Voler dans les plumes
Florence Delahaye PrĂŠface de Cathy Blisson
Un jour de 2003, Florence Delahaye a découvert un terrain vague. Ça n’a l’air de rien, mais sans ça, le livre qui s’ouvre aujourd’hui n’aurait sans doute aucune existence physique. Il faut dire que sur la Cour du Maroc, friche caillouteuse au bord d’un bout de voie ferrée désaffectée, à Paris,18ème, s’était posé un certain Cirque Électrique. Pour un peu elle se serait crue dans les Ailes du Désir. Elle y est revenue le lendemain. Le surlendemain. Et les jours suivants, plus d’un an durant. Terrain vierge sur terrain vague, pour des yeux de photographe qui ne demandaient qu’à pétiller plus. Depuis, la demoiselle Delahaye regarde les anges tomber du haut des chapiteaux et ses démons virevolter dans les coulisses des cabarets. Elle y a rencontré des femmes très femmes, des hommes très hommes, et des hommes plus femmes que certaines femmes très hommes, mais ses images disent rarement qui est qui. À tous les coups ou presque, elle va braquer son objectif sur l’ambivalence d’une silhouette en résille, un bout de corps en (des)équilibre, un coin de décor en perspective, un accessoire en déshérance, une avalanche de plumes ou le revers d’une tranche de paillettes. On croirait presque, parfois, voir des instants volés dans ces gestes en suspens et autres visages pas bien nets. Et on se trompe. Florence Delahaye est là et bien là, dans l’image. Un « œil ouvert » plutôt qu’un regard extérieur et lointain.
Quelle que soit la distance, dans sa tête et sa posture, elle n’est jamais à plus d’un mètre de ses funambules du soir. Fascinée par l’absolu grand écart entre leurs prises de libertés et les risques à doses homéopathiques qu’elle dit endosser ; imergée dans leur monde, empathique jusqu’au bout du doigt qui appuie sur le déclencheur. Souvent, elle fait des photos pour la simple raison qu’elle a envie d’aller voir les gens. Les images, sourit-elle, ne sont qu’un résidu. Une empreinte, un « retour moniteur ». Dans le monde du spectacle, on trouve toujours des spécimens pour prendre des images en sachant à l’avance ce qu’ils vont pêcher là. Plus rarement des Florence Delahaye, qui composent des tableaux vivants à coups d’allers-retours intuitifs entre la scène et leur imaginaire. Son imaginaire à elle se nourrit de fantasmes de nomadisme, d’hypersensibilité aux marges, d’attention aux intrus du hors-champs, d’attrait pour l’utopie et l’excès, de naïveté revendiquée. Il paraîtrait même que son appareil aurait une longueur d’avance sur ces étrangetés qui la touchent. Tant mieux. Ex-timide naviguant joyeusement dans les milieux interlopes, ardente petite personne teintant ses explorations photographiques de mélancolie, férue de féminités bien trempées et fondue de paillettes un peu défaites, Florence Delahaye met en boite les vertiges de ses contradictions. Des échappées en apesanteur, entre douceurs et décadences, sur le fil de la résille.
Cathy Blisson
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Les artistes présents dans ce livre sont : Couverture : Shaena Brandel, NoFit State Circus, ImMortal, festival Circa, Auch 2007 P4 : Juliette Dragon et Benjamin Bur, Cabaret des Filles de Joie, Paris 2005 P5 : Thuy Nhan Dao et Benjamin Bur, Cabaret des Filles de Joie, Paris 2005 P6 : Netty Radvany, 18eme promotion du Cnac, festival Circa, Auch 2007 P7 : Shaena Brandel, Nofit State Circus, ImMortal, festival Circa, Auch 2007 P8 : Le Cirque Electrique et gogo dancers, Elysée Montmartre, Paris 2004 P9 : Céline Berneron, Cie Gosh, Vladjalo, Paris 2005 P10 : Cabaret des Filles de Joie, Heretik, Olympia, Paris 2008 P11 : Léa Kill Kill, Lolaloo des Bois et Mymy Patte en l’air, Cabaret des filles de Joie, Heretik, Olympia, Paris 2008
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P12-13 : Louise de Ville, Cabaret des Filles de Joie, Heretik, Olympia, Paris 2008 P14 : Juliette Dragon, Cabaret des Filles de Joie, galerie Simco, Paris 2004 P15 : Juliette Dragon, Cabaret Mamamiacircus, cour du Maroc, Paris 2004 P16 : Festival de Chalon dans la rue, 2004 P17 et dos de couverture : Thuy Nhan Dao, Cabaret des Filles de Joie, Joy’s, Paris 2005 P18 : Cie Arsenic (Belgique), Eclat d’Harms cabaret, festival d’Aurillac, 2006 P19 : Montage du chapiteau de Mme Suzie, festival d’Aurillac, 2006 P20 : Louise de Ville, cabaret MamamiaCircus, la Java, Paris 2007 P21 : Terrain des Marmiers, festival d’Aurillac, 2006 P22 : Marie Molliens, Cie Rasposo, “Parfums d’Est”, Trappes 2007 P23 : Natalia Fandino, Cie Nofit State Circus, ImMortal, festival Circa, Auch 2007 P24 : Yukihiro Suzuki, 18ème promotion du Cnac, festival Circa, Auch, 2007 P25 : Anna Buhr, la Manœuvre, Mue, la Ferme du Buisson 2007 P26 : Spirit of fashion, Berlin 2006 P27 : Bump’d grind honeys, Mamamia Circus, la Java, Paris 2007 P29 : Louise de Ville, Cabaret des Filles de Joie, Heretik, Olympia, Paris, 2008 P30 : Cie Rasposo, festival Chalon dans la rue 2005 P31 : Juliette Dragon, Rue du désir, Avignon 2005 P32 : Circo Aereo, festival Brise Glace, Reims 2008 P33 : Le Nadir, Omnia Palace, Cirque Binet, Paris 2008 P34 : Gina, La Pinte à Fondue, Cour du Maroc, Paris 2004
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Dans la même collection Vincent Baillais et Julien Guintard, Thanatorama David Richard, Sur un air d’autoroute Marion Dubier-Clark, USA Fico, Mythologies Israel Ariño, Chronique d’un débarquement
Merci à tous les artistes qui m’ouvrent leur porte et nourrissent mes rêves… qu’ils soient ou non dans ce livre! Merci à ma famille et aux amis. Pour les chemins partagés, merci aussi à François Virolle, Victor Fernandes, Jacob Hauser, Florinda Donga, Gaëlle Bisellach-Roig, Juliette Dragon, Boris Gibé, Anna Buhr, Michel Diament, Milan Szypura, Romuald Simonneau, Pauline Haué, Simon Gamondés…
ISBN : 978-2-918117-05-6 © L’œil ouvert - Avril 2009 © Florence Delahaye pour les photographies © Cathy Blisson pour le texte
Conception graphique : Laurence Duchemin L’œil ouvert 11 rue de la Grange aux Belles 75010 Paris www.loeilouvert.com