et non seulement par Le Corbusier, Louis I. Kahn, Frank Lloyd Wright, Ludwig Mies Van Der Rohe et bien d’autres, tous ces architectes, que nous avons cité grâce à leurs œuvres, ont mis à jour des pensées qui ont tenu un discours plus que remarquable dans le monde et ce discours tient encore une place forte aujourd’hui seulement peu de gens entendent ce message. Tout cet héritage de ces années-là est encore la source qui est puisée par nos architectes contemporains, mais cela est peu visible ; à la place nous voyons des maisons partout dans le pays qui ne méritent aucun questionnement. Ce programme est pauvre en France, c’est pour cela que le sujet reste brûlant et intéressant à étudier. Beaucoup d’études se font sur cet habitat où chacun trouve un axe de réflexion de plus en plus poussé et proche de l’instant présent. Cet écrit vise à placer la maison comme l’un des projets architecturaux les plus intéressants dans l’expérimentation de l’espace, dans l’étude du corps en mouvement, dans le rapport de l’homme avec son habitation. Ce projet est un formidable exercice pour comprendre que le champ de l’architecture est vaste, varié et surtout multidisciplinaire. Il permet à l’architecte d’utiliser bon nombre de connaissances et de les mettre en pratique. C’est ainsi qu’il m’est venu à l’esprit que la maison doit se contenter d’être un ponton. Un élément pur qui ne tient que sur l’eau, sur rien, du rêve. Il permet de parcourir une avancée sur l’eau, d’accéder à son bateau. C’est un élément fixant un point vers un ailleurs lointain. C’est un habiter, juste un habiter. Un lieu de liberté, on peut s’asseoir, penser, rêver, se mouiller les pieds, lieu où on joue de la musique. Lieu propice au rêve, à une forme de joie. On s’y sent bien car on est déjà ailleurs. Autant un lieu de repos qu’un lieu de départ. Le promontoire est plus concret mais il a toujours la capacité à offrir un ailleurs, une vue lointaine, un point vers l’extérieur, un point vers l’avenir où l’on se projette. C’est pour cela que la maison doit être une combinatoire entre le ponton et le promontoire. Élément concret porté par du rêve qui pousse à un ailleurs.

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Quelques citations -

Quelques notes

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Selon Robin Evans, théoricien de l’architecture, l’industrialisation et la dissociation de l’habitation et du lieu de travail et, dans une large mesure aussi, ont accordée une grande importance à la réflexion architecturale sur l’intimité. Cependant, l’instrument de cette intimité n’est pas l’habitant de la maison, mais la maison elle-même. « Au cours des deux derniers siècles, l’architecture a de plus en plus été utilisée comme une mesure préventive, comme un moyen d’avoir la paix, la sécurité et la séparation, ce qui, par sa nature même, limite l’horizon de l’expérience : on étouffe les bruits, on multiplie les modèles de cheminement, on supprime les odeurs…, on cache ce qui dérange, on enferme ce qui n’est pas convenable, on supprime ce qui n’est pas nécessaire. Incidemment on réduit la vie quotidienne à simple jeu d’ombres privé. Mais au-delà de cette définition, il existe sans doute un autre genre d’architecture désireux de donner libre cours à tout ce qui a été si soigneusement masqué, une architecture née de la profonde fascination qui attire les gens les uns vers les autres, une architecture qui laisse une place à la passion, à la sensualité et à la sociabilité. » « Figures and Passages », in : Robin Evans, Translations from drawings to Buildings and others essays, Londres 1997. Les Petits plaisirs de la vie : Alice et Peter Smithson, in Changing the art of inhabitation, Londres, Munich 1994 (scan) Studgen House Maisons Familiales La maison familiale passe pour être la forme d’habitation la plus convoitée : c’est elle qui permet d’avoir son propre terrain, sa propre entrée, la voiture sur son propre terrain, son propre jardin et un plan entièrement sur mesure. On ne traitera ici que de maisons familiales conçues par l’architecte et non pas de villas standardisées ou de maisons préfabriquées. Sous réserve des contraintes réglementaires (hauteur, alignement, distances aux limites, éventuellement forme, etc.), toutes les libertés sont permises, toutes les orientations possibles on peut pousser le formalisme jusqu’à l’excès, prévoit toutes sortes d’agrandissements ou de transformations. La maison familiale ne joue aucun rôle de composition spatiale au sens urbanistique. Les coûts élevés à l’unité, la surface de terrain qu’elle exige et la tendance à la dispersion en font un mode peu rationnel.

La maison espace réglé espace rêvé Jacques Pezeu-Massabuau p120 « célèbres vues de Delft ou de Dordrecht que des gravures de Hokusai ou de Hiroshige »

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« la demeure de l’homme est avant tout un refuge . De nos jours, on ne songe plus guère à se préserver des puissances maléfiques chtoniennes ou célestes, mais plutôt de son prochain » p 122 « L’entrée en scène des constructeurs-théoriciens, dont on a décrit la démarche, a poursuivi cette déshumanisation du confort, au fur et à mesure que, de Serlio à Le Corbusier, la forme pensée prenait la place de la forme sentie. » « Du confort relève sans doute la fonctionnalité, qui n’escorte pas moins fidèlement notre maison idéale. Car celle-ci n’est plus le lieu où, faisant la lessive ou allumant notre feu, ouvrant et fermant de lourds volets, nous exerçons notre puissance musculaire sur les objets. Elle est, pour la ménagère de notre temps, celui qui arbore une cuisine moderne où s’activent ces deux servantes invisibles mais omniprésentes que sont l’électricité et l’électronique. Elle est devenue le lieu de notre pouvoir immédiat et souverain sur les choses. » p125 « Hassan Fathy » p129 « Pour ces hommes, la maison idéale est l’abri originel, le rêve d’habiter celui d’avoir un creux où rassembler son être » hommes de bidonvilles l’être est déjà considéré c’est pour cela que l’on peut le faire évoluer, le projeter, le faire réagir à l’extérieur, aux autres mais surtout à lui-même. Dans la maison, nous avons tout pour nous libérer de nos tâches quotidiennes maintenant l’être nous importe, l’individu prime sur l’objet (et la signification qu’il apportait). C’est véritablement l’homme et le monde qui est le sujet premier à défendre dans le projet de maison. Moi et mon environnement, question obtenant des réponses venant du moi – intérieur. p133 « la yourte mongole » Dans cette tente close fermée, on a aucune vue sur l’extérieur. Tout y est concentré sur la vie intérieure que les hommes ont. Grands espaces, petites forteresses. Actuellement nos extérieurs sont maîtrisés, fermés donc protégés ainsi nous pouvons les observer, ouvrir notre habitation dessus sans craindre une quelconque agression. La maison = déconnexion du monde quotidien (travail,…) Sédentaire le paysage est à nous, puisque nous sommes fixes ancrés dans une habitation stable non mobile, le paysage qui nous entourent nous appartient, il n’est pas fuyant comme celui que l’on voit à travers un hublot quant nous sommes dans la cabine d’un bateau ou d’un avion. p136 « il serait trop simple de poursuivre cette chasse aux lieux différents que nous offre le monde pour que notre rêve s’y reflète un instant » Apprendre à aimer son paysage permet à l’habitant de s’y retrouver et de pouvoir y rêver ainsi seul le fait de considérer ce paysage amène à le découvrir, l’interroger et à le faire réagir avec son intérieur.

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p144 « Complémentarité d’étrange nature : plus la construction est massive et close, plus le jardin semble en offrir l’exact contraste ; plus l’habitation est légère et s’ouvre largement sur le dehors et moins le jardin en contredit le charme. Maison vecteur de notre pensée, outil nous permettant à nous projeter. Les actions qu’elle engage, les repos qu’elle offre dans un cadre calme, nous motive à nous poser certaines questions sur nous. La maison conditionne un retour sur soi, sa vie. Conclusion p 151 « Car, redisons-le, le problème ne se trouve pas dans la forme où nous loger et que nous livrent l’architecte et l’urbaniste. Il n’est pas dans le design ou la construction elle-même, mais en nous, dont l’esprit est devenu étranger à la fonction d’habiter, qui est aussi un acte, et dont la volonté n’en crée plus le désir. Nous sommes insensibles à l’idée de nous inscrire à nouveau dans le « carré » (Geviert) dont parle Heidegger : sous le ciel, sur la terre, devant les dieux et les hommes. C’est le lieu de cette relation qui constitue « la maison » et rien d’autre. Nous saurons habiter notre maison idéale, c’est à dire la rendre réelle, et elle deviendra alors notre vraie demeure, le jour où nous aurons réappris à nous insérer dans l’harmonie du monde. p 28 « C’est l’espace de la maison : matière sensuelle où nous modelons notre rêve d’habiter, où nous logeons confortablement notre moi à l’endroit élu qui lui confère son « être ». C’est le pont de Heidegger, dont la construction érige l’espace en lieu puisque seul « il fait apparaître les rives et réunit les terres autour de lui ». « Rêver d’habiter, c’est-à-dire d’être, nous projette dans une aire dont les limites sont strictes mais bien loin d’arrêter, ces limites marquent le début de quelque chose. » p29 « Comme le rappelle encore Heidegger, il y a là au contraire acte d’institution : »Bien droit sur la roche, le temple ouvre un monde et ramène, en même temps, à la Terre, qui alors seulement se révèle comme sol natal. » C’est bien le lieu (la maison) qui crée l’espace qui l’environne. » « La part d’espace instituée en maison s’oppose ainsi au reste de l’étendue tout en lui donnant un sens, à la manière (pour reprendre deux termes par lesquels nous exprimons souvent notre désir d’habiter) d’une oasis, arrachée au désert, ou d’une clairière, soustraite à la forêt – sauf si la forêt même devient l’habiter : elle est dans ce cas le labyrinthe-type. Premier temps : la maison confère une autre lecture au paysage, elle donne un lieu, le fait plutôt. Deuxième temps : La fenêtre, la baie accentue le fait de s’accaparer le paysage à sa manière. La baie propose une lecture d’un monde tout en incluant son origine. Un point de départ, un point de fuite et un retour sur les choses. p29 « La maison : halte après le voyage, lieu de l’habitude succédant à l’aventure, » « ici ou là, il s’agit d’instaurer un paysage humain. » p30 « domaine de chasse pour les animaux, cours ou jardins pour l’homme, ces zones de médiation participent fortement des fonctions de la demeure ; ce sont des espaces-ponts où

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convergent et apparaissent à l’homme les conditions de son être, de son « habiter » : rêver sa maison est aussi l’entourer d’un jardin. » « Des quatre préalables que nous avons pu découvrir dans le rêve d’habiter, une nudité à couvrir, une architecture conforme à notre corps, un espace où aménager notre existence, un lieu en fonction duquel nous instaurons un «dehors » décrété vague, indifférencié voire hostile pour nous en distinguer, aucun ne vient uniquement de nous-même, n’est une pure exhalaison de notre moi. Les images que nous projetons sur notre écran imaginaire sont des produits de notre culture et le langage des formes architecturales où nous exprimons nos pulsions « habiteuses » nous est toujours donné. Bien plus, il n’est lui-même qu’une partie du langage global de notre société, du système de signes qui lui est propre, dans lequel nous puisons librement les matériaux de nos fantasmes. Car, comme leur expression, ces désirs eux-mêmes qui nous transportent dans une idéale retraite ne sauraient relever que de catégories déjà cataloguées, répertoriées dans notre mémoire_ qui est aussi la mémoire collective, plus ou moins enfouis ou conscients. L’un des plus tenaces est probablement celui de demeurer à l’écart d’autrui. On sait la remarquable ingéniosité que l’homme a apporté à la fermeture de sa demeure. La richesse des types de clôture, exprimée par leur hauteur, leur forme, leur matière, le degré de dissuasion qu’elles expriment, n’a d’égale que celles des formes de l’habitation elle-même. » p31 « Car le désir de s’ancrer quelque part, qui fonde toute l’imagination d’habiter, et que n’exprime pas moins l’étymologie (demeure – demorari : s’attarder ; maison – manere : rester ; habiter – habere : tenir ou garder) est-il vraiment celui d’être seul ou plutôt celui de s’isoler parmi d’autres ? p32 « A ce premier stade du rêve d’habiter _ donner un gîte adéquat à notre corps et à notre esprit _ , il ne s’agit encore ni de sacrifier à la mode, ni de susciter l’envie d’autrui, ni à plus forte raison d’un projet d’évasion. Mais du simple désir de faire siennes des formes nées ailleurs et jugées utiles ou confortables. » p33 « Souvenir ou imitation fondent ainsi presque toujours notre imagination, la réinsérant finalement, quoi que nous en ayons, dans le code collectif des valeurs et des comportements. A mesurer la force dont les investit et environnement culturel que , de nos jours, les médias ont rendu planétaire, on découvre combien il serait illusoire de voir, à ce niveau de nos fantasmes architecturaux, une quelconque « évasion ». Bien loin d’être une fuite, le rêve primordial de la maison est un arrêt, la quête d’un port aux eaux calmes ; bien loin d’être une mise à l’écart de nos semblables, il ne nous en éloigne que de la distance nécessaire à notre repos. Car enfin rêver sa maison est aussi imaginé d’y vivre, au sens cette fois le plus quotidien du terme. C’est désirer y accomplir les gestes habituels de l’existence d’une façon plus aisée, plus libre, dans un décor de notre choix. » p34 « Désirer une maison « parfaite » nous replace finalement dans la collectivité. » p35 « La demeure imaginaire paraît donc bien le point de l’espace où, chaudement tapi dans une chimérique solitude, nous éprouvons au plus fort le sentiment d’être parmi les autres »

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p40 « Toute habitation entraîne un relâchement du code vestimentaire à un certain degré » La chambre devient la maison de l’enfant son espace de vie propre, éloigné de la famille. Il vit dans son monde, lui aussi a besoin d’un extérieur, d’une vue propre capable de le confronter aux autres et soi par la même occasion. Le salon n’est pas le seul point vers le dehors. Composer la chambre comme une maison. p47 « Tout rêve d’habiter s’accompagne ainsi d’un certain désir de convivialité dont l’image même nous séduit : nous nous voyons recevant, dans ce lieu choisi pour notre seul délice, telle ou telle personne (dont la vie réelle nous refuse généralement la rencontre) et en écartant telle autre… Aussi, à cette fonction « extérieure » de notre idéale demeure, faisons-nous une place plus ou moins importante mais jamais négligeable, imitant en cela notre habitation réelle et son partage fondamentale entre l’espace privé et les pièces ouvertes à l’étranger. Notre niveau de fortune conditionne assurément ce départ, mais même les moins favorisés d’entre nous accordent volontiers une place démesurée à la réception, »

Habiter rêve, image, projet J. Pezeu-Massabuau p85 « C’est encore la forme des habitations vernaculaires les plus simples ou, disons, originelles : le cercle (de la yourte mongole, de l’igloo), le triangle (l’entrée de la tente ou de la pyramide), et le carré (déjà plus complexe et qui semble exprimer le passage du nomade au sédentaire) Dans la maison visitée, je ressens le besoin de trouver une échappatoire, un ailleurs alors la maison n’est qu’un parcours, un chemin qui me prend pour me situer ( « Etre, c’est être situé » disait Merleau-Ponty) face à une étendue, un inaccessible de sorte dont je puisse m’évader et m’y sentir seul. Ce cadre me rassure car je peux t’y penser et m’y retrouver, m’oublier pour mieux envisager l’avenir de mon existence. Ainsi grâce à cette occasion, je me questionne. Je me calme pour nous qui sommes, en ces temps, pressés. Cet espace vers l’extérieur me permet autant d’être seul et avec les autres puisqu’il envisage les actions ou les attitudes que j’aurais avec mon entourage. p18-19 « Etre, c’est être situé disait Merleau-Ponty, et la racine indo-européenne sta vient ici à notre aide : il faut à l’être vivant une « station » dans le monde, ce qu ‘évoquent encore (parmi bien d’autres) les terme de standard, établissement, style ou estancia. Mais nul peutêtre mieux que Gaston Bachelard n’a su décrire ce premier instinct de l’être vivant : se blottir, se lover, chercher un endroit qui devienne sa « solitude centrée » et l’abri de sa « tranquilité heureuse ». Ce « coin qui nous recroqueville » sur nous-mêmes avec notre passé, notre présent et nos rêves d’avenir, ce sera la maison, seule capable « d’intégrer tout l’homme » et dont la seule clôture attire irrésistiblement une « intimité centripète ». A ce stade, son apparence importe peu, il lui suffit d’être notre demeure pour se trouver définie. Elle incarne encore une idée de stabilité et de durée car sa fonction est de nous fixer en un point de l’espace et aussi du

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corps social. Enfin, elle prescrit une certaine valeur du temps car « (son) son espace est un comprimé de durée ». Ce « conteneur », où l’on doit ainsi s’enfermer pour vivre, répond à diverses définitions. Mieux encore que le réceptacle aisément transportable du seul nomade, c’est la cavité qui contient et protège que tout homme y considère d’abord. « L’acte d’habiter commence dès qu’on a l’impression d’être abrité » disait aussi Gaston Bachelard. Trois siècles après le « poêle » de Descartes ou le « nid » érasmien, le concept de maison-boîte retient encore l’attention des architectes, de T. Garnier à Loos et de Le Corbusier à Mies van der Rohe ou T. Ando. Mais du désir de simplification, de cohérence qui préside à leurs théories, il superpose à nos yeux celui d’un coffre sécurisant face aux aléas du dehors. Or, à y regarder de plus près, cet enfermement convoité répond lui-même à plusieurs nécessités, souvent confondues mais que notre urgence d’habiter distingue aisément. À la racine de celle-ci se montre d’abord une envie irraisonnée de se voir entouré, séparé de l’espace commun, et que celui-ci devienne un dehors contre lequel seulement l’homme peut véritablement « avoir lieu ». Les animaux, les enfants dans leurs jeux révèlent le caractère primaire de cet instinct que la plus légère paroi suffit à satisfaire. Le corps, en quoi se rassemble ce que nous sommes et dont chacun fait le centre de cet habiter, nous est donné exempt de barrières ; mais cette apparente liberté le laisse à portée de toute autre créature et l’expose continûment au regard de la collectivité. Rêvant d’une demeure, il nous la faut bien close et ne s’ouvrant sur l’étendue commune qu’à notre seule volonté. De ce dedans parfaitement réalisé et de l’intimité qu’il garantit, la porte est le symbole et le moyen »

La vue sur un extérieur est nécessaire pour l’homme qui habite puisqu’elle suggère qu’il fait partie d’un ensemble, il n’est isolé au sens d’être reclus de la société dont il fait partie et surtout dont il est le produit. Être enfermé est la pire chose qu’un homme peut avoir, un sentiment d’abandon, de mise à l’écart brise le besoin de communication, de sociabilité nécessaire à la vie humaine. p21 « nosographie de la maison » p23-24 « Ainsi privé de lieu à vivre, d’espace vécu, le sans-logis perd jusqu’à la conscience de son corps, dont on sait qu’elle est un des enseignements de la maison. Privé des gabarits topologiques que lui donnerait un logis, si exigu soit-il, il flotte dans une étendue indéterminée qui ne saurait le contenir ni l’entourer, à plus forte raison le protéger. Cette vérité du corps, qui demeure à la racine de notre habiter, n’existe plus faute de repère et aussi des contacts répétés avec les autres que demande la vie en société. Privés d’enceinte où se déployer, à laquelle se mesurer, joies et peines, gestes et rituels cessent d’être vraiment perçus et accomplis ; l’environnement des objets familiers n’exerce plus sa familière présence et les choses ont perdu leur caractère multidimensionnel pour n’être guère que des outils d’un instant. Finalement, c’est sa propre identité qui disparaît, dans un oubli fataliste et peut-être rassurant. Installé dans la marge du corps social, le sans-logis n’a plus besoin de savoir qu’il est et il oublie son nom et son âge, n’échange plus avec ses congénères que quelques mais fuit absolument tout contact prolongé qui le sortirait de la gangue de solitude qu’il s’est bâtie et où il demeure prostré. Car son drame véritable est l’absence de tout désir, y compris celui d’un

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lieu. Pensant qu’il ne pourra jamais séjourné dans un endroit déterminé et nouer avec autrui des relations stables, il n’en nourrit plus l’envie et, se croyant à jamais incapable d’habiter, en oublie jusqu’à la notion et au besoin. Ayant perdu le sens de la durée et de l’espace, errant aux frontières de la vie, totalement « déprogrammé », il perd sa place dans le monde, ce que la loi, la police et chacun, vous ou moi, se hâtent d’approuver. On aura mesuré par là de quoi se compose notre besoin de demeurer : ce dont manque d’une place – bien à soi mais parmi les autres – risque de nous priver n’est rien que moins que la vie, à tout le moins le droit d’exister, c’est à dire aussi de nous percevoir en tant que personne et en fonction d’autrui. » p26 « La complétude de son être q’on éprouve dans une demeure bien à soi, close autour de soi et des siens, paraît elle-même moins possible et cette dislocation se poursuit au niveau de nôtre âme et de nos désirs : les messages des médias ne cessent de nous « déplacer » dans des mondes virtuels ou lointains, au point qu’à présent notre ville, notre quartier ou notre village nous semblent assumer davantage la fonction d’un ailleurs. » p27 « Séjournant dans un hôtel et nous y trouvant bien, s’attardant quelques heures dans une aérogare ou un grand magasin, dont la tiédeur et la conviviale animation pallient apparemment toute impression de solitude, nous ne faisons guère que traverser des endroits étrangers. Seul ceux qui y séjournent et trouvent ici des lieux véritables, composées de cheminements familiers, d’amis et de relations, d’habitudes individuelles et collectives, et des rituels du repas et du repos. Nous-mêmes y sommes des passants et ne saurions y dresser les six parois de notre lieu à vivre. » « Le désir d’habiter ne se réduit jamais à une exigence de nature purement topologique : le « centre abrité » de notre être doit nous devenir encore celui du bonheur » p28 « Le Cambodgien sur son dur bat-flanc de bois, » « félicité » p172 « tout désir de confort s’accroît parallèlement au progrès technologique, à la façon de deux escaliers en spirale montant au même endroit sans jamais se rencontrer » L’important dans la maison dans son paysage, c’est-à-dire, au beau milieu d’une grande parcelle, c’est qu’elle n’est pas le simple point de transition entre la rue, le trottoir (public) et le jardin (privé) de la maison de ville, mais elle est une proposition d’un point de vue sur son étendue à elle. Elle est un événement que l’on croise lors de notre visite comme le ponton qui nous suggère de le parcourir pour voir et penser quand nous sommes le long d’un étang, d’un lac. p133 « Or cet espace où chacun rêve, projette, édifie puis habite sa demeure, de quelles façons s’offre-t-il à lui ? N’agissent plus ici ces « lieux » où prennent forme (sans nous) ses perceptions et ses images mais une étendue polymorphe dont les trois « visages » se montrent successivement, selon que lui-même ou l’architecte projettent cet abri – c’est un espace abstrait – puis le construisent – il s’agit alors de l’espace réel -, l’acte d’architecture

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(concevoir puis construire) faisant passer l’un à l’autre et tous deux différant enfin de l’espace vécu (ou espace social), qui se révèle seulement quand on habite, puisque lui n’est pas construit par calcul et projet mais jaillit spontanément de la vie. Il interfère toutefois doublement avec les deux autres (c’est à dire avec l’espace architectural) : en agissant sur l’espace mental du constructeur et en résultant lui-même en partie de l’espace construit. » p127 « l’évolution de la culture est synonyme de l’élimination de l’ornement des objets usuels » et que « toute la richesse de la maison doit se concentrer au-dedans » A. Loos »

Quand les Cathédrales étaient blanches, voyage aux pas timides, Le Corbusier 1937

« C’est une loi de la biologie humaine cela ; la case carrée, la chambre, c’est la propre et utile création humaine, cette fenêtre derrière laquelle le bonhomme est planté, c’est un poème d’intimité, de libre considération des choses. Un million de fenêtres dans l’azur, c’est ici que la féerie commence. »

Habiter l’architecture Maurice Sauzet 2003 p99 De l’ « avant » à l’ « après » de la maison « l’espace « avant » l’entrée : là où tout arrive, les amis, les voitures, le facteur et à l’autre bout, l’ « après », le jardin, le lieu où l’on se pose, où l’on se retrouve en soi-même et dans le monde. La qualité de vie dans la maison est liée à la capacité du projet à créer entre ces deux extrêmes, une dimension, une distance où se joue la connivence entre l’homme et les choses. Dans nos études, nous avons fait de ces deux espaces des concepts, ce qui est « avant », ce qui est « après ». Et lié à ces deux pôles, l’ « entre » : le lieu de vie » Chris Younès Philosophe P138 – 139 « En habitant une maison, on habite aussi une ville, un paysage, le monde… dans une quête d’être. « La distance qui avait été marquée par rapport aux flux insaisissables de la réalité sensible et par rapport aux sens, considérés comme trompeurs, est donc remise en question par la phénoménologie, dont la démarche est une recherche d’écoute et de restauration du sens dans toutes ses dimensions. »

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p140-141 « La nature est un objet énigmatique, un objet qui n’est pas tout à fait objet ; elle n’est pas tout à fait devant nous. Elle est notre sol, non pas ce qui est devant, mais ce qui nous porte » explique Merleau-Ponty, la Nature – notes, cours du Collège de France, coll. Traces Ecrites, Paris 1995, p 19-20 « Par la cohérence des perceptions et par des espaces intermédiaires d’interpénétrations, le corps en mouvement est accompagné, les vues absurdes, oublieuses, des relations au monde ou à autrui, évitées, l’intime et le commun préservés, le bien-être pris en compte dans le respect de la dignité humaine, les usages chargés d’une dimension poétique. Chacun peut se tenir dans un lieu qui se plie, se replie et se déplie entre clos et ouvert, comme participant d’une forme d’initiation qui articule le pérenne et le mobile » p177 « La relation aux arts, à l’architecture, à la musique, élève en nous une énergie insoupçonnée. Celle qui est élevée par le sentiment amoureux est d’un ordre voisin. La prise de conscience de notre liaison intime au monde, la contemplation des paysages sont, elles aussi, l’origine d’un afflux énergétique. Elles nous font véritablement vivre. « le volume construit peut se concevoir comme un condensateur mettant en tension sensorielle l’homme face au paysage. Il ne s’agit pas là d’une pratique obscurantiste mais d’un regroupement de sensations qui, par leurs synergies, élèvent les effets à leurs paroxysmes. Avoir un jardin, grand ou petit, autour de sa maison n’offre pas forcément tous les avantages sensoriels possibles du rapport entre le dedans et dehors. Une construction même immergée dans un cadre merveilleux, est rarement composée pour élever, au plus haut, sa relation au monde extérieur. » Une relation dedans dehors ou intérieur extérieur n’est pas la seule chose importante dans une maison, mais l’intérêt reste dans le fait de sentir la manière dont on amène cette relation. Le parcours, la façon dont on conçoit le corps en mouvement en rapport aux constituants même de l’enveloppe et son extérieur choisi, devient le constituant du projet habitation. « Dans un site, même sans éclat, nous créons, de l’ « avant » de la maison à l’ « après », un parcours. Une lente approche vers le point où toutes les conditions seront réunies pour honorer la beauté du monde » p215 « La maison, le temple, le monastère sont des abris d’où l’on participe à l’environnement. » « les parois latérales et la vaste avancée du toit vont cadrer le paysage des jardins et les vues lointaines à la manière d’un tableau. » « le cadrage des vues a d’autres vertus. Il permet de faire disparaître un élément étranger au paysage, pylône, maison voisine. Il faudra parfois lui adjoindre, dans la partie du jardin qu’on maîtrise, un objet d’accompagnement recadrant l’horizon, des arbres par exemples. Cette recherche de la maîtrise des vues peut aller jusqu’à la création de mur écran extérieur. Il masque une vue déplaisante, ou indiscrète, pour la remplacer par un paysage limité bien composé. » p217 « Au Japon, les techniques propres à créer des distances dans des espaces réduits sont uniques au monde. Elles organisent des ruptures directionnelles et des seuils successifs.

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Ruptures, changements de direction, traversées sensoriellement fortes avec pertes d’orientation créent une impression de distance sans rapport avec l’éloignement matériel d’un point à l’autre. » « la coutume d’enlever ses chaussures, de circuler en chaussons dans les pièces de bois et de marcher nu-pieds sur les tatamis crée des degrés d’intériorité liés à la chaleur des matériaux » p54 « Ces prises sont marquées du sceau de l’immanence. Cette résonance entre nous et le monde, cette profondeur, cette complémentarité indéfiniment renouvelée, c’est en transcendance que nous l’interprétons.» Immanence : qui est contenu dans la nature de l’être. Transcendance : qui dépasse d’un ordre de réalité, suppose l’intervention d’un principe extérieur.

Pavillon Seroussi « L’architecture connaît aujourd’hui un bouleversement introduit par l’utilisation des nouvelles technologies de l’informatique. C’est dans ce contexte que Natalie Seroussi a décidé de rassembler six équipes d’architectes pour concevoir un pavillon d’habitation dans sa propriété de Meudon. Ce bâtiment viendra s’ajouter à l’ensemble architectural conçu et réalisé par le propriétaire d’origine André Bloc (1895-1966) : une vaste résidence-atelier et deux construction énigmatiques, les célèbres « sculptures-habitacles ». Cet ouvrage révèle à travers la diversité de ces projets les manifestations d’une nouvelle écologie de la production et illustre ce que certains ont appelé « Architecture non standard ».

Qu’est-ce qu’habiter ? Bernard Salignon p153 « Nous avons découvert que tout projet urbanistique ou architectural doit pouvoir penser globalement le local et ce dans toute une série d’articulations qui n’ont jamais cessé dans notre histoire en cours de donner à l’homme des appuis véritables en vue d’installer et d’approprier ses modalités “d’habiter“. L’oublier c’est induire un repli sur soi, à la haine du voisin, au rejet de la ville, à l’anomie et à l’insécurité » Anomie : L’anomie est l’état d’une société caractérisée par une désintégration des normes qui règlent la conduite des hommes et assurent l’ordre social. L’anomie se comprend peut-être mieux entre autonomie et hétéronomie. Cet état, d’après Emile Durkheim (sociologue du XIX è siècle), amène l’individu à avoir peur et être insatisfait, ce qui peut conduire au suicide. L’anomie provient du manque de régulation de la société sur l’individu. Il ne sait comment borner ses désirs, souffre du mal de “l’infini“.

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Durkheim considère également l’anomie domestique comme une cause potentielle de suicide, le taux de divorce élevé favorisant statistiquement le suicide, par exemple. Pourtant l’anomie apparaît pour la première fois comme concept sociologique sous la plume du philosophe Jean-Marie Guyau dans Esquisse d’une morale sans obligation ni sanction (1885) comme phénomène intrinsèque de toute société et bénéfique. « L’anomie de Guyau, est créatrice de formes nouvelles de relations humaines, d’utonomies qui ne sont pas celles d’une référence à des normes constituées, mais ouvertes sur une créativité possible. Elle ne résulte pas, comme chez Durkheim, d’un trouble statistique, elle incite l’individu à des sociabilités jusque-là inconnues – dont il dira que la création artistique est la manifestation la plus forte. » - Jean Duvignaud ( écrivain, essayiste, dramaturge, sociologue et anthropologue). Le patio, le jardin intérieur p151 « Il y a conjointement à cette nature aménagée ( le parc urbain) pour le public un espace aménagé pour l’intimité qui à la fois ressource la maison et donne à l’intérieur son aspect infini, car c’est là, dans le patio, dans le jardin intérieur que l’accueil du “cosmos“ et du sacré donne la dimension symbolique de l’habiter dans la ville. Le “patio“, le jardin, sont des lieux de réception de l’hôte et de la nature aménagée indiquant combien l’homme est dans sa maison sensible à l’idée que le caractère historial doit pouvoir se manifester dans la vie quotidienne et ce d’une façon concrète et personnalisée. » « Le patio, le “jardinet“ sont la réalisation de ce qui est articulé autour des plantes, du ciel, et du soleil, des faïences et des briques et de l’accueil des proches. » « Nous ne dirons jamais assez combien cet espace du patio est un lieu de ressourcement symbolique et réel qui donne à la ville son urbanité essentielle et historique. » « L’urbanité n’est pas un objet, ni une forme, elle naît en permanence du sens du rapport entre des articulations, la plus essentielle est celle qui se joue dans la tension du dedans et du dehors, cette tension donne le rythme de la cité autant esthétiquement que socialement. Les rues dans la ville donnent au promeneur le sens de cette mise en tension, le regard de l’homme part de la place et balaye la rue, puis dans la rue, les maisons donnent un aperçu fugitif du dedans : un bout de “patio“ surgit et disparaît à travers la porte. La ville du Sud entretient en permanence ce paradoxe symbolique : elle voile et dévoile dans un jeu de séduction ce qui la fonde, ce rapport entre le montrer et le cacher n’est-ce pas l’essence de ce qu’habiter veut dire ? » Le proche et le lointain p76 77« L’idée du chez soi tient à la fois du tout proche parce qu’elle évoque ce lieu de l’intime et de l’intimité, et du lointain parce que le chez-soi permet de prendre la distance la plus grande sans trop d’angoisse d’errer. Le lointain est possible parce qu’il est toujours et en permanence référé à ce chez-soi d’où il s’éloigne ; le lointain provient de la distance prise à partir du chez-soi. En s’éloignant du chez-soi, la mesure qui permet de partir au loin tient en elle l’idée que le chez-soi est ce point d’où l’on part, et plus la distance est grande, plus l’idée du chez-soi demeure comme ce qui tend et tient en tension l’éloigné. »

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« De ma fenêtre, de mon balcon, de ma cour, de ma rue, le lointain m’est donné d’abord comme paysage qui vient ici se rassembler et se disperser. Tout le loin comme horizon tient à ce qu’il n’est jamais que ce qui me rapproche du chez-moi et qui me donne un chez-moi ouvert au spectacle du monde. L’horizon devient mien tout en restant anonyme et lointain. Il tient dans cette distance le possible de toute appropriation du distant, qui est le rythme de la vie transformé en regard qui part et revient chargé du spectacle du monde et en même temps épuré de sa trop grande présence. Dans ce mouvement du regard, ce qui est gardé comme vigilance et bienveillance, le chez-moi est un lieu ouvert, fermé et proche parce que rendu à son propre dès que la vue retourne au regard, c’est le monde à partir du proche à la fois tourné vers moi et à la fois détourné de moi, il existe au loin comme par surcroît. « La nuit, en tombant, au lieu de m’enfermer dans le “chez-moi“, donne au contraire l’idée qu’il dépend fortement du lointain. Dès que celui-ci s’efface dans la nuit, celui-là s’ouvre à luimême, car il reçoit la nuit comme un espace-temps de repos, et c’est aussi dans le repos de la nuit que le monde alors devient infini ; les étoiles du ciel entrent dans le creux du chez-moi. Proche et infini alors se rejoignent, donnant l’illusion véritable que l’habitation de l’homme est partie prenante du cosmos. Le fini du chez-moi est aussi ouvert à l’infini du monde, montrant par là que le lieu où l’homme trouve sa demeure est en correspondance avec le temps de la finitude et de l’espace de l’infinitude. « L’accueil du lointain, au lieu de faire perdre le sens du proche, au contraire lui laisse son entière capacité. C’est par l’accueil que le chez-moi n’est pas fermé à la présence, car c’est dans l’accueil qu’il se construit non pas comme défense contre le monde alentour, mais comme participation au loin et à l’horizon. Accueillir, c’est en même temps permettre au “loin“ de rester à distance et lui permettre aussi, dans la distance, de se tenir, de se maintenir à distance ; l’accueil accueille le rythme plutôt qu’il ne le rompt ; c’est parce que dans l’accueil il y a un respect de l’altérité que cette altérité peut venir risquer sa présence sans se sentir aliénée, prise et captée dans le pur dedans et dans une intériorité sans liberté. » « On peut certes espérer que le sens accordé à la fonction architecturale dépasse la simple architectonique de l’espace, mais on sait que la seule architecture n’est pas toujours suffisante à induire et conduire un mode être et d’envisager son voisin. Le voisin est souvent représenté comme étant porteur du malaise et parfois du mal-être que l’on ressent dans l’espace environnant. C’est souvent sur lui que portent les sentiments d’hostilité. » « le rapport vécu entre l’habitant et le voisin est très souvent ressentie comme négatif, soit par repli défensif, soit par crainte de perdre, son identité propre, soit pour préserver sa famille contre l’autre, soit pour refuser en bloc l’espace dans lequel on loge. » p80 « tout un univers de violence qui n’est pas certes imputable à l’architecture seulement, mais que l’architecture manifeste et qui rend la vie dans les logements sociaux insupportable et souvent intolérable. Il y a un poids du destin au sens fort du terme qui rend l’habitat social comme nécessaire et comme abject ; même si ces deux qualificatifs ne sont pas dans un champ sémantique équivalent, ils dénotent tout à fait le ressenti des habitants »

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p86 « Le rapport du proche et du lointain, tel que nous l’avons évoqué, est une tension, un rythme qui peut se comprendre comme dimension esthétique et éthique à la fois. En réfléchissant sur ce qui fait le monde alentour à partir du chez-soi, nous avons rencontré deux dimensions de l’éloignement et du proche ; l’un qui est l’horizon et le spectacle du monde, l’autre qui est le voisinage à la fois social et humain. » « L’habitat de l’homme doit être cette respiration qui échange le dedans contre le dehors et réciproquement. C’est ce mouvement qui fait le temps vécu fondamental de la demeure de l’homme. » p87 « l’idée que nous proposons du proche et du lointain est qu’il y a un échange perpétuel entre le proche et l’éloigné, et que c’est de cet échange ininterrompu que naît le chez-soi comme chose qui participe de l’échange. Le chez-moi, pour être, existe hors de soi et lui donne un sens autre que celui de l’abri et du retrait défensif ; il doit pouvoir manifester cette présence du loin et du proche en même temps comme l’un et l’autre indispensable au chez-soi. Le chez-soi, parce qu’il évoque et convoque en même temps le proche et lontain, prend une valeur vitale et historiale précise ; c’est de ne pas être une expropriation, un enfermement de l’espace dans le lieu de l’habitat. Au contraire, le propre du chez-soi est d’être hors de soi comme sa condition d’acceptation et de consentement au monde du loin, de l’étrangeté, de l’étranger, de l’autre. Consentement à l’esthétique comme dimension du vrai. Acceptation de l’autre comme éthique du social et de la communication. » « Pris au niveau esthétique, le proche, en tant qu’il est le chez-soi, donne la dimension d’ouverture du lointain et de l’horizon ; il m’acclimate et me ressource au monde qui ainsi s’ouvre vers moi. L’image que l’on pourrait prendre est celle du pli que forme l’horizon s’étendant au loin ; ce pli s’ouvre vers le chez-soi et il le constitue en retour, mon regard part vers le loin et revient parce que le pli implique ce retour. Le regard garde du pli l’idée de la rencontre entre le ciel et la terre, ou le ciel et la mer.Le chez-soi et l’idée qu’on en a sont cette participation de , à partir de la maison d’espace alentour comme espace de mon histoire propre et que je m’approprie. » p88 « Le chez soi souligne la continuité qu’il y a entre le lieu où j’habite et l’espace que j’habite ; ces deux habitations n’en font qu’une, parce que si l’une des deux est défaillante, le chez-moi perd tout son sens ; il perd sa fonction d’accueil et de soutien du monde alentour. » p70 « D’un point de vue psychanalytique, le rapport entre le dedans et le dehors est pour Freud le premier temps de l’introduction du sujet humain à la prise en compte de son identité, de sa forme, de sa consistance. Il pense que l’enfant qui naît maîtrise d’abord le monde extérieur, mais a besoin de l’autre pour assouvir sa soif et sa faim … Dans une deuxième phase, l’enfant va poser la différence dedans/dehors en prenant du dehors ce qui lui convient. Ainsi encore une fois le dehors est lieu nécessaire pour l’être humain… mais un dedans sans respiration et échange venant du dehors n’est autre qu’une prison. D’un point de vue esthétique : l’intérieur et l’extérieur communiquent par la lumière et par l’échange de l’air. L’air et la lumière sont la vérité effective du ressenti et de la vie même.

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Penser le rapport dans ce qu’il articule, c’est penser que l’homme a rapport au proche et au lointain en même temps, il est l’être qui côtoie le ciel à travers sa fenêtre ; habiter c’est s’approcher du lointain pour pouvoir en faire partie et pouvoir se perdre dans le monde dont fait ainsi partie. « Nulle part, dit Maldiney, notre présence n’est aussi expressément mise en vue que là où elle affronte ses limites, celles de l’espace qu’elle habite dans une âme et dans un corps. » « Les limites qui font respirer l’homme dans son habiter sont ce qui animent l’homme et l’habiter de l’homme sur terre, toutes ces dimensions rythmées règlent notre vie et notre temps, notre regard et notre rapport aux autres. Nous pouvons affirmer que l’articulation dedans-dehors est la mesure que l’homme a de son espace habité ; perdre cette mesure, c’est perdre ce qui, dans l’homme, le relie au fondement de son être au monde. p68 « « Sud » equipe d’architectes de Marseille qui réfléchit sur le thème du seuil » p69 « La nature comme apaisement des conflits et des tensions ; le retour à l’espace de l’enfance ; mythe à l’enracinement ; lieu du calme et du repos ; espace du ressenti et de communication ; spectacle rassurant ; esthétique vivante ; reflet de la région ; permanence intemporelle. »

Maisons minimalistes Linda Park p2 « Le minimalisme est un courant artistique, dans lequel le nombre de couleurs, valeurs, formes, lignes et textures de l’œuvre est réduit au minimum. Il ne s’agit ni de représenter, ni de symboliser un objet ou une expérience. La prémisse de base est de créer une œuvre n’ayant pas de signification particulière, mais gardant une valeur artistique. Egalement appelé art ABC, art minimal, réductivisme, ou art de rejet. Parmi les précurseurs de cette tendance, on peut citer les suprématistes russes tels que Kasimir Malevich (1878-1935). Bien que s’apparentant au dadaïsme quant à l’absence de signification particulière, l’œuvre minimaliste, contrairement au Dada, conserve une valeur artistique. Le minimalisme a traversé les décennies, et continue aujourd’hui à être considéré comme une influence de poids dans l’art contemporain, ainsi que d’autres disciplines comme la musique, la danse, la mode, le design et l’architecture. p7 « Né dans les années 60, il fut, comme le Pop Art (Andy Warhol), une réaction à l’émotion et à l’expression propres à l’Expressionnisme Abstrait. Le minimalisme domina particulièrement la sculpture moderne. Citons les œuvres de Sol LeWitt, Donald Judd, Carl Andre, Dan Flavin. Dans le domaine de la peinture, il convient de citer des œuvres de Frank Stella et d’Ellsworth Kelly. Le minimalisme fit rapidement de nouveaux adeptes parmi les architectes contemporains, qui choisirent de prendre, plus ou moins selon l’artiste, ce mouvement créatif comme base de l’architecture. Cependant, il convient de rappeler que les œuvres des architectes de la deuxième 89


moitié du XX ème siècle furent également marquées par le modernisme. Mies van der Rohe, “Moins, c’est plus“, illustre le concept selon lequel l’espace architectonique acquiert une puissance maximale par la suppression de tout élément accessoire. Moins une œuvre sera composée d’éléments esthétiques, plus elle sera éloquente. »

Louis I. Kahn Houses 1940-1974 Yutaka Saito

Korman House 1971-1973 Fort Washington, Philadelphia Suburb Fisher House 1960-1967 Hatboro, Philadelphia Suburb p 032 « The Window Completes All The thickness of a window frame expresses the characteristic of enclosure. How is the interior of the room enclosed ? How does the opening confront the outside world ? How do its shape and position and the way it opens and closes connect the inner and outer spaces ? The window determines all these things. It also determines what kind of light the room seeks or rejects, what kind of scenery it wants to embrace or exclude, and what else it wants to invite inside : the wind, the leaves, the dancing butterflies. » p 033 « A window wants to be room, » Kahn insisted. The window, having completed the room, longs to become a room itself. People want to pause beside the window that has its own light and communes with its landscape. This is why Kahn often carefully placed a small chair or bench beside his windows. He hoped that people would read books there, and it never occured to him that some people do not like books. I remember when Robert Venturi erected a tall TV

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antenna on Guild House for the elderly, Kahn asked him,“But bob, shouldn’t elderly people be reading books » p 033 « His window look out upon both the visible scenery and that which is far beyond human sight. The person who pauses there in the midst of their solitude is confronted with this view. This, too, is the window’s role. Or perhaps it is the final form of a window that aspires to be a room. Window are not just for friends and neighbors. They are also for that one who exists far beyond the infinite distance. Windows open ultimately on what Nietzsche, whom Kahn admired, called in Thus Spake Zarathustra, “furthest love.“

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Sources des Illustrations

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p 11

Minimalist Spaces, Arian Mostaedi Lee House, Tadao Ando

p 17

Photo prise à Lamotte-Beuvron, Loir et Cher (41) par Eddy Montonati

p 19

Photo prise à La Rochelle, dans un lotissement de maison à patio très intéressant par Eddy Montonati

p 23

Photo recueillie sur un site Internet http://www.flickr.com/search/groups/?q=GREA T%20BAMBOO%20WALL&w=1091419%40N 23&m=pool

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p 25

Minimalist Spaces, Arian Mostaedi House in Redfern, Engelen & Moore

p 27

Plan numérisé d’une maison à Lamotte-Beuvron par Eddy Montonati

p 28

Plan numérisé de la maison à Lamotte-Beuvron par Eddy Montonati

Photo de la maison à Lamotte-Beuvron par Eddy Montonati

95


p 33

Habiter l’architecture, Maurice Sauzet p 85

p 37

Maisons minimalistes, Linda Parker Maison Dayton, Vincent James Associates

Architecture Now ! 4, Philip Jodidio Villa C, Groep Delta

p 39

Louis I. Kahn Houses 1940-1974, Yutaka Saito Fisher House, Louis I. Kahn

96


p 45

Photo de la maison à Lamotte-Beuvron par Eddy Montonati

Transformations, Livio Vacchini, Werner Blaser Birkäuser, Basel 1994, p 139

p 49 House with a view Vue d’en Haut, Philip Jodidio House, camino a Farellones, dRN Architects + Bernardo Valdès

p 52

Atlas maisons d’architectes, Francisco Asensio Une plate-forme primitive en pleine nature, Grose & Bradley

p 55 Photos sur un site Internet

www.dkomaison.com/images/ 001/04/140_maison-traditionnelle

97


p 59

Photo prise sur un site Internet

p 60 Photo prise sur un site Internet http://i816.photobucket.com/albums/zz86/jasminecad y/farnsworth_house2.jpg The Farnsworth House, Ludwig Mies Van Der Rohe

p 63

20 architetti per venti case, Mercedes Daguerre Skywood House, Graham Philips

p 65

20 architetti per venti case, Mercedes Daguerre Skywood House, Graham Philips

98


p 69

Croquis et plan numérisés sur un livre dédié aux œuvres de Kengo Kuma

Photos recueillies sur un site Internet http://www.flickr.com/search/groups/?q=GRE AT%20BAMBOO%20WALL&w=1091419%4 0N23&m=pool

99


100


Bibliographie

101


Les plus petites maisons (sans auteur) Atelier Bow-Wow Shibuya, Tokyo 2001

La maison espace réglé espace rêvé J. Pezeu-Massabuau Ed. Géographiques Reclus, 1993

Habiter rêve, image, projet J. Pezeu-Massabuau Ed. L’Harmattan, 2003

Demeure terrestre enquête vagabonde sur l’habiter Thierry Paquot Les éditions de l’imprimeur, 2005

Psychanalyse de la maison Olivier Marc Intuitions Seuil, 1972

Habiter Le Corbusier pratiques sociales et théorie architecturale Sylvette Denèfle, Sabrina Bresson, Annie Dusset, Nicole Roux Presses Universitaires de Rennes, 2006

Pessac de Le Corbusier étude socio-architecturale 1929/85 Philippe Boudon Ed. Dunod, 1985

25 maisons individuelles Christine Desmoulins Amc Le Moniteur, 2002

Penser l’habité, le logement en questions Monique Eleb-vidal Pierre Mardaga éditeur, 1988

Habiter, Habité l’alchimie de nos maisons Nicole Czechowski Ed. Autrement, 1990

Floor Plan Manual Housing Christian Gänshirt, Oliver Heckmann, Bettina Vismann, Friederike Schneider Ed. Birkhäuser – Publishers for Architecture, 2004

Demeure Mémoire Habitat : code, sagesse, libération J. Pezeu-Massabuau Ed. Parenthèses 2000

Maison individuelle, architecture, urbanité Guy Tapie Ed. de l’Aube, 2005

102


La poétique de l’espace Gaston Bachelard Presses Universitaires de France, 1957

Une petite maison Le Corbusier Sept réimpressions pour 2005 de la première édition publiée en 1954 Ed. Birkhauser – Publishers for Architecture

Un homme à sa fenêtre textes choisis 1925-1960 Le Corbusier Fage éditions, 2006

La nature Le Corbusier Ed. de la Villette, 2004

Petites maisons en pleine nature Carles Broto, concepteur de l’oeuvre Ed. Links, 2007

Contemporary Prefab Houses (sans auteur) Ed. daab

Habiter l’architecture Maurice Sauzet Massin éditeur, 2003

Pavillon Seroussi (sans auteur) Ed. HYX, 2007

Qu’est-ce qu’habiter ? Réflexions sur le logement social à partir de l’habiter méditerranéen Bernard Salignon Z’éditions, 1987

Maisons minimalistes Linda Parker Atrium Group de ediciones y publicaciones,S.L., 2004

20 architetti per venti case Mercedes Daguerre Mondadori Electa Spa, 2002

Une Maison Un Palais Le Corbusier Editions Connivences, rééditions 1989 (première parution 1928)

103


Oscar Niemeyer Maisons Alan Hess Actes Sud, 2007

Atlas Maisons d’Architectes Francisco Asensio Atrium Group, 2005

House with a view Vue d’en Haut Philip Jodidio The Images Plublishing Group Pty Ltd, 2008

Modern House John Welsh Phaidon Press limited, 1995

Architecture Now 2 Philip Jodidio Taschen GmbH, 2007

Architecture Now 4 Philip Jodidio Taschen GmbH, 2006

El Croquis John Pawson Louis I. Kahn Houses 1940-1974 Yutaka Saito TOTO Shuppan, 2003

Minimalist Spaces Arian Mostaedi Gingko Press, 2004

Mémoires de fin d’études Maisons individuelles & Lotissement Jean-Marc Heintz École d’architecture de Paris-Belleville, 1997

Une stratégie de la reconquête du marché de la maison individuelle : les Géo-Logis Bruno Bazin École d’architecture de Paris-Belleville, 1997

3 maisons individuelles à Paris Frank Salama École d’architecture de Paris-Belleville, 2000 104



Voir, s’asseoir, penser, trois verbes qualifiant trois actions définissant la maison. Ce lieu est un moment de repos où l’homme se pose et vit apaisé. Cette vision ne peut se concrétiser dans une maison où les ouvertures ne sont pas la résultante d’une pensée ayant pour but de projeter l’intérieur sur l’extérieur. Voir, c’est sentir une habitation qui vit, qui propose des cadrages sur son paysage. C’est aussi comprendre que le dedans veut faire rentrer le dehors de la meilleure façon. S’asseoir annonce que la baie qui crée la relation avec l’extérieur a été dessinée spécialement pour celui qui vit dans son logis. Penser devient l’ultime étape où l’homme assiste à l’ouverture de son habitat. Il est immobile, assis devant une baie agencée à sa taille, qu’il l’englobe et qu’il lui offre un paysage. Devant un paysage, on pense, on se retrouve, on touche un ailleurs. Ce mémoire propose de regarder la maison dans sa relation avec son environnement proche. En prenant cet axe de lecture, nous allons nous rendre compte que ce programme d’architecture a une consistance dans le cas où il s’ouvre sur un paysage choisi, c’est l’essence même de la maison. L’abri de l’homme doit le laisser en contact avec ce qui l’entoure. La maison ne doit être qu’un abri, un sol (générateur d’espace) et un toit puis une enveloppe. Une enveloppe qui décide d’offrir des opacités, des transparences créant ainsi des moments, des variations sur un paysage pour celui qui habite.


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