Une cellule djihadiste démantelée à Albi- 23 juillet 2014- La Dépêche du midi

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1 1 – Les habitants du quartier de Cantepau ont exprimé à la fois leur surprise et leur inquiétude après l’intervention des policiers venus interpeller au petit matin des membres présumés d’une cellule jihadiste. 2 – Ce sont les hommes du Raid (ici en 2012 lors de l’intervention pour neutraliser Mohammed Merah), l’unité d’élite de la police, qui a procédé aux arrestations des deux hommes et de la femme. 3 – En juin 2009, une filière de recrutement avait déjà été démantelée à Toulouse./DDM T. Bordas

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témoignages à Albi

« Depuis ans les quartiers de Cantepau et de Rayssac à Albi, c’est la stupeur et l’inquiétude qui dominent après l’annonce hier matin de l’arrestation de trois personnes d’une présumée cellule djihadiste. « Vers 6 heures, j’ai vu une première voiture de police puis deux autres, témoigne une habitante de Rayssac. Ils étaient cagoulés et armés. Il y avait un chien, je pensais que c’était pour de la drogue. Les policiers ont commencé à faire des allersretours. Ils étaient très discrets car je n’ai pas entendu un bruit. Sinon, j’aurais fait ma curieuse plus tôt ! Le monsieur est sorti menotté et la dame aussi. Ils sont partis vers 9 heures moins le quart ».

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« Toute la semaine, les policiers ont tourné » Même scène presque au même moment dans le quartier de Cantepau. Vers 6 h 30, au 16 avenue Mirabeau, les habitants d’un immeuble voient défiler les policiers. « Il y en avait au moins 60 », lance un jeune homme. Une Albigeoise de 56 ans qui habite non loin de là résume : « Il y avait des policiers, la BAC qui encerclait la zone autour du rond-point. J’ai vu des hommes en-

l’affaire Merah, il a changé... » cagoulés, je pensais qu’ils venaient pour train depuis quelques mois. « On ne les a un trafic de drogue car il y en a pas mal dans plus vus pendant deux mois. C’était vers ce bloc. Je pense que mars-avril ». L’homme a c’était une filature car dit qu’il s’était rendu « en A Cantepau toute la semaine les poliTurquie pour le travail. ». et à Rayssac, les ciers ont tourné dans le Le couple avec quatre enquartier. » Avant de confants était selon les dires rumeurs allaient clure : « S’il y en a eu trois des voisins « très discret ». bon train depuis d’arrêtés, ça veut dire qu’il « Je l’ai croisé il y a encore quelques mois. y en a d’autres. J’ai très trois jours en train de monpeur ». ter ses courses, il m’a dit bonjour, il était très gentil », témoigne une voisine.

« Maintenant, j’ai peur » Au premier étage d’un immeuble, une habitante accoudée à sa fenêtre confirme : « Je ne sors jamais de chez moi mais maintenant, j’ai peur pour ma petite fille de 13 ans ». Un autre riverain tempère : « Je suis inquiet sans l’être car je ne pense pas que c’est à Albi qu’ils vont faire quelque chose ». Un habitant du 2e étage d’un immeuble de l’avenue Mirabeau a vu les policiers monter juste au-dessus de chez lui. Le jeune homme explique avoir croisé « deux ou trois fois » le couple de trentenaires qui vit là. Il ajoute « que, dans le quartier, il y a eu des rumeurs sur leurs voyages en Syrie ». À Rayssac aussi, les rumeurs allaient bon

« Il ne parlait plus que de religion » « Ce n’est pas quelqu’un de méchant , poursuit un autre habitant du quartier. Mais, depuis l’affaire Merah, il a changé. Avant, il descendait en bas de l’immeuble pour fumer un joint. Il ne doit pas avoir encore 30 ans. C’est un Français d’origine tunisienne qui a fait des études, intégré l’armée je crois au sein de la Marine nationale. Depuis quelques mois, il ne parlait plus que de religion. » Le riverain « s’attendait à ce qu’il soit arrêté » mais, paradoxalement, il a été très surpris hier matin de voir débarquer « le Raid et les voitures de Paris ».

Les enquêteurs soupçonnent l’une des trois personnes interpellées d’être un des recruteurs pour le jihad en Syrie. « Je n’y crois pas trop », lance sceptique le même riverain.

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« Ça fait deux grosses histoires dans le quartier »

Retrouvez sur notre site internet La Dépêche premium tous nos contenus multimédias sur cette arrestation : diaporama, vidéo et interviews audio. Dans notre reportage vidéo, un habitant de l’avenue Mirabeau évoque le déploiement policier dans le quartier ce matin : « C’est assez choquant, ça fait drôle ». Un autre riverain témoigne à notre micro : « Le conflit à Gaza peut perturber certains jeunes ». Pour découvrir l’offre Premium, connectez-vous à www.ladepeche.fr/premium

Ce n’est pas la première fois, qu’Albi est sous les feux de l’actualité dans une affaire de terrorisme. Déjà en décembre 2012, un Albigeois de 38 ans converti à l’Islam avait été arrêté à Rayssac dans le cadre de l’enquête sur les éventuelles complicités dont aurait pu bénéficier Mohammed Merah. L’homme avait finalement été relâché quelques jours plus tard. « Cela fait deux grosses histoires dans le quartier », lâche un habitant de Rayssac. Pourtant, l’Albigeois décrit son quartier comme plutôt « tranquille » : « L’entente entre les jeunes et les anciens se passe très bien. Je n’aurais jamais imaginé que cela arrive chez nous ». L’homme s’inquiète surtout de « l’amalgame entre les djihadistes et les musulmans avec ce que l’on voit à la télévision ». Florine Galéron

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PROCHES DE LA NÉBULEUSE MERAH Les deux hommes et la femme interpellés, hier, et dont on ne connaît pas encore les identités, étaient, selon plusieurs sources, des proches du Toulousain Sabri Essid et de l’Albigeois Thomas Barnouin qui s’était converti à l’Islam en 1999 sous le nom d’Abdelhakim. Si proches qu’ils avaient, selon nos informations, entrepris, au mois de mars dernier, avec lui, dans le même avion, le voyage vers la Syrie dont Essid n’est toujours pas rentré. Via Barcelone puis la Turquie, ils avaient rallié la Syrie. Un itinéraire emprunté quelques semaines plus tard par Souad Merah, la sœur du tueur au scooter. Sabri Essid, qui se présente comme le « demi-frère » de Merah, son père ayant épousé Zoulika Merah, est quant à lui très proche de Thomas Barnouin. Ces deux hommes sont bien connus des services antiterroristes : En 2006, déjà, ils avaient été inter-

pellés à leur retour forcé de Syrie, ter à ses obsèques. C’est donc tout le clan Merah après avoir été arrêtés par les élargi aux radicaux toulousains Américains à la frontière irakoet albigeois qui semble avoir pris syrienne. Reconnus coupables d’association de malfaiteurs à vi- le chemin de la Syrie ces dernièsée terroriste, ils avaient été con- res semaines. Plus inquiétant, les personnes indamnés à 5 ans de prison dont un an avec sursis, assortis d’une terpellées hier à Albi, avaient, elles, choisi de rentrer en France mise à l’épreuve de 3 ans. Essid a d’où, selon certaines sources, elété également été mis en cause les envisadans une affaire de mariage forgeaient des Ils étaient dans le « actions viocée et de viol. même avion que lentes ». Après Pendant cette Sabri Essid pour période, il receles massacres rejoindre la Syrie. perpétrés par vra le soutien de Mohammed Mohammed Merah à Toulouse et MontauMerah. ban, cette révélation pose la Tous deux faisaient partie de la question de savoir si, une noufilière jihadiste toulousaine. velle fois, la Ville rose et le Grand Sabri Essid s’était distingué, Sud étaient visés par les candiaprès les sept assassinats perpédats au jihad, et notamment les trés par Mohammed Merah, sur lieux de cultes juifs. des militaires et des Juifs à MonLes trois arrestations menées tauban et Toulouse en hier, à Albi, sur commission rogamars 2012. En effet, il avait été l’une des rares personnes à assis- toire d’un juge d’instruction, font

en effet écho, à Toulouse, aux interrogations sur des filières qui semblent bien implantées, depuis plusieurs années dans la région. Les personnes gardées à vue depuis hier matin semblent toutes avoir des liens avec la famille Merah et les filières que les deux frères, Mohammed et Abdelkader, ont pu fréquenter. Le circuit, entre Toulouse et la Syrie, semble désormais éprouvé. Le « demi-frère » de Mohammed et Abdelkader Merah, Sabri Essid, longue barbe et costume traditionnel, est un salafiste radical bien connu des services français. Pilote-t-il à distance un réseau bien organisé et très radicalisé prêt au jihad en France ? Autre cellule repérée, autre point commun avec la sphère Merah, Sabri Essid comme la famille du tueur au scooter, a gravité également autour de la « cellule d’Artigat », en Ariège, et d’Olivier Corel, originaire de Syrie.

Olivier Corel, dit «l’émir blanc», avait été placé en garde à vue en janvier 2013 dans le cadre des complicités supposées dont aurait bénéficié Mohamed Merah. Il avait été relâché sans qu’aucune charge ne puisse être retenu contre. Vivant dans un petit village en Ariège, décrit comme un chef religieux, il serait soupçonné d’être à l’origine de la radicalisation de plusieurs jeunes,/Photo prise en novembre 2012. Thierry Bordas.

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