De(s)constructionsenseine

Page 1

DE(S)CONSTRUCTIONS EN SEINE


DE(S)CONSTRUCTIONS EN SEINE,

HABITER ET TRAVAILLER EN BORD DE SEINE.

AVANT-PROPOS

MEMOIRE DE PFE Mémoire ayant pour but d’accompagner les réflexions menées au cours de l’élaboration du projet de fin d’étude.

Je tiens à remercier tout particulièrement mes compagnons de travail de l’atelier complexité, mes professeurs, Antoine Béal, Jean-Marc Ibos et Franck Salama pour leurs conseils et accompagnement tout au long du semestre et enfin mes relecteurs, famille et amis, sans qui cette lecture aurait connu quelques imperfections.

FAUSTINE PAUCHET Automne 2016-2017 Atelier COMPLEXITE.


Le projet s’inscrit dans le contexte du renouvellement urbain « réinventer la Seine » du Grand Paris. Il propose un programme multiple qui mêle habitat et industrie avec pour liant le déplacement. L’objectif est donc le suivant : concevoir la ville productive de demain. Situé à un point de confluence entre la Seine et le Canal Saint-Denis, ce territoire situé dans la commune de la Seine Saint-Denis fait partie du pôle « Territoire de la culture » du contrat de développement territorial du Grand Paris. A la fois échelle urbaine et architecturale, ce sujet permet d’interroger la conception de demain dans la suite des travaux précédemment réalisés dans cette école. Il permet de relier autour d’une interrogation commune les questionnements qui sont venus au fil de mes études. Premièrement une problématique autour d’un rapport entre la ville et l’eau et du concept de résilience qui a fourni la base de mon travail de recherches que je souhaite poursuivre et deuxièmement, un travail autour de la matière et de l’énergie grise. Il revient alors de mêler ces deux recherches et de les interroger sous l’échelle polyvalente de la conception que nous propose l ‘atelier complexité, celle d’habiter la ville productive. Le point de départ du rapport entre la ville et l’eau a constitué le choix du site en question. En effet, point de confluence en situation inondable, c’est le lieu qui m’a paru le plus à même d’expérimenter cette approche. Il s’agissait alors de partir d’un territoire donné, de ses contraintes physiques et sociales afin de formuler les interrogations qui vont suivre. La thématique de la résilience est la ligne directrice de la démarche. Le projet se nourrit de l’existant, de l’histoire du lieu et du « déjà-là » envisagés ici comme ressources. La question du construire une ville productive soutenable d’Alberto Magnaghi amenée par la lecture de « le projet local » a ainsi engendré mes premieres interrogations. Dans cette optique, il a été question d’établir les possibilités locales de production et d’organisation productive vis à vis du territoire pour redynamiser le quartier et lui conférer une plus grande attractivité. Afin d’y parvenir, l’élément déclencheur a été l’aménagement à venir d’un port de plaisance en lieu même du projet. Il est alors question de questionner la fabrique de la ville à partir ce premier élément productif de passage et donc d’attraction. Parvenir à créer du lien entre industrie et habitation à partir de ce conducteur. Le port comme première activité interrogeant le rapport entre la ville et l’eau. Quelle usage peut entretenir le port de demain ? Comment valoriser l’existant et l’intégrer dans une transition vers la ville de demain ? Quelle forme de résilience peut maintenir ce rapport ancestral entre la ville et l’eau, l’industrie et l’habitat, le passé et le futur?

3


le réveil Josiane se lève et se prépare allume la radio sonne sort le linge de la machine

rapide sourire au voisin

escalators

lance la machine à café

nourrit son chat

réveille son colloc’

prend sa douche

bain de foule chaleur

trouve son jean arrose son cactus

compostage

en écrasant sa cigarette il

voit une voiture s’arrêter

venues

du télé au café ou pourri de l

passage piéton

bouffée d’air

ouverture des portes

la marche en descendantet choisit sa musique un «direct-matin» bousculée par son voisin elle un petit déjeuner tranquille deux personnes entrent Bastille du train sort de sa somnolence dans sa bulle elle changement ligne 3

gérard électronique rejoint ses alléesdiscus collèguesautour du

salutations

d’habitude d’en Bas feu rouge

vitesse bruit désolé attention à

il doit terminer de préparer lors d’un malheureux clic de souris, comme sa réunion de il fait chavirer le café de sa voisine elle sort un croissant de son sac sort son ordinateur neuf heures travauxgérard au pont-neuf et attrape son thermos de l’autre main content d’avoir trouvé une place elle met ses écouteurs

odeur de il com on mange où ce café café midi? cigarette

huit heures trente au cadran

il regarde sa montre

odeursserré

lumière blanche confiné secoussesune place se libère, elle s’installe fermeture

fermeture des portes ouverture des portes

des portes

mé tro tout

les informations du matin à la radio

trois de la imp déc

discute avec ses collègues

attrape un journal

six personnes sortent on remballe fermeture des portes le prochain arrêt est le sien

gérard prend sa malette et monte à son Bureau

sort de chez elle et sedirige vers le

claquement de porte

...

elle

attrape ses clefs

petit moment de

transition une pe

avant de passer aux choses sérieuses

repose ses yeux

il fouille dans le bric-à-brac de sa boite à gants

Jos

collègues el ca petits potins entre

co

deva l’atte

tiens y’a du monde au café ce matin!

Bertrand dans sa camionnette se rend à son atelie trouve enfin ses lunettes de soleil

il branche son téléphone

il se gare

le paysage défile il enlève sa veste

il doit passer à la

sans qu’il remarque les tailleurs d’arbres du grand boulevard il met un cd et choisi la huitième chanson il jette un coup d’œil à son dernier cadeau de fête des pères suspendu au rétroviseur

vent

menuiserie récupérer du

passage du tramway

matériel

et s’approche de la loge du

concierge

il salut Johny qui , ravit, lui fait signe d’entrer

observe un instant bibelots dessins tailler poncer couper stocker Bertrand l’équipe de menuiserie travailler jardin photos de assembler calendrier il lui propose un thé babioles peindre famille bouilloire tapis visser trier emballer étiqueter transporter qui frémit tas de dossiers en porcelaine

bruits de travaux froid

d’enfants

d’intérieur

petit

des pompiers à gogo

et lui désigne le carton de ch bois qu’il lui a mis dans le ha

persan

circuit-court

achat le triptyque.

super ce sera parfait pour notre plat du jour de demain!

tranquillement

en passant devant une nouvelle

la vitrine

contre

vente

ses légumes aujourd’hui c’est carottes et pommes de terre! Josiane entre donc dans ce petit commerce

petite brise

Josiane ne sent plus le vent froid, l’effort l’a bien réchauffé

ce vent frais lui donne un petit coup de boost

avant de pouvoir p

elle voit sur le pont au loin un

bio

agriculture

un fermier livre

épicerie

le long du canal

elle le pose

elle saisi l’occasion de prendre son casse-croûte de midi le trottoir ne lui permet pas de garer son vélo et interpelle une vieille dame qui s’occupe de ses chiens

embouteillage qui la fait sourire clapotis de

bonjour!

pourriez-vous garder un œil sur mon vélo ?

la promenade des dix chiens qu’elle garde l’avait un peu essoufflée rien de grave renée faisait elle adore cet justement qui arrondie s une halte

Workshop inaugural. Au fil de l’eau: habiter, se déplacer, travailler. « Ou comment se jeter dans l’action pour provoquer le questionnement ». Réalisation d’un triptyque à partir du récit. Il guide le lecteur à travers une histoire imaginaire et contextualisée par un travail d’agencement des mots.L’initiative était de déconstruire les barrière entre l’habiter et le travailler par l’outil du déplacement. L’habitat se déplace, le travail se déplace, la matière grise et physique se déplace.Compagnons de travail: Justine Laberenne, Celine Tutcu et Marie-Charlotte Hoffman. 4

l’e


écrasant sa cigarette il

t une voiture s’arrêter

discute avec ses collègues

lampe

coin Bureau

brouillons imprimante

après avoir envoyé son papier il est appelé par l’odeur qui se dégage de la cuisine

et convie ses invités à partager ce repas dans ce cadre nico met la table sur le pont

de la péniche

un bateau de

péniche nico redécouvre son quartier

touristes la explications passe jusqu’ à photos deux joggeurs les informations sur le doublent quartier

restaurant je pieds ce vous le conseille !

visite

quelques pêcheurs se mettent au défi du plus gros poisson

odeur de il commande un on mange où ce café qu’est ce qu’il café midi? cigarette

et les laisse s’installer le temps de finir sa chronique arrivés, nico montre aux touristes leur chambre

beautiful !

sa femme nicole prépare le dîner pour leurs hôtes

trois jeunes sortent de la voiture impatients de découvrir la capitale

on remarque tout de suite le dans le salon

livres

tas de feuilles

ratures

spectateurs

tasses qui traînent

au groupe de

sur le quai

se joindre

gérard prend sa malette et monte à son Bureau

veil e

interpellés par un musicien qui joue

...

ils décident à la fin du repas d’aller

à promenade i love paris ! rendent il remarque une nouvelle construction alors le métro c’est par là-bas salue une vieille dame se ilavec pleins de chiens

gérard électronique était long ce nico aime venir covoiturage ! rejoint ses ici l’après midi il s’inspire des personnes qui l’entoure des cyclistes alléesdiscussionsmerci pour pour rédiger ses collèguesautour du match tout, c’était chroniques le premier client qu’elle venues et travailler seul chez soi du téléfilm n’est pas toujours très drôle sympa! au café ou est nico sert pourri de la veille emporté par son travail il n’a pas c’est un habitué qui vient souvent remarqué les quatre personnes tude d’en Bas Josiane arrive au petits potins entre écrire ici c’est quoi le code wifi déjà ? qui viennent d’entrer

café où calme elle travaille murmures convivial collègues canapés

petit moment de

un couple discute à

voix basse transition une personne est avancent sur leur projet de groupe un groupe de personnes

avant de passer aux choses sérieuses

elle salue une table d’amis étudiants qui

concentrée sur ses mots fléchés

son atelier passage du tramway

bruits de travaux froid

en sortant

vent

discutent sur un canapé

white-spirit

en échange Josiane

grand espace

diffuse sa musique

table à découper

de sa camionnette le froid le pots de surprend

peinture l’atelier Bertrand

voiture

précipitation

rise

carnets

frein

it sourire clapotis de

l’eau

romenade des dix chiens qu’elle

vélos

sous l’œil attentif de la gardienne

petit

potager

vieilles

chaises voisin arrose en bois

un les bambous

laissé dans la il faut d’abord cour commune voiture

au

voiture

du bâtiment

klaxons les voitures

et dit au revoir à Bertrand,

elle salue les

enfants,

qui

jouent ballon

occupé à rentrer sa

sculpture de peur qu’une mauvaise passe ne l’atteigne

voiture

e l’avait un peu essoufflée rien de grave, elle adore cette petite activité qui arrondie ses fins de mois

Bertrand leur fait coucou, il a l’habitude de les voir tous les mercredis puisqu’ils sont gardés par la voisine

Josiane enfourche son vélo

voiture se faufiler feux voiture nt de pouvoir pédaler entre ce vent frais lui donne un petit coup de boost

deux enfants de la garderie d’à côté regardent curieusement

trotinettes

midi sonne,

iers

loue

c’est la première fois qu’il une chambre de sa péniche

par la

Josiane réalise un meuble pour son chez-soi dans scie-sauteuse

nfants

de un thé et lui désigne le carton de chutes de lle bois qu’il lui a mis dans le hangar

rendez-vous

nico a avec eux puisqu’il les héberge ce soir

il l’invite à s’installer

sciure de bois et sa bonne humeur boite à outils tableauxil lui prête ses outils, poussière son atelier, ses conseils

devant l’atelier Josiane odeur de l’attend déjà

nde au café ce matin!

vit, lui

ordinateurs

ils

fenêtre

passage piéton

au cadran

salutations

rigoler semble lit répéter un homme en costume cravate pique-niquent fait la sieste sur un banc

un groupe d’ouvriers a l’air de bien c’est l’occasion d’aller au une fille quelqu’un qui et de discuter avec d’autres promeneurs un oral un groupe d’étudiants

le midi au Bord de parc l’eau elle aime observer les travailleurs prendre une maman leur pause avec ses enfants

joue

5


SOMMAIRE

6


La résilience sous toutes ses formes Avant-propos..........................................................................................................p3. Triptyque................................................................................................................p5.

s’implanter LA VILLE ET L’EAU / INSCRIPTION UN EMPLACEMENT STRATEGIQUE MISE EN RESEAUX,CONTRAT CULTUREL, REINVENTER LA SEINE......................................................p9. UN TERRITOIRE RESILIENT UNIVERS, APPROCHE...................................................................p13. LA VILLE AU BORD DE L’EAU : Production et domaine fluvial, Habiter le port...............................p21.

construire UN PARCOURS LOCAL / EXPERIMENTER LE REEMPLOI APPROCHE GLOCAL LE LOCAL, MISE EN PLACE D’UN RESEAU...............................................p25. TRAVAILLER LE (RE)EMPLOI, VALORISATION DU TRAVAIL ARTISANAL.........................................p31. MISE EN S(C)EINE CHAINE PROGRAMMATIQUE, LIEU D’EXPERIMENTATION..............................p37.

habiter RAPPORT AU TEMPS / UN CHANTIER CULTUREL DECOUVRIR SENSIBILISATION ET APPRENTISSAGE, LA VILLE....................................................p43. PRODUIRE HABITER LE CHANTIER.............................................................................................p49. UTILISER ECHELLE DE L’HABITE, PROCESSUS..........................................................................p59.

Triptyque...............................................................................................................p63. Ouverture .............................................................................................................p65 Bibliographie..........................................................................................................p67

7


Le territoire. Le Grand Paris. Developpement des transorts en commun. Une mise en rĂŠseaux. Photo-montage personnel. legrandparis.com

8


s’implanter.

LA VILLE ET L’EAU

UN EMPLACEMENT STRATEGIQUE

MISE EN RESEAUX- UN DEVELOPPEMENT URBAIN IMPORTANT

Le Grand Paris est un projet d’aménagement à l’échelle de la métropole, il a vocation à penser la ville de demain et faire de l’île de France une métropole du 21éme siècle attractive. Concrètement, l’idée repose sur la rénovation du réseau de transport public existant et le développement de nouvelles lignes de métro. A partir de ce nouveau tracé, il s’agit de faire émerger des projets urbains, nouveaux quartiers accueillant logements, activités économiques ou encore équipements culturels proches des lieux structurants que représentent les Gares. Le site des Ecuries La Briche est directement touché par ce projet puisque proche de la gare Saint-Denis Pleyel, il fait parti des quartiers fondateurs des liaisons entre Paris et sa banlieue. La gare de SaintDenis, une station plus loin et à seulement 5-10min à pied du lieu étudié, regroupe en plus du RER D de nombreux trames et bus qui permettent de desservir un territoire très large. CONTRAT TERRITORIAL- UN APPORT CULTUREL

La société du Grand Paris développe en lien avec ces démarches celles des « Contrats de développement territorial ». Sur les 17 contrats établis en Ile de de France, la Seine Saint-Denis en possède 5 sous la thématique de « cluster de la création ». Le site de « plaine commune », territoire de la culture et de la création a pour ambition le développement d’ industries culturelles et créatives associé à une politique événementielle d’envergure. Il s’agit alors de définir le type de culture à developper en lien avec ses habitants, le tissu associatif et productif déjà présent afin de réaliser une activité adéquate. Dans l’intention d’étudier le rapport entre la ville et l’eau, le premier point à donc été d’analyser les interactions existantes sur le territoire. De cette recherche, deux axes majeurs se sont dégagés., Celui de la Seine et du Canal Saint-Denis. Les écuries de la Briche se situent au point de confluence de ces deux entités et il s’agissait alors d’en créer en plus d’un point de rencontre physique, celui d’un point de rencontre social et technique.

9


La ville et l’eau Réinventer la Seine. Sites proposés dans le cadre de «réinventer la Seine». Photo-montage personnel. Illustration 6b: reinventerlaseine.com legrandparis.com

10


REINVENTER LA SEINE- UNE THEMATIQUE PORTUAIRE l’un des grands atouts est d’être un bassin industriel de premier plan, offrant des opportunités pour expérimenter une écologie industrielle et une économie circulaire1

L’enjeu est d’apporter une cohérence d’ensemble à ce vaste espace stratégique conciliant développement des fonctionnalités économiques, urbaines et industrielles, avec la préservation et mise en valeur culturelle, environnementale et paysagère de la vallée de la Seine. « Dans la continuité du Grand Paris, les villes et agglomérations de Caen, du Havre, de Rouen, du territoire de la Seine-Aval et de Paris ont souhaité travailler ensemble au développement de la vallée de la Seine. Pour cela, l’un des défis partagé est celui de renforcer le réseau portuaire maritime et fluvial. Le site des Ecuries la Briche faisant parti des territoires proposés dans cette démarche il a pour objectif d’accueillir un futur port de plaisance temporaire. Un ensemble se construisant autour du développement durable, une maitrise des flux et déplacements et un production économique innovant. Une alliance portuaire de l’axe Seine, HAROPA, s’est ainsi formé afin de définir des stratégies de développement des ports. Le premier rôle de l’activité qui s’installera sera donc de venir s’inscrire dans ce réseau et exploiter les transports fluviaux au maximum. La réflexion portée à l’urbanité de Paris n’est donc plus radioconcentrique mais le long de l’axe de la Seine reliant Paris au Havre, signifiant en cela le dépassement d’une ville à celle de l’aménagement d’un territoire. Sujet: L’appel à projet réinventer la Seine » consiste à proposer des sites tout le long de

l’axe Seine, à occuper, animer, louer ou acheter à travers la mise en oeuvre de projets innovants. Cette approche multi-sites doit contribuer à révéler et concrétiser l‘axe Seine: les collectivités et le sort de l’Axe Seine lancent le défi à des architectes, entrepreneurs, artistes, etc…d’inventer de nouvelle façons de vivre, de travailler, de se déplacer sur et au bord de l’eau, en s’appuyant sur ces différents site.2

Face à cet énoncé, l’initiative a été d’interroger les capacités du site par rapport au grand projet de réinventer la Seine, d’interroger ces thématiques et les caractères de vie qui pourraient s’en dégager. Entre les grandes intentions ministérielles, le développement urbain qui s’en suit et la possibilité pour des habitants, producteurs de ville locaux à intégrer et participer à ces transformations. Etudier les interactions entre: l’eau, le port, la ville, l’habiter et le construire.

11reinventerlaseine.fr 2reinventerlaseine.fr

11


Découverte Premiers pas sur le site. croquis personnel. Univers de travail, La résilience. Photo-montage personnel. «Concevoir la résilience,un concept opérationnel dans la gestion du risque?» F.Pauchet 2016.

12


UN TERRITOIRE RESILIENT UNIVERS DE TRAVAIL - Mes premières impressions.

La découverte physique du lieu s’est trouvée être le point de départ des démarches entamées par la suite. Dès nos premiers pas dans le quartier, nous sommes face à un lieu marginal, mi-urbain, mi-rural, mi-ancien, mi-nouveau ,mi-vivant, mi-mort. Il semble alors difficile de généraliser les impressions ressenties par un adjectif commun. C’est un « entre » plusieurs entités. Dans la rue, nous sommes face à un quartier populaire, de nombreux tabacs, boulangeries ponctuent un quartier qui conserve ses qualités urbaines de vie collectives, de rues habitées. Accolée au lieu de passage le plus fréquenté, le parvis de la gare, une île de bâtiments neufs nous regarde. Les bennes de chantier créent une frontière, elles marquent la réalisation d’un espace neuf, aseptisé ou les traces de vie ne sont pas encore apparentes. A l’intérieur de ce nouveau quartier, on commence à entrevoir une forme de vie. Les ouvriers discutent, se déplacent, prennent un café. Ils semblent être les premiers habitants du lieu. Sur les balcons, on observe cependant l’aménagement sommaire de « paillasses » aux balcons de certains appartements pour préserver son intimité. Deux univers se côtoient. Pour l’instant, impossible d’imaginer la présence d’eau autre que la Seine que nous apercevions sur le trottoir de l’autre côté du va et vient des voitures. Le cheminement est intérieur dans cet îlot, et tous les points semblent converger vers une construction imposante en bout de parcelle. Celle-ci diffère du blanc immaculé qui nous entoure, son beige « veillot » et son escalier métallique vétuste, nous fait vite réaliser que l’on fait face à une empreinte du passé. Une trace isolée de l’avant ZAC. Plus on s’avance, plus on s’aperçoit de la confrontation de deux univers, deux époques, deux ambiances. Cette limite est forte. Ici, malgré l’absence de bancs, d’espaces aménagés ou même de vues dégagées, on ressent la vie. Le va et vient au rez-dechaussée sous un porche repeint en jaune fluo signalent l’entrée. A l’entrée, l’univers se fait encore changeant. Graffitis, peintures, odeur de café, déplacements constants, le milieu est habité, il est immensément vivant. Pas un bout de mur ne semble pas avoir été matière à expression, à appropriation par ses occupants. Aux étages, les vues depuis l’escalier nous permettent de passer au delà des barricades de chantier. Le canal nous saute aux yeux tout comme ce sentiment de « délaissé » que nous impose le reste du terrain. Malgré le caractère exceptionnel des vues qui se dégage sur la ville et l’eau, on s’aperçoit très vite que le vie s’arrête à la sortie du bâtiment. Le reste du parcours ne sera alors que errance dans les vestiges d’un passé industriel marqué. On remonte le canal sur les traces d’un chemin de halage, ponctué par ce qu’il reste des « écuries de la Briche » pour enfin terminer son parcours sur un « île » abandonnée à la croisée de deux univers. Le passé et le futur, le chantier et le fini, la Seine et le Canal.

13


DEFINITION-

La première apparition du mot « résilience » date du XXe siècle dans le cadre de la physique des matériaux. Du verbe latin resilio,ire, littéralement « sauter en arrière », d’où « rebondir, résister »1. C’est la déformation que peut subir un matériau sans se rompre. Puis, la voie a été ouverte par la psychologie et les travaux d’Emmy Werner. Cette américaine a étudié les réactions d’enfants ayant subit des traumatismes, constatant que certains s’en sortaient mieux que d’autres. Enfin, ce sont les travaux de Boris Cyrulnik sur la résilience psychologique qui permettra sa diffusion en France comme «l’art de naviguer entre les torrents», auteur de nombreuses oeuvres sur le sujet.2 Le terme de résilience semble donc fondé sur l’incertitude des milieux complexes que représentent les villes. Il semble se définir pas à pas. Cependant, le premier élément à prendre en considération est la formulation du concept de « résilience écologique » de 1973 par l’écologue canadien C.S Holling. Pour lui, la résilience est « la quantité de désordre qu’un écosystème peut absorber tout en conservant sa fonction »3. Le système ville semble alors naviguer entre absorption et adaptabilité afin d’obtenir stabilité. De nombreux groupes de recherche ont vu le jour. Le plus célèbre étant la Résilience Alliance fondée en 1999 par Holling lui-même4. Depuis les années 2000 et ses nombreuses catastrophes (Asie 2004, Katrina 2005, Xynthia 2010), les questions autour de ce terme se multiplient et le phénomène de la résilience prend de l’ampleur relatant de la place du risque, sa dimension matérielle, sociale et symbolique. Ce terme récent conserve cependant de nombreuses difficultés d’utilisation de par sa définition trop vague. Il est alors encore plus difficile d’identifier des outils opérationnels générateurs d’une forme de résilience. Se rapprochant de la ville durable, stable, cette nouvelle vision semble différer par une approche de la ville plus flexible et transformable. 11: . STATHOPOULOS Marco, Qu’est-ce que la résilience Urbaine ? op. Cit 22: Notamment « Résilience connaissances de base » de Boris Cyrulnik et Gérard Jorland aux éditions Odile jacob,mai 2007 3.3:GRALEPOIS Mathilde & OGER Clement, L’emergence du concept de resilience urbaine modifie-t-elle les pratiques de laprevention des risques en France ? Julie Daluzeau (directrice de recherche), Formation par la recherche et projet de fin d’etudes enGenie de l’Amenagement. 44:http://www.resalliance.org

14

Univers de travail, La résilience. Extrait du mémoire de recherche:. «Concevoir la résilience,un concept opérationnel dans la gestion du risque?» F.Pauchet 2016. Domaine « CONCEPTION ET EXPERIMENTATION architecturales, urbaines et paysagères», sous la direction de Severine Bridoux-Michel.


Cette découverte interpellera donc dès le début la conservation d’un espace défini d’incertitudes, ni rural ni urbain, ni fini ni en construction, d’un lieu qui conserve les traces de son passé pour en construire celles du futur. Afin de qualifier ce tiers lieux , Hugues Bazin parle de tiers espace, des plateformes d’échanges sociaux dans lesquels les différents acteurs valorisent la prise en compte de l’aléatoire dans une culture de l’incertitude, l’absence de projet au profit du processus, le dialogue avec le matériaux pour de nouvelles formes, la revalorisation des situations marginalisées1

Afin d’aborder cet aspect incertains, il s’agit de définir en quoi ce site suppose une étude basée sur la résilience et le developpement évolutif qu’elle induit. Ce travail vient à la suite d’une longue recherche autour du concept de résilience. Il a été abordé sous la thématique de l’eau, de la gestion du risque face à l’inondation mais surtout de la signification du concept. Le principe de résilience, défini comme la capacité d’un système à pouvoir intégrer dans son fonctionnement une perturbation, sans pour autant changer de structure qualitative, s’inscrit dans un changement de paradigme sociétal plus vaste.

2

Bien que l’idée de travailler sur un site en situation inondable a fourni la première raison du choix de ce lieu, les lectures qui ont fourni mon corpus de recherche m’ont permis d’appréhender la construction urbaine sous un angle plus vaste : temporelle, en constante évolution, ou l’étude du milieu permet de définir le contenu du programme, de l’approche. Il s’agit d’aborder la production à partir des inter-dépendances qu’elle génère tout en conservant une forme d’autonomie. L’envisager à travers les ressources présentes et futures dans le but de développer une économie nouvelle basée sur l’entraide, le local et le global. Envisager un fonctionnement sur la durée qui accepterait les changements, adaptations pour un fonctionnement plus évolutif. Il parait alors intéressant d’interroger l’effectivité de ce concept en dégageant des conséquences pratiques dans le projet architectural urbain. Il permet d’introduire cette échelle complexe de la conception en reliant des philosophies et pratiques architecturales déjà en place et peut-être en devenir. Nécessaire pour une réorganisation face à des modifications sociétales ou physiques, ce concept privilégie une relation d’inter-dépendance, de mise en réseau face à un territoire et l’acceptation d’une forme d’imprévisibilité garantissant l’équilibre du système ville.

11Hugues Bazin, Les figures du tiers espace: contre espace, tiers, paysage, tiers lieu. 2013, p2 2- Olivier Philippe, paysagiste DPLG, Agence TER., https://www.amc-archi.com/

article/il-faut-restituer-la-relation-sous-sol-sol-air-olivier-philippe-paysagiste-agence-ter,5142

15


La ville et l’eau Decouverte du territoire. Le 6b comme totem. Photo-montage personnel. Illustration 6b: mutations-architectes.com

16


APPROCHE- UN LIEU ADEQUATUn territoire

La commune de Saint-Denis possède un passé industriel marqué. Des manufactures de cuir aux usines de métallurgie des chantiers de la Loire, le transport de matière par le canal Saint-Denis est inscrit au patrimoine du lieu. Historiquement ville ouvrière par sa proximité avec Paris centre, elle a connu des périodes fortes d’industrialisation accompagnée de la construction de logements à grande vitesse. Cependant elle a aussi fait face à un déclin important de ses industries dans les années 70-90 avec une hausse importante du chômage. Cette situation a fait de la Seine SaintDenis l’un des départements les plus touchés par le phénomène des friches industrielles. Le paysage a beaucoup évolué en peu de temps. Aujourd’hui, par le développement des transports en commun, la ville est dans une expectative du renouveau. D’un développement économique important qui amènera ses habitants à un nouveau rythme de vie en synergie avec son époque. Le processus de revalorisation a déjà commencé et la commune semble se révéler et savoir tirer parti de son passé afin d’en construire son futur. Un « rebond », une forme de « résistance » est donc inhérente au quartier, c’est pourquoi une approche autour de la ville « résiliente » semble adéquate aux démarches entreprises. La ville d’aujourd’hui semble entamer une production de la ville de demain. A l’étude des démarches actuelles, la Seine Saint-Denis confirme son statut de ville en mutation. Elle se relève à travers de nombreuses initiatives de reconstruction ( projet Néaucité, éco-quartier de l’ile Saint-Denis, le quartier de la Gare Pleyel..). Il s’agit donc ici de venir s’inscrire dans un quartier en changement. Un site Le lieu d’étude plus défini, on peut constater que le site des Ecuries la Briche est un lieu révélateur de la situation. En effet, ancien site industriel des chantiers de la Loire (métallurgie), il est actuellement occupé en son centre par un collectif d’artistes, le « 6B » qui prend place dans des anciens bureaux de l’entreprise « ALSTOM ». Le bâtiment au milieu d’une friche industrielle, réaménagé sommairement par ses occupants est l’exemple d’une forme de résilience de la population dionysienne. Ces artistes ont su tirer parti des évolutions urbaines afin de prendre place au coeur d’un ancien bâtiment de bureaux et le transformer en ateliers et salles d’expositions ouverts au public depuis 2010. Au lieu de subir les constructions se réalisant au pied de cette cité de l’art, ce collectif s’est engagé en collaboration aux activités du Grand Paris au développement de son territoire comme « fabrique d’art et de culture », au service d’une culture humaine et vivante » . Ainsi, au coeur du secteur Gare-Confluence en pleine mutation, le 6B participe grandement au nouveau quartier qui se dessine autour de lui, comme un objet ancré au coeur de son territoire sachant s’adapter. 1

1www.le6b.fr/

17


Contraintes. DĂŠcouverte du territoire. Niveau des PHEC (Plus hautes eaux connues de 1910) Photo-montage personnel. Illustration personnelle.

18


«le 6B est un projet en constante mutation » Julien BELLER, PRÉSIDENTE DE L’ASSociation du 6B.

Il n’est donc pas question ici de parler de construction nouvelle sur un terrain donné mais bien de reconstruction d’un quartier à partir de ses données actuelles, du déjà-là. Le site des Ecuries la Briche, entre patrimoine culturel, social et cité nouvelle.

Des contraintes La

production architecturale se construit à partir des contraintes, formatrices des premières intentions de développement. Ainsi, le site des Ecuries la Briche est soumis à deux présences qui servent et desservent l’habitabilité du lieu : la route et l’eau. En effet, site facilement accessible et visible, il est bordé par une nationale à quatre voies formant une séparation entre la Seine et l’espace aménageable. Cette contrainte se traduit par la nécessité d’un front urbain protégeant des nuisances visuelles et sonores prolongeant la linéarité des constructions avoisinantes. Il s’agit de conserver les avantages d’une vue privilégiée sans omettre cet « entre-deux » qui crée une frontière, une séparation entre ces deux paysages. Mise en évidence de la complexité des relations intra-urbaines. Entre paysage, infrastructures terrestres et espace de vie. Enfin, approche inévitable, le site soumet une approche résiliente de fait par sa géographie, son inondabilité et l’application du PPRI. Point de confluence entre deux cours d’eau, il est inévitablement touché par la montée des eaux. Cet élément révélateur de sa topographie implique une approche globale de sureté des habitants et installations mais aussi et surtout psychologique. En cohérence avec les travaux qui ont fait émerger les concepts de la ville durable, la prévention de ces risques doit suivre le chemin de l’adaptation des pratiques. La compréhension de l’environnement passant par l’appréhension de ses aléas. Cependant maximiser la place à l’eau signifie minimiser celle de l’habitat, de l’urbanisation. C’est alors qu’entre en jeux la complexité d’une conception résiliente et d’une cohabitation ville-eau Tandis que la notion de société industrielle classique repose sur l’opposition de la nature et de la société (au sens où on l’entendait au XIXe siècle), la notion de société (industrielle) du risque prend pour point de départ une « nature » intégrée à la civilisation, et elle suit la métamorphose des dommages qui lui sont infligés à travers les différents systèmes sociaux partiels.

1

1Beck Ulrich - La société du risque, sur la voie d’une autre modernité. Editions Flammarion, Paris, 2001. p145.

19


La ville et l’eau Appropriation du site. Mise en Êvidence des principales activitÊs en bord de Seine et de Canal. La renconter de deux axes. Photo-montage personnel. Illustration personnelle.

20


LA VILLE AU BORD DE L’EAU Production et domaine fluviale-

Dans la démarche de réimplanter une industrie capable de créer un mode de vie en lien avec les habitations avoisinantes, l’objectif est de définir les intêrets communs. Si le rapport entre industrie portuaire et eau est aussi évident que celui du vivre au bord de l’eau, le lien entre industrie et habitat lui semble moins perceptible. Le choix a donc été de relier ces activités par la formation d’une production commune dans laquelle fournisseurs, artisans, artistes, producteurs, distributeurs et consommateurs se mêleraient et se confondraient. Réduire les frontières entre production et consommation. C’est ainsi qu’un travail à partir de la matière s’est développé. L’intention de créer une ville productive est l’enjeu du projet. Trouver une activité qui permettrait d’amorcer une transition économiquement viable et socialement innovante. Pour y parvenir, le point de départ est celui de la création à venir d’un port de plaisance le long des berges du canal Saint-Denis. L’idée majeure est d’exploiter cette installation à venir comme source d’échanges et de liaison. La volonté est d’intégrer cette activité dans la chaine programmatique afin d’intensifier et d’élargir son champ et son réseau d’action. Ne pas inciter l’addition d’activités indépendantes mais inciter l’émergence d’un réseau « local ».Cette question a permis d’interroger le rapport de la ville à l’eau à travers la thématique du port. Quelle activité portuaire peut entretenir un lien avec ses habitants mais aussi avec son territoire ? Quel type de port urbain peut introduire le changement sociétal actuel ? L’objectif simple est de composer avec les éléments mis à disposition sur notre « territoire » d’étude, d’établir ses possibilités locales de production. Le rapport du site avec l’eau, point de confluence a donc constitué l’axe de départ de mes recherches. Il paraissait alors essentiel d’étudier les différentes activités afin d’en saisir les enjeux. De cette recherche, deux axes majeurs se sont dégagés. Celui de la Seine et du Canal Saint-Denis. Les écuries de la Briche se situent au point de confluence de ces deux entités et il s’agit alors d’en créer plus qu’un point de rencontre physique, celui d’un point de rencontre interprété. Cette phase d’analyse a permis de porter une attention particulière au contexte et à l’implication de ses habitants.

21


La deconstruction Shéma sommaire des étapes de la deconstruction d’un bateau de plaisance. Mise en évidence du déplacment et transformation de la matière. Photo-montage personnel. Illustration personnelle.

22


Habiter le port-

La présence de l’eau induit inévitablement la présence de bateaux qui ne sera qu’amplifiée par celle

d’un port de passage. Il m’a paru intéressant de profiter de cette ressource, les bateaux, comme celle d’une matière première. Accueillir cet apport afin de l’entretenir ( dans le cas de l’entretien des bateaux de plaisance) ou de la réutiliser (dans le cas d’un démantèlement de bateaux usagés, obsolètes). La dépollution et la déconstruction nautiques sont des activités novatrices dès lors qu’elles se font en respectant des normes environnementales. Elles s’inscrivent directement dans la politique du Grenelle de la mer : « développer une filière de démantèlement des bateaux hors d’usage ».1

Au vue de l’évolution des ports urbains, des questionnements sur leur devenir, il paraît judicieux de se questionner sur le chantier naval de demain. Quels sont les besoins actuels dans notre société ? C’est ainsi qu’une nouvelle filière qui fait émergence dernièrement est apparue comme solution: la déconstruction de bateaux. Encore trop peu présente en France et trop peu (re) connue, cette nouvelle voie se révèle de plus en plus inévitable et nécessite une plate-forme de sensibilisation auprès de tous les plaisanciers et propriétaires de bateaux. L’emplacement stratégique que représente notre site d’étude parait alors être idéal dans le but de toucher un maximum de personnes. produire ce que nous consommons et consommer ce que nous produisons2

Dans ce circuit industriel inversé qu’implique la déconstruction il est question de s’interroger sur les matières récupérées. Dans une optique de valorisation de la matière, fil conducteur entre industrie et habitations, il s’agit d’envisager sa réutilisation. Elargir cette sensibilisation à l’’ »usé » à une échelle plus large, celle du réemploi. Créer de la matière première secondaire à partir des matériaux récupérés. Continuer son utilisation malgré sa dite « obsolescence », inefficacité actuelle. C’est cette fois, la résilience de la matière même qui est mise en avant, amenant avec elle l’échelle du travail artisanal. L’intention est de définir les productions présentes sur le territoire, les besoins de consommation

qui s’en dégagent et accentuer les systèmes déjà établis afin de d’inscrire et d’amplifier un réseau qui existe déjà. Partir du « déjà là » afin de créer une production communes inscrite dans son territoire.

1fin.fr 2André Gorz, journaliste et philosophe français. r-urban.fr

23


Associations et activitĂŠs culturelles ĂŠmergentes sur le territoire. Ressource Photo-montage personnel.

24


Construire UN PARCOURS LOCAL - EXPERIMENTER LE RE(EMPLOI). APPROCHE GLOCAL- LE LOCAL-

Comme il a été cité précédemment, le contrat territorial de la plaine commune est principalement basé autour d’un développement culturel. Une envie qui semble partagée aux vues des tendances et innovations actuelles qui se développent dans le département. Avant de définir le réemploi, il semble logique d’introduire ces démarches actuelles qui nous ont amenées à y parvenir. Suite à l’étude des activités culturelles naissantes ces dernières années, une volonté commune est apparue: celle de l’échange. Le quartier des Ecuries de la Briche est parsemé d’entités fortes, formatrices d’identité. Il est question de révéler ces émergences afin de s’installer de manière logique vis à vis des habitants. La première accroche a ainsi été celle du quartier en construction de l’écoquartier fluvial de l’Ile Saint-Denis, à deux pas du site, il a été l’occasion d’entreprendre le grand détournement par l’association Bellastock1. En partenariat avec Plaine Commune, cette association d’architecture expérimentale travaille sur la valorisation des lieux et de leurs ressources à partir de problématiques liées aux cycles de la matière et au réemploi. Organisation de festivals, architecture expérimentale, workshops, chantiers ouverts, nombreuses sont les interventions de cette association qui prend part aux activités liées au Grand Paris. Cette implantation et l’intérêt qu’elle a suscité auprès de la ville et ses habitants par la participation était donc un premier point d’intérêt constaté. Enfin, cette approche autour du réemploi a trouvé un écho à mes premières lecture autour de la soutenabilité : 2

C’est d’une nouvelle économie qu’il s’agit, non plus celle de la croissance mais celle de la sobriété heureuse. L’artisanat du réemploi est une mise en application concrète de l’Ecopolis d’Alberto Magnaghi, une ville de l’habiter, auto-soutenable, qui « assume pleinement sa dimension territoriale et historique où elle puise sa substance, sa culture, son language, son style de développement et sa capacité de transformation; (une ville qui) crée des microéquilibres environnementaux, cultive la beauté de ses espaces collectifs, restitue leur valeur aux matériaux, aux techniques de construction et aux ressources locales, digère ses propres déchets (…) développe des formes d’échange et de travail non marchandes

3

1bellastock.fr 2Le projet local, Alberto Magnaghi. Ed: Mardaga, Architecture+recherches, 2003. 3Matière grise, Julien Chopin, Nicola Delon. Matériaux/ Réemploi/ Architecture. Pavillon de l’arsenal 2014, p12.

25


Activités présentes sur le territoire. Demande et production de matière. Photo-montage personnel.

26


Au fil des recherches, il se trouve que les ateliers Bellastock ne sont pas les seuls à mettre en oeuvre un mode de vie basé sur le réemploi, l’échange. Un projet « symbole » comme celui d’ Emmaus coup de main à l’entrée de la ville de Saint-Denis est un autre révélateur. Logements temporaires construits à partir de matériaux récupérés, il constitue une première fenêtre sur les activités de la commune qui s’étend dans tout le département. (« Déchet’Art,Plaint Saint-Denis, « La Fripouille, Aubervilliers , etc… voir carte.) L’idée principale est donc de créer un lieu en lien avec toutes ces associations manquant de lieux d’exposition, d’échange et de stockage afin d’amplifier et de relier un réseaux existant trop peu connecté. MISE EN PLACE D’UN RESEAULe réemploi est « une nouvelle utilisation d’un matériau existant, sans transformation radicale de sa forme mais en détournant éventuellement sa fonction initiale »1

Cette approche de la matière en fin de vie propose deux étapes en amont du recyclage. Cette logique répond à la règle des 3R: Réduire, Réemployer et Recycler2. Réduire la quantité de déchets qui arrivent en fin de vie. Construire une architecture produisant moins de déchets. Penser le bâtiment dans son éventuelle évolution. Réutiliser ou réemployer ce qui a déjà été construit, dans le cas ici d’une réutilisation d’éléments encore viables des bateaux. (accastillage, coques, éléments de structure..).Enfin, recycler ce qui ne peut être réutilisé ou réemployé. La réutilisation conserve la fonction, le réemploi la forme et la recyclage la matière. Ainsi, l’architecte Jean-marc Huygen définit « trois actes de récupération distincts: la réutilisation, qui consiste à se resservir de l’objet dans son premier usage; le réemploi, d’un objet ou de parties d’objet, pour un autre usage; le recyclage, qui introduit les matières de l’objet dans un nouveau cycle »

3

Cette vision formatrice autour de la matière pousse le réemployeur à élargir son champ d’action. Ainsi nait la possibilité de récupérer des matériaux autres que seulement la matière récupérée des bateaux. Dans l’idée d’expérimenter le réemploi sous plusieurs échelles, on n’exclut pas l’arrivée de matériaux de déconstruction de sites variés Ile de France: « La région dispose d’un énorme gisement de matériaux et de composants de construction en fin de premier usage, duquel on peut extraire de quoi réaliser de nouveaux ouvrages »

4

11 CHOPIN Julien, DELON Nicolas Matière grise, . Matériaux/ Réemploi/ Architecture. Pavillon de l’arsenal 2014, p12. 2Ibidem. 3HUYGEN Jean-Marc.La poubelle et l’architecte, Vers le réemploi des matériaux, , Arles, Acte Sud, 2008. 4Matière grise, Julien Chopin, Nicola Delon. Ibidem p170.

27


Activités présentes sur le territoire. Demande et production de matière. Liste située et illustrée des activités aux alentours du lieu en étude. Septembre 2016. Photo-montage personnel.

28


La soutenabilité urbaine, le local, le global, le glocal, ou encore le réemploi, tous favorisent une pratique

commune: minimiser le transport de la matière. Pour ce faire, la production nouvelle nécessite d’exploiter les réseaux existants. Instaurer un mode de fonctionnement par complémentarité. Réaliser une compréhension in situ du cycle de la matière, une cartographie des gisements de matériaux. On retrouve alors deux catégories: celle de la production (cimenteries, menuiseries..) et celles de la post-utilisation (déchetterie, centre de transformation..). Situé au noeud de ces transformations, le site a pour ambition de relier ces installations utilisant pour la majorité l’eau comme moyen de transport. En effet, par un système d’échanges et de transports courts de la matière, l’intention est de réduire au maximum la quantité de déchets produits. Aujourd’hui près de 90 à 95% des bateaux peuvent être recyclés1. De ce démantèlement, une partie non exploitable sur site peut être transportée dans le centre de transformation Yprema au Nord ou encore servir de combustible solide de récupération afin d’alimenter les cimenteries voisines (qui sont nombreuses). A l’inverse, le site est susceptible d’accueillir de la matière usagée de plusieurs provenances. Il s’agit de profiter de la proximité immédiate avec la déchetterie communale afin de pousser les habitants, artisans ou commerciaux à passer sur le site. Installer une forme d’échange à plusieurs échelles qui concernerait les utilisateurs comme les producteurs. Une complémentarité entre la demande et la production in situ.

TRAVAILLER LE (RE)EMPLOI, Cette approche par le réemploi est aussi induite des travaux précédemment réalisés lors de mes

études dans cette école. L’année dernière, un travail sur les maisons 1930 de notre région s’est mené autour de l’énergie grise et la distinction entre énergie de fabrication et d’utilisation. La lecture de Fire and memories de Luis-Fernando Galiano notamment m’avait déjà amenée à réfléchir sur l’énergie qu’implique fabrication et déplacement de la matière. Ce travail vient donc dans la continuité de ces interrogations. tout artefact, et tout dispositif construit en particulier, suppose deux types de dépenses énergétiques: celui de la production- entretien, celui son usage 2.

1depollutionautique.fr 2Luis-Fernando-Galiano. FIRE AND MEMORIES,

29


Le réemploi Mise en évidence des provenances diverses d’une construction en réemploi. Ressourcerie Recyclerie Economie circulaire Photo-montage personnel. Illustration de la fabrication du pavillon circulaire de l’arsenal. http://www.pavilloncirculaire.com janvier 2017.

30


L’analyse du système économique lié au métier de déchireur du XVIIIes sur les bords de Loire effectuée par Nathalie Ruffié permet de démontrer que le réemploi peut faire lien entre architecture navale et architecture terrestre par des systèmes d’échanges locaux préfigurant de ce qu’on appelle aujourd’hui une « économie circulaire » La particularité de ce territoire fluvial a donné naissance à une typologie d’embarcations à fond plat. Simples et peu couteux, ces bateaux ne font souvent qu’un voyage, en raison de la difficulté de remonter la Loire, mais ont plusieurs vies. Une fois vidées de leurs cargaisons, ils sont facilement désassemblés par les déchireurs, d’un seul tranchant d’herminette, pour donner de larges planches vendues sur le marché de la construction » Ainsi, un grand nombre de constructions riveraines comportent des bois de réemploi et renferment un extraordinaire gisement d’archéologie nautique. Sur un même territoire, les déchets des uns font les ressources des autres.1

Présent dans l’histoire (les chiffonniers jusque 1960), le réemploi l’est également dans la géographie avec le développement des bidonvilles à l’échelle mondiale. La littéralité de l’expression bidonville associe définitivement le réemploi à ces villes de bidons. Un matière grise en absence de matière première. Dans cette étude, l’enjeu est de promouvoir une architecture plus sobre en consommation de matière. Le défi tient donc dans la banalisation du réemploi de la matière, son devenir comme matière « commune ». L’exploitation exige peu d’énergie: seulement une attention aux objets tombés en désuétude, une récolte locale et un transport réduit. »2 « Il s’agit de considérer l’objet désuet comme une matière première 3 VALORISATION DU TRAVAIL ARTISANAL-

La valorisation du travail artisanal commence par un rapport simple: la création d’emplois artisanaux. En effet, le réemploi des matériaux est créateur de main d’oeuvre. Pour 10 000tonnes de déchets, le système nécessite 1 personne pour les enfouir, 3 pour les incinérer contre 31 personnes pour les trier sélectivement4. En plus d’être nécessaire dans cet avenir proche où les ressources s’amenuisent, cette création est à gisement local, non délocalisable. Il est profitable à toutes les échelles, de l’industrie au bricoleur du dimanche en passant par l’artisan. C’est par cette nécessité, cette création de biens communs que nait la revalorisation.

1CHOPIN Julien, DELON Nicolas Matière grise, . Matériaux/ Réemploi/ Architecture. Pavillon de l’arsenal 2014, 2Idem, p38. 3Idem, p30. 4HUYGEN La poubelle et l’architecte, Vers le réemploi des matériaux, , Arles, Acte Sud, 2008.

31


Création partagée. Transdisiplinarité Photo-montage personnel réalisé à partir de l’iconographies du site openstructure.net et dessins personnels. janvier 2017.

32


L’artisant-réemployeur est un des acteurs de cette ville relationnelle du XXies 1

L’industrie du réemploi implique savoir et mains d’oeuvre dans de nombreux domaines différents (métallurgie, menuiserie…) cette création nouvelle d’emplois en plus d’être attractive pour le site et son esprit de « sensibilisation » implique de fait une mise en valeur de l’aspect artisanal. C’est l’art de l’ouvrier empreint dans la matière même, qui a été exclu de nos modes de production 2

L’objectif est de retrouver ce qui forme le travail artisanal: le travail de la matière par la main. Retrouver ce corps d’artisans, cette trace sur la matière qui suppose une histoire, un travail en amont, un outillage spécifique. Le seul coût dans l’utilisation des matériaux de réemploi se trouve dans leur raccomodage, et leur dispositif d’assemblage. Cette main d’oeuvre exercée dans la récolte, la conception et le raccommodage, c’est donc bien à travers ce travail humain de réflexion que nait cette mise en valeur.

Artisanat, définition: « Ensemble organisé des artisans, groupe professionnel qu’ils constituent » « L’artisanat diffère, par sa nature, de l’industrie et réclame des dispositions appropriées. Il émane directement du potentiel accumulé dans les centres urbains. “

3

Afin de mettre en valeur cet aspect culturel du bien commun que représente le déchet, un acteur principal est déjà en fonctionnement sur le site : le 6B. C’est alors que l’existant devient formateur du projet, objet central de liaison entre les activités. La notoriété que possède ce collectif d’artistes et les démarches entreprises permettent de réaliser « une vitrine » et une insertion aisée auprès de la population. Parmi les principales activités culturelles en Seine Saint-Denis4, cette « cité de l’art » se composent d’artistes aux domaines variés déjà sensibilisés au réemploi ou au participatif. (partenariat avec Bellastock).

1CHOPIN Julien, DELON Nicolas Matière grise, . Matériaux/ Réemploi/ Architecture. Pavillon de l’arsenal 2014, p160. 2Idem, p34 3Cnrtl, Le Corbusier, La Charte d’Athènes,1957, p. 60. 4plainecommune.fr

33


Vers un manuel d’utilisation commun. Compréhension Facilité d’utilisation Partage Créativité Photo-montage personnel réalisé à partir des iconographies du site openstructure.net janvier 2017.

34


Au centre d’un nouveau quartier en construction, ils organisent des portes ouvertes et festivals qui met en scène cet univers de la construction et attirent un grand nombre de Dionysiens et Parisiens de tous quartiers. Cette approche ludique, participative et formatrice au centre du projet développé ici a donc permis d’appréhender l’univers du chantier aisément dans la vie associative à construire. Cet engouement pour l’artisanat étant déjà présent ce qui nous fait plaisir, c’est la diversité des profils, des pratiques ,notre travail est d’orchestrer toutes les énergies qui se présentent à nous pour valoriser les pratiques émergentes. Seul critère important: le lien avec le public et l’envie de faire avec les autres. . président du 6B-1

Ce bâtiment de près de 7000m2 devient emblème de la résilience sur le site. Il amplifie cette image désirée de cité du réemploi par les biais des quelques 160 résidents, artistes plasticiens, métiers de la culture et architectes. Il vient amplifier ce travail de la matière (physique et psychologique) à toutes les échelle, créer des liaisons, dépendances et interdépendances entre les acteurs-artistes existants et futurs. Concrètement, les différentes matières récoltées sur le site par la déconstruction ou l’échange nécessite des expérimentations à échelles variées et donc corps de métiers tout aussi différents. travail qui s’étendrait de l’objet artistique à des constructions plus importantes sur le site ou dans la ville ; un travail pour tous à partir des savoirs de chacun ; un travail transdisciplinaire. Le terme transdisciplinarité dénonce l’impossibilité d’aborder une vision globale du réel par la séparation des savoirs. Les notions d’inter et pluri disciplinaire ne sont pas suffisantes pour décloisonner les savoirs2. La transdisciplinarité tend vers l’unité des connaissances. C’est l’idée de donner différents points de vue sur une même chose. La formation de chacun devient une richesse à exploiter par la mise en commun. Cette notion de partage de connaissances m’est apparue effective lors de la visite de l’exposition «Constellation.s»3 à Bordeaux cet été 2016. Cette exposition présentée par « arcenreves »avait pour but de faire découvrir les mutations planétaires et nouveaux modes de production de la ville4 . Parmis les exposants, le projet collaboratif « openstructure » de Bruxelles qui explore les possibilités d’un modèle de construction modulaire où tout le monde dessine pour tous sur une grille géométrique commune. A partir de cette base commune, chacun peut contribuer en partageant des idées de structures, composants ou encore connexions sur une plate-forme commune5. Pourquoi ne pas imaginer alors un système de partage étudié de la même manière dans lequel chacun pourrait apporter son grain de sel face aux constructions de réemploi. La création d’un manuel évolutif, incrémental, effectué à partir de normes communes et donc facilement appropriables.

16b.fr/ lien vidéo. 2Edgar Morin, Introduction à la pensée complexe, réel. 2014, p19 3http://www.constellations.arcenreve.com 4 4http://beta.openstructures.net/pages/44/parts 5 Idem

35


Le travail part du sol. La matière arrive à t0 sous la

métaphore du « déchet », cette poubelle laissée à terre.

Par le cheminement qu’elle va suivre, sa

valorisation, elle va se transformer, passer au

stade de matière première à t+1 et atteindre

l’entrepôt, une conservation pour sa valeur. Par le biais des artisans, artistes à t+3 cette matière

acquiert le statut d’objet, de « réalisation », elle est alors exposée et parvient à se hisser jusqu’à l’étagère.

Enfin, possédée par une personne comme un

tableau, un meuble ou une fenêtre à t+4, elle

parviendra au stade de l’utilisation, accrochée au mur, au point de le plus haut que représente l’ha bitat.

Finalement, c’est à nouveau au sol qu’elle finira

après avoir vécu son temps et c’est alors que la

résilience de la matière doit suivre son cours afin de ré-entamer une escalade jusqu’au sommet.

Ce déplacement matériel n’est possible que

par celui des corps vivants qui l’actionnent. Il s’agit ici d’accentuer cette approche à travers un travail en coupe, cette mise en valeur progressive

métaphoriquement

démontrée

par une ascendance du sol aux habitations.

Le déplacement de la matière. Valorisation. Texte et shéma personnels.. 36


MISE EN S(C)EINE CHAINE PROGRAMMATIQUELe déplacement des corps sur le site.

Dans l’application, le rez-de-chaussée devient « rez-de-ville » par le déplacement. De majorité

public, il est occupé ponctuellement par des interventions au profit de la mise en valeur du travail de la matière. Cette valorisation passe par la mise en évidence de son déplacement. Des points de vue sont créés de manière à constater ses transformations. De son origine, le port de plaisance, lieux de dépôts; ses nombreux espaces de stockage, sa transformation, l’atelier principal de démantèlement, à leurs appropriations, les ateliers participatifs, les ateliers artistiques, infrastructures extérieures et logements environnants. L’entrée sur le site se veut être celle de l’entrée dans un univers. Ainsi, un cheminement virtuel, reliant l’atelier principal au 6b traversant tout le site a pour but de représenter ce déplacement matériel. Le rez-de chaussée devient un musée interactif du réemploi dans lequel chacun peut apporter sa touche et devenir acteur ou premièrement découvrir autour d’un café les allées et venues d’un lieu vivant. La chaine programmatique est induite de ces volontés de qualité de vie.

Nous souhaitons impliquer les habitants à tous les stades du cycle de transformation des matériaux: fournisseurs, collecteurs, outilleurs, usineurs. AAA- 1

L’origine du travail est de partir des occupations présentes ou à venir sur le site : le bâtiment du 6B et le port de plaisance. De ce point de départ, une programmation autour d’un réemploi « commun » s’est tissée : le port de plaisance nécessitant une capitainerie avec ses lieux partagés, l’atelier principal des plus petits ateliers répartis, les habitations des lieux communs et ateliers dans lesquels participer à l’élaboration de créations individuelles ou plurielles, les inter-relations sont là. Le 6B, au coeur du projet permet de créer un lien supplémentaire entre les activités, un lieu de rassemblement et une fenêtre sur la ville via des interventions ponctuelles et évènements.

1AAA - Atelier d’architecture Autogéré. Doina Petrescu et Canstanti Petcou. Matière grise, p214.

37


38


LIEU D’EXPERIMENTATION LIEU DE TRANSITIONLa conception, parallèle entre la formation du projet architectural et des projets in situ.

Par son ancrage dans la ville, le site a pour ambition d’être un incubateur des initiatives du territoire. Cette ambition nécessite d’offrir des espaces adéquats au bon développement de toute initiative mais aussi d’informer des possibilités de production que permet la pratique du réemploi. Il semble alors qu’un travail sur la matière grise cette fois soit nécessaire. Dans l’élaboration des objets, des bâtiments et de la ville qui se renouvellent continuellement, avant même d’envisager le recyclage des objets tombés en désuétude (nouveau cycle de la matière, coûteux en énergie), le simple réemploi permet une économie et une mise en perspective historique et sociale, donc un supplément de sens et une relation entre les générations. 1 Le domaine d’étude conception et approche de la complexité propose un enseignement fondé sur une approche transdisciplinaire de l’architecture, nourri simultanément par le projet et la recherche. Il s’inscrit dans une démarche exploratoire en abordant la conception sous le double point de vue d’une pratique opératoire en prise sur des situations réelles et d’une pratique réflexive, visant à interroger et provoquer une nouvelle production 2

De la même manière que celle qui nous est demandée en atelier, la cité du réemploi propose création sous un regard réfléchi, questionnant les pratiques actuelles et proposant une démarche transdisciplinaire, nourrie par la recherche. Construire concerne tout le monde et tout le monde sait un peu construire: cela permet de se rencontrer autour du faire, d’agir concrètement ensemble. 3

Il est question d’élaborer de nouvelles méthodes ainsi que de nouvelles techniques et de nouveaux canons esthétiques. Developper de nouveaux savoirs et savoir-faire spécifiques au réemploi et cela par l’expérimentation. C’est pourquoi une série d’ateliers participatifs prend place dans la chaine programmatique. Ils ont pour but de se familiariser avec la matière, la pratiquer. «Penser des structures et devoir les construire, c’est vivre la matière à vraie grandeur»4 Avec de la matière constituée d’objets divers et en quantité limitée, c’est se confronter à deux difficultés: la constitution d’un tout cohérent et la limite des produits à disposition.

1HUYGEN La poubelle et l’architecte, Vers le réemploi des matériaux, , Arles, Acte Sud, 2008. p11. 2Habiter et travailler en bord de Seine. Sujet domaine d’études « conception et approche de la complexité, automnes 2016-2017 3BOUCHAIN Patrick Pas de toit sans toi,.Détail d’immeubles d’habitation collectifs, Plans, coupes, élévations. Oscar Mira, éditions Le moniteur. 4HUYGEN La poubelle et l’architecte, Vers le réemploi des matériaux, , Arles, Acte Sud, 2008. p11.

39


40


Réaliser un travail d’ensemblage à l’échelle personnelle de la conception architecturale dans cet atelier complexité et à l’échelle de production pour les artisans des ateliers in situ. Il s’agit aussi d’apprendre à travailler ensemble, mettre en commun des intérêts et compétences diverses, appréhender le consensus, le compromis pour l’élaboration d’un seul édifice. Trouver une cohérence dans la création d’un « univers », une « cité » mettant en avant ici l’interdisciplinarité souhaitée. Ce parallèle peut se réaliser vis à vis de nombreux domaines de conception. Le travail commun nécessite partage de connaissances, d’influences et de savoirs-faire. On l’appréhende tous les jours dans les ateliers de l’école à travers les travaux communs, workshops et entraides ou in situ dans les ateliers de co-fabrication mélangeant corps d’état et savoirs manuels différents. 1

Depuis mon expérience en agence d’architecture, j’ai réalisé l’importance de cette interaction entre pensée et réalisation. Ayant à ma demande, majoritairement effectué des visites de chantiers, j’ai pu confirmer cette fascination pour le relationnel entre les différents intervenants lors d’une construction et les débats incessants qu’elle implique. C’est face à une situation précise et les moyens de mise en oeuvre à disposition qu’une solution doit être trouvée. Avec l’expérience des acteurs présents se forme un imaginaire de possibilités. C’est sans doute, le désir de faire partager ces interactions cachées à l’intérieur d’une cabane de chantier qu’est née l’envie de développer la thématique suivante, vivre le chantier. Le concept developpé souhaite introduire cette expérimentation dans la fabrication de la ville. Créer un lieu entre conception et fabrication, entre ville et terrain expérimental, entre chercheurs et producteurs, artisans et habitants. Pour définir cet espace multi-fonctionnel, cette part d’incertitude inhérente au programme et au site ici, le choix a été de développer cette notion de « tiers-espace » évoquée précédemment. Ces lieux permettent l’intégration du désordre face aux évolutions du milieu productif et humain. Il agirait comme lieu de transition vers une nouvelle ère, une introduction au processus temporel de fabrication lié à l’acte quotidien d’habiter.

1HUYGEN La poubelle et l’architecte, Vers le réemploi des matériaux, , Arles, Acte Sud, 2008

41


«Les FOLIES Liégeoisest» Materias.eu. site consacré «à la recherche et l’expérimentation de nouvelles matières pour une architecture soutenable». UBAT. 2008- 2009. Intégration morphologique, apport d’usage et relation avec les habitants ou visiteurs.. «Elles ont évolué pendant un an, selon les diverses appropriations puis ont été démontées» http://www.matieras.eu/4.2.folies_ evolution.html

Agence Bresilienne NITSCHE Baleia edifício pop madalena, são paulo, 2015 26*6m Empena Viva, Sao Paulo. IItervention urbaine sur façade. 300m2 de surface peinte. juin 2015 http://www.nitsche.com.br

«PLACE au changement» Collectif ETC. Concours «Défrichez-là», EPASE. mars 2011. Mise en valeur d’un espace en friche situé au centre de Saint-Etienne. «La proposition faîte se veut être le reflet des mutations en cours dans le quartier». http://www.collectifetc.com/realisation/ place-au-changement-chantier-ouvert/ 42


habiter RAPPORT AU TEMPS/ UN CHANTIER CULTUREL la famille des matériaux de réemploi a vocation à reposer sur d’autres modes d’exploitation, de conception et de fabrication que les quatre familles conventionnelles. Et par là même, installer d’autres relations humaines, à un niveau local et plus soucieuses des nécessités du vivre ensemble. 1 DECOUVRIR SENSIBILISATION ET APPRENTISSAGEQuand on arrive en ville.

Supposer que tous les habitants du site font partie de ce chantier expérimental entraîne inévitablement l’idée d’une production commune. Pour ce faire, les utilisateurs disposent d’un terrain de jeu idéal : la ville. De cette idée, la « cité du réemploi » a pour objectif de développer des actions aux multiples échelles. Dans un premier temps il s’agit de celle de « l’intervention », éphémère, localisée, elle a pour but de faire prendre connaissance des possibilités de production de la ville. Marco Casagrande parle alors d’ « acupuncture »: L’acupuncture urbaine est une théorie bio-urbaine, qui conjugue la sociologie et l’aménagement urbain avec la théorie médicale chinoise de l’acupuncture. En tant que méthodologie de conception, elle opère des micro-interventions tactiques sur le tissu urbain, visant à obtenir des répercussions et une transformation en cascade de l’organisme urbain en général. A travers ces points, l’acupuncture urbaine cherche le contact avec les savoirs locaux du site.2

Les interventions seraient donc multiples: Celle de l’espace public mis à disposition, par la création d’objets autonomes participant à la vie active sur le « rez-de-ville » que forme le sol public des Ecuries. On pense alors à des signaux ponctuant un chemin« théorique » dans l’espace, des structures construites, des « folies » qui auraient divers objectifs: jalonner un parcours, afficher des informations sur les diverses activités et sponsors, garder mémoire des activités terminées, révéler l’espace comme celui de la communauté. Cette approche évoque aussi le développement de sessions intensives dans les ateliers communs permettant de s’approprier un espace donné dans un temps éphémère. In situ, sur la pointe du site des écuries La Briche. Espace de jeu idéal de par son aspect insulaire ce lieu constitue un point stratégique d’exposition vis à vis des quartiers environnants et nombreux passages fluviaux.

1 CHOPIN Julien, DELON Nicolas Matière grise, . Matériaux/ Réemploi/ Architecture. Pavillon de l’arsenal 2014, p39. 2 CASSAGRANDE Marco, La ville rebelle, 2015.

43


«Ici, on fabrique, on produit, on diffuse et on partage de l’art et de la culture. Mais comme dans n’importe quel quartier, on peut aussi se promener dans les rues, flâner dans les espaces publics, manger ou boire un café aux grandes tables, déposer son enfant à la crèche ou l’emmener s’amuser à l’aire de jeu, acheter ses fruits et légumes au marché paysan ou encore cultiver sa parcelle dans les jardins collectifs...» llafriche.org «Friche La Belle de mai» Marseilles. Un projet dans la durée: Association Système Friche Théatre. 1995: Projet cultture élaboré par Jean Nouvel 2007, Société Coopérative d’interet Collectif présidée par Patrick Bouchain. 2013, ARM Architecture, Matthieu Poitevin.

http://www.lafriche.org/fr/la-friche-aujourd-hui

44


Enfin, dans la continuité des activités émergentes du quartier, des interventions ponctuelles de l’ordre de l’événement, d’autres espaces « tiers » qui sont nombreux dans le quartier. Il est alors question de créer. l’événement qui dépasse le quotidien ennuyeux pour apporter des nouveaux savoir-faire et de nouvelles histoires 1

Pour parvenir à intégrer les acteurs d’un cercle plus large, l’idée est d’y intégrer des horizons variés. Pour cela, le premier élément fort est bien-sûr la présence du 6B au centre de la programmation. Il s’agit alors de profiter de cette notoriété, de ce « lieu de diffusion et de création à Saint-Denis » déjà établi. Cette prise de position force à étendre le champ d’action de la déconstruction à lui de la création, permanente, continue. La pensée participative en architecture se fonde sur l’homme et non sur la discipline. Afin d’expérimenter plusieurs de ses aspects, il parait nécessaire d’aborder d’autres domaine qui peuvent la nourrir. A cet effet, l’art contemporain a toujours entretenu un rapport avec la participation des visiteurs aux oeuvres exposées. L’artiste pousse le spectateur à s’émanciper, développer sa créativité sociale. Par cette forme d’éducation, il rend la société plus réceptive aux démarches architecturales.

La ville qui vient.2

Nous sommes donc face à une friche industrielle dans un quartier en pleine mutation. Le désir naissant est que cette friche s’intègre peu à peu à son environnement, par inter-alimentation. Comment ré-ancrer ce morceau de ville dans le territoire? Espace d’expérimentation, la productivité du lieu passe par celle de fabriquer de la vie. Pour ce faire, l’enjeu revient à ancrer de l’activité sur le site comme il en est le cas dans l’opération « la belle de mai » à Marseilles. La transformation de ce lieu depuis 1995 a engendré une platefrome de brassage culturel et social. Foisonnement d’activités culturelles, il permet de créer ce lien entre artistes et visiteurs. Dans cette même idée, il est donc question de relier la production artisanale, artistique à l’habitant par des espaces incitant le contact, la rencontre. Faire entrer la ville et toutes les personnalités qu’elle contient dans la cité de production commune. Cette volonté à fait naître l’intention de créer un ensemble de lieux de services, de prêts, d’échanges de savoir-faire et de pratiques communes. Un lieu de fertilité urbaine rassembleur dans un « rez-de-ville » ouvert, devenu lieu de tous.

1 BOUCHAIN PatrickPas de toit sans toi, 2HENAFF Marcel, La ville qui vient, Paris, editions de l’Herne, 2008.

45


LA VILLE, UN TERRAIN DE JEU. Ville et expĂŠrimentation. Illustration personnelle.

46


L’évenement La particularité d’un lieu se ressent par le mode de vie différent qu’elle suppose. Il est alors

question d’accentuer les initiatives existantes, de les inhiber. Dans cette cité du réemploi, l’idée est de partir de l’existant et de le valoriser. L’existant est donc aussi le quotidien qu’il s’agirait alors de bousculer. Comme il est rappelé dans le sujet et dit Jacques Lacan: « Le réel, c’est ce qui revient » « la réalité, c’est le réel apprivoisé par le symbolique avec lequel on va tisser l’imaginaire »1

Le symbolique se tisserait ici par la notion d’évenement . Par ce biais, la gestion temporelle du site est à nouveau mise en avant. Définir la construction comme une célébration perpétuelle. De l’arrivée de nouvelles matières, du partage de savoirs à leurs transformations. Les moments ou nous livrions le matériel étaient de véritables fêtes. Les moments festifs ont d’ailleurs été nombreux entre les pendaisons de crémaillères, les cafés partagés, les créations communes, les découvertes d’artistes. 2

A l’image d’une crémaillère ou d’un réception de travaux finis, les festivals et journées portes ouvertes organisées par le collectif du 6B suscitent chaque année de nombreux visiteurs et le développement de structures éphémères. Des événements nouveaux sont aussi à supposer, plus inhabituels, liés aux pratiques de réemploi. Il s’agit alors de supputer, inciter les possibles entraides, fonctionnements en communs, moments de partage par rapport aux heures de la journée ou jours de l’année comme par exemple celui des encombrants: Système alternatif de consommation, fondé sur la gratuité et l’échange ». « il s’agit d’une soirée d’effervescence, où la rue grouille de monde, ceux qui se débarrassant et ceux qui glanent, et ceux qui se débarrassant et qui glanent 3

Pour préserver cette tradition d’appropriation, un espace d’accueil évolutif, support de l’extraordinaire doit être envisagé. Il suppose un sol, une infrastructure évolutive. Elle permet par sa présence de faire de ces événements des rituels, des installations valorisées et non plus rejetées sur le trottoir, lui offrir un cadre de développement adéquat. Consciemment, toutes ces actions se passeraient dans ce rez-de-ville, cet espace public, aux yeux de tous et donc des habitants. L’enjeu ici est d’initier la transition par des échanges informels autour des objets, de ces événements afin de pousser au contact, à l’échange. Par cette approche, il s’agit d’entamer la discussion sur l ‘usage de l’espace commun et de la terminer sur une sphère plus individuelle : le logement.

1 Habiter et travailler en bord de Seine. Sujet domaine d’études « conception et approche de la complexité, automnes 2016-2017 2 BOUCHAIN PatrickPas de toit sans toi, p61. 3 HUYGEN La poubelle et l’architecte, Vers le réemploi des matériaux, , Arles, Acte Sud, 2008

47


HABITER LE CHANTIER Photo-montage personnel. Octobre 2016.

48


PRODUIRE HABITER LE CHANTIER. Cette

cité du réemploi amène inévitablement à se poser la question du temps dans la création architecturale. La dé-construction suppose de défaire ce qui a précédemment été construit. Dans cette optique, il s’agit alors d’envisager une forme de déconstruction, d’évolutivité dans la conception afin de réfléchir et donner matière à penser au futur. Une durabilité dans le changement. Envisager des désirs différents, une « fragmentation », pour une plus facile modification. Interroger ce qui crée la longévité d’un bâtiment, sa « durabilité ». A cette question, Lucien Kroll apporte un premier élément de réponse en comparant deux approches inverses: On construit encore aujourd’hui en monolithe ou en « tout à jeter », rarement en mouvement et par fragments. Puisque ces architectures ne sont en rien prévues pour leurs remises à jour continuelles,elle se destinent à se taudifier dès le lendemain de leur inauguration.

1

L’idée est ainsi venue de travailler un site en construction constante. Vivre dans notre société moderne qui encourage une grande mobilité des individus suppose la succession d’ « habiter » différents dans un même lieu. Vivre une architecture participative au pouvoir de s’adapter, de concevoir et de construire perpétuellement. Pourquoi cacher ce moment de travail, de construction, de conception quotidienne alors qu’il est riche et positif ? »2

La lecture de « pas de toit sans toi » de Patrick Bouchain a alors permis d’apporter une approche originale reliant industrie et habitants, celle du chantier habité. Faire de la construction un producteur de vie quotidien. La rue s’est très vite animée au son des brouettes, de la toupie de ciment qui a tourné sans cesse, de la scie circulaire, de la ponceuse, des allers-retours des ouvriers encore inconnus des habitants Une nouvelle forme de vie était entrée dans la rue et allait révéler des façons de vivre encore insoupçonnées 3

Dans un espace donné ou il s’agit de recueillir de la matière, la travailler, la transformer, construire de part et autres avec une notion participative et formatrice, il ne s’agit plus de construire d’un côté et habiter de l’autre ou encore produire puis habiter. C’est alors que la notion temporelle de toute production rentre en jeu.

1 KROLL Lucien Tout est paysage, édition Sens&tonka, 2001, Paris. 2BOUCHAIN PatrickPas de toit sans toi. 3Ibidem, p54.

49


HABITER LE CHANTIER La maison commune et l’exploitation Illustration personnelle.

50


L’anisotrope et les filons peu homogènes conduisent à une grande diversité d’utilisations si l’on réhabilite une valeur essentielle de la construction: le temps. Temps d’attente de la disponibilité d’un objet particulier, temps de conception, temps de mise en oeuvre 1

La filière du réemploi est indissociable de cette notion temporelle dans la mesure où l’arrivage de matière est imprévisible, continu. On stock et conçoit à partir de cet accumulation. On est ainsi dans un circuit inverse de celui souhaité par l’industrie. De fait, les productions sous-jacentes de cette filière ne peuvent faire partie d’un système traditionnel considérant l’artisans comme un simple monteur en kit établi et l’habitant comme consommateur de cette assemblage.

A partir de cette manière d’appréhender la construction, la conception, cette notion de chantier habité a été introduite par celle du « phasage ». Tout chantier s’élabore à travers une partition d’ordre chronologique des étapes à réaliser, des fondations aux finitions. De cette même manière, l’idée est de retrouver des échelles temporelles de construction différentes dans la vie de chantier que devient le terrain des Ecuries la Briche. On retrouve ainsi un univers atypique reprenant les phases d’exécution d’un projet: L’installation: partir de l’existant, le 6B, les Ecuries La Briche et le port de plaisance. L’approvisionnement: l’atelier de déconstruction et espaces de stockage. Le gros-oeuvre: les habitations, activités culturelles et commerces qui permettent la fréquentation du site, sa pérennité. Les lots techniques: la présence de différents petits ateliers équipés qui permettent l’exploitation de la matière sous toutes ses formes. La coordination: la présence d’une « maison commune », cabane de chantier qui permet l’échange, la supervision des activités, le rassemblement autour d’un espace de « création commune ». Les finitions: les lieux d’appropriation (les espaces publics, logements).Le contrôle des travaux: réalisés par les architectes, artistes et artisans du 6B et des installations nouvelles prenant place quotidiennement sur le site. L’exploitation: perpétuelle par la mise en place d’une infrastructure en constante évolution permettant d’accueillir les différentes réalisations éphémères des ateliers.

11 HUYGEN La poubelle et l’architecte, Vers le réemploi des matériaux, , Arles, Acte Sud, 2008, p39.

51


HABITER LE CHANTIER GSMA Architecture Site d’ALembert, Montevrain. Les parcours sur le site. Vivre le chantier. Apprendre. Decouvrir. projet de restructuration et de mise en perspective du site patrimonial convoquant le réemploi de matériaux et la participation des usagers.

Partenariat avec Bellastock. “Bellastock assistera la maîtrise d’œuvre sur les dispositifs d’autonomie énergétique en proposant des modules de chantier ouverts aux usagers. La Plateforme d’apprentissage par le geste formera les entreprises comme les usagers aux techniques du réemploi (dépose soignée, reconditionnement, prototypages, validations techniques, préalables aux mises en œuvre)”

site gsm architecture: http://www.gsm-archi.net/site/?p=1429

52


Afin de rendre plus compréhensive cette image, il s’agit de définir ici deux éléments structurants fondateurs de cette pensée: « la maison commune », lieu de réunion et de conception et « l’infrastructure », exploitation constante des fabrications expérimentales. Le début et la fin d’un fonctionnement cyclique.

La maison commune La maison de chantier est devenue un nouveau repère, consacrée au travail, à la vie de chantier et aux activités le mercredi et vendredi après-midi. 1

La maison commune a été le point de départ de cette volonté de construction partagée initié dans Pas de toit sans toi. En effet, dans cet ouvrage, Marie Blanckaert sous la direction de Patrick Bouchain explique l’importance d’un vrai espace de partage et de convivialité pour les ouvriers. Les habitants, artistes et artisans étant considérés depuis le départ comme « les ouvriers » d’une construction partagée, il a paru logique d’appeler celle-ci « maison commune » et d’étendre ce lieu de partage à tous les utilisateurs du site, d’en faire un réel lieu de rencontre, une appartenance commune. Les ouvriers se sont appropriés avec plaisir cet espace confortable ““Travail et vie quotidienne se sont mêlés jusqu’à ne faire qu’un.2

Comme il a été dit précédemment, le but est donc de pousser les échanges intellectuels et manuels à l’image de ceux composants les réunions de chantier. Le débat autour d’une construction peut alors s’étendre à celui de la discussion autour d’un café. Le chantier devient ainsi un grand moment de vie publique avec des lieux de vie et de fabrication, des échanges de savoir-faire, des moments de convivialité, des temps de formation et d’ouverture culturelle.

1BOUCHAIN PatrickPas de toit sans toi. p54. 2Idem. p54. 3Idem. p54.

3

53


LA VILLE SPATIALE Friedman Yona, Villes Imaginaires, Ed. de l’éclat, Paris, 2016.

54


L’exploitation-

L’exploitation, elle aussi se veut perpétuelle par la mise en place d’une infrastructure en constante évolution permettant d’accueillir les différentes réalisations éphémères des ateliers. Ce qui permet la construction, la concrétise physiquement. Toujours dans cet univers de chantier, le langage employé évoque alors celui des échafaudages. Support de structure manu-portables, démontables et déplaçables. En 1958, Yona Friedman publie son premier manifeste : « L’architecture mobile ». La mobilité n’est pas celle du bâtiment, mais celle de l’usager auquel une liberté nouvelle est conférée. L’architecte doit créer un système technique donnant à l’habitant le droit à la personnalisation (par permutations). c’est l’architecture mobile (ou urbanisme spatial) qui semble le seul système capable de donner cette liberté; la ville amènerait alors la formation d’un nouveau folklore 1

Il parle alors d’infrastructure non déterminée et non déterminante. Une architecture disponible pour une société « mobile ». Dans son modèle de « la ville spatiale », trois critères son mis en évidence: toucher le sol en une surface minimum, être démontable et déplaçables et enfin être transformable par la volonté des habitants. La représentation de cette structure se fait alors par la mise en place d’un « treillis tridimensionnel » permettant à la lumière de se diffuser librement et ponctué par des points d’appuis réguliers, des piliers. L’ étage inférieur quant à lui peut être consacré à la vie publique, locaux de service, circulation piétonne. cette superposition permettrait de rassembler sur un mêmes site une ville industrielle, une ville résidentielle ou commerciale. L’imaginaire d’une « structure capable » dont il est question ici à partir de ce premier élément de Yona Friedman a très souvent été repris. il s’agit alors de découvrir et mettre en lien les potentialités de son application sur le site. Cette idée du produire « capable » pour ensuite laisser la succession, le temps compléter l’ouvrage porte un nom, repris par plusieurs architectesthéoriciens l’incrémentalisme , L’incrémentalisme, c’est refuser que la fin soit définie dès le début, c’est décider chaque étape quand on l’aborde et en regardant en a, c’est ne pas figer trop tôt les étapes suivantes ni surtout la totalité de l’opération.

2

1FRIEDMAN Yona, villes imaginaires, p300 Ed. de l’éclat, Paris, 2016. 2KROLL Lucien, Ordre&désordre. . p31.

55


Extraits du film « De Drager, A film about John Habraken » Importance du désir des habitants, possibilités, affiche et structure primaire. Lût, Sonja. Schwarz, Marc . , 2013.

PARACITY Marco Cassagrande. Appropriation, construction echelle 1 et structure primaire.

http://cargocollective.com/niilotenkanen/ Paracity http://www.casagrandelaboratory.com

56


Pour

cela

deux

projets

développés

semblent

aborder

cette

volonté:

Les travaux de John Harbraken, dans lesquels il évoque la réalisation d’un bâtiment « ouvert », fondé sur la séparation entre « structure support » rassemblant le système porteur et de l’autre les « remplissages » choisis librement par chaque habitant., il s’agit de composants indépendants de la structure principale. Par ce biais de « support » l’occasion est d’établir un

lieu incitant l’expérimentation des usagers sur le site, une structure « capable d’accueillir »

les diverses constructions de cette industrie du réemploi et cette cité d’artistes.1 1Lût, Sonja. Schwarz, Marc « De Drager, A film about John Habraken ». , 2013.

Le second projet est celui de Marco Casagrande (architecte de l’acupuncture urbaine) nommé « paracity »1 ayant pour concept lui aussi de générer un processus incrémental. A partir d’une cellule en bois, il ne dessine que les arrêtes. Il cherche à créer un système interprétable. Pourtant identiques, ces cubes deviennent uniques en fonction de leur contexte et utilisation .Ce développement qui s’effectue sur l’ensemble de la ville et donc l’habitat en lui-même m’a amené à m’interroger sur une forme d’adaptabilité commune. Comment faire intervenir les expérimentations collectives des ateliers jusqu’à la sphère privée individuelle du logement? 1http://www.casagrandelaboratory.com

57


COUCHE CULTURELLE Vis à vis sur les balcons. Photo personnelle. Paris, decembre 2016. 39 Rue Saint-Fargeau, 75020 Paris. 20e arr.

58


UTILISER ECHELLE DE L’HABITE, PROCESSUS

Définir des logements dans une cité en constante mutation a soulevé plusieurs problématiques. Comment définir cette notion de temporalité introduite par l’image du chantier dans une construction finie ? Comment introduire le collectif dans le lieu d’intimité que défini le logement ?

Pour passer de la production commune à l’individualité de l’habitat, il faut questionner le rapport entre l’individu et le collectif. En définir les attentes vis à vis de l’instauration d’une « cité » aux modes de vie différents et la nécessité de respecter les « normes » du logement collectif. Dès le départ, le désir était de distinguer trois échelles de l’habiter: le domaine public, le rez-de-ville défini précédemment ; le domaine communautaire, les espaces partagés entre habitants utilisateurs ; et la sphère individuelle, le logement. Dans une ville en mutation, un site en constant chantier, il semble important d’apporter une forme de flexibilité au logement, d’adaptation par les habitants sur leur quotidien. Loin d’imaginer une évolutivité complète du logement (ce qui nous amènerait a enraciner un habitant dans un monde mobile), l’idée est de construire une collaboration entre architectes, artisans et habitants dans la création de micro-structures. L’investissement d’un espace non accompli1 selon John Habraken. L’appropriation facilite la responsabilisation de l’habitant dans son logement.Nous avons tout à gagner à leur faire confiance, à prendre en compte leur complexité d’individu .2

L’appropriation par les occupants de leur habitat semble inévitable, nécessaire. Elle permet une forme « d’émancipation », essentielle dans le rôle des habitants vis à vis de leur logement. Elle permet de s’identifier aux lieux ou l’on vit et d’éprouver un sentiment de propriété. Lucien Kroll souligne d’ailleurs ce rôle décisif de l’architecture dans la formation de la personnalité et l’épanouissement personnel: nous construisons nos murs, puis nos murs nous construisent

3

Le plus flagrant, souvent étudié en anthropologie est l’appropriation entreprise sur les balcons, terrasses ou encore ‘pas de porte’ et leurs petits jardins. Ces espaces concernent l’intimité, les liens de voisinage, ce sont les marges4 qui symbolisent ces espaces de transition du public au particulier. Ainsi, ce sont les lieux qui diffèrent le plus facilement selon les entités et désirs de chacun. 1 Lût, Sonja. Schwarz, Marc « De Drager, A film about John Habraken ». , 2013 2 BOUCHAIN PatrickPas de toit sans toi.propos de Marie BLANCKAERT, p63. 3 KROLL, Lucien. «Entretien: Lucien Kroll ou l’architecture sans maître», L’architecture d’aujourd’hui, n°368, jan-fev 2007 4Lût, Sonja. Schwarz, Marc « De Drager, A film about John Habraken ». , 2013.

59


COUCHE CULTURELLE «Ensemblage» de la façade. La mémé, Lucien KROLL. http://homeusers.brutele.be/kroll/auaiproject-ZS.htm

60


Le principe est donc simple : laisser la possibilité aux habitants de manifester leurs volontés et leurs demandes vis à vis de « l’autre ». Donner à créer des liens, plutot que les forcer. Accepter qu’à chaque situation, il existe une réponse différente. Le logement fixe représentant ici le gros oeuvre, et les lieux aménageables l’exploitation à travers une infrastructure. Ce serait permettre à ces habitants une forme d’autogestion par la construction, l’aménagement, la production,de profiter des moyens mis en oeuvre sur le place (stockage, ateliers, constructions, architectes) pour accompagner les habitants jusque dans leur logement. Les règles qui manquent aujourd’hui doivent être souples car les matériaux de réemploi n’ont pas pour vocation première d’entrer en compétition avec les matériaux neufs; au contraire, ils serviront à hybrider intelligemment certains ouvrages.1

Qu’il s’agisse de prototypes, superstructures pour les ateliers expérimentaux ou des appropriations des habitations, il s’agissait de définir un cadre d’expression laissant à tout à chacun la possibilité de s’exprimer. Parvenir a y intégrer l’échelle industrielle de la déconstruction, et humaine de la production, implanter une infrastructure qui créerait le lien entre industrie et habitation. Le construire et l’habiter. Ce support comme l’appelle John Habraken comme première couche de l’infrastructure aménagée par une seconde couche, vivante, comme l’a soumis Patrick Bouchain dans Pas de toi sans toi.

Cette deuxième couche culturelle et sociale est vitasle, pas seulement dans le logement d’ailleurs. Tout devrait être réversible et transformable .2

En somme, c’est la réalisation d’une structure capable , pérenne sur laquelle des remplissages moins pérennes seraient le témoin d’un ville changeante. Lucien Kroll parlera de ces apports comme: Ces remplissages peuvent être fabriqués, ou bien construits par un artisan, ou encore bricolés par l’habitant lui-même. La structure doit être conçue de façon à accueillir ces trois possibilités simultanément ou successivement, et à féconder l’initiative des habitants 3

Ce collectif d’habitats inséré dans une cité d’échanges se doit d’instaurer aussi une notion de biens communs, inciter à la récupération et au réemploi. Pour se faire, cette notion de partage se développe par la création d’espaces rassembleurs. Une représentation de l’espace communautaire à travers des espaces partagés temporellement ou physiquement par le biais de salles polyvalentes, buanderies, cuisines, bureaux, jardins partagés etc... En plus d’être reliés à des activités nécessitant ces services (capitainerie d’une part et collectif d’artistes de l’autre), ces espaces partagés se situent entre domaine public et sphère individuelle. Ils représentent cette troisième sphère qui permet alors de faire transition. 1HUYGEN La poubelle et l’architecte, Vers le réemploi des matériaux, , Arles, Acte Sud, 2008, p169. 2BOUCHAIN PatrickPas de toit sans toi. p88. 3Idem, p112.

61


CELA PROVIENT DE PARTOUT PLUS ON EST NOMBREUX, PLUS ON A DE CHOIX!

c’est PARFAIT, c’est sur la ROUTE DU RETOUR !

prix

AFFICHES ETAGERES C’est jsutement ce qui plait à Michel dans ce ETAGERES

CAFE REPAIR’

Cabanon

UN ARTISTE BRUIT DE PRESSE

Et lui désigne du doigt la rangée de

«Le port de plaisance, premier amarrage à la vie du réemploi»

decembre 2016.

lui ordonnent de

MAIS

trop CHER

RENTRER!

le TRAIN DE VIE parisien n’est PAS DONNE

MUSEES

RESTIOS

ses jours de vacances sont

VISISTES

Cela va biento faire deux semaines qu’il s’était installé dans

PARISLA C A P I T A L E

C’est de la gravure sur METAL!

ODEURS

pas

dépenses taxes

UNE VRAIE MINE D’OR!

BENEVOLES

La SERVEUSE INTERVIENT

tapé dans l’oeil

AIDER

SUR LA TERASSE il est interpellé par convivialité

SA VITRE` ne risque pas d’arranger les chose... et son son budget SIEGE son bateau

TE

et prendre VIE un COLLECTIVE

on PRETE du MATERIEL pour REPARER ses petis objets

d’à côté, c’est pareil

AU

PRIX

ça, et son

SIEGE USURE EN CUIR

sont DETONNANTS!

qui lui a

ça

Il serait bien resté quelques jours de plus

ODEUR DE VERNIS

le long du quai de l’Arsenal

les

Arrivé,

PLAISANCIERS

ES

TRACES

RECUPERATION

Réalisation personnelle.

AU BORD DU

ETAGERES

AU PORT

où il pourra REPARER TOUT

DES GENS QUI pour VIENNENT DEPOSER C’est incroyable tout ce qu’on récupère! TOUT CE DONT ILS NE VEULENT PLUS

Michel quitte

ACCASTILLAGE de

BATEAUX

«rien ne se perd, rien ne se crée, TOUT se TRANSFORME!»

BOUTIQUE

En lui déposant son café,

Tout semble lié

Il est invité à longer le quai

atteindre la

DES CHANTIERS AUX ALENTOURS

RETOUR DU TRYTIQUE

62

PAR LA FENETRE

pour expliquer sa présence et il sera reparti

ECHANGES

IN

couleur

Pendant ce temps... un Aller- retour

GRAND ATELIER On lui montre alors le

Il s’intégrera parfaitement au reste du

couleur couleur

MUR DE STOCKAGE

couleur

on lui propose un CONSTAT de

C’est une ancienne friche!

RM

CAPITAINERIE

DES VIEUX BATEAUX UN BATEAU EST SUR LE POINT QU’ON DEMONTE ICI D’ETRE DECONSTRUIT

SON BATEAU état actuel

ENDROIT

son siège sera directement installé sur le bateau s’il l’amarre au Un peu particulier

Il est RAVI de pouvoir s’AMMARRER FACILEMENT au bord de

CONSEILS

il a entendu parler d’un

et la REPARATION De

LA

Arrivé Au bout du canal Saint-Denis, NOUVEAU SUR PLACE NOUVEL DIFFERENT BIZARE?

AMARR

ARRET

PAYSAG


Le port de plaisance, première amarrage à la vie du réemploi.

OUT

S ON A DE CHOIX!

ORT

PLAISANCIERS

AIS

!

sien

o faire s qu’il dans

le long du quai de l’Arsenal

bien resté es jours de AMARRAGE

ARRET

PAYSAGE

Michel quitte Paris, ses jours de vacances sont terminés. Cela va bientôt faire deux semaines qu’il s’était installé dans la capitale le long du quai de l’Arsenal. Il serait bien resté quelques jours de plus mais malheureusement sont budget et son bateau lui ordonnent de rentrer. Le train de vie parisien n’est pas donné et la réparation de sa vitre et son siège ne risque pas d’arranger les choses. Au port, il a entendu parler d’un nouvel endroit un peu particulier ou il pourrait réparer tout ça pour pas trop cher, au bout du canal Saint-Denis. C’est sur la route du retour, c’est parfait. Arrivé sur place, il est ravi de pouvoir s’amarrer facilement au bord de la capitainerie. Un aller-retour pour expliquer sa présence et il sera reparti. On lui propose alors un constat de l’entièreté de son bateau, histoire d’avoir une idée de son état actuel. Pendant ce temps, il est invité à longer les quais, atteindre la boutique d’accastillage de récupération et prendre un café. A la boutique, les prix affichés sont détonnants. On peut constater l’usure des produits présentés mais c’est justement ce qui plait à Michel dans ce siège en cuir qui lui a tapé de l’oeil. Ca, et son prix. Il s’intégrera parfaitement au reste du bateau. On lui montre alors le grand atelier par la fenêtre et lui explique que ‘c’est ici que tout se passe’, ‘pas de transport ni de fabrication inutile ‘. Michel est fasciné par toutes les couleurs qui se dégagent des murs de stockage. Il y a vraiment de tout, pout tout le monde. ‘Cela provient de partout’, intervient le vendeur. ‘Des vieux bateaux qu’on démonte ici mais aussi des chantiers aux alentours, des gens qui viennent déposer ce dont ils ne veulent plus… c’est incroyable tout ce qu’on récupère ! Une vraie mine d’or!’. On lui annonce que le siège sera directement installé sur son bateau s’il l’amarre au bord de l’atelier. En revanche, pour ce qui est de la vitre, un bateau est sur le point d’être déconstruit et en possède une qui pourrait correspondre. S’il patiente un peu, il en sera de même pour son remplacement. Il accepte. De plus, si il laisse ses vieux articles il obtient une réduction supplémentaire sur ses achats. ‘Ici, on pousse au réemploi afin qu’à la longue, tout le monde puisse en profiter, plus on est nombreux, plus il y’a de choix». Au café repaire d’à côté c’est pareil. On prête du matériel pour réparer ses petits objets et des bénévoles viennent vous aider pour les taches plus rebelles. Sur la terrasse, il est interpellé par un artiste qui s’est installé à l’extérieur. Il semble minutieux sur son travail. En lui déposant son café, la serveuse intervient « c’est de la gravure sur métal » et lui désigne du doigt la rangée de bateaux qu’on aperçoit le long du canal, « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». ‘c’est un autre monde ici’, tout le monde semble relié par le réemploi, y trouvant son compte »., il aperçoit d’ailleurs son bateau. Il n’avait jamais vraiment réfléchi à ce qu’il allait en faire plus tard… son père avait coulé le sien après l’avoir laissé dépérir abandonné dans un port. Après tout, en apportant le sien, il participerait au bon fonctionnement d’endroits comme celui-ci et éviterait une pollution inutile..

63


OUVERTURE

Une volonté notable se constate au fil de la lecture, celle de mettre l’homme au coeur du projet, portée au travers de la conception programmatique et architecturale. Les lieux, espaces et équipements étant conçus de manière à inciter les rencontres et le partage au profit de la mixité. Créer une relation entre structure construite et structure sociale ayant pour trame de fond la sensibilisation au réemploi. L’unification au moyen d’un système d’« infrastructure » et d’appropriation dans le but d’activer chez l’habitant une conscience comportementale. Cette étude à partir du terme de résilience m’a amené à porter une attention particulière au contexte. Une immersion dans un objet d’étude. Un relevé minutieux des activités et démarches entreprises afin d’encourager les liaisons. Il a permis la mise en application d’un système de réseaux essentiel au tissage des producteurs de la ville soutenable, résiliente. De ces possibles connexions, l’objectif est de tirer partie des délaissés urbains comme les Ecuries de la Briche qui deviennent alors catalyseurs des processus de fabrication de la ville de demain par la création de tiers-lieux. Il ne s’agit plus d’opposer globale et locale mais de favoriser les interactions locales pour un développement global. C’est ainsi qu’à partir d’une démarche territoriale, réinventer la Seine, un développement plus local s’est construit. A partir d’une thématique portuaire globale, l’étude du milieu à permis un cheminement logique vers la question du réemploi et de fait d’interroger la production à toutes les échelles.

64


.

Dans un monde en perpétuel changement il est question de faire évoluer la position du concepteur, architecte, artisan ou urbaniste dans l’exercice de leur profession par l’angle de la transdisciplinarité et le décloisonnement des savoirs. Valoriser les différents regards sur une même chose pour un enrichissement des tous par les savoirs de chacun. Une fabrication commune de la ville. Cette construction semble ainsi s’excercer à partir de concertations, débats autour de la permanence architecturale et cette notion de chantier ouvert. Pour cela, on a vu qu’intégrer une évolution constante , un processus de développement successif dans la durée était nécessaire. C’est l’idée de vivre une construction permanente. Accepter la notion d’ incrémentalisme, inhérente à la production quotidienne. Habiter le processus, repenser nos modes de vie. Penser l’habiter comme l’action de laisser une « trace ». Plus que de défnir une industrie et d’établir son fonctionnement, il s’agissait de définir la ville et de questionner sa fabrication. Ces aller-retour permettent de questionner la conception sous plusieurs échelles et c’est cet angle qu’il est dorénavant intéressant d’approfondir. De l’objet créatif à l’univers de création. De ce constat, le developpement à venir dans ce projet tout aussi incrémental que ces envies est de parvenir à supposer la cohabitation de ces échelles. S’interroger sur son application du geste de la main au dessin du territoire. De parvenir à réaliser un ensemblage de toutes ces données accumulées dans la réalisation d’une proposition cohérente. Ce travail constituera, je l’espère, la première étape d’un projet plus vaste, lui aussi incrémental, qui s’enrichira par le croisement de nombreux professionnels d’horizons variés à la sortie de cette école.

65


BIBLIOGRAPHIE: BECK Ulrich, La société de risque, sur la voie d’une autre modernité, Paris, Editions Flammarion, 2001. BOUCHAIN Patrick, Construire ensemble le grand ensemble, Habiter autrement. BOUCHAIN Patrick Pas de toit sans toi,.Détail d’immeubles d’habitation collectifs, Plans, coupes, élévations. Oscar Mira, éditions Le moniteur. BURDESE Claude, l’instabilité programmatique,AMC architecture, avril 2003, entretien avec Claude Burdèse. CHOPIN Julien & DELON Nicola. Matière grise, Matériau/ réemploi/ architecture, collectif Encore Heureux, FERNANDEZ Luis, Fire and memories,- Galiano, 2000. HOPKINS Rob, Manuel de transition, de la dépendance au prétrole à la résilience locale, les éditions écosociété, Montréal, 2008. HUYGEN Jean-Marc, La poubelle et l’architecte, vers le réemploi des matériaux, édition: Actes Sud, 2008. KROLL Lucien Tout est paysage, édition Sens&tonka, 2001, Paris. KROLL Simone et Lucien Ordre et désordres,une architecture habitée, (texte&dessin), édition sens&tonka. KROLL Simone et Lucien ,Une architecture habitée, , sous la direction de Patrick BOUCHAIN. Actes SUD, 2013, France. KROLL Simone et Lucien,Soixante et une architecture, manifestes. LACATON & VASSAL, 2GLibrosBooks, Gili Monica, Barcelone, Espagne

66


MAGNAGHI ALBERTO,Le projet local. Ed: Mardaga, Architecture+recherches, 2003. PRELORENZO Claude & JOULLIE Jean-Marc Aménager les bords de l’eau. . Ed: Maogani, centrale des arts, Paris, 1994 PRELORENZO Claude, DEHAN Philippe, PICONLEFEBVRE Virginie et SIMONNET Cyrille. La ville au bord de l’eau. Ed: Parenthèses, Marseille, 1993. Total Housing, Alternatives to urban sprawl. Ed: ACTAR, Barcelone-New-York, 2010. SCHWARZ Marc, LUT, Sonja. « De Drager, A film about John Habraken ». , 2013. Exposition:Constellation.s, arc en rêve, Bordeaux, 2016. reinventerlaseine.fr societedugrandparis.fr/projet https://www.lacatonvassal.com

67



Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.