CHAPITRE 2
LE DUALISME JURIDICTIONNEL ET JURIDIQUE EN MATIÈRE DE DIVORCE EN RÉPUBLIQUE DE DJIBOUTI
André FAYE Maître de Conférences de Droit Public (H.D.R.) Université de Djibouti
Résumé Cette étude présente la particularité de la procédure et des règles applicables en matière de divorce à Djibouti. Cette particularité se manifeste à deux niveaux. D’abord au niveau du juge compétent : en cas de consentement mutuel entre les deux époux, le divorce est prononcé par le juge coutumier appelé Ma’adoun Al Chari. Par contre, en cas de demande unilatérale de divorce par l’un des conjoints, c’est le juge moderne qui est compétent pour en connaître. Ensuite au niveau des règles applicables : le Ma’adoun Al Chari applique un droit hybride à l’action de divorce portée à sa connaissance c’est-à-dire un droit coutumier largement influencé ou inspiré par le droit musulman (le Coran). Le juge moderne quant à lui applique un droit inspiré du Code la Famille marocain.
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Cette étude nous a permis aussi de faire, de façon incidente, une analyse critique de la cohérence et de la pertinence du dispositif relatif à la procédure de divorce et à ses conséquences.
Introduction Le système judiciaire de Djibouti se caractérise par l’existence d’une dualité juridictionnelle dans son organisation1. A côté des juridictions dites modernes d’inspiration française, siègent des juridictions coutumières. Quant à son système juridique il a la particularité d’être composé de trois sous-ordres juridiques ou de trois Droits : le Droit coutumier, le Droit charien et le Droit dit moderne. La dualité juridictionnelle remonte à la colonisation. Elle comprenait d’une part les juridictions dites coutumières qui englobaient les juridictions des premiers et second degrés et les tribunaux chariens. Ces juridictions fonctionnaient sous l’autorité des Kaadis. Elles étaient compétentes en matière de mariage et de successions. Un décret du 30 avril 1946 leur avait enlevé la compétence en matière répressive pour toutes les infractions commises par les individus nés à la Côte française des Somalis et des Dépendances qui n’ont pas le statut civil du droit français. D’autre part, il y avait les juridictions dites modernes d’inspiration française. Celles-ci étaient compétentes pour tous les litiges concernant les européens. Cette situation juridictionnelle (l’existence de deux ordres de juridictions compétentes presque dans les mêmes matières) présentait
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Cette dualité juridictionnelle ne correspond nullement à celle qui existe en France où nous avons d’une part les juridictions judiciaires compétentes en principe pour tous les litiges entre particuliers et d’autre part les juridictions administratives (tribunaux administratifs, cours d’Appel administratives, le Conseil d’Etat) qui connaissent de toutes les affaires dans lesquelles une personne publique est partie. A côté de ces juridictions administratives, il y a des juridictions spécialisées telle que la Cour des comptes et de discipline budgétaire.
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LE DUALISME JURIDICTIONNEL ET JURIDIQUE EN MATIÈRE DE DIVORCE EN RÉPUBLIQUE DE DJIBOUTI et présente encore, sans nul doute, des avantages2. Mais elle a été longtemps critiquée car semble-t-il, elle favorisait une justice à deux vitesses. C’est certainement pour corriger les injustices avérées ou supposées que des Etats généraux de la Justice ont été organisés en février 2001. Ils ont permis d’amorcer un changement important dans l’organisation de la justice Djiboutienne. En effet, ont été créées, en juin 2003 des juridictions de statut personnel qui ont remplacé les tribunaux de Charia institués dans chaque arrondissement de la ville de Djibouti et au chef lieu de chaque district de l’intérieur3 La coexistence de plusieurs Droits est une donnée que partagent, à des degrés divers, la plupart sinon la totalité des pays africains au Sud du Sahara. Le premier sous-ordre juridique, le Droit coutumier appelé « Kher »4 en République de Djibouti, régit toutes les affaires familiales notamment les fiançailles, le mariage, le divorce, les successions. Dans le souci d’une meilleure garantie des droits et libertés individuels, la matière répressive échappe jusqu’à présent à la justice coutumière5. Le recours au droit coutumier est très important dans ce pays. Cette situation peut s’expliquer par diverses raisons. La justice moderne de Djibouti est très jeune car faut-il encore le rappeler ce pays n’a accédé à la souveraineté internationale qu’en
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Nous reviendrons plus loin sur les avantages et inconvénients juridiques du recours au droit coutumier dans le règlement des litiges. 3
Voir la Loi N° 8 / AN / 03 / 5L° relative à l’organisation des juridictions de statut personnel, à leurs compétences et aux règles de procédures du 25 juin 2003.
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Voir « Les Origines du Xeer ou le contexte historique de sa naissance » dans Le Verdict de l’Arbre de Ali Moussa IYE (Le Xeer Issa, Etude d’une Démocratie pastorale) Printed at International Prinnting Press Dubaï, pp128 et ss. 5
En effet, le droit coutumier autorisait par exemple la vengeance de la mort d’un membre d’une tribu par l’autre tribu victime du dommage. Le maintien d’une telle pratique serait difficilement acceptable et justifiable pour un pays qui s’inscrit dans la voie démocratique.
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1977. Jusqu’en 2003, seuls des tribunaux de charia étaient compétents dans les matières civile et commerciale. D’autres raisons qui pourraient également servir comme éléments d’explication au recours massif au droit coutumier dans le règlement des litiges sont l’analphabétisme, la méconnaissance des textes et lois, certains facteurs et pesanteurs socioculturels, la peur du prétoire, les coûts élevés pour payer les honoraires d’un avocat, la proximité de la justice coutumière, etc. Ainsi nombreux sont ceux qui s’inscrivent dans la logique coutumière pour le règlement de leurs litiges. On dit souvent que la coutume renforce la solidarité sociale, en plus elle est gratuite, discrète et rapide. Le deuxième sous-ordre juridique applicable en terre djiboutienne est la Charia6. Elle est un ensemble de règles de conduite applicables aux musulmans. Ce terme « charia » utilisé dans le contexte religieux signifie le chemin pour respecter la loi de Dieu. Ainsi la Charia codifie les aspects privés et publics de la vie d’un musulman ainsi que ses rapports avec les autres musulmans. Cet ensemble est considéré par le monde musulman comme l’émanation de la volonté de Dieu. Une des raisons pouvant servir d’explication à l’application de la charia comme ensemble de normes juridiques à Djibouti est que ce pays est à plus de 99 % de musulmans. D’ailleurs la Constitution Djiboutienne du 4 septembre 1992 proclame dans son préambule que « l’Islam est la religion de l’Etat ». Enfin le troisième sous-ordre juridique est composé du Droit dit moderne. Ce droit est constitué par l’ensemble des textes législatifs nationaux et les instruments juridiques internationaux signés et ratifiés par la République de Djibouti. 6
Le mot Charia est cité dans le Coran comme étant la voie à suivre par les musulmans : « juge donc parmi eux d’après ce qu’Allah a fait descendre. Ne suis pas leurs passions, loin de la vérité qui t’est venue. A chacun de vous, Nous avons assigné une voie (chir’ah) et un plan à suivre. » (Sourate 5, verset 48, Sourate 42, verset 13 et 18)
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LE DUALISME JURIDICTIONNEL ET JURIDIQUE EN MATIÈRE DE DIVORCE EN RÉPUBLIQUE DE DJIBOUTI La coexistence du Droit coutumier du Droit charien ou musulman et du Droit moderne pose fréquemment des difficultés dans la pratique. Elle peut être et est souvent d’ailleurs source d’inégalités entre hommes et entre hommes et femmes. Face à cette situation comment les autorités djiboutiennes ont-elles essayé de concilier les dispositifs de ces différents Droits (coutumier, charien et moderne) dont l’application peut se révéler parfois contradictoire dans la pratique ? Le nouveau Code la Famille promulgué le 31 janvier 2002 tente d’apporter une réponse à cette interrogation en matière de droit de la Famille. Ce nouveau code a entre autres objectifs : – d’unifier la plénitude des droits existants en particulier en matière d’état des personnes (les fiançailles, le mariage, la filiation, le divorce, les successions, …). Par exemple, ce code prévoit des procédures précises dans ces différentes matières, ce qui garantit notamment les droits fondamentaux de la personne humaine. – de rendre conforme la législation nationale Djiboutienne avec les conventions et les pactes ou accords internationaux signés et ratifiés par les autorités nationales compétentes. – d’organiser la vie familiale base de toute société viable et civilisée. Ainsi par exemple, ce code de la Famille rompt avec la répudiation considérée aujourd’hui comme incompatible avec le respect des droits de la personne humaine7. En effet, pendant longtemps, la femme n’avait pas droit au chapitre lorsqu’il était question de divorce. La femme était répudiée parfois sans motif valable, sur simple désir du mari. Aujourd’hui, avec le nouveau code de la Famille, la répudiation est bannie. Le divorce est devenu une affaire du couple. 7
Voir « Les Femmes et le Xeer », in Le Verdict de l’Arbre (le Xeer Issa, Etude d’une Démocratie pastorale) de Ali Moussa IYE, op. cité, pp 195 et ss.
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Le Code de la famille prévoit désormais une procédure contentieuse pour toute dissolution du mariage. Le divorce ne peut plus avoir lieu que devant une autorité judiciaire (le juge moderne ou le Ma’adoun Al Chari8) qui doit statuer entre autres sur la réparation du préjudice moral et / ou matériel subi par l’un ou l’autre des deux conjoints. Mais avant d’aborder la question du divorce objet de cette étude, il semble intéressant de décrire le cadre dans lequel s’inscrit le mariage à Djibouti. Le mariage est marqué par l’emprise de la coutume et de la religion musulmane. Le mariage en tant qu’institution sociale tire son importance et sa primauté du fait qu’elle est la source légitime de formation d’une famille9 en l’Islam. En effet, le mariage y est considéré comme une recommandation divine10. L’objet de cette étude est d’analyser cette spécificité de l’arsenal juridique et juridictionnel de Djibouti en matière de dissolution du mariage et plus précisément en matière de divorce. Cette analyse se fera à partir de l’exploitation des différents documents recueillis tels que, les travaux préparatoires du nouveau code de la Famille, le Code de la Famille (Loi N°152/O2/4e L Portant Code de la Famille ), le rapport final des Etats généraux de la Justice, les textes législatifs pertinents en la matière, le Code pénal djiboutien de 1995, le nouveau Code du travail de 2007, la Loi N°8/AN/03/5 relative à l’organisation des juridictions de statut personnel, à leurs compétences et aux règles de procédures en date du 25 juin 2003, la Loi N°169/AN/02/4e L Portant organisation et compétence d’Al Ma’adoun al Chari ou statut d’Al Ma’adoun al Chari, les Conventions 8
Pour plus de détails sur cette autorité judiciaire particulière, voir le paragraphe II de la Section II à la page 18.
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La législation nationale djiboutienne n’admet pas le concubinage à fortiori le PACS comme source de formation d’une famille. Ces unions sont d’ailleurs bannies par l’Islam la religion d’Etat de Djibouti.
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Cf. Sourate 4, verset 3 du Coran « Epousez celles des femmes qui vous seront plaisantes, par deux, trois par quatre………… ». « En se mariant l’homme met en sûreté la moitié de sa religion, qu’il craint dieu avec l’autre moitié. Mariez-vous, multipliez-vous, je me glorifierai de vous le jour du jugement dernier »
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LE DUALISME JURIDICTIONNEL ET JURIDIQUE EN MATIÈRE DE DIVORCE EN RÉPUBLIQUE DE DJIBOUTI Internationales ratifiées par Djibouti et relatives aux droits de la personne humaine, le Rapport national d’évaluation décennale de mise en application du programme d’action de Beijing (juin 2004) réalisé par le Ministère de la Promotion de la Femme, du Bien être Familial et des Affaires sociales. La dissolution du mariage peut résulter, soit du décès de l’un des conjoints, soit du divorce. Mais dans le cadre de cette étude, il s’agit d’analyser les atteintes au lien matrimonial du vivant des deux conjoints, c’est-à-dire, au cours de cette période, des événements dont procède la dissolution du mariage. C’est pourquoi, cette analyse ne peut avoir pour objet le décès de l’un des conjoints, puisque ce dernier (le décès), non seulement permet de constater une survie du lien conjugal antérieur par l’existence d’un droit reconnu à la veuve de continuer de porter le nom de son mari défunt, mais en plus, le décès est la source pour le conjoint survivant de nouveaux droits, comme par exemple les droits successoraux, contrairement au divorce dont les effets sont considérablement différents. On admet, en principe, la liberté pour les conjoints de rompre le lien conjugal par un divorce. Mais comme toute liberté, celle-ci est juridiquement encadrée. Elle ne peut être exercée que conformément aux lois et textes qui la régissent (Titre III du Code de la Famille). Les cas dans lesquels l’un des conjoints ou les deux à la fois peuvent demander le divorce sont prévus par les articles 37 à 41 qui prévoient expressément les causes de divorce (Section I). La diversité de ces causes de divorce influe considérablement sur la procédure à suivre devant le juge (Section II). Mais quelle que soit la procédure suivie, l’objectif final recherché est le prononcé du divorce par le juge. Cette décision du juge de mettre un terme au lien conjugal produira inéluctablement des effets à l’égard des époux eux-mêmes et de leurs enfants (Section III). Le nouveau Code de la Famille a, sans aucun doute, apporté des progrès importants et très louables en matière de protection des droits
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de la famille. Mais, des réformes méritent d’être apportées aux textes existants afin de consolider la construction de l’Etat de droit. Ainsi nous nous proposons de soulever quelques pistes de réflexion qui pourraient permettre de faire évoluer le système juridique et juridictionnel vers une meilleure garantie des droits et libertés de la personne humaine (Section IV).
1. Section I : Les cas de divorce Chacun des époux peut agir en divorce en fondant son action soit dans un acte juridique soit dans un fait juridique. En effet les cas de divorce sont très nombreux et variés. Mais ils peuvent être classés en deux catégories. Il y a les cas de divorce trouvant leur expression dans la volonté commune des époux. Il s’agit du divorce par consentement mutuel. Ce divorce peut résulter soit d’une demande conjointe des deux époux soit d’une demande acceptée (PI). Il y a ensuite les cas de divorce trouvant leur expression dans un fait juridique. Il s’agit du divorce pour faute et du divorce pour rupture de la vie commune (PII).
1.1 PI : Les cas de divorce trouvant leur expression dans la volonté commune des conjoints Il s’agit du divorce par consentement mutuel et du divorce par acceptation du principe de la rupture du mariage. A : Le divorce par consentement mutuel. Selon l’article 39 alinéa 1 du Code de la Famille, le Ma’adoun reçoit et enregistre le divorce en cas de consentement mutuel des époux. Lorsque deux conjoints veulent mettre un terme à leur lien conjugal, ils ont la faculté de demander ensemble le divorce à
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LE DUALISME JURIDICTIONNEL ET JURIDIQUE EN MATIÈRE DE DIVORCE EN RÉPUBLIQUE DE DJIBOUTI l’autorité judiciaire compétente. Il s’agit du Ma’adoun Al Chari11 qui est seul compétent pour prononcer le divorce par consentement mutuel. Ils doivent par conséquent, les époux, rédiger une convention qui règle les conséquences de la rupture du lien conjugal. Les conditions prévues pour le divorce par consentement mutuel sont assez simples. L’idée est que, puisque les époux sont d’accord pour mettre un terme à leur mariage en évitant l’aspect contentieux, ils doivent régler les conditions de leur divorce eux-mêmes ainsi que les effets. En cas de divorce par consentement mutuel, les pouvoirs du Ma’adoun sont relativement limités. Néanmoins, il doit sur un angle purement formel examiner la demande de divorce avec les deux époux. Il doit également s’assurer que le consentement ainsi donné est réel, exempt de tout vice. En effet, leur consentement doit être clair. Chaque conjoint doit donner un consentement conscient (pas sous l’effet de l’alcool, pression, drogue, hallucinogène, violence12) auquel cas l’acte est et de nullité absolue. Chaque époux doit également donner un consentement sérieux. Il faut une intention sérieuse de divorcer. Le Ma’adoun Al chari doit être
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Le statut, les compétences ainsi que les obligations de cette autorité judiciaire seront développés davantage dans le Paragraphe II de cette même Section I consacré à la Procédure de divorce. Il sera également développé dans cette même partie, comme indiquée dans la table des matières, la forme de la requête introductive.
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Le juge français en particulier est très exigeant dans ce domaine lorsqu’il s’agit de contracter mariage. Ainsi le TGI de Paris du 6 juillet 1993 en a décidé ainsi à propos d’un ressortissant iranien de 34 ans en situation irrégulière qui avait épousé une riche veuve de 88 ans pour obtenir la nationalité française. Les héritiers ont obtenu l’annulation du mariage car selon l’expertise morale effectuée 3 ans après le mariage, l’épouse n’était plus en mesure depuis plusieurs années de manifester le discernement nécessaire pour s’engager dans les liens du mariage.
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convaincu de la réalité et du caractère sérieux de la volonté de chacun des conjoints et de la liberté de celle-ci13. À Djibouti, le Code de la Famille ne prévoit aucune condition relative à la durée exigée du mariage afin de pouvoir divorcer par consentement mutuel14. B : Le divorce par acceptation du principe de rupture du mariage. Selon l’article 39 alinéa 3 du Code de la Famille, le divorce peut être prononcé à la demande du mari ou à la demande de l’épouse par déposition. Cette déposition est appelée « kholo » en droit coutumier djiboutien. Il s’agit, ici, du cas de divorce demandé par l’épouse et accepté par le mari. Ce divorce accepté se fonde sur le simple constat par le juge de l’accord des époux sur le principe de la rupture du lien conjugal, en principe sans considération des motifs à l’origine de cette rupture. C’est pourquoi on considère également ce divorce comme étant un divorce sur double aveu. Il s’agit en quelque sorte d’un divorce assez semblable au divorce par consentement mutuel. Mais en réalité, il n’en est pas un car seul un des deux conjoints a été à l’origine de la requête, raison pour laquelle l’on dit qu’il n’est pas un vrai divorce équitable. L’idée générale dégagée par cet article 39 est dans ce cas un conjoint souhaite mettre fin au lien conjugal et l’autre ne s’y oppose pas.
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Le juge tenu de s’assurer de la volonté réelle et du libre accord persistant des époux, est fondé à rejeter la demande s’il constate un désaccord entre les époux au cours de l’instance d’homologation (Civ, 2e Chambre, 29 septembre 1982, Gaz. Pal.1983. 2.558. En cas d’empêchement avéré de l’un des époux de se déplacer, le juge peut, soit délivrer une commission rogatoire, soit se déplacer lui même (Civ, Paris, 28 juin 1996, Gaz. Pal. 1997. 1. 102 14 En France selon l’article 230 alinéa 3 du code civil « le divorce par consentement mutuel ne peut être demandé au cours des six premiers mois du mariage ».
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LE DUALISME JURIDICTIONNEL ET JURIDIQUE EN MATIÈRE DE DIVORCE EN RÉPUBLIQUE DE DJIBOUTI Ce sont donc au final les deux époux qui sont consentants sur le principe du divorce mais qui n’arrivent pas eux-mêmes à régler les conséquences de celui-ci. C’est pourquoi l’intervention du juge moderne devient obligatoire15. Ce divorce est toutefois encadré. Il ne peut être prononcé que si certaines conditions sont respectées. En effet, l’acceptation du conjoint ou de la conjointe doit être recueillie dans des conditions permettant au juge de s’assurer de son accord libre et sérieux. C’est la raison pour laquelle, il est souvent exigé à ce que le conjoint ou la conjointe qui accepte la demande soit assisté(e) par une tierce personne (parent, avocat, ou conseiller conformément à l’article 11 de la Loi n°8/AN/03/5 du 25 juin 2003) en particulier lorsqu’il ou elle est analphabète. En règle générale, une fois que l’acceptation a été faite conformément aux dispositions en vigueur, il n’est plus possible à l’intéressé(e) de se rétracter même par la voie d’appel. L’objectif de cette limitation est sans nul doute la recherche d’une plus grande sécurité juridique en interdisant la remise en cause dilatoire de l’acceptation du divorce.
1.2 PII : Les cas de divorce trouvant leur expression dans un fait juridique L’article 39 alinéa 2 du Code de la Famille dispose que « le tribunal prononce le divorce à la demande de l’épouse en raison des préjudices qu’elle a subis ». Dans son alinéa 3, il dispose aussi que l’épouse peut demander le divorce par déposition. L’analyse de ces deux alinéas révèle que les causes susceptibles de mettre un terme au lien conjugal peuvent être réparties en deux catégories. Il y a d’une part les faits fautifs qui impliquent un système de responsabilité subjective.
15 Pour plus de précisions sur le rôle du juge dans ce cas de divorce, voir le Paragraphe II de la Section II.
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Il y a d’autre part les faits non fautifs qui impliquent un système de responsabilité objective. A : les faits fautifs qui impliquent un système de responsabilité subjective. Ces faits fautifs également appelés causes facultatives de divorce sont laissés à la libre appréciation du juge. Ce dernier peut estimer que tel fait reproché à un(e) conjoint(e) est en effet une cause de divorce. Les textes juridiques de base sont les articles 22, 39, 47, 48, du Code de la Famille. L’article 39 dispose que le tribunal prononce le divorce à la demande de l’épouse en raison des préjudices qu’elle a subis. Il peut s’agir du défaut d’entretien de la femme par le mari, de l’abandon de famille ou du domicile conjugal, du refus de l’un des époux d’exécuter les engagements pris lors de la conclusion du mariage, des mauvais traitements, excès, sévices ou injures graves rendant impossible l’existence en commun, de l’incompatibilité d’humeur rendant intolérable le maintien du lien conjugal, de l’adultère ou de l’infidélité, de la non consommation fautive du mariage, de la stérilité… Ces faits sont non seulement des causes de divorce mais la plupart sont également punis par le code pénal djiboutien de 1995. Par exemple l’article 325 dudit code pénal punit de vingt ans de réclusion criminelle le fait de soumettre le conjoint à des tortures ou à des actes de barbarie. Concernant l’abandon de famille (matériel, moral ou pécuniaire16), l’article 472 du Code pénal prévoit « le fait pour un père ou une mère 16
Le Code pénal dans son article 476 prévoit que « le fait pour une personne de ne pas exécuter une décision de justice ou une convention judiciairement homologuée lui imposant de verser au profit d’un enfant mineur, légitime, naturel ou adoptif, d’un descendant, d’un ascendant ou du conjoint, une pension, une contribution, des subsides ou des prestations de toute nature dues en raison de l’une des obligations familiales prévues par le code de la Famille, en demeurant plus de deux mois sans
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LE DUALISME JURIDICTIONNEL ET JURIDIQUE EN MATIÈRE DE DIVORCE EN RÉPUBLIQUE DE DJIBOUTI de famille d’abandonner sans motif grave, plus de deux mois, la résidence familiale et de se soustraire à tout ou partie des obligations résultant de l’autorité parentale est puni d’un an d’emprisonnement et de 200 000 francs djiboutiens » (environ 845 euros). L’article 22 du Code de la Famille introduit une innovation majeure en ce qui concerne les causes du divorce. Selon cet article, l’épouse peut saisir le juge aux fins d’apprécier le préjudice par un nouveau mariage de son mari polygame. En effet, l’époux qui souhaite prendre une deuxième épouse doit avoir les moyens notamment financiers pour entretenir les deux coépouses. L’arrivée de la deuxième épouse ne doit pas déstabiliser le premier ménage. D’après un adage djiboutien « souguteh bouxa mabayssan, ousha bouxah ». Ce qui veut dire qu’on ne bâtie pas un second foyer pour en détruire le premier. L’article 47 du Code de la Famille dispose que le mari indigent ne doit pas d’aliments. Cependant si à l’expiration d’un délai de deux mois accordé par le juge, il ne peut exécuter cette obligation, le juge prononcera le divorce à la demande de l’épouse. Toutefois, si la femme était en connaissance de la situation du mari lors de la célébration du mariage, elle n’a pas le droit de réclamer le divorce. Si le mari, se trouvant sans ressources, quitte la femme sans lui avoir assuré les aliments et si personne n’y pourvoit, durant l’absence, le juge impartit au mari un délai d’un mois pour revenir s’il est dans le pays et de trois mois s’il se trouve à l’étranger. A l’expiration de ce délai, le juge prononcera le divorce à la demande de la femme. Elle devra, à l’appui des faits qu’elle évoque, prêter serment préalablement (article 48 du Code de la Famille). Le divorce peut donc être demandé par un conjoint (le mari ou la femme) pour des faits imputables à l’autre lorsque ces derniers sont constitutifs de violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage et rendent impossible ou intolérable le maintien du lien conjugal. C’est-à-dire que ces faits doivent rendre insupportable la
s’acquitter intégralement de cette obligation, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 500 000 F d’amende ».
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continuation de la vie commune sous réserve de l’attitude de l’autre conjoint dont on doit tenir compte. B : les faits non fautifs qui impliquent un système de responsabilité objective. Ces faits également appelés causes péremptoires échappent à l’appréciation du juge. Ce sont des causes définies par la loi sur lesquelles le juge n’a en principe aucun pourvoir d’appréciation. C’est la raison pour laquelle le juge est tenu de prononcer le divorce en présence de telle(s) cause(s). Certaines de ces causes sont en effet considérées comme des faits graves et d’une gravité inexcusable commis par un conjoint et qui rendent intolérable le maintien du lien conjugal. Il s’agit principalement de la condamnation de l’un des conjoints à une peine de réclusion ou de détention criminelle à perpétuité, sauf, en principe lorsque la complicité du conjoint demandeur est établie. Il faut également souligner que le jugement déclaratif d’absence17 ou de disparition (prévu par le Titre 8 du Code de la Famille) produit des effets extrapatrimoniaux. Le jugement déclaratif d’absence ou de disparition permet au conjoint de demander le divorce pour cause d’absence. Ce divorce est opposable à l’absent à son retour après le jugement déclaratif d’absence. Si l’absent réapparaît après le jugement déclaratif de décès, le nouveau mariage de son conjoint lui est opposable.
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Le code de la Famille est muet sur la notion d’absence qui est pourtant une cause de divorce. Il s’agit là donc d’une lacune juridique à combler. Comme pour la Disparition le Code de la Famille doit comporter un Titre consacré à l’Absence.
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2. Section II : Les procédures en matière de divorce Il existe deux procédures de divorce à Djibouti et deux juges compétents en la matière18. Selon l’article 38 alinéa 1 du Code de la Famille « Le divorce ne peut avoir lieu que devant Al ma’adoun ou devant le tribunal ». Lorsqu’il s’agit d’un divorce par consentement mutuel, c’est le Ma’adoun (le juge musulman) qui est compétent. Par contre, dans les autres cas de divorce, c’est-à-dire les divorces contentieux, c’est le Tribunal de statut personnel de Première Instance (juge moderne) qui est seul compétent pour en connaître. En effet, le Code de la Famille n’a pas confié au Ma’adoun les cas des époux non consentants afin de trouver une issue à leur mariage chancelant19. Le juge moderne a été préféré à ce dernier dans une telle situation. Ce choix est certainement dicté par le souci d’une meilleure garantie des droits des parties en litige.
2.1 PI : De la compétence du juge musulman en matière de divorce par consentement mutuel Les textes juridiques qui organisent cette procédure sont l’article 39 du code de la Famille et la Loi n°169/AN/02/4e L du 9 juillet 2002 portant Organisation et compétences d’Al Ma’adoun al Chari ou statut d’Al Ma’adoun al Chari.
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En France, il y a un seul juge compétent en matière de divorce. Selon l’article 247 alinéa 1er du Code civil, c’est le Tribunal de Grande Instance qui est territorialement compétent. Il est le seul compétent pour se prononcer sur le divorce et ses conséquences. Mais il y a deux procédures : une applicable au divorce par consentement mutuel (Articles 250 à 250-3 du code civil et 1088 à 1105 du nouveau code de procédure civile) et une autre applicable aux autres cas de divorce (Article 220-1, 251 à 257 du code civil et les articles 1111 à 1116 du code de procédure civile). Jusqu’au 1er février 1994, la procédure se déroulait entièrement devant le juge des Affaires Matrimoniales (JAM). Désormais, c’est le Juge des Affaires Familiales (JAF) qui est compétent en la matière. Au Sénégal, la procédure de divorce est organisée par les articles 167 à 175 du code de la Famille. 19 Par contre en France, le Juge des Affaires Familiales est compétent pour prononcer le divorce quelque soit la cause (Article 247 alinéa 3 du code civil).
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Ces textes prévoient la saisine du Ma’adoun en précisant notamment la forme et le contenu de la requête introductive (B) ainsi que les pouvoirs et les obligations du Ma’adoun et le contenu de l’acte de divorce (C). Mais avant d’aborder ces deux points, il serait intéressant de voir le statut de cette seule autorité autorisée légalement à recevoir et à enregistrer le divorce par consentement mutuel (article 39 du code de la famille et article 2 de la Loi n°169/AN/02/4e L du 9 juillet 2002) (A). A : Statut et compétence du Ma’adoun al Chari. Le texte juridique de base est la Loi n°169/AN/02/4e L du 9 juillet 2002. Selon cette loi, le Ma’adoun est nommé par arrêté pris en Conseil des ministres sur proposition du Ministre de la Justice. Il est un juge musulman ou charien. Pour être nommé à cette fonction, le candidat doit remplir certaines conditions. Il faut : – Être de nationalité djiboutienne ; – Être âgé de 25 ans au moins ; – Être titulaire au moins du diplôme de baccalauréat reconnu par l’État de Djibouti ou d’un autre diplôme admis en équivalence. Cette condition est très restrictive dans la réalité même si elle paraît large. En effet, la plupart sinon la quasi-totalité des Ma’adoun ont fait leurs études supérieures dans les pays arabes (notamment en Egypte, au Yémen et en Arabie Saoudite)20. Ils appliquent le droit charien saupoudré de quelques règles coutumières lors des litiges qui leur sont soumis.
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Cette situation a une portée importante sur la forme des requêtes introduites par les parties désirant divorcer. Nous y reviendrons avec plus de détails dans le B de ce même paragraphe.
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LE DUALISME JURIDICTIONNEL ET JURIDIQUE EN MATIÈRE DE DIVORCE EN RÉPUBLIQUE DE DJIBOUTI – Satisfaire à un examen dont les modalités d’organisation sont fixées par un arrêté ; – Jouir de ses droits civiques et civils. Le Ma’adoun exerce sa compétence sur un espace géographique limité à celui d’un arrondissement. Il est donc compétent pour se prononcer sur les cas de divorce par consentement mutuel dans le ressort duquel le défendeur a son domicile. Selon l’article 5 de la loi citée ci-dessus, le Ma’adoun est également habilité à concilier les époux en cas de litiges conjugaux et surtout à recevoir les déclarations de divorce par consentement mutuel et de délivrer les actes les concernant. Ces actes doivent être établis selon un formulaire bien défini. Le rôle du Ma’adoun est très limité en matière de divorce par consentement mutuel. La loi dit bien qu’il est simplement habilité « à recevoir… et à délivrer… ». Il n’a donc pas de pouvoir d’appréciation. En ce sens qu’il ne peut rejeter la demande des époux ayant consenti à mettre fin à leur lien conjugal. Il ne peut au plus que recevoir et enregistrer le divorce selon les termes mêmes de l’article 39 alinéa 1 du Code de la Famille. Le divorce est donc une affaire du couple. Ce sont eux qui en prennent l’initiative et qui règlent les conditions de leur divorce ainsi que ses effets. Le rôle extrêmement limité du Ma’adoun se résume donc à vérifier ou à contrôler la sincérité du consentement des époux qui souhaitent divorcer. Les époux doivent établir une convention expliquant la manière dont ils comptent partager les biens du ménage, la garde des enfants, leur pension alimentaire… Souvent le Ma’adoun homologue cette convention sans en modifier la teneur21. Il peut toutefois avec l’accord des conjoints en modifier 21 Le juge ne peut homologuer la convention et prononcer le divorce que s’il constate que cette convention préserve suffisamment l’intérêt des enfants et des époux. (Civ. 2e, 27 mai 1998, Bill. Civ. II, n°165). Refus pur et simple d’homologation, les intérêts de la femme étant insuffisamment préservés (Civ, Paris, 10 octobre 1990, Dalloz, 1990).
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CHAPITRE 2
certaines dispositions lorsque celles-ci paraissent préjudiciables à l’intérêt de l’un des conjoints ou aux enfants. Avant de prononcer le divorce le Ma’adoun Al chari doit tenter de concilier les époux même si leur décision de rompre le lien conjugal semble irréversible. B : La forme et le contenu de la requête introductive et les obligations du Ma’adoun Al chari. Les époux demandeurs en divorce par consentement mutuel doivent, en personne, présenter au Ma’adoun Al Chari leur requête écrite ou verbale. Ils peuvent se faire accompagner par leurs parents s’ils le désirent. La présence d’un avocat n’est pas obligatoire22. En effet, si le divorce est d’abord une affaire entre deux conjoints, elle concerne aussi le cercle familial entendu au sens large, voire même la tribu. Rappelons que la société Djiboutienne se caractérise particulièrement par une grande influence qu’exerce la tribu sur les membres du groupe qui la composent. Lorsque la demande est orale, elle est aussitôt constatée par les soins de la personne faisant office de greffier et signée par les requérants. Lorsque la demande est présentée sous forme écrite, elle est obligatoirement transcrite en arabe car les Ma’adoun Al Chari rédigent leurs décisions en langue arabe même si celles-ci contiennent parfois des considérations d’ordre coutumier.
22
En France, la demande est présentée par les avocats respectifs des parties ou leur avocat choisi d’un commun accord, l’article 250 du code civil reprenant ainsi les dispositions de l’ancien article du même code. La requête ne doit pas indiquer les faits à l’origine de la demande. Elle doit par contre, à peine d’irrecevabilité contenir les différentes indications et mentions visées à l’article 1090 du nouveau code de procédure civile (état des époux et des enfants, date et lieu du mariage, affiliation aux organismes sociaux, indication du nom du ou des avocats…). La requête doit être datée et signée par chacun des époux et de leur avocat sous peine d’irrecevabilité. Au Sénégal, la procédure de divorce est organisée par les articles 167 à 175 du code de la famille.
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LE DUALISME JURIDICTIONNEL ET JURIDIQUE EN MATIÈRE DE DIVORCE EN RÉPUBLIQUE DE DJIBOUTI La demande doit contenir certaines informations telles que les nom et prénoms des conjoints et de leurs enfants, la date et le lieu de leur mariage. Les parties ne sont pas, en principe, obligées de donner les raisons ou les motifs de leur décision de divorcer. Ils n’ont donc, en principe, pas d’explication à donner au Ma’adoun. L’article 11 de la Loi n°169/AN/02/4e L portant organisation et compétence d’Al Ma’adoun dispose que ce dernier doit enregistrer toutes les mentions relatives au divorce, les signer et les faire signer aussi par les conjoints. Il doit, en outre, dresser les actes de divorce en arabe en cinq exemplaires dont deux sont remis aux époux, un expédié à l’officier d’état civil, un à la juridiction chargée du statut personnel auprès de la Cour d’Appel et le dernier exemplaire est classé aux Archives du bureau du Ma’adoun. Ce dernier est tenu de faire ce travail dans un délai qui ne doit pas excéder un mois à compter de la date où le divorce à été prononcé. La loi prévoit que toute omission de ces obligations entraînera une amende de 30 000 Francs Djiboutiens environ 125 Euros (article13 de la Loi n° 169 Portant Organisation et compétence d’Al Ma’adoun al-chari). C : Le contenu de l’acte de divorce. Il s’agit d’analyser, ici, les éléments que doit contenir obligatoirement l’acte de divorce. Mais, il faut d’abord rappeler que l’acte de divorce est rédigé uniquement en arabe. Selon la loi, en cas de divorce par consentement mutuel, l’acte de divorce doit comporter les renseignements suivants : – La tentative de conciliation infructueuse, – La nature du divorce c’est-à-dire qu’il s’agit d’un divorce par consentement mutuel, – La date de l’acte de divorce,
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CHAPITRE 2
– Le règlement de la question du « mahr23 » Le divorce par consentement mutuel pose rarement de problème car les conjoints sont sensés être d’accord sur tout avant de saisir le Ma’adoun de leur requête. Mais la question qui se pose est de savoir si un des conjoints peut après attaquer cet accord sans remettre en cause le divorce en invoquant par exemple un consentement vicié par l’erreur.24 Dans un délai d’un mois, tous les éléments cités ci-dessus doivent être consignés dans un procès verbal obligatoirement signé par le Ma’adoun et les deux époux. Pendant cette période durant laquelle le procès verbal doit être rédigé, il est formellement interdit aux parties de porter leur différend devant le juge moderne (article 11 de la Loi n°169 citée ci-dessus). Après ce délai d’un mois, le recours en contestation devant le juge moderne devient possible. L’époux qui désire saisir le juge dispose d’un délai d’un mois. Passé ce délai, il y a forclusion. Mais, le recours porté devant le juge moderne n’est pas suspensif. Le procès verbal reste exécutoire jusqu’à l’intervention de la décision du juge.
23
Le « Mahr » est un cadeau offert par l’époux à son épouse lors de la célébration du mariage. Il peut être constitué par tout bien licite évaluable en argent. Le montant du « mahr » doit être ni exagéré ni dérisoire. Il constitue pour l’épouse un bien dont elle dispose librement (Article 20 du Code de la Famille). Le mari ne doit pas, s’il n’a pas acquitté le Mahr, contraindre la femme à la consommation du mariage. Après consommation du mariage, la femme créancière du Mahr ne peut qu’en réclamer le paiement. Le défaut de paiement par le mari ne constitue pas une cause de divorce (Article 21 du Code de la Famille). Le mot « Mahr » est cité à plusieurs reprises dans le Coran comme étant une chose due à l‘épouse. Voir La Sourate « An-Nisà (Les Femmes) Verset 24. « Donnez leur Mahr comme une chose due ». 24
Ainsi, au moment du divorce, l’épouse explique qu’elle est dans une détresse totale, qu’elle est sans emploi. A partir de ces éléments, le mari s’engage à lui verser 3 000 FF, par mois. Quelques temps plus tard, l’époux se rend compte que l’épouse lui a menti. Est-il possible pour l’ex-époux de remettre en cause la convention par voie judiciaire ? La Cour de cassation française a tranché cette question en considérant que le prononcé du divorce et l’homologation de la convention ont un caractère indissociable et ne peut être remis en cause hors des cas limités par la loi (Cour de cassation 2e Chambre civile du 6 mai 1987 et Cour de cassation, 1re Chambre civile 18 octobre 1994). On considère que la convention est absorbée par le divorce.
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LE DUALISME JURIDICTIONNEL ET JURIDIQUE EN MATIÈRE DE DIVORCE EN RÉPUBLIQUE DE DJIBOUTI
2.2 PII : De la compétence du tribunal du statut personnel de Première Instance (ou juge moderne) en matière de procédure applicable aux autres cas de divorce Les textes juridiques de base sont les articles 39 et 40 du Code de la Famille. Selon l’article 39, le Tribunal prononce le divorce à la demande du mari, à la demande de l’épouse en raison des préjudices qu’elle a subis ou à la demande de l’épouse par déposition « kholo ». A : Le tribunal de statut personnel de Première Instance : juge de premier ressort en matière de divorce contentieux. Les tribunaux de charia qui avaient été institués dans chaque arrondissement de la Ville de Djibouti et au Chef lieu de chaque district à l’intérieur du pays ont été remplacés en juin 2003 par un Tribunal dit de Statut personnel de Première Instance. Il siège à Djibouti-ville et sa compétence s’étend à l’ensemble du territoire national. La composition de cette juridiction est relativement simple. Elle comprend un Président assisté par quelques juges. Le tribunal statue à juge unique (article 2 de la Loi n°8/AN/03/5° L relative à l’organisation des juridictions de statut personnel, à leurs compétences et aux règles de procédure). En cas d’empêchement, le Président est remplacé par le juge le plus ancien dans le grade le plus élevé et à égalité par celui le plus âgé. A côté de ces magistrats, le tribunal compte un greffier dont le rôle est d’enregistrer les requêtes, de recevoir les déclarations des plaignants. Selon l’article 6 de la Loi citée ci-dessus, le Tribunal de statut personnel est compétent pour se prononcer en premier ressort sur tous les litiges relatifs au mariage, à la filiation, au divorce, à la garde des enfants, à la pension alimentaire ainsi que toutes les affaires relatives au statut personnel.
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Ce sont cet article 6 et celui 39 du Code de la Famille qui définissent le partage des compétences entre le juge moderne et le juge musulman (Al Ma’adoun al-chari) en matière de divorce. Le divorce par consentement mutuel relève de la compétence exclusive du second quant au divorce contentieux, c’est le premier juge qui doit en connaître. Ce partage de compétences entre deux juges dans une même matière (le divorce) peut paraître paradoxal. En maintenant les juridictions coutumières ou musulmanes à côté des juridictions dites modernes, le législateur djiboutien a voulu certainement tenir compte de certaines réalités socioculturelles et religieuses (la population est musulmane à plus de 99 % et elle reste très attachée à la charia et aux traditions, aussi le taux élevé d’analphabètes et donc la méconnaissance des textes et des lois laisse penser qu’il est plus facile à la majorité de ces gens de porter leur affaire devant le juge coutumier ou charien). Aussi, il faut noter que le juge coutumier ou charien n’intervient qu’en matière de divorce par consentement mutuel. En lui confiant ce rôle, le législateur désengorge ainsi le juge moderne d’autant plus qu’en matière de divorce par consentement mutuel, il y a moins de risque à ce que les intérêts ou les droits de l’un des époux ne soient pas respectés, les effets du divorce étant réglés conventionnellement par les parties elles-mêmes. La création de cette juridiction moderne à partir de juin 2003 s’explique certainement par le désir de l’Etat djiboutien non seulement de moderniser sa justice au regard de ses engagements internationaux mais également de rendre celle-ci plus efficace et plus soucieuse du respect des droits et libertés individuels. B : La Forme et le contenu de la requête introductive. Le tribunal doit être saisi, soit par requête écrite et signée du demandeur ou de son mandataire au greffe du tribunal, soit par déclaration du demandeur comparant en personne. Dans ce dernier cas un procès verbal doit être dressé par le greffier devant qui la déclaration a été faite. Cette déclaration doit, pour être recevable, être
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LE DUALISME JURIDICTIONNEL ET JURIDIQUE EN MATIÈRE DE DIVORCE EN RÉPUBLIQUE DE DJIBOUTI signée par le demandeur. Lorsque ce dernier ne sait pas signer, il doit déposer son empreinte digitale sur la déclaration. La requête ou la déclaration doit être inscrite dans un registre spécialement prévu à cet effet. Un extrait de cette inscription est délivré à la partie ayant introduit l’action en demande de divorce. La requête introductive ou le procès verbal constatant la déclaration doit contenir les mentions suivantes : l’identité des parties, leur domicile ou résidence ainsi que l’objet de la demande25. Normalement, le demandeur doit déposer au greffe du tribunal une copie de l’acte de mariage, ainsi que le cas échéant les actes de naissance et de décès de tous les enfants issus du mariage. C : Le déroulement de l’instance. La procédure commence par l’introduction ou la déclaration unilatérale d’un époux. Dans les trois jours suivant la réception de la demande de divorce, le juge doit convoquer les parties à une audience dont le délai imparti ne peut dépasser quinze jours. La convocation rédigée par le juge doit mentionner les noms et profession du demandeur, l’objet de la demande, le jour et l’heure de comparution. Elle est transmise aux parties par voie d’huissier de justice, des servies de Police ou de Gendarmerie nationale (article 10 de la Loi n°8 relative à l’organisation des juridictions de statut personnel… et aux règles de procédures). Il est fait obligation aux parties de comparaître devant le tribunal au jour et à l’heure mentionnés dans la convocation. Les parties 25
En France, l’article 1106 du nouveau code de procédure civile dispose que « la requête n’indique ni le fondement juridique de la demande en divorce ni les faits à l’origine de celle-ci ». Egalement l’article 251 du code civil impose l’absence d’indication des motifs du divorce. Cependant, l’article 1106 du Code de procédure civile impose la mention des demandes formées au titre des mesures provisoires et d’un exposé sommaire de leurs motifs. Cette mention permet aux parties de connaître avant l’audience les demandes de l’autre partie et de pouvoir par conséquent s’y préparer.
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peuvent se faire assister par un avocat inscrit au Barreau ou par toute personne de leur choix (article 11 de la Loi citée ci-dessus). La présence d’un avocat n’est pas obligatoire26. Si au jour fixé par la convocation à comparaître devant le tribunal, le demandeur ne se présente pas et ne justifie pas son absence par un cas de force majeure, la demande est rayée du rôle et elle ne peut plus être reprise qu’une seule fois en respectant les formes prévues pour la demande initiale, sous peine de déchéance. Si par contre le juge est informé par lettre par les parents du demandeur, par ses voisins ou amis que ce dernier n’a pas pu être avisé de la teneur de la convocation adressée à son domicile ou qu’il n’est pas en mesure de comparaître en raison d’absence ou de maladie grave, le juge peut renvoyer l’affaire à une autre audience article 12 de la Loi n°8/AN/03/5° L relative à l’organisation des juridictions de statut personnel, à leurs compétences et aux règles de procédures). • L’audience de conciliation Selon l’article 40 du Code de la Famille, le divorce ne peut être prononcé qu’après une tentative de conciliation faite par le tribunal et demeurée infructueuse. L’article 15 de la Loi portant Organisation des juridictions de statut personnel dispose aussi que le juge doit s’efforcer de parvenir à une conciliation. S’il y parvient, il dresse un procès verbal qui a force obligatoire. Le Président du Tribunal de statut personnel de Première Instance doit donc convoquer les époux en vue d’une tentative de conciliation. Selon l’article 16 de la Loi citée ci-dessus, l’audience de conciliation n’est pas publique. Elle se déroule donc à huis clos en présence de quelques parents ou amis lorsque les époux le désirent. Le Président écoute les époux ensuite les parents éventuellement. Après cette tentative, il y a trois possibilités :
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En France l’assistance d’un avocat est obligatoire pour accepter, lors de l’audience de conciliation, le principe de la rupture du lien conjugal (article 253 du nouveau code civil).
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LE DUALISME JURIDICTIONNEL ET JURIDIQUE EN MATIÈRE DE DIVORCE EN RÉPUBLIQUE DE DJIBOUTI – soit les époux se réconcilient et la procédure s’arrête à ce stade, – soit, selon le Président du tribunal, la réconciliation paraît possible après un délai de réflexion car les époux ne sont plus sûrs de divorcer. Dans ce cas, le Président peut leur donner une deuxième chance en reprenant une nouvelle audience qu’il fixera plus tard. – soit enfin, la tentative échoue. Et malheureusement, c’est ce qui se passe souvent. En cas de non-conciliation, le Président doit ordonner d’office toutes les mesures urgentes concernant la résidence des époux, les aliments, la garde des enfants et le droit de visite, sauf si les époux renoncent expressément à ces mesures en tout ou partie (article 40 alinéa 2 du Code de la Famille). En cas d’existence d’enfants, le juge peut commettre toute personne qualifiée pour recueillir des renseignements sur la situation matérielle et morale de la famille, sur les conditions dans lesquelles les enfants vivent, sont gardés, éduqués et donner son avis sur les mesures à prendre pour fixer l’attribution définitive de la garde. Le tribunal fixe aussi le montant de la pension alimentaire en tenant compte des éléments d’appréciation dont il dispose lors de la tentative de conciliation. Les mesures urgentes font l’objet d’une ordonnance exécutoire sur minute qui n’est susceptible ni d’appel ni de pourvoi en cassation. Cependant, cette ordonnance pourra être révisée tant que le juge n’aura pas statué au fond. L’audience de conciliation est une phase préparatoire à l’audience de jugement.
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• L’audience de jugement L’audience est normalement publique à moins que cette publicité ne soit dangereuse pour l’ordre public ou porte atteinte à la vie privée ou aux bonnes mœurs auquel cas le juge peut décider qu’elle se tiendra à huis clos. L’article 40 alinéa 4 du Code de la Famille prévoit que le tribunal statue en premier ressort sur la demande en divorce et sur les chefs qui en découlent. Trois possibilités s’offrent au tribunal: – soit il peut rejeter la demande lorsque les motifs évoqués ne sont pas fondés, – soit il peut prononcer le divorce aux torts exclusifs du défendeur, – soit il peut prononcer le divorce aux torts partagés au lieu du tort exclusif de l’un ou l’autre époux. En cas de prononcé du divorce, le tribunal fixe le montant de la pension alimentaire due à la femme divorcée ainsi que le montant du préjudice matériel et / ou moral subi par cette dernière en tenant compte des revenus du mari (article 39 dernier alinéa du Code de la Famille). Il statue également sur les mesures urgentes qui ont fait l’objet de l’ordonnance de référé exécutoire sur minute du juge conciliateur. Les dispositions du jugement relatives à la garde des enfants, à la pension alimentaire, à la résidence des époux et au droit de visite, sont exécutoires nonobstant appel ou pourvoi en cassation (article 40 alinéa 5 du Code de la Famille). • L’administration de la preuve Normalement, la preuve de la cause du divorce est à la charge de l’époux demandeur et celle des moyens de défense à l’époux défendeur. Ce schéma de la charge de la preuve convient
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LE DUALISME JURIDICTIONNEL ET JURIDIQUE EN MATIÈRE DE DIVORCE EN RÉPUBLIQUE DE DJIBOUTI essentiellement au divorce pour faute ou pour rupture de la vie commune. Le juge, étant en principe neutre, doit juger exclusivement d’après ce qui a été allégué et prouvé par les époux. Il n’a donc pas à rechercher d’office d’autres preuves. En effet, pour tout ce qui tend à ébranler le lien conjugal, à prouver la cause du divorce, le juge ne doit pas pouvoir agir d’office (On dit que normalement son rôle n’est pas de jeter de l’huile sur le feu). En principe, le juge ne peut pas faire valoir, dans un divorce pour faute, un grief dont la victime elle-même ne s’est pas prévalue, ni ordonner d’office des recherches en vue d’établir une cause de divorce. L’époux demandeur peut évoquer des faits matériels susceptibles d’être démontrés par tous moyens, y compris témoignages et présomptions que son conjoint est l’auteur de tout ce qui lui est reproché. Pour ce qui est du divorce par consentement mutuel, les deux époux sont conjointement requérants, demandeurs devant le Ma’adoun al chari. Dans ce cas de divorce il n’y a donc pas à apporter une preuve quelconque, seule la volonté libre des époux suffit à prononcer le divorce. D : Le contenu de l’acte de divorce. Contrairement aux actes de divorce rédigés en arabe par le Ma’adoun al chari, ceux délivrés par le tribunal le sont en français. Les jugements sont prononcés publiquement et rendus au nom du peuple djiboutien. Ils doivent exposer la demande des parties et les moyens évoqués. Sous peine de nullité, ils doivent être motivés. Le juge doit statuer dans les limites fixées par les demandes des parties et ne peut modifier d’office ni l’objet, ni la cause de ces demandes. Les jugements contiennent l’indication : – de la juridiction dont ils émanent, – de leur date,
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– du juge ayant pris la décision, – du nom du greffier, – du représentant du ministère public, – des noms des parties ainsi que leur domicile, – du nom des avocats ou toute personne ayant assisté les parties. Les jugements sont signés par le juge et le greffier et toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. E : Les voies de recours offertes aux parties après le prononcé du divorce. L’époux aux torts duquel le divorce a été prononcé peut faire appel de la décision rendue devant la Chambre de statut personnel au sein de la Cour d’Appel de Djibouti. Le délai d’appel est de deux mois27. Il court à compter de la date de jugement s’il est contradictoire et à compter de sa notification s’il est réputé contradictoire. Les règles de procédure devant la Chambre d’Appel sont les mêmes que celles prévues devant le Tribunal de statut personnel de Première Instance. La Chambre d’Appel statue en formation collégiale avec trois magistrats du siège. Les décisions sont prises à la majorité des voix et rédigées en arabe.
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Ce délai correspond à celui du recours pour excès de pouvoir. Il est un délai franc. Cela signifie que jour de notification du jugement appelé le « dies a quo » et le jour de l’échéance (c’est-à-dire le jour où les deux mois sont sensés prendre fin) appelé le « dies a quem » ne sont pas comptabilisés. Si le lendemain de notification du jugement tombe un jour férié le délai ne commence à courir que le surlendemain, c’est-à-dire le premier ouvrable. C’est le même principe qu’il s’applique pour ce qui est du jour de l’échéance.
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LE DUALISME JURIDICTIONNEL ET JURIDIQUE EN MATIÈRE DE DIVORCE EN RÉPUBLIQUE DE DJIBOUTI Les arrêts de la Chambre d’Appel sont susceptibles de pourvoi en cassation devant la Cour Suprême dans les formes et les délais prévus par l’article 9 de l’Ordonnance modifiée n°29027 du 10 avril 1979 relative à la Cour Suprême.
2.3 PIII : Les causes d’extinction de la demande de divorce et les fins de non recevoir de la demande de divorce L’action en divorce s’éteint par le décès de l’un des époux survenu avant le jugement prononçant le divorce définitif, ou par la réconciliation des époux, ou depuis la disparition des faits allégués dans la demande de divorce. Les fins de non recevoir sont des événements qui font obstacle au prononcé du divorce. C’est le cas de la provocation de la faute d’un époux par le conjoint. Par exemple, un conjoint veut divorcer mais n’a rien à reprocher à l’autre. Il va le pousser à la faute. C’est-à-dire qu’il va le pousser à commettre une faute cause de divorce. Aussi, les fautes causes de divorce pardonnées ne peuvent plus être retenues ultérieurement comme causes de divorce.
3. Section III : Les effets du divorce à l’égard des époux et de leurs enfants Le divorce entraîne la fin du mariage (article 37 du Code de la Famille). Il entraîne aussi des effets personnels et matrimoniaux. Ces effets peuvent être classés en deux catégories. Il y a d’une part les effets à l’égard des époux eux-mêmes (PI)’autre part les effets à l’égard de leurs enfants (PII).
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3.1 PI : Les effets du divorce à l’égard des époux eux-mêmes Ces effets peuvent être regroupés en deux catégories. Il y a en premier lieu des effets sur le plan juridique (A), en second lieu des effets sur le plan personnel et pécuniaire (B). Les règles relatives à la date des effets du divorce dans les rapports entre les époux varient normalement en fonction du cas de divorce. Pour le divorce par consentement mutuel, le divorce commence à produire ses effets le jour de l’homologation par le Ma’adoun de la convention qui règle les conséquences du divorce. Pour les autres cas de divorce, les effets commencent à courir à la date de l’ordonnance de non conciliation (article 40 du Code de la Famille)28. A : Les effets du divorce sur le plan juridique. Ces effets expriment, d’une certaine manière, la nature contractuelle du mariage29. Il s’agit de la dissolution du lien conjugal, de l’effacement des devoirs des époux au niveau de leurs rapports de réciprocité (devoir de communauté de vie, de fidélité, de secours et d’assistance).
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En France, l’un des époux peut demander au juge de fixer les effets du jugement à la date à laquelle les époux ont cessé de cohabiter et de collaborer. Cette demande est désormais indépendante de la répartition des torts. Le juge apprécie l’opportunité d’y faire droit au regard de chaque situation. Mais enfin d’éviter les contestations ultérieures et de clarifier, dés le prononcé du divorce, l’état des droits de chaque époux, l’article 262-2 du code civil apporte deux nouvelles précisions : -La demande de report des effets du jugement dans les rapports entre époux, en ce qui concerne leurs biens, ne peut être formée que dans le cadre de la procédure de divorce. -Sauf décision contraire du juge, la jouissance du logement par un époux conserve un caractère gratuit jusqu’à l’ordonnance de non conciliation. 29
Le mariage serait ainsi un contrat dont les effets prennent fin dés que les parties ne sont plus liées. D’autres juristes réfutent cette nature essentiellement contractuelle du mariage en estimant qu’il est une institution qui fait naître entre époux plus que de simples devoirs et d’obligations.
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LE DUALISME JURIDICTIONNEL ET JURIDIQUE EN MATIÈRE DE DIVORCE EN RÉPUBLIQUE DE DJIBOUTI Le divorce met fin ou rompt le lien conjugal. Les ex-époux redeviennent donc célibataires et libres de se remarier avec une autre personne ou entre eux-mêmes s’ils le désirent mais à certaines conditions. Ces effets se produisent à la date où la décision du divorce est devenue définitive. Cela signifie qu’il n’y a plus de possibilité de contester cette décision car les voies de recours étant épuisées, ou tout simplement l’action (l’appel ou le pourvoi de cassation) n’a pas été introduite dans les délais légaux. Sur le plan juridique, aucun des ex-époux ne peut plus intenter une action en justice à l’encontre de l’autre pour violation des devoirs et obligations du mariage. Le mariage étant dissout, les ex-époux ne sont plus juridiquement tenus des devoirs de secours, d’assistance, de fidélité, de communauté de vie l’un envers l’autre. Le non respect de ces devoirs ne peut plus être sanctionné par le juge. B : Les effets du divorce sur le plan personnel, alimentaire et pécuniaire. Les effets du divorce sur le plan personnel sont prévus par les articles 36, 41 à 44 du Code de la Famille. Selon l’article 36, en cas de dissolution du mariage avant la consommation, pour un motif imputable à la femme, les présents que le mari aura faits, lui seront restitués dans leur consistance actuelle, même s’ils sont altérés. Aucune restitution ne sera faite après consommation du mariage. Si le divorce est prononcé avant la consommation du mariage, la femme a droit à la moitié du Mahr fixé. Dans ce cas précis, la femme n’aura pas de délai de viduité (article 41 du Code de la Famille). Elle pourra donc se remarier immédiatement. La femme divorcée après la consommation du mariage ou devenue veuve avant ou après la consommation du mariage, doit observer un délai de viduité de trois mois accomplis. Pour la veuve, ce délai est de quatre mois et dix jours accomplis. Le délai de viduité de la femme enceinte prend fin avec l’accouchement (article 42 te 43 du Code de la
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Famille)30. Ce même délai doit être observé pour la femme ayant obtenu le divorce suite au jugement constatant la disparition. Par déduction de l’article 42 du Code de la Famille, la femme divorcée avant la consommation du mariage n’est pas soumise au respect du délai de viduité prévu à l’article 43 du même code. Les effets du divorce sur le plan pécuniaire et alimentaire sont prévus par les articles 46 et 58 à 60 du Code de la Famille. L’obligation alimentaire prend sa source dans le mariage et se poursuit après le divorce pendant un certain temps. L’article 46 du Code de la Famille stipule que le mari doit une pension alimentaire à son épouse après la consommation du mariage et durant le délai de viduité en cas de divorce. Cette pension alimentaire comprend la nourriture, l’habillement, le logement, l’éducation et tout ce qui est considéré comme nécessaire à l’existence, selon l’usage et la coutume (article 58). Cette pension alimentaire n’est accordée à l’épouse que dans la proportion de la fortune de l’époux qui la doit et du besoin de celle qui la réclame, compte tenu du coup de la vie. Si l’époux condamné à payer une pension alimentaire refuse de s’exécuter ou n’effectue qu’un commencement sans rapport avec le contenu réel d’une décision de justice exécutoire ou définitive, malgré une mise en demeure effectuée par voie d’huissier ou par les services de la gendarmerie ou de police, il est puni de deux ans d’emprisonnement et de cinq cent mille francs Djiboutiens d’amende (article 62 du code de la Famille).
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En France, le délai de viduité qui interdisait en principe à la femme, aux termes de l’ancien article 228 du Code civil, de se remarier moins de 300 jours après la dissolution de la présente union, est abrogé, ainsi, que par voie de conséquence les articles 261 à 261-1 et 309 du même code. L’ex-épouse peut donc se remarier dès que le jugement de divorce a acquis force de chose jugée.
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3.2 PII : Les rapports des conjoints divorcés à l’égard de leurs enfants mineurs Les questions qui se posent à ce niveau sont multiples : Chez qui vont vivre les enfants ? Qui va exercer l’autorité parentale ? Comment les rôles seront-ils répartis ? Ces rapports sont relatifs à la garde de l’enfant et au droit de visite (A) ainsi qu’à l’exercice de l’autorité parentale (B). A : La garde des enfants et le droit de visite. Les textes juridiques de base sont les articles 63 à 66, 68 et suivants du Code de la Famille. La garde consiste à élever l’enfant et à assurer sa protection dans sa demeure. En cas de divorce, la garde de l’enfant ou des enfants mineurs est confiée, soit à l’un, soit à l’autre conjoint, soit à une tierce personne. Le juge en décide en prenant en considération l’intérêt supérieur de l’enfant ou des enfants. La personne désignée par le juge pour assurer la garde de l’enfant peut décliner l’offre. Mais, elle ne peut le faire que lorsqu’une autre personne physique ou morale peut lui être substituée dans ce rôle (articles 65 et 74 du code de la Famille). Le titulaire du droit de garde d’une confession autre que celle du père de l’enfant ne pourra exercer ce droit tant que l’enfant n’aura pas atteint l’âge de cinq ans révolus (article 69 du Code de la Famille). En principe, il appartient à celui ou à celle qui assure la garde de l’enfant d’assurer en même temps l’autorité parentale. Celle-ci consiste entre autres à assurer la surveillance, la protection et l’éducation de l’enfant. Lorsque la garde est alternée, l’autorité parentale est exercée en commun par les deux parents. Le droit de visite consiste dans la possibilité pour les deux exépoux de voir leur(s) enfant(s) même s’il ou elle n’assure la garde.
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L’article 76 prévoit que le père ou la mère ne peut être empêché(e) d’exercer le droit de visite et de contrôle sur l’enfant dont la garde est confiée à l’un d’eux. Le père ou son tuteur peut avoir un droit de regard sur les affaires de l’enfant, pourvoir à son éducation et à sa culture. Cependant, l’enfant ne peut passer la nuit que chez la personne qui en a la garde, sauf si le juge en décide autrement dans l’intérêt supérieur de l’enfant (article 70). La personne qui assure la garde de l’enfant doit avoir une résidence qui permet au tuteur de pouvoir exercer ses devoirs. Selon l’article 71, si la personne qui a la garde de l’enfant change de résidence et s’installe à une distance qui empêche le tuteur d’accomplir ses devoirs envers son pupille, elle est déchue de son droit. Le père ne peut sortir l’enfant du lieu de résidence de la mère qu’avec le consentement de celle-ci tant qu’elle conserve le droit de garde, à moins que l’intérêt supérieur de l’enfant n’exige le contraire. B : les obligations des parents divorcés à l’égard de leurs enfants mineurs en particulier. Le texte juridique qui prévoit ces obligations est l’article 66 du code de la Famille. Selon ce texte, les frais nécessaires à l’éducation et à l’entretien de l’enfant sont prélevés sur ses biens lorsqu’il en dispose ou sur ceux de son père. Ce dernier doit pourvoir au logement de l’enfant et de la titulaire du droit de garde lorsque cette dernière n’en a pas. L’obligation alimentaire qui s’impose durant le mariage est maintenue à la dissolution de celui-ci par le divorce. Cet article met donc à la seule charge du père l’obligation de subvenir aux besoins de l’enfant à moins que ce dernier ne dispose de biens propres. La mère, même lorsqu’elle assure la garde n’est donc pas obligée légalement de participer à ces frais. Cette position du code la Famille est assez cohérente au regard de son article 31 qui prévoit que le mari doit faire face aux charges et pourvoir aux besoins de la femme et de leurs enfants dans la mesure de ses moyens. Mais la femme peut contribuer volontairement aux charges du mariage, y compris les frais d’éducation et d’entretien des enfants, si elle a des biens.
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LE DUALISME JURIDICTIONNEL ET JURIDIQUE EN MATIÈRE DE DIVORCE EN RÉPUBLIQUE DE DJIBOUTI Cette pension qui pèse sur le père est versée à la mère des enfants qui assure la garde ou à la personne désignée par le juge. Le versement de celle-ci qui peut être effectuée en espèce et/ou en nature cesse normalement à la majorité des enfants. Mais le juge peut, si l’entretien de l’enfant devenu majeur apparaît légitime, obliger le père à continuer le versement. Le code de la Famille est muet sur la question de l’exercice de l’autorité parentale après le divorce. Il se contente seulement de dire dans son article 76 que le père ou la mère ne peut être empêché d’exercer son droit de visite et de contrôle sur l’enfant dont la garde est confiée à l’un d’eux. Doit-on en déduire que seule la personne à qui la garde est confiée est autorisée légalement à exercer l’autorité parentale ou les deux à la fois ? Ce silence du code de la famille mérite d’être levé car le fait de confier la garde de l’enfant à l’un des parents ne signifie pas forcément que l’autre époux n’est pas un bon parent. Dans tous les cas, le juge devra, en tenant compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, décider qui des parents pourront exercer l’autorité parentale. Le juge peut décider que l’autorité parentale sera exercée par les deux parents. C’est la solution de principe, une autorité parentale conjointe. Dans ce cas, il y a donc une stricte égalité entre les parents. Chacun d’eux pourra accomplir les actes qu’exerce normalement un parent vis-à-vis de son enfant mineur et pour les actes importants (l’orientation scolaire et professionnelle de l’enfant, les interventions chirurgicales), il faut une décision conjointe. Bien entendu si l’intérêt de l’enfant l’exige, le juge va confier l’exercice de l’autorité parentale à l’un des parents. C’est le cas par exemple lorsque le père est alcoolique, ou la mère prostituée. Dans ce cas, seul le parent qui exerce l’autorité parentale prend toutes les décisions concernant l’enfant, mêmes les plus importantes. L’autre parent doit néanmoins être informé des choix importants relatifs à la vie de l’enfant. Il conserve aussi un droit de visite (articles 63 et 76 du Code de la Famille).
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4. Section IV : L’évolution souhaitable du système juridique et juridictionnel de Djibouti en matière de divorce Comme nous l’avons souligné au début de cette étude, le nouveau Code de la Famille a révolutionné le statut de la Famille Djiboutienne dans le sens d’une meilleure protection et garantie des droits de la femme, de l’enfant mais aussi de l’homme. Il participe également à l’harmonisation du dispositif national avec les engagements internationaux signés et ratifiés par la République de Djibouti31. Cet engagement politique et juridique des autorités nationales pour une meilleure protection des droits de la famille est à encourager. C’est pourquoi on se demande s’il n’est pas trop tôt de formuler déjà des recommandations afin d’améliorer les règles existantes en la matière. N’est-il pas trop tôt de faire un bilan intérimaire afin de s’interroger sur l’effectivité et l’efficacité des règles en matière de divorce en sachant que la Loi portant Code de la Famille ne compte que cinq années d’existence ? Ne faut-il pas encore laisser quelques années d’application au Code la Famille afin de mieux apprécier la portée et l’effectivité de ces règles ? Si ces interrogations paraissent légitimes, il serait tout de même intéressant de soulever quelques pistes de réflexion qui pourraient être davantage approfondies par les praticiens du droit (avocats, magistrats, juristes, députés, gouvernants…) afin de mieux renforcer le droit positif en matière de divorce. Les propositions formulées dans le cadre de cette étude concernent à la fois l’amélioration du dispositif du Code de la Famille et l’application effective des décisions relatives au divorce.
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L’Etat de Djibouti a ratifié en septembre 2002 Les Pactes internationaux relatifs aux Droits civils et politiques, économiques et sociaux du16 décembre 1966 entrés en vigueur en 1976 ; La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.
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4.1 PI : Des propositions pour une amélioration du dispositif du Code de la Famille en matière de divorce et de séparation de corps L’article 39 du Code de la Famille relatif aux causes du divorce ne nous paraît pas très précis et complet. Les termes utilisés dans cet article tels que « à la demande de l’épouse en raison des préjudices qu’elle a subis » sont très vagues. Pour une plus grande clarté et pour faciliter la tâche des juges en évitant ainsi toute interprétation superflue, cet article pourrait être divisé en deux articles et libellés de la façon suivante. – Article 39-1 : Le Ma’adoun reçoit et enregistre le divorce en cas de consentement mutuel des époux. – Article 39-2 : Chacun des époux peut agir en divorce devant le tribunal en fondant son action sur l’une des causes suivantes : a) Pour absence déclarée de l’un des époux ; b) Pour adultère de l’un des époux ; c) Pour condamnation de l’un des époux à une peine infamante ; d) Pour défaut d’entretien de la femme par le mari ; e) Pour refus de l’un des époux d’exécuter les engagements pris en vue de la conclusion du mariage ; f) Pour abandon de famille ou du domicile conjugal ; g) Pour mauvais traitements, excès, sévices, ou injures graves rendant l’existence en commun impossible ; h) Pour incompatibilité d’humeur rendant intolérable le maintien du lien conjugal ; i) Pour maladie grave et incurable de l’un des époux découverte pendant le mariage. La maladie grave et incurable de l’un des époux découverte pendant le mariage (la question entre autres du VIH/Sida) et l’impuissance sont-elles aussi des causes de divorce ? La maladie grave ou incurable de l’un des époux constitue-t-elle un cas de divorce ?
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Le Code de la Famille de Djibouti est muet sur cette question. Mais la réponse à cette interrogation semble, en effet, positive dans la réalité. Par contre la jurisprudence française a, à plusieurs reprises, l’occasion d’affirmer qu’elle n’en est pas une.32 Mais dans deux cas, parce qu’il s’y ajoutait une faute du malade, la maladie a été considérée, avant la réforme de 1975, comme étant de nature à entraîner le divorce : d’une part lorsque le maladie avait été dissimulé lors de la célébration du mariage33 et d’autre part, lorsque ‘une attitude fautive a été à l’origine de la maladie34. Dans la pratique, cette maladie est de plus en plus évoquée surtout par les hommes comme cause de divorce35. Le Code dispose dans son article 39 que le divorce peut-être prononcé par le tribunal à la demande de l’épouse en raison des préjudices qu’elle a subis. La question qui se pose alors est de savoir si le fait que le mari devienne impuissant au cours du mariage constitue un préjudice pour la femme à l’appui duquel elle peut demander le divorce. L’altération des facultés mentales constitue-telle une cause de divorce ?36 L’adultère est-elle aussi une cause de divorce ?
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Req. 4 mars 1902, DP 1902, Gaz. Pal. 1902, 1, 568 (neurasthénie) ; Orléans, 28 novembre 1900, DP 1901, 2, 235 (hystérie) ; Lyon, 20 novembre 1903, DP 1904, 2,136 (épilepsie) ; Paris ? 13 avril 1897, DP 1898,2, 137 (maladie vénérienne). 33
Req. 25 janvier 1922, DP 1924,1, 7, S. 1922, 1, 152 (impuissance) ; 30 novembre 1925, Gazette du Palais 1926, 1, 209 (maladie vénérienne) ; Civ., 2e Chambre, 12 mai 1960, Bulletin civil II, n°309, p.209 (maladie héréditaire).
34
Besançon 18 décembre 1896, DP 1898,2,4 (ivrognerie). Une solution semblable a été admise à propos d’un époux qui refusait de faire soigner : Bordeaux, 27 janvier 1897, DP 1898,2, 63.
35 Il est important de souligner que la question du VIH/Sida pose de sérieux problèmes juridiques à cause du manque de textes qui l’encadrent. Il est donc important à ce que le législateur se saisisse de cette question afin de l’encadrer. Voir le Rapport réalisé par Maître Hasna Barkt Daoud portant sur « Assistance technique en vue de définir les activités essentielles de l’Appui juridique à apporter aux PVVS dans le cadre du PASAP », Djibouti, mars 2004. 36
L’article 238 al.1er du code civil prévoit que : « lorsque les facultés mentales du conjoint se trouvent, depuis six ans, si gravement altérées qu’aucune communauté de vie se subsiste plus entre les époux et ne pourra, selon les prévisions les plus raisonnables, se reconstituer dans l’avenir », un époux peut demander le divorce. Voir
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LE DUALISME JURIDICTIONNEL ET JURIDIQUE EN MATIÈRE DE DIVORCE EN RÉPUBLIQUE DE DJIBOUTI La stérilité de la femme découverte pendant le mariage peut-elle être aussi considérée comme cause de divorce ? Cette question n’est pas dénuée de pertinence, si l’on sait que la fécondité est une dimension très importante dans la société Djiboutienne. Le Code de la Famille n’apporte aucune réponse à ces questions aussi importantes pour la protection des droits de la famille. Parmi les causes de divorce, il serait également souhaitable d’y insérer le divorce pour rupture de vie commune. En effet, nombreux sont les couples Djiboutiens qui à l’heure actuelle vivent cette situation qui altère le lien conjugal mais non prévue et réglementée par la loi. Si le mariage n’est plus qu’une coquille vide, il faut être réaliste et ne pas empêcher la reconstruction d’une nouvelle famille. Le Code de la Famille contient un Titre III divisé en plusieurs chapitres dont le premier est intitulé : Des cas de divorce. Il serait plus cohérent et plus complet de prévoir un autre chapitre intitulé : Des effets du divorce. Ce chapitre aurait le mérite de présenter les effets du divorce de manière beaucoup plus précise et cohérente et non disparate comme malheureusement c’est le cas dans le présent code. Il comprendrait différents articles libellés de la façon suivante: – Article x : Dissolution du mariage a) Le divorce dissout le mariage, met fin aux devoirs réciproques des époux et au régime matrimonial, conformément au Titre III du présent code. b) Chacun des époux peut contracter une nouvelle union. Néanmoins, en ce qui concerne la femme, le délai de viduité prévu aux articles suivants doit être respecté. c) La femme divorcée peut continuer à user du nom du mari, sauf si ce dernier s’y oppose expressément et sur décision du juge. V. LECULIER et GOT, Divorce et aliénation mentale, 1939 ; D. LANGE, Le conjoint de l’aliéné, TTD civ. 1984, pp. 33 et ss.
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– Article x1 : Délai de viduité a) La femme divorcée, après la consommation du mariage ou devenue veuve avant ou après la consommation du mariage, doit observer le délai de viduité. b) Ce délai est de trois mois accomplis pour la femme divorcée non enceinte. c) Pour la veuve, ce délai est de quatre mois et dix jours accomplis. d) Le délai de viduité pour la femme du disparu est le même que celui prévu pour la veuve. Il commence à courir à compter du prononcé du jugement constatant la disparition. e) Le délai de viduité de la femme enceinte prend fin avec l’accouchement. – Article x2 : Avantages entre époux a) En cas de dissolution du mariage avant la consommation du mariage, pour un motif imputable à la femme, les présents que le mari lui aura faits, seront restitués au mari dans leur consistance actuelle, même s’ils sont altérés. Aucune restitution ne sera faite après la consommation du mariage. b) Si le divorce est prononcé avant la consommation du mariage, la femme a droit à la moitié du Mahr fixé et n’aura pas de délai de viduité. c) L’épouse qui a obtenu le divorce conserve tous les avantages qui lui avaient été consentis par son conjoint soit à l’occasion du mariage, soit depuis sa célébration. – Article x3 : Dommages et intérêts a) En cas de divorce prononcé aux torts exclusifs du mari, le juge peut allouer à l’épouse qui a obtenu le divorce des dommages et intérêts pour le préjudice matériel et moral que lui cause la dissolution du mariage, compte tenu, notamment des revenus du mari. b) Le juge décide, selon les circonstances de la cause, si ces dommages et intérêts doivent être versés en une seule fois37 ou par fractions échelonnées. 37
Cette mention est d’autant plus importante que souvent le mari ne verse les dommages et intérêts qu’au début. Ou tout simplement le mari abandonne son travail
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LE DUALISME JURIDICTIONNEL ET JURIDIQUE EN MATIÈRE DE DIVORCE EN RÉPUBLIQUE DE DJIBOUTI c) Article x4 : Survie exceptionnelle de l’obligation d’entretien. d) Dans le cas où le mari a obtenu le divorce pour maladie grave et incurable de la femme, l’obligation d’entretien est transformée en obligation alimentaire dont les modalités de versement sont fixées par le juge en tenant compte des revenus du mari. e) Le mari doit une pension alimentaire à son épouse après la consommation du mariage et durant le délai de viduité en cas de divorce. – Article x5 : Situation des enfants issus du mariage. Cet article reprendrait le Titre V du présent code de la Famille. Nous avons également constaté que le Code de la Famille ne contient aucune disposition relative à la séparation de corps. Pourtant, cette situation n’est pas absente dans les relations conjugales et elle pose de sérieux problèmes juridiques. Souvent des époux vivent, durant des années, dans cette situation sans divorcer ni se réconcilier. Il convient donc de légiférer sur cette question afin de mieux l’encadrer et surtout permettre aux époux de trouver une issue à leur situation. Comme le divorce, la séparation de corps constitue une atteinte au lien matrimonial du vivant des époux. Elle se manifeste par la cessation de vie commune des époux. Elle peut résulter soit de leur volonté commune soit de l’initiative d’un seul d’entre eux. La séparation de corps présente deux aspects : un aspect matériel, l’absence de cohabitation et un aspect psychologique, la volonté de rompre le lien conjugal. Il est donc important de compléter le code de la Famille en y ajoutant un chapitre consacré à la séparation de corps.
pour ne pas être obligé à verser à une femme une part importante de son salaire. Et souvent la femme est démunie face à une telle situation. Nous reviendrons d’ailleurs sur cette question dans nos propositions pour une application effective des décisions de justice à la page 46.
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Ce chapitre serait intitulé : De la Séparation de corps et comprendrait les articles suivants : – Article x1 : Définition. – Article x2 : Séparation par consentement mutuel. – Article x3 : Séparation de corps contentieuse. – Article x4 : Effets de la séparation de corps contentieuse – Article x5 : Fin de la séparation de corps. – Article x6 : Procédure de la réconciliation. – Article x7 : Conversion de la séparation de corps en divorce. Le code de la Famille dans son article 44 mentionne de la disparition comme cause de divorce. Toutefois, il est très incomplet à ce niveau. Non seulement il n’y a pas d’articles consacrés à la définition de ces termes « absence, disparition » mais aussi le code ne prévoit aucune procédure de déclaration d’absence ou de disparition. Il est donc souhaitable de prévoir un chapitre consacré à l’absence et à la disparition si le code venait à être modifié. Ce chapitre pourrait être intitulé : De l’absence et de la disparition. Il serait composé des articles suivants : – Article x : Définitions – Article x1 : Demande de déclaration de présomption d’absence – Article x2 : Publicité de la demande – Article x3 : Effet du dépôt de la demande – Article x4 : Obligations et pouvoirs de l’administrateur provisoire. – Article x5 : Déclaration de présomption d’absence
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LE DUALISME JURIDICTIONNEL ET JURIDIQUE EN MATIÈRE DE DIVORCE EN RÉPUBLIQUE DE DJIBOUTI – Article x6 : Déclaration d’absence – Article x7 : Déclaration de décès de l’absent – Article x8 : Déclaration de décès du disparu – Article x9 : Procédure de déclaration du décès – Article x10 : Force probante des jugements déclaratifs du décès et de l’absent. – Article x11 : Effets patrimoniaux du retour de l’absent et du disparu – Article x12 : Effets extrapatrimoniaux du retour de l’absent ou du disparu.
4.2 PII : Des propositions pour une application effective des décisions relatives au divorce Les textes législatifs et réglementaires en matière de divorce ne sauraient être efficaces et effectifs que si les décisions de justice qui en découlent sont exécutées correctement par les parties. Dans de nombreux cas, les femmes, en particulier, ne disposent d’aucun moyen pour obliger leur ex-conjoint à exécuter les décisions prononcées par le juge lors du divorce. Le caractère fondamental de la question de l'exécution des décisions de justice est attesté par des arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme qui consacrent le fait que l'exécution d'un jugement ou d'un arrêt, de quelque juridiction que ce soit, doit être considérée comme faisant partie intégrante du procès, au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme38. La Cour rappelle notamment, dans un arrêt récent (CEDH, 19 mars 1997, Hornsby c/Grèce, n°107/1995/613/701) que l'exécution de la décision
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Voir. CEDH, 26 septembre 1996, Di Pede c/Italie ; Zappia c/Italie, Recueil des arrêts et décisions, 1996.
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rendue fait partie des composantes du "procès équitable", garanti par l'article 6 paragraphe 1 de la Convention. Les moyens juridiques pouvant aider à l’exécution des décisions de justice sont essentiellement l’astreinte et l’exécution forcée. L’astreinte est une mesure de contrainte s'exerçant sur les biens du débiteur et destinée à vaincre la résistance opposée par ce dernier à l'exécution d'une condamnation. C'est une condamnation pécuniaire accessoire et éventuelle, que le créancier peut obtenir du juge après constatation de l'inexécution de la décision. Elle s'ajoute à la condamnation principale pour le cas où celle-ci ne serait pas exécutée, le cas échéant, dans le délai prescrit par le juge, et tend à obtenir du débiteur, par la menace d'une augmentation progressive de sa dette d'argent, l'exécution de son obligation. L'astreinte peut tendre à garantir le paiement d'une somme d'argent39. L'exécution forcée vise à obtenir directement la prestation due. Elle ne peut être ordonnée que dans des cas assez limités. Le mode d'exécution des obligations en numéraire est la saisie conduisant à la vente forcée des biens du débiteur, le prix obtenu servant à payer les créanciers. Il existe deux types de saisies sur les biens : la saisie-vente sur les biens mobiliers de la partie condamnée et la saisie-attribution sur les créances dont le débiteur dispose entre les mains d'un tiers. La charge de procéder à l'exécution forcée incombe aux huissiers et aux agents de la force publique et le ministère public doit "y tenir la main". Le ministère public doit veiller à l'exécution des jugements et des autres titres exécutoires. Il peut enjoindre à tous les huissiers de son ressort de prêter leur ministère.
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Voir. Cour de Cassation. Commerciale. 3 décembre 1985, Bull. Civ. IV, n° 286.
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Conclusion Cette étude nous a permis d’analyser de manière critique les règles pertinentes en matière de divorce à Djibouti. Elle a, également, été pour nous une occasion d’avoir une vue beaucoup plus précise du dispositif du nouveau code de la Famille. Les enseignements que nous pouvons en tirer sont nombreux mais nous en retiendrons essentiellement deux : – Le nouveau code de la famille constitue sans aucun doute un pas décisif dans le sens de la promotion et de la protection des droits de la Famille et en particulier en matière de divorce. – Il est souhaitable dans un avenir plus ou moins proche de modifier certaines dispositions de ce code afin de le rendre plus efficace et apte à pouvoir mieux remplir son rôle de garant des droits de la Famille.
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Bibliographie TEXTES LÉGISLATIFS DJIBOUTIENS : ¾ Code de la Famille du 31 janvier 2002 ¾ Loi n°8/AN/03/5°L du 25 juin 2003 relative à l’organisation des juridictions de statut personnel, à leurs compétences et aux règles de procédures. ¾ Loi n°169/AN/02/4e L portant organisation et compétences d’Al-Ma’adoun al chari ou statut d’Al Ma’adoun al chari du 9 juillet 2002. ¾ Loi n°52/AN/94/3e L portant création d’une Cour d’Appel et d’un Tribunal de Première Instance du 10 octobre 1994. ¾ Code Pénal de 1995. ¾ Code de Procédure pénale de 1995. TEXTES LÉGISLATIFS ÉTRANGERS : ¾ Code de la Famille du Sénégal Loi n° 72-41 du 7 mars 1972. ¾ Code civil français promulgué le 21 mars 1804 (30 ventôse an XII), par Napoléon Bonaparte. Si le législateur l'a modifié à de nombreuses reprises par la suite, il ne l'a jamais entièrement refait.
OUVRAGE GÉNÉRAL : ¾ Le Verdict de l’Arbre (Le Xeer Issa, Etude d’une Démocratie pastorale) Ali Moussa IYE, Printed at International Printing Press Dubaï.
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