LA VILLE ET L'EAU, CONCEVOIR LA RESILIENCE. UN CONCEPT OPERATIONNEL DANS LA GESTION DU RISQUE?
Avant d'entamer la lecture de ce travail de recherche, je voudrais remercier Severine BRIDOUX-MICHEL pour sa patience et ses conseils tout au long de l'année. Je remercie également les différents intervenants dans ce séminaire d'initiation à la recherche, Jean Christophe
GERARD,
Veronique
GOUDINOUX
et
Christine
CHATEAUMINOIS. J'apporte une attention particulière à l'accueil réalisé par la ville de Dunkerque, l'agence d'urbanisme AGUR et Sophiane DEMARCQ, Régis KERCKHOVE, directeur du conservatoire de musique et d'art dramatique de Dunkerque, Bruno COOREN, directeur de la culture et des relations internationales de la ville de Dunkerque ainsi que les architectes Anne RIVOLLET et Patrick LEBECQ pour leurs présence lors de nos rencontres ou encore l'archiviste de la ville Nicolas FOURNIER pour la visite réalisée.
Séminaire d'initiation à la recherche CONCEPTION ET EXPERIMENTATION architecturales, urbaines et paysagères.
LA VILLE ET L'EAU, concevoir la résilience. Un concept opérationnel dans la gestion du risque ?
Faustine PAUCHET Sous la direction de Séverine BRIDOUX-MICHEL
24/05/2016
Photos personnelles, Soulac-sur-Mer, avril 2016.
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Avant-propos. Depuis l'enfance, ma famille a pour habitude de séjourner dans une ville située sur la côte Atlantique en Gironde, à la pointe Médoc : Soulac-sur-Mer. Photos, débats, plans, interrogations, depuis plusieurs années, un sujet semble désormais animer toutes les conversations, « la submersion marine ». Touchant directement résidents et vacanciers. Cette conséquence du réchauffement climatique m'a interpellée par son inévitabilité, sa violence, sa récurrence et l'impuissance des élus locaux, traduite par une inactivité flagrante face à cette montée des eaux. A ce jour et malgré des remblais de sable, le trait de côte a reculé de 200 mètres, obligeant la municipalité à évacuer immeubles et maisons construits à proximité immédiate de la plage. De nos jours, de nombreux bâtiments continuent de se construire sur les bords de mer, de fleuves et cours d'eau sans forcément réinterroger leurs conséquences et leurs futurs impacts sur l'environnement. C'est ainsi que l'écriture de ce mémoire s'est basée à partir de cette simple question : Qu'est-ce que concevoir la ville de nos jours face aux changements climatiques ? Suite à cette interrogation, j'ai donc entamé des recherches basées sur les villes touchées par une forme d'inondabilité, qu'elle soit marine ou fluviale. Au fil des lectures, un mot récurrent semblait apparaître comme une nouvelle façon d'aborder la ville et son rapport à l'eau, le terme résilient, apparaissant comme solution pour la ville de demain. De par son manque de définition, son utilisation récente et sa popularité, cette approche a été source d'une grande curiosité se révélant en fin de compte être l'élément fondateur de cette recherche.
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SOMMAIRE AVANT-PROPOS.........................................................................................................p.1 SOMMAIRE..................................................................................................................p.3 INTRODUCTION.......................................................................................................p.7 METHODOLOGIE.......................................................................................................p.9 PARTIE 1 : LA RESILIENCE, CONTEXTUALISATION D'UN TERME POLYSEMIQUE.
P13
A: UNE APPROCHE HISTORIQUE : Le développement durable, entre confrontations abruptes et transitions de longue durée......
...........p.15
B: CRISE ET CATASTROPHES Un nouveau quotidien imprévisible.......................................................................................p.23 C: LA RESILIENCE. Entre vision commune et prise en compte de la vulnérabilité .....................................................p.33
D: DU LINEAIRE AU CYCLIQUE. Des appropriations divergentes.............................................................................................p.44
PARTIE 2: LA RESILIENCE, UNE VISION DE LA VILLE POLYVALENTE. P53 A: UN FONCTIONNEMENT ECO-SYSTEMIQUE Limites spatio-temporelles et éco-systèmes.............................................................................p.55 B: UNE MACHINE VIVANTE Ente réseaux et organisme vivant..........................................................................................p.63
C: UNE MACHINE HUMAINE Entre gouvernance et labellisation.........................................................................................p.75 D: UNE MACHINE A SOUS Une entreprise créatrice de nouveaux marchés.........................................................................p.82
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PARTIE 3 : LA RESILIENCE A L'ECHELLE DU QUOTIDIEN. Mise en application.Du tissu urbain aux habitants qui le composent.
P91
A: LES ACTEURS DU CHANGEMENT. Entre gestion plurielle et concurrence....................................................................................p.93 B: LE PATRIMOINE, UNE CONFRONTATION AU TERRAIN De la conception du risque à la conception avec le risque........................................................p.100
C:LE RÔLE DE LA LEGISLATION, moyen d'action ou frein à la conception?..............................................................................p.107 D: LE RÖLE DES HABITANTS Vivre avec l'eau, entre initiatives ponctuelles et gestion au quotidien..........................................p.114
CONCLUSION.........................................................................................................p.123 TABLE DES MATIERES..........................................................................................p.125 TABLE DES FIGURES.............................................................................................p.128 BIBLIOGRAPHIE...................................................................................................p.130 ANNEXES.................................................................................................................p.137
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INTRODUCTION METHODOLOGIE
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LA VILLE ET L'EAU, concevoir la résilience. La relation entre la ville et l'eau a toujours été historiquement et socialement interrogée. Venise, Rotterdam, Dunkerque, les villes côtières ont toujours dû entretenir leur dialogue avec l'eau, un rapport de force incessant entre l'homme et la nature, praticité et inconvénients, s'est toujours imposé. Le renforcement des protections n'a cessé d'être plus important au fil des années, barrages, digues et canalisations apparaissant majoritairement comme seule solution.Mais, à l'heure où les changements climatiques sont plus que présents dans les pensées et la victoire de l'eau inévitable, de nouveaux enjeux voient le jour: Passer de la contrainte à l'opportunité, du «contre» au «avec». Une réflexion commune semble récemment apparaître, l'adaptation. Il s'agirait de rendre la ville moins vulnérable, plus flexible, adaptable, plus résiliente. Il s'agit alors de découvrir comment ce principe de Résilience peut « être lien » entre les différentes échelles d'intervention dans un nouvel urbanisme de gestion de « l'urgence ». Du territoire au quartier, de 2000 à 2050 à travers de nouveaux rapports à la nature, la sociologie, la gouvernance et la problématique de l'existant instaurés par la culture d'une nouvelle forme de penser et ainsi de concevoir.Ce changement d'approche implique une nouvelle vision de la ville actuelle, une requalification de l'importance de ses acteurs, des échelles d'interventions spatiales et temporelles. Il est donc sujet à de nombreuses appropriations et utilisations différentes. Si à présent la ville semble devoir cohabiter avec l'eau, il s'agirait d'étudier en quoi l'importance d'une initiative publique et politique et une création partagée en seraient des éléments fondateurs dans la conception urbaine et par quels biais son application se réaliserait-elle. Cette approche se basera donc à travers un nouveau concept, celui de la résilience. La ville et l'eau, concevoir la résilience, un concept opérationnel dans la gestion du risque ?
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LA RESILIENCE COMME OBJET D'ETUDE Dans un contexte où l'adjectif résilient est résolument devenu un terme à la mode s'appliquant à toute forme de réaction face à une épreuve, la réalisation d'une recherche sur sa signification et les contextes de son utilisation semble légitime. Arrivé dans la sphère urbaine par son utilisation engendrée par des urbanistes, géographes, ingénieurs et écologues sous le terme de « résilience urbaine », ce terme semble à présent pouvoir être la source d'une nouvelle façon de concevoir ou du moins de penser la conception. Face à cet engouement, l'urbaniste A. Foster affirme même que « la résilience est aux années 2000 ce qu'à été la durabilité aux années 1980 et 1990 »1. « Il semble donc impératif de prendre le temps de s'interroger sur ce que véhicule ce terme en vogue et la raison de l'afflux de financements que son engouement a généré» 2. L'objet de cette recherche est donc multiple. Loin de vouloir fixer une acceptation définitive ou réaliser une forme d'approbation de ce concept, il s'agit avant tout de l'interroger. Parvenir à une définition globale ou une mise en application précise semblerait, bien que de toute manière difficilement réalisable, plus l'appauvrir que l'enrichir. L'objectif relève donc plus d'une mise en confrontation des différentes approches rencontrées afin de faire émerger ses limites et d'accentuer le débat sur « le discours de la résilience ». De mettre en relation ses interprétations dans le domaine de la recherche urbaine physique et sociale. Des approches plurielles et singulières. De mettre en avant le jeu d'échelles et d'acteurs qu'engendre l'utilisation de son terme. La polysémie d'un terme, entre générateur d'une nouvelle forme de penser et obstacle à une idée commune. Entre nécessité et ambiguité. L'applicabilité d'un concept polysémique comme la résilience est -elle souhaitable? 1: STATHOPOULOS Marco, Qu'est-ce que la résilience Urbaine ?. Revue URBANISME n°381 nov-dec 2011. 2:RUFAT Samuel, Critique de la résilience pure, La boratoire « mobilité, territoires, réseaux, environnement », 2011.Disponible sur : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00693162. Consulté en février 2016. p8.
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METHODOLOGIE Dès le commencement des recherches autour d'une forme «d'adaptation» de la ville face aux changements climatiques, et particulièrement la montée des eaux, un terme récurrent apparaissait dans chacune des lectures, la «résilience». Interpellée par ce « concept » qui m'était inconnu, le premier travail de recherche a été d'en saisir le sens et rassembler un maximum de documents qui permettent de comprendre son éventuelle potentialité pour ce mémoire. Dès les premières lectures on peut alors constater que le terme de résilience est polysémique, il touche de nombreux domaines, physiques, psychologiques, politiques et plus récemment urbains. C'est à ce dernier, l'un des moins développés et des plus nouveaux que nous nous intéresserons. L'état de l'art de celle-ci s'est trouvé être proliférant au fil des recherches. Tout d'abord principalement composé des ouvrages à disposition; livres et revues puis sans cesse grandissant à partir de thèses et écrits récemment publiés sur internet. Le terme étant résolument nouveau, la majorité des écrits se situe à partir des années 20001. On trouve tout d'abord un grand nombre d'ouvrages relatant de l'apparition du terme de résilience, de sa popularité (approuvée ou non) Critique de la résilience pure2, Ce que la résilience n’est pas, ce qu’on veut lui faire dire3, Quand sonne l'heure des démarches résilientes4, Retour critique sur la mobilisation du concept de résilience en lien avec l'adaptation des systèmes urbains au changement climatique5. Ce sont autant d'écrits relatant de la résilience autour de sa polysémie, sa mise en relation avec des termes opposés, d'échelles et temporalités différentes. Le terme, bien qu'abordé de façon pertinente pour chacun des cas est sujet à de nombreuses appropriations, semblables, imbriquées ou encore opposées. La résilience comme nouveau paradigme? 1 Voir Annexe 1 : Apparitions et utilisations du terme résilience en urbanisme. 2 RUFAT Samuel, Critique de la résilience pure. op. Cit. 3DJAMENT-TRAN Geraldine, LE BLANC Antoine, LHOMME Serge, RUFAT, Samuel REGHEZZA ZITT Magali, Ce que la résilience n’est pas, ce qu’on veut lui faire dire. Version française d’un article en anglais soumis a évaluation. 2011. Disponible sur :<hal-00679293> 4MASBOUNEI Ariella, Quand sonne l'heure des démarches résilientes. Revue TRAITS URBAINS n°40 juin-août 2010 . p48-53 5QUENAULT, Beatrice, Retour critique sur la mobilisation du concept de résilience en lien avec l'adaptation des systèmes urbains au changement climatique, EchoGeo (en ligne) / 2013, mis en ligne le 10 juillet 2013, consulté le 29 novembre 2015. Disponible sur: http://echogeo.revues.org/13403
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Rares sont les définitions explicites du terme. L'origine, la signification et les possibilités suggèrent un fort potentiel mais les mises en situations spontanées et liens directs avec le fonctionnement de la ville sont rares. Approche mise en évidence dans l'article Qu'est-ce que la résilience Urbaine ?6, à partir duquel l'auteur s'attache aux différentes approches de recherches déjà effectuées et mises « bout à bout ». Il s'agit donc essentiellement de formuler une première réflexion sur l'applicabilité et les discours liés à cette notion. Une série d'écrits publiés en ligne ont permis une nouvelle vision autour de cette recherche. On peut constater l'engouement de plusieurs chercheurs autour de la notion de résilience. Bruno Barroca, Damien Serre, Diab Youssef ou encore Béatrice Quenault forment un groupe d'auteurs à la recherche de la signification, l'utilisation et l'application du terme dans les enjeux urbains actuels. Le concept de résilience à l'épreuve du génie urbain7, La résurgence/ convergence du triptyque « catastropherésilience- adaptation » pour (re)penser la « fabrique urbaine » face aux risques climatiques »8, sont par exemple des ouvrages cherchant à mettre en évidence une application, juste ou non, du terme résilience dans le fonctionnement de la ville. Ses défauts, incertitudes et potentiels dans la création urbaine et les éventuels apports à l'échelle du territoire, de la ville et de l'habitant. La résilience comme processus ou comme propriété intrinsèque? Enfin, cette notion touchant de nombreuses échelles, physiques, psychologiques, urbaines et territoriales, d'autres ouvrages sont appelés à être consultés comme compléments afin de mieux en saisir son sens et les éventuels potentiels qui s'en dégagent. C'est ainsi que l'ouvrage Adaptation, efficience et résilience, Lois de Pareto et optimisation structurelle dans Les villes et les formes9, Sur l'urbanisme durable de Serge 6STATHOPOULOS Marco, Qu'est-ce que la résilience Urbaine ? Revue URBANISME n°381 nov-dec 2011. 7BARROCA Bruno, SERRE Damien et YOUSSEF. Diab, Le concept de résilience à l'épreuve du génie urbain. Revue électronique : Vertigo – La revue électronique en sciences de l'environnement. Volume 12 numéro 2. Natures et Métropoles. Septembre 2012 Section courante. 8QUENAULT Béatrice. La résurgence/ convergence du triptyque « catastrophe- résilience- adaptation » pour (re)penser la « fabrique urbaine » face aux risques climatiques , Développement durable et territoires (en ligne). Vol.5, décembre. 2014. Géo-histoire des risques et des patrimoines naturels fluviaux. 9 SALAT Serge avec la collaboration de Françoise Labbé et Caroline Nowacki. Les villes et les formes, sur l'urbanisme durable. Chapitre II : ADAPTATION, EFFICIENCE ET RESILIENCE, Lois de Pareto et optimisation structurelle. Trieste, Italie. Editions Hermann 16 sept 2011.
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Salat a permis une approche plus physique et chimique de la ville. La coproduction des opérations urbaines : coopération et conception10, de Nadia Arab, une approche plus sensible autour des acteurs de la démarche. Villes inondables, cities and flooding, prévention, adaptation, résilience11 de Jean-Jacques Terrin, une approche urbaine plus concrète et explicitée à l'échelle de la ville. Les territoires de l'eau, gestion et développement en France12 de Stéphane Ghiotti, une vision plus territoriale autour de l'eau ainsi que plusieurs ouvrages Regard sur la ville durable13, Vers de nouveaux modes de vie ou De l'écologie urbaine au développement durable14, de former un parallèle avec la notion de durabilité. La mise en relation de ces ouvrages et les lectures effectuées révèlent un manque de globalité. Concept polysémique, la résilience est à la fois une notion, un paradigme, relève d'un processus ou d'une méthodologie. Une chose semble cependant faire l'unanimité et rassembler la majorité de ses acteurs, sa potentialité face à la conception de la ville de demain et son inéluctabilité face aux discours actuels. La difficulté de ce sujet se résumera donc à travers une première approche du terme résilience dans son contexte actuel, la mise en relation des différentes échelles et temporalités qu'il implique et sa mise en situation dans le processus de conception urbaine. Étudier comment s'applique un concept polysémique dans notre société actuelle et son fonctionnement.
10ARAB Nadia, La coproduction des opérations urbaines : coopération et conception. Editeur : Ed. Anthropos (Paris) Domaine public. Source : Association pour le développement d'Espaces et sociétés. 2001. Bibliothèque Nationale de France. Mise en ligne : 17/01/2011. Consulté le 17/11/15. 11TERRIN Jean-Jacques, Villes inondables, cities and flooding, prévention, adaption, résilience. Marseille, ed : Parenthèses. Coll : La ville en train de se faire Décembre 2014. 12GHIOTTI Stéphane, Les territoires de l'eau, gestion et développement en France. Paris, Ed : CNRS Editions, février 2007. 13MAUGARD Alain et CUISINIER Jean-Pierre Regard sur la ville durable, Vers de nouveaux modes de vie. Paris, Editions CSTB, février 2010. 14LETURCQ Anne-Sophie, De l'écologie urbaine au développement durable, par l'agence régionale de l'environnement de Haute-Normandie. . Editions de « la lettre du cadre territorial » - S.E.P.T. BP 215 - Voiron cedex, juin 2001.
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A: UNE APPROCHE HISTORIQUE Le développement durable, entre confrontations abruptes et transitions de longue durée. B: CRISE ET CATASTROPHES Un nouveau quotidien imprévisible. C: LA RESILIENCE. Entre vision commune et prise en compte de la vulnérabilité. D: DU LINEAIRE AU CYCLIQUE Des appropriations divergentes.
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PARTIE
1
:
LA RESILIENCE, CONTEXTUALISATION Dâ&#x20AC;&#x2122;UN TERME POLYSEMIQUE
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A
UNE APPROCHE HISTORIQUE Le changement climatique, entre confrontations abruptes et transition de longue durée.
Evolution de la gestion des crises dans le temps. Etude de l’évolution des approches face aux « situations d’urgence » dans l’urbanisme. D’une « protection » contre les aléas à une adaptation des sociétés (1940-1960), de la prise de conscience d’une nécessaire « vulnérabilité » de la ville (1990) à son applicabilité à travers la « résilience » (2000). Figure 1. Photo-montage personnel.
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HISTOIRE URBAINE DU RISQUE L'acceptation du risque, de la protection à l'intégration. Les changements climatiques font plus que jamais partie de notre actualité, la COP 21 de décembre 2015 étant révélatrice d'une prise de conscience mondiale. Les villes sont désormais face à une réalité, celle du changement. Épisodes de sécheresse, précipitations plus fortes, sols moins perméables, élévation du niveau marin, nombreuses en sont les conséquences. A travers cette étude, nous nous intéresserons plus particulièrement aux nouveaux rapports de la ville avec l'eau et ce qu'ils peuvent engendrer dans la conception urbaine. Depuis les débuts, les stratégies historiques de la ville ont toujours été celles de la préservation. Digues, barrages apparaissant comme les solutions les plus représentatives d'un conflit ville/eau et la création de polders, terres fertiles témoignant d'un aménagement plus complexe de négociation. Au fil des années, les réponses urbanistiques à un rapport toujours plus violent avec l'eau se sont traduites par un renforcement de ces «protections». A la puissance de l'eau, l'homme répondait par la résistance, la force. C'est supprimer le risque à partir de mesures structurelles, l'idée qu'une résistance peut faire face à une perturbation sans en subir les dégâts. Ainsi, la mise en place d'ouvrages de protection a instauré un « illusoire sentiment de sécurité » dans les mentalités comme l'explique Béatrice Quenault dans son triptyque « catastrophe, résilience-adaptation »15, la notion de danger étant «perçue comme plus improbable, comme plus lointain dans les mentalités collectives»16. Le risque paraît alors oublié, les constructions établies pérennes et l'eau inoffensive. Cependant, depuis plus d'une vingtaine d'années, toutes les politiques mises en jeux dans cette gestion de l'eau arrivent à un constat semblable : « Les inondations sont des phénomènes qui ne peuvent être évités »17.
15 QUENAULT Béatrice. « La résurgence/ convergence du triptyque « catastrophe- résilience- adaptation » pour (re)penser la « fabrique urbaine » face aux risques climatiques », op. Cit.
16 Idem. 17 Journal officiel de l'union Européenne. 23Oct 2007
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De celui-ci les acteurs de la gestion de l'eau parviennent à une idée commune : l'adaptation. Ce serait rendre la ville moins vulnérable, plus résiliente. « Les choses naturelles se transforment de façon permanente et irréversible. Ce sont ces aspects-là que nous n'avons jamais pris en compte dans le développement construit, parce que les connaissances scientifiques n'étaient pas suffisantes, mais surtout par l'effet de convictions paradoxales qui, d'un côté, comptent sur la chance pour échapper aux catastrophes, confortées en cela par le caractère exceptionnel des événements, et d'un autre côté ont foi absolue en la puissance de la technique dans son pouvoir d'élimination des risques. ».18 A partir de ce constat commun, c'est l'acceptation de la puissance de la nature qui semble être ici revendiquée, de sa supériorité. C'est alors accepter que la ville puisse subir des dommages importants et violents, inondations, tempêtes, submersions, d'être soumis à une catastrophe, une situation de crise. Le mythe du risque zéro s'effrite suite aux catastrophes naturelles subies au cours des années 1980 et 1990. L'ouvrage se révélant comme source de risque potentiel, son augmentation et son amélioration ne limitant pas les dommages causés par les inondations. Les politiques sécuritaires sont donc remises en cause.
18 BERGE Patrick et NOUHAUD Jean , Formes cachées, la ville, presses politiques et universitaires romandes, date de parution : 02/03/2004. p50.
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APPARITION DU TERME RESILIENCE EN URBANISME Une prolongation des modes de pensée ? L'histoire de l'urbanisme n'a cessé d'être en évolution constante. D'une vision globale des mécanismes de fonctionnement de la ville à travers l’École de Chicago dans les années 1925 considérant la ville comme organisme sociale à une vision plus moderne de ces fonctions suite à la Charte d'Athènes de 1933 par Le Corbusier. Cependant, c'est en 1950 qu'apparaît pour la première fois une vision plus proche de la nature nommée « écologie urbaine ». Considérée cette fois comme un complexe écologique résultant de nombreuses interdépendances, la ville comme population, comme milieu, comme technologie est le point d'intersection de flux d'énergies et de matières. Wolman parlera alors de « métabolisme urbain » en 1974.19. Pour la première fois, la ville est vivante, complexe, imprévisible et nécessite la prise en compte de nombreux éléments dont ce qu'on nommera « développement durable ». Parmi ces éléments, la place de la nature et sa relation avec l'urbain caractérise particulièrement une évolution des modes de « penser » la ville. L'eau en étant ici l'élément démonstrateur. En 1972 la parution du rapport « The limits to growth »20 permettra d'ailleurs dans ce mouvement les premières parutions sur les impacts du développement industriel sur l'environnement et la pénurie des ressources naturelles à venir. L'idée d'un nouveau modèle de développement commence à émerger. En 1987, l'idée d'un aménagement adaptable avec une vision sur le futur , d'un « développement durable » alimente les stratégies. Si
le
developpement
durable
des
villes,
doit
s’adapter
aux
mecanismes
environnementaux, le developpement des zones inondables doit donc egalement s’adapter aux catastrophes potentielles. Ainsi, en coherence avec les travaux qui ont fait emerger les concepts de la ville durable, la prevention des risques suit le chemin de l’adaptation des pratiques. La compréhension de l'environnement passant par l'appréhension de ses aléas. 19 LETURCQ Anne-Sophie, De l'écologie urbaine au développement durable, par l'agence régionale de
l'environnement de Haute-Normandie. Editions de « la lettre du cadre territorial » - S.E.P.T. BP 215 - Voiron cedex, juin 2001. 20 Rapport sur les limites de la croissance ( litt « les limites à la croissance »), égalemnt connu sou le nom de Rapport Meadows, est un rapport demandé à une équipe du massachussetts Institute of technology par le Club de Rome en 1970.
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Dans son œuvre Cities and flooding, Jean-Jacques Terrin21 part d'un constat simple : L'approche de l'eau par la ville s'est caractérisée au fil du temps par divers grands principes. Celui de la protection contre les aléas expliqué précédemment à l'adaptation jusque dans les années quatre-vingts, c'est l'acceptation de l'impossibilité d'éradiquer les menaces. Apparaît alors l'acceptation d'une forme de vulnérabilité, adoptée comme concept clé par ONU 1994 lors de la conférence Yokohama de 1994, le but étant de dénaturaliser les catastrophes. C'est un premier retournement dans l'histoire de la ville puisque qu'on accepte alors ses faiblesses. De cette prise de conscience de la ville, on arrive aux années deux-milles et son concept de résilience, mis particulièrement en avant lors de la conférence de Hyogo en 2005. C'est cette fois non seulement accepter la vulnérabilité acquise précédemment mais construire avec, en fonction de. Surmonter la crise et s'adapter en évitant une lecture passive des événements. Requestionner cette opposition passée en revient à requestionner la protection, le barrage, la digue afin de laisser plus de place aux cours d'eau. Cependant maximiser la place à l'eau signifie minimiser celle de l'habitat, de l'urbanisation. C'est alors qu'entre en jeux la complexité d'une conception résiliente et notamment de la cohabitation ville et eau. «Un regard rétrospectif sur les travaux sur les risques montre que les notions se succèdent à mesure l'on rencontre des obstacles pour les rendre opérationnel.»22. Il s'agit alors dans cette recherche de s'interroger sur la signification réelle du terme de résilience et s'interroger sur son applicabilité.
Depuis plusieurs années une nouvelle approche de l'eau est envisagée, par la récurrence d’événements majeurs « catastrophiques » faisant office de piqûre de rappel, une prise en compte énoncée du changement climatique comme un appel à la prudence dans le milieu urbain. Une prise de conscience collective a été réalisée, celle de l'incertitude. Comme l'explique Nadia ARAB, « le contexte contemporain se distingue par l'affirmation du caractère imprévisible de l'avenir »23.
21 TERRIN Jean-Jacques, Villes inondables, cities and flooding, prévention, adaption, résilience, op. Cit. 22 RUFAT Samuel, Critique de la résilience pure, op. Cit. p5. 23 ARAB Nadia, La coproduction des opérations urbaines : coopération et conception. op. Cit. p8
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Qu'elles soient du milieu climatique ou socio-économique, l'action urbaine et les réactions qu'elle entraîne ne sont jamais celles attendues. C'est à partir de ce fait que l'on peut considérer qu'un nouveau mode de « penser » s'est formé, « La mutation des enjeux urbains et l'incertitude sur l'avenir se conjuguent pour faire évoluer les catégories de pensée d'une logique de besoins vers une logique de problèmes »24. C'est avant tout envisager une autre approche autour de l'eau et de ses territoires en constant développement. C'est un retournement des mentalités dans son rapport aux chocs. «Si jusque qu'ici les approches ont dernièrement été qualifiées de « rebond en arrière » à travers une reconstruction à l'identique, la conservation des structures à travers un système de « reproduction », l'approche actuelle semble être celle d'un rebond « en avant » à travers une adaptabilité des structures urbaines. Localiser, concevoir, construire et contrôler les infrastructures critiques»25 « Depuis les années 2000, les système de « résilience ou adaptation des territoires urbanisés face aux aléas naturels se multiplient. La résilience devient une aspiration universelle»26, créatrice d'enjeux à long termes, de durabilité et de qualité de vie. C'est en s'appuyant sur le texte de Béatrice Quenault, Jean-Jacques Terrin et de nombreuses recherches bibliographiques que nous pouvons constater l'apparition et l'évolution d'un nouveau mode de « penser ». De 1999 à nos jours les ouvrages autour d'une nouvelle gestion de l'eau et le développement des villes qui s'en suivent se sont multipliés. C'est l'apparition du terme de RESILIENCE dans les consciences (voir annexe 1 : tableau chronologique du terme résilience). Très largement employé depuis les années 2000, ce terme semble être le gage d'un nouveau développement des villes et d'une nouvelle gestion de l'eau. Ce terme semble être devenu concept, image du bien penser. 24 ARAB Nadia, La coproduction des opérations urbaines : coopération et conception. op. Cit. p9. 25 QUENAULT Béatrice. « La résurgence/ convergence du triptyque « catastrophe- résilience- adaptation » pour (re)penser la « fabrique urbaine » face aux risques climatiques », op. Cit. p3.
26 Idem.
20
« La résilience urbaine est donc devenue un label, une étiquette, un gage de qualité urbaine, avec la certification des institutions internationales »
27
, comme l'indique
Samuel Rufat, maître de conférence à l’Université de Cergy-Pontoise et responsable du Master Géomatique appliqué aux études urbaines et aux risques, la résilience est devenue un phénomène mondial, sur-médiatisé apparaissant comme solution aux problèmes urbains actuels. La question que nous nous poserons donc se posera sur l'effective ou non nouveauté du concept de résilience dans l'approche urbaine. Maintenant que le contexte de pensée a été présenté il s'agit de définir plus concrètement les éventuels changements que permettraient cette nouvelle vision dans la conception urbaine. Ce que l'approche résiliente par son caractère d'acceptation autour des faiblesses d'une ville peut engendrer. D'une nouvelle approche psychologique à une nouvelle gestion physique.
27 RUFAT Samuel, Critique de la résilience pure, op. Cit. p2.
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L'APPARITION DU TERME RESILIENCE : La première apparition du mot « résilience » date du XXe siècle dans le cadre de la physique des matériaux. Du verbe latin resilio,ire, littéralement « sauter en arrière », d'où « rebondir, résister »1. C'est la déformation que peut subir un matériau sans se rompre. Puis, la voie a été ouverte par la psychologie et les travaux d'Emmy Werner. Cette américaine a étudié les réactions d'enfants ayant subit des traumatismes, constatant que certains s'en sortaient mieux que d'autres. Enfin, ce sont les travaux de Boris Cyrulnik sur la résilience psychologique qui permettra sa diffusion en France comme «l'art de naviguer entre les torrents», auteur de nombreuses œuvres sur la sujet2. Face à un monde de plus en plus imprévisible, dans un contexte de changement climatique aux perturbations nombreuses, le constat d'un futur incertain a été réalisé. Suite à ce dernier, les différents domaines de recherche ont par conséquent ressenti le besoin de développer un concept intégrant le risque, une capacité à absorber les perturbations, s'adapter et se transformer pour assurer la pérennité. Le terme de résilience semble donc fondé sur l'incertitude des milieux complexes que représentent les villes. Il semble se définir pas à pas. Cependant, le premier élément à prendre en considération est la formulation du concept de « résilience écologique » de 1973 par l'écologue canadien C.S Holling. Pour lui, la résilience est « la quantité de désordre qu'un écosystème peut absorber tout en conservant sa fonction »3. Le système ville semble alors naviguer entre absorption et adaptabilité afin d'obtenir stabilité. Depuis, de nombreux groupes de recherche ont vu le jour. Le plus célèbre étant la Résilience Alliance fondée en 1999 par Holling lui-même4. Depuis les années 2000 et ses nombreuses catastrophes (Asie 2004, Katrina 2005, Xynthia 2010), les questions autour de ce terme se multiplient et le phénomène de la résilience prend de l'ampleur relatant de la place du risque, sa dimension matérielle, sociale et symbolique. Ce terme récent conserve cependant de nombreuses difficultés d’utilisation de par sa définition trop vague. Il est alors encore plus difficile d'identifier des outils opérationnels générateurs d'une forme de résilience. Se rapprochant de la ville durable, stable, cette nouvelle vision semble différer par une approche de la ville plus flexible et transformable. 1: . STATHOPOULOS Marco, Qu'est-ce que la résilience Urbaine ? op. Cit. 2: Notamment « Résilience connaissances de base » de Boris Cyrulnik et Gérard Jorland aux éditions Odile jacob, mai 2007. 3:GRALEPOIS Mathilde & OGER Clement, L’emergence du concept de resilience urbaine modifie-t-elle les pratiques de la prevention des risques en France ? Julie Daluzeau (directrice de recherche), Formation par la recherche et projet de fin d’etudes en Genie de l’Amenagement. 4:http://www.resalliance.org
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B
CRISES ET CATASTROPHES Un nouveau quotidien imprévisible.
Entre phénomènes récents et intemporels, les « catastrophes » ou « crises » sont à présent considérées comme partie intégrante de notre quotidien. Qu’est-ce qu’une situation de crise pour la ville ?(économique, sociale, physique). La ville et l’eau, entre apports et dommages. Figure 2. Photo-montage personnel.
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LA CRISE Entre phénomènes récents et intemporels. L'inondation sous toutes ses formes concerne près de la moitié des communes, 7 millions de personnes sont exposées au risque d'inondation par cours d'eau et une commune sur deux est partiellement ou totalement en zone inondable» d'après le rapport du MEDDE «l'environnement en France» 2014.28 Les problématiques qui nous intéresseront particulièrement dans cette recherche sont celles qu’entraînent ces affirmations, le comportement de la ville face aux inondations et submersions, sa gestion avant, pendant et après ces situations de crise. Pour cela, il s'agit tout d'abord d'accepter et de définir la crise comme élément fondateur du concept de résilience. Un nouveau quotidien se développe autour de deux constats, le premier est celui du changement climatique progressif et de l'augmentation des températures. Ce constat souvent présenté de façon alarmiste comme dans Une vérité qui dérange29, d'Al Gore semble être le générateur des problèmes éco-systémiques actuels et de la montée des eaux. Clara Villar et Michel David parlent alors de résilience « globale »30, comme nouvel outil de conception pour les territoires considérés ici comme une crise à durée indéterminée, ces aléas continus auxquels les villes doivent s'adapter sur un long terme entraînent des nouveaux modes de concevoir la ville dès à présent afin d'adopter un futur différent. Il ne s'agit pas ici d'aborder les solutions à ce problème mondial mais d'étudier l'adaptation des villes et de leurs fonctionnements face à ce contexte évolutif. Le second est celui des conséquences de ce changement climatique, les aléas directs. Phénomènes passagers, éphémères mais cependant récurrents, ils relèvent directement de la crise comme choc, de la catastrophe. Dans la perspective de l'événement brutal, les deux auteurs parlent alors de résilience « cindynique ».C'est comment se préparer et réagir face aux violences de la submersion marine et inondations intempestives. Les réponses territoriales devraient donc être multiformes face à ces situations complexes et l'enjeu d'une approche résiliente semble être l' articulation entre ces deux variables, ces outils employés dans deux temporalités imbriquées. 28VATOV Marie-Christine, Le projet urbain face aux risques naturels , TRAITS URBAINS, n°81, avril 2016. p16. 29 An Inconvenient Truth, documentaire Américain, de Guggenheim, 11 oct. 2006. United International Pictures. 30 DAVID Michel (MDDE,CGGD) et VILLAR Clara (Cerema), La résilience, un outil pour les territoires ? 2014.Article publié lors du séminaire IT-GOROSKO, 2014, (cf : Roscoff, 22-23 mai 2014)
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La ville de Dunkerque est plus que jamais concernée par les problèmes de réchauffement climatique et de montée des eaux. De par son histoire, elle a déjà du subir plusieurs crises et apprendre à s'adapter, se renouveler (destruction de près de 80% suite à la deuxième guerre mondiale et crise économique dans les années quatre-vingts). En situation de polder, la ville de par son histoire a toujours eu un rapport direct avec l'eau. Port, fleuves et système de wateringues permettent l'attraction et le maintient de la ville d'un point de vue physique et économique. Face à la montée des eaux et les tempêtes récentes, cette ville comme beaucoup d'autres est obligée de s'adapter à un milieu « changeant ». Débordement de cours d'eau, submersion marine suite à la rupture des digues, dysfonctionnement d'ouvrages hydrauliques, érosion du système, problèmes de déchets, assèchement des zones humides, sol perméabilisé, compacté. Nombreuses sont les difficultés rencontrées par ce territoire de l'eau que représente Dunkerque. Entre difficultés quotidiennes et événements brutaux, la ville est soumise à de nombreux aléas et semble devoir adopter de nouveaux modes de gestion. Cette approche inclut donc la crise comme créatrice de la ville, entre changements, évolutions et adaptations. Ce regard sur la ville est indissociable d'une approche temporelle. Agir par rapport à une catastrophe implique un avant, un pendant et un après. « La communauté urbaine de Dunkerque a adopté un plan climat territorial qui vise à anticiper les évolutions climatiques, réduire la vulnérabilité du territoire sur le long terme et sensibiliser les habitants à la spécificité du territoire de polders. »31 La problématique de l'eau prend la première place dans les préoccupations actuelles des urbanistes. À travers différentes actions, la ville a déjà entamé une nouvelle forme de penser saisissant les opportunités qui lui sont proposées. On peut se questionner sur la nature de cette démarche, ses acteurs, intentions finales et sur la forme que cette « réaction » prendrait spatialement et socialement. « Ce sont souvent les catastrophes qui ont obligé les responsables politiques et les professionnels à réfléchir et à modifier leurs regards sur le territoire. »
31TERRIN Jean-Jacques, Villes inondables, cities and flooding, prévention, adaption, résilience. op.Cit. P89.
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La crise, ou catastrophe serait donc un élément déclencheur d'une nouvelle forme d'urbanisation. Le cas des Pays-Bas pourrait en être en exemple. En effet, l'avance de ce pays sur le sujet peut s'expliquer par les nombreuses inondations subies en 1953. A l'échelle planétaire, la prise de conscience s'est réalisée avec l'ouragan Katrina aux Etats-Unis en 2005 et enfin en Europe avec la tempête Xynthia en 2010 qui a confirmé ce besoin d'adaptation commun à toutes les villes. La crise imposerait donc une remise en question du fonctionnement de la ville, elle constituerait l'élément fondateur d'une nouvelle gestion. Face à un choc, nombreuses peuvent être les réponses du comportements urbains et ses réactions. Elles représentent les prémices d'une première forme d'interrogation: Comment une ville réagit-elle face à un choc ?
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Fig 3 :Photo aérienne de la Nouvelle-Orléans, post-ouragan Katrina, 29 août 2005.
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REACTIONS. Première réflexions sur la résilience. Le devenir d'une ville face à une catastrophe.
L'eau n'est plus considérée comme une contrainte, une fatalité, elle peut désormais apparaître comme une opportunité. D'un élément naturel considérable, elle devient outil de valorisation urbaine. Il s'agit donc de passer d'une position «réactive», «conservatrice» comme on a pu le constater dans le chapitre précédent à une position « proactive », transformatrice. C'est imaginer le territoire de l'eau pro-événement et post-événement afin d'envisager le stade de crise. C'est jouer sur les échelles de temps d'intervention et de réaction de la ville. Ne plus réduire les risques à court terme par des infrastructures de renforcement provisoires. C'est «parier sur les autres dimensions de la résilience, accepter des performances négatives à court terme, sur sa récupération à moyen terme et sa survie à long terme.»32 On constate dans les nouvelles approches que l'existence d'une crise est permissive. Elle permet un nouveau regard sur l'existant détruit, nos actions passées et d'envisager un futur différent. La catastrophe est ici initiatrice d'un mouvement. Elle permet de prendre du recul et d'évaluer ce qui a fonctionné ou échoué, ce qui doit rester ou au contraire disparaître. Cette situation impose une prise de position, de décision et c'est alors que l'approche des acteurs impliqués prend une dimension importante. «Si l'on pousse la notion dans ses retranchements, la résilience porte en elle les germes du darwinisme social, d'une relecture morale des catastrophes et d'une essentielisation du risque et de la vulnérabilité».33 La catastrophe peut être présentée de façon théologique comme l'occasion d'une « nécessaire » purification de la «mauvaise» ville (vulnérable) pour que puisse émerger la bonne ville (résiliente) après la catastrophe. 34 De ce constat «permissif», la transformation de la ville dépend des acteurs qui l'entreprennent. 32 QUENAULT Béatrice. « La résurgence/ convergence du triptyque « catastrophe- résilience- adaptation » pour (re)penser la « fabrique urbaine » face aux risques climatiques », op. Cit. p5. 33RUFAT Samuel, Critique de la résilience pure. op. Cit. P2. 34 Idem.p2.
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Dans leurs écrits de recherche, Geraldine DJAMENT-TRAN, Antoine LE BLANC, Serge LHOMME, Samuel RUFAT et Maglie REGHEZZA ZITT ont défini quatre états possibles de la ville suite à un choc3536. Le premier est tout simplement la disparition définitive du système. La crise réduisant à néant la ville, son fonctionnement, entraînant alors sa disparition. Le second état consiste dans le maintien du système. Un maintien sans changement, similaire, qui se définirait dans une reconstruction à l'identique. Ces deux approches ne correspondant pas selon ces chercheurs à l'application d'une démarche résiliente. Dans cette optique, le problème se pose par la non-prise en compte de la crise. Aucune leçon n'en est tirée n'engageant donc aucune forme d'adaptation, principe même du concept. A l'encontre de ce qui vient d'être dit, les deux approches suivantes sèment une forme de doute quant aux mesures à aborder. Se différenciant dans les actions entreprises.La troisième réaction évoquée est celle de la bifurcation. «pour certains auteurs qui s'appuient sur l'écologie, il n'y a pas d'opposition radicale entre bifurcation et résilience, la flexibilité et l'ouverture.37» Cette bifurcation se définirait par une reconstruction différente s'adaptant aux catastrophes. Comme son nom l'indique, le devenir de la ville, son plan d'action en est radicalement changé. Ce serait ouvrir la ville sur de nouvelles gestions, un nouveau principe de fonctionnement. Bien que correspondant à une forme d'adaptation, cette approche est aussi critiquée pour son aspect totalitaire, ne prenant pas toujours en compte la composition de sa population ou son fonctionnement historique. La ville «peut et parfois doit changer radicalement la topologie des réseaux, la structure des bâtiments et donc le fonctionnement du système, de sorte qu'il y a bifurcation et non plus résilience»38. La question de la résilience est alors posée face à un changement radical.
35 DJAMENT-TRAN Geraldine, LE BLANC Antoine, LHOMME Serge, RUFAT, Samuel REGHEZZA ZITT Magali, Ce que la resilience n’est pas, ce qu’on veut lui faire dire. op. Cit. 36RUFAT Samuel, Critique de la résilience pure. op. Cit. 37 DJAMENT-TRAN Geraldine, LE BLANC Antoine, LHOMME Serge, RUFAT, Samuel REGHEZZA ZITT Magali, Ce que la resilience n’est pas, ce qu’on veut lui faire dire. op. Cit. p11.
38 Idem. p11.
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Fig 4 : Les quatre Êtats possibles de la ville suite à un choc. Dans l'ordre : La disparition du système, le maintient sans changement, la bifurcation et le noyau invariant. Illustration personnelle.
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La Nouvelle-Orléans suite à « la catastrophe Katrina » peut-être un exemple de crisepermissive entraînant bifurcation. En effet, touchée en Août 2005 par un ouragan de forte ampleur, cette ville et sa gestion post-crise est l'exemple d'une forme de purification de la mauvaise ville pour la bonne ville. L'occasion de sa transformation radicale. « La Nouvelle-Orléans est ainsi passée d'une ville de locataires pauvres à une ville de propriétaires aisés, d'un tissu dense d'écoles et d’hôpitaux publics à des institutions privées, (...)à la destruction des logements sociaux, les entreprises ont répondu par la construction d'une ville de propriétaires, d'école et hôpitaux privés »39 Face à cette situation, si la ville peut sembler exemplaire dans sa gestion post-crise par une récupération rapide, elle omet la prise en compte des habitants avant crise et la gestion in situ qui fût catastrophique par le manque de communication et la rupture de tous les réseaux de la ville. Si la ville a bel et bien changé, ce n'est pas au profit d'une nouvelle relation entre la ville, ses habitants et la nature, c'est à travers la création d'une nouvelle ville sur l'ancienne. La dernière option qui semble être la plus proche d'une démarche résiliente est celle du maintient du système autour d'un noyau invariant. Cette approche se définirait par «une adaptation différentielle des composantes du système, avec une transformation de certains éléments mais la persistance d'un noyau invariant, dont il reste à définir les contours». La tempête Xynthia de 2010 semble représenter cette vision de crise-révélatrice et de maintient du système. Elle semble avoir crée une prise de conscience positive dans la volonté de gestion du risque. On peut constater que dès 2011, s'élaborent des documents d'urbanisme visant à «porter à connaissance le risque» 40. Il s'agit alors d'identifier, de mesurer et de prévenir son existence par la création de cartes d'aléas. Qu'il s'agisse du risque de submersion par la rupture de la digue des Alliés à l'Est de Dunkerque (tempêtes de 1949-1953), de l'érosion des plages de Malo les bains ou encore du 39 Rufat Samuel, Critique pure de la résilience, op. Cit. p13. 40 NEPTUNE : 10 ans : projet et perspectives - AGUR - Actes du séminaire - Dunkerque 3 décembre 1999.
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débordement d'eau dans les canaux, la ville de Dunkerque semble avoir été frappée par cette réaction post-crise. On envisage alors la digue de Malo les bains, espace public très fréquenté comme pouvant être un ouvrage de rétention et d'évacuation des eaux ce qui n'est pas le cas jusqu'à présent. Les opérations urbaines de préservation en découlant sont nombreuses: grand re-profilage, uniformisation de la pente de la plage, gestion pérenne du sable tous les cinq ans (300 000m3 sable déversés en 2011 et 1 200 000 m3 en 2014)41. Territoire de l'eau vulnérable par son rapport avec l'eau, la tempêtes du littoral de décembre 2013 confirme cette idée de renouveau, il s'agit alors de réfléchir sur la ville à travers une réconciliation ville, port et plage. Retrouver le rôle de l'eau par la création de nouveaux modes de vie, axes de développement. Suite à la crise des années 80's, 35 hectares de friches sont sujets à une reconquête urbaine. «Une nouvelle étape dans l'adaptation du territoire dunkerquois au risque d'inondation s'engage: apprendre à vivre avec l'eau pour mieux s'en protéger» 42 Il semblerait donc que la résilience se définisse par une part d'adaptation, une lecture réactive des catastrophes sans oublier son historicité, ce qui a composé et permis son fonctionnement. De regarder en avant sans omettre le passé. «La résilience implique une part d'oubli, qui permet la reconstruction, même à l'identique, et une part d'adaptation, qui impose un changement dans les structures mais surtout dans le fonctionnement urbain»43. La difficile mise en application de ce terme tiendrait donc dans la complexité des approches que l'on en fait. Face à cette notion ambiguë, nombreuse peuvent en être les appropriations dans un contexte fragile de crise. Il s'agit alors de mettre en avant ce qui rapproche les démarches résilientes et ce qui les différencie, les visions communes et divergentes.
41 NEPTUNE : 10 ans : projet et perspectives - AGUR - Actes du séminaire - Dunkerque 3 décembre 1999. 42 TERRIN Jean-Jacques, Villes inondables, cities and flooding, prévention, adaption, résilience, op. Cit. p87. 43RUFAT Samuel, Critique de la résilience pure. op. Cit. P16.
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C
LA RESILIENCE Entre vision commune et prise en compte de la vulnérabilité .
Première approche sur la signification du terme résilience en urbanisme. Regroupement des appropriations rencontrées, mise en commun et différenciations dans une étude à la fois temporelle et physique.
Figure 5. Photo-montage personnel.
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REPONSE COMMUNE. Mise en relation des différents approches similaires du terme de résilience en urbanisme. La première approche autour du concept complexe qu'est la résilience s'est volontairement voulue distante. La difficulté relevait de ne pas réaliser une approche déjà abordée, c'est pourquoi l'initiative première a été de rassembler au fil des lectures les phrases relevant d'une forme de définition lors des premières lectures rencontrées. Afin de ne pas rentrer dans une forme de stigmatisation, le relevé de tous les termes apparus à minima deux fois sont annotés et reliés entre eux sous forme de Carte mentale (voir annexe 244). Cette analyse a permis de retenir les termes les plus employés pour analyser, expliquer, comprendre et définir de manière très globale ce terme polysémique à travers l'image mentale que représente cette carte. On constate alors que les termes sont nombreux et que les différents « ensembles de mots » sont approximatifs. Toutefois, au fil des lectures des liens entre les différentes appropriations semblent apparaître. En effet, abordées sous des termes différents les notions paraissent s'entre-mêler afin de former une «interprétation» commune de ce que serait une ville résiliente. Si l'on peut constater pour tous une grande importance de la temporalité et de la vulnérabilité dans l'approche de ce concept, on peut cependant aussi remarquer que c'est justement sur leurs utilisations que les avis divergent.
44 Annexe 2 : Carte mentale du concept de RESILIENCE. p143
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Tout d'abord, sont apparues au fil des lectures les notions 'd'absorption', de 'résistance' et de 'récupération', présentées comme des phases, elles forment de façon temporelle et cyclique les trois qualités définissant le comportement adéquat d'une ville face à un choc, une crise. Un «continuum» de réactions souhaitables. Dans leurs propositions de méthodologie face à un quartier, Balsells, Barroca, Diab, Becue et Serre 45 les traduisent par les endommagements matériels causés, les alternatives proposées par la ville et enfin la remise en service, le retour de la ville à une forme de « normalité ». On peut interpréter cette vision sous la forme de cycle. (SHEMA 1, ci-contre). Ensuite, dans son approche autour du « génie urbain »46 Barroca, Youssef et Serre définissent à leur tour trois stades, approches autour de ce que serait une ville résiliente. On parle cette fois de résilience Fonctionnelle (autour du système nerveux de la ville que serait les infrastructures, les réseaux), de résilience Corrélative (la capacité de réponse à une demande, un service) et enfin de résilience territoriale (c'est à dire la capacité de mobilisation sur un territoire plus large que celui touché par la crise). Termes très vite accompagnés de ceux de :'réaction', 'adaptation' et 'absorption'. Cette deuxième approche qualifiant la résilience sous forme de triptyque nous permettant alors de créer un premier rapprochement avec la première vision abordée. Un parallèle avec le premier cycle constaté.(SHEMA 2, ci-contre). (Voir annexe 347)
45 BASELLS.M, BARROCA.B, BECUE.V, DIAB.Y, et SERRE.D, Améliorer la résilience urbaine face au risque d'inondation : proposition d'une méthodologie. Document internet. colloque futurs urbains, Enjeux interdisciplinaires émergents pour comprendre, projeter et fabriquer la ville de demain, Université de Paris-Est, Marne-La-Vallée, 16-18 janvier 2013 (8 pages) 46 BARROCA Bruno, SERRE Damien et YOUSSEF. Diab, Le concept de résilience à l'épreuve du génie urbain. op. Cit. 47Carte conceptuelle des 3 types de résilience à partir des propos de BARROCA Bruno, SERRE, Damien et YOUSSEF, Diab p147.
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Enfin, le «retour critique» que réalise Béatrice Quenault48 nous permet d'aborder ce cycle adaptatif sous un nouvel angle, plus binaire cette fois. En effet, cette chercheuse qualifie les réactions d'une ville face à une crise sous deux formes: la réaction et la proaction qui s'en suit intégrant la notion de mémoire. C'est à dire la capacité à faire face dans un premier temps et la capacité de réponse dans un second. Non éloignés des premières notions abordées, celles-ci permettent d'introduire la gestion de la ville résiliente «anticipatrice», planificatrice par rapport au passé mais surtout en vue du futur. L'aspect évolutif du cycle étant alors mis en évidence. Dans son «triptyque «catastrophe- résilience- adaptation»49, l'auteur aborde pour compléter cette vision l'existence de trois orthographes différentes autour de cette notion de résilience. La première, résilience se défini en tant que qualité de capacité à rebondir et à fonctionner en mode dégradé, la deuxième , Résilience, en tant qu'aptitude à faire face, à résister et absorber un choc et enfin la troisième, résiliance, comme un travail jamais achevé, à se réorganiser, s'adapter. C'est dans cette perspective, mettre en avant l'aspect acquis de la ville, à moyen terme, son fonctionnement, l'aspect réactif de gestion dans une situation d'urgence à court terme et enfin la troisième comme système évolutif constant à long terme.( SHEMA 3, ci-contre).
48 QUENAULT, Beatrice, Retour critique sur la mobilisation du concept de résilience en lien avec l'adaptation des systèmes urbains au changement climatique, op. Cit. 49 QUENAULT Béatrice. La résurgence/ convergence du triptyque « catastrophe- résilience- adaptation » pour (re)penser la « fabrique urbaine » face aux risques climatiques , op. Cit.
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Si les avis semblent converger autour de ce triptyque commun global, sa compréhension, elle, semble diverger. En effet, si les idées de récupération, d'absorption et de résistance sont acceptées, leurs degrés d'intervention dans la transformation de la ville lui n'est pas précisé laissant à chacun son interprétation. Cette idée de rebond s'élargit dans le temps par un avant, un pendant et un après crise. Béatrice qualifie ces trois stades comme la propriété de résistance, la gestion et la protection à court terme, l'aptitude à fonctionner en mode dégradé, qui se définit à travers un mode de fonctionnement à moyen terme et la capacité de réorganisation, d'adaptation qui se définit à long terme et préconise la prévention. On retrouve cette idée de «stades» et de temporalité dans de nombreux écrits notamment celui de Clara Villar et Michel David. «Anticiper des perturbations, brutales ou lentes, grâce à la veille et à la prospective. En minimiser les effets - Se relever et rebondir grâce à l'apprentissage, l'adaptation et l'innovation. Évoluer vers un nouvel état d'équilibre dynamique préservant ses fonctionnalités»50 «sa mise en avant à l'échelle internationale et sa mobilisation par des acteurs d'horizon très variés se traduit par un surinvestissement: la résilience est sommée d'être à la fois une réponse idéale (parfaite) et universelle (la même pour tous) dans des contextes toujours plus complexes, hétérogènes et incertains.»51 C'est la recherche d'une réponse commune à de nombreuses situations différentes. Une utilisation multiple à partir d'un terme facilement soumis à appropriation. L'ensemble s'inscrit dans une démarche commune mais si on souhaite pousser le raisonnement plus loin, on s'aperçoit rapidement des divergences fréquentes entre les différentes recherches.
50DAVID Michel (MDDE,CGGD) et VILLAR Clara (Cerema), La résilience, un outil pour les territoires ?op. Cit.p1. 51RUFAT Samuel, Critique de la résilience pure. op. Cit. p1
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La prise en compte de la vulnérabilité, premier facteur de divergence. D'un terme physique, la résilience a traversé de nombreux domaines, des sciences dures aux sciences douces jusqu'à atteindre celui de l'urbanisme. Terme polysémique, «mot valise», nouveau «label», son utilisation et application créent des contradictions entraînant parfois une décrédibilisation du terme. Si certaines notions semblent acquises et communes comme vu précédemment, leur utilisation et leur mise en contextualisation semblent cependant diverger. En effet, d'un constat aussi large, nombreuses peuvent en être les appropriations. Cela s'explique par l'origine des personnes l'employant foisonnante et les différentes visions de la ville en découlant. C'est une mise en avant des singularités de chacun mais surtout du contexte dans lequel il est appliqué qui est lui aussi toujours différent. Face à cette gestion du risque, les interprétations temporelles fluctuent, entre approche linéaire et approche cyclique, la résilience comme état et comme processus. «La résilience s'inscrit ainsi dans une lecture à la fois morale et théologique des catastrophes, avec une approche linéaire du temps, tendant vers le progrès ou l'adaptation des sociétés, à l'opposé du temps cyclique des périodes de retour des crises et des catastrophes»52 Autour de ce concept de résilience, on remarque deux point de dissonances particulièrement débattus sur les changements accordées à la ville de demain. La première étant la relation entre vulnérabilité et résilience, de la confrontation à l'intégration. La seconde portant sur son évolution suite à un choc, entre résilience «état» et résilience «processus». Entre non-dits, indéfinis et sens contraires on s'aperçoit que nombreuses peuvent être les interprétations autour de ce nouveau concept urbain. «Si la résilience est interprétée plus comme un résultat que comme un processus alors elle est considérée comme étant incorporée au sein du concept de vulnérabilité. Mais si la résilience est perçue plus comme un processus que comme un résultat en lien avec les capacités adaptatives et d'apprentissage alors la vulnérabilité et la résilience représentent des concepts séparés mais néanmoins liés par certains aspects»53. (Voir annexe 454) 52RUFAT Samuel, Critique de la résilience pure. op. Cit. p22.
53 QUENAULT, Beatrice, Retour critique sur la mobilisation du concept de résilience en lien avec l'adaptation des systèmes urbains au changement climatique, op. Cit. 54Annexe 4 :Carte conceptuelle des termes RESILIENCE et VULNERABILITE. P148.
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L’arrivee du concept de vulnerabilite, a contribue à un reel changement dans l’approche du risque inondation. La consideration des enjeux du territoire a donne lieu à un nouveau paradigme, une nouvelle facon de considerer le risque inondation. «La vulnerabilite et les enjeux temoignent de la presence humaine (logements, activites economiques, infrastructures...) sur un territoire expose à des aleas. Elle est donc propre à un territoire et à un alea. Elle evolue dans le temps par rapport à l’evolution des activites humaines.»55. L'approche par la vulnérabilité met donc en valeur l'aspect singulier de chaque ville, chaque situation exposée à un risque. La vulnérabilité est propre à son territoire et permet donc de situer les échelles d'interventions et les différents points à étudier pour intervenir, changer. Elle est donc à la fois la source du changement puisqu'elle provoque des endommagements et moyens d'actions puisqu'elle les permet.
Pour confirmer cette vision, dans son étude autour de la résilience comme outil de développement urbain, Clara Villar et Michel David56 définissent quatre types de vulnérabilité touchant la vie urbaine , la vulnérabilité démographique (vieillissement de la
population,
inégalités
générations,
flux
migratoires..),
la
vulnérabilité
environnementale (changement climatique ; étalement urbain, artificialisation (la vulnérabilité sociale ( inégalités, vulnérabilité énergétique) et enfin la vulnérabilité économique (spécialisation industrielle, dépendance aux dépenses publiques). Pour ces auteurs, ces quatre points de vulnérabilités se révèlent être des outils, des éléments de travail dans un chemin vers la résilience. En effet, un travail sur la résilience est indissociable d'un travail sur la vulnérabilité afin de permettre sa durabilité. Un territoire exposé aux risques est indissociable du concept de vulnérabilité.
55 RUFAT Samuel, Critique de la résilience pure.op. Cit. p24 56 VILLAR Clara (CEREMA) et DAVID Michel (MEDDE/CGDD).La resilience, un outil pour les territoires ? op.Cit.
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LA VULNERABILITE : Avant d'aborder ces différents types d'appropriations de la résilience autour de la vulnérabilité il s'agit de définir ce qu'est le concept de vulnérabilité dans la vie urbaine. Définition du CNRTL : Vulnérabilité, subst. fém. Caractère de ce qui est vulnérable. Synon. fragilité; anton. invulnérabilité (dér. s.v. invulnérable).a) Vulnérabilité de l'organisme. Il n'y a aucune relation entre la vulnérabilité d'une partie du corps et son aptitude à la régénération (J. Rostand, La Vie et ses probl., 1939, p. 70)b Qui peut être attaqué, atteint facilement. Anton. invulnérable.Ces magasins (...) sont très vulnérables en cas d'incendie (Civilis. écr., 1939, p. 50-11) On constate ici une différenciation entre résilience, remise en service et vulnérabilité. Une opposition des deux concepts. Dictionnaire du développement durable : Vulnérabilité : « Mesure selon laquelle un système peut être dégradé ou endommagé par l'évolution du climat. La vulnérabilité dépend non seulement de la sensibilité, mais aussi de l'adaptabilité du système à de nouvelles conditions climatiques. Cette notion combine le niveau de menace physique d'une société et sa capacité d'adaptation. Elle souligne donc le rôle des facteurs socio-économiques, qui vont amplifier ou atténuer l'impact des variations climatiques sur une société. »1 On constate à l'inverse, cette fois, une mise en relation des concepts de vulnérabilité et de résilience. Dans la recherche entreprise dans le génie de l'aménagement de l'école Polytech Tours, La vulnerabilite est la « propension à favoriser les prejudices des personnes exposees à l’alea »3. Ainsi plus des enjeux sont vulnerables, plus le risque qu’ils encourent est eleve. Cette vulnerabilite depend de facteurs structurels (contexte socio-eco, culturel, fonctionnel ou institutionnel) comme le degre de preparation des populations et des institutions exposees au risque.»2. De nouveau, on retrouve un lien entre vulnérabilité et résilience cette fois interrogé et relié à une forme de préparation et réaction face à un risque. 1: Brodhag Chrisian, Breuil Florent, Gondran Natacha et Ossama François, Dictionnaire du développement durable, Saint-Denis-La Plaine, Ed : AFNOR, 2004.p240. 2: GRALEPOIS Mathilde & OGER Clement, L’emergence du concept de resilience urbaine modifie-t-elle les pratiques de la prevention des risques en France ? Julie Daluzeau (directrice de recherche), Formation par la recherche et projet de fin d’etudes en Genie de l’Amenagement.
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Introduite comme état, la résilience implique une forme de «passivité», considérant en effet que chaque ville possède son histoire et est donc de fait soumise à une forme d'adaptabilité, une évolution constante dans un temps long et linéaire. A l'inverse, introduite dans un système de «processus», elle implique une démarche à suivre, une forme d'adaptabilité cette fois de courte durée impliquant un système de stade, de retour à la «normalité» construit autour d'une temporalité cyclique. Afin de mieux cerner le rapport du terme de résilience à celui de vulnérabilité, cette partie a pour but de regrouper les recherches rencontrées sous deux catégories. La première, celle de l'approche linéaire, incluant la résilience dans un concept plus large, celui de la vulnérabilité; la seconde, l'approche cyclique séparant ces deux concepts dans des phases différentes de l'évolution de la ville. La naissance du concept de vulnérabilité face aux risques d'inondation a donné lieu a un nouveau paradigme dans la considération des enjeux du territoire.
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D
DU LINEAIRE AU CYCLIQUE Des appropriations différentes. De la propriété au processus.
Mise en avant de deux types d’appropriation temporelles courantes dans le domaine urbain autour du terme résilient : L’approche linéaire considérant la résilience comme propriété, état acquis ou intrinsèque et l’approche cyclique, considérant la résilience comme un processus inachevé. Figure 9. Photo-montage personnel.
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L'approche linéaire. L'approche linéaire, un développement de la ville continu, imbrication des termes vulnérabilité et résilience pour un état de fonctionnement de la ville «normal» recherché. «Parler de résilience nécessite d'identifier un «terminus ante» et un terminus «ad quem», ce qui oblige à se demander préalablement à quelle échelle temporelle la notion est pertinente, pour pouvoir notamment définir un état de référence qui va permettre de parler de résilience».57 Cette première approche traduit directement cette acceptation d'une forme de vulnérabilité pour la ville abordée précédemment. Elle considère cette vulnérabilité comme positive et son acceptation comme le résultat d'une forme de résilience alliée à une forme de résistance (vulnérabilité = résilience + résistance), ces deux termes comme emboîtés, encastrés, inclus dans un système d'adaptation de la ville. La résilience devenant une composante de la vulnérabilité. «la capacité adaptative comme étant l'un des déterminants de la vulnérabilité aux côtés de l'exposition et de la sensibilité du système à l'aléa»58
La vulnérabilité se définirait alors en partie par sa capacité d'adaptation, elle devient un enjeu central. «La reduction de la vulnerabilite apparait comme un enjeu central et s'inscrit de ce fait dans cette demarche, ce qui contraste avec les dispositifs de prevention mis en place, jusqu'alors tournes essentiellement vers l'alea (passage de la cartographie de l'alea vers la cartographie des risques avec les Plans de Prevention des Risques)» .59
57MOURIER Pierre-François, Les cicatrices du paysage, Après la tempête, essai d'écologie scientifique. Éditions : ACTES SUD, décembre 2000. p13. 58QUENAULT, Béatrice, Retour critique sur la mobilisation du concept de résilience en lien avec l'adaptation des systèmes urbains au changement climatique op. Cit. p.16 59SCARWELL Helga-Jane , Déconstruire les logiques de gestion du risque d'inondation. De la résistance à la résilience: quelle adaptation de la prévention des risques naturels au réchauffement climatique? http://www.appa.asso.fr/_docs/7/fckeditor/file/Revues/AirPur/Airpur_72_Scarwell.pdf p26.
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Fig 10 : Illustration personnelle. Imbrication des termes vulnérabilité et résilience.
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Cette approche est critiquable par sa relation de causalité linéaire entre ces deux concepts, il n'existe alors pas d'interrelation et l'aspect dynamique du système évolutif qu'est la ville semble mis de côté dans sa dimension d'état acquis. C'est du moins l'avis de Béatrice Quenault dans son triptyque60.Dans cette vision, la vulnérabilité englobe le système de résilience, cependant, on retrouve à l'inverse une résilience englobant le système de vulnérabilité. Cette vision à contrario est particulièrement représentative de cette vision linéaire du concept de résilience. En effet, pour être résilient, il faut avoir été vulnérable, avoir subit la crise. C'est une conséquence, un constat. Elle s'analyse alors à posteriori, comment la ville a-t-elle su résister au choc, comme propriété intrinsèque qui se révèle au moment de subir la crise. La résilience est alors considérée comme état et non comme processus ce qui induit une forme de passivité dans les démarches à entreprendre. « Mais si l'on pousse jusqu'au bout la logique de la résilience, on s'aperçoit que pour être résilient, il faut avoir subi la crise. La résilience suppose une fragilité intrinsèque et demande d'admettre cette fragilité »61 « La resilience peut aussi etre analysee a posteriori, en analysant comment une ville s’est reconstruite apres une catastrophe, ou encore tout au long de son histoire allant de catastrophes en catastrophes ou changements, ou comment certains batiments emblematiques ont evolue lors de changements de regime politique. C’est ce que font des chercheurs à propos respectivement de Pompei et d’Herculanum, de Bucarest, et des batiments du pouvoir à Berlin. »62 Si cette vision linéaire de la résilience comme état semble tirer des conclusion aux vues du passé afin d'expliquer le présent, elle semble mettre en avant une forme de passivité face au futur. Définie comme dimension acquise ou non suite à son évolution elle ne propose pas de fait des démarches à entreprendre pour l'avenir. Accepter la vulnérabilité d'une ville c'est accepter qu'elle puisse à nouveaux subir une crise, il existe donc un nouveau regard à aborder sur son avenir. Ce nouveau regard n'impliquerait-il pas une préparation à une nouvelle confrontation ? Un processus d'adaptation ? 60 QUENAULT Béatrice.
La résurgence/ convergence du triptyque « catastrophe- résilience- adaptation » pour (re)penser la « fabrique urbaine » face aux risques climatiques , op. Cit.18. 61RUFAT Samuel, Critique de la résilience pure, op. Cit. p4. 62LAUGIER Robert, La ville de demain : intelligente, resiliente, frugale, post-carbone ou autre . Centre de Ressources Documentaires Amenagement, Logement et Nature SG/SPSSI/MD, Mars 2013. p11.
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L'approche cyclique L'approche cyclique, la résilience comme processus continu. Cette seconde approche pousse au premier abord à opposer vulnérabilité et résilience, ce qu'on d'ailleurs entrepris bon nombre de chercheurs. Bien qu'acceptée, la vulnérabilité représente alors une incapacité à faire face à la crise. «L'articulation entre production et construction du risque relève ainsi de la «contre productivité» urbaine, (…) en renforçant leur vulnérabilité au lieu d'offrir la protection à laquelle ils aspirent »63 La vulnérabilité est ici un résultat à éviter. Cependant, cette vision peut paraître un peu trop simpliste, «Le danger d'une telle interprétation est qu'elle conduit à un raisonnement circulaire: un système est vulnérable parce qu'il n'est pas résilient: il n'est pas résilient parce qu'il est vulnérable. Si la résilience est uniquement perçue comme le simple opposé de la vulnérabilité, elle perd du même coup tout son intérêt». 64 «la réduction de la vulnérabilité n'implique pas toujours que la résilience progresse»65. En effet, si la prise en compte de la vulnérabilité dans la démarche résiliente est importante, elle repose sur son acceptation et non sa « démonisation », c'est cette vulnérabilité qui semble être le moteur et permettre la démarche résiliente. Elle offre alors la vision d'un continuum entre ces deux concepts, des facteurs de vulnérabilité à court terme se trouvant alors paradoxalement des facteurs de résilience à moyen ou long terme. «les deux termes ne sont pas interchangeables et il faut au minimum interroger la question du continuum qui ferait passer de l'un à l'autre».66
63RUFAT Samuel, Critique de la résilience pure, op. Cit. P5. 64 QUENAULT, Beatrice, Retour critique sur la mobilisation du concept de résilience en lien avec l'adaptation des systèmes urbains au changement climatique, op. Cit. p11. 65Idem. p11. 66 DJAMENT-TRAN Geraldine, LE BLANC Antoine, LHOMME Serge, RUFAT, Samuel REGHEZZA ZITT Magali, Ce que la résilience n’est pas, ce qu’on veut lui faire dire. op. Cit. P12.
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Fig 11 :Opposition et ĂŠchanges entre les deux termes. Illustration personnelle.
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«On pourrait même affirmer que c'est parce que l'on est vulnérable que l'on peutêtre résilient: au sens le plus stricte, il n'y a résilience que s'il y a choc et perturbation, ce qui implique analytiquement vulnérabilité».67 On constate alors une relation entre ces deux termes, plus complexe que la simple inclusion vue précédemment ou l'opposition vue à l'instant.
«La résilience et la vulnérabilité sont alors envisagées comme des concepts séparés, mais qui entretiennent néanmoins d'étroites relations ou chevauchements (…) tous deux incluent la capacité adaptative (...)étant indépendantes, comme agissant à différentes phases après la survenue de l'événement»68 Dans son triptyque, Béatrice Quenault parle alors de résilience réactive 69. En effet, dans cette recherche elle constate que vulnérabilité et résilience s'analysent à partir de « seuils ». Ce sont ces seuils qui permettent de différencier la capacité d'absorption de la ville, sa résilience et sa capacité d'auto-organisation, d'autonomie lorsque celui-ci est dépassé. Le dépassement de ce point correspondant à des impacts significatifs, des destructions, sa vulnérabilité. La difficulté de cette approche relevant à déterminer ces étapes avant de les constater (opposition à la vision linéaire) de conserver l'idée d'une une action pro-active. «La communauté urbaine de Dunkerque adopté un plan climat territorial qui vise à vise et anticiper les évolutions climatiques, réduire la vulnérabilité du territoire sur le long terme et sensibiliser les habitants à la spécificité du territoire de polders.» 70 Dunkerque semble alors considérer la résilience comme un processus. 67DJAMENT-TRAN Geraldine, LE BLANC Antoine, LHOMME Serge, RUFAT, Samuel REGHEZZA ZITT Magali, Ce que la résilience n’est pas, ce qu’on veut lui faire dire. op. Cit. P11.
68QUENAULT, Beatrice, Retour critique sur la mobilisation du concept de résilience en lien avec l'adaptation des systèmes urbains au changement climatique. op. Cit. 69 QUENAULT Béatrice. « La résurgence/ convergence du triptyque « catastrophe- résilience- adaptation » pour (re)penser la « fabrique urbaine » face aux risques climatiques », op. Cit. 70 TERRIN Jean-Jacques, Villes inondables, cities and flooding, prévention, adaptation, résilience, op. Cit. p89.
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La resilience serait un processus qui requiert des ameliorations continues. Elle doit aussi etre incorporee dans une perspective de viabilite: la prise en compte de l’adaptation, l’attenuation des impacts du changement climatique et la prevention des risques de catastrophe nécessite aussi de contribuer dans un programme de lutte plus globale contre la deterioration de l’environnement et à l’amelioration des realites liees à la pauvrete et à l’inegalite. En omettant ces aspects, les solutions apportees ne seront pas efficaces à long terme mais au contraire peuvent se reveler amplificatrices des problèmes dejà presents. Si on considère que la resilience est une propriete, elle preexiste à la crise et une ville est resiliente sans le savoir. A contrario, si on envisage la resilience urbaine comme processus, on peut constater qu'une ville est resiliente car elle aura su se maintenir malgre un choc et depasser une crise grâce à son anticipation, passée et future. On perçoit alors une vison dualiste de la confrontation et la liaison des concepts vulnérabilité, résilience.
Face à cette polysémie du terme résilience, il semblerait important de définir son champ d'action. Qu'il soit physique ou psychologique, structurel, social, commercial ou encore politique. Déterminer quelles sont ses échelles d'action. Compte tenu de la complexité du développement urbain, la définition d'une échelle d'application paraît indispensable. Terme récent et indéfini comme vu précédemment, il semble pouvoir s'employer dans de nombreux domaines et ainsi facilement devenir à la fois outil de conception, discours moralisateur, démonstrateur ou encore commercial. La ville, de par sa complexité implique la prise en compte de nombreux facteurs de développement simultanés. C'est à travers l'étude de cette polyvalence que nous nous attacherons dans un second temps à aborder la conception résiliente et les intégrations qu'elle engendre.
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A: L’ APPROCHE SYSTEMIQUE Limites spatio-temporelles et éco-système. B: UNE MACHINE VIVANTE Entre réseaux et organisme vivant. C: UNE MACHINE HUMAINE Entre gouvernance et «labellisation». D: UNE MACHINE A SOUS Une entreprise créatrice de nouveaux marchés.
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PARTIE
2
:
LA RESILIENCE,
UNE VISION DE LA VILLE POLVALENTE
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A
UN FONCTIONNEMENT ECO-SYSTEMIQUE L’approche systémique, limites spatio-temporelles et éco-systèmes.
Pour qualifier ces territoires de l’eau nous aborderons deux notions récurrentes dans les relations ville, eau et résilience. La première est la « systémique » démontrant qu’une ville se questionne à travers de nombreux aspects différents mais connectés, la seconde est celle de l’ « écosystème » venant appuyer le regard de la systémique par le fonctionnement du vivant. La ville est multiple, composée d’un ensemble d’éléments interdépendants, elle est en évolution constante, composée de connexions et d‘échanges de flux. Figure 12. Photo-montage personnel.
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LIMITES SPATIO-TEMPORELLES. Échelle d'étude. Une échelle d'intervention multiscalaire, celui de la ville évolutive. « La résilience systémique intègre une dynamique et permet également la multiscalarité en réconciliant les différentes échelles spatio-temporelles» 71 La résilience semble imposer une approche de la ville à travers plusieurs notions spécifiques permettant une vision vivante, celle d'un système vivant. La ville, entre Systèmes Sociaux-Écologiques vivants et machines de production. La résilience implique habitants, acteurs de la démarche, État, quartiers, villes, territoires, hier, aujourd’hui et demain. C’est dans cette multiscalarité que se trouve sa complexité et son intérêt. C’est une imbrication d’acteurs et d'échelles spatio-temporelles. C’est à travers ce regard couplant matériel et immatériel que nous aborderons la résilience. La première notion abordée est celle permettant cette réflexion multiple plus globale, la systémie.
Systémique, adj. Qui concerne un système ou qui agit sur un système. Approche systémique d'une question. Le côté parcellaire de son enseignement actuel [de la biologie], qui insiste trop sur l'aspect analytique et pas assez sur les « relations systémiques » au sein des organismes vivants et entre eux-mêmes et leur environnement . Analyse systémique. Analyse qui cherche à mesurer exactement, dans un système, les objectifs à atteindre en terme de performance. La systémique, cette récente « sensibilité » qui bouscule les vieilles sciences trop cloisonnées et propose une analyse globale des systèmes. source : CNRTL.
71 QUENAULT Béatrice. La résurgence/ convergence du triptyque « catastrophe- résilience- adaptation » pour (re)penser la « fabrique urbaine » face aux risques climatiques , op. Cit . p14.
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Dans la production urbaine, la notion de résilience émet des problèmes face à l'imprévisibilité inhérente au futur. La difficulté réside dans la projection de l'avenir, cet aspect vague qui vient s'opposer au plan fixe72. Qu'il en soit pour les ingénieurs, architectes dans la représentation graphique ou pour les activités urbaines sur le plan stratégique. Un renouvellement urbain signifierait une réparation; une réhabilitation urbaine impliquant une intégration sociale, le vivant. Si la systémie semble aborder de nombreux domaines et donc échelles d'interventions différentes, on est autorisé à se demander quelle échelle serait la plus pertinente afin de ne négliger aucun de ses composants. C'est à travers cette complexité que nous aborderons cette recherche. Face à cet aspect pluriel et singulier qu'apporte la systémie, une échelle de proximité, celle de la ville semble être la plus adaptée. C'est l'idée d'agir local pour penser global. Pour Alain Maugard et Jean-Pierre Cuisinier 73, la ville repose sur quatre piliers fondamentaux: le premier est sociétal, le second environnemental, le troisième économique et enfin le dernier culturel. Sujets qui ne semblent pouvoir être traités simultanément qu'à minima à l'échelle de la ville. Dans cette même idée de dialogue entre dynamiques spatiales, temporelles, culturelles et environnementales, le terme de la ville comme «système socio-écologique» est apparu. En effet, dans son triptyque, Béatrice Quenault maintient que c''est la transversalité et la cohérence entre ces faits qui permet une réponse effective aux changements climatiques. C'est donc un travail d'échelles et d’inter-disciplines.
Les SSE, systèmes socio-écologiques sont des «Système ouverts et interconnectés qui co-évoluent avec leur environnement naturel et dont les diverses composantes, qui touchent aussi bien à la matérialité du bâti, au cadre de vie et aux fonctions urbaines qu'à la dimension politique et socio-économique de l'urbain y compris les institutions, jeux d'acteurs aux communautés et au vivre ensemble»74
72ARAB Nadia, La coproduction des opérations urbaines : coopération et conception. op. Cit. 73MAUGARD Alain et CUISINIER Jean-Pierre Regard sur la ville durable, Vers de nouveaux modes de vie. op.Cit. 74 QUENAULT Béatrice. La résurgence/ convergence du triptyque « catastrophe- résilience- adaptation » pour (re)penser la « fabrique urbaine » face aux risques climatiques , op. Cit p6.
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« tous les systèmes socio-écologiques complexes sont sujets à des cycles adaptatifs permanents, comprenant un effondrement et qu'ils présentent donc une tendance inhérente à la crise »75 Si l'échelle d'étude appropriée sur la résilience est celle de la ville, on peut se demander si son applicabilité, elle, se limite à ces frontières. En effet, comme le soutient Béatrice Quenault, considéré comme un cycle adaptatif permanent, l'urbain a une tendance inhérente à la crise cependant les interrogations se font quant aux impacts de cette crise sur l'échelle même de la ville. Si le système de base est celui de la métropole, on a pu voir précédemment que sa « réaction », elle, peut être de conséquence et d'échelle très variable.
«la question des échelles doit être reliée à celle de la nature et des seuils des changements qualitatifs qui permettent de parler ou non de résilience.» «La question est alors de savoir à partir de quel seuil l'adaptation n'est plus un renouvellement mais donne naissance à un autre objet et si oui, à quelle échelle spatiale». «suite à une catastrophe on peut assister à une contraction spatiale ou au contraire à l'extension de l'espace urbain. La ville peut absorber des quartiers périphériques non ou mal intégrés (cf Los Angeles séisme 1906), ou au contraire perdre son aire d'influence traditionnelle (cf St Pierre éruption 1902)» 76 Permettant l'intégration de cet aspect matériel et immatériel, l'approche de la ville à travers la systémie permet une approche plus «globale» , cette imbrication de domaines variés pousse à une analyse de l'urbain plus adaptée à un complexe vivant diversifié. En effet, la difficulté qui semble se poser face à ces approches et celle de l'évolutivité de ce domaine d'étude. La ville comme système évolutif constant, comme éco-système.
75 QUENAULT Béatrice. La résurgence/ convergence du triptyque « catastrophe- résilience- adaptation » pour (re)penser la « fabrique urbaine » face aux risques climatiques , op. Cit p3.
76 DJAMENT-TRAN Geraldine, LE BLANC Antoine, LHOMME Serge, RUFAT, Samuel REGHEZZA ZITT Magali, Ce que la resilience n’est pas, ce qu’on veut lui faire dire. op. Cit.
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ECO-SYSTEME. Une relation ville- environnement. «Parler de métabolisme de la ville, autrement dit donner à l'urbanisme une fonction d'être vivant n'est pas qu'une métaphore de langage. Comme dans la cellule biologique, on peut dire qu'il y a des entrants et des sortants, que des flux s'échangent dans tous les domaines. L'énergie, l'eau, l'air ont un cycle. Après usage, ils deviennent déchets et pollution à recycler ou à maîtriser.»77 Le concept d'éco-système est apparu en 1935 par le botaniste et écologue anglais Arthur G.Tansley et prend un rôle plus important à la sortie du livre Fundamentals of ecology de l'américain Eugène P.Odum.78 L'approche résiliente aborde cette notion d'écosystème pour caractériser la ville. Dans son ouvrage «De l'écologie urbaine au développement durable», Anne-Sophie Leturcq propose sa vision de la ville-écosystème. «la ville, au même titre qu'une forêt, est un système fonctionnel constitué de biocénoses (populations humaines, animales, végétales). Elle possède un environnement climatique, une répartition du territoire (sols urbains) et un métabolisme (flux d'énergie, de matière, cycle hydrologique). Elle peut donc être considérée comme un écosystème. L'écosystème urbain est constitué d'éléments hétérogènes, mais fortement interdépendants. C'est également un système ouvert dont les frontières sont le siège d'échanges permanents.»79 Considérer la ville comme écosystème serait donc considérer la ville comme le résultat d'une cohabitation ville-environnement, qu'il soit naturel ou humain.On considère alors la ville comme système ayant pour fonction principale l'habitat, possédant un microclimat autonome à l'échelle pertinente de par ses interactions sociales et écologiques exacerbées ou inhibées comprenant les différents aspects de la vie humaine vues précédemment (cf les quatre piliers de Maugard et Cuisinier). C'est avant tout un environnement naturel ayant besoins de ressources et d'énergie.
77MAUGARD Alain et CUISINIER Jean-Pierre Regard sur la ville durable, Vers de nouveaux modes de vie.op. Cit. P81. 78 Idem. P37. 79LETURCQ Anne-Sophie, De l'écologie urbaine au développement durable, .Op. Cit. p13.
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«Une ville durable est celle qui assure ses fonctions urbaines en optimisant son fonctionnement pour satisfaire les multiples attentes de ses habitants, mais c'est aussi une ville dont le développement se fait en harmonie avec celui des territoires voisins et dans le respect des écosystèmes globaux»80 La prise en compte de la ville comme éco-système repose donc aussi dorénavant sur le lien entre nature et société. « Tandis que la notion de société industrielle classique repose sur l'opposition de la nature et de la société (au sens où on l'entendait au XIXe siècle), la notion de société (industrielle) du risque prend pour point de départ une « nature » intégrée à la civilisation, et elle suit la métamorphose des dommages qui lui sont infligés à travers les différents systèmes sociaux partiels»81. L'approche de la
ville comme écosystème dynamique nécessitant une approche
systémique n'est pas nouveau, on le retrouve dans l'approche durable, très largement employée dans le principe de résilience. «La connaissance de la dynamique interne du système urbain et de ses interrelations avec l'environnement extérieur, proche ou lointain, permet de comprendre son fonctionnement actuel et de prévoir son fonctionnement futur» 82 On parle alors de fonctionnement écosystémique
83
. En 1984 déjà, Robert M. May
établit le lien entre diversité et stabilité. C'est assurer que la résistance d'une ville face à une perturbation passerait par sa pluralité, sa diversité entraînant des réponses de fait «multiples».C'est, par la pluralité, augmenter les chances de survie d'un fonctionnement parmi plusieurs activités.. «L'idée que les écosystèmes complexes, comprenant de nombreuses espèces et un riche réseau d'interactions, seraient plus stables que les écosystèmes simples est intuitivement une idée séduisante; on peut penser en effet qu'une communauté sera d'autant plus apte à faire face à une perturbation qu'il y a de nombreuses voies alternatives le long desquelles l'énergie et les nutriments peuvent circuler»84 80MAUGARD Alain, CUISINIER Jean-Pierre Regard sur la ville durable,Vers de nouveaux modes de vie. op. Cit .p 75. 81Beck Ulrich - La société du risque, sur la voie d'une autre modernité. Editions Flammarion, Paris, 2001. p145. 82MAUGAR Alain et CUISINIER Jean-Pierre Regard sur la ville durable, Vers de nouveaux modes de vie.op.Cit. P75. 83 Idem. P78. 84BLANDIN Patrick. De la protection de la nature au pilotage de la biodiversité.Versailles Edition Quae, Sciences en question, 2009. Cit. P40.
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En évoquant l'existence de voies alternatives, Patrick Blandin donne à penser que la composition d'un écosystème durable peut changer après perturbation; la continuité fonctionnelle serait alors assurée sans retour à l'état précédent. «La stabilité d'un écosystème serait d'autant plus assurée que cet écosystème est plus riche en espèces aux capacités d'adaptation différentes»85. On introduit ici l'idée que la résilience d'une ville tiendrait donc en partie de sa polyvalence, le fait d'offrir des possibilités multiples de réponses face à un problème. L'imprévisibilité du risque, d'une crise trouverait alors réponse parmi l'ensemble des systèmes adaptatifs proposés. C'est assurer la persistance des connexions, des relations à l'intérieur du système ville. Cependant à travers toutes les définitions de la ville résiliente, il semble nécessaire de prendre une certaine distance par rapport aux matériaux et aux éco-systèmes. Dans «ce que la résilience n'est pas, ce qu'on veut lui faire dire», Geraldine Djament-Tran et ses partenaires soutiennent que la ville n'est pas un éco-système. «Le métabolisme des villes suit bien les mêmes lois de puissance que tous les organismes biologiques, mais ce n'est pas du tout le cas des relations sociales et en particulier de l'innovation qui est au cœur de l'évolution urbaine».86 En effet, si l'on pousse la vision de la ville comme éco-système, on admet une forme de loi de la nature intégrant la survie des plus forts. On opère alors à un sacrifice des plus vulnérables assurant la survie et l'adaptation du reste de la société, plus forte. La catastrophe de la centrale nucléaire de Fukushima en mars 2011 en serait alors un exemple. Afin de refroidir les réacteurs de cette centrale, l'exploitant Tepco s'est adressé à des sous-traitants. Cette demande s'est conclue par le recrutement de chômeurs, SDFs, surendettés dans le besoin, plus vulnérables et moins conscients de la radioactivité. Cette approche démontre que la société n'est effectivement pas un éco-système et ne peut accepter cette forme de sacrifice d'une partie de la population au profit d'une autre. D'une inégalité exacerbée.
85BLANDIN Patrick. De la protection de la nature au pilotage de la biodiversité.Versailles Edition Quae, Sciences en question, 2009. Cit. P41. 86DJAMENT-TRAN Geraldine, LE BLANC Antoine, LHOMME Serge, RUFAT, Samuel REGHEZZA ZITT Magali, Ce que la resilience n’est pas, ce qu’on veut lui faire dire. op. Cit. p.5.
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Considérer la société comme un écosystème présente donc ses limites et ne peut à elle seule soutenir une démarche résiliente. C'est donc à travers deux autres aspects, le politique et le social, qu'une formulation de la ville résiliente complémentaire serait nécessaire. La ville comme éco-système ne représentant qu'une partie des multi-actions de la ville résiliente. Si à travers ces approches, on a pu aborder celle de la relation villenature et d'une nécessité de diversification, il s'agit à présent de définir quelle en serait sa forme. De traduire ces connexions et possibilités dans le système réel qu'est le fonctionnement d'une ville, d'un point de vue physique, technique dans un premier temps puis social. Plus que d'envisager la ville comme un système écologique, il s'agit d'y intégrer le technique puis le psychologique.
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B
LA VILLE, UNE MACHINE VIVANTE D’un ensemble de réseaux techniques à l’organisme vivant.
La fonctionnement de la ville à travers son «système nerveux», d’un parallèle technique à un développement organique. Figure 13. Photo-montage personnel.
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La ville, un ensemble de réseaux.
« la ville dès ses débuts n'est possible que comme réseau, mieux encore, qu'elle ne commence vraiment que selon cette dimension, et qu'elle se transforme en la développant »87 La résilience considère le plus souvent la ville comme un système. C'est la persistance des relations à l'intérieur même de ce système qui crée cette capacité de réaction, d'adaptation et d'absorption. Certains auteurs parlent alors de résilience «fonctionnelle » à travers l'étude des infrastructures qui composent l'urbain et un ensemble de systèmes techniques étudiés. Il s'agit alors des transports en commun, distribution d'électricité, de gaz, de téléphonie, de fibre optique, de chauffage urbain, de gestion des déchets. Ce sont des éléments clefs au fonctionnement d'une ville lors de la gestion d'une crise, ceux qui permettent le maintient entre services, usages et habitants. Eléments techniques permettant à la ville de vivre. « L’intérêt du concept de résilience peut-être démontré à travers son application au fonctionnement des réseaux techniques urbains ( eau, énergie, transports, propreté, télécommunication) supports de services essentiels aux populations et aux activités »88 Afin de qualifier et de définir cet ensemble de réseaux qui fabrique la ville, un groupe de chercheurs l'a défini sous le nom de génie urbain89. «Le génie urbain permet d'analyser, par une approche transversale, d'une part l'analyse des contraintes techniques qui amènent à la conception et à la gestion des réseaux, d'autre part l'inscription de ces réseaux dans les territoires et dans les usages.»90 Afin de recenser, évaluer les risques et erreurs susceptibles de se produire, ils ont défini 3 leviers d'action majoritaires, le maillage important du réseau, la résistance de ses composants et la recherche de modes de fonctionnement en états dégradés. 87 HENAFF Marcel, La ville qui vient, Editions de l'Herne, 2008, Paris. P114. 88TERRIN Jean-Jacques, Villes inondables, cities and flooding, prévention, adaptation, résilience. Op Cit. P229. 89BARROCA Bruno, SERRE Damien et YOUSSEF. Diab, Le concept de résilience à l'épreuve du génie urbain. op.cit. 90 Idem.p1.
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Le maillage important du réseau sous-entend une hiérarchie structurelle du territoire. Cette hiérarchisation des espaces et leurs connections favorisant la lisibilité des interdépendances sous-jacentes à toute organisation. 91 Cette vision plus approfondie de la ville permettrait de maîtriser « les réactions en chaîne »92 entraînant des phénomènes d'effondrements brutaux des services urbains. C'est envisager une forme de fonctionnement en état dégradé. Pour y parvenir, l'approche réalisée à travers le concept de résilience est de considérer la ville comme un ensemble de réseaux. Dans son ouvrage la ville qui vient, Marcel Henaff définit ce qu'il entend par réseaux : «Formellement, on appelle réseau tout ensemble de points ou de termes interconnectés; ces interconnexions sont formalisables sous la forme de graphes; plus précisément, un réseau est un dispositif de relations où chaque terme, par ses liens avec ses termes voisins, est virtuellement relié à tous les autres selon un réquisit de saturation donc de systèmes. Le local atteint le global par raccordements successifs».93 On constate donc une distinction entre le local et le global. C'est un travail spécifique sur la ville point par point qui permettrait son fonctionnement à une échelle plus large. On retrouve alors cette aspect systémique vu précédemment avec cependant une thématique mise en avant: celle du développement des villes modernes dans lesquelles la technologie assure l'échange et le bon fonctionnement. Pour préciser ce qui est défini par le terme de «réseau», Marcel Henaff précise alors plusieurs domaines de développement. Il s'agit en effet de la circulation des personnes et des biens à travers les réseaux de transports (rues, routes, canaux, chemins de fer, lignes maritimes et aériennes). Du transport d'énergies (gaz, électricité, eau) et la transmission d'informations (téléphoniques, télévisées, courriels, internet). Enfin, la dernière catégorie intègre les réseaux d'échanges entre personnes et groupes institués (politiques, professionnels, religieux, sportifs, commerciaux...)94. L'ensemble de ces réseaux formeraient ainsi la ville. C'est cet ensemble qui permet son fonctionnement.
91L’emergence du concept de resilience urbaine modifie-t-elle les pratiques de la prevention des risques en France ? Directrice de Recherche : Julie Daluzeau Mathilde Gralepois & Clement Oger Formation par la recherche et projet de fin d’etudes en Genie de l’Amenagement , polyrtceh Tours, 2012. p37. 92 TERRIN Jean-Jacques, Villes inondables, cities and flooding, prévention, adaptation, résilience. Op Cit. P229. 93 HENAFF Marcel, La ville qui vient, op. Cit. P116. 94 Idem. P115.
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Fig 14 : Artiste : Neil Freeman. Titre : Subway systems at the same scale. 2004. Réalisation de plans des lignes de métro de villes à la même échelle.
Dans l'ordre, de haut en bas : Madrid, Seoul, Paris, Moscou, Berlin, NY, Londres, Tokyo, Shanghai, Mexico, Chicago, Pékin, Osaka, Washington, Barcelone, Santiago, Stockholm, Hong-Kong, Munich, Oslo et San Francisco.
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La mise en application de ces réseaux à travers une démarche résiliente se constituerait en plusieurs points. Le premier point défini est celui de la décentralisation. C'est l'idée d'intégrer une forme de souplesse à l'aide d'une «multiple-centralité» 95. Ce serait organiser la ville sous une forme orthogonale évolutive plutôt que sur une position unique ayant la possibilité constante de développer de nouvelles connexions. Prôner une liberté de circulation, une forme de souplesse dans les relations sociales. Dans un système de «maillage», ce serait laisser la possibilité de les resserrer ou de les élargir. En effet, cette idée se confirme dans l'ouvrage Vers un nouveau mode de ville96, on parle cette fois de «modularité», comparant la ville à un filet de pêche. Ainsi, chaque fil est rattaché à un autre fil. C'est une forme d'auto-organisation dans lequel il n'existe pas de centralisation. Dans cet ouvrage, Stéphanie Lemoine et Vidal Benchimol prennent l'exemple d'une ville vivant uniquement sur les ressources d'une industrie. La ville est donc centrée sur son fonctionnement, d'un point de vue aussi bien fonctionnel qu'économique. Si cette industrie ferme, toute la ville se retrouve alors au chômage, sans logique d'organisation. A contrario, si on s'applique à mélanger industries, commerces, agriculture et tourisme, si l'industrie ferme, la ville continue de vivre. Pour exemple concret, prenons la ville de Los Angeles. Cette ville s'est construite avec pour base le concept de ville en archipel. C'est une ville multiculturelle qui permet à chaque «groupe» de faire sa niche, son centre local dans l'ensemble global que représente la ville. Sa composition de type «circulation ouverte» se constitue par la succession de rectangles indéfiniment extensibles. Les bâtiments culturels pour exemples ne se situent pas en un point de concentration de la ville. Le musée LACMA ou encore le city Hall de Franck Gehry se situent le long des axes. C'est ici considérer la ville comme un espace urbain global poussant par son étalement à penser la ville en «paysage urbain»97. A l'inverse, la ville historique de Paris est la définition même de la centralité. Cette vision se retrouve dans le discours de ses habitants et l'importance donnée à la différenciation entre Paris intra-muros et ses «banlieues» parisiennes créatrices d'une forme de sentiment d'abandon. 95 HENAFF Marcel, La ville qui vient, op. Cit. p116. 96 BENCHIMOL Vidal, LEMOINE Stéphanie, Vers un nouveau mode de ville, Paris, collection manifesto alternatives, Editions Gallimard , 2013. 97Exemple tiré de : HENAFF Marcel, La ville qui vient, Op. Cit. p116.
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Le second point tiendrait dans une forme de cohérence de la ville, de solidarité. En gardant cet idée de filet de pêche, on insiste cette fois sur le fait que chaque fil se tient à l'autre dans cette maille par accord réciproque. Cela représenterait la solidarité entre habitants (d'une rue, d'un quartier). C'est accepter la formation de groupes liés par projet, idéologie ou croyance et encourager un effet de «coordination» afin de parvenir à une efficacité et une rapidité d'intervention en situation d'urgence. L'exemple de la ville de Tokyo bien que beaucoup trop extrême, se révèle intéressant comme anti-thèse de la ville de Los Angeles. Ayant connu de nombreuses destructions (tremblement de terre en 1923, bombardements en 1945) la ville a subi un remodelage de ses anciens quartiers au profit d'une nébuleuse de «micro-villes» aux aspects réticulaires et excentrées. Conséquence extrême des regroupements , chacune semble posséder sa vie locale et les moyens de solidarité et lieux de rencontre y sont nombreux 98. On retrouve alors le concept de spécification, de particularisation souvent abordé dans le concept de résilience. Abordé de façon positive, cela reviendrait à former des sous-ensemble autonomes et légitimes. C'est l'idée qu'un quartier, une ville puisse posséder sa particularité, sa production singulière tout en conservant la possibilité de survivre, de se développer si elle se trouvait privée des échanges avec le monde extérieur. Vision de l'importance du travail local d'ailleurs particulièrement développé dans les travaux de Rob Hopkin, notamment dans son Manuel de transition, de la dépendance au pétrole à la résilience locale99. Abordé de façon négative, la particularisation rappelle la mono-culture, l'exemple du village et de son industrie unique. Elle crée une forme de dépendance aux autres. Dans ce même manuel, Rob Hopkins100 met en avant le système de dépendance dans lequel la mondialisation et l'arrivée du pétrole nous ont poussés. Il aborde alors le terme de «résilience locale» nécessaire afin de la pallier et parvenir à une forme d'indépendance et d'échanges. Pour exemple la métaphore du bateau de survie de Yona Friedman101. 98Exemple tiré de : HENAFF Marcel, La ville qui vient, Op. Cit. p116. 99 HOPKINS Rob, Manuel de transition, de la dépendance au pétrole à la résilience locale, les éditions écosociété, Montréal, 2008. 100 Idem. 101FRIEDMAN Yona, L'architecture de survie, une philosophie de la pauvreté, édition de l'éclat, Paris, 2003.
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METAPHORE DU BATEAU DE SAUVETAGE : Dans son livre «l'architecture de survie», Yona Friedman traduit le système de la ville par «village», par «archipels» à l'aide d'une image, celle du bateau de sauvetage. « Je ne trouve pas d'image plus juste, pour faire comprendre ce morcellement de la ville, que celle des « bateaux de sauvetage »1. Quand un bateau coule, les bateaux de sauvetage bien qu'attachés à cette structure supérieure permettent une forme d'indépendance. Ils s'en éloignent et s'en détachent. Il en est de même pour la ville. Pour pouvoir survivre malgré des conditions extrêmes, il faut avoir pris place dans « un bateau de sauvetage urbain ». Leur composition serait la même, réserves de nourriture, d'eau, de médicaments et poste de radio, constituer une forme d'auto-suffisance du « village » face au système plus important qu'est la ville. « La ville de survie peut donc être imaginée comme un navire, construit de façon à ce que tous ses composants soient détachables et puissent servir de bateau de sauvetage: chaque compartiment contient des réserves et de l'équipement de secours et l'éjection des compartiments flotteurs est organisée à l'avance.»2 Cependant, on peut aussi considérer que le village de survie par excellence serait une ville pauvre, le bateau de sauvetage ne contenant pas de produits de luxe. Ce serait admettre que la ville résiliente n'est pas une ville comme on aimerait l'entendre dans notre contexte de ville développée. Une ville facilement re-constructible, modulable se composant majoritairement de matériaux légers facilement procurables. Propos rejoint par Samuel Rufat dans sa « critique pure de la résilience ». Pour ce chercheur, le bidonville représenterait le concept de résilience poussé à l'extrême, pour son utilisation du réemploi rapide, sans infrastructures et question de propriété. « Les bidonvilles sont le côté obscur de la résilience urbaine»3.. Point de vue rejoints par de nombreux chercheurs : « D'une façon, c'est le bidonville qui est la figure même de la résilience urbaine: supportant de fonctionner en état dégradé, facilitant une reconstruction rapide. »4
1: FRIEDMAN Yona, L'architecture de survie, une philosophie de la pauvreté, op. Cit .p152 2: Idem. P 152. 3: RUFAT Samuel, Critique de la résilience pure. Op.cit. P15. 4: DJAMENT-TRAN Geraldine, LE BLANC Antoine, LHOMME Serge, RUFAT, Samuel REGHEZZA ZITT Magali, Ce que la résilience n’est pas, ce qu’on veut lui faire dire. op. Cit. p17. p152.
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Enfin, la notion de réseaux introduit la notion de mobilité, d'accessibilité. A ce sujet, Marcel Hénaff affirmera « la ville est le réseau des réseaux »102. Il met en avant l'importance de pouvoir accéder d'un point à un autre de la ville, qu'il s'agisse des flux qui circulent ou des habitants. Cette idée de mouvement est introduite par celle de l'échange, de l'évolutivité. En effet, la facilité de transport permet une facilité de changement et donc d'adaptation. A travers son évolution en cours, la ville de Dunkerque démontre cette volonté de travailler en « réseau ». Ce territoire a en effet mis en place selon Philippe Nouveau une « politique de mobilité »103à travers une mise en place de transports en commun. Au sujet de cette ville, Jean-Jacques Terrin comparera même cette mise en réseau à la « charpente » de la ville permettant son maintient et son bon fonctionnement. « Les réseaux sont appropriés comme charpente de mise en réseau d'espaces publics et des lieux d'usages partagés, en lien avec l'espace public balnéaire ».104. Si la ville est un ensemble de réseaux elle est aussi composante d'un autre ensemble de réseaux, à une échelle plus importante cette fois, celle des échanges inter-villes, de métropoles, d'agglomérations. A ce propos, Michel Delebarre, maire de Dunkerque affirme que le projet Neptune en cours de réalisation est un projet en réseaux, «Être une agglomération moyenne derrière un port dont l'ambition peut être importante, c'est être une agglomération en réseau. Ce qui doit avoir des interférences sur les choix d'aménagement, y compris Neptune. Nous sommes dans le réseau des villes du littoral avec Calais, Boulogne et Saint-Omer»105. Plus que d'envisager la ville comme un ensemble de réseaux, c'est donc aussi envisager la ville comme maillon d'un ensemble de réseaux plus grand encore. C'est envisager le système de ville à plusieurs échelles, stades. C'est envisager la ville comme un phénomène évolutif, un engrenage compris dans un rouage plus grand, lui aussi évolutif.
102HENAFF Marcel, La ville qui vient, Op. Cit. p71. 103 NEPTUNE : 10 ans : projet et perspectives - AGUR – op. Cit. 104 TERRIN Jean-Jacques, Villes inondables, cities and flooding, prévention, adaption, résilience. Op.Cit. 105 NEPTUNE : 10 ans : projet et perspectives - AGUR - Actes du séminaire - Dunkerque 3 décembre 1999.
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Cette vision de ville-système et d'interconnexion se retrouve dans l'ouvrage de S.SALAT, Les villes et les formes, Sur l'urbanisme durable : « Quelle est la meilleure structure à donner à la ville, en tant que système, pour en maximiser l'efficience ? » 106 Question à laquelle il trouve un élément de réponse à travers un travail de connexions plus ou moins importantes, le tout en comparant la ville à un système mais cette fois vivant, évolutif. C'est aborder la ville comme un éco-système composé d'un ensemble de réseaux techniques comparables à un système vivant. La ville comme machine vivante.
106 SALAT Serge avec la collaboration de Françoise Labbé et Caroline Nowacki. Les villes et les formes, Sur l'urbanisme durable. op. Cit. p 480.
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La ville, un organisme vivant ? « Notre vision devenue fractale nous oblige à raisonner sur la feuille pour agir sur la vie de l'arbre. C'est en prenant la ville comme un organisme vivant que nous avons le plus de chances de sauver la planète ».107 Plus que considérer la ville comme un système de réseaux, l'approche résiliente résiderait donc aussi à travers une approche du vivant. Plus qu'un simple système d'échanges d'informations technologiques c'est avant tout un échange de flux, d'énergies, de corps vivants. C'est avec cette réalité que nous aborderons aussi la ville « réseaux », la ville comme organisme vivant. Pour exemple, les nombreuses métaphores comparant le système urbain au fonctionnement du corps humain. Dans son approche du génie urbain, Bruno Barroca, Damien Serre et Diab Youssef parlent alors de « systèmes nerveux » : « Ils constituent le « système nerveux » de la ville dans lequel la moindre défaillance peut avoir des conséquences en cascade sur le fonctionnement de la ville. »108 alors amplificateurs de la vulnérabilité du territoire. Leur complexité réside dans les relations d'interdépendances entraînant cet effet de « cascade » indésirable. Cependant, bien que fondamentale dans l'approche résiliente, envisager la ville comme organisme vivant n'est pas nouveau, elle est déjà présente dans de nombreuses approches écologiques. Dans son ouvrage la ville et les formes, sur l'urbanisme durable, Serge Salat compare quant à lui la ville au fonctionnement explicite de la feuille d'un arbre. Ici, comme vu précédemment, la solution semble se trouver dans la diversité et la multiplicité des connexions. «Il faut peu de connexions de longue portée et ces connexions doivent être faibles pour empêcher la propagation des fluctuations perturbatrices dans l'ensemble du système. Au contraire, ces fluctuations doivent permettre l'amortissement des fluctuations. Il faut en revanche de très nombreuses connexions fortes de courte portée pour assurer la déformabilité du système.» 109 107 MAUGARD Alain et CUISINIER Jean-Pierre Regard sur la ville durable, Vers de nouveaux modes de vie. Op. Cit .p189. 108 BARROCA Bruno, SERRE Damien et YOUSSEF. Diab, Le concept de résilience à l'épreuve du génie urbain. Op. Cit.
109 Idem.
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Fig 15 : Artiste : Karl Blossfeldt. Titre : nervuration (*45) 1920-1930. Nervuration d'une feuille de Columbia multipliĂŠe 45 fois.
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Solution qu'il nommera « la structure fractale multi-connectée », « Dans une feuille, si une veine s'interrompt, la redondance du réseau permettra au flux de contourner l'interruption par les voies secondaires »« la nature a prévu une redondance à toutes les échelles pour assurer la pérennité de ses structures »110. Cette diversité et ce travail à une échelle précise se retrouve dans l'ouvrage de Yona Friedman et son idée de «villages urbains». Il soutient en effet le travail du micro pour un fonctionnement à l'échelle du macro. C'est reprendre l'idée que la tenue de chaque fil permet le maintient de l'ensemble d'un filet de pêche. Que chaque îlot, rue, individu permettent le fonctionnement d'un quartier, d'une ville. Pour cela, il réalise lui aussi une comparaison au corps humain. «Si nous observons un organisme, le nôtre par exemple, nous allons voir que près de 90% des processus qui le maintiennent en vie se font au niveau cellulaire. Réparations locales, stockage de la nourriture, adaptation des cellules à une nouvelle tâche, sont le fait de chaque petit groupe de cellules locales qui essaie d'entretenir sa survie. Ces petits groupes de cellules, continuent même à fonctionner longtemps après la mort de l'organisme. Les organes, eux, n'assurent pas plus de 9% des processus permettant la survie: ils ne se soucient pas de la survie de chaque cellule».111 Le quartier ou la ville alors considérés comme organes ne permettent que très faiblement le fonctionnement parallèle de la ville ou de l'agglomération. Si une connexion entre les réseaux de la ville semble être un premier pas physique sur le fonctionnement de la ville, le lien aux usages rappelle l'importance des acteurs qui porteraient la démarche. C'est une connexion qui suggère un travail en amont créateur d'une volonté publique. Plus qu'un territoire à l'organisation technologique, naturelle fonctionnelle, la ville est un territoire social 112. Elle est donc le siège d'une organisation gouvernementale et démocratique. « la trajectoire d'un territoire releve du projet politique, sa definition devant s'inscrire dans un processus de gouvernance ». 113 110 SALAT Serge avec la collaboration de Françoise Labbé et Caroline Nowacki. Les villes et les formes, Sur l'urbanisme durable. op. Cit. p 480. 111 FRIEDMAN Yona, L'architecture de survie, une philosophie de la pauvreté, édition de l'éclat, Paris, 2003.p188.
112MAUGARD Alain
et CUISINIER Jean-Pierre Regard sur la ville durable, Vers de nouveaux modes de vie. Paris, Editions CSTB, février 2010.p34. 113DAVID Michel (MDDE,CGGD) et VILLAR Clara (Cerema), La résilience, un outil pour les territoires ?Op. Cit.
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LA VILLE, UNE MACHINE HUMAINE La résilience comme «discours», gouvernance et labellisation.
« Certes, il faut maintenir, avec la plupart des historiens contemporains, que ce n’est pas d’abord le facteur économique qui historiquement marque l’avénement de la ville mais bien plutôt l’implantation d’un pouvoir politique ou administratif. » 1 « Le délicat passage de la théorie à la pratique fait basculer la résilience dans le politique » 2
1: HENAFF Marcel, La ville qui vient, Editions de l’Herne, 2008, Paris. P100. 2: RUFAT Samuel, Critique de la résilience pure, Op. Cit.p3
Figure 16. Photo-montage personnel.
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LABEL URBAIN. La résilience, promotion de la ville. A la lecture de nombreux ouvrages abordant le terme de résilience et suite à la réalisation du tableau chronologique retraçant l'apparition de ce terme, on peut constater que sa diffusion à travers le monde l'a fait passé d'un outil de recherche en constante évolution à un concept « labellisé », officialisé. Cette sur-appropriation pose alors la question de la fin recherchée par son utilisation. Le premier constat qui a alors été réalisé est que la résilience se révèle être un outil de promotion de la ville par ses acteurs politiques. « La résilience n'est pas un concept consolidé, c'est une notion ouverte que les discours mobilisent surtout pour rendre désirable l'image d'une ville résiliente.»114 Comme expliqué précédemment, le terme de résilience plaît pour son aspect « positif ». Par son côté séducteur, il devient alors un moyen d'action efficace pour les acteurs publics. L'apparition d'une multitude de programmes nationaux et internationaux depuis les années 2000 ne venant que confirmer cette idée 115, la certifier et la légitimer auprès de la population. Pour exemple, la création du label « Gestion des Risques Territoriaux, Pour un Territoire résilient » crée en 2011 par le Ministère de l'écologie et du développement durable, des transports et du logement. L’intérêt pour les villes étant de capter des fonds et d'obtenir une image valorisée par rapport aux autres. Plusieurs villes ont alors déjà été « classées », « labellisées » comme
résilientes : Copenhague,
Stockholm, Barcelone, Vancouver, Tokyo, New York Londres ou encore Paris.116 « La resilience urbaine est donc devenue un label, une etiquette, un gage de qualite urbaine, avec la certification des institutions internationales » . 117
Cette notion de label implique de fait une différenciation entre les villes y appartenant et celles n'y appartenant pas. On possède le label de « ville résiliente » ou non. Bien que semblant contradictoire à la vision cyclique du concept comme processus le constat est là. Les politiques s'accaparent ce phénomène en tant qu' « Etat ». Cette vision introduit 114 RUFAT Samuel, Critique de la résilience pure, Op. Cit. p1.
115 Voir annexe 1 p138 : Tableau chronologique autour du terme RESILIENCE. 116 RUFAT Samuel, Critique de la résilience pure, Op. Cit.p3 117 Idem. P2.
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une dualité, une classification entre les démarches urbaines entreprises par certaines villes et met en avant un système de comparaison avec celles qui ne l'exploitent pas encore. C'est la mise en place d'une forme de promulgation du « bien penser » basée sur la concurrence entre les villes. Entre les différentes approches politiques et administratives. « La resilience renvoie implicitement à des questions normatives, ce qu'une « bonne » ville, une « bonne societe », de « bons » habitants doivent etre. La resilience urbaine est donc d'abord un discours, et c'est un discours politique ».118
Dans son écrit « critique pure de la résilience »119, Samuel Rufat laisse entrevoir un dialogue « moralisateur ». Celui qui n'est pas résilient n'est pas innovant. Une vision dans laquelle celui qui est résilient est supérieur. Cette approche amorce la complexité de l'utilisation de ce terme soumis à de nombreuses appropriations. La prise en compte de la résilience comme « Etat acquis » devenant source de marchandisation.
Une vision «positive» et «benefique» de la crise permet le passage d'un rapport à l'eau de la contrainte à l'opportunite. C'est rappeler que l'eau est une marchandise qui permet à une ville de fonctionner. L'eau est economique, elle permet l'attractivite d'un lieu et c'est là qu'elle devient politique. Considerer une ville resiliente revient à labelliser une ville de «qualite». Elle peut donc permettre d'engendrer des intentions de changements, un intérêt grandissant de la ville face à son environnement mais peut aussi bien n'être qu'une façade face à un désir de changement. L'idée de label revient à étudier l'image de la ville, la qualifier. C'est donc aussi le générateur de démarches urbaines. Un travail sur l'image que l'on souhaite donner à sa ville, une prise de position et un retour aux qualités territoriales qui ont fait de cet espace un lieu d'échanges et de rencontres.
118 RUFAT Samuel, Critique de la résilience pure, Op. Cit. p4.
119 Idem.
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Représentative d'un retour aux sources, la ville de Dunkerque a décidé de valoriser son «territoire de l'eau» afin de le rendre attractif. C'est un retour vers ce qui à permis à la ville d'exister et d'évoluer, c'est à dire sa proximité avec l'eau. On retrouve alors l'idée de label dans l'emploi de « scénographies », en effet c'est assumer une forme de mise en scène, un travail de mise en valeur, de représentation. Mettre en avant le patrimoine de la ville, ses particularités. « Il faut ouvrir un site scénographique pour re-développer cette activité au centre de Dunkerque. Et les bassins l'offrent. Le jour ou l'ensemble des quais sera accessible, cela constituera un réel lieu de promenade, complémentaire de ce qui existe déjà dans la ville. »120 En effet, l'eau jusqu'ici souvent travaillée comme ressource cherche encore à être travaillé comme milieu. C'est un point mis en avant par le directeur du CAUE, Benoit Poncelet, qui regrette ce manque de parti pris. «je n'ai pas beaucoup vu la nouvelle expression de la ville dans ce que l'eau peut apporter pour son unité jusqu'à l'échelle de l'agglomération, comme si on évitait d'en parler ou qu'on préférait franchir l'élément plutôt que l'assumer.».121 « mettre en scene le plus rapidement possible le succes de la reconstruction est un acte politique fort, qui permet de magnifier le territoire, la population et à travers eux, les dirigeants ». 122
La question de « label urbain » et de bonne ou mauvaise ville impose de se questionner sur ceux qui emploient le terme. Determiner des critères s'il en existe ou des consignes à realiser aborde la question de gouvernance. Il s'agit de savoir qui decide, qui gouverne. « La gouvernementalité désigne l'art de mobiliser le savoir et la connaissance afin de gouverner les esprits de façon à la fois incitative et coercitive »123. Plus qu'une simple promotion de la ville, la résilience peut donc aussi devenir un outil, un moyen d'inciter ou d'imposer des choix, des démarches dans la gestion urbaine. 120AGUR - Actes du séminaire -NEPTUNE : 10 ans : projet et perspectives -Op. Cit. . P29. 121 Idem. Benoit Poncelet, Directeur du CAUE du Nord p 31. 122 DJAMENT-TRAN Géraldine Antoine Le Blanc, Serge Lhomme, Samuel Rufat et Magali Reghezza-Zit Ce que la résilience n'est pas, ce qu'on veut lui faire dire. P14. 123 RUFAT Samuel, Critique de la résilience pure, Op. Cit.p16.
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GOUVERNANCE. La résilience, un outil politique.
Les crises et catastrophes font peur, un discours au paraître révolutionnaire, solutionnaire peut ainsi facilement imposer des choix. Il peut tendre à détourner l'attention de processus politiques et sociaux pour une solution facile, novatrice inconnue et incomprise par la population ou expliquée selon un point de vue spécifique.
La résilience, outil de transformation. Si le changement climatique renforce alors les dysfonctionnements sociaux, la crise, elle fonctionne alors comme le révélateur de sa gestion. Pour exemple, l'Ouragan Katrina qui a touché la Nouvelle-Orléans en 2005. Déjà abordée pour sa réaction de « bifurcation » d'après crise, la ville a subit de nombreux changements dans sa reconstruction qui, par une gestion politique essentialiste n'a fait que renforcer les inégalités déjà présentes. «Depuis, la Nouvelle-Orléans est entrée dans une dynamique de «sousdéveloppement durable». Malgré la remarquable capacité de récupération de la société américaine, la catastrophe a accru les phénomènes de ségrégation sociospatiale entre riches et pauvres, entre Blancs et Noirs, et a fragilisé pour longtemps la cohésion sociale.»124 Le discours de la résilience ne serait donc pas systématiquement «bienveillant», mais réaliserait des différenciations entre acteurs et spectateurs. Entre puissants et faibles, privilégiant une auto-gestion facilitée par les personnes en ayant les moyens et une mise à l'écart des plus vulnérables. «Si l'on pousse la notion dans ses retranchements, la résilience porte en elle les germes du darwinisme social, d'une relecture morale des catastrophes et d'une essentialisation du risque et de la vulnérabilité»125
124 VALANTIN Michel , Ecologie et gouvernance mondiale, collection frontières. Paris, Editions autrement, 2007.p19. 125 RUFAT Samuel, Critique de la résilience pure, Op. Cit.p2
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Poussé à l'extrême, on assiste à un discours moralisateur et essentialiste au profit des moins nécessiteux et au sacrifice des plus faibles poussant ainsi les plus puissants à s'amender et à faire l'effort de s'adapter. La résilience conduit à imposer une responsabilité individuelle des personnes touchées par la crise. « En réalité, Katrina a été le révélateur d'une privatisation de la gestion des risques, de la substitution des entreprises aux collectivités et aux Etats dans la gestion des catastrophes. »126
La résilience, outil de l'oubli. Le séisme de janvier 2010 à Haïti est révélateur de la résilience comme moyen d'acceptation de la crise. En effet, ce discours mettait en avant la résilience des haïtiens comme « propriété », « état ». Les médias insistants sur la force de caractère du pays à se reconstruire à travers des images poignantes d'une population continuant à vivre dans une ville détruite. On a alors assisté à une mise en avant du discours de la résilience et laisser de côté les problèmes de sous-développement, d'isolation et de vulnérabilité de l'île entraîné par les puissances coloniales. La résilience a ici permis un déplacement du réel problème de l'île. A Port-au-Prince, la situation actuelle n'est plus dans l'urgence mais la ville n'est pas revenue «à la normale». Les camps de réfugiés s'enracinent en périphérie.127 Pas plus tard que le 2 mai 2016, un nouvel article est apparu dans le nouvelliste128 informant de la mort de 8 personnes et de 5140 maisons inondées suite à la tombée de fortes pluies. La résilience, outil d'exploitation. Le tsunami de décembre 2004, en Thaïlande et au Sri Lanka a donné suite à un programme visant le «rebond» des communautés de pêcheurs. Ce programme s'est traduit par le déplacement des populations à l'intérieur des terres, un prétexte afin de redistribuer les terres à des consortiums immobiliers. L'aide à la résilience des habitants les plus démunis aura donc entraîné un développement des côtes sauvages basé sur la construction de complexes touristiques de luxe.129 126 RUFAT Samuel, Critique de la résilience pure, Op. Cit.
127 DJAMENT-TRAN Géraldine Antoine Le Blanc, Serge Lhomme, Samuel Rufat et Magali Reghezza-Zit Ce que la résilience n'est pas, ce qu'on veut lui faire dire. op. Cit. P14. 128 Article disponible sur: http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/158623/Temps-de-pluie-temps-de-crise-temps-de-misere. 129 RUFAT Samuel, Critique de la résilience pure, Op. Cit.p14.
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Il semble donc crucial de déterminer si le discours apporté par la résilience est formulé à partir d'une volonté commune, d'un projet collectif démocratique ou si il est la recommandation d'institutions seules dans la recherche d'imposer une idée aux sociétés et individus. En effet, son utilisation peut à nouveau être multiple, ce qui diversifie ses utilisations. Elle peut donc aussi devenir outil dans la conception urbaine et source d'une nouvelle démarche. « La démarche de résilience peut-être un moyen de ne plus penser les politiques publiques à la place des citoyens, mais de les rendre co-responsables de leur production. »130 A contre-pied d'une démarche individualiste compartimentée, la résilience peut aussi être le socle d'une démarche participative collective. Cette idée constante de décentralisation et la mise en avant de l'approche systémique venant renforcer une approche plurielle dans la conception urbaine. L'idée n'étant plus de différencier les commanditaires, les créateurs et utilisateurs mais de fabriquer un projet commun par un groupe diversifié de décideurs. « Dans le contexte actuel de la décentralisation, ces nombreuses évolutions favorisent les collectivités territoriales qui voient dans l'ancrage territoriale de leur politique un puissant levier de légitimation. Les logiques combinées de projet, de contractualisation et de territoire semblent ainsi fortement réorganiser l'ensemble du paysage politique et territorial français en ouvrant à la concertation et à la participation le champ de la recomposition».131 La ville serait donc le sujet de nombreux débats politiques, le siège d'une gouvernance incitatrice ou commanditaire de démarches à suivre. Désir d'un nouveau fonctionnement urbain, d'une approche plus paysagère ou d'une gestion du changement climatique, les décisions sont le plus souvent engendrées suite à un phénomène: celui de la marchandisation. Composante même de la création des villes, le rapport entre résilience est commercialisation semble inévitable.
130 DAVID Michel (MDDE,CGGD) et VILLAR Clara (Cerema), La résilience, un outil pour les territoires ? Op. Cit.p3. 131Stéphane Ghiotti .Les territoires de l'eau, Gestion et développement en France. op. Cit. P151.
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LA VILLE, UNE MACHINE A SOUS L’eau comme marchandise, la catastrophe comme prémisse de nouveaux marchés.
« La ville, du fait même de la différenciation et de la spécialisation des métiers, ne peut fonctionner de manière interne que comme marché ».1 « La transformation des catastrophes en nouveau marché »2 1: HENAFF Marcel, La ville qui vient, Editions de l’Herne, 2008, Paris. P100. 2: RUFAT Samuel, Critique de la résilience pure, Op. Cit.P5.
Figure 1. Photo-montage personnel.
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La ville, une entreprise. Dans son ouvrage, Nadia Arab parle d'envisager « le projet comme « une création collective, organisée dans le temps et dans l'espace, en vue d'une demande »132 « Conduire une opération d'aménagement urbain consiste aussi à mobiliser des ressources, gérer des contraintes, assembler des compétences, tenir des budgets, des délais, combiner des critères de performance, répondre à des attentes, maîtriser des risques. » La production urbaine impliquerait donc une forme de gestion similaire au fonctionnement d'une entreprise, c'est pourquoi on y retrouve un vocabulaire spécifique commun: «compétitivité territoriale», «marché des territoires». «le territoire est pensé comme un marché sur lequel les villes sont en concurrence et doivent se positionner pour attirer entreprises et investisseurs ».133 Depuis toujours, la ville s'est basée et s'est formée à partir des échanges et de la marchandisation des biens et actions. Afin d'attirer toujours plus de personnes, de produits dans ce marché, une concurrence entre les villes s'est installée. C'est à celle qui sera plus attractive et proposera un cadre de vie plus vendeur qui assurera sa pérennité. Pour cela, c'est répondre à des besoins évolutifs et différents pour chacun. Être capable de répondre à la demande. Maintenir une stabilité démographique afin de pouvoir prévenir et anticiper les attentes. C'est aussi savoir s'adapter et assurer la protection de ses habitants. Dans ce domaine, la résilience, phénomène de mode semble à nouveau pouvoir répondre à la demande actuelle des habitants. C'est créer dans un imaginaire collectif la solution adéquate à un cadre de vie sain, évolutif et sécuritaire. On retrouve alors cette forme de « labellisation » abordée précédemment et le gage de qualité qu'elle sous-entend. «Le projet correspond donc à une volonté de transformation du processus de production, il focalise le processus de conception comme enjeu stratégique, pour répondre aux contraintes d'instabilité et d'incertitude des marchés et aux contraintes de qualité et de variété de la clientèle».134
132 ARAB Nadia, La coproduction des opérations urbaines : coopération et conception. op.cit. p52. 133 Idem. P71. 134 Idem. P67.
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« La labellisation d'une idée séduisante et à forte connotation environnementale, comme la résilience, est une façon d'imposer ses thèmes dans la promotion d'une qualité de vie qui est décisive pour attirer les entreprises et les cadres».135 Si des similitudes sont constatées entre la gestion d'une entreprise et celle de la ville, on peut alors se demander la réaction d'une entreprise face à un contexte évolutif changeant. « L'entreprise doit jouer avec un environnement imprévisible et instable alors que son succès a longtemps été lié à sa puissance d'anticipation du marché. Il est ainsi entendu que sa capacité à anticiper et intégrer son environnement (marchés, clients, fournisseurs...) va profondément affecter son aptitude à maîtriser les incertitudes.»136 Afin d'améliorer, la performance d'une entreprise en matière de coûts, de délais et de qualité, un nouveau modèle de gestion existe: celui de l'«ingénierie concourante».137. Basé sur le principe d'anticipation, il prévoit une longue phase de dialogue et de négociation entre les différentes expertises au long du processus de conception. Points de vues internes ou externes à l'entreprise sont alors acceptés sur la base d'une coopération. Coopération pour la ville entre les communes, les niveaux administratifs, les citoyens ou encore le secteur privé. Tout comme l'entreprise, le système urbain doit faire face à l'imprévisibilité des événements. La forme d'anticipation qui serait souhaitable se transformant alors dans le projet urbain en forme d’adaptation par les liens créés avec son environnement et ses acteurs. Face à une «catastrophe», la ville pourrait donc comme l'entreprise adopter une forme d'anticipation tenant par les liens avec ses clients, les habitants, avec les fournisseurs, les gestionnaires de projet et administratifs et enfin ne pas négliger les marchés qui l'entourent, celui du changement climatique et donc des événements de crise.
135 RUFAT Samuel, Critique de la résilience pure,op.cit. P4.
136 Idem P66. 137 ARAB Nadia, La coproduction des opérations urbaines : coopération et conception. op. Cit.
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La crise, un nouveau marché. « il faut se mettre à parler de résilience « parce que ça vend bien » », constat réalisé suite à l'assemblée annuelle de 2012 de l'association des Géographes Américains.138 «Il semble donc impératif de prendre le temps de s'interroger sur ce que véhicule ce terme en vogue et la raison de l'afflux de financements que son engouement a généré» .139 Discours alarmistes, solutions prônées, mise en avant des productions locales, du biologique, écologique, dégradable, durable, depuis plusieurs années, le constat du changement climatique est source d'une forme de mobilisation. De la part des commerciaux comme de celle des habitants, le « vert » fait vendre et les rayons qui prônent une agriculture respectueuse s’agrandissent dans les supermarchés. De la même manière, le «vert» fait vendre la ville. Prôner la gestion d'une ville au pétrole n'est plus source d'efficacité dorénavant. Ce qui plaît dans les villes riches développées, c'est la nouveauté, l'efficacité mais à présent aussi « l'écologique ». « Le renforcement de leur gravité territoriale, c'est à dire de leur rôle de centre de gravité des territoires, passe par une image rendue attractive, la promotion de leur qualité de vie, de leur transformation en produit désirable à l'échelle internationale.».140 Il semblerait donc dorénavant que l'attractivité d'une ville passe par sa gestion, son image et non plus seulement par sa productivité, ses biens. Face à ce constat, la ville s'adapte. Par la création de nouveaux marchés et la revendication d'une image forte, marquante pour les citoyens. C'est le cas de la ville de Dunkerque qui cherche à se définir une « identité » particulière. Celle d'un territoire de l'eau par une valorisation des canaux et du front de mer et celle d'un territoire central par son positionnement géographique en bordure de frontière. 138 RUFAT Samuel, Critique de la résilience pure, Op. Cit.P5. 139 Idem.P5. 140 Idem. P2.
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« parce qu'elles sont attractives et non pas parce qu'elles ont un extraordinaire équipement ou une accessibilité fabuleuse, qui demeurent des conditions nécessaires pour le développement d'une ville. Mais ce qui fait la réussite économique, c'est très souvent l'attractivité particulière qu'elles peuvent exercer, parce qu'elles possèdent une identité forte.» 141 Face à l’éventualité de devoir affronter une catastrophe toujours plus forte, la médiatisation du changement climatique et les événements récents, on peut constater de cette même manière un marché de la crise. C'est la création d'un nouveau commerce: celui du risque. Il se développe aussi bien dans un rapport ante-événement que postévénement. En effet, ante-crise la catastrophe engendre un besoin: celui de se protéger et de pouvoir réagir rapidement face à une situation d'urgence. C'est un marché de la peur, faisant apparaître à partir de discours alarmistes ou apaisants une demande nécessaire ou supposée. De par son image attrayante, la résilience se révèle alors comme un outil. « On peut révéler des besoins (par la publicité par exemple), les prolonger, en un mot, les manipuler. Mais en changeant les définitions que l'on donne du risque, on peut faire plus : on peut créer des besoins nouveaux et donc de nouveaux marchés ».142 Post-crise, la résilience peut permettre la justification de changements urbains, qu'il s'agisse de gestion globale, de l'implantation de bâtiments ou de démarches auprès de la population. Modifications «légitimes», temporaires, le temps d'une reconstruction ou de longue durée permettant/prétextant l'adaptation et la résilience à long terme. Suite à une catastrophe, le maintient du fonctionnement d'une ville passe comme expliqué précédemment par le maintient de ses marchés, fondateurs de la ville. Ainsi, c'est l'occasion d’appliquer à la ville un fonctionnement différent, particulier au climat actuel. C'est pour certains cas l'occasion de faire passer l'avenir de la ville comme marché, comme priorité de survie, urgence, oubliant éthique et citoyens. 141AGUR - Actes du séminaire -NEPTUNE : 10 ans : projet et perspectives.Ariella Masboungi, Conseiller technique Direction Générale de l'Urbanisme, de l'Habitat et de la Construction).p24. 142BECK Ulrich - La société du risque, sur la voie d'une autre modernité. Op. Cit. p101.
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«En faire une zone franche, y abolir temporairement le droit du travail, assouplir les régulations sur l'environnement,etc. Afin de favoriser la reprise de l'activité économique. Les restrictions budgétaires et l'augmentation du coût des catastrophes justifient pour les néo-libéraux un recours croissant au monde de l'entreprise.»143 Seulement, ces initiatives temporaires semblent être à l'encontre d'une démarche résiliente, résultant de volontés plus grandes encore des gestionnaires que la simple survie ou résistance de la vile. Sous prétexte d'une reconstruction rapide, le pouvoir public peut tirer avantage des crises afin d'effectuer un remodelage conséquent du fonctionnement urbain. « La résilience véhicule les idées de responsabilisation individuelle, de compétition et d'opportunité »144 « l'occasion de modifier le fonctionnement urbain par les dérégulations et l'ouverture de nouveaux marchés ».145 Pour exemple, deux situations de «remodelage urbain» suite à une catastrophe démontrent ce fonctionnement historique. Chicago, 1871, un grand incendie a lieu dans la ville qui a pour conséquence de détruire une majorité des constructions. Face à cette situation, la ville entreprend une grande reconstruction appuyée par l'image d'une ville « phœnix » qui renaît de ses cendres. Ce sera l'occasion pour la ville de développer de nouveaux capitaux venant de tous les États-Unis et c'est ainsi que sont apparus les premiers ensembles de grattes-ciel de la ville. La libération du foncier se justifiant à travers un discours volontariste de renaissance. «A Chicago, la résilience a donc à la fois une dimension d'instrumentalisation politique, de marketing territorial et de reconstruction a posteriori.»146
143 RUFAT Samuel, Critique de la résilience pure, Op. Cit. P13.
144 Idem. P14. 145 IdemP4. 146 Idem. P6.
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Fig 18 : Carte de Chicago, zone de propagation du feu. Carte historique, David Rumsey Map Collection.
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Le second exemple démontre plus qu'un développement, un processus de mutation. C'est l’événement « prise de conscience » de la démarche mondiale autour de la résilience, l'ouragan Katrina qui a touché les États-Unis en 2005. Comme vu précédemment, la reconstruction de la ville a semblé imposer une transformation radicale. « Le discours de la résilience a également permis de dédouaner les élus et entrepreneurs des responsabilités tant de la catastrophe que du choix de cette transformation radicale. » 147. Les gestionnaires ont aperçu dans cette catastrophe, l'opportunité de réaliser de nouveaux investissements face aux capitaux disponibles. C'est ainsi que la ville, au profit d'un nouveau marché de propriétaires fut le siège d'un démantèlement des services sociaux et des services publics. Près de 3 milliards de dollars ont ainsi étés distribués à des multinationales sans appel d'offre, sous forme de contrats de distribution d'aide humanitaire, de déblaiement et de reconstruction à la facturation élevée 148. On assiste à la bifurcation d'une ville et des habitants qui la compose, c'est à dire un remodelage au détriment des héritages.
« Les acteurs du monde de l'assurance ont fini par considérer les crises, la reconstruction et la résilience comme de nouveaux débouchés ordinaires ». p13. 149
Le constat actuel semble par ailleurs révélateur d'une gestion approximative de la catastrophe. Si 20% de la ville est en état de fonctionner, près de 80% de la ville restante semble peuplé de maisons vides. Sur les 600 000 habitants du centre-ville constatés ante-crise, seules 220 000 personnes sont à présent rentrées.150
147 RUFAT Samuel, Critique de la résilience pure, Op. Cit. P7. 148 Idem. P7.
149Idem. p13. 150Idem. P11.
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La résilience semble donc indissociable d'une image de vulnérabilité, quelle soit environnementale, économique ou encore sociale. C'est cette multitude de possibilités qui permet ces différentes visions autour de la ville. La vulnérabilité environnementale entraînant l'approche par écosystème vivant, la vulnérabilité économique une approche marchande, la vulnérabilité sociale, une forme de gouvernance et enfin démographique la mise en évidence de l'évolution des villes et un besoin d'attractivité initiateur des démarches. L'approche systémique paraît alors se traduire dans cette mise en commun autour d'une même réflexion, celle de la résilience. Concept polysémique, ville polyvalente, suite à ces réflexions, on peut se poser la question de l'applicabilité de toutes ces approches dans la ville vécue. Si on a pu constater des applications positives et négatives à l'échelle de l'urbain et de son fonctionnement, appréhender une partie des « discours » qu'il peut entraîner, on peut toujours s'interroger sur son effectivité. Envisager quelles seraient les interventions possibles à l'échelle du quotidien, dans la conception urbaine actuelle pour ses acteurs comme ses habitants. Après avoir abordé la machine vivant, humaine et commercial, il s'agit d'aborder la ville comme machine de production, créatrice d'un nouveau quotidien.
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A: LES ACTEURS DU CHANGEMENT Entre gestion plurielle et concurrence. B: LE PATRIMOINE, UNE CONFRONTATION AU TERRAIN De la conception du risque à la conception avec le risque. C: LE RÔLE DE LA LEGISLATION Moyen ou frein à la conception? D: LE RÖLE DES HABITANTS Vivre avec l’eau, entre initiatives ponctuelles et gestion au quotidien.
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PARTIE
3
:
LA RESILIENCE, A Lâ&#x20AC;&#x2122;ECHELLE DU QUOTIDIEN.
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A
LES ACTEURS DU CHANGEMENT Entre gestion plurielle et concurrence.
« Il s’agit là d’une machine techno-sociale parce que la ville est sans doute la première forme d’agencement d’organismes vivants rassemblés, répartis, coordonnés en vue de réalisations techniques collectives. »1 1: HENAFF Marcel, La ville qui vient, Editions de l’Herne, 2008, Paris. p86
Figure 1. Photo-montage personnel.
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Nouvelle vision, nouvelle création. «Il faut apprendre à vivre avec le risque inondation et à urbaniser en fonction de celui-ci, en passant d'une culture défensive à une culture intégrée et partagée » Arielle Masboungi151. La gestion du risque à travers l’aménagement est devenue indispensable. On ne protège plus après ce qu'on a construit mais on construit dans l'idée de protéger, et ce, dorénavant à plusieurs. Après avoir abordé la machine vivante, humaine et commerciale, il s'agit d'aborder la ville comme machine de production, créatrice d'un nouveau quotidien. «Machine productrice, la ville mobilise donc simultanément les savoirs-faire artisanaux et appelle les savoirs formels. C'est en cela qu'elle devient le creuset où convergent les connaissances, ou naissent et prospèrent les écoles, où s'installent ingénieurs et artistes, où se densifie la culture elle-même. La société urbaine est incessamment portée, propulsée par cette dynamique de création et de changement. ».152 «Cette constante spécifie aussi bien le volume de la production que la spécialisation et l'accumulation des savoir-faire en un espace restreint, situation favorable - on l'a noté - à l'innovation technique. »153 La démarche résilience dans sa complexité et sa polyvalence comme vu précédemment implique la pluridisciplinarité. De fait, elle se traduit par le regroupement, l'échange dans de nombreux domaines différents. On peut remarquer un retour de l'aspect très technique qu’implique la négociation des zones inondables. Cette approche conjugue aspect publique inhérent à toute initiative urbaine mais aussi l'arrivée d'échanges avec la sphère privée des entreprises ou bureaux d'études spécifiques. Une application de la résilience se traduirait donc par une «collaboration multi-acteurs» comme le soutient Jean-Jacques Terrin dans son ouvrage.
151 VATOV Marie-Christine, Le projet urbain face aux risques naturels , TRAITS URBAINS, n°81, avril 2016..Traits urbain n°81, propos de Arielle Masboungi p23. 152 HENAFF Marcel, La ville qui vient, op.cit. P89. 153 Idem p99 .
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«Si le projet urbain demeure une initiative publique, il s'inscrit dans une démarche collective, collaborative et participative faisant intervenir à la fois acteurs publics et privés, et mobilisant des compétences multiples» 154 Cette polyvalence se traduit par la présence d'acteurs d'horizons variés. On retrouve alors architectes, urbanistes, paysagistes, acteurs privés du BTP, élus et techniciens des collectivités territoriales. «Cette attitude conceptuelle implique évidemment une collaboration multi-acteurs dès qu'un projet est initié, une meilleure synergie entre public et privé, une culture de la négociation et de la co-responsabilité des choix. Travailler avec tous les acteurs, y compris ceux qui sont d'ordinaire peu au fait des questions d'urbanisme, mettre en place des principes collaboratifs, adopter des outils de communication et de représentation appropriés»155 Compétences multiples et même nouvelles créées dans le domaine aussi bien public que privé. On peut constater en effet l'arrivée sur le marché de nouveaux acteurs. La création d'agences à caractère public tout d'abord (ADEME, Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie), des agences pour le développement durable, des agences de l'eau mais aussi des agences au caractère privé comme des bureaux d'étude spécialisés sur la question énergétique et climatique (schéma régionaux climat-air-énergie, plans climat)156. On retrouve d'ailleurs un «retour en force d'une prédominance du technicisme et d'un certain scientisme dans ce champ de la gestion des territoires».157 avec deux principales formes d'expertises. L'aménagement d'une part, le climat et l'énergie de l'autre. Cette complémentarité nécessaire à toute ville résiliente entraînant de fait des formes de coopération «La lutte contre le changement climatique a bouleversé les manières de travailler et les savoirs-faire des nombreux acteurs de l'aménagement urbain. Synonyme d'une plus grande concertation, cette mutation s'accompagne aussi d'un renouvellement des formes de légitimité et d'une redistribution des cartes entre acteurs de la conception architecturale.» 158 154 HENAFF Marcel, La ville qui vient, op.cit. P225. 155 TERRIN Jean-Jacques, Villes inondables, cities and flooding, prévention, adaption, résilience, op. Cit. p27. 156 MOLINA Geraldine, Lutte contre le changement climatique : Les acteurs de l'aménagement entre coopération, reconversion et concurrence.http://www.metropolitiques.eu/Lutte-contre-le-changement.html, 12 nov. 2012. p3. 157 Idem. P3. 158 Idem. p1.
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Il semblerait donc dans cette optique, que la création d'une nouvelle ville, celle de demain soit initiatrice d'une nouvelle façon de travailler, de l'envisager et que son élément fondateur passe par sa pluridisciplinarité. La complexité et la pluralité de la gestion du territoire de l'eau de Dunkerque représente parfaitement cette multitude d'acteurs. En effet, entre l'évacuation des crues, la navigation, l'irrigation et le maintien de nappes phréatiques superficielles, nombreux sont les éléments de travail à traiter. Pour exemple, l'entretien des watergangs (fossés drainants) et le fonctionnement des stations de pompage sont répartis entre le Nord et le Pas de calais. Il existe une institution interdépartementale des wateringues et l'institution des «voies navigables de France» réalise la gestion et l'entretien des canaux. Ces groupements de personnes autour d'une gestion de l'eau dépassent la simple limite frontalière. Dès 1890 une convention internationale entre la France et le Royaume de Belgique s'est tenue pour régir les écoulements d'eau transfrontaliers. Un groupement Européen de coopération territorial (West-Vlaanderen/ Flandres-Dunkerque-Cote d'Opale) s'est réalisé et un groupe d'échanges et de concertation (groupe EAU) pour la recherche s'est crée pour palier aux changements climatiques. Enfin, l'annuaire transfrontalier de l'eau a vu le jour dans les années 2013-2014 concentrant la liste des multiples intervenants et l'ensemble des territoires liés aux risques d'inondation et de pollution de l'eau. Dans cette logique du « construire ensemble », la création du projet NEPTUNE à Dunkerque a su mettre en place une «culture de projet partagé»159. Pour cela, des partenariats et concertations mutuelles entre les services techniques de la ville, la communauté urbaine, l'agence d'urbanisme AGUR, SEM, paysagistes, architectes et designers se sont réalisés. «Les élus ont choisi ce projet, parce qu'il leur plaisait, mais également parce qu'il leur permettait de dialoguer avec les partenaires de chacun des secteurs, en ouvrant le champ des possibles».160
159AGUR - Actes du séminaire -NEPTUNE : 10 ans : projet et perspectives. Op. Cit. Propos de Loïc Jauvin. 160 Idem.
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Si la résilience semble permettre de plus nombreux échanges entre les différents domaines de la fabrique urbaine, elle reste cependant négociable. En effet, la création de nouvelles agences et emplois peut créer une forme de concurrence sur le marché des villes. La multitude des acteurs prenant part à ce « nouveau concept » devenu « label » ne pouvant que confirmer cette idée de « marchandisation » de la ville dite durable.
« Avec la mobilisation des acteurs autour de la question climatique, une « lutte des places » se joue aussi pour de nombreux professionnels (archi, urba, paysagistes, promoteurs, experts, entreprises..) qui rivalisent pour l'accès et le positionnement sur un nouveau marché, le renouvellement d'un carnet d'adresses et le maintien ou l'élargissement d'un réseau de prestataires, de partenaires et de commanditaires »161. De plus, cette création multi-acteurs contribue à complexifier la démarche résiliente. Une création multiple entraînet un temps de décision long et des avis divergents toujours plus nombreux, le tout dans une volonté de participation et d'équité de chaque acteur. « Elle implique l'articulation complexe de différentes politiques publiques (nationales, régionales, locales), l'organisation de la comptabilité de la planification stratégique et réglementaire (shémas de cohérence territoriale (scot), programmes locaux de l'habitat (plh), plans locaux d'urbanisme (plu), plans de déplacements urbains (pdu) ainsi que la mise en conformité des projets urbains et architecturaux. Les acteurs institutionnels doivent également composer avec une autre exigence, celle d'une « démocratie environnementale en intégrant habitants et représentants associatifs dans l'élaboration des plans d'action sur les territoires. » 162 En plus d'une création partagée par différents «professionnels» du territoire, qu'ils soient nouveaux ou anciens, spécialisés dans un domaine ou généraux, il s’avérerait nécessaire d'introduire un nouveau groupe d'acteurs, celui qui vit ces changements : les habitants.
161MOLINA Geraldine, Lutte contre le changement climatique : Les acteurs de l'aménagement entre coopération, reconversion et concurrence. op.cit. p3. 162 Idem. p2.
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A travers le projet Dunkerquois, on constate des échanges avec les habitants ayant permis de lier le projet à sa population. Pour procéder, les concepteurs n'ont pas tenu à réaliser des plans fixes lors de la concertation mais ont préféré fonctionner sous forme de «puzzle». Cette notion souvent décriée par ses habitants ne comprenant pas le futur exacte de leur ville s'est fait cependant de plus en plus comprendre. En effet, c'est cette vision du petit à petit qui permet le dialogue, le changement, l'adaptation. Du «faire ensemble» par étapes. « une meilleure capacité à dialoguer avec l'usager parce que le dialogue est ouvert, et qu'il n'est pas fini sur une image totalement réaliste (...) ». p26. (Ariella Masboungi).163 «Même si nous assistons à une conscience mondialisée de la situation planétaire, les modalités d'action sont contextualisées et dépendent des cultures. Une belle idée n'est jamais réalisée si elle n'est pas comprise, appréhendée, faite par ceux qui le vivront. Ce qui est approprié l'est à une société et par une société ».164 Bien qu'en cours, les démarches autour de ce projet «Neptune» ne cessent d'évoluer et la place des habitants dans le processus de conception semble prendre de plus en plus d'importance dans cette nouvelle création de la ville. «La ville et la communauté urbaine ont mis en œuvre une politique d'appropriation d'une partie de l'encadrement. Il faut maintenant créer la réalité d'une participation de tous, parce qu'ils sentent une évolution à laquelle ils adhèrent parce qu'elle concerne aussi leur cadre de vie quotidienne.» .165
163MOLINA Geraldine, Lutte contre le changement climatique : Les acteurs de l'aménagement entre coopération, reconversion et concurrence. op.cit. p3. 164MAUGARD Alain et CUISINIER Jean-Pierre Regard sur la ville durable, Vers de nouveaux modes de vie.
op.cit. 165AGUR - Actes du séminaire -NEPTUNE : 10 ans : projet et perspectives. op. Cit. p53. Michel Delebarre,
Ancien ministre de l'Etat, Maire de Dunkerque
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Il semblerait alors que la conception de demain soit une conception plurielle. Qu'elle entretienne des liens aussi bien avec des actionnaires de la sphère publique que privée et place le rôle de la création dans un processus de partage. Face à cette nouvelle perspective, une solution commune semble s'imposer: l'adaptation. De ce point de vue, la résilience en plus d'une adaptation urbaine impose aussi un changement de la conception, et donc de ses acteurs. C'est accepter une forme de résilience suite à la crise d'une nouvelle forme de penser, celle du changement et de l'importance du collectif afin de reconsidérer les relation ville-eau et habitants. Suite à l'acceptation de ce constat, on peut remarquer trois angles d'attaque prédominants dans l'adaptation des démarches urbaines actuelles: une prise de position face à l'existant qui semble inévitable, une prise de position face à l'avenir et la recherche d'un moyen d'action efficace afin de minimiser les crises à venir et enfin le rôle de ce nouvel acteur qu'est l'habitant.
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B
LE PATRIMOINE, UNE CONFRONTATION AU TERRAIN De la conception du risque à la conception avec le risque. D’une nouvelle approche à une nouvelle gestion. L’évolution des approches dans le temps a conduit à une transformation du système de gestion de la ville. L’inondabilité comme moteur de projet urbain. Figure 20. Photo-montage personnel.
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Réaménager la ville d'aujourd'hui pour en faire la ville de demain suppose des interrogations quand au statut de l'existant. Sur ce point, plusieurs urbanistes semblent partager une même idée, la ville d'aujourd'hui et d'hier n'est plus une solution. Il faut : « Transformer l'existant. Le temps de l'expansion urbaine est terminé, la ville ne peut plus s'étendre. » Tom BERGEVOLET, conférence the flexible city, project city 2015, la ville de demain. Pour cela, la question du patrimoine pose problème. Souvent considérée comme frein face aux changements elle implique un grand jeu d'acteurs et un travail au cas par cas. Face au passé, les contraintes sont grandes, financières, juridiques, sociales, psychologiques. Cependant elle reste très intéressante car elle offre à la résilience une nouvelle échelle d'action: celle du bâti, de la morphologie de la ville et de l'habitude. Une mise à l'épreuve face à une situation concrète: l'existant. «Pour la remise en œuvre des actions, la rénovation et le renouvellement des bâtiments et espaces publics doivent donner une occasion de reconsidérer l'existant et de construire des stratégies de résilience»166 Cette approche face à l'existant met en valeur une des notions si ce n'est celle la plus imbriquée dans le concept de résilience, l'adaptation. Processus, flexibilité face aux changements, variabilité, intervention, singularité , nombreux sont les termes qu'impliquent une adaptation résiliente sur un territoire donné. Elle permet aussi de mettre en évidence l'aspect singulier de chaque territoire de l'eau. Réaliser un travail de contextualisation de chaque potentielle intervention. «deux territoires dont les principales caractéristiques seraient semblables peuvent évoluer très différemment « faire appel à la sociologie non quantitative, et se confronter au terrain afin d'intégrer à l'évaluation l'histoire, la culture, l'identité du territoire, la stratégie politique envisagée »167
166 BARROCA Bruno, SERRE Damien et YOUSSEF. Diab, Le concept de résilience à l'épreuve du génie urbain. Op. Cit. 167DAVID Michel (MDDE,CGGD) et VILLAR Clara (Cerema), La résilience, un outil pour les territoires ? Op. Cit. p2
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« La résilience ne doit pas être mobilisée dans une « perspective anhistorique, passe-partout et unilinéaire » mais doit être au contraire ancrée territorialement, sur le plan historique et culturel et mobiliser une approche multiscalaire ».168 Face à l'existant, la question du contexte, de la situation et du patrimoine conditionne l'échelle d'intervention. En effet, on peut observer la création d'un nouveau quartier sur un espace délaissé en lien avec le reste de la ville comme le quartier de Vaise à Lyon. Comme l'obligation d'une étude approfondie des possibles aléas pour permettre une meilleure anticipation et gestion de la crise au moment T comme sur le quartier Richelieu à Nîmes. Ces deux approches démontrent de la complexité d'une intervention résiliente sur un site construit mais surtout l’adaptabilité à travers la diversité des interventions réalisées. Le quartier Vaise, Lyon. Ancien quartier industriel, Vaise s'est développé au XIXème siècle occupant une plaine où convergent plusieurs rivières. Avec la création des cartes d'inondation, la ville a réalisé la nécessité d’intervenir sur ce site en prenant en compte la connaissance du risque. De ce principe, un aménagement concerté a été réalisé entre universitaires, architectes, urbanistes et hydrologues dans la définition d'un projet urbain intégrant cette problématique de l'eau. Cette démarche s'est traduite par la création de nouvelles structures conservant la densité initiale mais articulées par un ruisseau et des espaces verts inondables. On est face ici à la création d'un nouveau quartier. La prise en compte de l'ancien s'effectuant qu'à partir d'une densité passée constatée. Ce site de 20 hectares acheté par la ville dans les années 2000 a été le sujet de nombreuses études hydrauliques de faisabilité et la création d'un nouveau PPRI (Prévention des risques et inondations) intégrant les nouvelles constructions dans son analyse. Les interventions d'«adaptation» sont donc majeures, basées sur des solutions constructives neuves à l'inverse du projet de Nîmes à interventions mineure.169
168DAVID Michel (MDDE,CGGD) et VILLAR Clara (Cerema), La résilience, un outil pour les territoires ? Op. Cit. p2 169TERRIN Jean-Jacques, Villes inondables, cities and flooding, prévention, adaption, résilience. op. Cit.
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Fig 21 :Photo ancienne : Place du Mouton, quartier Vaise 1912, Lyon. Fig 22 : Photo de la « Zac de l'industrie Vaise », vue aérienne angle Nord-Sud. Lyon 9ème, SERL photo H.Canet.
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Le quartier Richelieu, Nîmes. Situé en zone de danger très fort, ce site au caractère patrimonial possède une trame urbaine particulière, orthogonale marquée par l'étroitesse de ses rues et l'absence d'espaces publics. De plus, constitué de 4000 habitants, principalement composé de ménages peu nombreux, ce site possède une densité très forte. Pour ce renouvellement urbain, la ville a préconisé deux leviers d'action principaux, l’îlot (le bâti) et la rue. Pour ce qui est du bâti des propositions sont faîtes proposant des espaces de refuges et des regroupements de logements permettant d'obtenir des pièces de nuit pour chacun à l'étage. Les espaces au rez-de-chaussée étant alors principalement composés de locaux communs et d'activités. Pour la rue, l'intervention majeure revient à réduire voir supprimer l'automobile qui provoque des embâcles et bloque les rues lors des inondations. Enfin, les rues privilégiées sont celles qui se dirigent dans le sens de l'écoulement des eaux et les dents creuses sont aménagées en jardins partagées perméables.170 Pour la ville de Dunkerque qui a majoritairement été reconstruite après la guerre, le patrimoine culturel et architectural semble être en partie celui de l'eau. Un travail autour de la relation de l'urbain et cet élément sous forme de cohabitation, semble de ce fait être une démarche entreprise en lien avec celle d'une ville résiliente. «Elle a mis en place une démarche partenariale et de démocratie locale portant sur la valorisation des canaux du centre-ville, comme patrimoine architectural, urbain et naturel: balades nature au fil de l'eau, mise en valeur du rôle des écluses, éducation à l'environnement du polder...» 171 Un travail en cours qui permettrait de relier les différentes parties de la ville qui paraissent comme scindées par l'ensemble de ces canaux représentant à la fois une frontière matérielle et immatérielle. Pour exemple, le canal exutoire à l'est de la ville et le port autonome à l'Ouest, souvent présentés comme les limites des activités humaines. Cette vision étant directement traduite par les noms même qui leurs sont appropriés «exutoire» et «autonome» n'offrant aucune attractivité pour sa population. 170TERRIN Jean-Jacques, Villes inondables, cities and flooding, prévention, adaption, résilience. op. Cit. 171 TERRIN Jean-Jacques, Villes inondables, cities and flooding, prévention, adaptation, résilience, op. Cit. p83.
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Fig 23 : Plan du quartier Richelieu, 1877. Fig 24 : Photo d'un rue du quartier Richellieu, 3 octobre 1988.
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Un site, le conservatoire de musique de Dunkerque en réhabilitation actuelle sur la place d'un ancien groupe scolaire pourrait faire lien. En effet, situé au bord du canal exutoire, il est confronté à cette coupure paradoxale que représente la frontière de l'eau. Avec les possibilités de profiter d'un paysage particulier sujet à contemplation il n'est sujet à aucun travail de liaison dans son rapport à l'eau et au reste de la ville. Sur ce site, l'eau est encore une fatalité et non une ressource, un milieu. Suite à ce constat, des démarches ont été entreprises avec la ville de Dunkerque et notamment le directeur du conservatoire. Plusieurs échanges se sont par ailleurs réalisés à ce propos afin de parvenir à entamer une première question sur le sujet. Les documents présentés et un résumé de cette première forme d'échange se trouvant en annexe. (voir annexe 5172) Compte tenu de cette première proposition du concept de résilience face à l'existant dans un contexte d'inondabilité, on peut remarquer qu'une intervention sur la morphologie urbaine des lieux étudiés est souhaitable. Des solutions connues au vues d'un travail sur la vulnérabilité accordée à la ville sont réalisables. Suite à ce constat, il semble intéressant d'interroger la question des « normes » et de la réglementation afin d'inciter les constructions futures à envisager leurs rapport à l'eau. Évoqué précédemment, le PPRI (Prévention des risques et aménagement) semblerait par exemple être un outil en vue de l'amélioration de l'adaptabilité de la ville face à son terrain, son contexte. Dans la recherche d'un moyen d'action efficace au principe de résilience, il convient alors de s'interroger sur le rôle de la législation.
172Annexe 5, p149. Document de synthèse de la rencontre avec des « acteurs » de la ville de Dunkerque.
106
C
LE ROLE DE LA LEGISLATION Moyen d’action ou frein à la conception?
La résilience est supposée être la mise en application d’une acceptation de la vulnérabilité de la ville. Cette mise en application revient donc de fait à une forme de prévention, de protection de la ville et de ses habitants. Il semble alors que cette mise en application passe en partie par les moyens juridiques et législatifs. Cette interprétation est-elle réalisable et profitable au terme de « résilience » ? La mise en application de règles et devises de développement du territoire correspond-t-elle à une création de « résilience » ou au contraire à un frein à toute forme d’adaptabilité ? Figure 25. Photo-montage personnel.
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«l'esprit du cadre juridique dans la perspective du développement durable et de la gestion des risques naturels repose sur le constat d'une fragilité présumée, qui justifie un régime de prévention et de protection renforcée.»173 La résilience est supposée être la mise en application d'une acceptation de la vulnérabilité de la ville. Cette mise en application revient donc de fait à une forme de prévention, de protection de la ville et de ses habitants. Il semble alors que celle-ci passe en partie par des moyens juridiques et législatifs. Cette interprétation est-elle réalisable et profitable au terme de « résilience » ? La mise en application de règles et devises de développement du territoire correspond-t-elle à une création résiliente ou au contraire à un frein à toute forme d'adaptabilité ? La décision urbaine est dépendante des initiatives publiques. La constructibilité des zones inondables forme la ville, la réglemente et décide de son futur. De ce fait, pour transformer la ville et son rapport à l'eau, la « Nécessité d'une implication forte des autorités. »174 semble devoir être retenue. Si de ce point de vue les avis se rassemblent, la question autour de la réglementation, notamment du PPRI (Plan de Prévention des Risques et Inondations), elle, se fait divergente. Béatrice Quenault parle alors de stratégies d'adaptation, c'est « Développer et re-développer la ville et l'aménagement de l'espace (par exemple en proscrivant l'urbanisation dans les zones à risques, en modifiant les règles et normes de construction des bâtiments, en investissant dans l'isolation thermique ou la végétalisation des toits et façades)»175et ces stratégies semblent passer par la réglementation.
173 SANSEVERINO-GODFRIN Valerie, Risques naturels, vulnérabilité, résilience et droit dans un contexte de développement durable. Daniel Thevenot. 20ème JSE - Environnement entre passe et futur : les risques a` l’épreuve des savoirs, Feb 2009, Créteil, France. JSE-2009 (3), JSE. <hal-00595142> https://hal.archives-ouvertes.fr/hal00595142/document
174 TERRIN Jean-Jacques, Villes inondables, cities and flooding, prévention, adaptation, résilience, op. Cit. p87. 175 HENAFF Marcel, La ville qui vient, op. Cit. p99
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Dans l'histoire, la première intention législative avait pour but principal de ne pas gêner l'écoulement de l'eau dans les lits majeurs des fleuves. Cependant, les préoccupations principales étaient de ne pas constituer un frein au développement de l'urbanisation. Une première forme de réglementation aura lieu en 1935 mais ne sera appliquée qu'en 1970. Suite à plusieurs inondations et une commission d'enquête parlementaire en 1994, une solution à la superpositions des différents outils réglementaires est recherchée. C'est ainsi qu'en octobre 1995, la loi relative au renforcement de la protection
de
l’environnement abouti à la création du Plan de Prévention des Risques prévisibles. (PPR).176A présent, près de 10400 communes sont dotées d'un PPRN (Plan de Prévention des Risques Naturels), une petite centaine de PAPI (Programme d'action de prévention des inondations depuis 2002) ayant pour but d'organiser une politique globale à l'échelle d'un bassin ont été contractualisés) 177. Depuis 1995, les PPRI (Plans de Prévention Risques d'inondation) sont obligatoires cependant, l'ensemble des communes touchées par des crues n'en bénéficie par encore aujourd'hui. (37 % des communes touchées en 2011)178. La réalisation ou la révision d'un PPRI est décidé par l’État. Les Directions Régionales de l'Aménagement de l'Environnement et du Logement (DREAL) les réalisent. D'après le code de l'environnement, ils ont pour but de «délimiter les zones exposées aux risques»179 et d'y rattacher un ensemble de «normes», de «règles» afin de limiter le risque. La question qui est posée ici est de déterminer si ces mesures réglementaires appartiennent à une démarche résiliente, qu'ils en permettent son application ou si au contraire de nouvelles mesures seraient plus adéquates à l'adaptation des villes au risque d'inondation.
176FERRETI Alain Les territoires face aux catastrophes naturelles : quels outils pour prévenir les risques? au nom de la Delegation à la prospective et à l’evaluation des politiques publiques . CONSEIL ECONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL Paris, le 13 octobre 2015 .
177VATOV Marie-Christine, Le projet urbain face aux risques naturels , op.cit. P18. 178GRALEPOIS Mathilde & OGER Clement, L’emergence du concept de resilience urbaine modifie-t-elle les pratiques de la prevention des risques en France ? op. Cit.
179Disponible sur: https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006074220
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Dans un premier temps, il s'agit de déterminer sous quel angle le cadre juridique pourrait correspondre aux mesures prises dans une démarche résiliente, son application. Pour cela, un rapprochement est réalisé entre les trois notions principales du concept de résilience qui sont la notion d'adaptation, de rebond et celle de Gestion de la crise. Les Plans de préventions ont été créés dans le but d'alléger les procédures de prévention et de gestion des risques. Comme la majorité des lois en urbanisme ou en architecture, ces lois sont réalisées suite à une série de catastrophes témoignant d'une «mauvaise» conception passée. De cette même manière, le cadre juridique évolue en fonction des catastrophes rencontrées. On peut donc relier cette gestion à celle de l'adaptation dans l'approche résiliente. C'est une prise en compte de la mémoire, de l'histoire face à une situation dirigeant les actions présentes dans l'idée de préserver au maximum la ville dans le futur.Suite à de nombreuses inondations dans les années 1981 et 1982 dans les vallées de Saône, du Rhône et de la Garonne une loi relative à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles a été établie. Depuis 1982, le coût des dommages créés par des catastrophes est remboursé aux victimes à l'aide de la collecte d’impôts 180. C'est une forme d'assurance dirigée par l’État qui permet à la population de réaliser un pas en avant pour se reconstruire suite à une crise. De rebondir. On retrouve donc à travers cette démarche la notion de «rebond en avant» expliquée, précédemment. Enfin, un travail sur la gestion du risque est réalisé à l'aide du DICRIM, (le Document d'Information Communal sur les Risques d'Inondation Majeurs). Obligatoire pour les communes possédant un PPR, ce document aide à prévenir les habitants sur les réactions et bons comportements à adopter en cas de crise. La connaissance du risque, des mesures de préventions à adopter permettant l'anticipation et la surveillance. Cette notion de gestion de la crise par la création de plans de secours permettant l'intégration des habitants, et ainsi la réactivité et la résistance de l'ensemble de la ville face à un choc.
180FERRETI Alain Les territoires face aux catastrophes naturelles : quels outils pour prévenir les risques? op.cit.
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La ville de Dunkerque suite à son changement de politique urbaine a dans cet élan créé le PAPI (Programme d'Action et de Prévention contre les Inondations) dans le but d'obtenir une gestion intégrée des risques d'inondation et ainsi réduire les conséquences et dommages suite à une crue. Il est porté par le Pôle métropolitain de la Côte d'Opale et actuellement en cours de mise en œuvre. Cependant déjà « labellisé » par le Ministère de l’Écologie en 2013181. Le PLUuc (Plan locale d'urbanisme communautaire) quant à lui contient à présent l'intégration du risque d'inondation depuis en février 2012 permettant une urbanisation en aléa faible. Enfin, le Scot de la région FlandreDunkerque en cours de révision possède dorénavant comme axe fort dans son projet de territoire l'adaptation au changement climatique, comprenant une attention particulière aux bords de mer pour ne pas abîmer le cordon dunaire182 et aux de bassins de stockage des eaux de pluie et de zones perméables aménagées.
La législation, frein à une adaptation constante ? Le terme «droit» est antonyme de «souple». De ce principe, on peut questionner l'adéquation d'une réglementation stricte face au concept de résilience prônant l'adaptation et la flexibilité d'un lieu. Premièrement, on peut constater que la planification et la mise en place des PPR se réalise de façon parcellaire, à l'échelle communale. Cette approche pouvant conduire à une analyse au cas par cas synonyme d'adaptation peut aussi être contradictoire à l'approche globale, systémique souhaitée par le concept de résilience. Le risque étant de former des parcelles indépendantes les unes des autres et non plus interconnectées. De plus, les normes de préventions se focalisent et se basent sur les aléas réguliers ( avec comme exemple le PPRI qui se base sur la crue centennale). Les catastrophes majeures les plus imprévisibles sont donc ici laissées de coté. «La planification conduit ainsi à raisonner de manière figée et freine, bride les capacités de résilience d'un écosystème urbain confronté aux risques naturels»183
181 TERRIN Jean-Jacques, Villes inondables, cities and flooding, prévention, adaption, résilience, op. Cit. p87. 182 TERRIN Jean-Jacques, Villes inondables, cities and flooding, prévention, adaption, résilience, op. Cit. p87. 183SANSEVERINO-GODFRIN Valerie, Risques naturels, vulnérabilité, résilience et droit dans un contexte de développement durable. op. Cit. p8.
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Souvent défini comme «frein» au développement urbain, la législation par sa définition impose des règles de constructibilité et interdit l'urbanisation des zones qualifiées les plus risquées. De fait, elle impose à la société « une bonne façon de gérer la conception face au risque », laissant peu de place à l’innovation et la prise de décision par les villes. On peut alors envisager cette gestion comme un frein au développement des villes. En Guadeloupe, à la Désirade, la législation réglementaire est perçue comme un frein à la conception, au développement de la ville. Pour conséquence, une baisse d'attractivité du territoire qui est principalement basée économiquement sur son activité touristique. «la superposition des différents documents (PPRN, Scot et PLU) rendait inconstructible toutes les zones encore libres sur ce territoire, empêchant ainsi son développement économique lié principalement à l'activité touristique». 184 La ville se trouve alors contrainte et on peut se demander si les différentes règles imposées ne représentent pas un obstacle à l’adaptation de la région. «Ces plans ne contiennent aucune mesure permettant une adaptation selon l'évolution des situations pour lesquels ils ont été élaborés».185. Face à des situations indésirables, la ville peut réaliser des phases de négociations avec l’État. Pour cela, les villes peuvent faire appel à des techniciens ou bureaux d'études afin de recalculer les aléas, d'exploiter les marges d'erreurs des calculs. C'est d'ailleurs le cas de la ville de Nîmes qui a réalisé un travail important face à sa réglementation. La ville de Nîmes a comme réponse créé une adaptation du PPRI. En effet, face au besoin de renouvellement urbain et afin de ne pas bloquer son développement comme vu précédemment, la ville a réalisé une modélisation précise (maille de 1m2) de parties de sa ville afin d'identifier précisément ses besoins. De cette contextualisation en cas de crue affinée, près de vingt zones réglementaires ont été définies. Cette étude au cas par cas permet d'éviter la territorialisation de l'approche réglementaire et d’offrir à chaque territoire le maximum de son potentiel.
186
Cependant, cette approche par négociation
184VATOV Marie-Christine, Le projet urbain face aux risques naturels , op. Cit. p19. 185SANSEVERINO-GODFRIN Valerie, Risques naturels, vulnérabilité, résilience et droit dans un contexte de développement durable. op. Cit. p8. 186 TERRIN Jean-Jacques, Villes inondables, cities and flooding, prévention, adaption, résilience, op. Cit. p157 .
112
peut entraîner une forme de discrimination des petites commune avec peu de moyens face aux communes plus importantes. En effet, contredire les données administrées nécessite des moyens techniques et scientifiques égaux ou supérieurs aux services de l'Etat. Solliciter des experts, aller jusqu'au tribunal administratif afin de modifier les propositions
de
zonage
établies
par
la
DREAL (Direction
Régionale
de
L'environnement, de l'Aménagement et du Logement) nécessitant des moyens financiers importants.187 Face à cette problématique, il nous est permis d'envisager une approche différente autour de la réglementation française. En prenant l'exemple du Royaume-uni, Jean-Jacques Terrin offre un nouveau point de vue sur la question. En effet, si en France les règles d'occupation des sols se décident par les politiques publiques à travers le PPRI et son application par les collectivités locales, ce pays offre une approche différente. Dans ce pays « voisin », la réglementation prend une place mineure dans la création. Non plus coercitif, c'est un principe incitatif à travers l'existence d'une « Agence de l'environnement » depuis 1996, la réglementation prenant une place mineure et la décision finale appartenant à l'autorité du projet. En effet, l’État a ici délégué la gestion des risques, les opérations en zone inondable s'adresse à cette agence avant construction mais n'est pas obligées de respecter les
directions
données. Cependant,
créatrice
de vulnérabilité
par
l'indépendance de chaque projet formant une fragmentation du territoire, cet exemple n'est pas abordé ici comme solution mais permet une réinterrogation du fonctionnement français actuel. Afin d'atteindre une prise en compte « globale » de la gestion des risques, l’État seul allié des acteurs professionnels ne semble plus suffisant. Une action de tous semble désormais nécessaire impliquant les acteurs du quotidien. Par essence, permettant au moteur que représente la ville de fonctionner, les habitants occupent une place centrale dans la démarche urbaine d'aujourd'hui.
187 L’emergence du concept de resilience urbaine modifie-t-elle les pratiques de la prevention des risques en France ? Directrice de Recherche : Julie Daluzeau Mathilde Gralepois & Clement Oger op. Cit. p59.
113
D
LE ROLE DES HABITANTS Vivre avec l’eau, entre initiatives ponctuelles et gestion au quotidien.
Face au concept de résilience, l’individu, le citoyen occupe une place centrale. Que ce soit dans le processus de coproduction de la ville comme vu précédemment mais aussi face à la gestion de l’urgence lors d’un événement de type catastrophe et l’adaptation face à un nouveau mode d’habiter. « Une des évolutions les plus magistrales concerne la place prise par le citadin» «elle fait émerger le principe que seul l’espace tel qu’il est vécu et perçu par les habitants constitue le véritable support de la démarche urbanistique»1 ARAB Nadia, La coproduction des opérations urbaines : coopération et conception. 2001 op. Cit. p9.
Figure 26. Photo-montage personnel.
114
Acteur de la conception, la démarche participative. La participation peut être vécue comme une forme d'émancipation de l'habitant avec son habitat, celle-ci ne fonctionne que si elle est vécue intentionnellement, qu'elle relève d'une implication individuelle et volontariste évitant toute forme de prisme social. Si l'implication dans la conception urbanistique semble essentielle, il n'en dénote que la résilience est un travail sur les mentalités, du vivre avec l'eau au quotidien. « A l'abris de besoin, ces derniers se sont progressivement déresponsabilisés de ces problématiques n'ayant plus qu'à ouvrir le robinet pour subvenir à leur besoins».188 Lors de la conception des villes, les citoyens peuvent en effet faire partie de cette transformation de la ville. Une participation dans la conception urbaine peut en effet permettre au citoyen de prendre conscience des enjeux, problématiques et démarches à entreprendre. De même que cette collaboration peut permettre aux acteurs « habituels » de la conception de saisir les attentes des habitants et donc des enjeux et problématiques du site. Dans cette optique, les moyens de communication ne cessent d'évoluer, facilitant les échanges entre professionnels et pratiquants. Pour exemple, le projet LITMUS entrepris par la ville de Londres189 (Local Indicators to Monitor Urban Sustainability). Ce projet lancé en 1997 sur un arrondissement de Londres présentant de grands contrastes sociaux avait pour but d'aider les résidents locaux à s'exprimer sur leurs besoins et à s'impliquer sur une réflexion commune avec les gestionnaires. Pour y parvenir, les « animateurs » ont réalisé des groupes d'habitants et professionnels (résidents locaux, membres d'associations, fonctionnaires municipaux..) réunis pour répondre à des questionnaires ou participer à des événements thématiques dans la ville afin de regrouper les sujets principaux à aborder. Un prêt de caméras a d’ailleurs été réalisé pendant une période de deux mois afin de mieux comprendre le quotidien d'un résident de Southwark. Cette initiative intégrant l'habitant dans la conception a permis la mise en place « d'indicateurs 188Stéphane Ghiotti .Les territoires de l'eau, Gestion et développement en France. op. Cit. P51. 189OFFNER Jean-Marc et POURCHEZ Carole , La ville durable, perspectives françaises et européennes. Problèmes politiques et sociaux, Paris, La documentation française, février 2007. .op. Cit.
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de durabilité »190 dans la conception. Le premier constat est qu'entreprendre une telle démarche permet de créer une prise de conscience de ses actionnaires. Le second est qu'une consultation des habitants et associations permet de cerner les valeurs et problèmes communs ressentis. Enfin que la phase d'élaboration d'indicateurs locaux par les habitants engendre une phase d'évaluation et d'actions sur la base de cette création commune. Face à une nécessaire participation des individus dans la création, la communication semble être un première outil, favorisé par les avancées technologiques, qu'il s'agisse de caméras, d'internet, ce sont autant d'outils à valoriser facilitant la communication et l'échange étant ici les piliers d'une co-production. « Le numérique, les visualisations 3D et maquettes permettent à présent de communiquer plus facilement avec les habitants afin de leur montrer la pertinence d'une solution ou une autre face à un problème posé. « une démocratie locale, direct, à l'échelle locale, pourrait apparaître. Vraisemblablement n naîtrait un sentiment d'appartenance plus fort à la collectivité, une motivation qui se traduirait par une participation plus grande aux affaires communes »191 Si un travail commun facilite la conception d'une ville durable, adaptée à chaque situation et semble permettre une première prise de conscience de la population, la ville résiliente se consolide sur un travail quotidien d'adaptation, constant. Ainsi, c'est aussi une évolution des modes de vie, une autre manière d'appréhender la ville, son développement et sa vision de l'eau.
190OFFNER Jean-Marc et POURCHEZ Carole , La ville durable, perspectives françaises et européennes.op. Cit p150. 191 Idem. p150.
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Vivre avec l'eau, une démarche du quotidien.
« Si cette évolution est possible, si elle est favorisée, si les habitants en ressentent l'envie, les modes de vie se transforment naturellement. On constate alors que la ville durable ne dépend pas de sa morphologie, mais de son aptitude à générer de la durabilité à travers une nouvelle façon de vivre. » 192 Sur un temps long, la résilience tiendrait donc aussi dans une mise en pratique quotidienne par les habitants. Contextualisée, cette approche semble devoir se vivre autant qu'elle se conçoit. C'est donc à travers un travail sur les habitants et leur manière de visualiser leur habitat et son rapport avec l'eau qu'un travail doit être à mener. « Une cohabitation ville/ eau/ habitant serait un élément. C'est apprendre à vivre avec l'eau, participer à une prise de conscience collective des risques potentiels, de l'imprévisibilité des catastrophes. »193 Dans le territoire de l'eau que représente Dunkerque, les habitants semblent vivre à côtés de l'eau et non avec194. Il s'agit alors comme le dit Stéphane Ghiotti de passer de l'eau « ressource » en eau « milieu »195. Il ne faut plus considérer seule la vision utilitariste de cette ressource à maîtriser et à assainir mais de la considérer comme cadre de vie. Prendre cette considération aussi bien dans la gestion planificatrice que dans la gestion pratique. «Les répercussions socio-économiques et environnementales se sont aggravées sous l'effet d'une modification des pratiques et des comportements sociaux et individuels marqués par une perte de proximité avec l'eau. Avec l'ampleur et la technicité des aménagements, le lien entre eau ressource et eau milieu s'est complètement distendu et a perdu en lisibilité pour les usagers.»196
192MAUGARD Alain et CUISINIER Jean-Pierre Regard sur la ville durable, Vers de nouveaux modes de vie. op. Cit. p113. 193 TERRIN Jean-Jacques, Villes inondables, cities and flooding, prévention, adaption, résilience, op. Cit. P100. 194Voir Annexe 5 : Document de synthèse de la rencontre avec des « acteurs » de la ville de Dunkerque. P149. 195Stéphane Ghiotti .Les territoires de l'eau, Gestion et développement en France. Op. Cit. 196 Idem.
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Cette mise en application se traduit par une démarche de revalorisation de l'eau et de ses voiries qui s'est déjà engagée. La vision de « label » et de paysage de l'eau évoqué plus haut se retrouve alors au profit des habitants. S'il faut vendre la ville aux autres, c'est aussi à travers un « bon-vivre » vécu par les habitants.
« Grande-Synthe et Gravelines, se sont engagées dans une démarche de revalorisation de l'eau par la réappropriation des voies d'eau et canaux. L'eau devient un facteur d'attractivité, d'animation et de centralité »197 Si les paysages de l'eau semble d'avantage devoir être « vécus », ils restent cependant pas des éléments techniques à maîtriser. Afin de prendre en compte l'évolution d'un lieu dans le temps, sa durabilité, Alain Maugard et Jean-Pierre cuisinier parlent d'espace « caméléon » 198. En prenant l'exemple des berges à Paris, ils démontrent la polyvalence d'un lieu dans une temporalité (berges piétonnes dédiées aux loisir le week-end). En comparaison à la ville de Dunkerque, Paris a su allier voies navigables, circulation et loisir. Bien que cette solution soit tout à fait contestable, c'est cette idée d'évolutivité, d'adaptation qui dans le temps pourrait permettre aux résidents d'intégrer une multifonctionnalité aux territoires de l'eau
197 TERRIN Jean-Jacques, Villes inondables, cities and flooding, prévention, adaption, résilience, op. Cit. p83. 198MAUGARD Alain et CUISINIER Jean-Pierre Regard sur la ville durable, Vers de nouveaux modes de vie. Op. Cit.
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Fig 27 : Artiste: Merve Ozasla. Titre: Natural Act. 2014 'Artiste basée à Istanbul, réalisation de collages questionannt la relation entre nature et humanité'.
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La culture du risque.
On s'aperçoit que si les acteurs publics sont des éléments fondateurs d'un espace résilient, ils ne suffisent pas à eux seuls à protéger sa population. Une co-gestion du risque est nécessaire. Les habitants doivent faire preuve d'une auto-protection et autoorganisation dans la gestion d'une crise. L'efficacité des dispositifs mis en place dépend du niveau d'action et donc d'information des individus. « L'implication de l'individu dans le dispositif de gestion du risque est recherchée en complément d'une intervention des pouvoirs publics »199 L'étude réalisée par l'école de Polytech Tours sur la gestion des risques 200 a su mettre en évidence quatre types de comportements des habitants face au risque. Dans un premier cas, le fait est qu'une partie de la population ignore le risque et ne cherche pas à s'informer sur celui-ci. Dans le second, le risque est nié et il existe un refus d'admettre que l'on puisse être touché ne constatant pas réellement de dégâts récurrents dans la vie quotidienne. Autre constat, un grand nombre d'habitants délèguent la responsabilité à l’État et à leur Maire, connaître les gestes de survie consistant le seul apport qu'ils puissent fournir. Enfin, il semble qu'une partie de la population soit préparée au risque d'inondation considérant le fait de vivre en zone inondable en adaptant leurs habitations et comportements. Le but final étant que l'ensemble de la population habitant en zone inondable fasse partie de cette quatrième catégorie.
La planification des évacuations lors d'une crise est un élément permettant l'implication du citoyen. Du passage de l'information jusqu'à lui. Cela nécessite un développement de la capacité du public à se prendre en charge individuellement et collectivement. D'impliquer l'individu. Qu'il puisse s'agir de vulnérabilité individuelle (personnes âgées, isolées), de solidarité (auto-organisation), d'une gestion de l'urgence (habitants et élus, information) et des modalités d'urbanisation.
199 TERRIN Jean-Jacques, Villes inondables, cities and flooding, prévention, adaptation, résilience, op. Cit. p 223. 200L’emergence du concept de resilience urbaine modifie-t-elle les pratiques de la prevention des risques en France ? Directrice de Recherche : Julie Daluzeau Mathilde Gralepois & Clement Oger Op. Cit.
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« Depuis 1995, les collectivités et les acteurs locaux travaillent à développer une culture du risque afin de réduire et d'appréhender les situations de crise . Il s'agit de renouer avec l'histoire du territoire, de prendre en compte ses singularités dans la stratégie urbaine et dans l'imaginaire collectif, en bref, de réapprendre à vivre avec l'eau» .201 Plus que « vivre avec l'eau » de façon attractive autour des pratiques et loisirs, c'est aussi savoir intervenir dans la gestion de l'eau, lors de crises et aléas imprévisibles. De nombreuses villes ont entamé une démarche autour de cette mise en application. Il ne s'agit plus seulement d'adapter les ville à la résilience mais aussi réaliser un travail sur leurs habitants. Dans son écrit, Jean-Jacques Terrin parle alors d' « urbanisme du risque »202 de faire des aléas ponctuels un « événement commun ». Pour y parvenir, il faut travailler sur la mentalité des habitants, les informer de l'éventualité. Réaliser la mise en place de manuels, maquettes ou encore visites scolaires s'organisent dans un soucis de communication de l'information. La ville de Dunkerque a d'ailleurs pour cela, réalisé une maquette sur son fonctionnement hydraulique avec visite de terrain et la création d'un livret pédagogique à destination des citoyens. La vulnérabilité d'un territoire dépend de la vulnérabilité sociale de sa population, par la transmission répétée de l'information historique sur les crues améliorant la connaissance sur l'aléa semnle inévitable. Cette approche développe ce qu'on apelle une « culture du risque » permettant la prévention. Il s'agit d'augmenter la confrontation entre inattendu et quotidien et ainsi diminuer les comportements collectifs de panique créateurs de risques et ainsi permettre d’augmenter la résilience d'un territoire et d'une société 203. C'est cette vulnérabilité sociale qui conditionne la réponse de la société face au risque.
201 TERRIN Jean-Jacques, Villes inondables, cities and flooding, prévention, adaptation, résilience, op. Cit. P76.
202 Idem.p76. 203L’emergence du concept de resilience urbaine modifie-t-elle les pratiques de la prevention des risques en France ? Directrice de Recherche : Julie Daluzeau Mathilde Gralepois & Clement Oger Op. Cit.
121
Pour exemple, la ville de Nîmes a entrepris un travail d'information avec ses habitants. Afin de les sensibiliser avec cette notion de risque, des repères de crues sont disséminés dans la ville en souvenir de l'inondation de 1986. De plus, des interventions dans les établissements scolaires, réunions de quartier ou avec les propriétaires sont organisées afin de transmettre cette vision d'un quotidien inattendu. Pour pallier à cette imprévisibilité, des dispositifs techniques sont développés afin de pouvoir anticiper au maximum l'urgence. Pour cela, images radar, satellites et suivies météorologiques ininterrompus sont analysés et on déjà permis la création de 4 niveaux d'urgences et 5 niveaux de mobilisation différents suivant l'aléa constaté.204 Dans son livre l'architecture de survie, Yona Friedman présente trois critères primordiaux pour permettre la diffusion du savoir aux autres. L'information pour lui ne doit pas être didactique (porté sur un enseignement de savoir), doit être exprimée dans un langage simple (permettant la compréhension de tous et donc l'égalité) et enfin être véhiculée par un support simple et bon marché (assurant une faciliter d'intervention et une propagation de l'information).205Ainsi, la résilience paraît ouvrir les perspectives d'une gestion moins technique et plus sociale correspondant d'avantage à des approches non structurelles.
«Au jeu de la compétition entre richesse perceptible et risques non perceptibles, les risques ont perdu d'avance. Le visible ne peut affronter l'invisible. Et, paradoxalement, c'est justement pour cela que ce sont les risques invisibles qui l'emportent»206
204 TERRIN Jean-Jacques, Villes inondables, cities and flooding, prévention, adaption, résilience, op. Cit. p157. 205FRIEDMAN Yona, L'architecture de survie, une philosophie de la pauvreté,, Op. Cit. p 171. 206Beck Ulrich - La société du risque, sur la voie d'une autre modernité. Op. Cit. p81
122
OUVERTURE Cette recherche autour du terme « résilience » et la relation entre ville et eau a entraîné plusieurs regards sur la ville. Temporels tout d'abord, cela a permis de lier l'aspect figé d'un plan, d'une conception finie comme on peut avoir l'habitude d'en rencontrer dans notre domaine à un regard plus malléable, évolutif. De fait, cette approche a appréhendé une nouvelle manière de créer et d'en envisager les conséquences. Il a s'agit d'étudier les différents regards apportés sur la gestion urbaine, face à une situation précise, dans un contexte présent ou futur. Cette étude à partir d'un terme récent, singulier, a permis de ne plus raisonner dans un simple rapport action-réaction en introduisant la pro-action. Le foisonnement des interprétations de ce terme face à une situation de crise démontre la complexité du système que représente la ville. Il justifie les approches multiples qu'impose une vision résiliente. Cette multiplicité inhérente à donné lieu à une rencontre entre la ville technique, la ville organique et la ville sociale. Elles sont présentées comme « témoins » de sa polyvalence. Loin d'une étude précise dans un contexte particulier, il s'agit avant tout de comprendre son fonctionnement afin par la suite, de pouvoir mieux l'appréhender. Elle présente un « échantillon » des différents discours que le terme peut permettre. La résilience comme outil organisationnel, structurel, politique et commercial. Face à cette polyvalence, on a pu constater que la création urbaine est vouée à suivre ce caractère pluriel. Afin d'envisager l'opérationnalité de ce concept dans la gestion du risque, il a été choisi de présenter les changements que son application implique dans la conception d'aujourd'hui. On a pu constater la cohésion entre multiplicité et pluridisciplinarité à travers la création et la collaboration d'acteurs d'horizons variés. D'envisager le rapport pro-action-réaction-action face à des situations précises d'aménagements urbains et ainsi ce qu'entraîne la mémoire des catastrophes dans la gestion des conceptions. Plus que le « maintien » de l'aménagement urbain constructif face à un choc, il s'agit d'introduire l'importance des habitants qui le compose. Les habitants comme créateur de résilience, concepteurs et « fabriquants » de la ville de demain. Qu'il s'agisse de la résistance d'un matériau ou de reconstruction psychologique, on constate que la résilience conserve ses deux aspects originels principaux dans l'approche urbaine. De ce point de vue, on peut
123
considérer que ce terme conserve sa légitimité et une forme d'opérationnalité. Cependant, il semblerait que le but de cette recherche ne relève pas de la caractérisation ou l'accréditation du système-ville résilient. Son intérêt porte dans l'analyse et la compréhension des changements et des conservations d'un système socio-spatial ayant fait face à une crise. Cette recherche m' aura permis de soulever le regard particulier que permet celui de la résilience. Elle oblige à envisager la ville sous des temporalités différentes, incite à prendre en compte la mémoire d'une catastrophe. A emboîter simultanément les échelles temporelles et spatiales. Elle permet un recul sur les différentes sociétés confrontées à une crise, de comparer leurs discours et réactions afin d'interroger la conception. On constate que l'étude d'un terme polysémique comme la résilience entraîne de fait une recherche, bien qu'à la problématique urbaine, elle même très variée. Cette observation interroge son effectivité. Tous les composants d'une ville sont inhérents à son bon fonctionnement et l'approche systémique semble permettre une vision d'ensemble. Suite à cette expérience, l'omission d'un des aspects de la ville abordés me semblerait appauvrir toute analyse urbaine se voulant complète. Si cette étude a tenu à maintenir ce caractère polyvalent, il en va de soi qu'elle pourrait bénéficier d'une recherche plus approfondie sur chacun des domaines abordés. Enfin, ayant étudié la résilience face à un territoire endommagé, il serait intéressant de se questionner si une forme de résilience ne résiderait pas dans l'adaptation des populations face à un nouveau territoire: celui de l'eau. Les surfaces constructibles sur le sol s'amoindrissant, de nombreux chercheurs et architectes interrogent la « conquête des mers ». On assiste à la création de projets innovants « d'architecture bleue »207, d'îles et de bâtiments flottants ou encore à la création de concours et fondations208 autour de ce nouvel urbanisme de l'eau.
207Article Vingt-mile lieux sur les mers, de Fréderic Joignot. Disponible sur: http://www.lemonde.fr/culture/visuel/2015/05/10/vingt-mille-lieux-sur-les-mers-comment-les-architectes-voientla-vie-sur-l-eau_4625327_3246.html
208Fondation Jacques Rougerie. Disponible sur : http://www.jacquesrougeriecompetition.com/
124
TABLE DES MATIERES : Avant-propos.................................................................................................................................................P.1 SOMMAIRE.................................................................................................................................................P.3 Introduction.................................................................................................................................................P.7 Méthodologie................................................................................................................................................P.9 PARTIE 1 : LA RESILIENCE, CONTEXTUALISATION D'UN TERME POLYSEMIQUE..........P.13 A: UNE APPROCHE HISTORIQUE: Le développement durable, entre confrontations abruptes et transitions de longue durée............................................................................p.15 HISTOIRE URBAINE DU RISQUE. L'acceptation du risque, de la protection à l'intégration.............................................p.16 APPARITION DU TERME RESILIENCE. Une prolongation des modes pensées?........................................................................p.18 B: CRISE ET CATASTROPHES. Un nouveau quotidien imprévisible........................p.23 LA CRISE Entre phénomènes récents et intemporels..................................................................p.24 REACTIONS Première réflexions sur la résilience. Le devenir d'une ville face à une catastrophe..................................................................................................................p.28 C: LA RESILIENCE. Entre vision commune et appropriations divergentes...............p.33 REPONSE COMMUNE. Mise en relation des différents approches du terme de résilience en urbanisme.......p.34 PRISE EN COMPTE DE LA VULNERABILITE. Premier facteur de divergence....................................................................................p.40 D: DU LINEAIRE AU CYCLIQUE.Des appropriations différentes. De la propriété au processus.............................................................................................................................p.44 L'APPROCHE LINEAIRE........................................................................................p.45 L'APPROCHE CYCLIQUE......................................................................................p.48 PARTIE
2 : LA RESILIENCE , UNE VISION DE LA VILLE POLYVALENTE.............................P.54
A: L'APPROCHE SYSTEMIQUE...................................................................................p.55 LIMITES SPATIO-TEMPORELLES. Échelle d'étude..........................................................................................................p. 56
125
UN ECO-SYSTEME. Une relation ville- environnement............................................................................p.59 B: UNE MACHINE VIVANTE.........................................................................................p.63 VILLE RESEAUX. La ville, un ensemble de réseaux...............................................................................p.64 ORGANISME VIVANT. La ville, un organisme vivant.....................................................................................p.72 C: UNE MACHINE HUMAINE.......................................................................................p.75 LABEL URBAIN. La résilience, promotion de la ville............................................................................p.76 GOUVERNANCE. La résilience, un outil politique..................................................................................p.79 D: UNE MACHINE A SOUS.............................................................................................p.82 LA VILLE, UNE ENTREPRISE. La ville, une entreprise...............................................................................................p.83 LA CRISE, UN NOUVEAU MARCHE. La crise, créatrice de nouveaux marchés....................................................................p.85 PARTIE 3: LA RESILIENCE A L'ECHELLE DU QUOTIDIEN.....................................................P.91 Mise en application.Du tissu urbain aux habitants qui le composent. A: LES ACTEURS DU CHANGEMENT........................................................................p.93 NOUVELLE VISION, NOUVELLE CREATION....................................................p.94 UNE CREATION MULTI-ACTEURS......................................................................p.96 B: LE PATRIMOINE, UNE CONFRONTATION AU TERRAIN De la conception du risque à la conception avec le risque..............................................p.100 UNE NOUVELLE CONCEPTION Le quartier Vaise, Lyon..............................................................................................p.101 UNE NOUVELLE GESTION, ADAPTATION. La quartier Richelieu, Nîmes. (Dunkerque, patrimoine de l'eau)..............................p.104
126
C:LE RÔLE DE LA LEGISLATION, moyen d'action ou frein à la conception?........................................................................p.107 ENTRE FREIN ET APPLICATION. La législation, application de la résilience ?.............................................................p.108 La législation, frein à une adaptation constante ?....................................................p.111 ENTRE ADAPTATION ET NOUVELLE APPROCHE. Une réglementation soumise à adaptation ?..............................................................p.112 Envisager une approche différente ?.........................................................................p.113
D: LE RÖLE DES HABITANTS Vivre avec l'eau, entre initiatives ponctuelles et gestion au quotidien.........................p.114 ACTEURS DE LA CONCEPTION La démarche participative........................................................................................p.115 LA CULTURE DU RISQUE Une démarche du quotidien......................................................................................p.120 CONCLUSION..........................................................................................................................................P.123 Table des matières........................................................................................................................................P.125 Tables des figures.........................................................................................................................................P.128 Bibliographie..............................................................................................................................................P.130 Annexes.......................................................................................................................................................P.137 Annexe 1 : Tableau chronologique autour du terme RESILIENCE........................p.138 Annexe 2 : Carte mentale du concept de RESILIENCE.........................................p.143 « Propos » retenus pour la création de la carte mentale. ….................p.144 Annexe 3 : Carte conceptuelle des 3 types de résilience à partir des propos de BARROCA Bruno, SERRE Damien et YOUSSEF, Diab........................................p.147
Annexe 4 :Carte conceptuelle des termes RESILIENCE et VULNERABILITE à partir des propos de propos Béatrice Quenault...................................p.148 Annexe 5 : Document de synthèse de la rencontre avec des « acteurs » de la ville de Dunkerque........................................................................................p.149
127
TABLE DES FIGURES: PARTIE 1 : Figure 1 : Photo-montage personnel. Une approche Historique.
p.15
Figure 2 : Photo-montage personnel. Crises et catastrophes.
p.23
Mise en avant d'une ville submergée malgrès la présence de barrages et digues en premier plan. Figure 3 : Photo aérienne de la Nouvelle-Orléan, post-ouragan Katrina. 29 aout 2005.
p.24
http://gue17.weebly.com Figure 4 : Illustration personnelle. Les quatre états possibles de la ville suite à un choc.
p.30
Figure 5 : Photo-montage personnel. La resilience.
p.33
Figures 6 et 7 : Illustration personnelle. Réponse commune partie 1.
p.35
Figure 8 !: Illustration personnelle. Réponse commune partie 2.
p.28
Figure 9 : Photo-montage personnel. Dulinéaire au cyclique, appropriations.
p.44
Figure 10 : Illustration personnelle, imbrication des termes vulnérabilité et résilience. p.46 Figure 11 :Illustration personnelle Oppositions et échanges entre les deux termes.
PARTIE
p.49
2:
Figure 12 : Photo-montage personnel. Un fonctionnement éco-systémique.
p.55
Figure 13 : Photo-montage personnel. La ville, une machine vivante.
p.63
Figure 14 : Artiste : Neil Freeman, titre : Subway systems at the same scale.2004. Réalisation de plans des lignes de métro de villes à la même échelle.
p.66
Http://fakeisthenewreal.org/skysk/ Figure 15 : Artiste : Karl Blossfeldt , titre : nervuration (*45). 1930.
p.73
Nervuration d'une feuille de Columbia multipliée 45 fois. Http://www.galerie-photo.com/karl-blossfeldt-ornemaniste.html Figure 16 : Photo-montage personnel, La ville, une machine humaine.
p.75
Figure 17 : Photo-montage personnel. La ville, une machine à sous.
p.82
Figure 18 : Carte de Chicago, zone de propagation du feu.
p.88
Carte historique, David Rumsey Map Collection. Http://www.davidrumsey.com
128
PARTIE 3 : Figure 19 : Photo-montage personnel. Les acteurs du changement.
p.93
Figure 20 : Photo-montage personnel. Le patrimoîne, une confrontation au terrain.
p.100
Figure 21: Photo ancienne, place du Mouton, quartier Vaise 1912, Lyon.
p.103
http://www.lyon-photos.com/diaporama/grande_1505.htm Figure 22 : Photo de la « Zac de l'industrie Vaise », vue aérienne angle Nord-Sud. Lyon 9ème,
p.103
SERL photo H.Canet.+ http://www.serl.fr/References/Vaise-Industrie Figure 23 : Plan du quartier Richelieu, 1877.
p.105
http://www.nemausensis.com/Nimes/QuartierRichelieu.pdf Figure 24 : Photo d'un rue du quartier Richellieu, 3 octobre 1988.
p.105
http://coca30.vefblog.net/8.html Figure 25 : Photo-montage personnel. Le rôle de la legislation.
p.107
Figure 26 : Photo-montage personnel. Le rôle des habitants.
p.114
Figure 27 : Artiste: Merve Ozasla. Titre: Natural Act. 2014 p.119 'Artiste basée à Istanbul, réalisation de collages questionannt la relation entre nature et humanité'
http://www.merveozaslan.com BIBLIOGRAPHIE : Figure 28 : Photo-montage personnel. Couvertures de livres étudiés.
129
p.130
BIBLIOGRAPHIE Figure 28. Photo-montage personnel.
130
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135
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ANNEXES Annexe 1 :Tableau chronologique autour du terme RESILIENCE.............p.138 Annexe 2 :Carte mentale du concept de RESILIENCE..............................p.143 « Propos » retenus pour la création de la carte mentale. ….............p.144 Annexe 3 :Carte conceptuelle des 3 types de résilience à partir des propos de BARROCA Bruno, SERRE Damien et YOUSSEF, Diab........... p.147 Annexe 4 :Carte conceptuelle des termes RESILIENCE et VULNERABILITE à partir des propos de propos Béatrice Quenault............................p.148 Annexe 5 :Document de synthèse de la rencontre avec des « acteurs » de la ville de Dunkerque...................................................................................p.149
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ANNEXE 1 : TABLEAU CHRONOLOGIQUE AUTOUR DU TERME RESILIENCE. UTILISATIONS DU TERME RESILIENCE urbaine. ANNEES
TITRE
SOURCE
-1967 :
Invention du terme de Resilience en Ecologie.
Crawford S. Holling
-1999 :
Création de Resilience Alliance, rassemblement chercheurs fondée par l'écologue Holling..
Crawford S. Holling
-2001 :
« La résilience est la capacité d’une personne ou d’un groupe à se développer bien, à continuer à se projeter dans l’avenir en dépit d’évènements déstabilisants, de conditions de vie difficiles, de traumatismes parfois sévères »
Manciaux et coll., 2001, p17).
-2005 :
Conférence mondiale de Kobe (Japon ( UNISDR) cf : B.Quenault liée à la stratégie internationale des Nations Unies pour la prévention des catastrophes Building the resilience of nations and ( UNISDR, 2005) cf : B.Quenault communities to disasters La résilience dans les modèles de systèmes écologiques et sociaux.
MARTIN Sophie
-2006 :
Résilience thinking : sustaining ecosystems and people in a changing world
Walker et Salt. ( contribue au succès de la notion ) cf : B.Quenault
-2009 :
Disaster Resilient city : My city is getting ready
(UNISDR 2009) cf : B.Quenault
Création des labels « Resilient city champion » et « resilient city roe model »
Nations Unies.
Mathématiques. Ecole normale supérieure de Cachan - ENS Cachan, 2005.
Programmes Climate resilient cities et Banque Mondiale reducing Vulnerabilities to disasters Label Climate resilient city
Banque Mondiale
-1987 :
Coopération internationale consacrée à la réduction des catastrophes naturelles.
National Academy of sciences de Wasington, ONU.
-2002 :
Création d'une « Directive Inondation »
Journal officiel de l'Union Européenne. 2007.
-2004 :
Création du programme « Making space for water ».
Royaume- Uni
-2005 :
« Building the resilience of nations and communities to disasters »
Cadre d'action de Hyogo « International strategy for disaster reunion »
Apparition de la notion d'absorption, ou « recovery »
Capanella 2006, Hernandez 2009. cf : B.Quenault
138
ANNEXE 1 : TABLEAU CHRONOLOGIQUE AUTOUR DU TERME RESILIENCE. Bucarest, entre inertie et résilience.
Rufat S., 2009, in Vallat C., Le Blanc A. (dir), Pérennité urbaine 1 – Traces, Paris, L’Harmattan, p.92-101
Risques naturels, vulnérabilité, SANSEVERINO-GODFRIN Valerie résilience et droit dans un contexte de et Thevenot, Daniel, Fevrier 2009. développement durable. Environnement entre passe et futur : les risques a` l’epreuve des savoirs -2006 :
Programme « Room for the river »
Pays-Bas.
-2007 :
PlaNYC 2007-2011 PlaNY 2030. « accroître la résilience des communauté aux risques climatiques »
New-York.
-2010 :
MANUEL DE TRANSITION, de la dépendance au pétrole à la résilience locale.
Rob HOPKINS, Ed : Ecosociété, 2010.
Consécration du mot résilience par Comfort et al. 2010. Comfort et al. La résilience est fait un « Buzzword » -2011 :
Critique de la résilience pure.
1er écrit de S.RUFAT sur la résilience.
Qu'est-ce que la résilience Urbaine ?
Marco Stathopoulos . Revue URBANISME n°381 nov-dec 2011.
Ce que la résilience n’est pas, ce qu’on veut lui faire dire.
DJAMENT-TRAN Geraldine, LE BLANC Antoine, LHOMME Serge, RUFAT, Samuel REGHEZZA ZITT Magali <hal-00679293>
Programme Transitioning towards Urban Resilience ans sustainability
Union Européenne.
Création du label « TURAS » suivi par Union Européenne. 16 villes Européennes. Création du LABEL Gestion des Ministère de l'écologie, du risques Territoriaux, pour un teritoire développement durable, des transports résilient. et du logement. Villes classées résilientes : Copenhague, Stockholm, Barcelone, Vancouver, Tokyo NY, Londres et Paris. London Local Resilience Forum. London Resilience Programme Board. 5th International conference on Flood Management
139
London resilience Partnership Delivery Plan. Tokyo.
ANNEXE 1 : TABLEAU CHRONOLOGIQUE AUTOUR DU TERME RESILIENCE. -2012 :
La Résilience urbaine : un nouveau concept opérationnel vecteur de durabilité urbaine ?
M.Toubin, S. Lhomme, Y.Diab, D.Serre et R. Laganier..Développement durable et territoires [Online], Vol. 3, n° 1 | Mai 2012, http://developpementdurable.revues.or g/9208 ; DOI :10.4000/developpementdurable. 9208
« A la surface de la planète, l'objectif de résilience est universellement adopté comme l'idéal aux niveaux individuel, organisationnel et communautaire ».
(UNISDT,2012,17) cf : B.Quenault
Rapport « How to make cities more resilient » , la resilience « doit faire partie intégrante de l'aménagement urbain et des stratégies de développement durable »
ibidem
Rapport Resilient people, Resilient planet du « high-level Planel on Global Sustainability »
Ibidem.
Analyse de cas : « Adaptation tipping point », de Kwadjik et al., étude de cas d'un système technique pluvial existant à Wielwijk, Dordrecht, PaysBas.
https://www.deltares.nl/publication/usi ng-adaptation-tipping-points-prepareclimate-change-sea-level-rise-casestudy-netherlands/
Le concept de résilience à l'épreuve du génie urbain.
BARROCA Bruno, SERRE Damien et YOUSSEF. Diab Revue électronique : Vertigo – La revue électronique en sciences de l'environnement. Volume 12 numéro 2. Natures et Métropoles. Septembre 2012 Section courante.
What Resilience Is Not : Uses and Abuses
: Reghezza M., Rufat S., Djament G., Le Blanc A., Lhomme S., 2012, , Cybergeo, European Journal of Geography, 621. http://www.parisgeo.cnrs.fr/spip.php? article172
Existe-t-il une mauvaise résilience ? La résilience urbaine. Les villes face aux catastrophes
2012 :,,Rufat S., in Djament-Tran G. et Reghezza M. (dir),, Paris, Editions Le Manuscrit, p.195- 241 http://www.parisgeo.cnrs.fr/spip.php? arti
2013 :
2eme Conference Internationale sur la résilience. Individuelle, institutionnelle et sociale autour des risque de désastre .
140
http://www.salford.ac.uk/builtenvironment/research/researchcentres/disasterresilience/conferences/2013international-conference-on-buildingresilience
ANNEXE 1 : TABLEAU CHRONOLOGIQUE AUTOUR DU TERME RESILIENCE. Proposition de trois orthographes différentes . résilience (comme résistance), Résilience (comme aptitude de faire) et résiliance (comme processus)
Travaux de Serge TISSERON, psychologue,
La résilience : plus qu'une mode ? Résilience et adaptation climatique : une question globale ou une problématique sectorielle ?
Série Responsabilité et Environnement, n°72, Octobre.Annale des mines, édition ESKA. http://www.annales.org/re/2013/resum es/octobre/09-re-resum-FR-AN-ALES-octobre-2013.html
2014 :
Retour critique sur la mobilisation du concept de résilience en lien avec l'adaptation des systèmes urbains au changement climatique, .
QUENAULT, Beatrice, EchoGeo (en ligne) / 2013, mis en ligne le 10 juillet 2013, consulté le 29 novembre 2015. URL : http://echogeo.revues.org/13403
la plate-forme POPSU Europe a interrogé la renouvellement des approches architecturales et urbaines en zones inondables.
Europe. Plate-forme POPSU. ( plateforme d'observation des projets et stratégies urbaines), crée en 2003.
Organisation de deux séminaires autour des projets et stratégies de plusieurs villes d'Europe.
Villes concernées : Amsterdam Dordrecht, Dunkerue, Hambourg, Lyon, Marseille, Mayence, Nice, Rotterdam et Toulouse
Villes inondables, cities and flooding, prévention, adaption, résilience.
Jean-Jacques Terrin. Coll : La ville en train de se faire . ed. Parenthèses. Décembre 2014.
3e Conference internationale sur la RESILIENCE 2014 : participants, résilience des systèmes écologiques et Montpellier, France 4 au 8 mai. sociaux.Conférence scientifique internationale d’environ 900 http://www.resilience2014.org personnes. Améliorer la résilience urbaine face au risque d'inondation : proposition d'une méthodologie
M.Balsells, B.BArroca, Y.Diab, V.Becue et D.Serre.. Document internet. A compléter.
La résurgence/ convergence du triptyque « catastrophe- résilienceadaptation » pour (re)penser la « fabrique urbaine » face aux risques climatiques »
B.Quenault «. Développement durable et territoires (en ligne). Vol.5, dec. 2014.
La résilience, un outil pour les territoires ?
DAVID Michel (MDDE,CGGD) et VILLAR Clara (Cerema) Article publié lors du séminaire ITGOROSKO, 2014, (cf : Roscoff, 2223 mai 2014) http://roscoff14.catalyse.info/
Améliorer la résilience urbaine par un diagnostic collaboratif, l’exemple des services urbains parisiens face a` l’inondation.
TOUBIN Marie
141
http://developpementdurable.revues.o rg/10683.
Geographie. Universite Paris-Diderot - Paris VII, 2014. Francais. <tel00958279v2>
ANNEXE 1 : TABLEAU CHRONOLOGIQUE AUTOUR DU TERME RESILIENCE. 2015 :
Thinking ahead : a design-directed research in a city which experienced fifty years of sea level change overnight..
Nicki Copley, Jack Bowring et Mick Abbott (Université de Lincoln, Nouvelle-Zélande) . Journal of Landscape Architecture. 2, 2015, p7081.
Résiliences. Sociétés et territoires face à l’incertitude, aux risques et aux catastrophes
Reghezza-Zitt M., Rufat S.(dir), 2015, , London : ISTE Editions.http://www.parisgeo.cnrs.fr/s pip.php?article172
Resilience Imperative. Uncertainty, Risks and Disasters,
Reghezza M., Rufat S. (eds) 2015. Elsevier, ISTE Editions, 262 p. http://www.parisgeo.cnrs.fr/spip.php? article172
142
Utilisation des mots récurrents rencontrés au fil des lectures. Les nombre entre parenthèses correspondant au nombre d'apparition de chaque terme. Liste des propos retenus et analysés ci-joint à cet annexe.
Réalisation d'une carte mentale à partir de multiples définitions du concept RESILIENCE.
ANNEXE 2 : Carte mentale autour du terme de résilience.
143
ANNEXE 2 : Base de données pour la conception de la carte mentale autour du terme de résilience. Les différentes « définitons » du terme de résilience rencontrées : CNRTL 1: A. − MÉCAN., PHYS. Résistance d'un matériau au choc. Coefficient de résilience. Il ne serait pas normal d'utiliser en carrosserie, en aviation, ou dans des pièces de machines, des bois qui n'auraient pas une résilience suffisante (Campredon, Bois, 1948, p. 459). B. − ZOOL. ,,Capacité de reproduction d'une espèce animale inemployée en raison d'une ambiance hostile, mais susceptible d'une expansion soudaine si cette ambiance s'améliore.`` (Husson 1970). Les Cyprinidés ont parmi les Poissons une forte résilience en raison du grand nombre d'œufs qu'ils pondent (Husson1970). C. − Au fig., rare. Force morale; qualité de quelqu'un qui ne se décourage pas, ne se laisse pas abattre. Dans ce deuil, une fois encore, elle étonna ses amis par son immédiate résilience (Maurois, Lélia, 1952, p. 469 ds Quem. DDL t. 22). MARCO STATHOPOULOS 2: « la ville résiliente est flexible et transformable. Elle fonctionne en hétérarchie, limite les dépendances et multiplie interconnexions et redondances entre ses différentes échelles de fonctionnement. » BEATRICE QUENAULT 2013 3: « Compte tenu du foisonnement d'acceptations du terme pluridisciplinaire de résilience, il existe toute une nébuleuse de concepts afférents suivant le champ de littérature mobilisé et les préoccupations considérées ». p3 «Walker : « la capacité d'un système à absorber les perturbations et à se réorganiser tout en opérant des changements de manière à conserver essentiellement les même fonctions, structures, identité et rétroactions – en d'autres termes, pour rester dans le même bassin d'attraction ». DOVERS et HANDMER : « désormais la capacité adaptative qui inclut l'aptitude à préparer et à planifier l’occurrence des aléas de même qu'à mettre en œuvre des mesures de réponse avant, pendant et après la survenue d'un événement risqué est perçue comme partie intégrante de la résilience. » DJAMENT-TRAN, 2012 : « Pour être considéré comme résilient, un système se devrait d'être simultanément : redondant, diversifié et efficace ; autonome et collaboratif, participatif ; résistant et adaptable ; ate à tirer les leçons du passé et de faire face aux incertitudes du futur,etc. » Aschan-Leygoni, 98 : « La résilience renvoie alors à la capacité d'un enjeu à se maintenir dans le temps, voire à intégrer la perturbation à son fonctionnement. » Holling : résilience écologique : « la quantité de désordre qu'un écosystème peut absorber tout en conservant sa fonction » 2 hypothèses : « humains et nature sont étroitement liés et évoluent conjointement en un système socio-écologique » « la vision, jusque là dominante, selon laquelle les systèmes étaient soumis au changement dans une dynamique linéaire, et donc prévisible était fausse. » 1 http://www.cnrtl.fr/definition/résilience 2STATHOPOULOS Marco, Qu'est-ce que la résilience Urbaine ?. Revue URBANISME n°381 nov-dec 2011 3 Ibidem. 144
ANNEXE 2 : Base de données pour la conception de la carte mentale autour du terme de résilience. Folke 4: « La résilience écologique rejette la vision d'un équilibre unique, embrassant celle de plusieurs domaines de stabilité à l'intérieur desquels le système remplit ses fonctions et possède la même identité » Gunderson et Holling 5: « La résistance sert à contrer les chocs. La résilience est ce qui permet leur absorption et l'adaptabilité nécessaire pour que le système navigue entre ses différents domaines de stabilité » « Les tentatives de définition et d'élargissement de la vulnérabilité (Pelling 2003), axées sur la capacité de réponse des sociétés face à des événements préjudiciables ont contribué à mettre en avant le concept de résilience » « passant d'une vision traditionnelle de la résilience-état à une vision dynamique et multidimensionnelle de celle-ci comme processus ou stratégie. Sa diffusion et son enrichissement ont progressivement irrigué la littérature sur le changement climatique et ont également conduit à envisager l'application de la résilience au niveau des territoires ou des systèmes urbains. » BEATRICE QUENAULT dec 2014 6: « elle apparaît d'emblée comme une notion positive dans son opposition supposée à la vulnérabilité » « le concept séduit parce qu'il se veut neutre, au sens apolitique, rassembleur et opérationnel » p3. Utilisé par les institutions internationales sans aucun effort de définition. Résilience soit considérée : -Instrumentale : comme un processus (permet réduire la vulnérabilité) – Normative : « comme une propriété intrinsèque du système que l'on aimerait être en mesure d'évaluer » Holling : - Interactions systèmes intégrés société/Nature. -Système socio-écologique sujet à des cycles adaptatifs permanents. Tendance inhérente. Un concept passerelle :-Articulation des différents échelles spatio-temporelles. – entre échelons globaux et locaux. – Chocs locaux (brutaux et court terme) et perturbations planétaires (lentes et progressives). P14. YOUSSEF, BARROCA, SERRE 7: Résilience fonctionnelle : infrastructures. système technique étudié. Les systèmes techniques : « Ils sont constituent le « système nerveux » de la ville dans lequel la moindre défaillance peut avoir des conséquences en cascade sur le fonctionnement de la ville. » Corrélative : Capacité de service. Corrélative= relation demande d'un service et capacité du système à y répondre. « La résilience du système technique est possible lorsque la corrélation entre service et usage reste acceptable à tous les temps du risque ». territoriale : « La résilience territoriale exprime la capacité pour des conditions locales ou territoires 4 Ibidem. 5 Ibidem. 6QUENAULT Béatrice. « La résurgence/ convergence du triptyque « catastrophe- résilience- adaptation » pour (re)penser la « fabrique urbaine » face aux risques climatiques ». 7BARROCA Bruno, SERRE Damien et YOUSSEF. Diab, Le concept de résilience à l'épreuve du génie urbain. 145
ANNEXE 2 : Base de données pour la conception de la carte mentale autour du terme de résilience. locaux à mobiliser des conditions générales ou territoires plus larges » lien de solidarité = facteur important de la résilience CLARA VILLAR, MICHEL DAVID , 2014 8: « La résilience est une mise en mouvement, une recherche perpétuelle d'équilibre dynamique entre des caractéristiques paradoxales et des processus contraires : court terme et temps long, échelle locale et mondialisation, redondance et efficacité, sur-mesure et prêt à porter, autonomie et dépendance.. Il semble que son étude doive également rechercher l'équilibre entre une analyse systémique « méta » replaçant le territoire dans des dynamiques mondiales, économiques notamment, et une approche « infra » par monographies locales fines. » « La résilience est un concept polysémique dont le sens diffère selon la discipline qui la mobilise, le contexte dans lequel elle est utilisée et l'objectif qu'elle dessert ». « L'enjeu est de maintenir un niveau de fonctionnement grâce aux capacités et à la souplesse du système permettant sa persistance ». Entre « propriété intrinsèque », état de résilience et « processus » (temps de résilience).La propriété et le processus. Association : Durabilité, adaptation, robustesse, « d'autres concepts semblent devoir leur être associés afin d'éviter des dérives d'usage comme la gouvernance, l'équité et la démocratie ». Différenciation : développement durable, économie verte «la résilience, elle, renvoie à la transformation du modèle » « elle interroge la place de la société et des individus, et encourage un ré-équilibrage vers l'autonomie et la diversité, tout en recherchant l’efficacité ». SERGE SALAT , 2011 9: L'énergie créatrice : « La résilience des structures fractales est liée à leur pouvoir de se complexifier pour amortir les fluctuations, de transformer le ressac des vagues de l'histoire et du temps en force constructrice et non destructrice ». « Il y a un dialogue permanent entre les capacités de résilience de la ville et les contraintes qu'elle subit, entre les fluctuations qu'elle reçoit du milieu extérieur et sa résistance à ces fluctuations. » « la nature a prévu une redondance à toutes les échelles pour assurer la pérennité de ses structures »
8DAVID Michel (MDDE,CGGD) et VILLAR Clara (Cerema), La résilience, un outil pour les territoires ? 9SALAT Serge avec la collaboration de Françoise Labbé et Caroline Nowacki. LES VILLES ET LES FORMES, Sur l'urbanisme durable 146
ANNEXE 3 : Carte conceptuelle du terme résilience suite à la lecture de
Le concept de résilience à l'épreuve du génie urbain .
Réalisation d'une carte conceptuelle à partir du terme RESILIENCE et de ses trois déclinaisons. À partir de , Le concept de résilience à l'épreuve du génie urbain. BARROCA Bruno, SERRE Damien et YOUSSEF, Diab. (op.cit.)
147
ANNEXE 4 : Carte conceptuelle autour des termes RESILIENCE ET VULNERABILITE.
Réalisation d'une carte conceptuelle autour des conecpts de RESILIENCE et de VULNERABILITE Carte réalisée à partir du texte Retour critique sur la mobilisation du concept de résilience en lien avec l'adaptation des systèmes urbains au changement climatique de QUENAULT, Beatrice. (op. Cit.)
148
ANNEXE 5 : Premières approches sur la ville de Dunkerques. LA VILLE ET L'EAU, CONCEVOIR LA RESILIENCE. Vers un processus de conception basé sur la « cohabitation » ? Vers une démarche collaborative, collective et participative ?
La relation entre la ville et l'eau a toujours été historiquement et socialement interrogée. Venise, Hambourg, Rotterdam, un rapport de force incessant entre l'homme et la nature, praticité et inconvénients. Le renforcement des protections n'a cessé d'être toujours plus important, barrages, digues et canalisation apparaissant majoritairement comme seule solution. À l'heure où les changements climatiques sont plus que présents dans les pensées et la victoire de l'eau inévitable, de nouveaux enjeux voient le jour : passer de la contrainte à l'opportunité, du « contre » au « avec ». Une réponse commune semble récemment apparaître comme solution, l'adaptation. Ce serait rendre la ville moins vulnérable, plus robuste, plus résiliente. Il s'agit alors de découvrir comment ce principe de résilience peut-il « être lien » entre les différentes échelles d'intervention dans un nouvel urbanisme appelé « paysager ». Du territoire au quartier, de 2000 à 2050 à travers de nouveaux rapports à la nature, la problématique de l'existant mais aussi la culture d'une nouvelle forme de pensée. Si ce changement d'approche implique une nouvelle vision de la ville actuelle, c'est aussi une requalification de l'importance de ses acteurs. À présent la ville semble devoir cohabiter avec l'eau, mais cependant, la question d’une création partagée collaborative pourrait être davantage prise en compte, compte tenu de l'importance d'une initiative publique et politique, remarquable, pour une « recréation » de la ville (une nouvelle vision de la ville ?). Dunkerque et la résilience : La ville de Dunkerque est plus que jamais concernée par les problèmes de réchauffement climatique et de montée des eaux. En situation de polder, la ville de par son histoire a toujours eu un rapport direct avec l'eau. Port, fleuves et système de wateringues permettent l'attraction et le maintient de la ville d'un point de vue physique et économique. Face à la montée des eaux et tempêtes récentes, cette ville comme beaucoup d'autres est obligée de s'adapter à un milieu « changeant ». À travers différentes actions, la ville a déjà entamé une nouvelle forme de penser saisissant les opportunités qui lui sont proposées. En quoi la ville de Dunkerque s'inscrit-elle dans une démarche résiliente ? Cette prise de position se définie-t-elle à travers une cohabitation ville/ nature ? Quels en sont les principaux acteurs, moteurs de cette nouvelle conception ? Cette nouvelle vision est-elle génératrice de collaboration et de participation ? Un projet de conservatoire : Le site qui nous a été présenté semble pouvoir intégrer cette démarche de « résilience ». Bien qu'en dehors de la zone de PPRI élevée, sa situation en bord de canal apparaît comme une opportunité. C'est un nouveau rapport avec l'eau qui pourrait être mis en valeur afin de renforcer cette « sensibilisation » des habitants et renforcer cette possible cohabitation entre ville,eau et habitants. Un lieu, espace public favorisant ces échanges. Question de la communication dans la création du projet, du participatif, des possibles acteurs, des besoins de la ville, son impact sur elle.
149
ANNEXE 5 : Premières approches sur la ville de Dunkerques. Rencontre avec la ville de Dunkerque, présentation des travaux et échanges avec plusieurs « acteurs de la ville ». RETOUR Intervention de Bruno Cooren, directeur de la culture et des relations internationales de la ville de Dunkerque. Site : Le site se place sur une ancienne porte d'entrée de la ville de Dunkerque. C'est un lieu privilégié situé en bordure de canal potentiellement intéressant pour sa proximité entre le centre-ville et des équipements culturels importants de la ville comme le « bateau feu », la médiathèque ou encore le site des « 4 écluses ». Le site permettrait de créer une liaison entre le site des 4 écluses et la plage. Une valorisation du chemin de l'eau, le canal comme lien entre les différents équipements culturels de la ville. Le canal longeant le site est appelé « canal exutoire », il est à présent considéré comme l »égout » de la ville, il existe d'ailleurs une station d'épuration en amont. Il représente physiquement et psychologiquement une séparation en deux de la ville. Mode de pensée : Problème de culture Nationale du polder, le constat actuel est que la culture locale ne possède pas de compréhension vis à vis de la dépendance de la ville par rapport à l'eau. Sa situation géographique. Dans les années 50-80's la population de Dunkerque a doublé, il existe donc peu d'histoire familiale en relation avec la ville. « Il existe une non-compréhension, non-appropriation du patrimoine naturel par les habitants » « On ne sait pas où on est sur la carte ». Il n'existe pas de rapport entre fonction technique et poétique. Seule la fonction technique est mise en avant. Les canaux ne représentent plus un intérêt paysager pour la ballade, ces sites sont en majorité délaissés. Exemple de l'ancienne garde d'eau de la ville laissée à l'abandon. Intervention de l'Etat : Dunkerque nous est présenté comme « la ville d'Etat par excellence », ports et canaux lui appartenant. Monsieur Bruno Cooren qualifie alors la ville de « territoire hors- sol », un « simscity des ministères ».
Texte de Faustine Pauchet, étudiante du séminaire « Conception et expérimentation architecturales, urbaines et paysagères », ENSAP de Lille, décembre 2015.
150
RESUME A l'heure où les changements climatiques sont plus que présents dans les pensées et la victoire de l'eau inévitable, de nouveaux enjeux voient le jour: Passer de la contrainte à l'opportunité, du «contre» au «avec». Une réflexion commune semble récemment apparaître, l'adaptation. Il s'agirait de rendre la ville moins vulnérable, plus flexible, adaptable, plus résiliente. Il s'agit alors de découvrir comment ce principe de Résilience peut « être lien » entre les différentes échelles d'intervention dans un nouvel urbanisme de gestion de « l'urgence ». Ce changement d'approche implique une nouvelle vision de la ville actuelle, une requalification de l'importance de ses acteurs, des échelles d'interventions spatiales et temporelles. La particularité de cette recherche réside dans son désir de lier « approche résiliente » avec toutes les interprétations qu'elle implique et « approche urbaine » aux angles d'approche tous aussi larges. L'objet de cette recherche est donc multiple. Loin de vouloir fixer une acceptation définitive ou réaliser une forme d'approbation de ce concept, il s'agit avant tout de l'interroger. Parvenir à une définition globale ou une mise en application précise semblerait, bien que de toute manière difficilement réalisable, plus l'appauvrir que l'enrichir. L'objectif relève donc plus d'une mise en confrontation des différentes approches rencontrées afin de faire émerger ses limites et d'accentuer le débat sur « le discours de la résilience ». De mettre en relation ses interprétations dans le domaine de la recherche urbaine physique et sociale. Des approches plurielles et singulières. De mettre en avant le jeu d'échelles et d'acteurs qu'engendre l'utilisation de son terme. La polysémie d'un terme, entre générateur d'une nouvelle forme de penser et obstacle à une idée commune. Entre nécessité et ambiguïté. MOTS-CLEFS Resilience, risque, inondation, submersion, crise, concept, urbanisme, adaptation, cohabitation, participation, collectif, systémie, écosystème.
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