GRANDE UTOPIE POUR LE PETIT PARIS T R AVA I L P E R S O N N E L D E F I N D ’ É T U D E - 0 4 J U I L L E T 2 0 1 2 Félix BOURGEAU - Encadré par Alice ROUSSILLE - ENSP 2012’
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“L’activité de Haussmann s’incorpore à l’impérialisme napoléonien, qui favorise le capitalisme de la finance. A Paris la spéculation est à son apogée. Les expropriations de Haussmann suscitent une spéculation qui frise l’escroquerie. Les sentences de la Cour de cassation qu’inspire l’opposition bourgeoise et orléaniste, augmentent les risques financiers de l’haussmannisation. Haussmann essaie de donner un appui solide à sa dictature en plaçant Paris sous un régime d’exception. En 1864 il donne carrière à sa haine contre la population instable des grandes villes dans un discours à la Chambre. Cette population va constamment en augmentant du fait de ses entreprises. La hausse des loyers chasse le prolétariat dans les faubourgs. Par là les quartiers de Paris perdent leur physionomie propre. La « ceinture rouge » se constitue. Haussmann s’est donné à lui-même le titre « d’artiste démolisseur ». Il se sentait une vocation pour l’œuvre qu’il avait entreprise ; et il souligne ce fait dans ses mémoires. Les halles centrales passent pour la construction la plus réussie de Haussmann et il y a là un symptôme intéressant. On disait de la Cité, berceau de la ville, qu’après le passage de Haussmann il n’y restait qu’une église, un hôpital, un bâtiment public et une caserne. Hugo et Mérimée donnent à entendre combien les transformations de Haussmann apparaissaient aux Parisiens comme un monument du despotisme napoléonien. Les habitants de la ville ne s’y sentent plus chez eux ; ils commencent à prendre conscience du caractère inhumain de la grande ville. L’œuvre monumentale de Maxime Du Camp, Paris, doit son existence à cette prise de conscience. Les eauxfortes de Meryon (vers 1850) prennent le masque mortuaire du vieux Paris.” [Walter Benjamin - Paris, capitale du XIXe siècle]
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Préambule Introduction
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PRÉMICES D’UNE UTOPIE
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LE VA ET VIENT
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DE PARIS À PARIS
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LE SUJET LES AMBITIONS LE CHOIX DE LA PHOTOGRAPHIE LA VILLE MA VILLE
UN PREMIER REGARD LES CHIFFRES LE TISSU URBAIN
L’ESPACE PUBLIC PARISIEN LA RUE LA PLACE VUE SUR RUE LA DENSITÉ UNITÉ D’ESPACE LE COEUR DE PARIS PORTRAIT DE PARIS
10 12 14 16 18
22 40 46
52 54 56 58 68 70 78 82
RE-DEMOCRATISATION DE LA RUE 90
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LA REMISE À ZERO LA RÉVOLUTION LA FUITE CHANGER DE RYTHME
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Conclusion Bibliographie Remerciements
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Qui n’a pas un jour rêvé d’une ville sans l’espace public engendrés par la voiture dans voiture? la ville depuis seulement un siècle. Loin d’être une idée passéiste, ce rêve d’une ville sans automobile signifie aujourd’hui haute qualité de vie, environnement sain et confortable, en parfaite opposition à la ville efficace recherchée au cours du XXe siècle dans les société occidentales.
Dans une première partie je présente les origines de ce projet et mes désirs initiaux. Je présente mon choix d’utiliser la photographie comme outil du projet de paysage.
Dans une deuxième partie je montre les voyages que j’ai effectués et l’importance Cette plaquette est la présentation des qu’ils ont eu dans ma compréhension de recherches effectuées lors de mon TPFE*. Ce l’espace public et la façon dont on le pratique travail effectué dans le cadre de la dernière en Europe. année à l’Ecole Nationale Supérieure du Paysage de Versailles est un travail personnel C’est dans la troisième partie de cette plaquette qui vient clôturer nos études et orienter notre que je me concentre sur l’analyse spatiale de future vie professionnelle. Cette plaquette l’espace public parisien. Je me suis basé sur présente le travail que j’ai effectué cette les données de l’APUR* et de l’INSEE* pour année autour du partage de l’espace public argumenter l’iniquité de ces espaces publics. entre l’homme et la voiture. Le titre «Grande Enfin, je propose une esquisse de microutopie pour un petit Paris» vient de l’idée projets visant à prolonger l’espace public et à complètement utopique de Paris sans voiture. rééquilibrer les espaces dans la rue. Cette utopie est le fil conducteur de ma réflexion et m’a aidé à orienter mon analyse Ce projet n’est pas un projet de réaménagement dans cette ville déjà tant examinée qu’il y a de ville de Paris sans voiture, il est une réflexion des études sur tout. L’idée du «petit Paris» théorique sur les pratiques de l’espace public. vient questionner le projet «grand Paris» qui Enfin il est la représentation spatiale grâce à la se concentre sur le développement à grande photographie de certains concepts criticant la échelle de la métropole Parisienne. Ici j’ai rue comme espace de flux automobile. cherché le cœur de la ville de Paris. Je me suis concentré sur les problèmes spatiaux de * TPFE : Travail Personel de Fin d’Etude * APUR : Atelier Parisien d’Urbanisme * INSEE : Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques 6
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PRÉMICES D’UNE UTOPIE L E S O R I G I N E S D E C E P R O J E T D E PAY S A G E
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PORTRAIT D’UNE VILLE
LE SUJET
THÈME TRAITÉ ET OBJET D’ÉTUDE : Se déplacer en ville au XXIème siècle. Etude des pratiques de l’espace public dans la ville européenne. Comprendre et confronter (à d’autres exemples européens) les relations entre des moyens de transports publics/privés et l’espace public à Paris. Imaginons un espace public Parisien sans l’encombrement automobile.
possible de s’y déplacer à pied ou à vélo, les réseaux de transports sont très développés et d’une manière plutôt intelligente, qu’est ce qui pousse les gens à prendre chaque matin leur voiture pour finir par se retrouver coincés dans les embouteillages ? Qu’est ce qui nous pousse à nous enfermer en solitaire dans une boîte mobile ? L’enjeu n’est pas seulement spatial ou temporel, mais il Thème traité : est également social, et cette dimension La pratique de l’espace public dans la ville m’intéresse pour mon travail personnel. européenne du XXIème siècle. En effet, les pratiques de l’espace public ont énormément changé au cours du Objet d’étude et projection : XXème siècle. La dépendance de l’homme Paris et l’hypothèse d’une ville sans voiture. à l’automobile accentué par de nouvelles valeurs sociétales ont changé le mode de Choix du sujet : vie des citadins. Mais les villes, parfois mal Après quelques voyages en Europe, adaptées à ce nouveau rythme, ne peuvent je suis revenu à Paris et ai constaté avec pas évoluer sur cette même mesure. consternation à quel point les voitures étaient omniprésentes dans cette ville. Le centre ville de Paris n’est pas si grand, il est
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Aaron Nace Š 11
LES AMBITIONS U N E A U T R E V I S I O N D E L ’ E S PA C E P U B L I C
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En 2007, l’humanité est devenue majoritairement urbaine. L’onu estimait en 2010 que 3,5 milliards d’humains environ vivaient en ville soit 50,6% de la population mondiale, contre 29,1% en 1950 et 69,6% prévus pour 2050. Seuls 22% des français vivraient en zone rurale aujourd’hui. Il me semble donc essentiel et responsable de m’atteler pour mon projet personnel à une ou des problématiques urbaines, qui nous concernent tous.
- Les rues en ville sont utilisés par tous et de manières inégales, l’analyse des pratiques me permettrait d’étendre ma compréhension de ou des sociétés. Ainsi à travers cet exercice (TPFE) je me pencherai sur des problèmes spatiaux et sociaux majeurs (la disparition du transport individuel personnel va chambouler la façon dont les gens se voient dans la rue, va croiser les différentes « classes sociales » d’une manière ou d’une autre…) et je tenterai d’y répondre de façon cohérente.
- Les rues et ses usagers sont à la ville ce que les artères et le sang sont au corps humain, les comprendre reviendrait à comprendre comment marche tout le système. A travers ce projet, je compte analyser la mobilité de l’homme en zone urbaine, essayer de la comprendre, de réfléchir aux grandes mouvances et évolutions de la mobilité en ville. Ce travail m’aidera par la suite à comprendre plus facilement ces problématiques urbaines.
Mes ambitions sont donc de comprendre ces codes et ces signes relatifs au différentes façons de se déplacer dans l’espace public Parisien. Je compte me les approprier et proposer une autre facon de percevoir et/ ou de pratiquer l’espace public.
departement des transport de Munster Š 13
LE CHOIX DE LA PHOTOGRAPHIE L ’ E X P R E S S I O N D U P R O J E T D E PAY S A G E Avant tout, la photographie est pour moi une passion que j’alimente depuis plusieurs années. J’ai tout au long de ma scolarité essayé d’utiliser cet outil pour satisfaire un besoin de représentation de l’espace, parfois pour exprimer une idée ou pour présenter une réalité subjective. L’appareil photographique est communément utilisé comme un outil de représentation objective. Pourtant, sans le photographe, il n’y aurait pas de clichés. Il apporte à cet outil un regard, un champ de vision, un cadrage particulier, une mise au point orientée, qui compose une image et distord la réalité. La singularité de la photographie réside dans le fait qu’elle capture la lumière diffusée par des objets dans l’espace sur une surface plane perceptible par l’homme. de cette façon, la photographie n’est que la re-présentation de l’ombre et de la lumière présentes dans un espace donné, à un moment donné. Ces ombres composent
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des volumes compréhensibles par tous. Le support photographique est donc un excellent moyen de parler d’espace puisqu’il le (re) présente dans son état le plus brut. Parce qu’il re-présente scientifiquement (grâce à un procédé physique puis chimique) la lumière d’un espace, le cliché Enfin, le photographe armé d’un appareil photographique jouant avec sa technique a la capacité de présenter sur une surface à deux dimensions, un espace quadridimensionnel, les trois dimensions spatiales et une dimension temporelle. J’ai donc choisi pour mon tPFE d’utiliser la photographie comme outil à toutes les étapes du projet. Du premier regard à la compréhension de l’espace, de la présentation de mon point de vue à l’engagement du projet de paysage, de l’expression de mes convictions à la communication visuelle de concepts.
appareil numerique plein format Canon 5D markII Sigma 50mm; f1.4 Canon L USM 24-105mm; f4
Mamiya C220 - film 6x6
appareil argentique Canon AE1 Canon 50mm; f1.2
Sténopé bois construction main avec trou de 0,26mm - 50mm - f: 192 sur film grand format (4x5”)
Materiel utilisé pour les séries de photos lors du TPFE 15
PORTRAIT D’UNE VILLE
LA VILLE
DEFINITIONS Ville {vil} n.f : Les villes et agglomérations urbaines, désignées aussi sous le terme unique d’unité urbaine, dont la délimitation est fondée sur le seul critère de continuité de l’habitat, peuvent être constituées : d’une seule commune, dont la population agglomérée compte au moins 2 000 habitants ; une telle commune est dite ville isolée ou plus communément ville.
Milieu géographique et social formé par une réunion organique et relativement considérable de constructions (notamment d’habitations), et dont les habitants travaillent pour la plupart à l’intérieur de l’agglomération, au commerce, à l’industrie, à l’administration. > Agglomération, cité, concentration (urbaine); urbain;
INSEE
Le Robert
Ces deux définitions font état de la ville en tant qu’aire géographique habitée par un certain nombre d’Hommes qui travaillent ou pas dans cette même aire. J’ajouterais une notion que je trouve essentielle à la ville (en contraste avec la campagne), la densité. Elle caractérise la ville car cette notion rassemble l’expression de concentration, d’agglomération, de superposition des Hommes et de leurs activités. La densité sous toutes ses formes est selon moi, représentative de la ville : densité humaine, densité du bâtit, densité de transports, densité de commerce, densité d’activités...
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Google ©
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PORTRAIT D’UNE VILLE
MA VILLE
DEFINITION La ville est un endroit mystérieux où se cachent et se montrent tous les Hommes. Ils y viennent pour travailler, ils y dorment, ils y mangent et consomment tous ensemble dans la ville. Cet endroit est mystérieux parce qu’il rassemble dans un petit espace très compact tous les secrets des hommes et pourtant ils ne se connaissent pas tous. C’est un endroit très dense, où les uns marchent sur les autres. Dans la ville, il y a plein de petites maisons les unes sur les autres, les gens achètent ces maisons et s’entassent car ils aiment être dans la ville. Beaucoup de gens, cela veut dire des
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commerces de proximité : des cafés et des restaurants, des magasins et des cinémas. Les gens vont acheter leurs légumes au marché, là, ils se croisent et échangent. Il y a des rues entre les maisons pour que les adultes puissent aller travailler et des parcs pour que les enfants puissent jouer après l’école. Paris c’est ça, Paris c’est la vie avec ses secrets et ses rues pleines d’activités, Paris grouille comme une fourmilière. Paris est tellement vaste et labyrinthique que lorsqu’on marche dans cette ville, on n’en voit jamais la fin...
extrait de la série “portrait de Paris” 19
LE VA ET VIENT L E S V O YA G E S E N E U R O P E
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UN PREMIER REGARD J ’ A I T R AV E R S É L E S V I L L E S P O U R R E N C O N T R E R L E S E S PA C E S Avant de me confronter à Paris et aux relations que l’homme, la voiture et l’espace public entretiennent dans cette ville, j’ai décidé de partir à la découverte d’autres villes comparables à la capitale. A travers deux voyages, j’ai parcouru les capitales du nord de l’Europe, puis certaines grandes villes du Sud. Je suis parti avec mon appareil photo pour découvrir la mobilité dans les grandes villes européennes, et je suis revenu avec un état des lieux des différents espaces pratiqués par les citadins européens. J’y ai interviewé certains responsables, comme par exemple à Amsterdam, où j’ai rencontré le directeur du département du transport et des routes. En découvrant chacune des villes, je me suis rendu compte que je cherchais toujours un “centre ville”, afin de comprendre l’agencement des quartiers et des rues. J’ai analysé les différents moyens
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de transport et cherché à comparer la façon dont les gens se déplacent en ville. Toutes ont des points communs, allant des enseignes de magasins aux indications de métros, de rues piétonnes aux voies rapides ; toutefois, et bienheureusement, elles ont toutes leurs singularités. De retour en France, j’ai pu comparer ces singularités avec Paris, tout en essayant de garder ce même regard. J’ai sélectionné deux photos par ville qui permettent de comprendre les particularités de l’espace public (rue) de chacune d’entre elles. La série “street view” est le début de l’évolution du sujet ; je me suis alors rendu compte que j’étais bien plus intéressé par l’espace de la rue et la manière dont on la pratique, dont on la vit plutôt que par l’importance des déplacements et de la hiérarchie des transports et des flux.
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Istanbul
Marseille
Berlin
Copenhague
Stockholm
Oslo
Amsterdam
Paris
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AMSTERDAM L E PA R A D I S D E S V É L O S L’impression de rêve, une immersion totale dans une ambiance féerique. L’architecture de la ville la rend tellement différente de ce que je connais. Son urbanisme arrangé autour de canaux définit un centre ville lisible, petit et praticable à pied. Les transports en commun, (bus et tram) sont bien organisés et desservent l’entièreté du centre ville. C’est indiscutablement en vélo que les amstellodamois se déplacent! 60 à 75% de la population chevauchent un vélo quotidiennement. Il y a une réelle politique de réduction du parc automobile dans le centre ville d’Amsterdam (parkings extrêmement chers, réduction du nombre de places de stationnement en ville, réduction des routes et des espaces dédiés à la voiture, liste d’attente pour avoir le permis de se garer en centre ville…). Les rues sont larges et les espaces ouverts et lumineux en raison du canal bordé de deux quais étroits, qui coupe la ville en
son milieu. Les maisons ne dépassent pas 3 étages et les quelques marches qui en ornent l’entrée donnent sur un quai. Ces quais sont souvent composés de deux trottoirs et d’une chaussée, mais le tout est traité de la même façon, avec de la brique rouge. C’est l’orientation de la brique qui définit l’usage de chaque espace. Les amstelodamois ont une très belle façon de remplir l’espace public. Ils se l’approprient bien plus que l’on ne le fait en France. Dès qu’il y a un rayon de soleil, les amstelodamois n’hésitent pas à sortir leur canapé devant la maison pour inviter le voisin à boire une bière. Ils ont l’habitude de décorer l’entrée de leur maison par des pots disposés sur le trottoir. Cette appropriation de l’espace public contribue à créer une atmosphère extraordinaire et conviviale dans le centre ville.
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OSLO UN MINI CENTRE VILLE PIETON Un centre ville qui se limite dans la pratique à quelques rues plus ou moins piétonnes. Une atmosphère sécurisante règne dans cette ville. On s’y déplace très facilement et confortablement. Très rapidement on sort du “centre ville” pour se retrouver dans une banlieue riche desservie par le tram et le bus. Mais la voiture reste le moyen de déplacement le plus employé dans ces banlieues peu denses. Des avenues larges et ouvertes structurent les quartiers résidentiels où la qualité de vie semble tout à fait enviable. A oslo, la voiture électrique se présente comme une
alternative intéressante qui fonctionne, puisqu’elle est également développée dans le domaine public. Lorsque les infrastructures sont grosses, type 2x2 voie, des passerelles piétonnes accessibles et agréables sont aménagées dans toute la ville. Les espaces sont larges, propres et épurés, ce qui rend la ville un peu vide. A oslo, rien ne dépasse, rien ne déborde, tous respectent chaque espace et sa fonction. Il semble exister un respect de l’espace privé et de l’espace public pourtant séparés par une barrière invisible.
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STOCKHOLM UNE VILLE SENS DESSUS DESSOUS Bien que les transports en commun soient les plus utilisés en centre ville, on sent une forte présence de la voiture sur les îles centrales de la métropole. Le développement de Stockholm s’est fait autour de la voiture, d’après des plans très bien dessinés et exécutés dans les années 30. Le cœur de la ville (autant géographiquement qu’administrativement) est très piéton. on trouve beaucoup de rues commerçantes larges et très fréquentées, avec de grosses enseignes, qui structurent la partie nord de la ville. Le relief, et sans doute les caractéristiques du socle de Stockholm, créent une ville sens dessus dessous, à la
fois souterraine et aérienne. L’autoroute qui traverse la ville, les énormes infrastructures du métro et du train qui relient les îles entre elles en font une ville hétérogène. Je dirais que d’une manière générale, les espaces publics qui composent la ville de Stockholm sont très utiles. Les rues créent des flux qui desservent très bien autant les commerces pour les rues piétonnes que les quartiers pour les routes qui traversent la ville. Mais je trouve ces espaces souvent larges sans aucun charme, ils ne sont pas particulièrement agréables.
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COPENHAGUE U N E V I L L E D A N S L’ E R E D U T E M P S Les limites du “centre ville” sont très claires, au moins sur la carte. D’anciennes fortifications cernent la ville et lui confèrent des limites spatialement lisibles. La ville est très bien aménagée pour les vélos, mais on en trouve relativement moins qu’à Amsterdam. Les distances sont plus longues mais restent faciles à pratiquer. La voiture est très présente et on ne se déplace à pied que dans quelques quartiers ou zones piétonnes. Le système de « vélo-caddie » est très ingénieux et fonctionne relativement bien grâce au respect des danois envers l’objet public. La gare n’est pas au centre de la ville, elle créé
donc un effet de surprise. Je n’ai pas pris le métro. Malgré la forte présence du vélo et de ses infrastructures, la ville est souvent embouteillée. C’est une ville très active, qui se développe vite et où le vélo, la marche et les transports publics sont placés au centre des nouveaux projets d’aménagements. Les petites ruelles pavées et l’atmosphère piétonne de la vieille ville, au centre de Copenhague m’ont charmé, et l’échelle de ce centre ville semble rimer avec une haute qualité de vie. C’est un exemple pour les nouveaux quartiers autour de la vieille ville, car ils sont conçus selon cette même échelle. 31
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BERLIN LA VILLE MUSÉE C’est une très grande ville. Le système de transport en commun y est solidement basé sur des axes cohérents. La ville est tellement vaste et tellement fragmentée qu’il est difficile de lui trouver un “centre ville”. Tout y est large, ouvert, c’est une vraie ville musée. Je n’ai pas vu le système de bus, mais les transports en commun sur rails sont très bien organisés, clairs et faciles d’utilisation. La ville est très scénographiée : les traces du mur de Berlin, l’avenue des stars ou
encore ces conduits aériens de toutes les couleurs sont liés spatialement dans toute la ville et créent des parcours. Quelques zones piétonnes sont agencées autour des monuments mais il ne semble pas y avoir de cohérence générale, de liaison, ces espaces sont flottants dans la ville. Dans la partie Est de la cité, on remarque des espaces dédiés aux piétons qui ne sont cependant pas à l’échelle du citadin, donc peu agréables à arpenter, comme Alexanderplatz par exemple.
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ISTANBUL LA VILLE BAZAR Istanbul est très étendue. Il semble y avoir plusieurs “centres villes” où l’on peut vivre sans qu’il soit indispensable de passer de l’un à l’autre. La ville est un bazar géant, beaucoup de gens sont à pied, tous se baladent dans la ville. Certains axes et places majeurs « débordent » de piétons, de voitures et de mobylettes. Malgré cela, le système de transport en commun est très bien conçu et compréhensible. J’y ai dénombré une ligne de métro et plusieurs sont en construction, ainsi que plusieurs lignes de tram et deux funiculaires. La topographie de la ville mais aussi le
trafic des voitures et la hiérarchie très claire des transports rendent le vélo très peu utilisé. C’est donc principalement à pied que les gens se déplacent à Istanbul. Il existe un contraste très fort entre les zones « sur fréquentées » par la voiture avec un brouhaha constant, une atmosphère particulière où le piéton n’est pas le bienvenu, et les zones de bazar où règnent les piétons à une échelle tout à fait différente. Cette formation des espaces n’est pas dessinée ou planifiée, on sent qu’elle est liée aux usages.
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MARSEILLE DE LA RUELLE AU PORT INDUSTRIEL Un air de constant désordre : la ville est à la fois ciselée par de petites ruelles en pente, colorées et joyeuses, offrant une échelle agréable pour tout arpenteur de ville. Elle est aussi un port colossal, au milieu de la ville, fermé au public, avec des tons moins chaleureux et jonché d’énormes infrastructures et autres bâtiments portuaires. La voiture est omniprésente, accompagnée d’une pollution visible à
l’œil nu; il est très difficile et désagréable de se déplacer en vélo : en effet, très peu d’aménagements permettent de parcourir une longue distance à vélo dans le centre ville. Le bord de mer est aménagé pour les piétons et offre de longues promenades agréables et en contact direct avec l’eau. Si la ville est moyennement dense, le centre ville foisonne d’activités, ce qui fait tout le charme de Marseille.
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PARIS LA PETITE VILLE EMBOUTEILLÉE La ville est très dense et ses habitants donnent l’impression de se l’approprier de façon homogène. En effet, contrairement à une ville comme Istanbul où règne une forte hiérarchie des espaces, certains très fréquentés, d’autres vides, et chacun ayant un usage très spécifique, Paris est une ville qui bouge partout et tout le temps. On peut s’y déplacer aisément grâce à un système de transport en commun très efficace. Le rythme du centre ville, bien qu’historiquement marqué,
reste globalement homogène. La ceinture périphérique de la ville délimite un centre ville concret qui n’est défini que par une route et qui n’a donc pas de signification sociologique. Le vélo s’y est développé et donne l’impression d’être plutôt bien accepté, même si sa pratique demeure périlleuse, et assez éloignée du centre des priorités. Beaucoup utilisent le scooter afin d’éviter les bouchons constants en centre ville.
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LES CHIFFRES C O M PA R A I S O N S Après avoir porté un premier regard plutôt sensible et imagé, j’ai voulu comparer ces villes de manière plus rationnelle et scientifique. Afin de faire des fiches comparatives de chacune de ces cités, j’ai recherché un certain nombre de données caractérisant ces villes traversées, qu’elles portent sur la superficie, la densité ou la démographie qui offrent des informations sur la qualité de vie, ou sur les moyens de transports et les flux à travers la ville qui permettent d’en comparer les rythmes. Ces données confrontant les différentes villes traversées m’ont permis de remettre à plat toutes les différentes sensations et impressions que j‘ai eues au cours de mes voyages. Globalement, toutes les villes parcourues
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dans le nord de l’Europe sont des villes riches et déjà très développées sur tous les plans et la tendance actuelle semble être le recul de la voiture en centre ville. on retrouve dans chacune des cités des zones piétonnes qui sont un gage de qualité de vie. Ces villes très bien aménagées sont tissées par des moyens de transports très efficaces et rapides adaptés à un style de vie productif. La qualité de vie y est toute différente dans les villes du Sud, car bien qu’elles semblent plus pleines et embouteillées, hasardeuses et denses en activité, l’espace public y est plus utilisé par les citadins, il devient le spectacle de la vie tranquille. Les pratiques de la ville sont moins timides et plus foisonnantes.
Superficie Superficie aglo Population Population aire urbaine Densité
IDH Classement IDH Qualité de vie Cout de la vie
AMSTERDAM
OSLO
STOCKHOLM
COPENHAGUE
BERLIN
ISTANBUL
PARIS
MARSEILLE
(ha) (km2) (hab) (hab)
2190000
4530000
1870000
880000
590041 860000
847000 1285000
780000 1180000
11310000 5343 10291102 12782960
1050000 2845 2234105 10354675
2400000
780152 1500000
8910000 30370 3499849 5947300
(hab/km2)
3561
1300
4527
3480
3924
2392
21196
3535
0,910 3 13 4,43
0,943 1 24 6,79
0,904 10 20 5,91
0,895 16 11 5,37
0,905 9 16 4,43
0,699 92 3,54
0,884 20 32 4,43
0,884 20 4,43
0 629
0 50
0 91
34
0 288
28 131
(rang) (rang) big mac index (€)
850602 1715096
Altitude min Altitude max
m m
Distances N/S Distances E/O Gares Metro Tram Bus Vélos location trains ferry prix billet
(heures) (heures)
02:20 03:38 1 4 17 30 loc
09:47 03:53 1 6 9 53 self service 7
04:27 03:50 1 7 4 410 ? 8
02:25 01:10 1 2 0 251 caddie 7
08:53 07:06 1 9 22 148 ? ?
10:16 29:0 2 2 19 57 ? 2
02:12 04:09 6 16 4 316 self service 22
04:27 03:12 1 2 2 77 self service
(€)
1,6
3,1
2,2
3,2
2,3
0,5
1,7
1,5
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OSLO
STOCKHOLM
ISTANBUL
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BERLIN AMSTERDAM
COPENHAGUE
MARSEILLE
PARIS
Comparaison des communes, des aires urbainisé et des espaces ouverts à la même échelle. 43
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Marseille
Paris
Istanbul
Berlin
Copenhague
Stockholm
Oslo
Amsterdam
Superficie Metro
Population Tram
DensitĂŠ Bus
En accumulant toutes ces données, je me suis rendu compte de ce qui m’intéressait réellement pour ce projet. C’est la relation à l’espace. L’espace donné à l’individu dans la ville. Toutes les données sur les transports en commun sont pertinentes mais elles ne m’aident pas à comprendre quelle est la place de l’homme dans la ville. C’est en comparant les superficies et les populations des villes que j’ai saisi la raison de mon intérêt particulier pour Paris. J’ai découvert la source principale des problèmes que j’ai cherché à définir. Si la voiture me pose problème dans la ville, c’est parce qu’elle change le rapport spatial
initial entre l’homme et la ville. Et c’est dans une ville aussi dense que Paris et aussi régie à l’utilisation de la voiture au XXème siècle que l’on s’en rend compte. Ce graphique présente les superficies, la population et la densité de chacune des villes comparées. Il montre très clairement la densité et la faible superficie de Paris. Ce qui me captive à partir de ce point c’est de comprendre comment les parisiens s’approprient la ville et comment ils se partagent le peu d’espace qui leur est alloué?
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LE TISSU URBAIN R E V E L AT E U R D E D E N S I T É La densité des villes étudiées est très variée. Mais à l’échelle de la ville, il est difficile de comparer les densités et le rapport à l’espace public qu’entretiennent les usagers de chaque ville. Il est fascinant de comparer le travail plus sensible de la déambulation photographique, ici illustré par la série “street view” avec un travail en plan, plus factuel et objectif. Cette série de schémas de ville cherche à comparer les différents tissus urbains et à révéler la valeur de l’espace public dans chacune des villes. Ce travail conforte et complète le travail d’observation dans la rue. Amsterdam par exemple est une ville dense avec des rues très particulières, les canaux créent une atmosphère étrange, et organisent la ville de manière concentrique avec de grands linéaires plats. On ressent ces espaces simples et agréables lorsqu’on les pratique, et on les comprend en plan lorsque l’on déchiffre l’échelle de la rue. On sent la densité à l’échelle de l’ilot. Les
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rues qui les relient sont étroites. La voiture n’est absolument pas adaptée à cette ville, ce qui est déchiffrable sur le plan. Les plus grands espaces sont ceux des canaux, les déplacements se font donc soit par voie fluviale, soit dans les petites rues, et c’est tout naturellement que le vélo a trouvé sa place au cœur d’Amsterdam. De plus, en s’imposant dans la ville, la bicyclette participe à la disparition de la voiture et au désencombrement de l’espace public, aujourd’hui largement réapproprié par les Amstelodamois. Au contraire, la ville d’Oslo, anciennement en bois, a brulé à plusieurs reprises; les rues se sont donc élargies pour éviter de « contaminer » le trottoir d’en face. Aujourd’hui, ces larges rues sont parfaitement adaptées à la ligne de tram et aux voies de circulation aérées laissant de la place pour tous et conférant cet agréable sentiment de sécurité.
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STOCKHOLM
BERLIN
COPENHAGUE
AMSTERDAM
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PARIS
OSLO
DE PARIS À PARIS DE LA C OM M UN E AU COEUR DE PAR I S
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L’ESPACE PUBLIC PARISIEN U N E H I S T O I R E D ’ E S PA C E Paris est une ville beaucoup plus dense que les autres villes étudiées. Cela signifie qu’au sein de la ville, un nombre considérable d’individus se partage un espace très restreint. Cette notion de partage de l’espace est bien différente dans chaque ville. Et on se rend bien compte que d’une manière générale, ces espaces sont toujours inégalement répartis. Mais ici, nous ne nous intéresserons qu’aux espaces publics parisiens et à ceux qui les pratiquent, à savoir le piéton (il faut entendre le marcheur mais également l’utilisateur du métro) et la voiture. L’espace public est l’espace qui est partagé par tous, et qui n’appartient à personne. Ces espaces sont essentiels dans une ville dense, ils nous permettent de sortir de la sphère privée, de l’intime. Ils permettent de rencontrer d’autres personnes et sont donc essentiels à la vie en société. Ils permettent en effet de tisser des liens, et plus la ville est dense, plus elle permet de développer les liens sociaux. Excepté les espaces
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semi publics type terrasse de café, il est difficile de trouver des espaces statiques pour s’arrêter dans Paris, pour échanger, se réunir ou casser le rythme de cette ville fourmilière. En effet, la superficie du centre ville de Paris est d’environ 87000000 m2 pour seulement 5800000 m2 de parcs, jardins et squares. Cette superficie est donc dérisoire, comparativement aux 2 200 000 habitants qui peuplent Paris intramuros, sans compter les 27 000 000 touristes qui visitent la cité chaque année. Heureusement, l’espace public parisien n’est pas limité aux seul parcs et jardins : les rues et les places sont aussi des espaces publics et ces espaces cumulent 26 000 000 m2, soit 1/4 de la superficie totale de la ville. Pourtant, ces espaces publics sont bien différents et accueillent d’autres activités.
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LA RUE OU LA LOI DE LA JUNGLE La rue est donc bien un espace public, c’est l’espace qu’on trouve entre deux maisons, ou deux immeubles. C’est l’espace qui s’est créée naturellement pour desservir les habitations et les commerces. L’espace de la rue est donc à la base un espace utile. Et toute chose utile, dans notre société, cherche toujours à devenir le plus efficace possible. Ainsi, pousser la rue à être le plus efficace possible, revient à en oublier ses propriétés « inutiles » mais pourtant essentielles dans une ville dense. La rue est un lieu public de flux constants où l’on se déplace pour rejoindre deux endroits. C’est donc le lieu le plus propice à la rencontre entre deux personnes. La rue représente 1/4 de la ville de Paris, ou quatre fois les parcs et jardins : elle donc est une phénoménale superficie propice à la rencontre. Pourtant, si l’on fait état des lieux de la rue dans Paris, on se rend compte que plus de la moitié - soit 13 460 000 m2- de la rue est constituée de chaussée, contre 10 070 000 m2 pour les trottoirs et moins de 4 000 000 m2 pour les places de stationnement.
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L’intégralité de la rue est un espace de flux, mais chaque lieu engendre un déplacement différent, un déplacement particulier. Un piéton n’utilise que 0,25 m2 et marche à moins de 5 Km/h en moyenne. Une voiture en ville utilise 8m2 et roule à 16 Km/h. A cause de cette énorme différence, la rue, pour être efficace et adaptée à tous, se morcelle, se divise en plusieurs espaces, chacun étant cloisonné. Cet isolement des usagés accentué par l’encombrement du mobilier cloisonnant et l’impossibilité de trouver des espaces statiques dans la rue rend toute rencontre difficile. Si l’on ajoute à cela les 780 000 places de stationnement automobile, on constate que 6280000 m2 (c’est à dire une surface supérieure à celle des parcs et jardins) sont des espaces privatisés par moins de 50% de la population. La rue, de par l’immense superficie qu’elle occupe dans Paris, est l’espace public principal, elle est en permanence connectée à l’espace privé, l’espace intime du foyer ou du lieu de travail. La rue est le principal paysage urbain de la ville de Paris.
En Europe, une rue est intermédiaire entre le chemin de grande communication et le « lieu public » couvert (…) Aussi change-t-elle d’aspect plus de cent fois en une journée, car la foule qui la peuple se renouvelle et les hommes sont, en Europe, sa composition essentielle. Sartre, Situations III, p. 108.
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LA PLACE N’A PLUS SA PLACE Place publique n. f., du latin platea (XII e siècle): Lieu public dans un espace découvert généralement entouré de constructions. Les places publiques sont révélatrices du mode de vie urbain dans l’Histoire. Elles se construisent soit par apports successifs, soit dans une composition unique. Le Robert La place publique a, depuis l’antiquité grecque, rassemblé les hommes. Cet espace ouvert a toujours été un lieu d’échanges. C’est un espace largement ouvert et accessible à tous, c’est un espace changeant, on peut y installer un marché ou accueillir un évènement. On retrouve cette qualité spatiale dans certaines places à Paris, sur les parvis de Notre-Dame ou du centre
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Pompidou par exemple. Mais les pus grandes places parisiennes ont perdu leur fonction avec le temps. Avec Haussman et le capitalisme au XXe siècle, elles sont devenues des espaces de circulation, des échangeurs, des ronds points. Ces grands espaces ouverts dans la ville desservent aujourd’hui les grands axes. Il existe très peu de ces places publiques qui seraient des endroits statiques dans la ville, propices à l’amélioration de la qualité de vie et qui proposeraient des espaces à multi-usages, car la voiture a pris le dessus, imposant son rythme et son échelle. Pourtant, il existe une volonté politique de réappropriation de ces espaces pour le piéton afin de revenir au rythme de l’homme. Pour exemple le projet de réaménagement de la place de la République ou les quais de la rive gauche de la Seine.
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1 : Place de la Bastille 2 : Place de la Concorde 3 : Place de l’Etoile 4 : Place de la Nation 5 : Place d’Italie 6 : Place de Clichy 7
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7 : Place de Rungis 8 : Place de la République 57
VUE SUR RUE L A R E L A T I O N E N T R E L ’ I N T I M E E T L ’ E S PA C E P U B L I C Cette série exprime la relation entre l’espace public “rue” et l’espace privé. Elle confronte sur le même film, deux visions differentes : l’une de l’interieur de l’appartementl et l’autre, de l’appartement sur la rue. Cette série de photos vise à faire entrer la rue dans l’espace intime du “chez soi”. Elle permet surtout de prendre conscience de l’importance de la rue en tant qu’espace public pour les Parisiens. Outil : argentique Mamiya C220 sur film NB 6x6v
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extrait de la série “Vue sur rue”
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Revenons à l’espace de la rue et observons à présent ses usagers. Nous avons posé qu’environ 1/4 de la ville est de la voirie ; un peu plus de la moitié de la voirie est dédiée à la chaussée, donc à la voiture. Le reste est donc réservé au piéton et à ceux qui utilisent les transports en commun. En apparence, la voiture étant plus encombrante, l’équilibre semble être bon. Cependant, ces deux espaces ne sont pas utilisés par le même nombre d’usagers. Si l’on prend un échantillon de 100 personnes
se rendant au travail à Paris, 78 s’y rendront à pied ou en métro alors que seulement 17 s’y rendront en voiture. Il y a donc un énorme déséquilibre dans la répartition des espaces par usager et l’encombrement de la voiture en est sans doute la cause principale. Cela induit une densité (individu par unité de surface) très différente selon l’endroit où l’on se trouve au sein même de la rue et de fait, change la qualité des espace partagés.
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LA DENSITÉ O U L’ I N É Q U I T É D E L A V O I E P U B L I Q U E La densité de la population permet de nous rendre compte du nombre d’habitants occupant une portion d’un milieu donné. Elle est exprimée en nombre d’individus pour une certaine unité de surface. Ici nous parlerons en m2 puisque cette unité est perceptible par tous et peut être comparable à notre corps. La densité moyenne de Paris est de 21 064 hab/km2 ou 0,02 hab/m2, (soit moins de 50 m2 par habitant) ; en comparaison, à Marseille on compte 280 m2 par habitant. Dans les rues parisiennes, la densité de la population déambulant sur les trottoirs est de 4 m2/hab alors que chaque voiture utilise 15 m2 sur la chaussée parisienne. Une voiture nécessite en moyenne 8m2 et pourtant la moyenne est de 1,2 habitant par voiture dans Paris. Dans une ville où il n’y a que 2,6 m2 de parcs et jardins par habitant, l’espace public de la rue est nécessaire pour l’épanouissement social. Toutes ces
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données ne sont bien évidemment que des moyennes, elles n’ont qu’une valeur et un poids théoriques, finalement souvent loin de la réalité de ce qui se passe dans la rue, mais elle sont un indicateur des conditions de vie dans la cité. Or, nous avons tous besoin d’espaces de détente et de calme, d’espaces privés et d’espaces publics que l’on peut s’approprier. Bien sûr, il ne s’agit pas ici de faire la guerre à la voiture dans la ville, mais de démontrer à quel point la répartition de l’espace est inégal et que des espaces plus équilibrés seraient bons pour l’épanouissement de tous. On remarque que les villes où la qualité de vie est la plus agréable sont des villes ouvertes où la nature vient s’immiscer, où la densité est moins élevée et les espaces plus ouverts.
Représentation spatiale des densités moyennes des trottoirs et chaussées dans Paris, ou, le partage de l’espace public. 69
UNITÉ D’ESPACE L ’ E S PA C E T H É O R I Q U E Cette série présente de façon presque littérale la densité de Paris à différents endroits publics. Chaque habitant n’a pas la même valeur dans l’espace Parisien, cette série critique la quasi dictature de la voiture sur l’espace dit “public”. Cette série de photos présente l’homme dans son environnement urbain encadré par la surface à laquelle il est mathématiquement lié. Outil : numérique 5D markII
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extrait de la série “Unité d’espace” 71
281 m²/habitant, c’est la densitÊ humaine de Marseille.
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41 m²/Habitant, c’est la densité humaine de Paris.
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4 m²/personne, c’est la densité donnée par habitant sur les trotoirrs parisiens.
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8 m²/C’est la surface moyenne qu’occupe une voiture pour 1,2 hummain.
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2,56 Usagers/m², c’est la densité dans le métro 13 à l’heure de pointe.
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LE COEUR DE PARIS DU CENTRE HISTORIQUE AU COEUR DE LA VILLE Pour sortir des généralités et afin de trouver une zone d’expérimentation pour ce projet, j’ai recherché le cœur de Paris. Ces inégalités spatiales entre l’homme, la voiture et l’espace public sont bien réels, mais il existe dans Paris des endroits où elles sont plus fortes encore, ressenties de façon plus cruelle : il y a bien un endroit où le mot densité prend tout son sens.
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J’ai cherché ce cœur de Paris à l’aide de trois méthodes qui se rejoignent : tout d’abord, j’ai examiné le centre historique de Paris dans de vieilles cartes, puis j’ai utilisé les données de l’APUR pour trouver le cœur objectif de Paris, et enfin, j’ai imagé et rendu plus sensible et subjective cette zone de Paris dense et vivante grâce à la photographie.
Boulevard Periferique 1966 - 1973 Enceinte de Thiers 1840 - 1844 Mur des Fermiers généraux 1784 Enceinte de Louis XIII 1566 L’enceinte de Charles V 1356 - 1383 Enceinte Philippe Auguste 1190 -1213 Première enceinte médievale Xe siècle Lutece - enceinte gallo-romaine IVe siècle
On remarque que Paris est une ville concentrique qui s’est créée sur une petite île, Lutèce, devenue Paris en s’étalant sur la rive droite jusqu’au XIVe siècle. Les limites de la cité étaient alors des murailles défensives. C’est avec les murs des fermiers généraux que le périmètre jusqu’alors devenu incertain se redessine mais cette fois-ci à des fins économiques - prélever un impôt sur les marchandises entrant dans
la ville. Cette frontière est détruite en 1860 et les limites de Paris sont repoussées à l’enceinte de Thiers, les fameuses “fortifs” qui dessineront ensuite le tracé du boulevard périphérique de Paris. On peut donc considérer que les quartiers historiques se trouvent bien au centre géographique de la ville.
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densité population et emploi 1999-2004 prise et dépôt de velib’ station velib’ densité de la population à l’ilôt densité de l’emploi accidents de vélo densité commerciale zone d’offre commerciale transformation des locaux locaux vacants locaux longues vacances densité superettes densité alimentations generales -120m² densité cafés et bars densité restauration rapide densité restauration asiatique densité prêt-à-porter densité librairies densité soins du corps très dense, pas d’espace privé ouvert déplacements cumulés
Le deuxième travail de recherche du cœur de Paris est constitué d’une accumulation de cartes schématiques des différentes densités. Par transparence, elles créent une zone bien plus dense que le reste. Cette tache plus ou moins saturée montre
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objectivement (ce sont les données résultant d’études effectuées par l’APUR et des statistiques de l’INSEE) où se trouve la zone la plus dense en activités, la plus diversifiée et pratiquée de Paris.
Carte du cœur objectif de Paris sur photo arienne.
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PORTRAIT DE PARIS L ’ E S PA C E P U B L I C V E C U PA R L E S PA R I S I E N S Cette série est un tour d’horizon de la ville de Paris basé sur la rue. Elle présente la relation entre les espaces de la rue et ses usagers. Aujourd’hui divisés, les différents citadins ne se mélangent pas dans l’espace public de la rue. Cette série fait un état des lieux de la rue du petit Paris délimité par une accumulation de cartes montrant la zone la plus dense de Paris, l’endroit qui est le plus ville dans la ville selon moi. Outil : argentique Mamiya C220 sur film NB 6x6
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Carte du cœur objectif de Paris par transparence sur photo arienne avec le tracé shématique des prises de vues sélectionées.
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Nous avions commencé avec une vision globale de Paris. C’est une ville plus dense que les autres villes européennes étudiées. C’est une ville dont certains quartiers ont gardé le tissu urbain médiéval alors que d’autres sont entièrement refaits et structurés par des axes majeurs. Nous avons précisé que cette ville ne propose que peu d’espaces, de parcs et de jardins pour une population conséquente : plus d’un quart de la superficie de la cité est occupé par la voirie, et cette voirie est inégalement répartie entre ses usagers, puisque la majorité doit se partager moins de la moitié de l’espace public et s’adapter aux rythmes et aux règles de la minorité motorisée. Cette dictature de la voiture sur l’espace public a atteint son apogée cette dernière décennie. Or, les nouveaux citadins semblent vouloir une meilleure qualité de vie qui va de pair avec une réduction de la place de la voiture en ville. On ressent cela à travers les nouveaux projets de centre-ville piétons, de villes durables, d’éco-quartiers, mais il est toujours difficile de changer des espaces qui ont évolué pendant près d’un siècle avec la voiture. Pourtant, ces inégalités poussant à une dissociation, une division et une incohérence des espaces publics ne peut pas durer.
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RE-DEMOCRATISATION DE LA RUE
L E P R O J E T D E PAY S A G E A U S E R V I C E D E S P L U S N O M B R E U X
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L’esquisse de projet qui suit est composée de différents moments. Chaque moment représentant un travail autonome mais constitué dans la suite logique de l’analyse de l’espace public Parisien. Ces moments affirment une re-démocratisation de l’espace public, c’est à dire qu’ils tentent de rendre aux plus nombreux l’espace qui leur est du. Ils ne proposent jamais de réaménager l’espace public d’une nouvelle façon, mais ils tentent de brouiller ces inégalités ou de s’en abstraire. Chacun proposera aussi des alternatives non pas physiques mais sensorielles à l’encombrement de la voiture dans l’espace public. Chacun de ces moments composant ce projet propose une réflexion sur l’espace public et une solution aux problèmes engendrés par l’automobile. Grâce à la photographie chacun des moments nous projettera dans l’espace et parfois aussi dans le temps. Les pages qui suivent présentent brièvement les micro-projets ou moments qui composent un projet de dépaysagement urbain.
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LA RÉVOLUTION R É C U P E R E R L ’ E S PA C E P U B L I C A la dictature de la voiture sur la convention de la rue, il y a une réponse simple et sans détours, la révolution. Reprenons démocratiquement l’espace qui nous est du. Ce stopmotion présente une performance qui consiste en une révolution contre le dictat de la voiture sur la rue, la reprise de l’espace de stationnement (devenu privé parce que payant) comme un espace public. Outil : numérique 5D markII + Montage video
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LA REMISE À ZERO RE-ÉCRIRE LA CONSTITUTION. Cette série présente la rue (principal espace public Parisien) comme on ne l’a plus représenté depuis le début du XXeme siècle. La rue est représentée dans son état le plus pur, il n’y a à priori pas de distinction entre les espaces. S’ils existent, ce sont des codes, des règles inventés par notre société occidentale au XXe siècle. Cette série prétend montrer l’espace public sous son état le plus pur, vierge, avant l’instant de la hiérarchisation des espaces. Outil : Sténopé en bois (chêne) fait main 0,26mm - F50mm - f:192 sur plan-film 4x5”
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Rue de Rivoli, 12:52 - 13:05
Avenue des Gobelins, 16:30 - 16:46
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Rue de Clignancourt, 18:23 - 18:40
Avenue du Maine, 11:04 - 11:16
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LA FUITE A U G M E N T E R L’ A M P L I T U D E D E S T R O T T O I R S A la dictature de la voiture sur la convention de la rue, il y a plusieurs échappatoires et l’un d’entre eux est la fuite. Fuir l’espace restreint qu’il reste (le trottoir) pour se réfugier dans un espace de détente et de calme réservé à l’homme. Sans voiture ces espaces sont des havres de paix au centre de la ville. Outil : numérique 5D markII
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CHANGER DE RYTHME F A I R E D I S PA R A I T R E L E R E G N E D E L ’ A U T O M O B I L E La voiture, en s’imposant dans la ville au cours du XXeme siècle a lentement imposé son propre rythme. Au rythme de la mondialisation et de la montée du capitalisme, de la course folle au profit et à la productivité, l’automobile change la ville. Aujourd’hui notre oeil s’est habitué à ces signes, ces codes qui nous ont été imposés. Bien que ces signes et ces règles aient pour but de sécuriser et réguler l’utilisation de l’automobile, ils envahissent l’espace public. Cette série propose un bond dans un monde où les signes disparaissent, clarifiant les espaces et simplifiant les codes de la ville. Outil : numérique 5D markII + Photomontage et dessin.
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Ce projet de dépaysagement urbain est utopique dans le sens où il représente une réalité idéale subjective. Les séries de photos ne peuvent être présentées dans cette plaquette, mais leur description devrait suffire à éveiller la curiosité et encourager une réflexion sur la place de l’homme et de la voiture dans l’espace public. Chacune de ces séries est un travail de représentation photographique d’une idée visant à changer spatialement la ville. Ce projet que vous aurez l’occasion de voir le 4 Juillet à 14h sera présenté sous la forme d’une exposition de photos. Toutes les étapes du projet seront exposées en séries de photos. Cette exposition sera suivie d’eune présentation orale dans l’amphithéâtre de l’intégralité du projet.
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BIBLIOGRAPHIE
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A propos de la photographie, de l’espace., de la perception, de la mobilité, de la ville et de Paris
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Sur ma table de chevet pendant la periode du TPFE
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Avec l’aide d’internet
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Avant tout, je remercie mes parents pour l’aide et le soutien qu’ils m’ont offert durant toute ma scolarité. Ensuite je remercie les amis qui m’ont aidé. Pour leur soutien moral et physique, je remercie Audric Galzy, Zoé Gebauer, Magalie Fargeas, Maxime Aubinet, Thomas Gonella et Simon Lacourt. Pour leur soutien materiel, je remercie Corentin Anglade, Julien Colardelle et Thomas Orssaud. Pour son soutien au quotidien et dans toutes les situations je remercie Julie Revel. Je te remercie aussi toi qui a pris le temps de te plonger dans mon travail. Enfin, pour m’avoir lu et écouté je remercie tous les membres du jury; Mongi Hammami, Gilles Debrus, Tanguy Aufret et Camille Fallet. Bien sur, je remercie Alice Roussille pour son très bel accompagnement tout au long de ce travail personnel de fin d’étude. 125
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