Shenzhen深圳,
construction de l’image de la ville vitrine de la chine.
Le paradoxe d’une ville construite grâce à l’immigration dans son processus de commercialisation urbaine. présenté par Fanny Goberville sous la direction de Jean-Michel Roux
Mémoire professionnel d’urbanisme Master Urbanisme, Habitat et Coopération Internationale Institut d’Urbanisme de Grenoble
Septembre 2013
Notice analytique NOM ET PRÉNOM DE L’AUTEUR:
GOBERVILLE Fanny
Shenzhen, construction de l’image de la ville vitrine de la Chine : le paradoxe d’une ville construite grâce à l’immigration dans son processus de commercialisation urbaine.
TITRE DU MÉMOIRE :
DATE DE SOUTENANCE : 03
septembre 2013
ORGANISME D’AFFILIATION : Institut d’Urbanisme de Grenoble - Université Pierre Mendès France DIRECTEUR DE MÉMOIRE :
ROUX Jean-Michel
COLLATION : - NOMBRE DE PAGES : 85 pages - NOMBRE D’ANNEXES : 0 annexe - NOMBRE DE RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES : 65
références
image de la ville ; identité urbaine ; développement durable ; immigration ; village urbain ; centre commercial ; frontière urbaine
MOTS-CLES :
MOTS-CLES GÉOGRAPHIQUE : Shenzhen
des Perles ; Chine ; Asie
; Delta de la rivière
RÉSUMÉ : Français : Shenzhen fut construite dans un contexte de changement économique et politique d’une Chine en passe de devenir une puissance économique mondiale. La ville de Shenzhen fut la première étape d’ouverture du pays et la première étape de la transformation urbaine chinoise. Après 30 ans, la ville nouvelle a réussi à se dresser sur la scène mondiale en matière de transport maritime, de commerce et de l’industrie (high-tech, textile...) pour offrir l’image d’une ville de la réussite. Cette croissance exponentielle se doit en majeure partie à la politique d’immigration menée à Shenzhen depuis les années 1980, qui se traduit aujourd’hui par une forte population migrante (régularisés ou non). Le projet de fin d’études dresse le portrait de Shenzhen, ville moderne qui base son fondement sur l’un des piliers du développement durable, l’économie, en négligeant l’aspect social et environnemental du concept. L’étude développe comment à travers les représentations spatiales des politiques d’immigration, et la volonté d’embellissement urbain du gouvernement façonne l’image de la ville. Cette analyse s’illustre par l’exemple concret des villages urbains qui contrastent avec les condominiums et centres commerciaux environnants. Ils sont la résultante directe des politiques du gouvernement. English : Shenzhen was built in a context of economic and political change of China and set to become a megacity on the regard of global economic. Shenzhen was the first open city of the country thanks to the Special Economic Zone (SEZ) and the first step towards China’s urban transformation. After 30 years, the new city has managed to stand on the global scene of maritime transport, trade and industry (high tech, textile ...). The city provides an image of success. This exponential growth is helped by immigration policy in Shenzhen since 1980, which has now resulted in a high migrant population (regulated and unregulated). The following work shows Shenzhen through spatial representations of immigration policies and the willingness of urban beautification promulgated by the government. This analysis is illustrated by the concrete example of urban villages which contrast with the surrounding condominiums, shopping malls…
30年前,应对中国经济及政治剧烈改变,深圳在时代的洪流下孕育而生,成为 世界经济体系下的重要大城市。借由深圳经济特区(SEZ)的独特政策,深圳从无人知晓 的偏僻渔村一跃成为中国改革开放的领头兵,同时也揭示了中国城市的转变。 30年后, 这个新兴城市在世界站稳脚步,在海运及产业(高科技、纺织业......等等)方面崭露头 角,成功几乎成为深圳给人的城市印象。这样急速的成长始于1980年的移民政策,其也造 就了现在深圳巨额的 Chinese :
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Remerciements J’adresse ces quelques remerciements : À M. Jean-Michel Roux, directeur de mémoire, pour son aide, l’intérêt qu’il a su porter aux questions que je lui ai posées et pour la confiance qu’il m’a accordée pour mon projet. À M. Emmanuel Matteudi, responsable Urbanisme Habitat et Coopération internationale UHCI, pour son soutien et son implication tout au long de mon parcours en UHCI à l’IUG.
Aux professeurs et aux membres administratifs de l’IUG, pour la patience, la confiance, l’écoute et le soutien dont j’ai bénéficié durant ces trois années d’étude à l’institut. Ils ont su faire de mon passage à l’IUG une expérience enrichissante. Et enfin à ma famille, qui a su me soutenir dans mon parcours universitaire, particulièrement lors de ces derniers mois de rédaction du mémoire, ainsi que pour leur visite à Shenzhen.
À Mme Erell Ragot, tutrice de stage à UPDIS, pour son écoute, son aide lors de mon stage et sa persévérance quant au projet de recherche auquel nous avons participé. Mais surtout pour son formidable accueil en Chine et le partage de sa passion pour ce pays. À M. Mu, maitre de stage à UPDIS, pour sa confiance accordée pendant mon stage à Shenzhen. À mes collègues chez UPDIS, qui ont su me faire partager leur sens du travail et des moments de convivialité, à travers leur culture.
Merci aussi à Timothée Charbonnier, étudiant en master UHCI, avec qui j’ai partagé mon quotidien chinois durant quatre mois de stage.
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Liste des sigles
Les documents graphiques présentés (cartes, photographies, schéma...) sont personnels sauf cas contraire spécifié en dessous de chaque document.
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CBD
Central Business District (centre des affaires)
GSD
Graduate School of Design (entreprise Harvard)
HQB
Huaqiangbei (quartier de Shenzhen)
IDE
Investissement Direct à l’Etranger
OCT
Overseas Chinese Territories (Entreprise)
PIB
Produit Intérieur Brut
PRD
Pearl River Delta (delta de la rivière des perles)
RMB
Renmibi = Yuan (monnaie chinoise)
UHCI
Urbanisme Habitat et Coopération Internationale
UPDIS
Urban Planning and Design Institute of Shenzhen
URSS
Union des républiques socialistes soviétiques
VIC
Village In the City (village urbain)
ZES
Zone Economique Spéciale
Sommaire 8
Introduction
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i/ Shenzhen, l’accomplissement d’une politique d’ouverture et de développement durable ?
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1.1/ la ville chinoise, rappel historique 1.2/ Shenzhen, un archétype de la ville chinoise du XXIe siècle 1.3/ Le développement durable, moteur de création identitaire pour Shenzhen ?
35 II/ L’identité urbaine influence de l’image de Shenzhen ? 36 40 46
2.1/ Shenzhen et la recherche perpétuelle de son image 2.2/ Une image pour la ville générique 2.3/ Shenzhen, l’avènement de l’identité d’une ville nouvelle
51 III/ un avenir pour Shenzhen forgé par l’identité urbaine et une construction durable ? 52 58 71
3.1/ Les frontières urbaines au service du développement durable 3.2/ Opposition et cohabitation de deux modèles urbains : confrontation entre image et identité de la ville 3.3/ Un modèle durable pour l’avenir de Shenzhen ?
78 CONCLUSION 82 bIBLIOGRAPHIE figure 2 : boulevard urbain à Shenzhen
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Introduction . Ce mémoire a pour objectif d’étudier la construction urbaine et identitaire de Shenzhen, ville vitrine de la Chine. L’écriture de ce projet de fin d’études se base sur une expérience de stage à Shenzhen en Chine, dans l’entreprise gouvernementale UPDIS (Urban Planning and Design Institute of Shenzhen). En français, nous pouvons définir l’entreprise comme l’équivalent de l’agence d’urbanisme de Shenzhen. Elle mène des projets d’aménagement, de planification et de design urbain dans la ville, mais aussi ailleurs en Chine. La réputation de la compagnie n’est plus à faire au niveau national. La réflexion, que nous abordons dans le mémoire, émane d’un projet de recherche réalisé lors du stage. Ce projet atteste des frontières urbaines internes à différents quartiers de Shenzhen. Il nous a permis d’aboutir à divers questionnements sur le développement durable à Shenzhen. En parallèle, le séjour à Shenzhen a permis de se rendre compte du pouvoir du gouvernement sur l’image de la ville. Celui-ci façonne notre perception des espaces et se joue de l’identité urbaine. Le lien effectué entre image et identité urbaine avec le développement futur de Shenzhen émane d’une réflexion personnelle. Shenzhen est la représentation de la ville post-maoïste. Mao dans sa politique d’effacement urbain a causé du tort à la ville et a complètement déconnecté le pays du système capitaliste. À la mort de Mao Zedong, Deng Xiaoping a voulu ramener la Chine sur la scène internationale économique. Pour se faire, il fit construire des Zones Economiques Spéciales (ZES) dont Shenzhen est la première expérimentation. La ville a été créée en 1979. Avant cela, il n’y avait que des terres agricoles parsemées de quelques villages de pêcheur. Pour se construire et se développer, le gouvernement a conduit une campagne d’immigration en facilitant l’accession aux droits sociaux pour les habitants agriculteurs.
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Shenzhen se veut donc l’image de la Chine économiquement stable, elle se doit de retranscrire la réussite urbaine. Encore aujourd’hui Shenzhen fait figure de l’eldorado économique chinois, de nombreux paysans y migrent en quête de richesse. Comme New York est la figure du rêve américain, Shenzhen est l’expression de la réussite à la chinoise. Ces migrations sont paradoxales à l’image que la ville de Shenzhen essaye de donner d’elle. Les populations migrantes sont généralement pauvres. Elles vivent dans des « villages urbains » qui contrastent avec les « gated community », les parcs d’attractions et les centres commerciaux qui les entourent. Pourtant, à ce jour, près de 50 % de la population de Shenzhen habite dans ces villages. Ils représentent, au même titre que la façade « propre » de Shenzhen, la figure de la ville. Cette réflexion a permis de poser une première question : La stratégie de fabrication urbaine et identitaire de la ville de Shenzhen, basée exclusivement sur l’économie et le paraitre, est-elle durable dans un contexte d’immigration des populations rurales ? Cette problématique nous d’interrogations :
a
permis
d’établir un
enchainement
— L’identité d’une ville peut-elle se forger en seulement 30 ans ? — Quelles sont les répercutions sociales et spatiale d’une ville qui base son développement sur l’image et le paraitre de ses espaces commerciaux ? — Est-ce qu’une ville se concentrant sur l’aspect économique est viable dans le futur ? — Pouvons-nous parler de développement durable à Shenzhen, ou s’agit-il seulement d’une stratégie de marketing urbain ? — La ville de Shenzhen limite-t-elle sa réflexion sur l’avenir à l’image urbaine ? — L’application de l’image urbaine par le gouvernement a-t-elle une influence sur l’identité de la ville ?
Pour amener notre propos, nous parlerons dans un premier temps de la création de la ville de Shenzhen, en revenant sur les politiques urbaines chinoises durant le siècle dernier. Ce premier exposé nous permettra d’identifier le processus de recherche identitaire de la ville de Shenzhen et ses nombreuses évolutions. Nous reviendrons aussi dans cette première partie, sur le concept de développement durable appliqué aux problématiques urbaines chinoises. Ce concept est une invention européenne, mais puise son fondement dans d’anciens principes chinois comme le Taoïsme. Dans un second temps, nous expliquerons ce qu’est Shenzhen aujourd’hui quelle est l’image principale de cette ville. Pour agrémenter notre propos, nous expliquerons le système de construction urbaine par une entreprise gouvernementale tels qu’UPDIS. Ce second chapitre permettra de se rendre compte de la commercialisation des espaces urbains à Shenzhen. En opposition, nous parlerons également de la construction urbaine par les migrants. Pour montrer que deux modèles de fabrication urbaine s’opposent, nous allons présenter dans un troisième et dernier chapitre un projet de recherche sur les frontières urbaines à Shenzhen. Cette recherche a été l’objet principal du stage de fin d’études. Afin d’étayer notre propos, nous insisterons sur les formes urbaines du centre commercial et du condominium qui s’opposent au modèle urbain chinois le « village urbain ». Cette confrontation entre les formes de la ville appuie les frontières identifiées lors de notre recherche. Notre propos cherche à savoir si les frontières sont une entrave au développement durable ou si au contraire elles permettent de renforcer la proximité, fondement du développement durable. Le projet de fin d’études a pour objectif de dresser le portrait de la Chine moderne à travers l’exemple de Shenzhen. Nous appuyons la différence entre les réflexions urbaines développées en Chine et celles menées aujourd’hui en Europe. Par le présent document, nous ne voulons pas défendre un parti, même si nos convictions urbaines nous
poussent à nous tourner vers nos acquis. La ville que l’on connaît nous réconforte, elle raconte une histoire, qui certes a été parsemée d’erreur en matière d’urbanisme, social, mais qui fait aujourd’hui son charme et a permis les réflexions sur son avenir. Les villes chinoises, telles que Shenzhen, sont jeunes et entament leur histoire dans le contexte actuel de mondialisation. Les réflexions face aux développements durables sont donc éloignées de notre vision européenne. Nous ne cherchons donc pas à blâmer le développement chinois actuel. La réflexion, ici présente, a la vocation d’interpréter les raisons d’une telle évolution et d’appréhender les interrogations du gouvernement et de la population chinoise face à son avenir. Le document suivant sera volontairement illustré. Nous exposerons des photos, cartes et schémas afin de montrer les représentations de la ville. Notre sujet est l’Image de la ville de Shenzhen, il parait donc essentiel de dévoiler le visage de Shenzhen. Par ailleurs, chaque Image a été sélectionnée pour montrer une facette de la cité. Comme le gouvernement peut façonner l’Image de la ville en divulguant un de ces visages, nous exposons notre propre regard sur Shenzhen.
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CHAPITRE I/
SHENZHEN 深圳 , l’accomplissement d’une politique d’ouverture et de DÉVE L OPPEMENT DURABLE ?
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Dans un premier temps, il parait nécessaire de revenir sur la formation de la ville en Chine. Ce pays, que nous connaissons comme une figure de développement, connait un boom économique depuis les 30 dernières années. Aujourd’hui, nous pouvons parler de la Chine comme le pays ou communisme et capitaliste se rencontrent. Bien que l’on assimile, tout de même, ce pays à Mao Zedong et le communisme, la Chine nous renvoie l’idée d’une puissance économique forte profitant d’une main-d’œuvre peu cher et des investissements directs à l’étranger. Pour comprendre la transition qu’a opérée la Chine, il est important de revenir sur des éléments clefs qui ont mené aux politiques urbaines actuelles et qui font ce qu’est la chine d’aujourd’hui. L’exposé suivant passe en revue la période maoïste qui a défini un certain nombre de règles et vérités toujours encrées dans la conception urbaine chinoise aujourd’hui. La période post-maoïste est décrite dans la littérature anglo-saxonne comme une période de transition pour le pays. Cette période est marquée avant toute chose par la domination de Deng Xiaoping qui a entrainé de grandes réformes, sur la gestion du foncier notamment. Ce personnage est aussi important dans notre exposé, car il est à l’origine de la création des Zones Economiques Spéciales (ZES) dont Shenzhen fut la pionnière. Dans cette première partie, nous ne présenterons pas la création de la ville impériale chinoise. Les points présentés nous semblent être les plus judicieux pour notre exposé. Pour compléter notre propos, nous présenterons la ville de Shenzhen, sujet principale du mémoire, en dressant un portrait géographique, socioéconomique de la ville symbolisant l’ouverture de la Chine au marché étranger. La création de la ZES est essentiellement liée à sa situation dans le delta de la rivière des perles que nous allons présenter. Afin de clôturer ce premier chapitre, nous exposerons les principes du développement durable en Chine et les réponses de la ville de Shenzhen par rapport à cette problématique mondialisée.
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1.1/ LA VILLE CHINOISE : RAPPELS HISTORIQUES
Pékin
Shanghai Chongqing
Shenzhen Figure 3 : La chine
La chine est, avant tout, un pays ancien marqué d’une culture forte. De nos jours, nous avons une méconnaissance de cette culture, ou alors une certaine confusion entre les différents pays asiatiques et leur culture propre. L’histoire urbaine chinoise est marquée de différents évènements décisifs qui amènent à comprendre pourquoi la ville est aujourd’hui comme elle est. Sans revenir sur le passé historique de la Chine impériale et la formation urbaine, nous pouvons juste certifier que par essence la ville chinoise est la ville fractale. La culture chinoise part du principe que clôturer la ville
permet le contrôle des populations à l’intérieur, plus qu’une protection envers l’extérieur. Le Schéma de la ville historique chinoise suit un schéma en damier. Chaque partie du damier est alors considérée comme une entité à part entière déconnectée des autres. Elles fonctionnent comme des ilots, pour le meilleur contrôle des populations, à l’intérieur de la clôture. Cette barrière est alors une façon de surveiller la population comme on surveille aussi l’extérieur en cas d’attaque étrangère. Cette surveillance réciproque au sein de chaque ilot était vue comme une solidarité entre les habitants. La vigilance permet le maintien de la sécurité dans la cité.
Il est important de noter que la Chine puise ses fondements sur le confucianisme et le taoïsme qui prônent des valeurs liées à l’équilibre. Encore aujourd’hui, c’est dans les fondements de ces mouvements de penser que proviennent les idées urbaines chinoises. Bien que l’influence occidentale ait bouleversé quelque peu le schéma traditionnel, le concept de ville harmonieuse est toujours d’actualité. L’équilibre entre les différents éléments urbains, la population, la nature… est donc une conception chinoise. Encore aujourd’hui, le feng shui, qui signifie équilibre, instaure une harmonie dans la construction des villes.
Nous pouvons remarquer que les villes historiques présentent un schéma géométrique comme l’exemple de Xi’an repris mainte fois en comparaison avec Paris à la même époque :
1.1.1/ Les prémisses de la planification urbaine chinoise Les transformations urbaines ont peu évolué jusqu’à l’après-guerre mondiale, c’est pourquoi il ne semble pas nécessaire de s’attarder sur cette période. En 1949, le parti communiste prit le pouvoir en Chine avec Mao Zedong à la tête du parti. L’époque maoïste engendra un bouleversement pour la ville et pour le peuple chinois. Les gouvernements futurs ont eux-mêmes eu un rôle dans la création urbaine chinoise, nous allons donc revenir sur quelques moments clefs des politiques du dernier siècle en Chine afin de comprendre l’évolution urbaine chinoise. Nous ne retenons ici que les réformes associées au processus de planification urbaine et dates clefs ayant une influence sur l’évolution économique et sociale de la chine.
Paris
Xi’an Figure 4 : Plan de Xi’an et de paris du XIIe siècle à la même échelle, source : Michael Gallagher UPDIS
La République populaire de Chine fut créée en 1949. Depuis sa création, le parti unique est à l’origine des décisions urbaines en Chine. La planification établie dans le pays est donc régie par le gouvernement communiste. Le premier schéma directeur était édifié sous Mao Zedong. Ce schéma directeur établit entre 53 et 57 impose un futur développement à la Chine, jusqu’alors très rural, afin de créer des « noyaux urbains ». La planification
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économique se base sur le modèle socialiste russe. Il ne s’agit pas de développer la ville aux dépens des campagnes, car le gouvernement socialiste prône un équilibre entre les populations et entre les territoires. Cette planification imposa la création d’unité de travail appelé les Danwei. Afin de créer une industrialisation et permettre à la Chine de se mettre en avant mondialement. Création des Danwei s’est constituée progressivement au cours des années 1950-1960. Il s’agit d’unité de travail où les usines et les logements des ouvriers étaient concentrés au même endroit. Le Danwei reprend le schéma d’un espace de vie et de travail centralisé, peu de place pour les loisirs et la vie de famille. On parle alors de développement monocentrique qui entraine une augmentation du taux d’urbanisation Le Danwei devient alors le modèle de base de l’organisation urbaine. Il répond à un projet de cohésion sociale et de vie communautaire. Il est aussi l’élément de base de la vie économique et sociale dans la Chine urbaine. L’état a un contrôle des populations au sein des unités de travail. Il contrôle ainsi l’habitat, l’éducation, la santé… Ces unités reprennent donc le principe de la ville fractale développé il y a des siècles en Chine. La petite échelle des Danwei permet une surveillance réciproque de ses habitants. Le principe de la proximité est aussi mis en avant avec ce schéma de développement urbain. Malgré les volontés d’égalité entre les territoires, cette première phase de développement entraine un déséquilibre, économiquement parlant, entre ville et campagne. C’est pour cela que s’en suis entre 1958 et 1976 une phase de redéveloppement des campagnes. L’accent du développement est donc mis sur la Chine rurale au détriment de la ville. De nombreux ouvriers doivent alors revêtir leur habit de paysans et cultiver la terre. Cette période d’industrialisation et de renversement économique fut appelée « le Grand bond en avant ». Il s’agissait alors de rattraper le retard économique de la Chine relativement au développement mondial, mais surtout face au géant de l’URSS, modèle de développement pour les Chinois. Cette période fut dévastatrice pour la Chine urbaine.
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1.1.2/ La révolution culturelle et le carnet de résidence Un des principes de la politique de Mao Zedong était aussi de supprimer toute élite qu’elle soit intellectuelle ou financière. C’est alors que débute la « révolution culturelle ». Il s’agissait de redonner de l’importance au peuple, nerf de l’économie chinoise, afin de développer une main d’œuvre partisane soudée. Cette époque est décisive dans l’explication de la chine d’aujourd’hui et le processus d’uniformisation urbaine. L’exécution massive d’intellectuels et artistes a entrainé la perte de la créativité chinoise. Cet élan de violence a poussé la population à vouloir se conformer aux codes sociaux et ne plus penser par elle-même. Cette lutte contre l’expression artistique pour protéger le parti persiste toujours. Il est renforcé par les pouvoirs politiques succédant à Mao Zedong. Le parti communiste est l’ennemie de toute créativité et expression artistique. Encore aujourd’hui nous pouvons ressentir les répercussions de cette révolution. Le peuple chinois était détenteur d’un savoir-faire bien ancré et de techniques artistiques exceptionnelles. Les Chinois sont toujours très doués de leur main, mais peu d’entre eux laissent exprimer leur art. La population très manuelle a été incapable d’exprimer son opinion par l’art, qui était jusqu’alors un fort moyen d’expression pour les artistes. La révolution culturelle impliqua la destruction d’un peuple et de sa culture. Bien qu’aujourd’hui certains artistes commencent à s’émanciper du gouvernement et se sentent plus libres de pratiquer leur art, ils sont encore peu nombreux. Cette destruction culturelle fut décisive dans le processus de construction urbaine chinoise. En parallèle, de la nécessité de construire la ville rapidement, et par un souci économique, la ville créative a eu du mal à
émerger. C’est lors de la révolution culturelle que le Hukou (le carnet de résidence) a été créé. Il impose un statut à chaque citoyen. Un habitant est alors considéré comme résident rural ou résident citadin selon son lieu de vie. Afin de déterminer le statut des habitants, il est nécessaire de définir les différentes entités rurales et urbaines. Avant toute chose, la population était divisée en deux catégories : les agriculteurs et les non-agriculteurs. Ces statuts étaient importants pour les droits des habitants, car une personne non-agriculteurs profite d’une couverture sociale et reçoit de la nourriture, un logement, une retraite… L’exploitation de la terre confère une richesse que les personnes habitant en ville, et par nature non-agriculteur, ne peuvent bénéficier. Ils sont donc dédommagés par le parti. Le système du Hukou sépare donc la population rurale de la population urbaine afin de contrôler les migrations urbaines/rurales et contrôler l’urbanisation. Il existe aussi une hiérarchie entre les différentes tailles de villes. Un habitant d’une petite ville ne peut pas migrer facilement dans une ville de plus grande taille. D’après la définition de 1963, est considérée comme une ville de petite taille (town en anglais), un territoire regroupant plus de 3000 habitants, dont 70 % de sa population était non agriculteur. En dessous de ce seuil, le territoire est dit rural. On parle de ville (city) à partir de 100 000 habitants avec moins de 20 % de population agriculteur. Les très grandes villes comme Pékin, la capitale, ou Shanghai sont conférées d’un statut spécial pour empêcher les migrations vers ces villes plus prisées. Ces normes permettent alors d’établir un schéma simple de planification en Chine. On atteste du pouvoir central de l’état qui dirige chaque niveau de planification.
villes
régions
petites villes Figure 5 : Système administratif de la chine urbaine et non urbaine, Source : Chan new form of urbanisation beyond the urban rural dichotomy, Tony Champion and Hugo Graeme
Le pouvoir est centralisé, il contrôle chaque échelon de l’administration chinoise. Une certaine confusion persiste entre le pouvoir des villes et des régions qui sont placées au même niveau administratif. La planification des rues, des districts et des petites villes est donc contrôlée par les deux niveaux, dans la plupart des cas. Le Hukou est toujours utilisé, voilà pourquoi il est difficile de mesurer le nombre réel d’habitants en ville. Plusieurs de citoyens ne sont pas considérés comme résidents sur un territoire et ne sont pas régularisés. Ces migrants sont le plus souvent illégaux, d’où la difficulté de calculer leur nombre.
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1.1.3/ Deng Xiaoping, ouverture du marché et développement urbain À la mort de Mao en 1976, Deng Xiaoping prend pleinement le pouvoir. Il avait été à la tête du parti auparavant, mais certains rebondissements lui avaient fait perdre son titre. Sa nouvelle prise de pouvoir donne de nouvelles perspectives d’avenir pour la République populaire de Chine. Deng Xiaoping prit conscience que le parti communiste ne pourrait survivre très longtemps, si le confort de la population n’augmentait pas. Il décide donc d’ouvrir la Chine vers l’extérieur pour attirer des investissements étrangers et pour redévelopper l’économie du pays. La stratégie du gouvernement était de mettre à nouveau l’accent sur la ville, avenir du pays. Le mot d’ordre était pragmatisme plutôt qu’idéologie. En prenant la tête du pouvoir, Deng Xiaoping, lors du 3e plénum du 11e Congrès en 1977, met fin à la Révolution culturelle et lance la politique d’ouverture et de libéralisation. Le slogan mis en avant est « un peuple riche pour un pays fort ». Le gouvernement encourage les profits individuels. Cette idée reste communiste, car si toute la population s’enrichit, le niveau de vie pourra augmenter pour tous. Deng affirme que tout le monde doit être riche, le socialisme n’est pas synonyme de pauvreté. La période qui suivit ce virement de politique engendra la révolution industrielle en Chine en 1979. La politique d’ouverture et de libéralisation de Deng Xiaoping se symbolise par la création de zones économiques spéciales (ZES) dont Shenzhen fut la première représentation. La création de 3 autres ZES suivit l’exemple de Shenzhen : Zhuhai et Shantou qui se situent aussi dans le Guangdong et Xiamen dans la province du Fujian. Stratégiquement, les ZES se trouvent à proximité de Hong Kong, Macao ou Taiwan et sur la côte pour les échanges maritimes.
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Les zones économiques spéciales présentent des avantages pour les entreprises étrangères et chinoises, comme la défiscalisation sur une longue période… Les ZES proposent, surtout aux entreprises étrangères, des conditions préférentielles comme les droits de douane, un libre rapatriement des investissements et des bénéfices ainsi qu’un statut d’extra-territorialité pour les cadres qui viennent travailler. Ces avantages fiscaux et fonciers ont, effectivement, attiré les investisseurs étrangers. La seule condition était que la Chine puisse y voir un transfert de technologie indispensable à son développement. En 1991, les ZES représentaient 20 % du commerce extérieur de la Chine. La création de ZES induit d’importants changements pour le droit chinois. Le statut du Hukou, par exemple, s’est peu à peu déplacé. Le gouvernement était moins regardant sur les déplacements de population afin de ramener de la main-d’œuvre en ville. De plus, dans les zones économiques spéciales, il est plus facile d’obtenir un droit de résidence. C’est-à-dire un Hukou urbain de la ville en question. Afin de mettre en œuvre l’ouverture du marché et permettre aux entreprises de s’implanter, une période réformiste a été engendrée. En 1978, le gouvernement réforma l’économie de marché socialiste pour créer une économie d’ouverture du marché. Cette réforme avait permis la création des ZES. Une autre réforme est intéressante dans notre analyse de la ville chinoise. Il s’agit de la réforme foncière qui a entrainé une reconversion du secteur de l’immobilier résidentiel à l’économie de marché (1980). L’état n’a alors plus la mainmise absolue sur la terre. Cette refonte engageait la formation d’agents immobiliers nationaux. En 1992, une seconde réforme foncière entreprit l’élargissement du marché immobilier à l’ensemble du parc résidentiel, selon l’idée que le logement doit être un bien sur un marché libre, régi par les lois de l’offre et de la
demande. L’état délègue alors le droit de propriété sous forme de baux emphytéotiques de 70 ans. Il s’agit alors de l’ouverture d’un marché immobilier florissant. L’adoption de la réforme économique et d’ouverture du marché, à la fin des années 1970, a changé fondamentalement le processus d’urbanisation qui était autrefois simple et applicable sur tout le territoire chinois. La politique d’ouverture ne s’est pas limitée à la création de ZES, mais a aussi favorisé le développement urbain au sud du pays et à l’Est. La stratégie était avant toute chose de développer le littoral pour favoriser les échanges, puis favoriser le développement des provinces « intérieurs ». Des villes nouvelles sont alors créées, les autres s’élargissent, si bien que l’on parle d’étalement urbain à partir des années 1990. Le foncier appartient à l’état qui favorise l’implantation d’entreprise en louant l’exploitation du foncier à moindre cout aux promoteurs. Cet étalement urbain est donc très rapide. Cette période engendre une pénurie alimentaire due à l’amoindrissement des investissements pour les zones rurales et pour l’agriculture. Ce paradoxe fut le moment décisif poussant la politique à se concentrer aussi sur les régions ouest. Il faudra tout de même attendre la période 20002005 pour parler, à proprement dit, de développement du grand ouest. Ce développement était polycentrique et multi-usage pour une meilleure protection de l’environnement, sujet de la politique actuelle. La politique d’ouverture revoit l’utilisation du Hukou. En 1984, l’état autorise aux populations rurales de s’installer en ville. Le document était toujours valable, mais le gouvernement donna la possibilité aux ruraux d’obtenir des permis de résidence temporaire dans des villes ciblées, comme les ZES ou les villes littorales, selon la stratégie mise en place. Cette réforme donnait la possibilité aux agriculteurs de s’installer en ville pour s’enrichir. Le système temporaire prévoyait un retour des populations dans leur région d’origine. Seules les villes de grandes ampleurs (préfectures de
région ou villes administratives) n’étaient pas ouvertes à l’immigration. Il est donc bien plus difficile d’obtenir un permis de résidence temporaire à Pékin, Shanghai ou Chongqing, par exemple. Le mur invisible entre les zones rurales et urbaines, disparu peu à peu. Effectivement, cette politique favorisa la création de villes nouvelles et un fort étalement urbain. Elle dota le pays d’une population flottante importante. Cette politique a aussi une influence directe sur le secteur de l’agriculture. Celui-ci employait 69 % de la population en 1979 pour n’en employer que 38 % en 2009. D’après la classification urbaine, on pouvait dénombrer 132 villes en 1949 contre 667 en 2000 comme le montre le tableau ci-dessous. Années Villes (cities) petites villes (town)
1949
1956
1978
2000
3672
193 2173
667 20 312
132
Figure 6: tableau de l’évolution urbaine, Source : Dai, new form of urbanisation beyond the urban rural dichotomy, Tony Champion and Hugo Graeme
En 30 ans, la Chine a connu un boom économique. Cette période est comparable aux trente glorieuses en Europe. Bien que cette période soit ponctuée d’une crise politique qui persiste toujours, elle fut décisive pour comprendre la Chine actuelle. Sur la lancée de la politique des réformes de Deng, le peuple s’enrichit. Un fossé existe alors entre les plus riches et les plus pauvres comme nous l’observons dans les pays occidentaux. Le gouvernement chinois voit se succéder à la tête du parti divers dirigeants, mais restera sur la lignée communiste des années Deng.
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1.2/ SHENZHEN 深圳 Shenzhen, un archétype de la ville chinoise du XXIe siècle ? La zone économique spéciale nait en 1979, d’après la politique d’ouverture de Deng Xiaoping. Shenzhen fut la première ZES, le territoire test de la libéralisation des marchés en Chine. On expose la ville comme « une zone d’expérimentation des réformes pour la Chine selon le principe “un pays, deux systèmes”1. » Le message promulgué par la création de Shenzhen est que la Chine est capable, elle aussi, de construire sur son propre territoire les symboles occidentaux.
dans un but économique avec Canton comme centre administratif et Hong Kong en tant que centre des affaires. La conurbanisation accueillait 12 millions d’habitants en 1994 pour atteindre près de 50 millions d’habitants en 2010. Le delta est urbanisé à hauteur de 80 %. Il s’organise en corridor d’infrastructure sur lequel se greffe chaque ville. Shenzhen profite de sa position privilégiée à l’embouchure de la rivière des perles et de sa proximité immédiate avec Hong Kong. C’est le positionnement géographique de la ville qui a permis à Shenzhen de se développer si rapidement.
Delta de la rivière des perles Avant la création de la ZES, Shenzhen était un village de pêcheur, d’une population de 300 000 habitants. La ville se retrouve alors entre Hong Kong et le territoire de Chine. Elle fait figure d’un espace de liberté contrôlée grâce aux checkpoints qui se trouvent au Nord et au Sud, l’océan faisant office de frontière à l’Est et à l’Ouest. Sa position stratégique à l’embouchure du delta de la rivière des perles place Shenzhen dans l’axe privilégié entre Hong Kong et Canton (Guangzhou) lui confère le statut de première zone économique spéciale en 1979.
Guangzhou (Canton)
Shenzhen
1.2.1/ Le delta de la rivière des perles et Shenzhen Zuhai Le delta de la rivière des perles est une des régions les plus développées de Chine. Son PIB s’élevait à 22,12 milliards de dollars en 2005. Elle fait partie d’une des 3 régions les plus denses du pays. Elle se constitue en un schéma triangulaire entre Hong Kong, Canton et Macao, sur un territoire de 11 300 kilomètres². Il s’agit d’un réseau de villes, associées 1
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Nicolas Monnot « Pearl river Delta, la grandeur Nature »
Hong Kong
Macao échelle : 1/1/1 690 000 000 Figure 7 : Le delta de la rivière des perles, emplacement de Shenzhen
Le delta de la rivière des perles en image Guangzhou
Dongguan
Foshan
Shenzhen
Hong Kong
Zhongshan Zhuhai Macau
Figure 8 : réseau longiligne du delta de la rivière des perles, source : Harvard GSD , HQB
figure 9 : réseau d’infrastructure du delta de la rivière des perles, source : David Mangin, la ville franchisée
Figure 10 : secteur d’activité du delta de la rivière des perles, source : Harvard GSD, HQB
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Échelle : 1/375 555 555
Guangming 光明新区 Longgang 龙岗区
Longhua 龙华新区 Bao’an 宝安区
Pingshan 坪山新区
Shenzhen Nanshan 南山区
Luohu 罗湖区
Yantian 盐田区
Dapeng 大鹏新区
Zone Economique Spéciale Futian 福田区
Hong Kong
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Figure 11 : Shenzhen, Zone économique spéciale
La zone économique spéciale se limitait à ce que représentent aujourd’hui les 4 districts principaux de la ville de Shenzhen : Luohu, Futian, Nanshan et Yantian. C’était un espace de 392 km² favorisant l’implantation d’entreprise. En juillet 2010, la zone économique a été élargie à l’intégralité du territoire de Shenzhen, abolissant les frontières précédemment établies. La population a atteint les 14.46 millions en 2010 2. Les chiffres officiels recensent 2.46 millions de résidents et 12 millions de migrants soit 82 % de la population totale de Shenzhen. Parmi ces migrants 7,5 millions sont régularisés et possèdent un permis de travail. Les autres sont des travailleurs dits « clandestins ».
1979 Nombre d’habitants 300 000 Salaire annuel moyen à augmenter de 7.3 % chaque année depuis 1979 % de l’économie consa- 65 % crée à l’agriculture recette municipale 17 millions de RMB
La Chine est devenue le premier exportateur mondial en 2009, devant les États-Unis. (1 428,5 milliards de dollars US en 2008)3. Par ailleurs, Shenzhen est le 2e port exportateur de Chine et le 4e mondial après Singapour, Shanghai et Hong Kong. Si l’on considère l’alliance économique entre Hong Kong et Shenzhen, les deux villes représentent, à elles deux, le premier port d’exportation mondiale.
2008 9 000 000 (chiffres officiels) 46 700 RMB 01 % 105 Milliards de RMB
Figure 12 : quelques chiffres sur Shenzhen, source : Michael Gallagher UPDIS
La ville de Shenzhen se positionne sur la scène mondiale de l’électronique, du High Tech, mais aussi l’industrie pharmaceutique et textile. Aujourd’hui, le secteur tertiaire se développe aussi de plus en plus notamment dans le secteur de la communication. Il représente 42 % du PIB, ce qui représente un poids faible en Chine. Cette urbanisation rapide recrute dans le secteur du bâtiment, mais aussi des architectes, urbanistes, ingénieurs. Ces métiers se sont donc très vite développés à Shenzhen. 2
Department of Urban Social and Economic Survey, 2010
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André Chieng et Jean-Paul Betbèze, Les 100 mots de la Chine, 2010, p. 71
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La construction de Shenzhen en image
Figure 13 et 14 : Le district de Luohu avant 1979 : les modes de vie étaient encore très ruraux. source : UPDIS
Figure 16 : L’urbanisation des environs de Shennan Lu dans les années 1980, source : UPDIS
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Figure 17 : L’urbanisation des années 1990, source : UPDIS
Figure 15 : L’avenue principale de Shenzhen : Shennan Lu en 1979, source : UPDIS
Figure 18 : Shengbu Lu, limite entre Luohu et Futian début années 2000, source : UPDIS
1.2.2/ La planification à Shenzhen : Un urbanisme de cluster L’exemple de Shenzhen permet de comprendre comment une politique de libéralisation du marché s’applique spatialement. La planification résulte donc d’initiative intuitive et directe commandée par le gouvernement de l’époque. Il fallait conjuguer la reconversion des espaces ruraux habités par les villageois et définir les fonctions des espaces fonciers. Il existe plusieurs niveaux de planification. Dans un premier temps, le gouvernement met en place une stratégie de développement urbain, issu du plan d’action régional. Shenzhen doit aussi suivre les directions mises en place par le delta de la rivière des perles. À partir de ces premiers objectifs sont élaborés les plans globaux de la ville. Nous allons expliquer ci-dessous les différents plans mis en place depuis la création de la ville. Après ces «masters plans» édifiés, on élabore des plans plus détaillés pour chaque district puis pour chaque quartier, pour enfin définir un plan détaillé de chaque parcelle. Il existe donc 3 échelles de planification. Chacun des plans se confère au guide et aux standards d’aménagement urbain mis en place par le gouvernement de Shenzhen. Ils doivent aussi suivre les règles de design urbain rédigées par la municipalité. Pour approuver les plans, un groupe de 29 membres, dont 14 membres du parti, est constitué par la municipalité. Les plans généraux, comme le master plan régional et le master plan urbain, sont soumis au conseil municipal et au Conseil national. Le premier master plan de Shenzhen fut élaboré en 1982. Les objectifs étaient de répartir l’occupation du sol aux entreprises avec un développement privilégié d’est en ouest. Le master plan prévoit la création de pôles financiers sans avoir pour autant la vocation de créer une mégalopole. Ce premier document de planification se concentre exclusivement sur la ZES. On observe sur le master plan la création de 3 clusters (Nantou Cluster, Luohu-Shangbu Cluster and Shatoujiao Cluster)
tous les trois connectés par la route principale de Shenzhen : Shennan Lu qui s’étend d’est en ouest. Le district de Luohu-Shangbu devait être développé en priorité. Ce district fut le premier CBD (Central Business District) de la ZES. Il fut choisi stratégiquement par sa proximité immédiate avec Hong Kong et son caractère central pour Shenzhen. La création d’un checkpoint entre Hong Kong et Shenzhen a favorisé l’implantation de la gare de Luohu.
Shennan Lu
Gare de Luohu
Figure 19 : master plan 1982, source : The Plan-led Urban Form: A Case Study of Shenzhen
Dans la stratégie de planification de Shenzhen, le réseau routier est pensé en amont au projet. Ce mode de fonctionnement est commun aux différents territoires chinois qui planifient l’aménagement du territoire à partir du réseau routier régional. Ici, l’édification du réseau permet alors d’établir un support de planification pour les futurs plans de la ZES. Le Master plan de 1986 commence à penser le développement durable à travers le développement industriel. Cela veut dire que stratégiquement, aucune entreprise polluante ne peut s’implanter à Shenzhen. De plus, 16 zones de différentes tailles ont été édifiées afin de
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créer des clusters industriels. Contrairement au premier plan, les standards de développement sont plus exigeants. La stratégie est de développer, dans les districts principaux, de hauts standards de planification : création d’un environnement de qualité par la création de parcs. En parallèle, le plan répond à la problématique du logement engendré par les fortes migrations. Il établit 179 zones résidentielles couvrant au total 3042 hectares. Le plan élargit son action à 2 nouveaux clusters : Futian et Huaqiaocheng. Le nouveau cluster de Futian sera alors le « nouveau centre » avec les fonctions administratives et commerciales, mais aussi industrielles.
En 1996, le nouveau master plan, à vision 2010, renforce cette distinction entre espaces urbains et espaces naturels à protéger. Il prévoit donc trois axes à renforcer pour préserver les espaces naturels, mais connecter le centre de Shenzhen avec les villes limitrophes. La municipalité parle alors de hiérarchiser les espaces de développement. Il entreprenait aussi la réhabilitation des secteurs historiques afin de répondre aux nouveaux objectifs, à savoir renforcer un axe économique majeur dans les districts initiaux de la ZES pour renforcer le noyau dur de la ville. Ce renouvellement était à hauteur de 33 milliards de RMB (environ 4 milliards d’euros).
Figure 20 : master plan 1986, source : The Plan-led Urban Form: A Case Study of Shenzhen
Le master plan de 1990 prévoit un élargissement de la ville et de la zone économique spéciale. Ce nouveau document doit suivre le plan de régulation provincial pour le développement et la gestion des terres établie en 1987. Il prévoit donc une préservation des espaces verts afin de conserver une biodiversité et permettre à Shenzhen de développer l’image d’une ville verte et agréable à vivre. Cette image permet d’attirer des investisseurs, mais aussi une main-d’œuvre de plus en plus qualifiée. Le nouveau plan pense aussi un meilleur développement des secteurs ouest, désavantagés par leur éloignement du centre. Il faut donc les connecter et maintenir un développement industriel.
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Figure 21: master plan 1996-2010, source : The Plan-led Urban Form A Case Study of Shenzhen
Aujourd’hui, la planification est régie par le plan à vision 2020. Le plan a été établi en 2010 et approuvé par le ministère de la Construction (appelé maintenant le ministère du Logement et du Développement urbain/ rural). Il reprend les objectifs de 1996 à savoir limiter l’étalement urbain et renforcer les districts principaux. Le plan établit 3 niveaux de planification : municipal, district et cluster. De plus, c’est en 2010 que les frontières de
la ZES ont été abolies pour généraliser le statut de ZES à l’ensemble de Shenzhen et pour faciliter la planification.
Figure 22 : master plan 2010-2020, source : The Plan-led Urban Form A Case Study of Shenzhen
La planification traduit une politique de « toujours plus ». Plus de profits donc plus d’espaces terrestres consommés. Plus d’habitants donc plus de logements… mais aujourd’hui, les espaces consommés arrivent à saturation. Il faut donc revoir l’utilisation du foncier disponible afin de ne plus permettre d’étalement urbain. C’est d’ailleurs pourquoi, depuis le plan de 1996-2010 qui stoppait l’étalement urbain, la valeur du foncier a considérablement augmenté. Aujourd’hui, Shenzhen est devenue l’une des villes les plus chères de Chine. La réussite du plan fut la consolidation des clusters, qui aujourd’hui sont encore très indépendants, mais aussi bien reliés grâce au réseau routier. Ils ont permis de contrôler l’étalement urbain de Shenzhen, mais aussi développer des centres urbains forts de part et d’autre de la ville.
En parallèle, indépendamment de la planification urbaine se sont construits ce que l’on appelle des villages urbains ou village dans la ville (VIC : Village In the City ou 城中村, chengzhongcun). Des espaces résidentiels autogérés par d’anciens fermiers, qui héritèrent de l’usage de la terre par le gouvernement. Le gouvernement céda l’usage de la terre aux villageois pour leur permettre d’y construire un logement, les privant de leur gagne-pain : les terres agricoles. Nous reviendrons sur le statut des chengzhongcun au cours de l’exposé afin de comprendre leur gestion et leurs acteurs. Ici, il s’agit seulement de se rendre compte que ces VIC parsèment la ville et posent certains soucis au vu de la planification urbaine. Étant autogérer, il est impossible de renouveler ces espaces ou de les intégrer au plan global de la ville de Shenzhen. Les chengzhongcun du centre-ville posent les plus sérieux problèmes dans la stratégie de la ville, car ils représentent une coupure dans le paysage urbain. On peut dire que la ville s’est déjà renouvelée 3 fois, en modifiant chaque fois son centre urbain d’est en ouest. L’évolution de la planification urbaine à Shenzhen nous montre la vision libérale qu’a adoptée le gouvernement depuis la politique d’ouverture. La structure urbaine fut pensée de façon à permettre les échanges extérieurs, mais aussi internes afin de favoriser les déplacements domicile-travail, domicile-loisir. Car de nombreux espaces de consommation et de loisirs ont vu le jour à Shenzhen. Ils ont été créés pour attirer des populations, mais aussi parce que la vision urbaine a évolué durant les 30 dernières années. L’habitant est maintenant vu comme un consommateur participant au système économique de la ville. 1.2.3/ Évolution effective de Shenzhen Afin de mieux comprendre les représentations spatiales de l’évolution de Shenzhen, nous pouvons observer le Schéma ci-contre.
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Master plan global de Shenzhen (2010-2020)
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Figure 23 : master plan détaillé de 2010 — 2020 de Shenzhen, source : UPDIS
Il expose l’évolution du bâti depuis la création de la ZES. Les volontés de limiter l’étalement urbain obligèrent les promoteurs à construire des bâtiments de plus en plus hauts et conséquents. Le rythme de la croissance démographique urbaine est tel, que depuis 2009, il est interdit de construire des logements individuels à Shenzhen. L’accès à la classe moyenne ne se traduit donc pas en chine par l’accession d’une maison individuelle, mais par l’accession d’un bien immobilier dans les immeubles de meilleur standing. Plus l’immeuble est haut, plus il a de la valeur. Les condominiums, selon le modèle des « gated communities » américaines, représentent un idéal. Les quartiers les plus prisés restent dans les districts principaux : Luohu, Futian et Nanshan.
Ce document présente l’évolution du quartier électronique de Huaqiangbei 华强北. Ce quartier est à la jonction du district de Luohu et Futian. Il peut servir d’exemple pour l’évolution de la ligne d’horizon de Shenzhen ZES. L’évolution urbaine de Shenzhen résulte d’une volonté gouvernementale de « grand projet asiatique » comme le nomme David Mangin. La ville fut construite sur un système d’échange d’information et de marchandise. Shenzhen est un port, mais présente aussi, en son sein, des infrastructures importantes telles que des boulevards urbains à 8 voies. Le réseau routier permet une circulation de la main d’œuvre, des marchandises. C’est aussi pourquoi Shenzhen présente un schéma linéaire. On parle de la ville comme un corridor d’urbanisation. Les zones résidentielles aisées et les centres d’affaires sont aussi le résultat de ces grands projets asiatiques. Ils ont été construits selon un urbanisme et une architecture post-moderne. La construction des centres-villes a été faite avec l’avènement de l’automobile en chine. On trouve donc à Shenzhen de larges avenues, et de longues distances entre chaque cluster. Cela a aussi eu une influence sur la morphologie urbaine. Des espaces clos comme s’en développent dans les périphéries ailleurs en Chine. Construction de grands complexes, hauts bâtiments… Il s’agit généralement de larges blocs où le bâtiment se trouve en retrait de la rue.
Figure 24 : source : Harvard GSD – Shenzhen, designing the non-stop transformation city by Joan Busquets
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Shenzhen
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Figure 25 : clusters résidentiels, source : Harvard GSD, HQB
Figure 28 : distribution des secteurs industriels, source : Harvard GSD, HQB
Figure 26 : distribution des villages urbains sur le territoire, source : Harvard GSD, HQB
Figure 29 : distribution des terrains agricoles, source : Harvard GSD, HQB
Figure 27 : clusters commerciaux principaux, source : Harvard GSD, HQB
Figure 30 : densité urbaine, source : Harvard GSD, HQB
entre les différentes échelles qui s’entremêlent afin de permettre à la ville de fonctionner. Au regard de la ville d’aujourd’hui, on remarque un souci de la densité urbain, parfois les bâtiments sont beaucoup trop éloignés, certains quartiers sont impraticables à pied… voilà pourquoi un renouvellement urbain a été entrepris pour rétablir certaines « erreurs » du passé. Le gouvernement à la volonté d’augmenter la densité pour rentabiliser chaque espace disponible dans les centres d’affaires et les districts principaux et permettre d’intégrer les principes du développement durable dans sa planification.
Figure 31: Les formes urbaines chinoises, source : David Mangin
L’aménagement urbain est aujourd’hui un outil de médiation pour la recherche entre politique et pratique. Shenzhen fut un projet de modernisation de la chine, pour se placer sur la scène mondiale face à la mondialisation des marchés. La création de la ville s’explique par la volonté d’établir une économie puissante en Chine et d’une volonté de construction sociétale. L’urbanisation de Shenzhen est donc le résultat direct de cette volonté politique. Pour construire une ville d’une telle ampleur, il fallait avant toute chose définir une échelle de construction. Il faut trouver une certaine harmonie
À partir de 1979, commence à arriver un grand nombre de travailleurs migrants dans la nouvelle ville de Shenzhen. Le gouvernement de la ville facilite l’accès au Hukou urbain pour les travailleurs afin de permettre le transit des populations. Il existe tout de même une ségrégation marquée dans l’obtention du document tant convoité par les populations rurales. Il est plus facile d’acquérir le Hukou lorsque l’on était résident citadin dans sa province d’origine. Il est aussi plus simple d’obtenir ce papier officiel avec un travail considéré comme « utile » ou gratifiant pour la ville de Shenzhen. De plus, seules les personnes aptes au travail peuvent se rendre à Shenzhen. Il est donc extrêmement difficile pour les populations de plus de 55 ans de franchir la frontière de la zone économique spéciale. Il existe une ségrégation générationnelle très marquée. C’est d’ailleurs une chose très particulière à la ville. On croise très peu de personnes âgées dans les rues en comparaison à d’autres villes chinoises. La ville ouvrit ses portes en 2009 à toute immigration et supprima les checkpoints séparant la zone économique spéciale du reste de Shenzhen afin d’unir les deux parties de la ville. À ce moment précis, tout migrant, peu importe son âge, était autorisé à se rendre sur le territoire de la ZES sans autorisation spécifique. Shenzhen se définit donc comme une ville jeune, dynamique et travailleuse. Il y a un travail pour tous à Shenzhen.
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Shenzhen est donc considéré comme une ville industrielle à l’économie marquée par le high-tech. Le secteur tertiaire prend tout de même le pas sur le secteur industriel. Cette désindustrialisation a permis d’établir de nouveaux enjeux stratégiques pour créer l’image de la ville de Shenzhen. Aujourd’hui, on observe le passage de la ville industrielle à la ville marketing. Nous avons pu voir que la ville de Shenzhen, afin d’arriver où elle en est aujourd’hui, avait ouvert ses portes à l’immigration. Les populations sont donc diverses et participent toutes à l’identité de la ville. L’image et l’identité de la ville sont alors en opposition comme nous le verrons dans le prochain chapitre.
1.3/ LE DÉVELOPPEMENT DURABLE : MOTEUR DE CRÉATION IDENTITAIRE POUR SHENZHEN ? Les défis du XXIe siècle pour la Chine sont de mener le pays vers la première place mondiale économique. Il va sans dire que c’est au prix de quelques sacrifices que la Chine a su se hisser à la place qu’elle occupe aujourd’hui. C’est pourquoi la Chine est, de nos jours, le plus gros consommateur d’énergie au monde. L’un des défis majeurs de la Chine est la protection de l’environnement, afin d’améliorer son image et prétendre à la première place dans tous les domaines. Le concept de développement durable est de plus en plus au cœur des réflexions. Les consommations énergétiques sont telles que bientôt le pays sera à court de matière première. Les eaux sont polluées et certaines terres sont non cultivables. De plus, beaucoup d’habitants perdent l’espoir au vu du fossé créer entre pauvre et riche. La Chine réfléchit donc à son avenir pour pouvoir subsister à ses besoins dans un futur proche. Le pays veut transformer son industrie, adapter les besoins et créer des énergies propres. 1.3.1/ Le concept du développement durable en Chine
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Les principes du développement durable ne sont pas nouveaux. Il compte d’innombrables définitions qui se rapprochent sur certains points et se contredisent sur d’autres. Sa première définition officielle fut établie dans le rapport Bruntland « Notre avenir à tous » en 1987. Ce rapport, publié par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement des Nations Unies, a permis le lancement d’un mouvement mondial en faveur du développement durable selon les trois thématiques : équité sociale,
efficacité économique et qualité du cadre de vie. Afin de développer notre propos, nous allons reprendre la déclaration de Rio établie en 1992. Le document énumère les principes du développement durable afin de créer une définition commune aux pays du monde. Le développement durable base son fondement sur trois piliers fondamentaux : le social, l’économie et l’environnement. Ils sont établis dans la déclaration de Rio comme ceci : -La lutte contre les changements climatiques et la protection de l’atmosphère -La protection de l’environnement en protégeant la biodiversité et les ressources naturelles -L’épanouissement de chaque être humain en bonne condition de vie. -La cohésion sociale et la solidarité territoriale et intergénérationnelle pour favoriser le progrès social -La production et la consommation durable : moins de pollution, moins d’utilisation des ressources naturelles. D’après cette définition, la dimension économique est moins présente : le souci premier étant l’environnement. La dimension sociale est aussi très présente. La déclaration de Rio affirme que chaque citoyen doit être au cœur de préoccupation durable. Chacun a le droit à une vie sûre et productive en harmonie avec l’environnement. « L’exigence du développement durable est le résultat de notre réflexion après avoir vu des destructions sur notre planète unique, engendrée par notre façon de vivre actuelle » 4 Il va sans dire que le pilier du développement durable le plus fondamental pour le gouvernement en Chine est celui de l’économie. Ce pilier devient de plus en plus indissociable de l’environnement dans le discours politique. Quant à la question sociale, elle se retrouve à la marge d’un discours de développement, bien que le capital humain soit 4
Citation de Philippe Collet reprise dans « le taoïsme source pour le développement durable » de Clément Noël Douady
indispensable pour le gouvernement. En opposition aux réalités observées, la discipline sociale est importante dans les règles du confucianisme. Le mouvement de pensée impose un respect d’un système hiérarchique au sein du peuple, et un comportement exemplaire de la part des dirigeants. Le confucianisme était l’élément de base des pouvoirs chinois, mais il perd peu à peu son influence. Les règles du parti sont, de plus en plus, dictées par les mouvements occidentaux. L’influence occidentale a bouleversé le schéma traditionnel, mais le concept de ville harmonieuse imposé par le Taoïsme est toujours d’actualité. L’équilibre entre les différents éléments urbains, la terre, le ciel, la nature et les êtres humains est une conception chinoise. Le feng shui est une conception chinoise signifiant équilibre. Le concept instaure une harmonie dans le développement urbain. Le développement durable puise d’ailleurs cette idée d’harmonie dans le taoïsme. Le développement durable serait donc, en un sens, chinois. Aujourd’hui sont appliqués les principes du développement durable à tous les domaines/secteurs d’activités. Nous parlons beaucoup de durabilité à différentes échelles, celle du pays, de la ville et bien entendu du quartier. Nous reviendrons sur l’échelle de la durabilité dans le troisième chapitre en exposant le projet sur les frontières urbaines. Comme l’importance d’une ville chinoise se mesure par l’augmentation de son PIB, le développement urbain se base essentiellement sur l’économie de la ville. En chine on se concentre seulement sur l’un des piliers fondamentaux du développement durable : l’économie. Les problématiques environnementales et sociales sont secondaires sauf si elles influent sur le développement économique de la ville. Il ne faut pas s’y méprendre, le développement durable est une « invention » occidentale pour répondre aux problématiques urbaines actuelles face aux répercussions écologiques d’un système d’industrialisation ancien. La Chine développe pleinement son industrie que depuis une trentaine d’années et son influence est aujourd’hui indéniable. Pourquoi ce pays
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devrait-il appliquer un principe résultant d’une réflexion à l’issue de plusieurs siècles ravageurs pour la population, l’environnement et même l’économie ? Alors qu’elle-même a une économie qui se porte au meilleur de sa forme. La population elle-même adhère à ce principe tant qu’elle s’enrichit. La question du développement durable se pose donc peut-être au sujet de la protection de l’environnement. Effectivement, la pollution est un souci national. Il persiste une pollution atmosphérique si importante, notamment aux abords de la capitale, que la population commence à réagir. De plus, de nombreux chercheurs ou investisseurs refusent de s’installer aux endroits les plus pollués. La pollution devient un vrai problème.
de juin 2013 à Shenzhen. Pour l’occasion, un quartier entier a été investi. Ce quartier présente le futur de l’industrie et des services de Shenzhen. Le secteur d’activité du nouveau quartier est développé autour des énergies renouvelables et un secteur résidentiel utilisant ces mêmes énergies. On parle de « low carbon city » pour décrire des espaces autogérés en matière de ressources énergétiques. Longgang, le district accueillant le quartier « low carbon city », a été, l’espace d’une semaine, la vitrine de l’écologie en Chine.
Low Carbon City 1.3.2/ Le développement durable pour l’image de Shenzhen Shenzhen est née il y a 30 ans, lorsque les principes du développement durable ont commencé à prendre de l’importante. Voulant se hisser sur le marché international, la ville adhéra aux principes du développement durable pour faire bonne figure auprès des futurs investisseurs étrangers. Shenzhen est donc un modèle du développement durable en Chine. Ce n’est pas un hasard si le premier « Shenzhen first International Low Carbon City conference » se trouve à Shenzhen. La ville est jeune, florissante et représente l’avenir urbain chinois, tout en représentant les prouesses de la politique d’ouverture depuis les 30 dernières années. La ville intègre un plan de développement durable dans son développement. La préservation d’espaces verts (espaces agricoles, reliefs – montagnes, parcs…) et l’interdiction aux industries polluantes de s’installer à Shenzhen permettent à la ville de mettre en avant les prouesses écologiques. La dimension économique et environnementale est donc prise en compte dans le programme du gouvernement, mais la dimension sociale est toujours omise.
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La conférence « Low Carbon City » s’est déroulée durant le mois
Longgang 龙岗区
Figure 32: Longgang à Shenzhen
Seulement, prenons le temps de regarder sur la carte où se trouve Longgang. Le district est éloigné de toutes commodités et du centre-ville où habitent les futurs travailleurs de cet espace. Pour se rendre sur leur lieu de travail, le moyen de transport le plus efficace est alors la voiture. « Low Carbon City » résonne comme l’idée d’une ville faite de bâtiments à indépendance énergétique, mais la réflexion écologique se résume à ce point. De plus, le bâtiment construit pour accueillir les conférences a été bâti en 3 mois. Il est déjà prévu de déconstruire ce bâtiment pour faire place à un nouveau complexe dans les deux ans à venir. On utilise peut-être de l’énergie renouvelable pour alimenter les bâtiments en énergie. Seulement, lors de la construction, l’énergie utilisée est polluante. Le secteur du bâtiment est, par ailleurs, un grand producteur de déchet à Shenzhen.
Les réalités environnementales sont éloignées des prévisions. On
parle d’écologie, mais plus au titre de la vitrine de la ville que pour un développement futur en harmonie avec la nature. Dans le contexte actuel, l’image de la ville doit être en adéquation avec les piliers du développement durable, à savoir l’environnement, le social et l’économie. De ces trois principaux critères, Shenzhen délaisse principalement la dimension sociale. L’environnement arrive lui aussi en deuxième place après l’économie pilier du développement urbain de la ville de Shenzhen. Nous ne pouvons pas encore parler de développement durable en Chine. Le secteur du bâtiment est encore très polluant, l’étalement urbain est un fléau qui grignote les terres agricoles. Seuls 7 % des terres agricoles mondiales se trouvent en Chine, pourtant la population à nourrir représente 20 % de la population mondiale. Seulement, le développement durable est un outil que le gouvernement essaye d’apprivoiser. Aujourd’hui, il sert à la vitrine de la ville de Shenzhen, mais demain il sera une nécessité. C’est, tout de même, le début de la prise de conscience des impacts du développement durable sur la ville.
Ce parallèle sur l’écologie en Chine parait important au regard de la problématique. Le développement durable est au cœur des réflexions et des discussions des politiques du monde entier. La chine veut, elle aussi, ces parts de marché dans le monde de l’économie écologique. Finalement, l’écologie chinoise fait figure de vitrine sur une ville propre, une ville où il fait bon vivre. Car il ne faut pas s’y méprendre, aujourd’hui, la plupart des projets urbains prennent en compte l’environnement. La nature est intégrée aux réflexions urbaines, par le biais de chemin vert, de corridors écologiques et autre concept « vert ». Seule la problématique sociale n’est pas encore bien développée. Notre propos que nous allons développer par la suite cherche à savoir si ce modèle de développement au détriment d’une couche de la population est effectivement durable ou non. L’image promulguée par la ville de Shenzhen permet-elle un futur développement durable de Shenzhen ?
Aujourd’hui, la perspective du développement durable peut se traduire par un « redéveloppement » des usages de la population. En l’espace de 30 ans, les Chinois ont troqué leur bicyclette pour une voiture et habitent de plus en plus loin de leur lieu de travail. Les principes du taoïsme peuvent dicter le comportement de la population. Les Chinois sont encore très attachés aux valeurs ancestrales. Mais ce principe peut aussi aider à revoir le fonctionnement de l’industrie, des modes de circulation… mais surtout pour remettre au cœur du développement urbain l’habitant qui est aujourd’hui exclu.
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CHAPITRE II/
L’Identité urbaine influence de l’image de SHENZHEN 深圳 ?
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Il persiste une opposition de deux systèmes en Chine (surtout à Shenzhen) celle de la ville marketing et la pauvreté issue de la Chine rural. La croissance explosive et rapide dont bénéficie la chine permet à beaucoup de personnes d’accéder à un niveau social de plus en plus aisé. La classe moyenne a explosé depuis les 30 dernières années. Il existe aussi de plus en plus de Chinois très riches. Cela n’est qu’une des faces cachées d’une chine toujours à majorité rurale et pauvre. Shenzhen est un peu l’eldorado des paysans en quête de richesse. Comme les États-Unis incarnent le rêve américain, Shenzhen est le rêve chinois. Comment pouvons-nous retranscrire la réalité du lieu qui embellit son image et attire de plus en plus de migrants venus de tout le pays ? Dans ce second chapitre, nous parlerons dans un premier temps de la construction urbaine « commerciale » de la ville de Shenzhen. Pour cela, nous découvrirons ce qu’est l’urbanisme de communication et le marketing urbain, pour enchainer sur une présentation la structure de stage : Urban Planning and Design Institute of Shenzhen (UPDIS). Le fonctionnement de cette entreprise gouvernementale montre le poids du gouvernement et des promoteurs privés dans les projets de la ville et de la Chine. Nous expliquerons plus en détail comment la ville de Shenzhen façonne son image à travers cet urbanisme de communication et comment aujourd’hui elle se décrit à travers sa typologie urbaine. Le deuxième et dernier point de ce chapitre montre la face cachée du développement de Shenzhen, la création urbaine par les migrations et l’initiative des habitants, eux-mêmes, afin de subvenir à leurs besoins. Nous parlerons alors de l’identité urbaine, développée par les habitants. Comme à Shenzhen les personnes migrantes se retrouvent pour la plupart dans ce que l’on appelle les villages urbains ( 城中村 chengzhongcun), nous exposerons ces lieux de vie, sujet de l’étude menée lors du stage.
2.1/ SHENZHEN ET LA RECHERCHE PERPÉTUELLE DE SON IMAGE La composition urbaine chinoise tire son processus de l’histoire urbaine de la ville. Il s’agit d’une combinaison de l’ancien modèle urbain chinois et des influences du modèle occidental. La notion d’urbanisme, en tant que tel, reste pourtant récente. Elle se base sur le modèle anglosaxon actuel, à savoir l’urbanisme de communication et le marketing urbain que nous allons détailler. Ces deux formes d’urbanisme permettent de comprendre les stratégies gouvernementales concernant Shenzhen et les volontés politiques en matière de développement urbain. Leur volonté est, avant toute chose, de mettre en route l’engrenage économique urbain. Pour ce faire, le gouvernement essaye d’attirer multiples investisseurs et entrepreneurs : une image positive de la ville est donc la clef d’un développement immédiat et prospère. D’après Jean Paul Lacaze dans « Les méthodes de l’urbanisme », il existe 3 types d’urbanismes mis en œuvre aujourd’hui : l’urbanisme de gestion (qui ne s’applique pas trop au cas de Shenzhen), l’urbanisme de communication et le marketing urbain. Nous allons revenir sur les deux derniers types d’urbanisme exposé par cet auteur, car il se sont ceux développés en Chine, mais plus particulièrement à Shenzhen. L’urbanisme de communication et le marketing urbain reprennent, tous deux, l’utilisation de techniques promotionnelles par les territoires. Il se base sur l’image de la ville ou essaye de créer une image urbaine comme nous allons l’expliquer par la suite. 2.1.1/ L’urbanisme de communication
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« . L’urbanisme de communication cherche à mobiliser les acquis
et les techniques de ce secteur pour stimuler le développement local en jouant sur les nouveaux facteurs de localisation des entreprises. […] Les méthodes de l’urbanisme de communication interviennent dans le domaine des images et des dynamiques commerciales pour tirer le meilleur parti possible des possibilités de synergie avec les industries de haute technologie. » 5
On peut distinguer trois niveaux d’action :
• Le premier traite directement de la communication de la ville pour faire connaître et valoriser son image aux yeux des candidats potentiels à la création d’activités nouvelles. La communication directe des villes véhicule des messages uniformes sur la vie locale. • Le deuxième niveau d’action consiste à recourir à des traitements « spectaculaires » de l’espace urbain, en faisant appel à des architectes de très grande notoriété pour projeter des quartiers nouveaux ou requalifier des ensembles existants. Il s’agit de signifier la modernité et le dynamisme de la ville en les traduisant directement par des formes architecturales spectaculaires qui retiennent l’attention du grand public et des décideurs économiques. Il faut voir dans cette méthode la traduction d’une volonté politique clairement affirmée. • Le troisième niveau de l’urbanisme de communication concerne l’aménagement de technopôles, pôles de compétitivité et autres « clusters » pour attirer les industries de haute technologie entre recherche fondamentale, recherche appliquée et innovation industrielle. L’utilité des aménagements spatiaux spécifiques reste controversée, et l’objectif passe par de nombreuses actions d’autre nature. Shenzhen a su tirer parti de son industrie du high-tech et attirer des investisseurs le domaine des nouvelles technologies afin de se créer une image de marque et renforcer son domaine d’activité. Son développement 5
Jean Paul Lacaze dans « Les méthodes de l’urbanisme »
initial, sous forme de cluster, montre la volonté du gouvernement de développer un urbanisme de communication. Il ne faut pas oublier que l’objectif de la création de la ZES était d’attirer des investisseurs étrangers et de créer une économie florissante dans de nombreux domaines des hautes technologies. Par exemple, le plus grand fabricant mondial de composants électroniques, Foxconn s’est implanté à Shenzhen. 2.1.2/ Marketing urbain : première étape de la construction de l’image de la ville ? Le marketing urbain à Shenzhen vient en complémentarité de l’urbanisme de communication. Il tire ses fondements dans les valeurs des entreprises et permet de développer, sur le long terme, une relation gouvernement/investisseurs-entrepreneurs. Pour comprendre le marketing urbain, il est nécessaire de revenir sur le marketing des biens de grande consommation. Ce dernier consiste, pour l’essentiel, à passer d’une stratégie d’innovation (produire ce que l’ingénieur a envie de fabriquer) à une volonté de s’adapter aux préférences subjectives des différentes catégories d’utilisateurs (produire ce que le client a envie d’acheter). D’un point de vue libéral, une ville peut être décrite comme un ensemble complexe de marchés imbriqués sur un même territoire : marchés fonciers, marchés immobiliers, marchés du travail, bassin d’habitat, marchés de services matériels – transports, eau, énergie, télécommunications – ou immatériels – éducation, santé, sports, loisirs, culture. Dans ces domaines, les offres publiques et privées sont souvent présentes simultanément et donc en situation de concurrence. Le gouvernement dispose d’un éventail de moyens allant de la gestion directe à la privatisation pure et simple en passant par des contrats de concession pour gérer ce partenariat public/ privé. Le choix dépend de l’état de leurs finances et, bien entendu, de motivations politiques. Comme Shenzhen se retrouve dans un statut bien spécial, peu de services sont promulgués par le gouvernement, beaucoup
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de choses restent donc à la charge des promoteurs, qui selon les domaines fixent leur prix. Le domaine de l’immobilier est particulièrement touché par ces intentions gouvernementales, ce que nous expliquerons par la suite. Promoteurs et gouvernement s’organisent à des rythmes temporels très différents. La ville de Shenzhen est responsable d’une stratégie de valorisation ou de transformation du quartier qui ne peut trouver son efficacité qu’à long terme, alors que les contraintes de la gestion financière obligent l’acteur privé à se concentrer sur le court terme. Au total, on peut parler de complémentarité, chaque acteur ayant besoin d’une action efficace de la part de l’autre, plutôt que de partenariat privé-public. « Les offensives les plus réussies du marketing urbain se situent dans le domaine des services qui n’intéressent pas directement les méthodes étudiées ici. De ces remarques, il faut surtout retenir la nécessité croissante de tenir compte des préférences des utilisateurs. Le marketing urbain rejoint ainsi, par une approche différente et plus consumériste, les méthodes participatives. » 6 Il faut tout de même distancer le marketing territorial par rapport au marketing commercial. Le gouvernement municipal n’est pas un producteur d’espace et marchand de main-d’œuvre. « Cependant, le marketing peut servir le territoire pour mieux mettre en valeur ses avantages comparatifs, car les dirigeants locaux doivent tenir compte de l’obligation de générer une prospérité économique pour combattre le chômage, éviter la désertion des espaces industriels et l’exode de la population. Cela apporte des différences dans la gestion du marketing territorial par rapport à celui des entreprises. » 7 Ce qui se déroule à Shenzhen, depuis la création de la ville, est une volonté du gouvernement d’ouvrir la Chine aux investisseurs extérieurs. La municipalité cherche alors à faciliter l’implantation et la croissance des entreprises en réduisant la complexité de la bureaucratie et créant des 6 7
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Jean Paul Lacaze dans « Les méthodes de l’urbanisme » Proulx Marc-Urbain et Tremblay Dominic, « Marketing territorial et positionnement mondial »
organismes ressources pour aider les entrepreneurs dans leurs démarches. La stratégie de recherche d’entreprise se place aussi comme une facette du marketing urbain. Il s’agit de cibler des entreprises phares ou un secteur d’activité qui fera alors la renommée de la ville. Shenzhen se plaçait initialement dans l’industrie du textile et de l’électronique, mais se présente aujourd’hui comme la figure des entreprises du high-tech en Chine selon l’exemple de la silicone vallée aux États-Unis. Le principe écologique et la volonté gouvernementale d’attirer des entreprises non polluantes a fait revoir la stratégie de l’urbanisme commerciale. Il existe 3 types de positionnement principalement utilisés par les municipalités : • Le positionnement sur des arguments économiques : Shenzhen, une zone économique spéciale, avec des avantages fiscaux pour attirer les IDE. • Le positionnement sur des arguments géographiques : Shenzhen, une ville portuaire et porte d’entrée pour la chine à proximité immédiate avec Hong Kong. La ville se situe aussi dans le delta de la rivière des Perles, espace florissant de l’économie chinoise. • Le positionnement des ressources humaines et des infrastructures : Shenzhen veut se positionner comme étant un leader dynamique et créatif. Pour démontrer qu’elle possède les atouts pour le développement, elle cherche à démontrer la qualité de sa main d’œuvre, de son institution de formation et de son équipement spécialisé. La présence de centres de recherches gouvernementaux demeure cependant le principal argument utilisé par le territoire pour donner de la crédibilité à ses grappes industrielles. 2.1.3/ UPDIS et le pouvoir des promoteurs privés à Shenzhen
La structure de stage : Urban Planning and Design Institute of
Shenzhen (UPDIS) atteste de l’organisation centralisée du gouvernement et de la volonté politique sur le champ urbain. L’entreprise de plus de 400 employés est une entreprise gouvernementale, gérée par le bureau de la planification urbaine à Shenzhen. Les projets menés par l’entreprise sont des projets publics, mais nombreux sont les projets qui répondent de commandes publiques en partenariat avec des acteurs privés. Le marché économique détermine quels projets vont être construits. La compagnie se divise en 4 secteurs : le secteur recherche, le secteur transport, le secteur planification et le secteur design urbain. Chacun de ces secteurs est divisé en départements, eux-mêmes séparés en équipes. Il s’agit d’une organisation très hiérarchisée. Ces différentes strates hiérarchiques permettent d’avoir un contrôle des projets à tous les niveaux. Le gouvernement a donc un contrôle absolu dans les projets urbains. Les promoteurs privés ont tout de même un poids conséquent dans les projets urbains, bien qu’ils émanent de commandes publiques. Depuis l’ouverture du marché et la création des ZES, les entreprises privées sont détentrices du foncier. L’exemple le plus frappant à Shenzhen est Overseas Chineses Territory (OCT). OCT est un groupe industriel chinois puissant. Il a fait connaitre sa notoriété à Shenzhen en achetant un grand nombre de terrains lorsque la gestion foncière fut commercialisée. L’entreprise détient aujourd’hui de nombreuses infrastructures, de nombreux quartiers résidentiels et l’entièreté des parcs d’attractions de la ville. Ce qui fait du groupe le premier gestionnaire de foncier à Shenzhen. Son importance économique place le groupe à hauteur du gouvernement concernant des décisions pour la ville. Ce groupe n’agit pas seulement sur Shenzhen, mais partout en Chine, même si Shenzhen est son principal lieu d’action. L’influence d’un grand groupe immobilier comme OCT a une influence directe sur la ville de Shenzhen. Les villes ont toutes tendances à se ressembler : David Mangin
attribue ce phénomène à l’avènement de la ville franchisée. On peut aussi parler de Shenzhen comme une ville générique, d’après le terme de Rem Koolhaas. Cette notion désigne une ville qui base son développement sur la mondialisation. On trouve principalement ce genre de ville en Asie. Ce sont des mégalopoles en croissance exponentielle avec une explosion démographique et économique. Shenzhen est donc l’exemple phare de la ville générique. L’architecture dans ce type de ville est utilisée comme une réponse immédiate à la demande. Les constructions se font donc au gré des besoins et de la demande actuelle. Le style architectural dépendra donc du budget et de l’époque. L’architecture est donc multiple et chaque bâtiment reflète une époque précise. Les villes génériques qui se sont développées principalement depuis les 40 dernières années reprennent une architecture moderne. Ces villes tendent donc à toutes se ressembler. De plus, les villes comme Shenzhen ont tendance à exploiter le pouvoir emblématique de l’architecture comme capital culturel. La ville n’a pas de patrimoine et essaye de se créer une image architecturale en invitant de grands architectes à construire des monuments.
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2.2) Une image pour la ville générique 2.2.1/ Ville vitrine de la chine : Par définition, une vitrine sert à présenter, mettre en valeur quelque chose. Une « ville vitrine » est donc une ville qui présente la réussite d’un pays. Shenzhen pourrait présenter son Image afin de mettre en valeur l’économie florissante de la Chine actuelle : une Chine moderne, capable de rivaliser avec les plus grandes puissances mondiales en ce qui concerne l’économie, l’industrie. Effectivement, Shenzhen soigne l’importance de ces façades et de son Image, car la ville doit attirer bon nombre d’investisseurs étrangers. C’est une ville verte où il fait bon vivre ce qui appuie l’idée d’une Chine propre et moderne. Cette façade est importante pour que les investisseurs étrangers aient confiance en Shenzhen pour leur affaire, mais aussi pour prendre conscience du renouveau chinois depuis les 30 dernières années. On comprend mieux pourquoi la ville s’est construite selon le principe de commercialisation urbaine. La volonté de Shenzhen de mettre en avant son Image résulte directement de sa stratégie de marketing urbain. Cette forme d’urbanisme pousse les villes à entrer en compétition avec d’autres villes exerçant dans le même domaine. Cette compétition se traduit par la capacité de la ville à vanter son intellect et sa créativité. Le marketing urbain est donc créateur des images de la ville. Le dictionnaire définit l’image comme une représentation mentale que l’on se fait de quelque chose ou de quelqu’un. L’Image urbaine est par conséquent la représentation de la ville faite par ses habitants, touristes ou passant. D’après Kevin Lynch, « la ville est un cadre physique vivant et
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intégré, capable de produire une image. » Dans ce document, nous parlons de «l’Image» de la ville dans sa globalité. C’est pourquoi le terme image est utilisé au singulier. Il s’agit pourtant d’une image à multiples facettes. L’Image est un portrait de la ville qui présente plusieurs éléments descriptifs, et qui renvoie à une analyse de la ville. L’Image urbaine relève des perceptions, qui peuvent être plus ou moins subjectives. Même si la construction urbaine se fait par des acteurs professionnels tels que des architectes, ingénieurs, urbanistes, l’image de la ville ne prendra vie que dans le regard des habitants. Kevin Lynch insiste sur ce point : « une ville n’est vue que dans le regard de ces habitants ». Il s’agit d’après son propos d’une opération de va-et-vient entre son observateur et son milieu. « L’environnement suggère des distinctions et des relations et l’observateur choisit, organise et charge de sens ce qu’il voit. » Une ville qui possède une bonne Image de son environnement permet une grande impression de sécurité émotive, pour influencer l’environnement et développer un sentiment de bien-être pour la population. L’Image renvoie donc au domaine de la perception : du sensible. Pour ressentir et percevoir son environnement urbain, il faut utiliser ses 5 sens. On parle alors d’expérimentation de son milieu. Les habitants inconsciemment sont toujours confrontés à leur environnement et le juge, l’observent, le ressentent tous les jours. Nous parlons donc d’Image urbaine par la perception individuelle que chacun a sur son environnement propre en référence à son vécu, ses sens. Cette Image prend donc tout son sens dans le regard de ses habitants. Elle peut être positive ou négative d’après un jugement personnel du ressort de l’émotif et des sens. Ce rapport sensible personnel construit l’image individuelle. Cependant, il existe des images collectives qui sont les enveloppes d’un grand nombre d’images individuelles. Un environnement urbain renvoie une image liée aux éléments physiques de la ville. Nous pouvons alors parler d’imagibilité. Elle ne renvoie pas
Shenzhen : la ville générique
Figures 33, 34, 35, 36
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seulement aux objets physiques, mais peut être influencée par la signification sociale, sa fonction, son histoire… nous parlerons alors d’identité. Ce qui différencie aussi l’identité de l’image est la notion collective. L’identité se rapporte au collectif, elle est l’influence du social sur l’image de la ville. Notre propos vise à définir l’image de la ville et l’identité urbaine. La première peut être façonnée par les acteurs de la ville, elle est modulable et mouvante au gré des populations. Elle est, certes, ressentie par les habitants et ne prends vie que dans le regard des usagers de la ville. L’identité elle renvoie aux individus, mais aussi à la notion collective, à l’histoire. Nous reviendrons sur cette deuxième définition dans la deuxième partie de ce chapitre. D’après Stern, il est possible de créer l’image d’une ville lorsque cette ville est lisible. Par la clarté et l’harmonie de leur forme, les images satisfont ce besoin d’une « apparence vivement compréhensible ». Plus la ville est compréhensible, plus l’image renvoyée est positive. Kevin Lynch insiste aussi sur ce point et démontre que rendre une ville accessible et lisible permet à « l’usager » de se concentrer sur ses perceptions. Plus une ville est propre, intuitive, plus elle renvoie une image positive. « De nombreuses villes cherchent à se forger une image de territoire dynamique où les idées d’affaires se transforment en succès commercial. Elles ne doivent cependant pas oublier que le positionnement n’est pas seulement un concept publicitaire abstrait, il doit également être le reflet d’une réalité du territoire. Il ne suffit pas de choisir les secteurs à la mode, d’implanter des attractions semblables à celles qui obtiennent du succès dans d’autres villes et de reprendre les formulations de slogans à succès pour que les investisseurs se bousculent sur le territoire. Si l’on présente une grappe industrielle comme bien établie et, qu’en fait, la ville ne possède qu’une ou deux entreprises de ce secteur qui peinent à démarrer, on n’est pas en mesure de convaincre les investisseurs de notre bonne foi. Les autorités régionales doivent elles-mêmes posséder les facteurs intangibles recherchés par les entreprises. Le leadership régional, l’esprit
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visionnaire, la créativité et l’innovation deviennent des qualités essentielles aux ambassadeurs qui tentent de démontrer que leur territoire possède ces mêmes avantages. ».8 Shenzhen a su se hisser rapidement sur la scène internationale en matière d’électronique et d’industrie du high-tech. Son avantage réside dans son positionnement géographique. Effectivement, le delta de la rivière des perles profite du positionnement international de Hong Kong et du pouvoir administratif de Canton (Guangzhou). Shenzhen, se situant sur l’axe Hong Kong et Guangzhou, profite de l’Image des deux villes. Ce rayonnement extérieur a permis de mettre les projecteurs sur les projets développés à Shenzhen. Aujourd’hui, la ville essaye tout de même de se démarquer de ses voisines qui font de l’ombre à la ZES dans les secteurs administratifs et financiers. Shenzhen est aussi la figure de la ville générique comme nous l’avons exposé précédemment. Elle reprend dans son idée les modèles urbains des grandes villes américaines. La ville s’est construite avec l’avènement de l’automobile en Chine. De larges avenues sont bâties afin de permettre la construction future de nouveau quartier. Ces infrastructures permettent la création d’une ville en kit répondant à la demande d’expansion rapide. On ne trouve donc à Shenzhen aucune originalité architecturale. Ce n’est donc pas son esthétisme que Shenzhen essaye de mettre en avant. Son image développée est principalement basée sur l’économie de la ville. Mais au fur et à mesure, la question de l’esthétique urbaine retient de plus en plus l’attention des politiques. L’Image de la ville pourrait être caractérisée par son esthétique mise en valeur par la vitrine urbaine. La ville de Shenzhen, dans le souci de représentation, s’est déjà renouvelée trois fois. Chaque nouvelle perspective d’avenir changeait les plans initiaux, mais aussi la volonté gouvernementale sur les quartiers déjà construits. Le gouvernement ne cache pas sa volonté d’embourgeoiser le centre-ville et permettre à celui-ci d’avoir les moyens de montrer le visage 8
Kevin Lynch, « L’image de la cité »
de la ville. Ils investissent donc beaucoup dans les quartiers centraux, à savoir Luohu (le plus ancien quartier), Futian et Nanshan. Chacun de ces quartiers abrite un CBD (Central Business District : centre des affaires) tous plus moderne les uns que les autres. Kevin Lynch disait « du fait qu’ils agissent sur l’environnement physique, ces urbanistes portent un intérêt primordial à l’agent externe dans le phénomène d’interaction qui est à l’origine de l’image ». Cela se manifeste à Shenzhen depuis les trente dernières années. La société chinoise, transfigurée par les dynamiques économiques et les recompositions sociales, depuis le début des réformes de la fin des années 1970, manifeste les nombreux symptômes qui affectent toute société travaillée par les forces restructurantes de la modernité. 2.2.2/ Shenzhen la ville spectacle Le processus contemporain de spectacularisation des villes est directement associé aux stratégies de marketing urbain, qui essaient de construire une nouvelle image pour qu’une ville puisse trouver sa place dans l’économie mondialisée d’aujourd’hui. « Ce qui est vendu actuellement sur le marché international est surtout une image de marque des villes. » 9 Il faut avoir un certain regard critique sur la transformation de la ville en spectacle. Effectivement, le phénomène de spectacularisation urbaine met l’acteur urbain en position de spectateur passif, par son « retrait de l’action même en tant que telle, de l’expérience physique urbaine en tant que pratique quotidienne, esthétique ou artistique » 8 Ce phénomène se produit en Europe par le biais d’une conservation excessive des centres anciens de ces villes. La mise en lumière, les visites guidées transforment le patrimoine urbain en des objets sacralisés. On parle alors de muséification. L’espace urbain se transforme alors en musée où la population n’a plus les moyens d’habiter. Les touristes y sont plus 9
Paola Berenstein Jacques, dans corps et décors urbains : les enjeux culturels
nombreux que les locaux. La ville devient alors un spectacle, une vitrine sur la culture passée et le patrimoine. Shenzhen n’a pas la chance de profiter d’un patrimoine urbain ancien, car la ville fut construite sur des domaines agricoles il y a 30 ans. Par ailleurs, la notion de patrimoine n’est pas une priorité en Chine. De plus, le modèle occidental urbain est aujourd’hui un symbole de réussite. Les centres des affaires (CBD) rayonnants et banlieues pavillonnaires sont des modèles de développement en provenance des États-Unis et d’Europe. Ils sont synonymes de prospérité économique dans l’imaginaire des gouvernements chinois. Les politiques essayent de reproduire ce modèle afin de faire rayonner leurs villes à l’échelle mondiale. Or, le prix de l’évolution passe par la destruction de cités anciennes. Ce phénomène de spectacularisation est tout de même bien présent. Des espaces de loisirs sont créés de toute pièce, comme Walt Disney a pu construire dans les années 1950, Disney World et Disney Land. De nombreux parcs d’attractions voient alors le jour à Shenzhen comme Windows of the World, Happy Valley, OCT East… c’est d’ailleurs le groupe OCT qui détient l’intégralité de ces parcs à thème. L’entreprise essaye, par ailleurs, de se diversifier dans l’offre de loisir et elle propose différentes thématiques pour chacun des parcs : les monuments du monde en miniature (Window of the World), la reconstitution de village Hakka (Happy Valley) ou un cadre naturel pour se ressourcer entre mer et montagne (OCT East). Paola Berenstein Jacques décrit ce phénomène par le terme de disneyfication. Elle présente ce concept comme l’action de créer de toute pièce un décor urbain. Comme Walt Disney habille ses parcs d’attractions d’un concept féérique et factice. On soigne l’aspect de la ville pour attirer des habitants, investisseurs et touristes et pour produire un effet d’harmonie. Les monuments, les constructions habillent le paysage urbain comme un décor pourrait habiller la scène de théâtre. L’image de la ville se base donc sur un décor urbain « faux » caractéristique de la ville spectacle. Dans son désir de plaire, Shenzhen privilégie le spectacle qu’elle peut offrir à sa véritable fonction. Ce que Paola Berenstein Jacques appelle Disneyfication se nomme Disneylandisation dans le vocabulaire d’autre
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Shenzhen : façade sur Yannan Lu et Shennan lu
Figures 37, 38, 39
Pour les Universitates, la ville de Shenzhen a mis en valeur les façades des bâtiments des grandes avenues de la ville. La nature des immeubles n’a pas été modifiée, seules les façades ont été améliorées.
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auteur. Elle reprend le terme de gentrification appliqué à la ville spectacle pour créer le mot disneyfication. Dans son concept, la ville devient un produit destiné à la vente, jusqu’à devenir un décor. La mise en lumière des espaces urbains, renforce l’idée du décor et de la spectacularisation. Shenzhen qui continue de briller chaque nuit est l’exemple même de l’application par le gouvernement de la ville spectacle. En Chine, on retrouve aussi ce phénomène de spectacularisation par la création de grands événements. Ces événements ont la vocation de promouvoir la culture chinoise et d’étendre sa puissance à travers le monde. Par grands évènements, on entend bien évidemment les Jeux olympiques de Pékin et l’exposition universelle de Shanghai. Ces évènements permettent de développer le domaine du tourisme, mais aussi pour montrer de quoi la grande puissance chinoise est capable. On retrouve dans les évènements la folie des grandeurs propre à la Chine actuelle. Shenzhen a aussi eu son heure de gloire avec les jeux universitaires (universiade) organisés en 2011. Pour accueillir les jeunes athlètes venus du monde entier, la municipalité à créer de toute pièce un quartier olympique avec de nouvelles universités, infrastructures sportives… L’occasion fut bienvenue pour un travail de façade de toutes les grandes avenues de Shenzhen telle que Shannan Lu, l’artère principale de la ville, mais surtout la rue la plus ancienne. Une publicité de mérite pour la ville de Shenzhen fut entreprise auprès des touristes et athlètes afin de faire valoir, une fois de plus, la grandeur de la ville et de la Chine. Shenzhen est la représentation même de cet urbanisme « spectacle ». Il ne s’agit pas d’un urbanisme propre à Walt Disney, mais de nombreux espaces sont clos et réservés à une clientèle bien particulière. Ces lieux clôturés sont les parcs à thème, mais aussi de nombreux condominiums fermés au public. Ces espaces fermés constituent des barrières/frontières comme nous l’expliquerons dans le chapitre suivant.
On peut comprendre ce modèle de consommation des espaces et d’uniformisation de la ville lorsque l’on interprète le mode d’occupation et de loisir de la population. Les habitants de Shenzhen consomment, ils subissent la frénésie consommatrice liée à leur système économique. Les loisirs se résument au shopping, visites guidées dans les sentiers balisés (bord de mer, parcs d’attractions…). Ce système est tout nouveau et lié au fait que les Chinois peuvent profiter de temps libre depuis peu de temps. Encore aujourd’hui ce temps libre est rare et précieux (deux semaines de congés par an en comptant les jours fériés). Les valeurs sont fondées sur le travail qui occupe la majeure partie du temps des Chinois. Le temps libre est généralement utilisé pour le repos. Socialement, pour être accepté par son entourage (famille, amis, collègue...) il faut travailler. De plus, le jeune travailleur devra subvenir très vite au besoin de sa famille. Pour se conformer aux codes du système, le chinois devra se marier et avoir un enfant avant l’âge de 30 ans, affirme le sociologue, spécialiste de la chine, Jean-Louis Rocca. La pression sociale exercée sur les individus est importante. Le mode d’occupation des Chinois est donc très important. Les loisirs traduisent le niveau social et le rang auquel appartiennent ces personnes. Le mode de consommation est en opposition à l’idée communiste de la Chine. Du point de vue occidental, le pays affirme des valeurs ancrées issues d’une culture ancienne avec ces propres pratiques, sa propre architecture, son originalité marquée… Seulement aujourd’hui, on assiste à une « colonisation » capitaliste. Il suffit de se promener quelques minutes en ville pour croiser une douzaine de McDonald, Starbucks, KFC et Pizza Hut... Sans compter les chaines médiatiques de vêtements, les supermarchés européens (Carrefour, Tesco) et américains (Waltmart). Ces enseignes participent à la création de, ce qu’appelle David Mangin, la ville franchisée. Ce phénomène n’est pas nouveau, car nous le retrouvons en Europe où les centres-ville rassemblent les mêmes chaines de magasins. Seulement en Chine, ces espaces de commercialisation représentent la majorité des espaces de rencontre et de loisirs.
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2.3/ SHENZHEN : L’Avenement DE L’IDENTITÉ d’une ville nouvelle 2.3.1/ Identité urbaine Nous avons précédemment décrit le terme d’Image urbaine et émis une distinction entre l’identité urbaine et l’Image de la ville. L’identité, d’après notre premier propos, se rapporte au collectif. Elle est l’influence du social sur l’image de la ville. Identité renvoie à la population, aux communautés et aux différents groupes sociaux. Le gouvernement façonne l’image selon sa volonté, mais l’identité urbaine se définit par le temps, l’histoire et les habitants, indépendamment de la volonté du gouvernement. Identité renvoie à la culture, les habitudes spirituelles, les moyens de pensée, à commencer par la langue, ce qui fait la particularité de la ville. L’identité vient de l’intérieur et l’image est l’expression de l’identité, les deux notions sont donc en relation. L’image de la ville dépendra directement de l’identité et se basera sur celle-ci, tandis que l’identité est indépendante de l’image. L’urbaniste peut façonner l’image de la ville, mais ne changera pas l’identité urbaine qui lui est propre. Il se doit de jouer avec cette image afin de ne pas s’éloigner de l’identité. Une contradiction entre identité et image rend incompatible le processus voulu par le marketing urbain. Cette contradiction ne permet pas de développer une image positive. De son harmonie avec l’identité urbaine, l’image ne sera pas éloignée de la réalité et sera positive. Elle se construira et évoluera tout au long de la vie. Généralement, une ville renvoie toujours une image, même sans l’intervention d’acteurs dans le domaine de l’urbanisme.
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Il est difficile d’établir une définition de l’identité, car le concept d’identité est issu du champ de la psychologie et s’est appliqué en premier lieu à l’individu. Nous allons donc voir trois explications, dans les mots des auteurs qui tentent de décrire l’identité urbaine : • D’après Blaise Gallant, l’idée de « l’identité urbaine » devient opérationnelle à partir du moment où l’on considère une collectivité urbaine comme un acteur social. Ainsi, comme le décrit l’auteur, l’identité urbaine se définit comme « le processus d’agencement et de structuration de l’ensemble des représentations que les différents groupes sociaux internes et externes d’une ville se font d’elle, de son passé, de son présent et de son avenir, et ceci à un moment donné de l’histoire. » 10 • Les identités sont multiscalaires, contextuelles, et se construisent dans l’interaction entre individu et société, et dans les rapports des individus et des groupes à l’espace. L’identité, pour C. Dubar, apparaît ainsi comme « le résultat à la fois stable et provisoire, individuel et collectif, subjectif et objectif, biographique et structurel, des divers processus de socialisation qui, conjointement, construisent les individus et définissent les institutions »11. • L’identité dans la ville serait, selon Grosjean et Thibaut, « le processus sans cesse renouvelé de construction d’un lien intime entre l’individu, le collectif et l’environnement urbain, par les usages et pratiques du quotidien, les perceptions et les jeux de projections dans l’espace, pour approfondir l’approche des pratiques, des parcours, des perceptions et des identifications dans l’espace urbain. On ajoute donc une temporalité à la notion d’identité urbaine, c’est un processus passé, une action présente et une projection future. » 10 11
Blaise Galland dans « Les identités urbaines dans Cultures, sous-cultures et déviances » Nicolas Bautès, Claire Guiu dans « Cheminements autour de l’identité urbaine »
Ces trois différentes définitions se rejoignent pour dire que la ville se doit d’être un espace vécu afin de forger l’identité urbaine. Elle rejoint la notion collective et la question de l’appropriation. Le processus d’identification urbaine étant établi dans un temps passé, présent et futur, celui-ci participe à la bonne image de la ville. L’identification urbaine soutient aussi certains principes du développement durable, notamment sa dimension sociale. La ville de Shenzhen ne cesse de parler de sa volonté de développer une identité propre aux quartiers et spécifique à la ville. Seulement si l’on suit le raisonnement précédent, le gouvernement ne peut avoir la mainmise que sur l’image de la ville, mis en œuvre par le marketing urbain. Il faut donc distinguer ces deux termes. Bien que le gouvernement a un pouvoir puissant et inchangeable, une identité urbaine se forge par la population et indépendamment de la volonté du gouvernement. En changeant les formes urbaines, le gouvernement veut avoir le contrôle des espaces et de la population qui y habite. D’autre part, le prix du foncier ne permet pas à tout le monde d’habiter en centre-ville donc le gouvernement et les promoteurs essayent de gérer les espaces de cette manière. Rendre l’accession impossible aux populations les plus pauvres, pousse au processus de gentrification des quartiers centraux. Cette ségrégation urbaine joue sur l’identité de la ville. K. Lynch explique que les volontés politiques poussent souvent au phénomène de gentrification dans les centres-ville. Or à Shenzhen, il est de la volonté du gouvernement de créer de la valeur au centre-ville. Leur intérêt premier est donc de favoriser l’embourgeoisement pour améliorer l’image de marque de la ville, afin de se placer au même rang que de nombreuse métropole mondiale telle que Hong Kong, sa voisine, ou New York, San Francisco… Par ailleurs, la gentrification et l’aseptisation du territoire empêchent certaines formes de créativité de se développer. Cela empêche aussi l’appropriation du territoire. Or, les notions d’appropriation et de marquage sont utiles pour rendre compte des modes de construction identitaire.
L’identification résulte le plus souvent de rapports de forces et de conflits, et s’exprime par des formes concrètes et violentes d’appropriation. F. Ripoll et V. Veschambre soulignent « les pratiques d’appropriation révèlent combien l’espace est investi, et par là même produit, de manière à la fois matérielle, par occupation, transformation, exploitation…et idéal, par la production de signes, de marques, de limites... ». K. Lynch appuie ce propos en exposant l’identité urbaine comme une notion opératoire dès lors que l’on considère la ville comme un acteur. D’après ces propos, la ville de Shenzhen aurait tout intérêt à favoriser l’appropriation plutôt que d’essayer de créer des consensus urbains. Le gouvernement de Shenzhen essaye, en opposition à ce processus d’appropriation, de mettre en place des marqueurs identitaires de façon à influencer l’image de la ville. La littérature, la photographie ou la presse, mais aussi le cinéma, les chansons et l’ensemble des activités musicales, sont autant de vecteurs qui ont médiatisé et fixé des images, participant ainsi à l’identification des villes. Les histoires locales et nationales ont inscrit la ville dans une continuité, dans des temporalités longues.Comme les histoires, légendes urbaines et films sur Shenzhen montrent le Shenzhen des villages urbains. Le film de Liu Gaoming «Rib» (Paigu) , par exemple, dévoile le quotidien d’un migrant, habitant dans un village urbain de Shenzhen. Le gouvernement encourage donc ces nouveaux médias tout en gardant un contrôle absolu sur les informations véhiculées. 2.3.2 / Shenzhen la ville de l’immigration : Comme nous l’avons expliqué précédemment, Shenzhen s’est construite grâce à l’immigration. Ce fut à partir de 1979, que commencèrent à arriver un grand nombre de travailleurs migrants dans la nouvelle ville de Shenzhen. Le gouvernement de la ville facilite l’accès au carnet de résidence temporaire pour les travailleurs afin de constituer à Shenzhen une main d’œuvre et permettre le développement rapide de la zone.
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Nous nous devons de préciser que des populations de la Chine entière arrivèrent à Shenzhen, des migrants ruraux, mais aussi des migrants citadins, ne faisant pas partie de la même classe sociale. Il est donc plus difficile pour les migrants ruraux d’acquérir le droit de résidence. Certains migrants sont alors régularisés tandis que les autres ne possèdent pas de Hukou, ni même de titre de résidence temporaire. Le cas des migrants illégaux fait partie des préoccupations de la municipalité. Ces populations se constituent en communautés et développent une économie parallèle indépendamment du système légal. Nous reviendrons, dans le dernier chapitre du mémoire, sur la situation des migrants illégaux ainsi que leur rôle à Shenzhen. Le point que nous voulons appuyer en expliquant le processus migratoire de Shenzhen est que les populations s’installent dans la ville avec la culture propre à leur région d’origine. Ils participent donc pleinement à l’identification urbaine de Shenzhen.
Les flux proviennent principalement de la Chine rurale et centrale, notamment de la province du Sichuan et de la province d’Anhui. Les migrants venant de la Chine s’installent principalement dans les districts de Bao’an et Longgang où se trouve les industries.
Figure 41 : flux d’immigration provenant de Hong Kong, source : personnelle à partir étude Harvard GSD HQB
Les migrants provenant de Hong Kong, eux font partie de la classe aisée de Shenzhen. Ils vivent généralement dans les districts centraux de Nanshan ou Luohu. Ils travaillent dans le secteur du commerce et de service.
Figure 40 : flux d’immigration provenant de la Chine, source : personnelle à partir étude Harvard GSD HQB
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La population flottante du delta de la rivière des perles est plutôt importante et plus particulièrement à Shenzhen. Effectivement, la ville de Shenzhen s’est construite sur l’immigration. Chose qui fait partie intégrante
de l’identité urbaine de Shenzhen. Le terme « population flottante » est à connotation négative. L’expression signifie : population exclue de la communauté locale. Il s’agit donc des migrants en situation irrégulière. Il est particulièrement difficile de juger le nombre de personnes considéré comme appartenant à la population flottante. Le gouvernement manque de critères pour définir ce qui est migrant travailleurs. Par ailleurs, il se peut que les mêmes personnes soient comptées plusieurs fois, car la municipalité manque de données. Le nombre de travailleurs migrants appartenant à la population flottante est donc imprécis. C’est aussi pour cette raison que l’on ne sait jamais le chiffre exact concernant la population urbaine en Chine. La population de Shenzhen, par exemple, varie entre 10 et 15 millions d’habitants selon les données.
urbaine, mais le cas de Shenzhen fut provoqué par le gouvernement. La politique de développement de la zone et les migrations accrues influencèrent l’identité urbaine qui se référençait, avant 1979, à de nombreux bourgs ruraux. Par ailleurs, la volonté de spectacularisation urbaine de Shenzhen a incité les habitants à se positionner comme des spectateurs passifs face à leur environnement urbain. Le gouvernement de Shenzhen a donc une influence sur l’identité urbaine.
Certes, la ville n’a pas d’histoire, à proprement parler, mais Shenzhen a réussi à se créer une identité qui lui est propre. La volonté du gouvernement a permis de créer le visage d’un Shenzhen rayonnant et de la réussite. Mais en contrepartie, une autre image de la ville s’est développée : celle de Shenzhen la ville de l’immigration et de Shenzhen la ville des villages urbains, de la population flottante… Volontairement, le Hukou a pu organiser ce processus migratoire et exercer un contrôle des populations. Nous pouvons dire, en un sens, que le gouvernement a contrôlé cette partie de l’identité.
Ces divers changements et l’arrivée de populations parachutées dans la ZES questionnent sur le processus identitaire de la ville de Shenzhen. Effectivement, la question de l’appartenance se pose dès lors où diverses populations provenant d’ethnies différentes et de région éloignées doivent cohabiter dans un nouveau territoire. Il est difficile pour la population de s’approprier son territoire, mais encore plus un territoire « neuf » que l’on pourrait trouver « faux ». Au demeurant, un contexte d’immigration ne permet pas toujours de créer un sentiment d’appartenance collective. Les migrants se sentent appartenir à un même pays : la Chine. Pays dont les habitants sont très fiers. Il existe une volonté de la population de ramener le pays en tête de la scène mondiale économique. Les Chinois sont aussi très fiers de leur valeur culturelle (notamment gastronomique). Ils se retrouvent donc dans leur patriotisme commun. Mais d’un autre côté, les populations rurales et citadines sont très différentes. Selon la région d’origine, le dialecte est différent, les habitants se retrouvent donc dans la pratique commune du mandarin (langue officielle de Shenzhen, ville pourtant située dans le Guangdong où la langue provinciale est le cantonais.) Cette pratique généralisée du mandarin est ainsi la preuve que la ville s’est construit une identité propre par l’immigration. Le processus identitaire de la ville provient avant toute chose de la population migrante.
Finalement, Shenzhen est loin d’être sans identité. Il réside, cependant, un conflit identitaire entre le passé de la ville et la nouvelle image de la ville. Nous avons évoqué que le gouvernement n’a aucun pouvoir sur l’identité
L’immigration continue depuis 30 ans est certainement l’une des illustrations les plus évidentes de l’appropriation urbaine, tant elle met en tension identité et altérité, et renvoie à la délicate question du « vivre ensemble ». C. Mata
La ville de Shenzhen est, en un sens, unique par son absence d’histoire. La ville sans passé, construite sur des terrains agricoles, a connu une croissance exceptionnelle depuis sa création. Comment expliquer que cette ville, figurant comme le modèle de l’explosion urbaine chinoise, qui fait partie des innombrables villes nouvelles de la fin du 20e siècle, a elle su se différencier ?
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Ribeiro souligne combien l’écriture migrante « enregistre les différentes étapes du processus de rapprochement de la ville d’accueil, du moment de la première rencontre au successif apprivoisement de la ville. Des sentiments tels que la séduction ou le rejet, des représentations préalables, le poids de la mémoire du pays d’origine ou le regard vers l’avenir inhérent aux “horizons d’attentes” déterminent un mouvement et un rythme spécifiques dans le processus personnel d’intégration et d’identification avec la ville ». 12
Shenzhen est l’eldorado des ruraux en quête de richesse. Ce phénomène de migration est donc accru de jour en jour et l’identité de la ville se forge au gré des nouvelles populations. Ces populations viennent à Shenzhen, s’y installent, s’y plaisent ou non, restent ou repartent. Le phénomène est plutôt aléatoire, car il existe un fort attachement à la terre d’origine en Chine et un devoir familiale très fort. Cette solidarité envers la famille, pousse les enfants à venir s’enrichir en ville et revenir auprès de leurs parents afin de subvenir à leur besoin dans le futur. Aujourd’hui, les aïeux peuvent rejoindre leur enfant à Shenzhen depuis l’ouverture du territoire en 2009, mais faut-il encore que ceux-ci se sentent à l’aise et s’approprient leur nouveau territoire. De plus, le prix de l’immobilier ne permet pas à tous de rester en subvenant au besoin de leur famille. La création d’une identité forte est importante pour le processus d’appropriation par ces habitants. Il ne s’agit pas de la volonté des habitants, de rester, mais aussi leur capacité à se loger, se nourrir... Effectivement, pour attirer de nouveaux financeurs ou investisseurs dans l’immobilier, il faut aussi que la population veuille vivre à Shenzhen et s’y sente à l’aise pour y rester, mais cela passe aussi par une offre de logement de toutes les gammes de prix. Dans le prochain et dernier chapitre, nous allons effectivement voir comment ces migrants en situation irrégulière ou aux faibles revenues subviennent à leur besoin et subsiste à Shenzhen afin de promouvoir une main d’œuvre peu chère et disponible à proximité. Pour 12
BAUTES Nicolas, GUIU Claire, « Cheminements autour de l’identité urbaine » La France en ville, Editions Atlande (Ed.) (2010) 9p.
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se créer une place dans la ville marketing, les habitants de Shenzhen se constituent en communauté et développent leur propre appartenance à leur territoire.
Chapitre III/
Un avenir pour SHENZHEN 深圳 forgé par l’identité urbaine et une construction durable ?
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Les répercussions du poids du gouvernement et des promoteurs ne se résument pas à l’entorse des principes du développement durable, mais aussi à l’uniformisation des cités. Les villes chinoises tendent à être de plus en plus des villes génériques. On expliquera ces nouvelles cités par la disparition des singularités de chaque ville, une extension indéfinie d’espaces toujours semblables et homogènes ainsi que l’avènement d’une architecture fade et lisse. Pourtant de nombreuses études expliquent que les villes chinoises gardent pour autant une identité forte malgré une occidentalisation des espaces. La ville de Shenzhen se situe au cœur de ce paradoxe. On parle d’une ville nouvelle qui n’a pas, ou peu, d’histoire. Seulement les populations migrantes de Shenzhen apportent chacune leur culture en provenance de toutes les provinces chinoises. Ces cultures sont très éloignées les unes des autres, mais participent à ce qu’est la Chine aujourd’hui. Shenzhen est une ville nouvelle, la ville la plus occidentale de Chine avec sa figure moderne et son esprit d’ouverture vers le monde extérieur. Cela veut-il dire qu’elle s’éloigne de sa culture chinoise ou alors ce melting pot chinois renforce-t-il au contraire la culture sinisée de la ville ? Cette question d’identité est effectivement au centre du débat pour la ville de Shenzhen, avant tout pour permettre une meilleure image à la ville, mais aussi afin de mettre en avant une culture propre. Nous allons voir la concrétisation de Shenzhen dans ce contexte de mondialisation. Deux modèles se confrontent, l’un est plus moderne représenté par les figures du centre commercial et du condominium et l’autre est plus traditionnel s’accrochant à une multiculture chinoise que l’on retrouve dans la figure du village urbain. Nous allons donc exposer ces deux modèles dans ce dernier chapitre. Nous reviendrons, dans un premier temps, sur un projet mené dans le cadre du stage chez UPDIS afin d’introduire le concept de « frontière urbaine ». Ces frontières urbaines se trouvent être une entrave au développement durable de la ville, mais au contraire renforcent l’esprit de cohésion au sein des entités urbaines qui forment Shenzhen, ce que nous développerons en conclusion du chapitre.
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3.1/ LES FRONTIÈRES URBAINES AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE L’étude de l’identité urbaine et de l’image de la ville résulte d’une réflexion pendant le stage mené durant quatre mois chez UPDIS à Shenzhen. Un des principaux projets menés dans le cadre de ce stage s’intéressa aux frontières urbaines au sein de la ville de Shenzhen. Ce projet repositionna notre questionnement au sujet de l’image et de l’identité de la ville, car il permit de se rendre compte spatialement des représentations identitaires de Shenzhen. Nous allons donc voir ici le cheminement de notre démarche de recherche et présenter les territoires d’analyse. Cette recherche n’a pu aboutir, mais constitue le point de départ d’une étude qui sera prolongé avant la fin de l’année 2013. La première phase d’analyse du projet nous permet de pousser notre analyse sur le développement durable à Shenzhen. 3.1.1/ Processus de recherche Le projet de recherche réalisé lors du stage est un projet d’analyse des frontières urbaines dans un quartier précis de Shenzhen. Cette étude rentre dans le cadre de la biennale d’architecture et urbanisme, organisée tous les deux ans, en collaboration entre les villes de Hong Kong et Shenzhen. Généralement, cet événement se déroule à Shenzhen. La biennale atteste de l’entente entre les deux villes frontalières contrairement aux dualismes économiques qui peuvent toujours persister. La biennale 2013, qui aura lieu en décembre, est sur le thème des frontières afin justement de casser les préjugés sur les dualités entre Hong Kong et Shenzhen, mais aussi pour montrer que chaque ville présente des frontières en leur sein. Voulant participer à l’événement, UPDIS a constitué une équipe afin de se concentrer sur le sujet et se l’approprier dans une thématique liée
au métier de l’urbanisme.
et des frontières urbaines ».
Nous nous sommes avant toute chose posé la question « qu’est-ce que une frontière ? ». Parle-t-on de frontières physiques ? De barrières ? De frontières mentales ? … À vrai dire pour répondre à la question nous avons envisagé plusieurs possibilités pour répondre à la question. Nous avons donc proposé 6 thématiques :
L’analyse des formes urbaines permet de se concentrer sur frontières urbaines physiques. Notre étude permet de comprendre le sentiment d’appartenance de la population à son propre quartier. Établir une typologie des morphologies urbaines et des frontières, nous questionne sur la durabilité des formes urbaines en question. Cette étude nous interroge sur l’image de la ville, car les différentes morphologies urbaines observées présentent une facette de l’image de la ville et un aspect de l’identité urbaine.
— Transformation active : déplacement des barrières avec le renouvellement urbain ? — Structure urbaine et frontières physiques — Les parcs à thème et les espaces de loisirs à Shenzhen : d’immenses parcs clôturés au cœur de la ville — Frontières entre les espaces naturels et les espaces urbains — Les frontières sensibles ou mentales : entrave pour l’accessibilité ? — Shenzhen et l’extérieur : le rôle des frontières urbaines et des checkpoints Pour finalement se rendre compte que beaucoup des thématiques se recoupaient. Nous avons donc développé plus en profondeur la thématique des frontières urbaines physiques dans des quartiers cibles présentant des morphologies urbaines très variées et la thématique autour des checkpoints de Shenzhen. Comme nous l’avons vu dans le premier chapitre, la ZES était entourée d’une frontière bien définie avec une douzaine de points d’entrées que l’on appelle checkpoint. Ceux-ci permettaient de réguler le nombre de migrants dans la ville et ainsi la démographie. La frontière a été supprimée en 2009, mais les checkpoints sont toujours présents. Notre questionnement se positionnait sur la transition urbaine dans ces espaces de changement, de l’espace transfrontalier à l’unité urbaine. Nous avions commencé à élaborer quelques cartes de l’analyse, mais le travail révèle particulièrement d’une analyse politique en parallèle de l’analyse spatiale. Ce sujet étant encore délicat aujourd’hui, nous avons finalement décidé de nous concentrer sur le premier sujet « analyse des formes urbaines
3.1.2/ Le principe de proximité dans la création d’entités urbaines Afin de définir des zones d’étude, nous nous sommes posé la question de la proximité, afin de pouvoir identifier des espaces proches comprenant des barrières physiques internes aux quartiers. Cette étude permettra alors de se rendre compte de l’influence des frontières urbaines sur le sentiment d’appartenance des habitants. D’après la définition du dictionnaire, on parle de proximité pour un compromis non formel entre différents acteurs. La définition d’Olivier Bouba-Olga et Michel Grossetti dans « Socioéconomie de proximité » distingue deux types de proximité : — La proximité spatiale : Ou proximité géographique qui se réfère à une distance définie selon des référentiels spatiaux. — La proximité organisationnelle : Elle se base sur une logique similaire sauf que le référentiel est défini par des acteurs ayant la même notion d’appartenance. Il peut s’agir d’un référentiel administratif, social ou communautaire… Cette distance se réfère aux sentiments. La proximité peut alors se calculer par la distance, le temps de transport,
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le cout de transport et le cout des communications. Le calcul se fait selon l’idée que l’on se fait du « proche ». Proche peut être la distance que l’on peut parcourir en un jour ou son quartier, sa ville, sa région… La proximité est à la base du fondement du lien social. C’est la rencontre qui rend possible le lien social et cette rencontre se fait dans un cercle de proximité. Afin d’analyser les frontières urbaines à Shenzhen, nous avons choisi deux référentiels impliquant cette notion de proximité. L’intérêt est en effet de se rendre compte de l’influence des frontières physiques dans la vie quotidienne d’un habitant, notamment à l’échelle de son quartier. Ceci dans le but de redéfinir l’échelle du développement durable : comment permettre à la ville de Shenzhen de devenir soutenable à toutes les échelles de planification ? L’échelle du district par exemple ne rapportait pas à la notion d’appartenance, il s’agit en effet d’une représentation administrative du territoire. Nous avons donc essayé de trouver une échelle de la proximité, nous référant aux liens de causalité et aux sentiments d’appartenance de la population. Nous parlons alors d’entités urbaines. Le terme représente un espace homogène dans son organisation. Il peut s’agir d’un espace multifonctionnel et multisocial, son homogénéité sera définie selon les critères esthétiques, sensibles, la relation à la centralité ou à l’autorité, la norme sociale, l’atmosphère, les activités… Une entité urbaine peut donc être une rue, un block, un arrondissement, une commune… ou alors ne pas correspondre à une entité administrative. La production de différentes entités n’est pas forcement créateur d’une segmentation. Ces différents morceaux du territoire, alors créés, sont des pièces d’un canevas composé de plusieurs figures créant une diversité urbaine13. En un sens, les entités urbaines sont séparées par des frontières, mais elles fonctionnent toutes ensemble. Ce sentiment d’appartenance et la notion d’entité urbaine se rapportent au domaine du sensible donc participent à l’identité de la ville. 13
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Rosemarie Huhn et Alain Morel, « Le territoire urbain »
Dans la ville chinoise, une entité urbaine se réfère à la notion d’harmonie. Il s’agit d’un principe ancien basé sur le taoïsme. Harmonie signifie équilibre et cohérence dans l’entièreté des espaces observés. Le gouvernement chinois incite à la création de villes harmonieuses selon les principes du Feng Shui风水. 3.1.3/ Les territoires d’analyse : concrétisation de la théorie de la proximité : Le sujet se concentre sur les barrières physiques que l’on peut trouver dans des quartiers types de Shenzhen où différentes morphologies urbaines cohabitent. Notre choix s’est donc posé sur deux entités urbaines du centre gravitant autour de deux villages urbains. Nous avons choisi ces entités d’étude selon notre précognition sur l’appartenance des habitants à cette propre entité. Par exemple, Baishizhou (un village urbain), Holiday Plaza (un centre commercial) et les condominiums environnants sont différents par leur fonction, mais leur proximité leur permet de fonctionner ensemble. D’ailleurs, les différents espaces gravitent tous autour du village urbain (城中村chengzhongcun) de Baishizhou. Les zones d’études choisies nous semblent présenter de nombreuses frontières urbaines ou barrières intérieures. Notre pressentiment se base sur notre observation. La diversité de morphologies présente dans l’entité urbaine, pousse à croire que de nombreuses frontières sont présentes. L’intérêt de la recherche est alors de comprendre l’appartenance des habitants à leur quartier, afin de savoir si les frontières physiques identifiées ont une influence sur le sentiment d’appartenance de la population. Les deux entités choisies sont Gangxia 会展中心 dans le district de Futian et Baishizhou白石洲 à la limite entre Futian et Nanshan. Le choix de ces deux sites n’est pas anodin. Le quartier de Gangxia était en
pleine reconversion les 5 dernières années et le village urbain a été amputé pour se retrouver enclavé dans le nouveau CBD (civic center, exhibition center…) il sert donc d’exemple de reconversion des villages urbains à Shenzhen.14 Baishizhou a été choisi, car c’est un village urbain connu et influant dans son quartier. Par ailleurs, l’échelle d’observation nous a semblé idéale pour identifier les rapports de proximité. Les différentes morphologies sont proches en terme de distance, mais les espaces sont éloignés par les barrières dressées entre eux.
dénombrer la population flottante en Chine et la majorité des habitants du village sont migrants. Par ailleurs, la position d’UPDIS, en matière de renouvellement urbain, nous a placés comme des « destructeurs » de village urbains. Les personnes que nous avons rencontrées s’adressaient à nous comme avec une certaine réserve, leurs informations étaient censurées. Nous avons subi un regard « négligent » de certains acteurs professionnels face à leur incompréhension sur le projet de recherche. La barrière de la langue fut aussi un handicap majeur.
Les frontières urbaines, que l’on identifie dans les quartiers, apparaissent sous forme de :
Les résultats, ici présentés, sont l’aboutissement de la phase analytique et d’une première réflexion sur les territoires en question. Notre premier résultat nous a permis de présenter le village urbain comme un modèle durable. Nous reviendrons sur son modèle dans une prochaine partie.
— — — —
murs et clôtures larges avenues culs-de-sac bâtiments imposants
Aujourd’hui, l’avenir du quartier de Futian est déjà engagé : la destruction du village urbain de Ganxia a d’ailleurs déjà commencé. L’intérêt du projet était aussi d’appuyer l’importance des villages urbains pour permettre aux populations de rester dans leur quartier. L’exemple de Ganxia est un référentiel qui expose comment le gouvernement procède lors de renouvellement urbain dans des quartiers environnants aux villages urbains. De plus, cette étude permet aussi d’évaluer si les frontières urbaines sont une entrave au développement durable dans la ville de Shenzhen. Avoir deux modèles d’étude (l’un renouveler et l’autre non) permet de se rendre compte de l’impact du renouvellement sur le développement durable. Ce travail fut difficile à entreprendre, car nous avons eu une grande difficulté à accéder aux données. D’abord chiffrées, car il est difficile de 14
Voir figures 53, 54 et 55 p74
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entités urbaines sélectionnées pour le projet
Baishizhou
Civic center
Portofino Gangxia
Baishizhou Happy Valley
Cocopark
Link city
Exhibition center Échelle : 1/18 000
Window of the world Échelle : 1/13 500.
Baishizhou 白石洲
Hol
iday
Gangxia 会展中心 Plaz
a
Figure 42 : entité Baishizhou
L’entité urbaine a été choisie pour son emplacement privilégié entre Window of the world au Sud et Happy Vally à l’Est. Par ailleurs, le village urbain de Baishizhou est le plus connu à Shenzhen. C’est l’un des plus grands villages urbains encore présents en centre-ville. Il est intéressant de noter la diversité des morphologies présentes dans l’entité urbaine. De nombreuses frontières sont présentes, car le village est entouré de « gated communities » et de la plus grande avenue de Shenzhen : Shennan Lu.
Figure 43 : Entité Gangxia
Le quartier de Gangxia se trouve dans le centre des affaires de Futian, au cœur de Shenzhen. La pression foncière est telle que le village urbain a été racheté par des promoteurs. Aujourd’hui, il ne reste plus qu’une partie du village qui est amené à disparaitre pour construire des immeubles à haut standing. Gangxia se trouve entourer par de hauts bâtiments qui enclave le village urbain. Cette entité a été choisie, car elle montre les transformations entreprises par les promoteurs dans un projet gouvernemental de valorisation de l’image. L’entité présente de nombreuses frontières physiques par les différentes morphologies, mais aussi par les infrastructures imposantes.
Village urbain Centre commercial
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Condominium
Baishizhou
Gangxia
Figure 44 : Carte situation Baishizhou et Gangxia
Village urbain — forte densité* — petites parcelles — hauteur : environ 15 mètres
— rues sinueuses — beaucoup de culsde-sac — maillage irrégulier
125 m
Condominium — formes régulières et répétées — densité moyenne — la hauteur varie selon le standing du condominium
— tracé régulé — nombreux culs-desac — voirie privée — espace non traversant
324 m
Centre commercial — formes architecturales variées — grands bâtiments — pas de hauteur prédéfinie
— Larges avenues — pas de rues traversant les centres commerciaux
* exemple : Baishizhou : 18 900 habitants/km² et Shenzhen : 7500 habitants/km²
Morphologies
Figure 46 : Schéma des différentes formes urbaines
268 m
Figure 45 : coupe différentes morphologies
Voiries
Les frontières urbaines
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Figures 47, 48, 49 : frontières urbaines
3.2/ OPPOSITION ET COHABITATION DE DEUX MODÈLES URBAINS : CONFRONTATION ENTRE IMAGE ET IDENTITÉ DE LA VILLE La précédente étude nous a permis de confronter trois formes urbaines qui se sont distinguées par leurs fonctions, mais participe à la même entité urbaine. Cette opposition nous montre spatialement comment l’Image de la ville peut entrer en conflit avec l’identité urbaine. Le modèle des centres commerciaux accouplés avec le modèle des condominiums représentent l’Image de la ville, car ils résultent tous deux d’une volonté gouvernementale de profit et d’amélioration de l’image de Shenzhen. Le modèle du village urbain, qui est peuplé en majeur parti par des immigrés, développe une autre facette de la ville. C’est la participation des immigrés à la communauté qui renforce l’identité urbaine. Le modèle du village urbain représente donc l’identité urbaine. La partie présente nous montre donc l’opposition entre ces modèles. 3.2.1/ centres commerciaux et condominium, des limites entre espaces privés et publics ? En premier lieu, nous allons voir le modèle des condominiums associés au modèle des centres commerciaux. Ce sont des espaces créés par les promoteurs privés, car ils permettent un profit immédiat. Le gouvernement appuie la création de centre commercial et condominiums, car ces deux formes urbaines participent à la création d’une image positive pour Shenzhen. Ils sont donc la résultante directe de l’accroissement
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économique de la ville. Ils sont l’expression de l’image de la ville que le gouvernement a développée. Une image urbaine resplendissante, pour l’image positive d’un Shenzhen riche et neuf. Ce modèle est promu par le gouvernement, mais avant tout par les promoteurs. Nous observerons dans notre analyse que la construction de ces espaces pousse à l’uniformisation urbaine. Le condominium selon le modèle américain de la gated community et le centre commercial selon le modèle du shopping mall sont des formes urbaines généralisées au monde entier. Ils se basent sur le mode de développement américain qui, par leur puissance économique, « impose » leur modèle de réussite au monde entier. Le condominium : Le secteur résidentiel est l’emblème de l’ouverture au secteur privé, il est devenu, au côté du grand centre commercial et du parc à thème, le symbole du nouvel urbanisme en forme de damier. L’apparition de ces secteurs résidentiels, enclos et gardés, est l’un des traits les plus marquants de la reconfiguration spatiale à l’œuvre depuis les premières réformes du droit de propriété lancées par Deng Xiaoping, au début des années 80. Le changement de propriétés a ouvert un marché immobilier florissant. Depuis, la construction des secteurs résidentiels relève principalement de promoteurs qui ciblent et investissent à la hauteur du produit. Il est donc indéniable que Shenzhen est parsemé de ces condominiums. « Les secteurs résidentiels se caractérisent par une entrée unique (3 maximum), des rues intérieures courbes, des culs-de-sac, une signalétique interne, une clôture d’enceinte, un portail d’entrée des gardes, une population homogène et une association de propriétaire ou de résidents. » 15 Il s’agit de quartiers non traversants. Ils sont réservés aux résidents, qui sont les seuls à pouvoir pénétrer l’enceinte du quartier. À Pékin ou Shanghai, on remarque l’implantation de ces espaces en 15
P.-E. Becherand : plongeon dans les banlieues résidentielles chinoises, l’invention de gated community à la chinoises
périphérie. L’exemple de Shenzhen est différent sur ce point. La ville est nouvelle et puise ses fondements directement dans ces formes urbaines contemporaines. On retrouve donc les quartiers des centresville fractionnés. Le sociologue Jean-Louis Rocca appelle ce phénomène « la banalisation de la Chine et la fin de l’exception chinoise ». Il s’agit là d’une « homogénéisation mondiale des formes résidentielles, faite d’environnements importés toujours plus sécurisée et d’une privatisation bientôt totale des expériences urbaines » 15 L’apparition de forme urbaine telle que le condominium fermé en Chine a pu s’observer depuis les trente dernières années, mais ce modèle urbain n’est pourtant pas très éloigné du principe ancien consistant à clôturer les espaces urbains. La ville chinoise est par définition la ville fractale selon un schéma en damier. Il va sans dire que le modèle des condominiums est récent et provient d’Amérique, mais il reprend des principes forts du modèle urbain chinois. On peut voir dans cette fragmentation de l’espace urbain les symptômes de l’évolution de la ville contemporaine chinoise vers plus d’individualité, selon le mode de vie occidentale. Ces condominiums nous paraissent comme des lieux de ségrégation et discontinuité. Mais la frontière entre l’espace résidentielle et le reste de la ville fait partie des fondements de la ville chinoise. Le mur à un rôle fondateur dans l’identité de la cité chinoise pour la défense et le commerce. Effectivement, la ville avait été initialement construire selon un dispositif de contrôle du territoire. Il ne s’agit pas de se protéger contre les menaces extérieures, mais d’exercer un contrôle des populations intérieures. Il existait une sorte de surveillance réciproque entre les habitants que l’on peut prendre comme une certaine solidarité. La clôture, que nous retrouvons aujourd’hui autour des condominiums, fait donc partie intégrante de la définition de la ville. Le secteur résidentiel actuel ne fait que reprendre ce principe ancestral. De plus en 1994, une réglementation imposa aux quartiers résidentiels des clôtures afin de promouvoir une organisation cellulaire de l’espace urbain. « Les enclaves
résidentielles sont donc perçues comme un “outil” urbain efficace, capable de remplacer nombre de fonctions naguère prises en charge par les unités de travail Danwei, en divisant pour mieux régner. » 1 Il s’agit donc bien en soi d’un contrôle intérieur et non une protection envers les menaces extérieures. Cette volonté de contrôle des populations a donc créé des espaces clôturés. Ce modèle promulgue une sorte de ségrégation sociale et communautaire. Le condominium selon son « luxe » représente un niveau de réussite si on y habite. Tout le monde ne peut accéder à ces espaces et tout le monde ne peut pas y vivre. D’un point de vue d’urbanisme, Christian de Portzamparc, décrit le condominium asiatique comme un modèle urbain non mutable et non traversant. Sa forme empêche la circulation d’un point A à un point B. Il est alors difficile de le reconvertir, mais aussi de le contourner. Il s’agit là d’espace de grande taille créant de grandes enclaves dans tout le territoire de Shenzhen. Afin de traverser son propre quartier, les distances peuvent alors être triplées si nous devons donc contourner le condominium. Ce modèle est donc une entrave au développement durable d’un point de vue social et environnemental. Le centre commercial : L’expression « centre commercial » que nous allons utiliser se réfère au terme américain de shopping mall. Il s’agit d’un complexe abritant plusieurs fonctions commerciales telles que commerces de mode, alimentaire, multimédia… mais aussi des restaurants, lieux de loisir tels que des cinémas, salles de jeux, patinoire, salle de sport… Ces espaces de consommations se trouvent en périphérie. Leur création date des années 70 en France et des années 50 aux États-Unis, période où la voiture prenait toute son importance dans le mode de vie de la population. David Mangin dans son ouvrage sur la ville franchisée nous explique que le développement des périphéries n’est pas indissociable de la création de
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Centres commerciaux à Shenzhen Futian district
Luohu district
Nanshan district
Figure 50 : KKMALL
Figure 51 : Cocopark
Figure 52 : Holiday Plaza
Figure 53 : MIXC
figure 54 : linkcity
Figure 55 : coastal city Source figures : http://map.baidu.com/
Ces centres commerciaux se trouvent dans les quartiers centraux des districts. Ils ont été construits lors d’opération de renouvellement urbain afin de garantir un bénéfice au promoteur, mais aussi pour attirer un grand nombre de consommateurs dans ces nouveaux espaces révélateurs de la nouvelle image de Shenzhen. On remarque que les centres commerciaux les plus récents (cocopark, coastal city) privilégient plus l’aspect extérieur du centre commercial. L’image de la ville passe aussi par son esthétique. Link city n’est pas bien identifiable, car il s’agit d’un centre commercial entièrement souterrain faisant le lien entre deux centres commerciaux cocopark et galaxy mall il rejoint aussi deux stations de métro. Le centre commercial KKmall fut l’une des opérations les plus chères de Shenzhen. Les espaces de commerces se trouvent au pied des bâtiments. KKmall est au pied de la plus haute tour de la ville (Kingkey 100, une tour de 441,8 mètres et 100 étages), nouveau symbole pour Shenzhen, les commerces y sont donc très luxueux.
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Figure 56 : principaux centres commerciaux de Shenzhen
voies rapides et échangeurs routiers. Les grandes marques ont vu, dans le foncier disponible à moindre coup et l’accessibilité de ces espaces périphériques, une aubaine et décidèrent d’implanter leurs enseignes loin des centres-ville chers et difficiles d’accès pour les automobilistes. L’ère de l’automobile est arrivée en Chine dans les années 80 avec l’ouverture du marché économique. C’est dès lors que les périphéries urbaines ont commencé à se développer. Les premiers centres commerciaux sont alors construits. Le cas de Shenzhen est particulier, car la ville s’est construite grâce à l’automobile. De nombreuses entreprises automobiles y sont d’ailleurs implantées telles que PSA Peugeot Citroën. Les centres-ville se sont donc construits selon ce modèle avec de larges avenues et des bâtiments éloignés de la chaussé. Il y a donc le modèle du centre commercial dans les centresville, tout comme des condominiums qui coupent le passage dans les centres urbains. Une autre particularité de Shenzhen est le métro qui relie souvent les centres commerciaux entre eux. À partir du métro, il est possible d’accéder aux galeries commerçantes sans même mettre le pied dehors. Le métro fut d’ailleurs construit avec les centres commerciaux. Il a été construit en premier lieu pour que la main d’œuvre vienne travailler dans les centres commerciaux. Le centre commercial est donc une invention américaine tout comme Disneyland. Ces deux espaces de consommation ne sont pas éloignés dans leur fonction. Il s’agit de concentrer dans un même lieu, loisirs, consommation, restauration pour le meilleur confort du client venue passer son temps libre. Donc tout comme Disneyland, le mall est l’expression même de la ville spectacle. Il n’est pas non plus rare d’y voir des défilés de mode, ou spectacles pour enfant. Le centre commercial devient alors le lieu de tous les événements urbains du moins dans l’idée des consommateurs en Chine. D’après le sociologue JeanLouis Rocca, l’avènement de l’économie et du temps libre dans le travail changent le comportement des nouvelles générations. La consommation et les modes d’occupation ne sont donc pas distincts.
Les centres commerciaux sont des complexes de grandes tailles construits selon le principe des rues commerçantes des centres urbains européens. Effectivement, le métabolisme des magasins s’adapte de plus en plus au métabolisme des villes. Il s’agit recréer une ambiance urbaine au sein d’un même bâtiment, en ajoutant des subterfuges jugés utile au confort du consommateur. On ne dénombre plus les centres commerciaux de Shenzhen. Par ailleurs, il est prévu que 90 nouveaux centres commerciaux soient construits d’ici 2020, d’après les données du groupe d’architectes Urbanus. La construction des nombreux centres commerciaux de la ville est la conséquence directe de chaque opération de renouvellement urbain à Shenzhen. Bâtir un centre commercial et des condominiums est un moyen pour le développeur de s’assurer un profit immédiat dans son opération immobilière. Les appartements à vendre dans les condominiums sont chers et les bénéfices commerciaux amenés par les franchises des grands magasins rapportent gros. Le métro a d’ailleurs été construit lors de ces opérations de renouvellement urbain, ce qui a permis de directement lier les espaces de consommation aux nouveaux transports. Rem Koolhaas dans son ouvrage « Harvard Design School guide to Shopping » ne parle pas en mal du shopping mall. Pourtant il appuie que ces espaces sont un des symboles de la ville générique et qu’il incite à la perte de créativité dans ces espaces urbains. Effectivement, le centre commercial pousse à l’homogénéisation des formes de commerce. Le centre commercial est un lieu aseptisé. L’éclairage est factice, l’air est doux et le commerce formate l’environnement. Les subterfuges tels que la climatisation ou le chauffage, les escaliers roulants, intimident et perturbent le consommateur qui se retrouve dans le temple de l’achat. Le cheminement prévu pour le client lui donne la possibilité de se déplacer sans même réfléchir. Il n’y a donc aucune place pour l’imagination
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et la création dans un centre commercial. De plus, ce nouveau modèle de commerce tue toute autre forme de commerce. Il y a répercussion sur la ville et les rues commerçantes urbaine. Les centres commerciaux regroupent toutes les fonctions urbaines, cela veutil dire que la reproduction de ce modèle pousse à la mort de la ville ? Nous ne pouvons anticiper l’avenir du centre commercial, mais son avènement pourrait pousser à la perte de créativité urbaine. Effectivement, les centres commerciaux privilégient la standardisation, par leur architecture, les franchises commerciales… Le mall transforme le consommateur à son seul statut de client. Il n’y a pas de place pour l’imaginaire dans un centre commercial. Cette standardisation des espaces anéantit la créativité. À Shenzhen, notre étude de cas porte sur le centre commercial Holiday Plaza. Celui-ci se trouve dans le quartier des parcs à thème, l’univers de ce centre commercial est donc spectaculaire, mais surtout générique. Pourtant non loin de là, se trouve Baishizhou, un des villages urbains les plus fréquentés et les plus connus de Shenzhen. Cette étude de cas nous permet de comparer les deux modèles, mais aussi d’observer les frontières qui persistent entre les condominiums, le centre commercial et le village urbain. 3.2.2/ Le village urbain, l’expression de l’identité urbaine de Shenzhen ? Village urbain, 城中村chengzhongcun « Village urbain » est le terme pour designer des parties de ville vivant en autarcie et bénéficiant de leur propre gouvernement déconnecté de la politique de la ville où ils se trouvent. Pourtant ces « villages » n’ont jamais été ruraux. On explique cette situation à l’histoire de la ville. On parle aussi dans les écrits de village dans la ville (« Village In the City » : VIC), mais nous garderons le terme de village urbain lors de notre exposé. L’explication suivante vaut pour les villages urbains dans toutes les villes de Chine, mais plus particulièrement de Shenzhen, car la ville fut construite
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sur d’anciens villages de pêcheur. Les autres villes chinoises, qui ne sont pas des villes nouvelles, construisent leur histoire depuis plusieurs siècles. Ces villes renferment en leur sein des villages urbains, mais en périphérie. À Shenzhen, les villages urbains sont une réalité du centre-ville. Avant les années 1980, le foncier était géré par les fermiers tout en étant la propriété du gouvernement. Afin d’ouvrir le marché à des entreprises privées, le gouvernement a transformé le droit de gestion du foncier et permis aux entreprises d’exploiter le foncier urbain. En contrepartie, le gouvernement offrit la permission aux paysans de louer leurs terres. C’est ainsi que le statut du foncier agricole a été changé en foncier industriel ou résidentiel. Cette réforme permettait alors de favoriser le « trafic » de terrain. Les fermiers, qui étaient, jusqu’alors, les seuls gestionnaires de leur parcelle, ont dû s’organiser en collectif de villageois. Effectivement, le droit d’usage du sol par les fermiers fut collectivisé, car seulement des entreprises étaient autorisées à gérer ces « nouvelles » parcelles. L’organisation au sein du collectif était d’abord issue d’une action spontanée, mais elle a été formalisée et transformée en « gouvernement villageois autogéré ». La valeur des terrains a été évaluée et ceux-ci ont été divisés en parcelles. La gestion de ces parcelles est organisée sous forme d’actionnariat. Après cela, les parcelles agricoles ont été louées à des fins industrielles16. Les villageois pouvaient alors profiter de l’industrialisation grâce à leur action dans le collectif de villageois. En 1992, le gouvernement voulait prendre part plus pleinement au marché en pleine croissance. Le droit du sol a été donc réformé et le gouvernement a récupéré l’exploitation des terres industrielles. Cette nouvelle réforme a amputé les villageois de leur nouvelle source de revenus. Ceux-ci avaient déjà été privés de leurs terres agricoles et par la même occasion de leur gagne-pain. Pour cette raison, le gouvernement a pris la décision administrative de laisser certaines parcelles aux villageois. Les villageois 16
John Zacharias, Yue Hu and Quan Le Huang « morphology and spacial dynamics of urban Villages in Guangzhou’s CBD »
centres commerciaux
condominiums
Figure 57 : Coastal city, figure 58 : MixC, figure 59 : Cocopark, figure 60 : Holiday Plaza
figures 61, 62, 63 : Condominiums Shenzhen
ont reçu une compensation financière pour le transfert de l’exploitation des parcelles et ils ont eu la possibilité de construire leur propre maison. Ce droit de propriété était à nouveau géré par la coopérative afin de construire leurs nouveaux logements. Les propriétaires sont ceux que l’on appelle aujourd’hui les villageois et les quartiers qu’ils ont construit sur leur parcelle les villages urbains. La construction des bâtiments était tout de même régulée et devait suivre les règles suivantes : — la limite a été établie d’après la hauteur d’une maison individuelle standard. Les maisons construites devaient ne pas dépasser 3 étages et la surface au sol ne devait pas excéder 40 mètres carrés par personne logeant dans la maison. — la construction autorisée sur une parcelle ne doit pas dépasser la surface projetée de la plus grande partie de l’immeuble sur le terrain, c’est-à-dire qu’une construction de 40 m² de surface au sol devra se trouver sur une parcelle de 80 m². 17 Au regard de l’enrichissement des compagnies industrielles environnantes, les villageois ont voulu à leur tour bénéficier d’un revenu grâce à leur parcelle. Ils ont alors construit des extensions de leur habitat pour y loger des locataires. Ces extensions constituent la forme urbaine du village que nous pouvons observer aujourd’hui. Elles ne sont pas légales et ne respectent pas les normes de construction établie par le gouvernement. Les bâtiments font une quinzaine de mètres de hauteur, la fabrique urbaine est serrée, les passages piétons inexistants et peu de voitures peuvent pénétrer le quartier, car les rues sont sinueuses. Seules quelques artères principales ont été choisies par le comité villageois et sont accessibles à tous les moyens de locomotion. Ces rues plus larges abritent des commerces de proximité, étales de rues, restaurants… excepté ces rues animées, il est rare de trouver des espaces publics au sein des villages urbains. 17
YA PING WANG, YANGLIN WANG and JIANSHENG WU dans «Urbanization and Informal Development in China: Urban Villages in Shenzhen »
Laurence Roulleau-Berger traduit la forme du village urbain comme une enclave dans la ville. « Les villages urbains, formes urbaines spécifiques aux villes chinoises, sont construits selon le processus d’urbanisation où le village fut intégré à la ville comme une enclave à Canton et Shenzhen ». Effectivement, les villages urbains sont autogérés par le comité de villageois. Chaque espace public ou rue interne au village est donc géré par le comité. Le VIC se trouve alors déconnecté du système de transport en commun de la ville, du système de voirie… ils sont donc des enclaves urbaines. Comme les habitations ne sont pas légales et ne respectent aucune norme de construction. Les villageois ne peuvent donc que loger des travailleurs illégaux : les migrants ruraux. Les Migrants et les villageois dans les villages urbains Pour reprendre notre propos, les migrants arrivent à Shenzhen et trouvent un pied à terre dans les villages urbains. Cette situation est pour eux temporaire. Ils sont en quête de richesse et le village urbain est comme une étape obligatoire dans l’ascension sociale. Les migrants regardent avec envie les condominiums qui les entourent, sans pour autant jalouser leurs habitants. Un jour, ce seront eux les habitants de ces complexes urbains. Shenzhen est la ville « où tout est possible ». Chacun a déjà entendu une histoire incroyable au sujet de personnes qui, après avoir déménagé à Shenzhen, sont devenues extrêmement riches et couronnées de succès. On déménage donc à Shenzhen avec l’espoir d’un tel succès. Les migrants et les villageois ont des modes de vie très différents. Les villageois vivent de leur rente et n’ont pas le besoin de travailler. Ils vivent en communauté où tout le monde se connait. Nous pouvons les comparer à une grande famille ou, comme le nomme Laurence Roulleau-Berger, à un clan. « Les villages urbains sont définis par une communauté de vie basée sur un réseau de proximité. Les relations sociales sont basées sur des liens claniques qui poussent à l’accumulation des richesses par chacun des
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Schéma de la chronologie de construction des villages urbains 1980
1990
Fermiers villageois
Villages de fermiers entourés de champs agricoles
Fermiers villageois sans terre agricole
Construction du réseau routier. Les villages deviennent des enclaves
figure 64 : Schéma de construction des villages urbains, source : document personnel inspiré de la thèse de Zhang Yu
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1992
1995
Collectif de villageois
2000 Arrivée en masse des migrants
Réforme propriété foncière
Création de Shenzhen ZES
1979
Collectif de villageois et migrants
Le collectif de villageois décide du maillage du village. Séparation des parcelles et création de rues principales.
Extension du logement des villageois pour louer aux migrants arrivant en masse à Shenzhen + urbanisation des alentours des villages
Politique de renouvellement
Ouverture de la ZES
2010
Schéma de l’extension villages urbains :
des
À partir de la parcelle définie par le collectif, les villageois construisent leur logement conformément aux réglementations fixées par l’État. Pour loger des migrants et profiter d’un loyer, les villageois construisent des extensions à leur immeuble.
Investisseurs + collectif de villageois, départ de la population migrante
Les promoteurs achètent les villages urbains. Les migrants doivent partir et les villageois s’enrichissent.
La volonté gouvernementale de parfaire l’image de la ville pousse à la perte des villages urbains. Ce dernier schéma montre que les promoteurs après rachat des parcelles construisent de nouveaux bâtiments. L’exemple ici se base sur le renouvellement de Gangxia. La déconstruction/construction est opérée en deux phases. C’est pourquoi il reste une partie du village urbain. Le village restant est amené à disparaitre lui aussi. Figure 65 : Photo d’un village urbain de Shenzhen, source : Urbanus
Figure 66 : schéma de construction des parcelles et extension illégale du bâti, source : Zhang Yu thesis
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membres du clan. » D’un autre côté, les migrants profitent du village urbain comme d’un dortoir. Ils n’ont aucun lien avec les villageois. Ceux-ci payent juste un loyer tous les mois à leur propriétaire. Pourtant, le village urbain n’est pas seulement un dortoir. Cet espace de vie permet la création de petites productions urbaines. En effet, les villages urbains sont des interstices nés de la persistance de l’institution socialiste et du désengagement progressif du gouvernement. Les migrants utilisent leurs espaces de vie pour développer une économie parallèle comme la vente de rue, la collecte des déchets, tenir de petites échoppes. Certains d’entre eux créent même des microentreprises ou développent de petits business. « Dans les villages urbains se créée la culture de l’aléatoire. Cette culture provient des compétences collectives des migrants et a su se mettre en place au vu de la situation précaire des habitants. »18 Leslie Shieh, explique dans son ouvrage comment se sont formées ces communautés en Chine contemporaine. Les villages urbains sont l’incarnation même de la communauté. Les migrants locataires ne sont pas seulement des habitants pauvres, mais ils ont une valeur économique forte. 19 Les villageois peuvent, effectivement, profiter du loyer perçu pour leur bien grâce aux migrants, mais toute la communauté s’organise autour du travail des migrants. Ce sont eux qui fournissent tous les services. Les villageois et les migrants n’ont donc pas le même rôle dans les villages urbains, mais ils participent ensemble à la vie de ces quartiers. En effet, les villages urbains sont connus pour être les parties « vivantes » des villes chinoises. Cette vitalité provient de la vie de rue, attirant de plus en plus de personnes (touristes, voisins, passants…). Ces lieux sont connus pour être peu chers, en particulier pour la nourriture. De plus, les villages urbains abritent un marché diurne et nocturne, ce qui incite les voisins à venir faire leurs courses. Cette vie de rue est présente de jour comme de nuit. 18 19
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lages »
Laurence Roulleau-Berger « Migrant(e)s dans les villes chinoises, de l’épreuve à la résistance » Leslie Shieh, dans « constructing community in contemporary China: governance in urban vil-
Les villages urbains sont une réalité de la ville de Shenzhen, la ville ne s’en cache pas, mais ne les met pas en avant. Par ailleurs, il est dans l’intention du gouvernement de transformer ces espaces décrits comme insalubre, sale, dangereux… l’avenir des chengzhongcun est donc en jeu. Les villages urbains ont été l’alternative aux bidonvilles, mais ne sont pas voués à un avenir. Seulement les migrants arrivant en masse dans ces villes chinoises, n’ayant aucun droit et aucun argent ne pourront alors plus se loger. Il ne s’agit pas de conserver la forme urbaine ou l’architecture, qui en soi ne présentent rien d’exceptionnel, mais de promouvoir des espaces de vie abordable pour les populations démunies. Les bâtiments sont souvent insalubres, les ruelles sont sombres, délabrées et les mesures d’hygiène sont déplorables. Il faut donc revoir ces lieux de vie pour une meilleure condition humaine. Seulement, un renouvellement urbain induit une augmentation des prix et donc une exclusion de la population migrante pauvre de son lieu de vie. Il existe effectivement aujourd’hui une pression financière qui pousse le gouvernement à uniformiser son territoire. Les premiers districts concernés par la politique de renouvellement de Shenzhen sont les secteurs centraux, comme expliqués dans le premier chapitre. Le gouvernement veut en effet améliorer son image et gentrifier les quartiers centraux. Notre précédent propos montrait que Shenzhen est une figure de la ville générique. Les villages urbains sont la seule entrave à ce modèle de ville moderne et standardisé. Pourtant, les villages urbains sont des lieux de singularité, chacun d’entre eux est différent. Les habitants, qu’ils soient migrants ou villageois, participent à la communauté et à l’identité de leur quartier. Les villages urbains sont par ailleurs les lieux de la créativité. C’est cette constitution des espaces de vie en communauté qui fait du village urbain un lieu favorisant le développement personnel et donc la création. Nous avançons donc que le village urbain est un modèle durable notamment du point de vue social. La prochaine et dernière partie reprend notre raisonnement afin de comprendre les problématiques du développement durable à Shenzhen. Nous nous questionnerons sur l’avenir du village
Photos de villages urbains
Figures 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, et 76 : villages urbains de Baishizhou et Hubei
urbain, modèle en perdition dont l’avenir est instable face à la pression du gouvernement qui, pour parfaire son image, engendre la construction de nouveaux quartiers avec condominiums et centre commerciaux.
3.3/ UN MODÈLE DURABLE POUR L’AVENIR DE SHENZHEN ? La recherche avait pour but de redéfinir l’échelle du développement durable : comment permettre à la ville de Shenzhen de devenir soutenable à toutes les échelles de planification ? L’étude de l’entité urbaine a permis de se rendre compte de la notion de proximité, si cette forme urbaine est effective au regard du concept de développement durable. Dans cette partie nous essayerons de voir si l’échelle du quartier permet un développement durable efficace. Nous nous questionnerons aussi sur l’échelle de la ville afin de savoir si celle-ci peut être durable. Dans un second temps, nous reviendrons sur notre explication du village urbain. Ce modèle nous parait être le plus durable dans la ville de Shenzhen. Nous nous questionnons alors sur son avenir et la répercutions du modèle. Pour finir, sur une réflexion globale à Shenzhen, ville de la durabilité en Chine. 3.3.1/ Définition de l’Échelle de la durabilité : Lors de notre recherche, nous avons essayé de définir l’échelle de la durabilité afin de nous rendre compte de l’impact de notre entité urbaine sur le développement durable de Shenzhen ou même de la Chine. Nous voulions savoir si la superposition de quartiers durables permet de tendre vers une ville durable. Il a été, à ce propos, difficile de trouver un consensus, car les définitions d’auteur sur le sujet sont diverses et parfois contradictoires. Un quartier durable est par définition de petite échelle. Il est la représentation du développement durable à l’échelle locale. La notion de proximité prend d’ailleurs tout son sens dans un quartier durable. Le quartier peut être durable dans sa capacité à se régénérer dans le temps. Le quartier doit effectivement avoir la possibilité de répondre aux besoins de la population future.
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Les politiques urbaines de développement durable permettent de développer le concept à plusieurs échelles, notamment à l’échelle urbaine. La ville durable est une représentation plus large du développement durable. Il n’y a pas de définition officielle de ville durable ni à l’échelle internationale, européenne ou française. Une ville durable peut donc être un projet politique prenant en compte dans chaque composant de la ville le développement durable. « Ville durable » est synonyme de progrès et solidarité dans l’espace et le temps selon les trois critères suivants : — Stratégie économique pour l’usage règlementé des ressources naturelles — Stratégie visant l’équité sociale (contre la pauvreté, l’exclusion, le chômage) — L’application du principe de précaution pour éviter des choix irréversibles et réduire les risques locaux ou planétaires (effet de serre et biodiversité) D’un côté, Christian de Portzamparc explique qu’une combinaison de quartier participe à la création d’une ville durable. Pour lui, si tous les quartiers sont mutables et gérés comme des ilots, la ville sera durable. Construire la ville durable passe donc par la réflexion sur possible régénération dans le futur. La ville mutable composée de quartiers mutables est la ville durable. Le concept de la géométrie fractale reprend l’idée de la proximité et le concept de Christian de Portzamparc. Ce concept appuie que la ville doive être dense et doit se composer d’une fabrique urbaine régulière et compacte. Il implique l’idée d’un développement socio-économique à l’échelle du quartier pour tendre vers une ville durable. Notamment en favorisant le commerce de proximité. Les frontières servent donc à se retourner vers son propre quarter, consommer local…20 François Asher, lui soutient que la combinaison de quartier durable ne tend pas à la création d’une ville durable. Car le développement durable doit réunir les trois caractéristiques : sociale, économique et environnemental. Selon lui, il n’est pas toujours possible de réunir ces trois caractéristiques 20
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P. Frankhauser, « La morphologie des tissus urbains et périurbains à travers une lecture fractale »
dans un quartier. Les quartiers périphériques et les quartiers de la ville centre ne peuvent pas développer ce même rapport à la proximité. En périphérie, nous nous devons d’utiliser notre voiture et nous ne pouvons exclusivement consommer et vivre dans cet espace. Or, la population ira toujours habiter de plus en plus loin : donc l’étalement urbain sera une réalité toujours présente dans le futur. La ville ne sera donc jamais durable. Seulement un quartier est la meilleure échelle pour le développement durable notamment pour développer la problématique sociale. Le quartier est selon lui idéal pour la démocratie locale, la participation. Il est aussi plus facile de développer une économie propre à un quartier, tout comme la population d’un quartier peut interagir ensemble pour l’environnement. L’échelle du développement durable n’est donc pas la ville, mais bien le quartier. 21 La géographe Cyria Emelianoff explique qu’un « quartier durable est une initiative isolée, ou une vitrine pour une ville, indépendamment de la tendance de la ville. Ces projets sont derrière une politique multiéchelle du développement durable »22, elle pense que le développement durable ne peut pas être uniquement pensé à l’échelle du quartier. Il s’agit de développer une réflexion globale, loin du côté attractif de l’écoquartier. Le développement durable doit résulter d’une politique globale qui implique dans son raisonnement l’échelle locale. La question de l’échelle est donc importante. Il s’agit d’interagir entre les différentes échelles du développement durable : les politiques doivent impulser un développement durable qui peut se matérialiser et se territorialiser à l’échelle du quartier. Le challenge du développement durable est d’être concret à chaque échelle, afin de combiner le global et le local. Les politiques du développement durable doivent suivre les réglementations internationales et sont effectives pour l’économie, l’environnement et le social. La ville durable est la combinaison des différentes échelles, grâce à une politique du 21 22
Francois Asher, « organiser la ville hypermoderne » C. Emelianoff « ville et quartiers durables : des liens distendus ou a réinventé ? »
développement durable et une action concrète à petite échelle afin de réaliser ce que dictent les politiques. Nous appuyons l’idée du quartier comme modèle durable en pensant qu’il faut renforcer la densité urbaine afin de lutter contre l’étalement urbain. Les opérations de rénovation urbaine entreprises à Shenzhen favorisent une densification des espaces. Seulement, la valeur foncière double après chaque opération et la problématique sociale n’est pas intégrée à la réflexion. De plus, ces quartiers construits sont souvent monofonctionnels (soit résidentiel, soit commercial) ils n’appuient pas l’idée de la proximité entre les différentes fonctions. Les villages urbains, par leur modèle, sont les plus soutenables. Ils sont denses, traversants et permettent de loger des populations pauvres plus près de leur lieu de travail. Par ailleurs, les rues étroites sont à l’ombre et sont fraiches, on utilise donc moins de climatisation. Le maillage des rues permet une future reconversion. Or, un espace mutable est, d’après Christian de Portzamparc, un modèle durable. Les villages urbains sont aussi les seuls espaces où les frontières ne sont pas clairement marquées et permettent la rencontre sociale, ainsi que l’application du principe de proximité : petite échelle, fonction résidentielle, commerciale… 3.3.2/ Le village urbain : modèle durable Notre étude de Baishizhou nous questionne sur la confrontation entre le village urbain et ses voisins, les condominiums et les centres commerciaux. Il n’existe pas de confrontation économique entre les deux espaces, car les commerces des villages urbains n’ont pas le poids nécessaire pour rivaliser avec le mall à côté. Cependant, la confrontation persiste dans la problématique de durabilité de chacun des modèles. Cela nous repositionne sur la question de l’avenir de Shenzhen.
Le centre commercial ou le village urbain s’expriment tous les deux pour créer l’image de la ville. Le village urbain va donc à l’encontre de l’image propre et prospère Shenzhen. D’où la volonté du gouvernement d’effacement de la face « abimée » de la ville… Le village urbain se trouve alors dans une situation d’isolement. Le Chengzhongcun est une enclave, mais autour de lui gravite une activité économique forte. Les autres modèles urbains environnants lui tournent le dos. Cette situation est la résultante directe des volontés gouvernementales de parfaire l’image de la ville, et de construire des espaces clos. Bien que le village urbain soit le lieu de rencontre des populations externes, celui-ci est enclavé. Aujourd’hui, il est difficile de trouver un compromis. Le renouvellement urbain des villages urbains est engendré par les promoteurs privés en réponse à l’initiative du gouvernement. Généralement, les villages urbains prioritaires dans cette politique de renouvellement sont les villages en centre-ville (à Shenzhen). Car ils sont sales, délabrés et entachent l’image de la ville. Afin de pouvoir s’emparer de la propriété foncière des villages, il faut acquérir l’ensemble des terrains. Une opération est impossible parcelle par parcelle. Comme nous l’avons expliqué précédemment, les villages urbains sont la propriété d’un collectif de villageois, conformément à la loi de 1992. Celle-ci assure qu’aucune opération ne peut être faite sans l’accord de chaque villageois propriétaire d’une parcelle. Le promoteur se doit donc d’acheter l’entièreté du lot et négocier avec chaque villageois afin de se soumettre à leur désir. Comme la négociation est généralement difficile, les villageois reçoivent finalement ce que l’on appelle « une rémunération » : une grosse somme d’argent et un nouvel appartement dans le nouveau complexe qui remplacera le village. Afin de faire du profit, les promoteurs se retrouvent dans « l’obligation » de construire des bâtiments
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à haut standing. Les migrants, qui sont les locataires des villageois, sont contraints et forcés à quitter les lieux pour un village plus éloigné, tandis que les villageois deviennent immensément riches. Il s’agit vraiment de l’avenir des migrants qui entre en jeux. Ceux-ci n’ont aucune protection sociale, mais leur travail est tout de même nécessaire en ville (surtout à Shenzhen où le taux de chômage est très faible). Ils méritent pourtant, au même titre que les villageois ou tous les autres habitants, un logement de qualité dès son arrivée en ville. Le gouvernement cherche pourtant une alternative aux villages urbains. Ces espaces sont considérés comme des lieux insalubres et insécurisés. Ils entravent l’image de la ville. Seulement l’avenir des migrants est en jeu. Ces espaces d’habitations ont été l’alternative au bidonville tout en permettant aux migrants de se loger non loin de leur lieu de travail. John Zacharias, Yue Hu and Quan Le Huang dans leur ouvrage « morphology and spacial dynamics of urban Villages in Guangzhou’s CBD » nous montre comment ils essayent de trouver une solution alternative aux villages urbains. En effet, les villages urbains sont déconnectés de la ville d’un point de vue spatial et économique. De plus, les dynamiques spatiales internes sont limitées en nombre et en portée. Ils cherchent à créer un lien entre le futur renouvellement de la ville, qui cherche à aménager les espaces urbains dans leur ensemble. Leur question se pose alors sur les villages urbains en concentrant leur recherche sur le lien entre la morphologie et les activités économiques dans les villages urbains de Canton. Ils analysent aussi le système de transport autour du village urbain pour analyser sa connexion avec le reste de la ville. La relation entre morphologie et activités économiques dans le village est la première étape afin de trouver une approche innovatrice pour le renouvellement du village. L’intérêt de la recherche sera de garder l’esprit du village ainsi que son bon fonctionnement, mais dans de meilleures conditions pour ses habitants. Cette étude permit de se rendre compte de l’importance de la structure du village selon son impact physique, social et économique. Seulement leur point n’a aucun sens si le gouvernement ne se
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figure 77, 78, 79 : Gangxia passé, présent et futur
saisit pas de l’intérêt des villages urbains. Le futur des villages urbains sera surement de renforcer la reconnaissance de ces espaces. Une bonne communication sur la valeur économique des migrants qui sont des travailleurs à moindre cout, ce qui est un avantage pour la ville. Il ne s’agit pas de conserver le bâti qui n’a aucune valeur architecturale, ni même la forme urbaine, mais plutôt promouvoir des lieux de vie propre et agréable pour ces migrants non loin de leur lieu de travail. La vie chinoise se construit autour de communautés, ce n’est donc pas le village urbain en tant que communauté qui pose un problème, mais plus que cette enclave contrarie l’image de la ville. Aujourd’hui, lors d’opération de renouvellement des villages urbains, les migrants déménagent en périphérie où se trouvent les villages urbains restants, où les loyers sont moins chers. Le « problème » est donc déplacé en périphérie. En changeant les formes urbaines, le gouvernement veut avoir le contrôle des espaces et de la population qui y habite. C’est pourtant par ce biais que le gouvernement, qui cherche à forger l’identité urbaine, exclue les populations migrantes du centre-ville. Les villages urbains sont pourtant créateur d’une économie parallèle bénéfique pour la communauté. De plus, la créativité du lieu est un avantage incomparable pour l’image de la ville. Par exemple pour parler de notre entité urbaine nous parlons de Baishizhou en priorité et non pas de Holiday Plaza ou Window of the world. Aujourd’hui, comme l’explique Laurence Roulleau-Berger, « le mode de vie des citoyens s’affirme. Il existe de plus en plus de personnes appartenant à la classe moyenne, ce qui amorce le processus de gentrification quand ils vivent dans des condominiums (selon de modèle des gated communities). La ville s’est transformée en un simple espace de représentation centré sur l’étalage des symboles et des biens de consommation. Le gouvernement ne fait que renforcer ce processus. En chine, le consumérisme joue un rôle politique important en provoquant une fascination pour l’enrichissement
personnel et la consommation Cette volonté gouvernementale est donc le résultat direct de l’émergence d’une classe moyenne en chine et d’une volonté de grandeur économique. Il existe donc une confrontation entre image et identité urbaine, qui pousse à la perte des villages urbains. Ceux-ci sont une entrave à l’image de la ville. Mais cela veut-il dire que l’image l’emportera sur l’identité urbaine ? Cette volonté d’effacement des traces du passé et même de l’histoire actuelle est associée à la volonté de ne pas regarder la période passée de retard économique, où la Chine était le pays malade de l’Asie. Seulement, cela pousse à un développement trop rapide et aseptisé des espaces. La ville chinoise devient une ville générique qui perd son identité propre. Dans tous les cas, cet effacement identitaire est une entrave au développement durable, car l’un des piliers du développement durable qui est le social est alors mis de côté au profit du pilier économique. Bien entendu, il ne faut pas voir le modèle du village urbain et des condominiums comme les deux seuls espaces de vie, il existe aussi d’autres formes urbaines à Shenzhen, même si celles-ci ont retenu notre attention. Des espaces commerciaux, sont comme dans les villes européennes des espaces centraux organisés sous forme de rues, non déconnectées du maillage de la ville. À Shenzhen, les quartiers les plus anciens tels que Laodje, Huaqiangbei, s’organise sous forme de rues. Les espaces commerciaux ne sont pas représentés par les mêmes enseignes commerciales mêmes si on y retrouve toujours les chaines de restauration rapide américaines. Il s’agit de commerce plus indépendant et l’ambiance y est toujours différente. Le quartier de Laodje est piéton et est considéré comme désordonné, pourtant, il s’agit du premier lieu de visite pour les touristes de Shenzhen. Laodje a une image forgée grâce aux commerces de textiles et vêtements qui sont le symbole du quartier. Le quartier Huaqiangbei华强北, lui, est le quartier de l’électronique. Dans le quartier un impressionnant réseau de commerces
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s’organise. On trouve des composants électroniques dans de nombreuses rues, sur des dizaines de niveaux, souterrain ou surélevé. Aujourd’hui, certains projets tel qu’OCT loft nous montrent que la porte pour l’alternative du centre commerciale n’est pas fermée. Il s’agit toujours du grand groupe de développeur qui possède cet espace, mais cela renforce dans l’idée qu’ils puissent s’ouvrir à de nouvelles propositions. Le groupe d’architecte Urbanus qui a créé OCT loft s’inspire d’ailleurs de projet européen de régénération industrielle pour ces projets. Ces exemples nous prouvent l’importance de la proximité et de la mixité fonctionnelle qui sont appuyées par les principes du développement durable. Toutefois, cette diversité typologique n’aboutit pas à une division de la ville en deux entités antagoniques. En réalité, une seule ville subsiste dans toute sa complexité et ses contradictions spatiales, sociales et culturelles. La ville est effectivement l’imbrication de plusieurs formes urbaines qui cohabitent. Le fait réside dans la volonté de parfaire la ville par le gouvernement. Pour cette raison ils détruisent certaines formes de la ville (comme le village urbain) au profit d’autre forme, soi-disant, plus rentable et ayant une meilleure image. Finalement cette cohabitation est effective entre le village et ses voisins, mais la forme des condominiums reste toujours plus convoitée que celle du Chengzhongcun. La qualité urbaine tient justement au regard que portent les habitants sur les lieux dans lesquels ils vivent. L’intérêt que portent les habitants aux condominiums transforme cet espace en un modèle suprême absolu et symbole de réussite. Par ailleurs, la volonté des habitants n’aboutit jamais à une décision administrative. Il ne faut pas s’y méprendre, la Chine reste un état totalitaire qui sacrifie parfois le bien de la population au profit économique. Aujourd’hui en chine, les choses commencent à changer, la population prend petit à petit conscience de son pouvoir, par le biais d’Internet notamment. Le gouvernement prend aussi conscience des répercussions de la pollution sur la santé publique. Même si la population est vue comme une main d’œuvre participant au système, elle garde un poids important
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dans l’économie du pays et le gouvernement se doit de la ménager.
Baishizhou, un quartier traversant Frontières infranchissables Frontières entre différentes formes urbaines L’entité est traversante seulement par le village urbain Baishizhou
Figure 80 : cartes des frontières urbaines de Baishizhou
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conclusion Un fort contraste subsiste encore aujourd’hui entre la Chine rurale et la Chine urbaine. Shenzhen est la représentation spatiale de ce conflit. La ville nouvelle accueille depuis 30 ans une population venue de la Chine entière. Cette population est à majorité rurale et apporte sa culture agricole en ville. Par ailleurs, l’urbanisation rapide de Shenzhen présente la ville nouvelle comme une figure urbaine en Chine. L’industrie y est florissante et le territoire très urbain. Cette confrontation entre les villes et campagnes se présente aussi par les soucis environnementaux que la Chine. La croissance urbaine avale la campagne de jour en jour et les terrains agricoles sont de moins en moins nombreux. Seuls 7% des terrains agricoles mondiaux sont présents en Chine pour 20 % de la population mondiale. De plus, la culture des terres fragilise les sols. L’agriculture participe à l’érosion et à la désertification. Les nombreux séismes dévastateurs dans la province du Sichuan montrent la conséquence de l’usure de la terre. Dans une région comme le delta de la rivière des perles, nous pouvons voir les dégâts causés sur les réserves en eaux. La région a une ressource fluviale très importante, mais l’eau n’est pas exploitable à cause de la pollution des rivières. En Chine, les ressources en eaux par habitant sont très faibles. L’eau est une denrée rare. Les dimensions sociales et environnementales du développement durable se rejoignent ici. Les problèmes environnementaux rencontrent les problèmes sociaux. La pollution de l’environnement amoindrit les productions de nourriture de qualité et l’eau vient à manquer. Il subsiste d’importants problèmes sanitaires en Chine qui influent sur la qualité de vie des habitants. Cette insécurité alimentaire est au coeur du débat en Chine. Le pays est dépendant des pays alentours pour importer des produits agricoles. La Chine cherche son indépendance, mais ne peut se passer de
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ses voisins. Par ailleurs, la Chine se veut autonome dans son développement économique, mais elle reste dépendante de l’extérieur. On parle du pays comme l’atelier du monde. Beaucoup d’industriels mondiaux basent leur profit sur la productivité chinoise. Les pollutions environnementales sont aussi provoqués par les industrielles du monde entier. Il en est de la responsabilité des investisseurs étrangers, ils polluent aussi le pays. La création d’industrie propre doit être imposée par les investisseurs et les autoriés chinoises. Face à cette pollution grandissante, le gouvernement essaye d’adapter son urbanisme pour rendre la ville plus « propre ». Un des moyens mis en place pour donner une bonne image à la ville est la création d’un urbanisme compact qui se base sur le modèle développé en Europe de nos jours. Il a été mis en place, avant toute chose, à Shenzhen, car cela semblait être la meilleure solution pour éviter la perte de terrain agricole, d’espace vert... mais était aussi le meilleur moyen de conférer à la ville l’image d’une cité propre et riche. L’urbanisation compacte a conduit à des pénuries croissantes de logements qui accélèrent la hausse des prix fonciers et immobiliers ainsi que les processus d’embourgeoisement de quartiers autrefois populaires, aggravant ainsi les ségrégations. La question du logement est encore secondaire dans le discours des autorités de Shenzhen. La ville a fait ce choix de développement pour devenir une technopôle puissante. C’est d’ailleurs pour cette raison que le gouvernement a pris la décision il y a 30 ans de développer un urbanisme de cluster. Cette urbanisation sous forme de cluster a permis à la ville de se développer dans des domaines industriels bien spécifiques. Cette spécialisation était la première étape pour la création d’une technopôle. Le désir de gouvernement est de faire rivaliser Shenzhen avec San Francisco dans la Silicon Valley. Il faut encore pour cela que Shenzhen renforce le partenariat avec ses voisines Hong Kong et Canton et stabilise les ressources humaines et le bassin d’emploi.
Pour ancrer plus durablement les branches d’activité de service et de recherche, le gouvernement de Shenzhen se doit de mettre en avant son capital humain. Cette ambition pour la ville, la pousse à devenir de plus en plus durable. Nous défendons la proximité pour un développement durable de la ville. C’était la volonté de Shenzhen qui a construit sa ville grâce à un urbanisme de Cluster. Mais pour vraiment rendre effectif ce développement, il faut que la ville de Shenzhen rompe avec le modèle hiérarchique et pyramidal des villes afin de donner plus de pouvoir à chaque entité. Il faut donc favoriser l’idée de la proximité. Comme nous l’avons montré au fil de notre exposé, la création d’une nouvelle échelle est essentielle pour restaurer la proximité entre les espaces. Revenir à des espaces proches permettrait de rétablir le lien social, favorisera l’appropriation de la population de sa ville. Aujourd’hui, il est difficile de conclure sur l’influence du développement durable dans le temps. Le concept prône une réflexion multidimensionnelle sur la ville pour anticiper les problèmes futurs, seulement nous ne pouvons savoir si cela sera suffisant. D’autant plus que le développement durable est traité de façon superficielle. Comme nous avons pu le voir à Shenzhen, il s’agit d’un concept idéal pour améliorer l’image de la ville. Le gouvernement se sert du développement durable comme un outil de marketing urbain. C’est d’ailleurs pour cette raison que la dimension sociale est toujours omis du processus décisionnel. Ce constat est contradictoire avec la volonté du gouvernement de faire de Shenzhen une Technopôle. Car pour cela, la municipalité doit stabiliser le capital humain de la ville. Il faut donc mettre la population au coeur de la réflexion pour que les habitants s’approprient leur ville. L’appropriation urbaine facilitée par la proximité est un élément majeur de bien-être social pour une ville durable. Peu importe si les frontières persistent, car celles-ci peuvent renforcer le
lien entre les habitants au sein de chaque entité. L’appropriation de la ville par ses habitants passe d’abord par l’appropriation de son quartier. Et c’est en favorisant l’échelle locale que la captial humain de Shenzhen sera mis en avant. Certe, il n’existe pas de modèle urbain parfait, mais la ville doit se faire sous forme de compromis. Une révolution environnementale peut venir de la population, quel que soit son rang social. Un grand nombre d’habitants veut aussi dire un grand nombre de responsabilités. Nous avons vu que des initiatives autogérées comme la création des villages urbains participent au développement durable. C’est en favorisant les initiatives de la population que le pays peut changer son avenir. Aujourd’hui, la population ne se révolte pas, mais tout simplement, car il reste à la population un espoir. Elle espère accéder à une vie meilleure et d’intégrer une classe sociale importante. C’est cette espérance qu’il faut garder comme moteur pour un avenir serein. Elle pousse les habitants à être entrepreneurs. Rien n’empêche les autorités de cadrer ces initiatives. Par ailleurs cela permettra au gouvernement de rétablir une créativité perdue depuis le siècle dernier. C’est dans l’expression de sa créativité qu’émergera d’elle même l’identité de la ville. Une ville où la population est épanouie, une ville créative, où il fait bon vivre, est la meilleure image que puisse souhaiter le gouvernement.
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Table des matières
3 Notice analytique 5 Remerciement
38
2.1.3/UPDIS et le pouvoir des promoteurs privés à Shenzhen
40 2.2/Une image pour la ville générique 40
2.2.1/Ville vitrine de la Chine
43
2.2.2/Shenzhen, la ville spectacle
6 sigles
46 2.3/Shenzhen, l’avènement de l’identité d’une ville nouvelle
7 sommaire
46
2.3.1/identité urbaine
47
2.3.2/Shenzhen, ville de l’immigration
8 Introduction 11 i/Shenzhen, l’accomplissement d’une politique d’ouverture et de développement durable ?
12 1.1/la ville chinoise, rappel historique 13
1.1.1/Les prémisses de la planification urbaine chinoise
14
1.1.2/La révolution culturelle et le carnet de résidence
16
1.1.3/Deng Xiaoping, ouverture du marché et développement urbain
18 1.2/Shenzhen, un archétype de la ville chinoise du XXIe siècle 18
1.2.1/Le delta de la rivière des perles et Shenzhen
23
1.2.2/La planification à Shenzhen : un urbanisme de cluster
25
1.2.3/évolution effective à Shenzhen
30 1.3/Le développement durable, moteur de création identitaire pour Shenzhen ? 30
1.3.1/Le concept du développement durable en Chine
32
1.3.2/le développement durable pour l’image de Shenzhen
35 II/L’identité urbaine influence de l’image de Shenzhen ? 36 2.1/Shenzhen et la recherche perpétuelle de son image 36
2.1.1/l’urbanisme de communication
37
2.1.2/Le marketing urbain, la première étape du la construction de l’image de la ville
84
51 III/un avenir pour Shenzhen forgé par l’identité urbaine et une construction durable ?
52 3.1/Les frontières urbaines au service du développement durable 52
3.1.1/Processus de recherche
53
3.1.2/Le principe de proximité dans la création d’entités urbaines
54
3.1.3/Les territoires d’analyse : concrétisation de la théorie de la proximité
58 3.2/Opposition et cohabitation de deux modèles urbains : confrontation entre image et identité de la ville 58
3.2.1/Centre commercial et condominium, des limites entre espaces privés et publics
62
3.2.2/Le village urbain, l’expression de l’identité urbaine de Shenzhen ?
71 3.3/Un modèle durable pour l’avenir de Shenzhen ? 71
3.3.1/La définition de l’échelle de la durabilité
73
3.3.2/Le village urbain, un modèle durable ?
78 CONCLUSION 82 bIBLIOGRAPHIE 84 table des matières 85 tables des figures
Tables des figures Figure 1 : Photo de couverture, une rue animée de Baishizhou, Shenzhen, p. 1 Figure 2 : Photo Boulevard urbain à Shenzhen, Luohu, p. 7 Figure 3 : Carte, La Chine, p. 12 Figure 4 : Plan de Xi’an et de paris du XIIe siècle à la même échelle, source : Michael Gallagher UPDIS, p. 13 Figure 5 : Schéma du système administratif de la chine urbaine et non urbaine. Source : Chan new form of urbanisation beyond the urban rural dichotomy, Tony Champion and Hugo Graeme, p. 15 Figure 6 : Tableau de l’évolution urbaine, Source : Dai dans new form of urbanisation beyond the urban rural dichotomy, Tony Champion and Hugo Graeme, p. 17 Figure 7 : Carte satélite, Le delta de la rivière des perles, emplacement de Shenzhen, p. 18 Figure 8 : Schéma réseau longiligne du delta de la rivière des perles, source : Harvard GSD , HQB, p. 19 Figure 9 : Carte réseau d’infrastructure du delta de la rivière des perles, source : David Mangin, la ville franchisée, p. 19 Figure 10 : Carte Secteur d’activité du delta de la rivière des perles, source : Harvard GSD, HQB, p. 19 Figure 11 : Carte Shenzhen, Zone économique spéciale, p. 20 Figure 12 : Tableau : quelques chiffres sur Shenzhen, Michael Gallagher UPDIS, p. 21 Figure 13 et 14 : Photos du district de Luohu avant 1979 : les modes de vie étaient encore très ruraux. source : UPDIS, p. 22 Figure 15 : photo de l’avenue principale de Shenzhen : Shennan Lu en 1979, source : UPDIS, p. 22 Figure 16 : photo de l’urbanisation des environs de Shennan Lu dans les années 1980, source : UPDIS, p. 22 Figure 17 : photo de l’urbanisation des années 1990, source UPDIS, p. 22 Figure 18 : photo de Shengbu Lu, limite entre Luohu et Futian début années 2000, source : UPDIS, p. 22 Figure 19 : master plan 1982, source : The Plan-led Urban Form: A Case Study of Shenzhen, p. 23 Figure 20 : master plan 1986, source : The Plan-led Urban, A Case Study of Shenzhen, p. 24 Figure 21 : master plan 1996-2010, source : The Plan-led Urban, A Case Study of Shenzhen, p. 24 Figure 22 : master plan 2010-2020, source : The Plan-led Urban, A Case Study of Shenzhen, p. 25 Figure 23 : master plan détaillé de 2010 — 2020 de Shenzhen, source : UPDIS, p. 26 Figure 24 : schéma skyline evolution of Huaqiangbei, source : Harvard GSD – Shenzhen, designing the nonstop transformation city by Joan Busquets, p. 27 Figure 25 : carte clusters résidentielles, source Harvard GSD, HQB, p. 28 Figure 26 : carte distribution des villages urbains sur le territoire, source Harvard GSD, HQB, p. 28 Figure 27 : carte des clusters commerciaux principaux, source Harvard GSD, HQB, p. 28 Figure 28 : carte de distribution des secteurs industriels, source Harvard GSD, HQB, p. 28 Figure 29 : carte de distribution des terrains agricoles, source Harvard GSD, HQB, p. 28 Figure 30 : carte de la densité urbaine, source Harvard GSD, HQB, p. 28 Figure 31 : croquis des formes urbaines chinoises, source : David Mangin, p. 29 Figure 32 : carte situation de Longgang à Shenzhen, p. 32
Figures 33, 34, 35 et 36 : photos de Shenzhen, la ville générique, photo du centre des affaires de Luohu et Futian, p. 41 Figures 37, 38, 39 : photos de Shenzhen, façades des bâtiments sur Yannan Lu et Shennan Lu, p. 44 Figure 40 : flux d’immigration provenant de la Chine, source : personnelle à partir étude Harvard GSD, HQB, p. 48 Figure 41 : flux d’immigration provenant de Hong Kong, source : personnelle à partir étude Harvard GSD, HQB, p. 48 Figure 42 : carte entité Baishizhou, p. 56 Figure 43 : carte entité Gangxia, p. 56 Figure 44 : carte situation Baishizhou et Gangxia p.56 Figure 45 : coupe différentes morphologies p.57 Figure 46 : schéma différentes formes urbaines, p.57 Figures 47, 48 , 49 : photos frontières urbaines, p. 57 Figure 50 : 3D KKmall, source : http://map.baidu.com/, p.60 Figure 51 : 3D Cocopark, source : http://map.baidu.com/, p.60 Figure 52 : 3D Holiday Plaza, source : http://map.baidu.com/, p.60 Figure 53 : 3D MixC, source : http://map.baidu.com/, p.60 Figure 54 : 3D Linkcity, source : http://map.baidu.com/, p.60 Figure 55 : 3D Coastal City, source : http://map.baidu.com/, p.60 Figure 56 : carte de situation des principaux centres commerciaux de Shenzhen, p. 60 Figure 57 : photo Coastal city mall, p. 63 Figure 58 : photo MixC mall, p. 63 Figure 59 : photo Cocopark mall, p. 63 Figure 60 : photo Holiday Plaza mall, p. 63 Figures 61, 62, 63 : photos Condominiums Shenzhen, p. 63 Figure 64 : schéma de construction des villages urbains, source : personnelle inspiré de la thèse de Zhang Yu, p.66-67 Figure 65 : Photo d’un village urbain de Shenzhen, source Urbanus, p. 67 Figure 66 : schéma de construction des parcelles et extension illégale du bâti, source : Zhang Yu thesis, p. 67 Figures 67, 76 : photos village urbain de Hubei, Luohu, Shenzhen, p. 69 Figures 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74 et 75 : photos village urbain de Baishizhou, Futian, Shenzhen, p. 69 Figures 77, 78 et 79 : photos de Gangxia aux différentes phase de renouvellement, source urbanus, p. 74 Figure 80 : cartes des frontières urbaines de Baishizhou, p 77
Les documents graphiques présentés [cartes, photographies, schéma...] sont personnels sauf cas contraire spécifié en dessous de chaque document.
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