GR20 : le sentier corse

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NOS CONSEILS POUR BIEN ABORDER LA RANDONNÉE

LE SENTIER CORSE LE RÉCIT DES 9 PREMIÈRES ÉTAPES L’HIST OIRE DU MYTHE RUBRIQUE MAT OS LE COUP DE GUEULE

GRATOS


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GR20 NORDNORD JUIN 2008

Toutes les bonnes choses ont une fin. Nous voilà de retour de notre escapade sur l'île de beauté. Nous étions partis pour parcourir la totalité des 200 kilomètres du GR20, nous n'avons malheureusement pas atteint notre objectif. Une entorse à la cheville droite est venue contrarier nos plans à mi-parcours. Ligaments déchirés, qu'ils ont dit à l'hôpital de Corte.

Sur le toit de

LA CORSE

TEXTES et PHOTOS - OLIVIER GODIN et ADELINE REYNOUARD

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E

tape n°7. 2225 mètres d'altitude. La brèche de Capitellu se dresse devant nous, acérée comme les mâchoires d’un fauve. Sous nos pieds, le lac du même nom, nous renvoie des reflets saphir. Le GR poursuit sa route sous le sommet, à travers un large névé rendu instable par les rayons du soleil. Nos chaussures s'enfoncent dangereusement dans les cristaux immaculés. A allure réduite, nous quittons la zone et rejoignons un passage rocailleux qui descend en suivant la crête. Mes semelles 3

rendues humides par notre passage dans la neige accrochent mal. Je glisse une première fois malgré mes bâtons. Quelques mètres plus loin, je perds à nouveau l'équilibre en franchissant un rocher et m'affaisse lourdement sur le côté.

BANQUISES MINIATURES

J'ai ressenti une vive douleur dans la cheville droite, la même qui, 4 ans plus tôt m'avait valu, deux semaines de plâtre à la Réunion. Je chasse ce mauvais souvenir de mon esprit et tente de me rele-


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du lac de Melu qui scintille derrière nous. A la verticale, Capitellu n’est plus qu’une vasque géante dont nous ne distinguons que la silhouette. De ce majestueux tableau minéral, pourtant tourmenté par les éléments, émane une étrange impression d’apaisement. Je laisse voguer ma pensée entre les sommets qui se détachent sur le ciel azur.

De ce majestueux tableau minéral, pourtant tourmenté par les éléments, émane une étrange impression d’apaisement. Je m’imagine gigantesque sculpteur ajoutant sous les ordres de la nature, ici un pic, là une brèche. Sous mes immenses coups de ciseaux, la roche se fendille, explose parfois en milliers de fragments qui s’entassent en de larges pierriers sur les flancs de la montagne. J’ai oublié ma douleur. Un vol de chocards nous frôle et me sort de ma rêverie. Nous descendons prudemment vers le refuge de Petra-Piana. De l’eau ruisselle sur le sentier et le rend particulièrement glissant.

ver. Je fais quelques pas. Le mal est supportable. Confiant, je poursuis la descente laissant Adeline ouvrir la route. J’assure maintenant chacun de mes appuis et n’hésite pas à progresser à quatre pattes lorsque le relief se fait plus exigeant. Nous remontons désormais une pente abrupte recouverte d’aulnes. En contrebas, les petits lacs de Rinosu, encore gelés, font figure de banquises miniatures. A la faveur d’une pause, nous observons une dernière fois la teinte bleutée

Si certains gardiens sont peu loquaces, celui de Petra-Piana a le contact facile. Son épaisse moustache laisse apparaître un large sourire lorsqu’il m’accueille dans les quelques mètres carrés où il tient boutique. Son épouse, au centre de la petite pièce, s’affaire aux fourneaux. Sur les étagères, des paquets de biscuits, des barres de céréales, des fruits, pour une fois vendus à des prix raisonnables. Je m’acquitte de la somme demandée par le parc naturel régional pour planter notre tente (4 euros par personne) et retourne aider Adeline à dresser le campement. En cinq jours, nous avons acquis certains automatismes qui nous permettent de venir à bout de l’exercice en une vingtaine de minutes. Une fois la tente debout

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et le matériel rangé, nous gagnons les sanitaires pour la lessive. C’est ensuite à nous de passer à la douche. Puisée directement en amont dans les ruisseaux, l’eau est plutôt fraîche et revigore nos corps harassés par une journée d’effort. L’heure du dîner approche. La salle à manger du gîte est aussi étroite que la boutique du gardien. Malgré le monde, nous nous frayons un chemin jusqu’à l’une des tables dressées au centre de la pièce. En attendant, notre tour pour faire chauffer notre soupe, nous grignotons quelques rondelles de saucisson corse. Mon, voisin me fait cadeau de son pain, en face de moi. U homme d’une soixantaine d’années, la barbe fournie sort du fromage. Nous entamons naturellement la conversation, échangeons conseils et expériences. Cette convivialité spontanée réchauffe nos âmes tandis que notre bouillon fumant nous redonne du coeur. Nous effectuons une vaisselle sommaire. Dans la vallée, une mer de nuages roule ses vagues de coton sous l’oeil grand ouvert de la lune. Le fond de l’air est frais. Nous regagnons notre abri et sombrons dans les bras de Morphée.

PAR LES CRÊTES

Levé cinq heures comme chaq u e j o u r. U n t r o u p e a u d e vaches alanguies à quelques mètres de notre campement, n o u s observe nous activer autour de la tente en ruminant. Deux options s’offrent à nous ce matin. Rejoindre le refuge de l’Onda par la vallée, les bergeries et la passerelle de Tolla ou couper par les crêtes. Nous optons pour la deuxième solution. Selon le guide de la Fédération Française de Randonnée (FFR), cette variante permet de boucler l’étape en seulement 3h30. Le bandeau sur les oreilles et la veste goretex sur les épaules, nous partons à l’as5


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saut du sentier qui chemine durant plu- marquons une pause à l’abri d’un amas sieurs kilomètres sur l’arête dorsale des rocheux à proximité du croisement. Nous monts arrondis dressés face à nous sur marchons depuis moins de trois heures la route du Sud. Le vent souffle en conti- et avons bien l’intention de poursuivre nue et manque de nous faire chanceler notre route jusqu’à Vizzavona, le village dans les passages qui marque la fin de Le GR20 en chiffres difficiles. A l’oml’étape suivante et bre, la tempérala moitié du GR. ` ture doit flirter Amandes, figues -200 kilomètres avec le zéro. Mes séchées, barres -15 étapes - 11 0 0 0 m d e d é n i v e l é p o s i t i f gants de soie ne de céréales, nous 2 2 2 5 m , l’altitude maximale sont pas de trop. avalons de quoi 1 3 0 0 0 r a n d o n n e u r s c h a q u e a n n é e Marchant d’un nous remettre 3 0 % s e u l e m e n t v o n t j u s q u ’ a u b o u t bon pas sans d’aplomb. Ma che-4 euros le prix du bivouac par relâche, nous ville ne me fait pas personne en 2008 gagnons bientôt véritablement -10 euros le prix du refuge par le carrefour, où souffrir mais par personne en 2008 l’itinéraire du acquis de Mare a Mare conscience, j’ôte Nord croise le tout de même mes nôtre. Littéralement chaussures pour de la mer à la mer, ce chemin mène de m’assurer que tout va bien. En retirant Cargèse sur la côte Ouest à Moriani sur ma chaussette, je blêmis. La base de la côte Est en douze étapes. mon pied est violette et un large hémaUne dernière montée et nous voilà en tome entoure ma malléole. Je refuse vue du refuge de l’Onda. La variante que l’évidence et me rechausse. Nous entanous empruntons rejoint l’itinéraire princi- mons la rude montée en direction de la pal du GR20 plusieurs centaines de Punta Muratellu. Dans ma tête, l’image mètres en amont. Nous ne nous aventu- de mon pied bleui tourne en boucle. Au rons donc pas jusqu’à l’aire de bivouac et 6


Equipement : les indispensables

Sac à dos Forclaz 50 Symbium : 15 kilos au total avec l’eau. Une limite à ne pas dépasser. Tente Forclaz T2 ultralight : une tente Quechua pour deux personnes très satisfaisante. Elle pèse moins de deux kilos et offre un espace de vie plutôt confortable. Facile à monter et à ranger dans sa housse, elle résiste bien à l’humidité. Duvet McKinley Dalton trek 9 : Avec une limite de confort à + 6°, sa résistance au froid s’est montrée suffisante malgré des températures avoisinant parfois les 0°. Son poids 1,5 kilos et sa taille, en font toutefois un objet encombrant. Poches à eau 2 litres : McKinley : système de fermeture à coulisse très pratique. Décathlon : le bouchon à visser m’a souvent fait frôler la crise de nerfs. A eviter. Chaussures Columbia Titanium : Semelles Vibram, pas d’ennui, jusqu’à ce que survienne mon entorse. Chaussettes Quechua Equarea : associées à de la crème type Nok, elles m’ont évité les ampoules. Pas une seule de la rando. Nourriture : Pâtes chinoises, pas chères et faciles à faire. Thon à la tomate, avec du pain ou à la cuillère, il fait l’affaire. Soupes en sachet : c’est léger et ça réchauffe. Barres de céréales : aux fruits rouges, les meilleures. Amandes : haute teneur en calories, abricots et figues séchés parce que j’aime ça.

fond de moi, je sais très bien ce qu’elle signifie mais je veux encore y croire. Peut-être pourrons-nous trouver un médecin à Vizzavona, il m’examinera, constatera que ce n’est pas grave et me laissera continuer. Je me mens, je le sais mais pour l’heure, il faut continuer.

C A LVA I R E S O U S L A P L U I E

Moins de deux heures plus tard, nous passons sous le sommet et nous laissons 7

descendre sur d’immenses plaques rocheuses en dévers sur lesquelles un jeune Polonais, pétrifié, progresse sur le postérieur. Nous nous arrêtons quelques centaines de mètres plus bas pour piqueniquer. Nouvel examen de ma cheville. Son état s’est encore dégradé. De nouveau vaisseaux ont explosé et un tâche violette de plus de 10 centimètres barre désormais la base de mon pied. Merde. Trois heures de marche nous séparent


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encore du village et pour couronner le la rivière, un chalet nous tend les bras. tout, une nuée grisâtre semble monter à On y sert des crêpes et des boissons l’Est. La descente n’en finit plus. chaudes. Nous nous y installons à l’abri Aujourd’hui, nous aurons avalé largede la pluie qui n’a pas cessé et avalons ment plus de 1500 mètres de dénivelé un thé et un chocolat. Vizzavona est là en négatif. Avec ma blessure, je manque de contrebas à trois quart d’heure nous ditconfiance et avance avec la plus grande on. Il nous faudra moins d’une demiprudence. La pluie ne se fait pas attendre heure pour rejoindre le village via une et vient raviner encore un peu plus le piste forestière très roulante. sentier qui serpente dans les aulnes. Nous passons la passerelle de Turtettu avec plus d’une demi-heure de retard sur l’horaire du guide FFR. L’averse redouble d’intensité. Nous nous enfonçons en sous-bois le long de l’Agnone, un ruisseau devenu torrent qui s’écoule en d’impétueuses cascades. Les feuilles collées aux rochers par la pluie forment une véritable patinoire. Les nombreuses racines qui semblent jaillir du sol Nous nous enfonçons en sous-bois le long de dans le seul l’Agnone, un ruisseau devenu torrent qui s’écoule en but de nous d’impétueuses cascades. faire tomber entravent également notre progression. Nous sommes trempés jusqu’aux os, mes pieds sont douloureux, la brume nous cache le paysage, l’envie n’y est plus. Les minutes passent, de plus en plus longues. Nous avançons sans parler espérant voir apparaître à chaque détour du chemin, la cascade dite des Anglais, mentionnée comme repère par le guide. Mais rien. La désagréable impression de ne plus avancer, nous saisit. La lumière est faible sous les arbres et chaque recoin se ressemble. Nous nous arrêtons de temps en temps sans mot dire, cherchons la marque blanche et rouge du regard et poursuivons notre descente infernale en s’appuyant tantôt sur un arbre tantôt sur un rocher humide. Enfin après plus d’1h30 (au lieu de 45 min selon le guide FFR), ce qu’il faut bien appeler un calvaire prend fin. Au bord de 8


VIZZAVONA TOUT LE MONDE DESCEND

Nous entrons enfin dans le bourg. Pas un chat. Vizzavona ancienne station de montagne huppée ne compte plus que dix habitants en basse saison. Toute l’activité de la commune tourne autour du GR et de la gare. Car si petite que soit la localité, elle est desservie par la ligne ferroviaire Ajaccio-Calvi. Plusieurs établissements proposent le gîte et le couvert. Nous nous laissons tenter par le Bar-Restaurant de la Gare, une bâtisse ancienne dressée à quelques mètres des quais face au restaurant du chef de Gare, dont la patronne assume la double casquette de cuisinière et d’agent du chemin de fer Corse. Dégoulinant, les chaussures couvertes de boue, nous pénétrons dans le hall d’entrée tels deux chiens mouillés. Malgré notre état, les gérants nous accueillent chaleureusement et nous guident jusqu’aux dortoirs. Pour 34 euros par personne, ils nous proposent le dîner, la nuitée et le petit-déjeuner. Nous retirons nos vêtements trempés sous l’oeil mi-clos de deux Allemands déjà étendus sur l’un des lits superposés. J’ôte mes chaussures et rajoute ma touche personnelle au parfum aigre qui flotte dans la pièce. Direction la douche où nous nous délassons longuement sous un filet d’eau mince mais chaud. Mon pied ne va pas mieux. Renseignement pris, il n’y a pas de médecin à Vizzavona. A la vue de ma blessure, les hommes attablés autour d’une bouteille de rouge dans l’entrée, me conseillent après s’être concertés en parlant Corse de descendre à l’hôpital de Corte. Le dernier train étant déjà passé, la patronne décroche son téléphone pour appeler un habitant du village voisin, gérant de gîte lui aussi, qui s’improvise taxi à ses

Toute l’activité de la commune tourne autour du GR et de la gare. Car si petite que soit la localité, elle est desservie par la ligne ferroviaire AjaccioCalvi 9


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heures perdues. Il accepte de me descendre jusqu’à la ville, d’attendre que je passe mes examens et de me remonter pour 40 euros. Marché conclu de toute façon, je n’ai pas le choix. L’homme apparaît au bout de dix minutes. Grand, mince, une barbe épaisse la cinquantaine peut-être. Vêtu d’un treillis militaire, d’une veste kaki avec le visage du Che, une étoile rouge sur la poitrine, il semble tout droit sorti de la jungle sudaméricaine. Dans la cabine de sa camionnette, il détend l’atmosphère. Nous avons affaire à un guérillero gentil. Il plaisante tout le temps et nous raconte

sa Corse à lui, celle des montagnes, des promenades dans le maquis, de l’authenticité et des traditions. Il nous parle avec le sourire, du fromage et du saucisson, de la côte malheureusement transformée en Côte d’Azur, de la fierté des Corses et de leur hospitalité, du folklore, des villas plastiquées. Comme moi, l’hôpital de Corte fait grise mine. L’ascenseur est en panne et les urgences sont au premier étage. A l’accueil, les infirmières en grande conversation remarquent à peine ma présence. Nous nous installons dans la salle d’attente. Les minutes passent. Dehors, il pleut toujours. Au bout d’une heure à 10


Le repas est un délice. Il me redonne le sourire. La myrte achève de me rendre heureux. Je relativise. Nous reviendrons pour la moitié sud.

contempler les affiches hors d’âge qui tapissent les murs, on m’envoie enfin en salle radio. Le matériel neuf est installé dans une pièce décrépie. Je remonte avec les résultats. La sirène incendie sonne à tue-tête mais cela ne semble pas inquiéter le personnel qui vaque à ses occupations. « Faudra laver les fesses de madame Machin », « T’as pas croisé le docteur Truc ». Je tends enfin ma radio au médecin qui l’examine aussitôt. Il confirme mes craintes. « Grosse entorse, ligament déchiré, attelle, pas question de continuer …» J’accuse le coup et file annoncer la mauvaise nouvelle à Adeline. Nous remontons à Vizzavona. Les hommes au bar, n’ont pas bougé d’un pouce. Pour me réconforter, ils me cèdent leur bouteille de vin. A la télé, l’équipe de France sombre face à l’Italie. Le repas est un délice. Il me redonne le sourire. La myrte achève de me rendre heureux. Je relativise. Nous reviendrons pour la moitié sud. En attendant, demain, nous prendrons le 11

train direction Ajaccio. Après la montagne, la mer et les plages s’offrent à nous.

EN ROUTE

« La Corse, son climat méditerranéen, ses plages de rêve qu’ils disaient. En fait, il y a que des montagnes et il pleut ! » Un petit mot dans le livre d’or, un thé, des biscuits et nous voilà partis. Calenzana, le 12 juin 2008, 6 heures du matin. Nous quittons le refuge municipal écrasés par le poids de nos sacs ne sachant pas trop quel rythme adopter. La veille, le responsable de la maison du GR20 nous a mis le doute. « Avez-vous une bonne expérience de la montagne ». « Euh oui, enfin un peu ». « Parce que le GR, c’est pas de la rigolade. Techniquement, il y a des difficultés. Et puis, sur le plan physique, c’est un itinéraire très relevé ». « Gloups » Le soir même, un événement, nous apporte la preuve que ses propos ne sont pas à prendre à la légère. Une femme a disparu sur le sentier. Les hélicos de la


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Un défi pour les amateurs de trail 36 h 53 mn et 05s.. Tel est le record établi par Pierre Santucci fin août 2005 pour rallier Calenzana à Conca. A 52 ans, le coureur de Corte n’a mis qu’une journée et demie pour venir à bout d’un itinéraire que le commun des mortels met généralement 15 jours pour effectuer. Son chrono a été contrôlé et homologué par la Fédération Française de Montagne et d'Escalade ( F F M E ) . Plus récemment à la fin juin, Vincent Delebarre, vainqueur notamment de l’UTMB et de la Diagonale des Fous, a tenté officieusement de ravir le record du Corse. En vain, le champion

a été contraint à l’abandon à mi-parcours, à Vizzavona, après avoir eu pourtant près de trois quarts d'heure d’avance sur son adversaire virtuel. « A côte, le Mont-Blanc, c’est roulant »

Mais le GR20 n’est pas l’apanage des traileurs d’exception. Les coureurs au palmarès moins fourni sont en effet de plus en plus nombreux à venir en découdre avec l’Alta Strada en une semaine, 5,4 ou 3 jours. Un vrai challenge mental et physique beaucoup plus relevé que l’UTMB selon la plupart des traileurs que nous avons

sécurité civile vont tourner jusqu’à la tombée de la nuit... sans résultat. Nous traversons le village et ses ruelles étroites jusqu’à l’oratoire Saint-Antoine de Padoue. Le départ du GR se situe à proximité. Un couple de Néo-zélandais âgé d’une soixantaine d’années s’élance en même tant que nous. Le chemin emprunte un ancien sentier muletier qui s’élève en lacets escarpés. Nous surplombons bientôt le village et son église au campanile si caractéristique. A l’horizon, nous apercevons le Golfe de Calvi et la ville posée comme une maquette sur son rocher. Nous montons

rencontrés. « A côte, le Mont-Blanc, c’est roulant », nous a t-on confié à la sortie du cirque de la Solitude. Mais le trail compte aussi des aficionados parmi les gardiens de refuge. Une casquette UFO vissée sur la tête Pierre Griscelli, responsable du refuge de Carrozzu, a affiché son dossard de l’UTMB 2006 dans sa cuisine. 123e en 30h02 et en guise d’entraînements les montées et descentes presque quotidiennes pour aller chercher le ravitaillement. t

encore à travers la forêt de Sambuccu. La Bocca a u Saltu, nous offre notre premier point de vue sur la haute montagne. Des rapaces, minuscules à nos yeux, tournoient à haute altitude. Impossible de les identifier. La première difficulté technique se présente sous la forme d’une barre rocheuse dont l’ascension nécessite régulièrement l’emploi des deux mains. Le refuge de Ortu di u Piobbu ne tarde pas à nous apparaître. A vol d’oiseau, le bâtiment est tout proche mais un large gouffre nous sépare de notre but. Il nous faut prendre notre mal en patience et contourner cet obstacle colossal. 12


Nous arrivons sur l’aire de bivouac en même temps que la pluie. La température s’est considérablement rafraîchie et nous nous abritons dans la salle à manger pour avaler nos sandwiches. Nous échangeons quelques mots avec des randonneurs venus du Conca qui en terminent. L’averse a été de courte durée. Nous plantons la tente. Face à nous, les nuages se dispersent et nous révèlent les reliefs escarpés qui semblent s’élever à l’infini vers le Sud. Un avant-goût des merveilles et des difficultés qui feront notre quotidien dans les jours à venir. Dans l’herbe verte, des ânes paissent paisiblement. Une petite boule de poil batifole avec une énorme femelle pit-bull. Cette dernière supporte avec sérénité les facéties du jeune chiot comme si elle l’avait pris sous sa protection. Couchés au soleil sur un rocher, nous assistons à une scène étonnante. Un plateau de biscuits sortant du four prend le frais sur la terrasse en bois du refuge. Attirés par l’odeur a l l é chante, les deux chiens rappliquent au trip l e galop.

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Personne ne surveille les friandises qui ont été déposées sur une table en bois. Ni une ni deux, le pit-bull se dresse sur ses pattes arrière prend délicatement un gâteau dans sa gueule et le dépose à terre. Le chiot le saisit immédiatement et se fait la malle à toutes pattes direction le premier bosquet de genêts venu. Le gardien reparaît alors pour rentrer son plateau. L’air de rien, le gros chien vient quémander une caresse. Ni vu, ni connu, son petit partenaire dévore le biscuit chaud. En a t-il conservé la moitié pour remercier son bienfaiteur ? Nous ne le saurons jamais.

SOMMETS ENNEIGÉS

La deuxième étape débute par une montée dans une forêt de bouleaux. Plusieurs cours d’eau barrent le sentier. Nous les traversons en sautant de pierre en pierre. Rapidement, la sylve laisse place à un étroit vallon rocailleux qu’il nous faut remonter intégralement. Au sommet, le sentier s’arrête net face à un gouffre profond de plusieurs centaines de mètres. A l’autre extrémité, plusieurs sommets encore partiellement enneigés nous apparaissent. Nous continuons à monter et franchissons la barre des 2000 mètres. Nous


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atteignons ensuite le cirque de Ladruncellu. Nous nous arrêtons pour admirer le paysage. Notre vigilance s’est relâchée et peu de temps après avoir repris notre route nous nous égarons. Nous avons tracé tout droit en suivant le sentier jusqu’à ce que celui-ci finisse par disparaître dans la végétation au beau milieu d’une pente abrupte. Nous observons les alentours, pas la moindre marque rouge et blanche. Contraints et forcés, nous rebroussons chemin. Nous marchons pendant plus de dix minutes avant de rejoindre le marquage qui bifurquait soudainement dans les rochers. Une longue descente nous sépare encore du refuge de Carrozzu. Elle met les genoux à contribution. Pour nous remettre de nos émotions nous nous offrons une assiette de charcuterie Corse. Montant : 9 euros, les 8 rondelles de coppa et de saucisson. Aussi bonnes soient-elles, elles ont du mal à passer.

Le lendemain, l’étape débute par la traversée de la passerelle de Spasimata. « Un pas est une planche, une planche est un pas. » Rien d’impressionnant, les planches étant en réalité des plaques de métal crantées limitant fortement les risques de glissade. Le sentier s’élève ensuite dans une combe d’origine glaciaire peuplée d’aulnes. En contrebas, la rivière s’écoule en d’impressionnantes cascades au sein d’une canalisation naturelle. Nous grimpons bon train et atteignons le lac de Muvrella en 2h15. De minces langues de neige bordent l’une des rives de ce petit plan d’eau. Au loin, nous distinguons encore Calvi et la façade maritime. Nous franchissons ensuite notre premier névé, heureux de mettre les pieds dans la poudre immaculée. Haut-Asco ne tarde pas à nous apparaître, au 14


Que trouve t-on dans les refuges ?

Voici en guise d’exemple, une liste non exhaustive des produits que l’on pouvait trouver dans les refuges de Carrozzu et de Petra Piana à la fin juin 2008. Petra Piana :

Carrozzu: -Bière 50cl : 6 euros -Bière 33cl : 3,80 euros -Vin 75cl : 7 euros -Coca : 3,5 euros -Café : 1,30 euros -Mars, Twix, Kit-Kat : 1,5 euros -Gâteau à la châtaigne : 2,5 euros -Assiette de charcuterie (8 rondelles de saucisson et de coppa) : 9 euros -Tablette de chocolat : 2 euros -Petit-déjeuner : 7 euros -Menu du soir (un bouillon, une assiette de pâtes, une part de gâteau) : 16 euros

-Pain : 2,5 euros -Cake au fruit : 4 euros -Barres de céréales : 3 euros les six -Soupes déshydratées : 2 euros -Cassoulet : 4 euros -Taboulet : 4 euros -Pâté : 1,5 euros -Pâtes 250 g : 1,50 euros -Thon : 1,50 euros -Sardines : 1,5 euros -Compote : 1 euro -Sandwich : 5 euros -Saucisson 350g : 7 euros -Fruits frais : 0,5 euro

Le sentier tire ensuite tout droit dans un couloir abrupte recouvert de neige. Au sommet E Cascettoni se révèle à nous, étriqué, minéral, vertigineux.

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pied de la descente que nous dévalons depuis plusieurs minutes maintenant. Elle s’achève par la traversée d’une forêt d’impressionnants pins laricio, une espèce endémique à l’île de beauté. Haut-Asco est une ancienne station de ski, fermée il y a deux ans suite à des inondations. Son domaine était composé d’une seule et unique piste de deux kilomètres. Le site est bien évidemment accessible par la route. Les prix du ravitaillement s’en ressentent. Pour une vingtaine d’euros, nous nous offrons du pain, des pâtes, du saucisson, du thon, des fruits, du coca et une grande canette de Pietra, la bière locale à la châtaigne. Rarement une gorgée de bière ne m’a apporté autant de satisfaction. La gérante du refuge nous réserve un accueil formidable et nous donne du « mon bichon », à chaque fois qu’elle ouvre la bouche. Rassasiés, nous entamons la quatrième étape surmotivés. Nous savons qu’elle sera difficile. La traversée du cirque de la Solitude, passage mythique du GR figure notamment au programme. Nous montons le long de l’ancienne piste de ski jusqu’à atteindre une cuvette ou un couple se dore la pilule dans le plus simple appareil. Le sentier tire ensuite tout droit dans un couloir abrupt recouvert de neige. Au sommet E Cascettoni se révèle à nous, étriqué, minéral, vertigineux. Nous plions les bâtons et entamons la descente dans la gueule du « monstre ». Certaines parois particulièrement raides sont munies de chaînes qui facilitent notre progression.

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Mais le plus souvent, il ne faut compter que sur l’agilité de nos mains et de nos pieds. Avec près de 15 kilos sur les épaules, l’exercice est pénible. Je ne suis pas sujet au vertige mais je ne peux m’empêcher de penser à la chute lorsque mes bras soudain se tétanisent. Une fois au fond du gouffre, il nous faut remonter. A nouveau, des chaînes et même des échelles nous facilitent l’ascension mais certains passages se révèlent véritablement techniques. Nous sortons enfin du cirque après plus de 2 heures d’effort. Nous redescendons à grandes enjambées vers le refuge de Tighjettu où la nuit sera glaciale.

SUR LES RIVES DU GOLU

La cinquième étape s’annonce courte. Quatre heures, c’est en tout cas ce qu’indique le guide FFR. Nous descendons le long d’une rivière jusqu’à la bergerie d’U Vallone où il est semble t-il possible de bivouaquer gratuitement. Nous poursuivons notre route sur un chemin qui se faufile dans une forêt de pins. La montée qui mène jusqu’à Bocca di Fucial est raide et de nombreux rochers freinent notre progression. Au sommet, le vent se déchaîne et nous fait chanceler. Nous gagnons rapidement le refuge de Ciottuli a li Mori où de nombreux chocards viennent quémander nos miettes. Nous ne nous attardons pas et poursuivons en direction de Castel di Vergio. Le paysage change, le chemin aussi. Les pierres se font plus discrètes, le dénivelé plus modéré. Nous longeons le Golu, la plus longue rivière de Corse (75 km) qui n’est pour l’heure qu’un torrent qui s’écoule dans un lit rocheux en cascades et c u v e t t e s . 17


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Le GR 20, un mythe encore jeune Souvent le débat fait rage, le soir, du Golu, marquant la pause du près du lac de Nino et de ses

lorsque les randonneurs partagent le récit de leur journée de marche dans la quiétude du refuge. Le GR20 doit-il être considéré comme le plus difficile des sentiers de France voire d’Europe ? Ereintés par la multiplication des passages alpins, harassés par l’accumulation du dénivelé, épuisés par les traversées successives des derniers névés et la fluctuation des températures, les marcheurs en fin de journée répondent en majorité par l’affirmative même si souvent en bout de table, une voix s’élève et lance bien fort qu’il existe plus haut, plus long, plus dur. Il est en revanche, une affirmation qui ne souffre généralement pas la contestation. Fra li Monti, à défaut, peut-être, d’avoir la cuirasse du plus costaud possède bien le ramage du plus bel itinéraire du pays. Oscillant sur l’arête dorsale de l’Ile de Beauté, le sentier recèle au fil de ses 15 étapes des trésors naturels qui inspirent aux randonneurs les plus aguerris émerveillement et humilité.

L ’ o e u v r e de Michel Fabrikant De Calenzana, l’indolente bourgade posée au coeur de la Blalagne, à Conca, le village des bergers, porte ouverte sur les plages du Sud, chacun déroule son fil d’Ariane se risquant dans les profondeurs du cirque de la Solitude, longeant le lit rocailleux et tumultueux

chevaux sauvages… Autant de joyaux qui sont longtemps restés à l’abri de leur écrin de pics et de sommets. Les Allemands et les Autrichiens sont les premiers, au début du XXe siècle à s’aventurer sur les sentiers muletiers qui sillonnent l’intérieur sauvage et escarpé de l’île En 1952, Jean Loiseau, précurseur, décrit dans Itinéraires

président de la République de l’époque et infatigable randonneur, prend en charge les travaux de reconnaissance. En 1970, il réalise le premier balisage avec des équipes de bénévoles. Le GR20 est né ! L’année suivante, les deux premiers refuges sortent de terre : PetraPiana, également appelé Fabrikant et Campiglione. En 1972, le parc naturel régional de Corse est créé. Ses équipes entament l’aménagement du sentier.

« 13000 chaque

de la Corse de nombreux parcours qui pour beaucoup, empruntent déjà les chemins qui formeront le futur GR20. Ce n’est pourtant qu’au milieu des années 1960, que germe l’idée d’un tracé qui traverserait la Corse par la ligne de partage des eaux. L’étude est confiée au Comité National des Sentiers de Grande Randonnée (CNSGR) qui deviendra en 1978 la Fédération Française de la Randonnée Pédestre (FFRP). Michel Fabrikant, amiral en délicatesse avec les options

marcheurs année »

Il ne faudra pas longtemps pour que les adeptes de la randonnée du monde entier viennent user leurs semelles sur les innombrables pierres et rochers qui jalonnent le chemin. Aujourd’hui, le mythe attire près de 13000 marcheurs chaque année. Trop de monde diront certains. Peut-être. Mais cet engouement pour l’authenticité, la nature, le dépassement de soi mérite t-il d’être freiné. Sans doute pas. Si à coup sûr, il doit être encadré, cet élan est la preuve que des valeurs, hier encore défendues par une poignée d’amoureux des grands espaces, sont en train de creuser leurs sillon dans notre société. Si le respect, l’intelligence et l’attention de plus grand nombre l’emporte, la montagne, le fromage, le saucisson, les mouflons et les gypaètes ont encore de belles histoires à nous raconter. 18


Conseils et pièges à éviter

-Autant que possible réduisez le poids de votre sac. Nombreux sont les passages alpins où vous regretterez les kilos en trop. 15 kilos me semble être la limite à ne pas franchir. -Il est possible de trouver de quoi manger dans tous les refuges à partir de la mi-juin. Toutefois, les prix sont souvent excessifs. Emportez des vivres pour environ trois jours et rachetez de quoi compléter votre ordinaire là où passe la route, Haut-Asco, Castel di Vergio, Vizzavona… Les prix sont en général moins élevés. -Attention même à la fin juin, nombreux sont les névés qui persistent. Ils rendent certains passages particulièrement délicats à franchir. Bâtons indispensables. -Le GR 20 est considéré comme un itinéraire de haute montagne. Le sentier emprunte beaucoup de

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passages techniques. Le cirque de la Solitude, notamment, lors de la quatrième étape dans le sens Nord-Sud, peut être rédhibitoire pour les personnes sujettes au vertige. Si E Cascettoni ne comprend pas de piège pour les montagnards chevronnés, sa traversée peut se révéler très ardue pour les débutants. De manière générale, une bonne condition physique et une certaine habitude des randonnées itinérantes en montagne est requise pour tenter le GR en toute sécurité. -Les amplitudes thermiques sont importantes sur tout le trajet. Ainsi, il n’est pas rare de voir dans la même journée la température passer de zéro à vingt degrés à la fin juin. Les gants et les bonnets ne sont pas superflus. -N’hésitez pas à vous tartiner les pieds de Nok avant de partir. La

crème limite les frottements. Cette technique nous a permis d’éviter les ampoules. -Emportez un réchaud si vous pratiquez le bivouac. Certains gardiens mal lunés interdisent l’accès du refuge aux campeurs. A part si vous leur achetez quelque chose bien entendu… -Les temps de marche indiqués sur le topo FFR sont à prendre avec des pincettes. Calculés à l’aide du ratio suivant, 300 mètres de D+ et 400 de D- à l’heure, ils aboutissent parfois à des résultats totalement farfelus. Ainsi, en marchant au même rythme, il arrive tantôt de gagner du temps sur l’horaire mentionné et tantôt d’en perdre. Déstabilisant surtout en fin d’étape lorsqu’on pense bientôt arriver et qu’en réalité, il reste encore une heure à marcher.


GR20 NORDNORD JUIN 2008

Nous progressons à un rythme très soutenu, il nous faudra pourtant 2h40 pour atteindre la station de ski de Castel di Vergio alors que le guide FFR indique 2h20. Un hôtel se dresse au pied des remonte-pentes. Tout est gris et semble désaffecté. Le bâtiment qui borde l’aire de camping semble tout droit sorti d’un programme architectural soviétique sous la perestroïka. On nous réclame 6 euros chacun pour planter la tente dans un pré truffé de bouses de vaches, entouré d’un grillage sans âge, de l’autre côté duquel des cuves en métal achèvent leurs jours dévorées par la rouille. Charmant. Heureusement, la qualité de la cuisine de l’hôtel nous redonne le moral. Au menu, bouillon de légumes, grillades de porc et tarte aux p o m m e s c h a n t i l l y, le tout servi par Ocatarinettabellatchitchix en personne. C’est une certitude, Uderzo est venu en Corse avant de dessiner son personnage. Nous sommes au milieu de l’étape 6. Demain, il nous faudra rejoindre le refuge de Manganu pour la boucler totalement.

Chevaux sauvages

Nous marchons à vive allure sur une piste forestière relativement plate. Elle ne l e r e s t e p a s l o n g t e m p s e t s’élève en direction du col de Saint-Pierre. A proximité du petit oratoire qui caractérise les lieux, les arbres soumis à des

bo u r r a s q u e s q u a s i p e r m a n e n t e s ont poussé dans le sens du vent si bien que même par temps calme on a, de loin, le sentiment que la tempête fait rage. Le lac de Nino est en vue. Il étend ses larges bras au fond d’un vallon verdoyant où paissent des chevaux sauvages. Nous rejoignons ses rives et croisons étonnés un pêcheur qui mouille ses lignes dans l‘onde argentée du plan d’eau. Nous traversons une forêt de vieux hêtres tarabiscotés et atteignons la bergerie de Vaccagjha où il est possible de bivouaquer et d’acheter du fromage. Un Patou nous observe sans sourciller. Plus loin, nous quittons la Haute-Corse pour la Corse-duSud en franchissant Bocca d’Acqua Ciarnente. Manganu est à nous. Récemment rénové, le refuge est équipée de poubelles permettant de pratiquer le tri sélectif. Il n’est que 10h45, je songe fortement à repartir. Adeline semble assez peu motivée. Nous mangeons. J’insiste. « Pourquoi moisir ici, alors que nous pouvons atteindre Petra-Piana en fin d’après-midi. La météo est au beau fixe profitons-en et puis on fera plein de pauses… » Je multiplie les arguments fallacieux par défi, par entêtement et pourtant, je sens bien que ma chère et tendre est fatiguée. J’insiste…lourdement. Elle finit par se laisser convaincre et nous repartons lentement. Je ne vais pas tarder à payer cash mon 20


D E

G U E U L E !

Des “loups” dans les ref

« Lieu dans lequel, on se retire pour se mettre en sûreté. » Les gardiens sur le GR20 auraient-ils oublier le sens premier du mot refuge ? A en croire, l’attitude de certains on pourrait le croire. Si la plupart s’acquittent de leur mission avec brio, nous avons croisé plusieurs énergumènes qui par l’accueil exécrable qu’ils nous ont réservé ont bien failli gâcher l’image que nous nous étions faite de l’hospitalité corse. En effet, certains, à défaut de connaître la définition des mots entraide et convivialité, chers au randonneurs, maîtrisent sur le bout des doigts le sens figuré du mot pigeon. Chaque gardien étant le seul maître à bord dans son refuge, il fixe les règles comme bon lui semble. Ainsi, certains ont pris la liberté d’interdire l’utilisation du réchaud à gaz aux campeurs. Pire, d’autres refusent carrément que les utilisateurs du bivouac pénètrent à l’intérieur du bâtiment.

C O U P

«

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Fallait

payer

10

euros

»

Je vous plante le décor. Après plus de 10 heures marche, nous arrivons exténués en vue du refuge. Nous avons doublé une étape et pensons-nous, nous allons enfin pouvoir nous restaurer et nous réchauffer peu. Nous plantons la tente et après une douche glaciale, directement puisée dans la rivière la plus proche, je m’en vais verser 8 euros au gardien (4 par personne) pour avoir l’autorisation de camper. Le soir venu, nous grimpons avec notre popote dans la salle à manger du refuge et nous nous installons à table

aux côtés d’autres randonneurs qui eux ont payé 10 euros pour pouvoir dormir à l’intérieur. Il y a de la place pour tout le monde. Nous plaçons notre casserole sur le réchaud et commençons à casser la graine en évoquant notre journée avec nos voisins quand le gardien apparaît et nous ordonne de sortir. Je proteste. Pour seule réponse, il nous lance d’un ton sec. « Vous voulez, vous la jouer bivouac. Vous vous la jouez jusqu'au bout. Fallait payer 10 euros ». Je rassemble mes affaires, reste silencieux et quitte les lieux sous le regard incrédule de l’assistance. Sur le seuil du refuge, le maître des lieux ajoute « Je vais vous apprendre la politesse » et me claque la porte au nez. Dehors, il doit faire tout juste 5°, un vent violent nous frigorifie. Emmitouflés dans nos gore-tex, le bandeau sur la tête, ce soir là, le repas a un goût amer. Je peste contre cette règle absurde qui sacrifie les relations humaines sur l’autel du bénéfice. J’enrage contre moi-même de n’avoir pas su rétorquer à ce gardien de malheur une réponse bien sentie. Nous achevons notre soupe en tête à tête, frustrés de ne pas pouvoir prendre part aux discussions de fin de repas qui à l’intérieur ont débuté au coin du feu.

« Certains tirent trop sur la corde »

Mais mon courroux ne s’arrête pas là. Nous sommes parfois tombés des nues en découvrant les prix de la nourriture dans certains refuges. Plutôt que de mettre à disposition des randonneurs des produits de première


GR20 NORDNORD JUIN 2008

fuges

t . d d . s a u e s . x e t t i u e s r .

»

s s n e

nécessité, du type soupes, pâtes, barres de céréales, certains gardiens ont pris le parti de proposer des plats cuisinés sur lesquels ils se sucrent de manière outrancière. Ainsi, le prix d’un plat de lentilles ou de spaghettis accompagné d’une part de gâteau avoisine til souvent les 15 euros. Impossible également dans bon nombre de refuges de se procurer du pain. Non pas que le gardien n’en dispose pas, mais ce dernier préfère le garder pour le revendre sous forme de sandwiches au jambon à 8 euros la pièce. Je suis conscient des efforts consentis pour remonter le ravitaillement sac au dos, ou à dos d’ânes, cependant les exagérations constatées m’ont véritablement donné le sentiment d’être pris pour une vache à lait. Une situation dont le Parc naturel régional de Corse (PNRC) serait en partie responsable, selon certains gardiens. « Jusqu’à il y a deux ans, nous percevions un pourcentage sur l‘hébergement. Aujourd’hui, c’est terminé, nous touchons le SMIC. Seul le droit de vente qui nous est accordé nous permet de mettre du beurre dans les épinards. Mais effectivement, certains tirent trop sur la corde », nous a t-on confié. Quoi qu’il en soit, le PNRC aurait intérêt à se pencher sur le problème. Il y a peu encore, le commerce était marginal sur le GR20 et la situation était claire. Aujourd’hui, il s’est largement développé et bien souvent les prix pratiqués sont à l’image du sentier : sauvages. A terme, personne n’aura à y gagner.

obstination. Le sentier monte fortement le long d’un cours d’eau qui déborde régulièrement jusqu’à nos pieds. De nombreux rochers rendent la progression plus difficile. La pente devient plus raide encore. Adeline me fusille du regard. Je me sens comme un con. Comment ai-je pu être aussi égoïste pour l’entraîner dans cette galère ? Enfin, nous apercevons le sommet, tout là-haut surplombant un long couloir enneigé. Nous grimpons appuyés sur nos bâtons. Haletant, nous franchissons la brèche acérée comme les mâchoires d’un fauve. Une bourrasque manque de faire envoler mon chapeau. Vous connaissez la suite…

Merci d’avoir lu ce texte jusqu’au bout. J’espère à travers ces quelques pages vous avoir donné envie de tenter l’aventure. Le chemin vous tend les bras... Amicalement. Olivier contact : fhelk@hotmail.com

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CORSICA INTENSE


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