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Marguerite Duras
Laure Adler Flammarion
Flammarion
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Marguerite Duras aimait s’entourer d’objets fétiches, d’amis fidèles, de paysages sans cesse retrouvés ou recomposés, de lieux et de doubles, élus et voulus par elle, et qui forment un véritable univers durassien. Rassemblés ici, des souvenirs, des photographies, des manuscrits facsimilés, des correspondances, choisis et sélectionnés à travers les différents chapitres de sa vie, rendent compte d’une Duras complexe et attachante, une guerrière, un peu sorcière, drôle et parfois déchirée, à la fois aimante et amante, une camarade engagée, souvent radicale, toujours en alerte, soumise à Prix France : 39,90 € ses faiblesses mais maîtresse de ses choix, une femme hors normes revendiquant ISBN : 978-2-0812-9573-5 la normalité. Laure Adler donne à voir, à partir de ces nombreux documents, les multiples facettes de celle qui a traversé l’histoire du siècle et marqué un tournant dans la littérature française.
Laure Adler
Duras Marguerite
Flammarion
Laure Adler, née en 1950, est journaliste, historienne et écrivain, et produit l’émission Hors-champs sur France Culture. On lui doit de nombreuses biographies, notamment Dans les pas de Hannah Arendt (Gallimard, 2005), L’Insoumise, Simone Veil (Actes Sud, 2008) et Françoise (sur Françoise Giroud, Grasset, 2011). Son premier roman, Immortelles, est paru chez Grasset en 2013.
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Sommaire CHAPITRE 1
1914-1932 : Les racines de l’enfance
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CHAPITRE 2
1933 -1947 : Temps de guerre
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CHAPITRE 3
1948 -1963 : La reconnaissance
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CHAPITRE 4
1964 -1979 : L’effervescence de la création
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CHAPITRE 5
1980 -1996 : La consécration
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1914 - 1932
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Marguerite Duras Les racines de l’enfance
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C’est la cour d’une maison sur le petit lac de Hanoi. Nous sommes ensemble, elle et nous, ses enfants. J’ai quatre ans. Ma mère est au centre de l’image. Je reconnais bien comme elle se tient mal, comme elle ne sourit pas, comme elle attend que la photo soit finie. À ses traits tirés, à un certain désordre de sa tenue, à la somnolence de son regard, je sais qu’il fait chaud, qu’elle est exténuée, qu’elle s’ennuie. Nous dormons tous les quatre dans le même lit. Elle dit qu’elle a peur de la nuit. C’est dans cette résidence que ma mère apprendra la mort de mon père. Elle l’apprendra avant l’arrivée du télégramme, dès la veille, à un signe qu’elle était la seule à avoir vu et à savoir entendre, à cet oiseau qui en pleine nuit avait appelé, affolé, perdu dans le bureau de la face nord du palais, celui de mon père. L’Amant, 1984
1 Vue générale de Hanoi. Indochine, 1931. 1
2 Marie Donnadieu et ses enfants. Indochine, Hanoi, 1919-1920. 3 Véranda de la maison du consul de France et de sa femme Elizabeth Striedter, à Saigon. La femme, très belle, de réputation sulfureuse, fascine littéralement Marguerite Donnadieu enfant. C’est elle qui lui inspirera plus tard le personnage d’Anne-Marie Stretter, A.-M. S., personnage central de son œuvre, incarnée par Delphine Seyrig dans India Song.
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Marguerite Duras Temps de guerre
Le petit frère. Mort. D’abord c’est inintelligible et puis, brusquement, de partout, du fond du monde, la douleur arrive, elle m’a recouverte, elle m’a emportée, je ne reconnaissais rien, je n’ai plus existé sauf la douleur, laquelle, je ne savais pas laquelle, si c’était celle d’avoir perdu un enfant quelques mois plus tôt qui revenait ou si c’était une nouvelle douleur. Maintenant je crois que c’était une nouvelle douleur, mon enfant mort à la naissance je ne l’avais jamais connu et je n’avais pas voulu me tuer comme là je le voulais. […] Personne ne voyait clair que moi. Et du moment que j’accédais à cette connaissance-là, si simple, à savoir que le corps de mon petit frère était le mien aussi, je devais mourir. Et je suis morte. Mon petit frère m’a rassemblée à lui, il m’a tirée à lui et je suis morte. L’Amant, 1984
Pour la première fois, je trouvais de la grandeur à mon frère Nicolas. Sa chaleur sortait en vapeur de son corps et je sentais l’odeur de sa sueur. Elle était la nouvelle odeur de Nicolas. Il ne regardait que Jérôme. Il ne me voyait pas. J’avais envie de le prendre dans mes bras, de connaître de plus près l’odeur de sa force. Moi seule pouvais l’aimer à ce moment-là, l’enlacer, embrasser sa bouche, lui dire : « Nicolas, mon petit frère, mon petit frère. » La Vie tranquille, 1944
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1 Portrait de Marguerite Duras dans les années 1940. 2 Dans ce texte très personnel, Marguerite Antelme évoque l’épisode douloureux de la mort de son premier enfant, quelques mois avant le décès de son frère Paul. Sœur Marguerite, dont il est question dans ce manuscrit, est la religieuse qui l’a alors soignée. Ce texte est repris et édité trente ans plus tard, en 1976, dans la revue féministe Sorcières, sous le titre « L’horreur d’un pareil amour », puis en 1984 dans le recueil Outside, paru chez P.O.L. Ce manuscrit, retrouvé dans le Cahier beige des Cahiers de la guerre, est rédigé entre 1946 et 1949, comme en écho à un autre texte traumatique sur l’enfance, issu
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du même Cahier beige, et donc rédigé à la même période. Marguerite Duras y fait le récit de la mort dans ses propres bras, alors qu’elle même n’était encore qu’une enfant, de la fillette d’une mendiante que sa mère Marie Donnadieu lui avait confiée. Durant toute sa vie, Marguerite Duras, qui aura en 1947 un autre fils qu’elle adorera, entretient avec les enfants un rapport singulier, d’une curiosité amusée et d’une affection sincère, dont témoignent plusieurs livres de son œuvre. 3 Marguerite et son frère Paul au début des années 1930. Paul, le frère adoré, décède des suites d’une maladie infectieuse à Saigon en 1942, sans qu’elle ait pu le revoir. Sa perte est un grand drame pour elle.
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Marguerite Duras Temps de guerre
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J’ai raté tout des plaisirs du VIe arrondissement dont on parlait dans le monde entier. Le Tabou, j’y suis allée une fois je crois […]. J’ai regardé Les Deux Magots, le Flore, très peu, très peu. […] J’ai fréquenté Lipp à cause des Fernandez. Pourquoi ? À cause de l’orgueil. J’étais trop petite pour aller dans des lieux où les femmes étaient grandes. J’étais habillée chaque jour pareillement. Je n’avais qu’une robe noire, celle de la guerre, passe-partout.
2 1 Vue de l’église Saint-Germain-des-Prés, et dans l’angle le café des Deux-Magots. Paris, 1948. 2 Brasserie Lipp, boulevard Saint-Germain, Paris. 3 François Mitterrand, de son nom de résistant Jacques Morland, pendant la guerre. Marguerite Donnadieu et François Mitterrand s’étaient croisés pendant leurs études, mais c’est à son retour de Londres en 1943 que, cherchant à monter un réseau de résistance, François Mitterrand se rend rue Saint-Benoît au domicile du couple Antelme, rencontrant ainsi Dionys Mascolo et Marie-Louise Antelme. 4 Marguerite Duras et Marie-Louise Antelme, sa belle-sœur, grande amie et camarade de lutte. Déportée le même jour que son frère Robert, elle ne reviendra pas des camps. 5 Marguerite Antelme, avec Robert Antelme et Dionys Mascolo. Marguerite Antelme adhère la première au Parti communiste français à la fin de l’année 1944. Très vite, elle fait adhérer son mari Robert Antelme et Dionys Mascolo, tous trois très liés par leurs idées et par une amitié sans faille.
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La Vie matérielle, 1987 4
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Marguerite Duras La reconnaissance
Je t’aime plus grand que la mer.
Les Petits Chevaux de Tarquinia, 1953
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J’ai beaucoup parlé de l’amour maternel puisque c’est le seul amour que je connaisse comme étant inconditionnel. C’est celui qui ne cesse jamais, qui est à l’abri de toutes les intempéries. Il n’y a rien à faire, c’est une calamité, la seule du monde, merveilleuse. Le Monde extérieur - Outside 2, 1993
1 Marguerite Duras vers 1947-1948 et son tout jeune fils Jean, surnommé Outa, du nom des moustiques d’été, les aoûtats, qui le dévorèrent l’été de ses deux mois à Château-Chinon chez François Mitterrand. 2 Brouillon manuscrit, extrait de La Vie matérielle. 3 Tirage de deux photographies de Marguerite Duras avec son fils Jean Mascolo, dit Outa, vers 1950. 4 Marguerite Duras et Jean Mascolo son fils, âgé de deux ans environ, vers 1949. 5 Marguerite Duras dans les années 1950.
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Marguerite Duras La reconnaissance
1 Couverture d’Un barrage contre le Pacifique lors de sa parution en 1950. Le roman, vendu à cinq mille exemplaires dès la première semaine, échoue de peu au prix Goncourt. 2 Page extraite du Cahier beige, le quatrième et dernier des Cahiers de la guerre, rédigé entre 1946 et 1949. Ce texte, comme les autres qui y figurent, a été remanié et annoté avant d’être publié. C’est la première version du texte d’Un barrage contre le Pacifique. 3 Lettre de l’écrivain Jacques Audiberti, auteur du Mal court, adressée à Marguerite Duras, dans laquelle il fait l’éloge d’Un barrage contre le Pacifique. 4 Portrait de Marguerite Duras rue Saint-Benoît. Paris, 1955.
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Leurs bouches s’approchent, avec la lenteur du cauchemar. Une fois qu’elles sont proches à se toucher, on les mutile de leurs corps. Alors, dans leurs têtes de décapités, on voit ce qu’on ne saurait voir, leurs lèvres les unes en face des autres s’entrouvrir, s’entrouvrir encore, leurs mâchoires se défaire comme dans la mort et dans un relâchement brusque et fatal des têtes, leurs lèvres se joindre comme des poulpes, s’écraser, essayer dans un délire d’affamés de manger, de se faire disparaître jusqu’à l’absorption réciproque et totale. Un barrage contre le Pacifique, 1950
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Marguerite Duras La reconnaissance
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1 Affiche du film Hiroshima mon amour, réalisé par Alain Resnais en 1959. 2 Affiche par Jouineau Bourduge pour le douzième Festival international du film de Cannes en 1959, au cours duquel Hiroshima mon amour obtient le Grand Prix, prix non officiel. C’est à Cannes qu’il est projeté pour la première fois. Le film sera retiré de la compétition pour des raisons diplomatiques envers le peuple et le gouvernement américains. 3, 4 et 5 Photographies de tournage de Hiroshima mon amour avec Emmanuelle Riva et Eiji Okada, 1958.
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Dans quelques années, quand je t’aurai oubliée, et que d’autres histoires comme celle-là, par la force encore de l’habitude, arriveront encore, je me souviendrai de toi comme de l’oubli de l’amour même. Je penserai à cette histoire comme à l’horreur de l’oubli. Je le sais déjà. Je me souviens. Je vois l’encre. Je vois le jour. Je vois ma vie. Ta mort. Ma vie qui continue. Ta mort qui continue.
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Hiroshima mon amour, 1960
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Marguerite Duras L’effervescence de la création
Écrire ce n’est pas raconter des histoires. C’est le contraire de raconter des histoires. C’est raconter tout à la fois. C’est raconter une histoire et l’absence de cette histoire. C’est raconter une histoire qui en passe par son absence. Lol V. Stein est détruite par le bal de S. Thala. Lol V. Stein est bâtie par le bal de S. Thala. […] Toutes les femmes de mes livres, quel que soit leur âge, découlent de Lol V. Stein. C’est-à-dire d’un certain oubli d’elles-mêmes. […] Toutes elles font le malheur de leur vie.
1 Dossier original des archives de Marguerite Duras contenant les manuscrits et les épreuves successives du Ravissement de Lol V. Stein, sur la couverture duquel est rédigée la mention de la main de l’auteur : « métier : écrivain, 1 000 francs la page, c’est pas cher. » 2 Épreuves corrigées datées de janvier 1964 des pages 12 et 13 du Ravissement de Lol V. Stein. 3 Loleh Bellon, ici avec Marguerite Duras dans sa loge du théâtre de l’Athénée en 1962, à Paris, lors des répétitions de La Bête dans la jungle. Marguerite Duras a dit s’être totalement inspirée de l’actrice pour son personnage de Lol V. Stein, Lola Valérie Stein. D’abord épouse de Jorge Semprun, puis de Claude Roy, Loleh Bellon, de son vrai nom Marie-Laure Bellon, et Marguerite Duras se connaissent et s’apprécient depuis longtemps.
La Vie matérielle, 1987
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Marguerite Duras L’effervescence de la création
Elle n’est pas très grande. Elle est très très mince. Quarante-cinq kilos. En toutes saisons de l’année elle a la peau dorée, d’une finesse extraordinaire. La bouche ressemble à un quartier d’orange. Les yeux sont mordorés. Ils ont la douceur d’une soie. Le regard est d’une intelligence qui ne connaît pas le répit. Intelligente comme avant la gloire, toujours elle le sera. […] Jeanne est libre. Outside, 1981
Marguerite Duras et Jeanne Moreau dans les années 1970.
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Marguerite Duras
Laure Adler Flammarion
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Marguerite Duras aimait s’entourer d’objets fétiches, d’amis fidèles, de paysages sans cesse retrouvés ou recomposés, de lieux et de doubles, élus et voulus par elle, et qui forment un véritable univers durassien. Rassemblés ici, des souvenirs, des photographies, des manuscrits facsimilés, des correspondances, choisis et sélectionnés à travers les différents chapitres de sa vie, rendent compte d’une Duras complexe et attachante, une guerrière, un peu sorcière, drôle et parfois déchirée, à la fois aimante et amante, une camarade engagée, souvent radicale, toujours en alerte, soumise à Prix France : 39,90 € ses faiblesses mais maîtresse de ses choix, une femme hors normes revendiquant ISBN : 978-2-0812-9573-5 la normalité. Laure Adler donne à voir, à partir de ces nombreux documents, les multiples facettes de celle qui a traversé l’histoire du siècle et marqué un tournant dans la littérature française.
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Duras Marguerite
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Laure Adler, née en 1950, est journaliste, historienne et écrivain, et produit l’émission Hors-champs sur France Culture. On lui doit de nombreuses biographies, notamment Dans les pas de Hannah Arendt (Gallimard, 2005), L’Insoumise, Simone Veil (Actes Sud, 2008) et Françoise (sur Françoise Giroud, Grasset, 2011). Son premier roman, Immortelles, est paru chez Grasset en 2013.
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