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N° 4 • Avril 2020
On applaudit… et après ? Victimes par milliers, hôpitaux surchargés, populations confinées, écoles et commerces fermés, économies au ralenti… Le choc est inédit, brutal, mondial.
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our y faire face, des travailleuses et travailleurs se dévouent, tous les jours, en assurant les tâches et services essentiels à la population. Dans les hôpitaux, bien sûr. Mais aussi dans les maisons de repos, les services publics, la logistique, la production, les transports, les crèches, les services sociaux, etc. Cette crise aura mis en lumière les conditions difficiles, voire inacceptables, dans lesquelles travaillent celles et ceux que l’on appelle désormais « la première ligne ». Alors, en attendant mieux, ne sachant pas trop quoi faire d’autre, on les applaudit, tous les jours à 20h, à nos fenêtres. Mais, une fois passées ces minutes d’hommage citoyen, on ne peut s’empêcher de se poser une question : et après ?
Le monde de demain ? Comment gérerons-nous l’après ? Le consensus autour de la Sécurité sociale et des services publics survivra‑t‑il au déconfinement ? Les refinancera-t-on à la hauteur de leurs besoins ? Revalorisera-t-on les salaires des « premières lignes » ? Rappelons-nous la crise financière de 2008. On nous avait promis : « Plus jamais ça ! ». Les marchés allaient être régulés, le secteur bancaire encadré et les richesses mieux réparties… Résultat ? Deux ans plus tard, pour satisfaire ces mêmes marchés financiers, on nous imposait des politiques d’austérité drastiques, détruisant nos acquis, saquant dans les services publics et la Sécurité sociale. Ne soyons pas naïfs : le camp d’en face n’a changé ni d’idées ni d’objectifs. Le patronat et ses relais politiques préparent la relance pour que tout recommence comme avant. Concurrence libre, heures supplémentaires défiscalisées, flexibilité, aides sans conditions aux entreprises, État et services publics affaiblis…
Le Covid-19 leur a pourtant donné tort. Leur main invisible du marché a-t-elle pu faire face à la crise ? Nous a-t-elle permis de nous équiper rapidement en masques, respirateurs ou lits d’hôpitaux ? A-t-elle fourni un revenu de remplacement aux 1.200.000 travailleuses et travailleurs mis au chômage temporaire ? Non. Pour tous ces besoins urgents et essentiels, c’est la collectivité qui a pris la main. Car le rôle de l’État est de protéger la population. Mais aussi de prévoir et planifier. Pourtant, cette dernière fonction a fait défaut ces dernières semaines. Pourquoi ? Parce que, au nom des économies budgétaires, on avait gravement affaibli l’État ainsi que l’un des meilleurs systèmes de soins de santé au monde : le nôtre.
Sortir de la pensée unique Cette crise démontre une autre évidence : la richesse est créée par les travailleurs et travailleuses. Et certains découvrent aussi que les fonctions indispensables sont aussi… les moins bien payées. Autre leçon à tirer : quand l’objectif est impératif et urgent, nous sommes capables de prendre des mesures drastiques et de nous adapter, du jour au lendemain. Pourquoi ne pas faire preuve de la même capacité d’adaptation pour affronter les autres impératifs que sont l’urgence environnementale et la justice sociale… Dernier tabou libéral à briser : la hantise des dépenses publiques. Les investissements dans la santé, l’enseignement, la culture, la transition écologique, les transports et le logement publics… doivent être immunisés contre les règles budgétaires européennes. Les politiques doivent également oser réduire unilatéralement la dette publique ! Ce n’est qu’à ces conditions qu’une véritable politique de relance économique et d’investissements pourra voir le jour.