La peinture contemporaine

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Histoire de l’art Siat Léa Hodza Albin Takac ’s Peter Paget Flavien

La peinture contemporaine

ÉSAMM - juin 2009


Sommaire

Introduction 1 Peinture à l’eau 2 Peinture à l’huile 9 Peinture abstraite 17 Hors du tableau 23 Conclusion 30 Bibliographie 31


Introduction

Après une période perturbée d’expressionnisme abstrait la peinture disparaît des livres d’histoire de l’art. Même s’il y avait un petit groupe d’artistes qui ont choisi la peinture comme médium préféré d’expression après la guerre, on en sait peu. Une explication de cette tendance pourrait être l’apparition des autres media plus à la mode, avec une toute nouvelle allure, et peu à peu la peinture traditionnelle -c’est-à-dire à l’huile sur toile- est devenue démodée et peu attirante, probablement à cause de sa lenteur de production. Daniel Richter, dans un entretien, a résumé: «Les raisons pour lesquelles la peinture n’est guère présente dans les expositions contemporaines et les institutions sont probablement les suivantes: c’est un véhicule lent, ça prend plus de temps à être «absorbé» par les cerveaux des gens et des institutions; il est difficile à présenter car il a besoin d’une certaine silence - une entreprise compliquée.» ¹

Mais à partir des années 80 toute une génération d’artistes émergeait, qui ont activement oeuvré à la renaissance de ce véhicule ancien: Marlène Dumas, Peter Doig, John Currin, entre autres. La peinture, négligée et oubliée par les artistes, rendue inutile et maladroite par une photographie extrêmement développée, ridiculisée par les institutions d’art imbibée par les média modernes et numériques, a finalement revu sa propre renaissance avec une énergie et une vitalité sans précédent. De quoi parle cette nouvelle perpective de la peinture? Elle parle d’un monde qu’on voit, qu’on voudrait voir, qu’on est obligé de voir; certains l’utilisent comme un moyen d’ouvrir une fenêtre sur l’inconnu ou l’inconscient, d’autres pour définir et souligner les phénomènes contemporains, tels que la célébrité, la sexualité moderne, l’idéologie politique, etc. Plutôt que d’essayer de reconquérir ses propres territoires, la peinture contemporaine intègre la photographie dans son cadre en s’appuyant sur des sources photographiques; le peintre contemporain est aussi photographe. Ironiquement, la photographie contemporaine a oublié de peindre comme la peinture a renoncé à son désir de documenter; les deux peuvent donc coexister sans rivalité. Malgré les efforts des peintre figuratifs - comme Lucian Freud ou Balthus, par exemplel’abstraction semblait dominante pour longtemps, produisant des tableaux peu traditionnels et toujours plus originaux qu’avant, mais cette tendance à vouloir découvrir quelque chose d’original s’est calmé radicalement; le figuratif est aussi fort que l’abstrait, les peintres y voient un potentiel considérable.

Daniel Richter, Beauty through confusion, entretien avec Gianni Romano, Flash Art N°213 Vol XXXIII. summer 2000, p. 84

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La peinture à l’eau

De nombreux artistes contemporains ont choisi la peinture à l’eau comme technique, explorant alors toutes les possibilités de la gouache, l’aquarelle, ou l’encre. L’aquarelle a longtemps été considérée comme le domaine des « peintres du dimanche », des artistes amateurs ainsi que comme une simple activité occasionnelle, plus synonyme de « distraction » que de « distinction ». Malgré cette réputation peu flatteuse, elle a su s’imposer, s’affichant avec des artistes importants au niveau de l’art contemporain.

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Le peintre Gottfried Salzmann a su s’affirmer grâce à ses nombreuses aquarelles, alors considéré comme l’aquarelliste le plus virtuose et le plus complexe de ces dernières décennies. Depuis sa première exposition en 1968, il enchaine les galeries pendant les années 1980, ceci lui permettant de se faire connaitre. Souvent comparé à ses prédécesseurs célèbres tels qu’Emil Nolde, William Turner ou Rudolf Von Alt, Gottfried Salzmann a permis la redécouverte des possibilités de l’aquarelle qui était alors une technique presque oubliée. En complément de l’aquarelle, il utilise aussi énormément une technique mixte : l’aquarelle sur photographie. La photographie sert alors de base dans son travail, n’apparaissant plus lors du rendu final. Ses nombreux voyages sont ses premières sources d’inspiration, réalisant alors de nombreuses aquarelles à New York, Hamburg, HongKong, etc.

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Tout comme l’artiste Gottfried Salzmann, Tim Gardner s’est intéressé à l’aquarelle, réalisant alors des peintures très réalistes, donnant l’illusion d’une photographie. En effet, il faut se rapproche de la peinture pour observer les petits détails permettant d’identifier la peinture. Les sujets principaux des peintures de Tim Gardner sont la jeunesse, les hommes, les voyages. Il intègre alors dans son travail une partie de son intimité, utilisant des photos de son frère, de ses vacances, etc. comme point de départ dans ses travaux.

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Andrew Grassie est un artiste qui travaille plutôt à la gouache (tempera : avec de l’œuf ) mais tout comme Tim Gardner, réalise des tableaux très réalistes, proche de la photographie. Ses peintures sont faites d’après ses propres photographies. Nous pouvons prendre l’exemple d’une série de

peintures qui représente des photos d’expositions dont les tableaux présents sont eux mêmes exposé : il s’agit alors du tableau dans le tableau. Il a essayé plusieurs techniques, mais la technique de la tempera reste celle qui est la plus approprié pour son travail : opaque et sans texture.

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Jean Louis Morelle est un artiste qui, jusque dans les années 1980, travaillait essentiellement la peinture à l’huile. C’est à la fin des années 1980 qu’il découvre l’aquarelle et commence à s’y intéresser. Selon lui, l’aquarelle n’est pas un simple pigment mélangé avec un peu d’eau, mais plutôt un pigment qui nage dans l’eau calmement pour ensuite se déposer au fond (sur la feuille). La plupart de ses aquarelles sont des natures mortes ou des paysages ou l’eau joue un rôle très importants, permettant des effets tout particuliers. Ses aquarelles sont inspirées de ce qu’il a devant les yeux et commence donc à peindre son atelier et son désordre, de nombreuses natures mortes, des voitures dans les rues, et commence également à peindre ses premiers nus.

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Marlene Dumas est une artiste contemporaine entre autre connu pour ses tableaux fait à l’encre sur le thème de la féminité et de la sexualité. Elle est l’une des figures marquantes de la peinture actuelle, explorant des thèmes existentiels comme la mort, la religion, ou la sexualité. Pour elle, le corps n’est pas un tabou et peint donc des femmes nues dans des positions volontairement provocantes. Originaire d’Afrique du Sud, elle revendique la fierté Noire en faisant une série de Black Drawings entre 1991 et 1992 : une série de cent visages noirs tous différents faits à l’encre et à l’aquarelle. Il lui arrive de travailler d’après ses propres photographies mais toute son œuvre reste très simple : un peu de couleur, le plus souvent délavée.

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Francis Moreeuw est un artiste contemporain français connu pour ses nombreuses sculptures et peintures à l’acrylique, à la gouache, à l’aquarelle, à l’encre de Chine, et avec des collages. À travers son travail il nous montre sa propre vision du monde.

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La peinture figurative

Cette sélection d’artistes est aléatoire et non-exhaustive; le choix de présenter six artistes internationalement reconnus est sans signification particulière. Je voudrais indiquer que les artistes exclus peuvent occuper une importance supérieure malgré leurs exclusion. Au cours de mes recherches, j’ai «rencontré» les artistes suivants mais n’ai pas choisi de les intégrer dans ce dossier: Franz Ackermann Cecily Brown Glenn Brown André Butzer Martin Eder Mark Grotjahn Gary Hume Jim Lambie Lucy McKenzie Julie Mehretu Beatriz Milhazes Sarah Morris Albert Oehlen Chris Ofili Luc Tuymans Matthias Weischer

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Elizabeth Peyton Née en 1965 à Danbury (CT), vit et travaille à New York (NY), Etats-Unis Les portraits de Peyton se fondent sur les diverses manifestations de la photographie: images publiées dans des magazines ou prises par l’artiste elle-même, mais leur fonctionnement est radicalement différent car Peyton ne cherche pas la vénération -voire l’obsession- des célébrités, qui peuvent être des figures historiques -comme Napoléon ou Frida Kahlo-, les membres de la famille royale, des artistes, des musiciens: les tableaux et les dessins au crayon de couleur de Peyton effacent la distance entre nous, les observateurs, et ces personnages connus par l’intimité fragile que l’artiste insuffle à ses sujets. Les portraits nous montrent des jeunes hommes (et occasionnellement des femmes) à la peau blanche presque translucide, aux lèvres éclatantes et rouge sombre, aux yeux méditatifs - cependant, derrière la fausse impression d’hédonisme que renvoie les sujets des oeuvres Peyton, leur fragilité est révélée et dévoile la différence entre l’image publique et privée. L’idoles de Peyton, peint avec les grandes gestes et une précision réservée pour les détails, sont ceux qui sont célébrés pour leur influence inspirante qu’ils peuvent exercer sur les autres; l’artiste les considère comme des personnages importantes qui méritent qu’on se souvienne d’eux car ils font quelque chose d’important. Le titre de sa dernière exposition solo nous l’explique avec simplicité: Live Forever - Peyton dit que les choses dans les musées durent plus longtemps que les images dans les magazines, et, selon son point de vue l’art et la peinture sont une façon de s’accrocher aux choses et les faire continuer au cours du temps.

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John Currin Né en 1962 à Boulder (CO), vit et travaille à New York (NY), Etats-Unis Les peintures de John Currin lui ont apporté la renommé par leur perversité explicite: les hommes et femmes déformés, exagérés et dénudés à des degrés variés nous présentent une bourgeoisie qui se vautre dans l’héritage chrétien et les émotions associées à la religion telle que la culpabilité, le péché ou la rédemption. Minutieusement et méticuleusement exécutés, ses tableaux empruntent à la tradition de la Renaissance maniériste, aux Flamands primitifs, mais ses sujets sont contemporains: femmes enlaidies par l’excès de féminité, couples homosexuels dépourvus de toute autorité sociale; toute une série de personnages anomaux et dérangeants, oubliées et mis de côté. Sa façon grotesque -souvent comparé à celle de Balthus, Picabia ou Vargas entre autres- est merveilleusement perverse, comme l’est de toutes manières le genre du nu: il n’est pas pervers de regarder les tableaux de Currin, mais il serait absolument pervers de les imiter; lorsque Currin a opté pour cette manière de représentation il avait cette univers clairement anti-naturel dans sa tête. Comme ses prédécesseurs, les Flamands qui se concentraient sur la vanité, Currin se veut moraliste: il souligne les fissures dans nos conventions sociales et esthétiques, mais l’ironie joue un rôle principal dans ses scénarios -le monde artificiel et le désir (principalement masculin, bien entendu) sont ridiculement caricaturés afin de sortir de son propre rôle comme peintre: tout n’est qu’une illusion maîtrisée de la virtualité. Cependant, la virtuosité de Currin frôle le fétichisme maniériste -loin d’être passéiste, qui est le fait le plus pervers dans l’histoire de l’art contemporain; Currin est donc à la fois nostalgique est futuriste.

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Peter Doig né en 1959 à Edimbourg, UK, vit et travaille à Port of Spain, Trinidad L’univers silencieux et spacieux habité par les figures solitaires dévorées par l’espace qui s’allonge vers l’infini de Peter Doig nous met devant une fenêtre qui donne un point de vue éloigné de la société où aucune forme d’interaction humaine n’a lieu. Ces tableaux silencieux et fortement spirituels évoquent une sensation de solitude profonde, une sorte de méditation en quête d’inconnu intérieur comme extérieur. Comme beaucoup d’autres peintres de sa génération, ses sources incluent souvent des photos récupérés dans des magazines - tel que Echo Lake - pochettes de disques -100 Years Ago- ou prises par l’artiste; pourtant, Peter Doig ne garde que l’essentiel de ces photos: une silhouette, une figure solitaire, contemplative, quelques fois christique. Ses territoires inexplorées -forêt, marais, lac, plage, rivière, etc.- sont sans aucun contexte historique précis et tous éléments narratifs sont gommés ou réduits à un rôle symbolique pour isoler les protagonistes observés du loin pour les charger d’une puissance qui caractérise l’explorateur de terres vierges. La transcendance est présente et palpable aussi bien qu’une forte imprégnation psychologique. La romantisme de Peter Doig est renforcée par une invitation au voyage -réel ou imaginaire- à travers le temps; le passé et un avenir utopique sont liée dans ces odyssées atemporelles. Ces tableaux frôlent souvent l’abstraction avec leurs structures horizontales -bandes de couleurs, lavis dilués et coulants- et ses effets reflétants, car l’eau, la glace et autres surfaces reflétantes de Peter Doig sont difficilement distingués de ce qu’ils reflètent: les taches de couleurs vives et fades se mêlent et créent une image objet-reflet inséparable.

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Neo Rauch né en 1960 à Leipzig, vit et travaille à Leipzig, Allemagne Sceptique et désillusionné, l’art du peintre Neo Rauch porte l’empreinte de sa propre biographie: né en Allemagne de l’Est un an avant la construction du Mur de Berlin, âgé de vingt-neuf ans au moment de sa chute, Neo Rauch comprend l’idéologie communiste et la désillusion rétrospective qui caractérise ses tableaux merveilleusement incohérents et chaotiques. Cette incohérence est le résultat de ses multiples perspectives bouleversées, des personnages démesurées sérieusement engagées dans diverses activités ferventes, qui, en fait, ne mènent jamais à rien, tout cela situé dans des paysages étrangement anormaux. Les toiles de Neo Rauch sont fragmentés, la narration perturbée par l’ensemble des protagonistes qui n’ont visiblement rien à voir les uns avec les autres, éloignés davantage par les bulles de paroles laissées vide et autres bulles qui semblent d’agir par leur propre volonté, en mettent certains mots dans les bouches de leurs victimes. Modelé par les affiches de propagande du réalisme socialiste, Neo Rauch nous offre une autopsie froide, les ruines de l’histoire, le théâtre d’absurde, imprégnées d’énigmes oniriques (ou cauchemardesques). Certains aspects des ses tableaux frôlent l’abstrait ou le surréalisme avec les taches des couleurs aléatoirement arrangées qui semblent flotter dans l’espace; pourtant, Neo Rauch ne flirte jamais avec l’expressionnisme, il n’y a aucun trace de romantisme non plus; il reste détaché et ambigu.

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Daniel Richter né en 1962 à Eutin, vit et travaille à Berlin et à Hambourg, Allemagne Il est difficile d’établir où le figuratif s’arrête et l’abstrait commence dans la peinture de Daniel Richter. Ses toiles hautes en couleur essaient de trouver la limite ou la manière figurative est si surchargée que le code de «figuration» se dissout et devient des couleurs pures, n’est plus reconnaissable. Ses paysages oniriques -et quelques fois cauchemardesques- sont peuplés par des êtres spectraux, des figures grotesques et menaçantes qui s’engagent dans des activités énigmatiques: capturés en plein mouvement, elles suggèrent des situations violentes, la rivalité, la chute, la fuite - mais sans que l’on sache ce qui crée ces situations et leurs tensions palpables. Richter peint des scénarios crépuscules, une narration non verbale et presque mythologique, exécuté dans une façon surréaliste, débordés d’angoisse ou d’euphorie implicite. Même si ses couleurs sont la plupart du temps éclatantes, vives et bien saturées, la peinture de Richter ne risque pas d’être classifié comme criarde ou fauve; au contraire, son énergie semble acquise grâce à ces couleurs violentes. Quant à la distinction d’abstrait et figuratif, Richter a dit dans un entretien : «A un niveau superficiel, cela semble plus facile pour la peinture figurative d’illustrer la substance et le sens, mais le contenu de la peinture reste toujours la peinture en elle-même.» ¹ 1. Daniel Richter, Beauty thourgh confusion, entretien avec Gianni Romano, Flash Art N°213 Vol XXXIII. summer 2000, p. 83

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Marlene Dumas Née en 1953 à Cape Town, Afrique du Sud, vit et travaille à Amsterdam, Hollande Les peintures et les dessins de Marlene Dumas nous offrent une toute différente version de l’art du portrait, qui quitte la tradition de ses prédécesseurs ou même ses contemporains. Car Dumas peint les morts, les corps humains sans identité, sans couleurs, ou bien elle peint des nus, plutôt pornographiques que traditionnels (comme celui de John Currin) dérobés de leurs personnalités. Le corps humain se présent dans l’art de Dumas comme un point de départ pour explorer les questions de race, d’identité, de sexualité ou de mortalité; mais les corps de Dumas sont réduits au strict minimum: les figures isolées, recadrées, fortement contrastées à un arrière-plan sombre, simplifiées jusqu’à n’être révélées que par quelque lignes. Les détails qui pourraient indiquer leurs identité sont effacés; Dumas nous offre une image difficile à lire car on n’a que l’apparence pour obtenir l’information nécessaire. Dumas est peu intéressée par une ressemblance précise, ses figures humaines rappellent plutôt des archétypes - le noir, le blanc, l’homme, la femme, l’enfant - cependant, leurs histoires demeurent particulière sans aucune narration. Ses strip-teaseuses s’appuient sur les images pornographiques soulignant la vulnérabilité du corps nu, le rôle des femmes comme objets du désir; Dumas nous présente le théâtre de la séduction pour élaborer les raisons selon lesquelles la présentation explicite de la sexualité est justifiée ou bannie dans la société contemporaine (promouvoir certains besoins, entre autres). Les morts deviennent érotiques, et la sexualité devient une question de pouvoir, sans référence politique - Dumas ne parle pas d’un contexte politique particulier, mais des bouleversements politiques contemporaines en générale ou la mort inévitable est tragique elle aussi.

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La peinture abstraite

Paul Klee a dit «Plus le monde plonge dans l’horreur plus l’art se fait abstrait. Un monde de paix produit de l’art figuratif. » De nos jours, la peinture abstraite possède un rôle primordial dans la peinture contemporaine. Un nombre très important d’artistes qui ont choisi comme médium la peinture s’exprime par l’abstraction. Apparue au début du XXème siècle avec Kandinsky, l’abstraction, qu’il définissait de nécessité intérieure, est une sorte de rébellion face aux théories officielles de l’art avec lesquelles il était en conflit. Aujourd’hui, c’est un peu pareil. L’abstrait est entré dans les habitudes de l’art, même s’il dérange. Les nombreux artistes adhérant à cela s’exprime d’une façon très personnelle, en détournant les lois théoriques officielles classiques de l’art pictural. Parmi ces peintres, j’ai choisi cinq exemples, Sarah Morris, Julie Mehretu, Ian Davenport, Tomma Abts et Katharina Grosse. Ces choix se justifient d’une part car il s’agit de peintures abstraites bien diverses et d’autre part car j’apprécie leurs œuvres.

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A droite, de haut en bas, série Beijing, 2008 : Beijing, 2008 1932, 2008 214cm x 214cm A gauche, de haut en bas : Dulles 2001 73.7 x 73.7cm Aucune source

Sarah Morris Née en 1967, elle est une artiste américanobritannique. Elle est aussi réalisatrice de films et s’est toujours passionnée pour la communication. Son travail dépeint des lignes très géométriques et colorées, structurant un espace bien particulier à l’intérieur de la toile. Il n’est pas sans rappeler l’architecture, et de par là le travail de Piet Mondrian.

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Julie Mehretu Née en 1970 à Addis Abebba en Ethiopie, elle vit et travaille à New York. Son travail montre de grandes toiles, structurant elle aussi un espace, mais moins géométrique que Sarah Morris. Elle peind un fond, avec plus ou moins de mouvement dans la peinture, quelquefois des tâches, sur lesquelles elle ajoute des lignes de couleur saturée, ce qui permet la structure du tableau.

Empirical Construction, Istanbul, 2003

Excerpt (Suprematist Evasion), 2003, ink and acrylic on canvas, 32 x 54cm

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Ian Davenport Artiste né en 1966, il peint des tableaux formés de lignes colorées. Son travail peut rappeler celui du minimaliste Franck Stella, seulement dans le cas de Davenport, les lignes ne sont pas parfaites. On peut y voir le trait du pinceau, et une courbure irrégulière souvent qui indique un sens de lecture à l’œuvre. Il a aussi peint des cercles. Son œuvre est très proche de celle d’un artiste minimaliste.

Poured Lines : Grip 2007 Water-based paints on aluminium 200 x 200 cm Untitled Circle Painting : Nine MultiColoured Panels with Orange 2005 Laque sur panneau de fibres medium 183 x 183 cm Poured Painting : Orange, Yellow, Orange 2000 Laque sur panneau de fibres medium 244 x 61 cm Circle Painting: Red 2001 Laque sur panneau de fibres medium 38 x 38 cm Warwick Wall Painting (pale grey) 2004 Peintures acryliques sur paneau de platre 762 x 1067 cm

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Tomma Abts Née en 1967 à Kiel, elle est allemande et travaille à Londres. Elle a une manière de travailler bien à elle, qualifiée d’insolite. Elle crée des compositions abstraites, de petit format. Elle joue sur la géométrie et la répétition des motifs. Ses peintures, souvent avec de la peinture à l’huile, sont lumineuses. On voit dans ses toiles une grande simplicité, mais elles sont finalement très profondes et complexes. Les titres de ses œuvres sont tirées au sort dans le dictionnaire des noms propres, et un peu de la même manière, les lignes du tableau sont guidées par le hasard. On l’associe souvent au mouvement d’Op’art.

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Ci-contre : intérieur, Amsterdam, acrylique sue le sol, les murs et le plafonds, 2006 Ci-dessous : Ikon Mural Projekt sur la librairie centrale de Birmingham en 2007

Katharina Grosse Née en 1961 à Fribourg en Allemagne, elle vit et travaille à Düsseldorf et à Belin. Elle enseigne à l’école des beaux arts de BerlinWeissensee. Son travail de peinture ne se limite pas à la toile, elle aime à faire exploser la peinture dans des lieux entiers, murs sols et plafonds compris. Ses compositions sont comme des pots de peinture qui éclatent à la tête des spectateurs. Perdu dans cet univers, le visiteur n’est plus qu’un spectateur, il est aussi acteur.

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En conclusion, la peinture abstraite contemporaine est encore une façon de détourner la façon classique de peindre une toile ou un espace. Elle permet une expression très libre, parfois extrêmement intéressante et qui permet à l’artiste de s’épanouir. Je ne sais pas si la citation de Paul Klee est vérifiée… La peinture abstraite est omniprésente aujourd’hui, alors peut-être sommes nous en guerre. Sûrement.

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Hors du tableau

Selon sa définition propre, la peinture est une pratique consistant à appliquer de la peinture sur une surface. Dans le domaine artistique c’est généralement une combinaison de dessin et de la couleur, cherchant un but esthétique, narratif, symbolique, spirituel ou philosophique. Les interrogations sur la nature de la peinture sont nombreuses, et donc aussi la question sur les supports sur lesquels la peinture est appliqué. Beaucoup d’artistes dans le monde contemporain ont choisi de modifier ou même d’abandonner la toile, considérée comme un support traditionnel. Les raisons de ce choix sont diverses et dépendent souvent des artistes.

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Bertrand Lavier par exemple, artiste français recouvre des objets avec des couches épaisses de peinture acrylique. Il travaille sur l’impact visuel de ses propositions. C’est en 1980 à New York qu’il expose un simple poste de radio portatif, Solid state, recouvert d’une couche épaisse de peinture appliquée par longues touches, en parfait état de fonctionnement.. D’autres objets feront leur apparition, des objets courants comme une horloge, un appareil photo ou un piano. Devant, on a une impression floue de ces objets car le spectateur ne doit pas douter du fonctionnement et doit comprendre que ces objets ne sont pas des reproductions en bronze mais des objets eux-même. Ces objets ont une double identité car ils conservent une distance entre l’objet qui fonctionne et l’objet d’art; la couche de peinture les sépare donc des objets ordinaires.

Ses travaux de peinture sont une sorte de ready made mais contrairement à Duchamp, Lavier transforme l’objet familier en le recouvrant avec de la peinture avec la couleur identique. C’est la peinture qui agit et arbitre. En rajoutant une couche de matière il rajoute une couche de signification, une action personnalisée, artisanale contrairement à la couche de couleur industrielle qui est neutre. Son procédé est caricatural en repeignant de façon maladroite. Il s’inscrit dans la même catégorie que certains tableaux où les touches de pinceaux sont visibles, notamment les tableaux de Van Gogh. On trouve des objets ambigus touchant au champ esthétique dans son travail soit par l’aspect formel soit par la fonction de l’objet. Son œuvre Gabriel Gaveau, un piano recouvert de peinture acrylique est souvent considéré comme un chef-d’œuvre. Le piano est synonyme de culture et de raffinement, recouvert d’une couche de peinture il nous fait penser à un tableau et la signature (le label du piano) nous fait penser au ready-made. Ses boîtes Fast (1982) sont souvent comparées à celles de Warhol sauf que celles de Lavier sont les boîtes elles même recouvertes de peinture et celles de Warhol des répliques en bois peint.

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Angela De La Cruz, artiste espagnole née en 1965 travaille d’une autre manière. Elle travaille la toile mais d’une façon très particulière. Au début elle fait des monochromes minimalistes, plats et brillants. Ensuite elle agit sur la toile, selon l’œuvre elle chiffonne, piétine, frappe, traîne et finalement éjecte la toile du cadre et elle casse le cadre. Elle maltraite sa peinture. Sa puissance d’imagination se trouve dans la varieté des coups qu’elle trouve à infliger sur la peinture. Dans son travail Homeless II (1996), le tableau est craqué en deux et posé dans un coin. Misery (1998) est coincé sous une chaise dont le pied est posé sur la toile endommagée, tout dans une position de vainqueur. Larger than life (1998) est une toile posée dans une salle de bal à Londres. Elle donne un effet désagréable sur un format énorme de 10x14 mètres, peint entièrement en brun. Sa pratique est marquée par des entrelacements et des relations de l’abstraction et de figuration. Elle a développé un langage visuel personnel qui est plus conceptuel que celui de la peinture ou de la sculpture. Son travail est une recherche de langages de la peinture. La particularité selon elle est que chaque peinture représente l’autre, toutes les peintures sont essentiellement les mêmes.

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Atul Dodiya est un peintre qui utilise des volets comme support pour ses travaux. Ces volets se trouvent souvent à Bombay en Inde dans des lieux publics. Pour réaliser ses peintures il utilise l’huile, l’acrylique ou la gouache. La particularité avec ses volets est qu’ils peuvent être fermés ou ouverts, cela veut dire qu’on peut faire disparaître ou modifier la peinture. Beuys, Rauschenberg et Magritte lui ont été très influents. L’artiste travaille par couches appartenant à des différents morceaux d’image, et avec ces différents morceaux d’image il crée un jeu de mot sérieux, ironique, absurde ou utopique. Il trouve son inspiration à Bombay parmi la diversité culturelle. Il représente souvent des références indiennes comme les divinités et les rend uniques.

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Il y des artistes qui prennent carrément les murs ou même des pièces entières comme support. L’artiste suisse Stéphane Dafflon par exemple combine des éléments de design, d’architecture et d’art dans des formes géométriques universelles. Ses graphes peints à la main sont un mélange de design industriel et du beau. Les artistes qui ont été important pour Dafflon sont Mondrian, Miro et Arp car ce sont ces artistes qui ont permis à l’art décoratif de se développer selon lui. Dafflon crée une sorte de mise en scène car la position des visiteurs est primordiale. Ces travaux sont vus comme simples et faciles. Son art cherche une vue utopique du futur.

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Frederico Herrero lui devient connu par sa peinture sur le mur dans l’arsenal de la Biennale de Venise. Il est difficile de dire si ce travail était soigneusement construit ou totalement improvisé. Né à Costa Rica, il a été influencé par Roberto Matta qui décrit son processus comme intuition et improvisation. Herrero passe autant de temps dans son atelier qu’en dehors, dans des investigations urbaines.

Peindre aujourd’hui pour lui c’est sortir de son atelier dans l ordre de surmonter et de déplacer les limites. Il a produit une série d’interventions dans le paysage urbain comme à Tokyo où il a complètement repeint deux bus ou à San José ou il laisse régulièrement ses empreintes sur les panneaux qu’il répare en repeignant les parties manquantes ou qu’il détourne de la fonction d’origine. Jim Lambie a carrément repeint le sol en utilisant l’idée de la bande vinyle. L’artiste écossais a mis des bandes de couleur au sol qui suivent les contours architecturaux de la pièce. Un effet hallucinogène est produit lorsqu’on marche sur ce sol. Il veut faire partir l’idée de la toile. - 28 -


Michael Lin crée des espaces avec ses peintures. Il réclame un espace pour penser. Ses peintures sont souvent de longues plateformes avec des motifs de textile souvent appelés « lit du jour ». Les motifs sont empreints à l’artisanat populaire marginalisé par la société de consommation. Le public est invité à s’asseoir ou même à s’allonger sur les peintures pour se distraire mais cela voudrait dire qu’on fait plus attention à la visite.

Les nouveaux supports, endroits et la recherche des nouvelles expressions ont permis à la peinture contemporaine d’évoluer. Les supports traditionnels ne suffisent plus pour exprimer certaines idées, ou certaines esthétiques recherchées par des artistes. Il est clair que l’évolution la plus marquée est celle des supports. - 29 -


Conclusion

Finalement, la peinture de nos jours n’est pas morte, comme beaucoup de monde peut le croire. Il est intéresant de remarquer, suite à ce petit parcours, les recoupements possibles entre les différentes façon de peindre aujourd’hui. A savoir, il existe un réel lien entre la peinture abstraite de Ian Davendport et l’idée de Jim Lambie, ou Katharina Grosse qui étant peintre abstraite sort aussi de la toile. En fin de compte, la peinture contemporaine tend a aller dans une seule et même direction... Cela est à vérifier dans les décennies à venir. La peinture est une technique artistique très ancienne qui a subi de multiples évolutions. Certes elle a connu des heures plus glorieuses mais elle est encore bien présente dans le champ de l’art contemporain et a encore de beaux jours devant elle.

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Bibliographie

Livres :

Internet :

SCHWABSKY Barry, Vitamine P, Phaidon, 352 pages 2004

http://www.creativtv.net http://www.artzari.fr/fiche-artiste.Tomma-Abts.html

Bonafoux Pascal et Schaffer Nikolaus, Gottfried Salzmann, Paris, Thalia édition, 2006, 191p.

http://www.xippas.com/fr/artiste/ian_davenport

Gottfried Salzmann, Aquarelle : Paysages et villes de l’idée initiale à l’aquarelle pure, München, Callwey édition, 2000, 127p.

http://www.colectiva.tv/

Nicole Bottet, Salzmann : Wasser – Spiegelungen, Salzburg, Verlag Galerie Welz édition, 1993, 100p.

http://images.google.fr/imgres?imgurl=http://www.tate. org.uk/40artists40days/artworks/sarah_morris

CUMMING Robert, L’ART, Paris, Gründ, Le spécialiste, 2006

http://fr.wikipédia.org/wiki/Sarah_Morris

http://grammarpolice.net/

Jean Louis Morelle, site officiel, http://www.jean-louismorelle.com/ (page consultée le 4 juin 2009)

Gianni Romano, Marlene Dumas: Suspect, Skira, 2003. Art Now Vol 2, Taschen, edited by Uta Grosenick, 2008.

Marlene Dumas, wikipédia, http://fr.wikipedia.org/wiki/ Marlene_Dumas (page consultée le 6 juin 2009)

Marlene Dumas, Parkett N°38, 1993. Francis Moreeuw, site officiel, http://www.moreeuw.com/ (page consultée le 4 juin 2009)

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http://www.tate.org.uk Peter Doig, Art Press N°296, Décembre 2003. http://www.chelsea.arts.ac.uk/17269.htm Peter Doig, Parkett N°67, 2003. http://fora.t v/2008/03/24/What_s_Ahead_for_ Contemporary_Art_in_India#Atul_Dodiya_on_His_ Influences_and_the_Art_World

John Currin, Art Press N°280, juin 2002. John Currin, Parkett N°65, 2002. Neo Rauch, Art Press N°281, juillet-août 2002. Daniel Richter, Flash Art N°213 Vol XXXIII., 2000. Catherine Francblin; bertrand lavier; Flammarion paris 1999, p 28-40

Couverture : Bouche, Albin Hodza, 2009

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