BIODIVERSITÉ
BIODIVERSITÉ
Réimplantation de posidonies
Il fallait le faire… La Grande Motte l'a fait !
Nous vous parlions d'un programme de culture de graines et de plants de posidonies en décembre dernier : le projet Graines de Mer. En cette fin d'année, les plantes ont grandi et la ville pilote, La Grande Motte, a procédé à la phase de réimplantation en mer de ces jeunes plantes. Embarquons…
Tout d'abord, revenons rapidement sur l'idée du projet Graines de Mer qui peut se résumer en ces quelques mots : "Faire naître pour semer et rétablir la vie"… Belle idée qui s'est concrétisée, voici comment. Il y a plus d'un an, nous rencontrions Sven-Michel Lourié (SM2 Solutions Marines), Stéphan Rossignol, Maire de la Grande Motte, Jérôme Arnaud et Catherine Simon de l'Office du Tourisme, pour discuter du projet Graines de Mer et de la culture de graines de phanérogames marines (posidonies, zostères, cymodocées),
ces végétaux si précieux pour la Méditerranée . A la base, l’idée, sur 2 ans, n’avait pas pour objet de restaurer de grandes superficies d’herbiers, mais de valider les différents protocoles par un pilote concernant plusieurs étapes : - collecte de reste (on peut dire d’ « épaves ») et de graines de phanérogames (posidonies essentiellement mais aussi zostères, entre autres), - constitution d’une banque de semence végétale, - germination et stimulation racinaire, - transplantation,
- suivi et réalisation d’une base de données et échange avec les pays riverains (SIG, forum internet.
Les herbiers de Méditerranée ont été massacrés, labourés, contaminés, pollués et se réduisaient comme une peau de chagrin.
A terme il s’agit de proposer des solutions opérationnelles de mesures compensatoires aux aménageurs maritimes, au gestionnaires de l’environnement littoral et marin et aux responsables de l’aménagement marin et sousmarin, et donc aussi et surtout aux élus du littoral. En effet, comment restaurer 1 mètre carré d’herbier issu d’une destruction mécanique (mouillage à la va vite, relève brutale d’une ancre, usage d’art trainant…) s’il n’y a pas de pépinière marine ?
La ville de la Grande Motte est en fait une ville "récente", quasiment construite de toute pièce à partir de 1966 sur un terrain vierge et l’on connaît tous les éléments les plus visibles de son architecture que sont ses immeubles en forme de pyramide. Comme beaucoup d’autres, elle a joué la carte du tourisme et de la plaisance (environ 2 millions de touristes chaque année). Consciente des générosités que lui a offert la Grande Bleue, La Grande Motte voulait lui rendre hommage aujourd’hui en venant à son chevet, mais surtout, en lui apportant les indispensables éléments de sa guérison avec le projet Graines de Mer…
Petite plante deviendra grande…
LES PLANTES SOUS MARINES DE LA MÉDITERRANÉE Les Posidonies
La Posidonie ne se trouve qu'en Mer Méditerranée (alors que son nom latin est paradoxalement Posidonia oceanica). ). C'est une espèce de plante à fleur aquatique de la famille des Posidoniaceae,, une phanérogame qui vit sous l'eau et qui n'est pas du tout ut une algue. Comme toutes les plantes à fleurs, elle a des racines (rhizomes), et des feuilles rubanées mesurant jusqu'à un mètre de long et de 1 à 2 centimètres de large, disposées en touffes de 6 à 7. Elle fleurit en automne et produit au printemps des fruits (olives de mer) qui une fois tombés de leur tige deviennent flottants et finissent par s'échouer sur les plages, comme les feuilles de posidonies. On connait tous les "trottoirs de posidonies" posidonie mais sait-on qu'ils jouent un rôle important dans la protection des côtes contre l'érosion ? Les posidonies forment de vastes herbiers entre la surface et 30-40 mètres de profondeur et sont de véritables nurseries pour bon nombre d'espèces animales.
Les Cymodocées La Cymodocée (Cymodocea) est un genre de plante monocotylédone sous-marine de la famille des Cymodoceaceae. Le nom générique Cymodocea dérive du grec « Cymodocé », une divinité marine qui fait partie des Néréides, pour qualifier une plante qui vit dans la mer.
antifoolings, de la turbidité, des polluants métalliques, des microbes ou des parasitoses… Ce sont des plantes marines herbacées, à feuilles en forme de rubans de 20 à 120 cm de long et 0,5 à 1,5 cm de large selon les espèces, de couleur vert brillant.
Ce sont des plantes marines herbacées, vivaces, qui ont des feuilles en forme de ruban, portant une gaine à leur base, une ligule à la jonction de la gaine et du limbe et dotées d'un grand nombre de cellules à tanin. Elles sont aussi un élément important de la biodiversité. Cette phanérogame a des feuilles plus fines, (2 à 4 millimètres de large).
Les zostères Les zostères, sont des plantes aquatiques marines appartenant au genre Zostera, (famille des Zostéracées). Ce genre largement répandu dans le monde et en Méditerranée comprend entre 5 et 13 espèces selon les sources. Le nom générique Zostera dérive du grec ancien signifiant ceinture, en référence à la forme des feuilles. Les zostères sont en régression (parfois brutale) dans une grande partie de leurs habitats, sans doute en raison de l'utilisation des pesticides, des
Les herbiers de zostères jouent un rôle important dans le dépôt des sédiments, la stabilisation des substrats ainsi que comme support pour les algues épiphytes et les micro-invertébrés. Ils forment aussi un milieu favorable à la reproduction de nombreuses espèces de poissons et de coquillages économiquement importantes. La conservation de leur diversité génétique pourrait être importante pour la résilience écologique des milieux littoraux face aux dérèglements climatiques, à l'acidification des océans et à la montée de la mer. Les feuilles de zostères enrichissent aussi la laisse de mer qui a également une importance trophique et pour la stabilisation des plages ou dunes. Dans les années 1930, un parasite unicellulaire (Labyrinthula zosterae) a provoqué un dépérissement des zostères, tuant 90 % de la biomasse.
Stéphan Rossignol, Maire de la Grande Motte, s'engage vraiment ! - Que représente pour votre Ville cette première mondiale ? La Grande Motte est une jeune station touristique, d'une cinquantaine d'années, qui s'est inscrite dans une démarche de "tourisme durable". Si son architecture est particulièrement singulière, (ndlr : sachez que son architecte en Chef, Jean Balladur, a joué volontairement la carte de la modernité et de l'audace dans son esthétique et sa conception),
sa démarche environnementale l'est tout autant. Convaincus qu’il nous faille adosser notre développement touristique à une meilleure gestion de l'environnement littoral et marin, nous menons différentes réflexions et expérimentations en matière de protection de la biodiversité marine.
Avoir de l'audace, encore de l'audace… toujours de l'audace !!! C'est ainsi que nous intervenons sur différents programmes dédiés à l'environnement, dont celui de la réimplantation des posidonies par petits fonds, proches de notre côte. Il faut savoir qu'en raison de nombreux types de pollutions et peutêtre d'un hydrodynamisme très perturbant (ensablement, turbidité des eaux, …), les herbiers de posidonies ont régressé
partout en Méditerranée, et localement de près de 80% en 25 ans dans la Baie d’Aigues Mortes. La Grande Motte a souhaité s’inscrire en acteur majeur sur cet enjeu. - Un mot sur «l'esprit» La Grande Motte ? Si nous pouvons parler d'audace dans sa conception, nous devons parler aussi d'esprit d'universalité, d'avant-gardisme… de volonté d’aller aux frontières de l'utopie, et ceci au service de l'amélioration de la qualité de vie des habitants et des vacanciers. L'idée du Général De Gaulle était, à l'époque de la création de la Ville (une ville que l'on peut qualifier d' "artificielle" car créée de toute pièce, exnihilo), de conjuguer les fondamentaux sociologiques et économiques : la sociologie des vacances dans les années 60, et leur développement doublée de la reconversion économique du littoral du Languedoc-Roussillon. Aujourd'hui, ces grands axes ayant été atteints et maîtrisés, nous nous concentrons encore plus fortement sur une autre valeur "phare" de La Grande Motte : la conservation de la qualité de notre environnement littoral et marin pour une harmonisation durable de du littoral. Notre Projet Graines de Mer, soutenu par le Pole Mer Paca, l'Agence de l'Eau RM&C, entre autres, s’inscrit parfaitement dans nos valeurs d'audace et d’universalité. C’est une vision très engagée humainement, et géographiquement à l’échelle de la Méditerranée.
- Qu'est-ce que l'utopie en matière d'environnement littoral et marin ? Il y a encore peu de temps, n'aurions nous pas esquissé un sourire si l'on nous avait parlé d'ensemencer la Méditerranée ? De même que certains souriaient lorsque l'on parlait de ports "propres" ou même de sauvetage et de réintroduction des tortues Caouannes… Sans parler du scepticisme général, il y a 20 ans lorsque l'on soutenait une idée que vous-même chez Mer & Littoral vous portiez : l'immersion de Récifs Artificiels ! Force est de constater que ces idées ont bel et bien vu le jour. Parfois, il faut oser l'utopie.
Replanter des posidonies, il fallait oser… La Grande Motte l'a fait ! - Pourquoi vous investissez-vous autant en matière de revalorisation de la biodiversité marine ou sous-marine ? Pour ne parler pour l'instant que de réimplantation de posidonies, tout le monde doit savoir que cette plante est le poumon de la Méditerranée et donc de sa vie et de sa biodiversité. Il faut également bien avoir à l'esprit que les herbiers de posidonies se développent sur de faibles fonds, là où s'expriment quasiment toutes les activités de loisirs liées au tourisme (petite plaisance, voile, kite-surf, pêche, planche à voile, jet-ski, baignade, …). Il y a
également l'impact lié à l'activité même de la ville (rejets urbains, pression anthropique, ruissellement des pollutions diverses). D'où ce challenge à relever : gérer les activités liées au tourisme tout en garantissant un environnement marin irréprochable, non seulement en termes de qualité mais aussi en termes de biodiversité… La qualité de nos herbiers seront garants de cette réussite. - Avez-vous d'ores et déjà prévu de développer le programme Graines de Mer sur d'autres sites ? Effectivement, compte tenu des perspectives qui se dessinent très favorablement, de nouvelles opérations de réimplantations sont d'ores et déjà définies, toujours sur le périmètre Natura 2000, notamment dans la Baie d'Aigues-Mortes, sur la côte palavasienne, entre autres, en y associant encore une fois de plus nombreux acteurs, tels que des pêcheurs, des écoles de plongée et de voile, le milieu scolaire, bref, des professionnels et des usagers du littoral et de la mer pour une communication et une sensibilisation maximales. Ce programme Graine de Mer a vu le jour sur nos côtes, il a vocation à profiter à toutes les villes côtières de Méditerranées qui doivent affronter l’enjeu de la restauration des herbiers. Une banque de graines a été conçue dans cette optique et sera disponible pour quiconque voudra suivre ce programme… au bénéfice de notre environnement littoral.
Michel), avec un pneumatique de 200cv bien utile pour aider aux manœuvres de positionnement.
Maintenant, embarquons et cap sur le site de réimplantation. La toute première transplantation de posidonies au large de La Grande Motte a donc eu lieu récemment et ainsi se concrétise le projet «Graines de mer», projet porté par la ville de La Grande Motte, la société SM2 Solutions Marines et des partenaires aussi sympas qu'efficaces. Alors maintenant, Mer & Littoral vous plonge dans l'ambiance à bord des bateaux, au milieu des plongeurs, le verbe haut et guilleret comme il sied au sein de cette confrérie des passionnés de la mer…
Le principe d'immersion, ici sur un fond de 6,5 mètres, est simple. On utilise ce que l'on appelle des "poussettes". "La poussette, nous précise Sven Michel, est un anneau de béton enserrant deux filets, à l’intérieur duquel les posidonies sont à l’abri de la prédation (avec les racines dans de la cellulose et de la zéolite composant le « terreau »). Il y a environ 150 plantes au mètre carré soit environ 1000 faisceaux de feuilles au mètre carré, ce qui correspond d’un point de vue des caractéristiques scientifiques à un « herbier dense ». Deux « poussettes » ont été fixées sur le sable, l’une sur une natte d’herbier artificiel composé de bandelette de polypropylène (1,25 mètre de haut) qui a pour objet de réduire le courant local, pour protéger les plantules d’un déracinement. L’autre poussette est posée directement sur le sable, et fera office de "témoin". Rappelons que le but de cette opération est de valider un protocole qui s’appuie sur cette « Opération Pilote ». Pour l'instant, pas question de repeupler les fonds marins du LanguedocRoussillon. L’objectif est de définir les process qui régiront une future "pépinière marine" vouée à la restauration écologique, plus vaste par la suite.
En tout cas pas de quoi effrayer l’équipe de SM2 Solutions Marines. Deux embarcations ont été nécessaires.
Mais une question nous taraude. Bien que le milieu du site d'implantation soit par nature identique à celui du lieu de culture en laboratoire, peut-on être certain de la réussite d'acclimatation des jeunes posidonies (risque de pollutions en mer par exemple, tempête, mouillages d'ancres au petit bonheur...) ?
Celle du club de plongée "La Palanquée de la Grande Motte", qui avait embarqué les "piscines" contenant les jeunes posidonies et celle de JeanJacques le Directeur de Randojet (l’homme au cœur sur la main, comme le surnomme Sven
"Ce projet Graines de mer est particulier et ciblé, explique Sven Michel Lourié. Nous ne sommes jamais certains de rien et n'oublions pas qu'il s'agit d'un programme de R&D. Cela dit, sur les 200 publications liées à la transplantation de
L’opération s’est déroulée par un froid d’automne, une mer un "poil formée" et quelques gouttes de pluies…
phanérogames et aux vues des erreurs passées, nous nous sommes fixés les objectifs suivants :
- De ne pas prendre les boutures sur un herbier sain pour repeupler plus loin : nous ramassons les graines et épaves de rhizomes échoués sur la plage.
- De favoriser le système racinaire : la racine de posidonie permet la fixation dans le sédiment et l’assimilation de nutriments manquant dans la colonne d’eau. Pour cela nous avons utilisé dans la pépinière un stimulateur racinaire (simple action hormonale, mais pas un engrais de plus).
- D’avoir sur le fond un milieu adéquat et "confortable" pour que la plantule persiste même après une tempête (d’où la natte d’herbier artificiel citée plus haut).
Si le risque de pollution accidentelle, ,quant à lui, semble faible, l'environnement apparaît plus sensible aux phénomènes météorologiques. Les implantations situées dans la zone des 6 mètres de profondeur seront plus exposées que celles de la zone prévue des 14 mètres de fond où l’herbier est souvent présent sur le site Natura 2000 « les posidonies de la côte palavasienne ». Même s'il faut bien reconnaître une turbidité importante des eaux de la région, la photosynthèse devrait pouvoir s'effectuer pour favoriser la croissance, en particulier pour les implantations dans les 6 mètres. Les opération de récolte, de culture et d'implantation étant un succès, il est prévu d’immerger d’autre "poussettes" de posidonies sur Palavas et Frontignan et de nouveau sur La Grande Motte. Des suivis mensuels seront effectués dans un premier temps tant pour inspecter les structures (ancrages etc.) que pour le bio-monitoring (croissance des faisceaux de posidonies, etc.) selon des protocoles établis. A noter enfin que le projet « Graines de Mer » concerne les seules espèces de plantes à fleurs marines de Méditerranée.
SM2 Solutions Marines a réalisé des offres de transplantation à plus grande échelle (ici il s’agissait de 2000 plantules de 4 espèces dont la Posidonie), les autres projets concernent tous plus de 10.000 boutures de posidonies. Outre l'intérêt qu'y portent des mécènes qui souhaitent agir à titre préventif, les organismes publics semblent vouloir s'orienter vers ces solutions lorsqu'il devient nécessaire de "réparer" localement des zones ayant subi des destructions le plus souvent de type mécanique notamment par les ancrages irrespectueux des fonds marins, ou de travaux sous-marins.
Maintenant, voyons si d'autres villes s'engagent également. Chez Mer & Littoral, nous ne pourrons que mettre à l'honneur leurs initiatives. En tout cas, merci pour la Grande Bleue, pour l'avenir de sa biodiversité… et notre avenir… Ph.L
La Méditerranée ne sera pas la future "Mer Morte" avec de telles initiatives. Toutes les villes littorales de la Grande Bleue devraient unir leurs efforts à ceux de La Grande Motte… …ET "EN PRENDRE DE LA GRAINE"