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REED HASTINGS, PATRON DE NETFLIX, À L’ASSAUT DE LA FRANCE

LA FRANCE EST-ELLE LE NOUVEL HOMME MALADE DE L’EUROPE ? CAHIER ÉCO – LIRE PAGES 8-9

CAHIER ÉCO – LIRE PAGE 2 ET CHRONIQUE – LIRE PAGE 24

Mardi 9 septembre 2014 - 70e année - N˚ 21661 - 2 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr ---

L’Ecosse indépendante, un séisme

Fondateur : Hubert Beuve-Méry

Impôts: plus d’un million de foyers demandent une ristourne au fisc t En 2013, 1,3 million de ménages ont fait un recours gracieux. La tendance devrait se poursuivre cette année

L

a capitale de l’Ecosse, Edimbourg, a été édifiée sur des collinesvolcaniques.Mais, celundi 8 septembre, c’est Londres qui était sur un volcan. Pour la premièrefois,unsondageaprédit, samedi 6 septembre, la victoire des nationalistes écossais lors du référendum du 18 septembre. Le « Yes » à l’indépendance de l’Ecosse l’emporterait : 51 % des suffrages pour, 49 % contre, à en croire l’étude d’opinion de l’institut YouGov publiée par le Sunday Times. Dit commecela,c’est encore un peu technique pour annoncer, purement et simplement, la fin du Royaume-Uni. Le oui mettrait un terme à plus de trois siècles d’association entre l’Angleterre et l’Ecosse. Ce n’est pas rien. Le Royaume-Uni ne rassemblerait alors plus que trois peuples: Anglais, Gallois et Irlandais du Nord. En cas d’indépendance, Queen Elizabeth acceptera-t-elle de rester rei-

B

ien que le gouvernement répète qu’il veut en finir avec les hausses d’impôt, nombre de contribuables ont à nouveau le désagrément, cet automne, de constater une augmentation substantielle de leurimpôt sur le revenu. Résul-

tant de mesures fiscales de la loi de finances 2014, ces nouvelles hausses d’impôt étranglent de plus en plus les classes moyennes. Entre 2011 et 2013, le nombre de demandes gracieuses de réduction ou de non-paiement de l’impôt examinées

par le fisc a bondi de 20 %, pour atteindre 1,3 million. Les lettres de relance et de mise en demeure adressées aux contribuables sont, elles, passées en deux ans de 4,5 millions à près de 10 millions. Le Monde fait témoigner ces Français

qui peinent à s’acquitter de leurs obligations fiscales. Employés, fonctionnaires ou cadres, ils tiennent à préciser qu’ils ne sont en rien « anti-impôts ». Mais, avec les difficultés liées à la crise, ils sont pris en étau. p LIRE PAGE 13

INTERLUDE ITALIEN POUR MANUEL VALLS t Sous le soleil de Bologne,

le premier ministre a mis en scène sa complicité avec Matteo Renzi, le chef du gouvernement italien

t «Elle est où l’alternative? », a martelé Manuel Valls, en brandissant la menace de l’extrême droite au pouvoir en 2017

ÉDITORIAL

t Enquête auprès des militants du PS, un parti en plein désarroi LIRE PAGE 11

Matteo Renzi et Manuel Valls, en meeting à Bologne (Italie), le 7 septembre. VINCENZO PINTO/AFP

AUJOURD’HUI Saisie record de terres par Israël

Après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu dans la bande de Gaza, l’Etat hébreu a annoncé avoir saisi 400hectares de terres palestiniennes, au sud de Bethléem. INTERNATIONAL – P. 4

14-18 LE JOURNAL DU CENTENAIRE

Galileo sera-t-il mis en orbite par Soyouz ?

Une enquête doit établir les causes de l’échec, il y a quinze jours, du lancement des premiers satellites du système de navigation européen par la fusée russe. CAHIER ÉCO – P. 4

Ebola : la Sierra Leone se met en quarantaine

Pour enrayer le virus qui a tué près de 500personnes dans le pays, le gouvernement demande aux 6millions d’habitants de rester confinés chez eux. PLANÈTE – P. 10

LE REGARD DE PLANTU

La Grande Guerre au Moyen-Orient a La fin du conflit mènera

à la chute de l’Empire ottoman, dont les conséquences ébranlent toujours la région

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ne d’Ecosse ? Les Scot Guards, régiment d’élite, garderont-ils encore Buckingham Palace ? Pour qui Andy Murray jouera-t-il la Coupe Davis ? Qui sait si, par dépit, Harrods ne va pas refuser de vendre des kilts, et les pubs de la City du Glen Edward’s ou du Glenfiddich... Appalling serait un adjectif encore trop doux pour décrire le sentiment de révolte, de choc et d’effroi provoqué à Londres par ce sondage. Il est publié alors que ces dernières semaines ont vu la montée constante du oui à l’indépendance, mais jamais encore au point de l’emporter sur le non. L’Ecosse dispose déjà d’une grande autonomie au sein du royaume, avec son Parlement, son gouvernement et même une fiscalité propre. La victoire du Parti national écossais d’Alex Salmond (SNP) ne serait, cependant, en rien exotique. Elle aurait un profond retentissement, tant sont importants les enjeux du vote du référendum du 18. A Londres, d’abord. Le premier ministre, le conservateur David Cameron, qui a accepté le principe de ce référendum, pourrait être amené à démissionner. Mais l’opposition est loin de seréjouir. Privé de l’Ecosse, qui vote massivement travailliste, le Labour aurait le plus grand mal à réunir une majorité dans les trois autres nations du royaume. Sans compter l’ensemble des questions économiques qui se poseraient alors : monétaires, bancaires, fiscales et autres. A Bruxelles aussi, l’inquiétude gagne. Le oui serait un encouragement aux Basques et aux Catalans espagnols, bref à toutes les minorités qui, au sein de l’Union européenne, veulent accéder à l’indépendance. L’Europe « post-oui » au référendum écossais ne serait plus la même. Au Royaume-Uni comme en Europe, le oui serait une régression. Pour contrer cette perspective, les grands partis britanniques promettent un transfert de pouvoirs – une dévolution – plus poussé encore en cas de vote non le 18. Il n’est pas sûr que cela soit suffisant pour enrayer le mélangecomplexe desentiments quiexplique la montée du tropisme indépendantiste en Ecosse. p

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Mardi 9 septembre 2014

Israël poursuit le «grignotage» de la Cisjordanie L’Etat juif a accaparé une zone de 400 hectares, officiellement en rétorsion à l’assassinat de trois adolescents en juin Reportage Jaba (Cisjordanie) Envoyé spécial

L

es soldats israéliens sont arrivés de bonne heure, accompagnés de quelques fonctionnaires. Ils ont arrêté leurs véhicules à la sortie du village arabede Jaba,devantlespentescaillouteuses. Les oliviers s’épanouissent sur ces jolis coteaux, livrés au soleil. Enfin, ceux qui restent encore debout. Depuis trois ans, les Israéliens ont détruit 150 arbres sur les 350 plantés par Izat Aboulatif. Une nouvelle fois impuissant, en ce 31 août, le villageois a vu les visiteurs enfoncer une pancarte jaune dans le sol sec, à proximité de la route. Elle interdit à quiconquede pénétrersursesterres,déclarées propriété de l’Etat israélien. Une semaine après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu dans la bande de Gaza, le ministère israélien de la défense a ainsi annoncé

Le grignotagedes terres palestiniennes, coincéesentre des coloniesen plein essor, relève d’une opération au longcours

Une implantation israélienne à Gvaot, près de la colonie de Betar Ellit, en Cisjordanie, le 2 septembre. DEBBIE HILL/UPI/ABACAPRESS.COM

Naplouse CISJORDANIE

Tel-Aviv

Jourdain

Mer Méditerranée

Ramallah Jérusalem Jaba

Bethléem Hébron

GAZA

ISRAËL

JORDANIE

la plus importante saisie de terres palestiniennes depuis trente ans, selon l’ONG israélienne Shalom Archav (« La Paix maintenant »). Quatre cents hectares au sud de Bethléem, dans le Goush Etzion, près de la colonie de Betar Ellit, qui permettraient le développement d’une ville nouvelle autour de la petite implantation de Gvaot. «Après que la décision politique eut été prise, l’administration civile a fait deux choses, explique le major Guy Inbar, porte-parole du Cogat, l’organisme de coordination des activités gouvernementales dans les territoires palestiniens. Il y a quelques semaines, une équipe de spécialistes a passé les terres en revue, pour vérifier s’il y avait des propriétaires, si elles étaient cultivées. Il a été démontré que non. Le deuxième pas a été l’annonce qu’elles devenaient terres d’Etat. » Izat Aboulatif offre le thé à la menthe sous son porche. Une odeur de jasmin emplit l’air. Une tresse d’ail sèche sous les raisins grimpants. Au loin, un collecteur de métaux usagés s’époumone dans un porte-voix. Près de 1 100 personnes vivent à Jaba. C’est le village le plus touché par le plan israélien de confiscation des terres. Le grand-père, âgé de

Mer Morte 15 km

69 ans, père de huit garçons et de trois filles dont il énumère les professions avec fierté, déballe le contenu d’un sac plastique. Il s’agit de documents de propriété remontant à l’époque ottomane, certifiés auprès du gouvernorat de Bethléem, qui relève de l’Autorité palestinienne. « Les Israéliens nous ont donné 45 jours pour contester la saisie des terres, qui sont dans ma famille depuis des générations. On est allé se plaindre au gouvernorat. Ils ont promis de nous aider, de fournir un avocat. » Mais Izat Aboulatif ne se

fait guère d’illusions. « L’Autorité palestinienne est faible. Dans ce conflit, on ne peut défendre ses droits qu’en étant fort. » Lui n’a jamais reçu de compensation lorsque les Israéliens ont fait passer les canalisations d’eau trois mètres sous ses oliviers, en arrachant une vingtaine d’arbres pour creuser le sol. L’eau n’est pas non plus pour lui, mais pour les colons. L’annonce de la saisie des 400 hectares a été présentée comme une mesure de rétorsion israélienne, après l’enlèvement le 12 juin et l’assassinat de trois adolescents juifs dans la zone du Goush Etzion, prélude à la guerre dans la bande de Gaza pendant l’été. La décision du gouvernement a provoqué une cascade de critiques parmi les alliés traditionnels d’Israël. Mais en réalité, le grignotage de ces terres palestiniennes enclavées, coincées entre des colonies en plein essor, bien qu’illégales sur le plan du droit international, relève de l’opération au long cours. Certaines voix, même au sein du gouvernement,

ont dénoncé le moment choisi. Israël, qui doit reprendre les négociations avec l’Autorité palestinienne, sape encore davantage l’autorité de Mahmoud Abbas. Sur le plan international, la ministre de la justice, Tzipi Livni, redoute que les autres colonies du Goush Etzion, qui font l’objet d’un « consensus », ne deviennent « une zone controversée ». Mais l’annexion programmée de ces terres, sur leur principe, n’a été condamnée que par les vigies traditionnellesde lasociété israélienne.«Regardez la carte et vous réaliserez comment le supposé Etat palestinien en devenir a été mis à mort, écrit le célèbre journaliste Gideon Levy dans Haaretz. De ce qu’il reste, il serait possible de construire encore un parc d’attractions, une miniPalestine, mais pas plus. » Regarder la carte. Ou bien descendre dans la vallée. La colonie de Betar Illit se dresse au-dessus de Wadi Fukin, l’un des cinq villages palestiniens touchés par le plan de confiscation. Le contraste architectural saute aux yeux. Dans la val-

lée, les petites maisons arabes modestes, au dessin incertain et aux routes ingrates. Sur les hauteurs, les immeubles serrés, imposants, aux toits ocre inclinés et à la géométrie impeccable, des colons juifs. Les cohortes de béton forment une ligne de fortification. Des barrières de sécurité les protègent aux entrées. Les eaux usées sont déversées vers les habitations arabes en contrebas. Punition, indifférence.

Les eaux usées de la colonie de Betar Illit sont déversées vers les habitations arabes, en contrebas Entre ces deux mondes, une si courte distance, une abyssale défiance. L’an passé, les habitants de Wadi Fukin ont voulu construire un jardin d’enfants. On leur a dit non. Interdit. Le chantier a été arrê-

té au milieu. Cet après-midi, personne ne descend le toboggan bleu. Dans l’épicerie, plus de produits israéliens. Les villageois ont décidé de les boycotter. Un geste engagé, autant qu’une marque d’impuissance. Vendredi, une centaine de villageois se sont rassemblés, à proximité de l’école de Wadi Fukin, pour dénoncer l’appropriation annoncée des terres. La police israélienne a tiré au gaz lacrymogène. « On a réuni les habitants pour demander à chacun de nous amener les titres de propriété sur les 150 hectares menacés à Wadi Fukin, explique Ibrahim Al Hroub, 30 ans, maire adjoint et professeur de sport. On ira devant les tribunaux. » Pour le jeune élu, « la mort des trois adolescents, on sait bien que c’est juste un prétexte. Depuis 1948, au total, les Israéliens nous ont pris 800 hectares à différentes périodes. Ils nous empêchent de construire, ils contrôlent les sources d’eau, ils font des barrages. Ils veulent qu’on parte d’ici. » p Piotr Smolar

Malgré l’accord avec le Fatah, le Hamas continue d’administrer seul la bande de Gaza Gaza Envoyée spéciale

Camouflé par d’épais rideaux sombres, le bureau ressemble à un camp retranché. La mine accablée, Abdallah Abou-Samhadana est assis à côté d’un grand portrait de Mahmoud Abbas. Nommé en juillet, à la veille de la guerre, par le président palestinien, au poste de gouverneur de la région de Deir Al-Balah, au centre de l’étroite enclave, le fonctionnaire du Fatah passe ses journées, désœuvré, dans sa maison de Gaza. Fin août, les forces de sécurité du Hamas l’ont empêché d’inaugurer ses bureaux, tout comme les quatre autres gouverneurs désignés à la suite de la signature, le 23 avril, de l’accord de réconciliation Fatah-Hamas. Le mouvement islamiste juge comme une « provocation » la manœuvre « unilatérale » de M. Abbas. Depuis, le gouverneur qui avait connu les geôles du mouvement islamiste lors de sa prise de pou-

voir en 2007, ne peut plus approcher les ruines de son district : «Le Hamas ne veut clairement pas qu’un représentant du président Abbas puisse aider ceux qui ont perdu leurs maisons. Cela leur ferait de la concurrence », assène Abdallah Abou-Samhadana. Cette situation verrouillée sur le terrain, trois mois après la formation d’un gouvernement d’union nationale, a provoqué, samedi 6 septembre, l’ire du président Abbas, dès sa descente d’avion au Caire, à la veille de la session annuelle de la Ligue arabe : «Nous ne pouvons pas continuer à travailler avec le Hamas de cette manière», a-t-il averti, menaçant de rompre l’accord d’unité. En cause: le maintien dans la bande de Gaza d’un gouvernement « fantôme » du Hamas qui saperait les efforts des 17 ministrestechnocrates, dirigés par le premier ministre, Rami Hamdallah, pour s’implanter : « Il y a 27 ministres adjoints et directeurs [du Hamas] qui dirigent la bande de

Gaza, et le gouvernement d’union ne peut rien faire sur le terrain », accuse le président de l’Autorité palestinienne. Porté par une délégation palestinienne unifiée, le cessez-le-feu du 26 août, après 51 jours de conflit, n’a pas signé la conquête de Gaza par le gouvernement d’union. Bien au contraire. A mesure que se précise le gigantesque chantier de reconstruction, l’hypothèse semble de plus en plus improbable.

« Abandon » A Beit Hanoun, ville du nord du territoire palestinien meurtri par la guerre, le maire, Nazek Al-Kafarna, n’a conservé que quelques chaises de ses bureau en ruine. Presque éteint, l’édile, affilié au Hamas, se ressaisit pour dénoncer l’« abandon » de Ramallah. De sa hiérarchie directe en Cisjordanie, au sein du ministère des autorités locales, il assure n’avoir reçu «qu’un seul coup de téléphone » succinct depuis le début du

conflit, le 8 juillet : « En réalité, mes seuls relais sont les employés du Hamas à Gaza », avoue le maire. Depuis son origine, le gouvernement d’union est déséquilibré. Parmi les 17 membres, officiellement sans affiliation partisane, seuls 3 ministres opèrent dans la bande de Gaza: ceux du travail, du logement et de la justice. Les fonctions régaliennes majeures de l’administration palestinienne sont concentrées à Ramallah, à l’image des ministères de l’intérieur, des finances ou des affaires étrangères. Dans la bande de Gaza, l’exercice effectif du pouvoir est assuré par les ministres adjoints et directeurs généraux, issus de l’ancienne administration Hamas. Tous font état de relations « inexistantes» avec leurs ministères de tutelle à Ramallah. Petit homme à l’allure discrète, Kamel Abou Madi, le viceministre Hamas de l’intérieur, dirige ainsi de facto les plus larges effectifs de fonctionnaires du territoire, les 18 000 employés des forces de sécurité.

Mais, pour les observateurs à Gaza, l’existence de cette équipe parallèle est avant tout à imputer aux manquements de l’Autorité palestinienne: «Peut-on en vouloir au Hamas de combler un vide ? Il faut bien que quelqu’un dirige. Qu’attend ce gouvernement pour se rendre à Gaza ?», s’emporte Omar Chaban, directeur du centre d’analyses Pal Think. A Ramallah, on justifie cette discrétion par le dilemme du versement des salaires des 45 000 fonctionnaires du Hamas dans l’enclave, le premier ministre Handallah faisant état de «menaces» du mouvement islamiste contre les membres du gouvernement qui se rendraient à Gaza avant leur versement. En juin, le Qatar avait proposé de régler l’ardoise, à hauteur de 60 millions de dollars (44 millions d’euros), par l’intermédiaire de l’Autorité palestinienne. Mais, à Ramallah, on dit craindre un «boycottage financier » aux conséquences dramatiques si l’opération était menée à bien, les Etats-Unis

et l’Union européenne – ses principaux bailleurs de fonds – considérant le Hamas comme organisation terroriste. L’impasse financière, perçue par le mouvement islamiste comme un «calcul cynique » de Ramallah en vue de l’affaiblir auprès de la population, alimente sur place le rejet du gouvernement d’union. Mais le scénario d’un retour à Gaza de l’Autorité fait face à des obstacles plus profonds. Dans la pratique, elle ne pourra que se heurter au vaste maillage tissé par le Hamas et renforcé par sept années de pratique exclusive du pouvoir, par l’intermédiaire des organisations caritatives, des mosquées et des réseaux combattants: «Il est hors de question, pour le Hamas, que l’Autorité palestinienne ait un quelconque droit de regard sur ses forces de sécurité, analyse Adnan Abu Amer, politologue proche du mouvement islamiste. La résistance doit rester entre ses mains.» p Hélène Jaffiol



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Mardi 9 septembre 2014

Londres multiplie les concessionspour empêcherle oui écossaisde gagner A dix jours du référendum, un sondage prédit la victoire des indépendantistes Londres Correspondant

L

e choc est si violent que la riposte ne pouvait tarder. D’autant qu’il ne reste que dix jours pour sauver le RoyaumeUni de l’éclatement. Quelques heures après la publication dans le Sunday Times du premier sondage donnant l’avantage au oui à l’indépendance de l’Ecosse par 51 % contre 49 %, le chancelier de l’Echiquier, George Osborne,a promis, dimanche 7septembre, que de nouveaux pouvoirs seraient transférés au gou-

Le chancelier Osborne a promis à Edimbourg davantage de pouvoir en matière d’impôts, de dépenses et de politique sociale vernement et au Parlement écossais si le non l’emportait au référendum du 18 septembre. « Ce pays est face à un très, très grand choix, a articulé le ministre des finances sur la BBC. Il s’agit d’un

vote pour les trois cents ans qui viennent. Il ne s’agit pas de mon avenir ou de celui de David Cameron. » M. Osborne n’a pas détaillé les prérogatives que Westminster abandonnerait au Parlement écossais. Elles doivent être annoncées « dans les jours qui viennent ». Davantage de pouvoir en matière d’impôts, de dépenses et de politique sociale, a-t-il seulement promis. « Ainsi, l’Ecosse aura, selon lui, le meilleur des deux mondes. » En évoquant un avenir radieux, le chancelier entend corriger le principal travers de la campagne unioniste « Better together » : dénoncer les périls économiques, financiers, sécuritaires de l’indépendance, sans expliquer les avantages du maintien dans le Royaume-Uni. Pour l’exécutif britannique,ils’agitde réagiràl’électrochoc qu’a produit le sondage dans une Angleterrejusque-làguèrepassionnée par le référendum écossais. Les élus de tous bords avaient tendance à considérer le vote comme une simple formalité etl’indépendance comme une issue impensable. Mais l’impensable s’affiche désormais partout, et l’atmosphère n’est pas loin de la panique. Vieille de trois cent sept ans,

A Perthshire (centre de l’Ecosse), le 30 août. ANDY BUCHANAN/AFP

l’union de l’Ecosse avec l’Angleterre est menacée et « le Royaume-Uni pourrait être relégué aux livres d’histoire », s’alarme un chroniqueur du Guardian. Balayant les propositions de George Osborne, Alex Salmond, le chef du Scottish National Party (SNP, séparatiste) les a qualifiées de ruse « de dernière minute, en pleine panique ». S’il s’agissait de propositions sérieuses, « il fallait les annoncer avant que les gens votent », a-t-il ajouté, faisant référence au vote par correspondance déjà ouvert depuis le 3 septembre.

La glissade vers le vote indépendantiste apparaît spectaculaire puisque le oui, aujourd’hui en tête, accusait un retard de 22 points voici encore un mois. La tendance se vérifie chez les femmes (47 % de oui contre 33 % voici un mois) et chez les jeunes (60 % contre 39 % chez les moins de 40 ans). Politiquement, elle est redoutable chez les électeurs travaillistes : 35 % d’entre eux choisissent désormais l’indépendance alors qu’ils n’étaient que 18 % début août. Pour le Labour, largement majoritaire en Ecosse, la perspective est

alarmante. Empêtrés dans l’union sacrée avec les conservateurs au sein de « Better together », les travaillistesont donné prise aux arguments d’Alex Salmond sur leur complicité avec la politique d’austérité drastique de M. Cameron. Le leader du SNP a réussi à gommer l’enjeu nationaliste du référendum pour le transformer en un vote contre la domination de Westminster et les menaces sur le système de protection sociale. Les travaillistes doivent passer à l’offensive en Ecosse cette semaine sous la houlette de l’ancien premier

«L’erreur a été de ne pas réfléchir aux arguments contre l’indépendance» Entretien Londres Correspondant

Charlie Jeffery est professeur de sciences politiques à l’université d’Edimbourg.

Au vu du premier sondage donnant la majorité au oui, pensezvous qu’un vote en faveur de l’indépendance, le 18 septembre, soit réellement possible ?

Oui, parce qu’il ne s’agit pas du premier sondage plaçant le oui à proximité des 50 %. Que ce soit 49% ou 51 %, de toute façon, cela se situe dans la marge d’erreur. L’institut YouGov, qui donne aujourd’hui le oui à 51 %, l’évaluait à 40 % jusqu’à ses deux dernières enquêtes. Cela reflète clairement une dynamique vers le oui.

Lorsqu’il a autorisé le référendum, en 2012, le gouvernement Cameron n’envisageait pas l’éventualité d’un oui. Où était l’erreur ?

L’erreur a été de ne pas réfléchir aux arguments contre l’indépen-

dance. La campagne « Better Together » (en faveur du non) s’est focalisée sur les dangers, les difficultés de l’indépendance. Elle a répété aux gens qu’ils allaient perdre leur emploi, que les impôts allaient augmenter, et elle a perdu prise sur l’opinion. Les gens en ont assez d’entendre crier au loup. Personne ne leur a expliqué en quoi ce serait mieux pour eux de rester au sein du Royaume-Uni. En face, les partisans de l’indépendance ont peaufiné leur discours: le véritable risque, ont-ils répété, c’est de rester gouverné par les conservateurs, qui veulent privatiser la NHS (sécurité sociale) et ont créé un nouvel impôt sur le logement (« Bedroom Tax »). Cette dénonciation de l’injustice sociale a prise sur les électeurs travaillistes qui dominent en Ecosse. La promesse de nouveaux transferts de pouvoir (« devolution max ») à Edimbourg peut-elle changer la donne ?

Depuis des mois, les trois partis auraient pu travailler à de telles réformes. Le fait qu’ils les propo-

sent maintenant reflète une surréactivité, si ce n’est une forme de panique. C’est probablement trop peu et trop tard pour les électeurs qui ont choisi le oui. Ils pourraient trouver que ces concessions de dernière minute sont purement tactiques et non crédibles. En outre, si de nouvelles propositions étaient annoncées, elles devraient aller bien au-delà de celles, modérées, faites jusqu’à présent par les travaillistes. Or ces derniers ne peuvent sans doute pas aller plus loin sans se diviser. Quant aux conservateurs, ils sont eux aussi partagés. Certains veulent empêcher les élus écossais de légiférer sur les dossiers concernant l’Angleterre, et la majorité des Anglais leur donne raison. Promettre cette « devo max », n’est-ce pas justifier les revendications des indépendantistes ?

A force de transférer des pouvoirs, on arriverait à une situation proche de l’indépendance light que réclame le Scottish National Party (SNP, séparatiste). Un transfert massif de pouvoir après un

non à l’indépendance ne ferait que renforcer l’attrait du SNP et son pouvoir. Si ces promesses n’étaient pas tenues, les électeurs écossais exprimeraient leur mécontentement et on parviendrait au même résultat.

David Cameron devrait-il démissionner en cas de vote en faveur de l’indépendance ?

Il subirait alors certainement d’intenses pressions dans ce sens. Mais je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure chose à faire en raison des incertitudes que ce vote susciterait. Il faudrait gérer à la fois la sensibilité des marchés et les turbulences au sein du Parti conservateur en quête d’un nouveau leader. Ce climat d’instabilité ne permettrait pas d’aborder en bonne position la négociation avec les Ecossais sur l’indépendance, ce qui serait mal perçu par les marchés.

Si le non l’emporte, le dossier écossais sera loin d’être refermé. Pour quelles raisons ?

D’abord, à cause des pressions en faveur d’une « devolution max», qui pourraient se renforcer

après les élections de 2016 au Parlement écossais, si le SNP y conserve ou y accroît sa majorité. Ensuite, en raison du calendrier politique des années à venir, qui fournit au Parti nationaliste écossais de considérables moyens de pression. D’abord lors des élections législatives de 2015 où le SNP pourrait se trouver en position de faiseur de roi. Ensuite, lors du référendum sur la sortie de l’Union européenne promis par M.Cameron pour 2017. L’opinion écossaise est majoritairement hostile à cette sortie. Que se passerait-il si le Royaume-Uni décidait de quitter l’UE contre l’avis des Ecossais? M. Salmond pourrait-il réclamer alors un nouveau référendum ?

Absolument. Soit un référendum sur le maintien de l’Ecosse dans l’UE, voire à nouveau sur l’indépendance elle-même. M. Salmond a dit que l’indépendance serait «l’affaire d’une génération ». Mais combien dure une génération ? En l’occurrence, sans doute pas plus que deux ou trois ans ! p

Propos recueillis par Ph. B.

ministre Gordon Brown, d’origine écossaise. Le sondage de dimanche est une « sonnette d’alarme » pour ceux qui pensaient que le résultat du référendum était acquis, a déclaré Alistair Darling, le travailliste qui dirige la campagne du non. « Le temps est venu de parler plus fort, de parler franchement. Nous aimons mener cette bataille. » Le coup de semonce secoue aussi les conservateurs : certains réclament déjà la démission du premier ministre en cas de victoire du oui. Boris Johnson, le maire de Londres, est en embuscade pour prendre la tête du parti. Le « plan » de nouveaux transfertsdepouvoir(devolution)en gestation pourrait transformer le Royaume-Uni en un Etat fédéral après ouverture d’une « Conférence sur l’Ecosse » à laquelle serait convié le SNP. L’Ecosse, mais aussi le Pays de Galles, l’Irlande du Nord et les grandes agglomérations seraient dotés d’une large autonomie en matière budgétaire. La Chambre des lords serait transformée en une assemblée des régions, selon des hypothèses publiéesdimanche dans The Observer. Mais une pareille révolution est loin d’être acquise. Les projets de dévolution publiés en juin par les trois grands partis étaient nettement plus modestes, en particulier ceux du Labour. D’ailleurs, même si les promesses annoncées s’avéraient audacieuses, seraient-elles de nature à briser l’élan du oui ? Les partisans de l’union parient sur un scénario à la québécoise. Lors du référendum de 1995 dans la province francophone, une mobilisation de dernière minute avait fait mentir les sondages qui donnaient gagnants les partisans de l’indépendance. p Philippe Bernard

Les subtils équilibres de l’extrême droite suédoise

Les Démocrates de Suède essaient de polir leur image et sont crédités d’environ 10% des intentions de vote pour les législatives du 14septembre Stockholm Correspondance

Q

uatre ans après son entrée au Parlement suédois, le parti d’extrême droite Les démocrates de Suède (SD) poursuit sa régulière ascension.Depuis sacréation en 1988 (0,02 % des suffrages) dans les limbes de mouvements néonazis, il a d’élection en élection doublé son score à chaque nouvelle échéance, s’attachant à se séparer de ses militants les plus dérangeants et voyants. Et il est en passe de faire de même lors des élections législatives du 14 septembre, avec des intentions de vote se situant entre 9% et 12 %, contre5,7 % lors du scrutin de 2010.

Depuisquatre ans, Les Démocrates de Suède ont essayé de polir leur image. En 2012, SD a lancé son concept de tolérance zéro contre le racisme au sein du parti, excluant plusieurs dizaines de membres. Ils ont refusé de s’allier avec le Front nationalde Marine Le Pen au Parlement européen. L’émergence d’un groupuscule nazi, le Parti des Suédois, qui présenteune liste aux législatives, permet même à Jimmie Akesson, le président de SD, de condamner les racistes et les nazis devant les caméras. Vendredi 5 septembre, une candidate de SD aux élections municipales, qui ont également lieu le 14 septembre, a dû se retirer après avoir été photographiée avec un brassard nazi.

Les autres partis ne sont pas dupes et tous se sont solennellement engagés à ne jamais collaborer avec SD au cours des quatre ans à venir, une position que le premier ministre conservateur, Fredrik Reinfeldt – distancé par les sociaux-démocrates dans les sondages –, a tenu avec beaucoup de fermeté. Jimmie Akesson ne manque jamais de critiquer la droite : « Le gouvernement avait promis de lutter contre le chômage et contre l’exclusion, et huit ans plus tard, chômage et exclusion sont plus élevés. » Côté rhétorique, SD se déclare toujours en faveur de la hausse des retraites, de la baisse des impôts pour les retraités, d’investissements dans l’accueil des per-

sonnes âgées. Il promet plus d’argent au Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés afin de prendre soin des déplacés loin de la Suède. Tout cela serait financé en partie par des hausses d’impôts mais essentiellement par une baisse radicale de l’immigration.

Problèmes internes Pendant quatre ans, avec ses vingt députés, SD était en position d’arbitre au Parlement face à un gouvernementdedroiteminoritaire. « SD aurait pu en profiter pour mettre le gouvernement en difficulté, mais a voulu apparaître comme responsable, ne pas tomber dans l’obstruction systématique afin de nepas êtremontré dudoigt », explique Daniel Poohl, directeur d’Expo,

le magazine spécialiste de l’extrême droite créé par Stieg Larsson, l’auteur de Millenium. Le groupe de réflexion Tiden a publié au printemps une étude consacrée au vote de SD au Parlementen 2012 et 2013. Le parti a voté dans neuf cas sur dix avec le gouvernement. Quatre années au cours desquelles SD a peaufiné son image et son programme, affinant un profil nationaliste et socialconservateur.Auparavant,SDchassait sur les terres des sociauxdémocrates et SD insistait sur la défense du modèle suédois. Désormais, il se satisfait pleinement de la politique fiscale de la droite qui a remis en cause ce modèle. Ce positionnement entraîne des problèmes internes. Un quart

des sièges de conseillers municipaux ne sont plus occupés depuis les élections de 2010, souvent parce que l’élu a quitté Les Démocrates de Suède. Plusieurs petits partis locaux se sont créés après que des élus municipaux se sont lassés du dirigisme de SD ou que SD ailletrop dans le sens du gouvernement. C’est l’un des paradoxes apparents de la société suédoise : d’un côté des néonazis, très peu nombreux, qui se font davantage remarquer, et un parti d’extrême droite qui continue sa progression et, de l’autre, une population suédoise qui, dans les sondages, affiche de plus en plus de tolérance vis-à-vis des étrangers. p Olivier Truc



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international

Le Venezuela prie «Notre Chavez qui es aux cieux»

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es fidèles vénézuéliens sont prévenus. Réciter le Notre Père socialiste relève du péché d’idolâtrie. Que Maria Estrella Uribe se le tienne pour dit. « Notre Chavez qui es aux cieux, sur terre, en mer et en nous, les délégués et déléguées [du Parti], que ton nom soit sanctifié, que vienne à nous ton héritage pour l’apporter aux peuples d’ici et d’ailleurs », a lu cette militante chaviste à la tribune du Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV), qui tenait réunion le 1er septembre à Caracas. « Ne nous laisse pas tomber dans la tentation du capitalisme, a-t-elle poursuivi. Délivre-nous du mal et de l’oligarchie, comme du délit de contrebande, parce que cette patrie, la paix et la vie nous appartiennent. Pour les siècles des siècles. Amen. » La salle a applaudi, les réseaux sociaux font des gorges chaudes. Dix-huit mois après sa disparition, l’ancien président Hugo Chavez (1999-2013) continue d’accaparer les cœurs et la scène politique.

« Liberté de création » La hiérarchie catholique a fait part de son indignation. L’archevêque de Mérida, Baltazar Porras, a ainsi qualifié de « moralement inacceptable » l’utilisation du Notre Père. Les évêques de Caracas ont, de leur côté, publiquement demandé au gouvernement et au PSUV « de ne pas diffuser cette supposée prière, afin d’éviter un nouveau motif de division du peuple vénézuélien ». « J’exige respect pour la liberté de création au Venezuela, messieurs de l’Inquisition », a rétorqué le président Nicolas Maduro, avant de lire, en direct à la télévision, le Notre Chavez. Et de conclure : « Les Inquisiteurs restent silencieux face aux pêchés du monde, mais critiquent les démonstrations d’amour sincères du peuple. »

Confrontés à une crise économique sans précédent, les héritiers d’Hugo Chavez ne cessent d’invoquer la mémoire de leur « Commandant éternel ». En mars 2013, alors qu’il était candidat à la présidence de la République, Nicolas Maduro affirmait que l’esprit de Chavez lui était apparu sous forme de petit oiseau. L’effigie de son mentor est partout, sur les murs des bidonvilles et les façades des ministères, sur les écrans de télévision, sur les tee-shirts rouges des militants et sur la peau tatouée des plus fanatiques. Le culte voué à Chavez n’est pas nouveau. De son vivant, déjà, le leader suprême suscitait dans les classes défavorisées une adhésion émotionnelle de type quasi religieux. Dieu et la politique font bon ménage en Amérique latine. Chavez le savait qui, tout au long de sa carrière politique, a entretenu avec la foi des relations complexes. Sur l’autel de sa « révolution bolivarienne », Jésus-Christ « premier socialiste et anticapitaliste de l’Histoire », trônait, aux côtés de Marx, Simon Bolivar et Fidel Castro. « Dès le début, ce gouvernement s’est approprié le religieux et l’a manipulé, invoquant Dieu et citant des passages de la Bible pour corroborer qu’il n’y a rien de plus grand que le socialisme du XXIe siècle », note Mgr Porras. Il se garde d’attaquer de front le président Chavez. « L’Eglise n’a pas le moindre sens de l’humour », s’amuse Vicente, militant chaviste et laïc radical. Mais, en aparté, il s’inquiète de l’évolution du pouvoir : « Hugo Chavez a été un leader hors du commun. Mais ce n’est pas lui qui, aujourd’hui, va nous sortir de la crise. Nous n’avons pas besoin d’un Dieu, mais d’un décideur à la tête du pays. » p Marie Delcas (Bogota, correspondante)

Pierre Moscovici: la France «appliquera» les règles budgétaires européennes

Pierre Moscovici, pressenti pour devenir commissaire aux affaires économiques et monétaires à Bruxelles, a assuré dimanche 7septembre, dans l’émission Internationales, en partenariat entre TV5 Monde, RFI et Le Monde, que la France « appliquera les règles» européennes de réduction des déficits. Pour l’ancien ministre des finances de François Hollande, il ne peut y avoir « à l’égard de la France ni complaisance, ni non plus ignorance de la situation réelle de cette économie ». La France ne devrait pas tenir son engagement de ramener son déficit sous le seuil de 3 % en 2015. «Il y a des règles (…) il faut les appliquer », mais « ces règles ne sont pas (…) absurdes, trop rigides, il y a des flexibilités », a nuancé M.Moscovici. « Les traités ne disent pas 3 % de déficit, ils disent 3 % de déficit comme objectif, ils regardent le chemin pour y arriver ». p

Somalie Les Chabab désignent un nouveau chef, la Somalie craint des représailles

MOGADISCIO. Les islamistes Chabab somaliens ont désigné, samedi 6 septembre, un nouveau dirigeant, Ahmed Umar Abou Oubaïda, après la mort de leur chef suprême, tué lundi 1er septembre par des missiles américains. La nomination du nouveau leader des insurgés a été annoncée par le centre de surveillance des sites islamistes (SITE). Le gouvernement somalien, tenu à bout de bras par la communauté internationale dans le pays déchiré par la guerre civile depuis plus de vingt ans, redoute de sanglantes représailles. – (AFP.)

Turquie Le pape invité à Istanbul et Ankara

ROME. Le pape François a été invité par le patriarche orthodoxe Bartholomée en Turquie, et un voyage fin novembre à Ankara et Istanbul est envisagé, selon des sources au Vatican. Le pape a exprimé il y a quelques mois son désir d’aller le 30 novembre à Istanbul pour la fête de saint André, l’un des 12 apôtres et fondateur, selon la tradition chrétienne, de l’Eglise d’Orient. – (AFP.)

Nicaragua Chute d’une probable météorite près de Managua

MANAGUA. Une explosion s’est produite, samedi 6 septembre, vers 23 heures à la périphérie de Managua, capitale du Nicaragua, près de l’aéroport, formant un cratère de 12 mètres de diamètre. Cette mystérieuse secousse, qui n’a pas fait de blessés, a certainement été causée par une météorite. « Toutes les preuves que nous avons corroborées sur place correspondent exactement à une météorite », a déclaré José Millan, de l’Institut nicaraguayen des études terrestres. Le Nicaragua va demander l’aide des Etats-Unis pour étudier l’événement. – (Reuters.)

Mardi 9 septembre 2014

La défiance croissante des habitants de l’Est ukrainien envers l’armée de Kiev Les populations russophones accusent les militaires de pratiquer la politique de la terre brûlée Reportage Louhansk (Ukraine) Envoyé spécial

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uand Olga est rentrée de l’école, vendredi 5 septembre, la fillette a froncé les sourcils et demandé à sa mère : « Maman, pourquoi est-ce qu’on nous donne encore des leçons d’ukrainien ? » A 11 ans, elle fait partie des rares écoliers deLouhansk à avoir repris l’école, le 1er septembre. Dans cette ville qui compte en temps de paix 500 000 habitants, seules cinq écoles – celles disposant de solides abris – ont ouvert leurs portes. Louhansk est une ville morte, épuisée par deux mois de bombardements. Les magasins sont fermés, les rues désertes. Ici, on ne trouve ni eau, ni essence, ni réseau téléphonique. L’électricité fonctionne par tranches de quelques dizaines de minutes. Chaque jour à la sortie des cours, Olga fait à pied le trajet qui la conduit à sa nouvelle maison, le petit espace qu’elle occupe avec sa mèredans l’abri souterrainde l’usine de locomotives de la ville. Depuisun moisetdemi, 80personnesvivent là,à cinqmètres sousterre, dormant sur des fauteuils ou des matelas de fortune, s’éclairant à la bougie, sursautant au bruit des bombes qui s’abattent alentour. Cent trente sont tombées sur le terrain de l’immense usine, selon les comptes scrupuleux de Svetlana, la responsable de l’abri. Dimanche 7septembre, quarante-huit heures après la conclusion d’un cessez-le-feu entre Kiev et les séparatistes de l’Est ukrainien, cinq de ses occupants ont quitté l’abri. Les autres ont essayé de les dissuader : « Comment peut-on faire confiance aux Ukrainiens ? Ils vont profiterducessez-le-feupourse réorganiser et tout va reprendre !» Partout dans le Donbass, la même défiance, la même rancœur, se font entendre contre l’armée ukrainienne et son commandant en chef, le président Petro Porochenko. Les bombardements

Des habitants de Louhansk rassemblés autour d’un véhicule de l’armée ukrainienne détruit lors des combats, le 2 septembre. MARIA TURCHENKOVA POUR « LE MONDE »

de zones habitées ont poussé dans les bras des séparatistes de nombreux habitants de la région et fait basculer une partie de ceux qui se disaient « neutres ». Le nombre des tués est encore imprécis – plus de 2 600 selon l’ONU, mais ce chiffre est probablement sous-estimé et mêle pertes civiles et militaires ukrainiennes –, mais les habitants de l’Est ont encore en tête la promesse faite par le président ukrainien, début juillet, de ne pas bombarder les agglomérations.

« Génocide » Quelques kilomètres au sud de Louhansk, la petite ville de Loutougino, reprise par les séparatistes à l’armée au début du mois, a subi le feu des deux camps. Ses derniers défenseurs ukrainiens se sont retranchés dans l’usine de machines-outils, principal employeur et fierté de la ville depuis cent dixsept ans. L’usine est une ruine, un amas de métal calciné. « On leur en a mis plein la gueule », se vante le commandant des séparatistes locaux, un Russe du Kazakhstan qui se fait appeler « Che Guevara ».

Pourtant, ouvriers et habitants ne semblent retenir de ces bombardements successifs que ceux venus de la partie ukrainienne. C’est le signe le plus flagrant que le divorce entre Kiev et une grande partiedes habitants du Donbassest consommé – en tout cas dans les zones touchées par les bombardements. L’armée ukrainienne n’y est vue que comme une armée d’occupation, et quand bien même elle compte de nombreux soldats des régions russophones, on l’accuse de perpétrer un « génocide ». Puisqu’ils sont les « défenseurs » des populations de l’Est, les rebelles et leurs soutiens russes auraient, eux, le droit de bombarder ; ou celui de tirer depuis des quartiers d’habitation, provoquant une réplique inéluctable. Ceux qui pensent différemment se taisent ou ont été contraints à l’exil. Un sentiment plus profond encore s’exprime. Celui que Kiev cherche délibérément à détruire le tissu économique et industriel qui fait la fierté du Donbass. Des mines et des usines ont été touchées ; les infrastructures – routes,

Les deux camps s’accusent de violer le cessez-le-feu L’accord de cessez-le-feu conclu à Minsk vendredi 5 septembre a été violé à plusieurs reprises en différents points du Donbass, samedi et dimanche. Les deux camps se sont renvoyé la responsabilité, mais dans le nord de Donetsk et à Marioupol, les observations des journalistes et les témoignages des habitants semblent indiquer que la trêve a été rompue par les séparatistes. Aucune des deux parties n’a officiellement annoncé la fin de ce cessez-le-feu.

aéroports, chemins de fer – ont souffert. «C’est une punition collective, assure un ouvrier de Loutougino, qui regarde des larmes dans les yeux son usine détruite. Ils savent qu’ils vont perdre cette région, alors ils veulent nous tuer et nous étouffer le plus possible avant d’être obligés de partir. » p Benoît Vitkine

Brésil: le scandale Petrobras secoue la présidentielle

Le géant pétrolier aurait versé des pots-de-vin à des membres de la coalition de Dilma Rousseff Rio de Janeiro Correspondant

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ale temps pour Dilma Rousseff. Depuis des semaines, les mauvaises nouvelles tombent en rafales pour la présidente du Brésil, candidate à sa propre réélection au scrutin des 5 et 26 octobre. Après les sondages la donnant perdante au second tour contre l’ancienne ministre de l’environnement Marina Silva, candidate du Parti socialiste brésilien (PSB) à la suite de la mort accidentelle de son leader Eduardo Campos, et l’annonce que le pays était entré en récession, voilà le Brésil plongé dans un scandale de corruption dont on mesure encore à peine les conséquences pour le gouvernement et ses alliés. La tempête a été déclenchée par Paulo Roberto Costa, ex-haut dirigeant de l’entreprise pétrolière publique Petrobras, empêtré depuis des mois dans une sombre histoire d’achat surfacturé d’une raffinerie aux Etats-Unis et de malversations. L’homme était responsable, entre 2004 et 2012, du raffinage et de l’approvisionnement, un poste-clé dans l’entreprise. « Paulinho », comme on l’appelait, avaitété nommé par l’ancien président Luiz Inacio Lula da Silva, prédécesseur de Dilma Rousseff. Détenu et inculpé depuis juin dans le cadre d’une accusation de

blanchiment d’argent pour laquelle il encourt trente ans de prison, M. Costa s’est livré à des confessions explosives dans l’espoir de bénéficier d’une réduction de peine. Les premières fuites sont apparues samedi 6 septembre dans la presse. Mais le premier récit précis avec une liste des noms de personnalités accusées d’avoir bénéficié d’un système de versement de commissionsa étépublié par l’hebdomadaire d’opposition Veja, daté du 10 septembre. M. Costa a livré une quarantaine d’élus issus de la coalition de centre gauche au pouvoir. Il a fourni aux enquêteurs le nom de trois gouverneurs, six sénateurs, un ministre et plus de 25 députés auxquels Petrobras aurait versé des pots-de-vin lors de l’attribution de marchés surfacturés à des prestataires de services. Il aurait expliqué aux policiers que ces élus percevaient des commissions de 3 % sur la valeur de contrats signés par Petrobras avec des prestataires. Certaines entreprises désirant conclure des marchés avec le pétrolier étaient invitées à rétrocéder une partie des paiements à une organisation de blanchiment d’argent quilesrépartissait entre les élus et les partis. L’hebdomadaire cite Renan Calheiros, président du Sénat, et Henrique Alves, président de la Chambre des députés, membres du Parti

dumouvement démocratique brésilien (PMDB, centre), principal allié du Parti des travailleurs (PT, gauche) de Dilma Rousseff. Le magazine ajoute le ministre de l’énergie, Edison Lobao (PMDB), les sénateurs Romero Juca (PMDB),et CiroNogueira (Parti progressiste, droite), le trésorier du PT Joao Vaccari Neto, l’ex-gouverneur de l’Etat de Rio, Sergio Cabral (PMDB), ou encore le défunt Eduardo Campos, ancien membre de la coalition gouvernementale.

L’affaire de corruption rappelle celle du « mensalao », qui avait failli coûter sa réélection à Lula da Silva, en 2006 Marina Silva a d’abord réagi avec prudenceen défendant ce dernier,avant de lâcher devant la presse que « Petrobras a été détruite par la corruption et à des fins politiques». Le candidat social-démocrateAecio Neves (opposition),troisième dans les sondages, a critiqué « l’instrumentalisation des moyens de l’Etat [par le parti], une des caractéristiques les plus néfastes du gouvernement ». Il a ajouté que l’on ne pouvait pas dire que « Dilma ne savait pas ».

De fait, ces révélations tombent auplusmalpour laprésidente.L’organisation mise en place par Renan Calheiros rappelle le scandale de corruption dit du « mensalao » (« grosse mensualité »), qui avait failli coûter sa réélection à Lula en 2006. Mme Rousseff a exigé des «sanctions fortes contre les coupables dans le cas où ces accusations s’avéreraient exactes ». Elle a affirmé que les propos de l’ex-directeur ne «jetaient aucune suspicion sur le gouvernement, aucun de ses membres n’ayant été accusé ». « Même s’il est difficile de déterminer l’ampleur de l’impact de telles révélations, cette affaire fragilise encore davantage Dilma et les personnes-clés de sa coalition, note Sylvio Costa, directeur du site Internet Congresso em Foco. Elle a étéministre de l’énergie etprésidente du conseil d’administration du géant pétrolier dans le passé. Avant même cette nouvelle affaire, le cas Petrobras avait déjà sérieusement ébranlé son prestige dans ses trois attributs essentiels : sa capacité de gestion, de direction et de lutte contre la corruption. » Peu avant d’accepter de se livrer, l’ancien directeur de Petrobras avait prévenu : « Si je parle, il n’y aura pas d’élections. » Le scrutin aura bien lieu, mais la campagne s’annonce encore plus âpre et indécise qu’elle ne l’a jamais été. p Nicolas Bourcier


Lettre ouverte

PUBLICITé

Monsieur le Président, Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Président de l’Assemblée, Monsieur le Président du Sénat, Mesdames et Messieurs les Ministres, les Députés, les Sénateurs, J’ai une demande officielle à vous faire, donc pour vous permettre d’y rƒpondre en vos âmes et consciences, je vais vous faire un petit exposƒ explicatif de la situation. Depuis 1973, il y a 41 ans, j’ai abandonnƒ le cinƒma pour me mettre totalement au service de la protection et de la dƒfense des animaux, tant en France que dans le monde entier. Cette sƒrieuse dƒcision fut prise après avoir ƒtƒ maintes fois tƒmoin des abominations cruelles et laissƒes sans sanctions de la barbarie que l’homme infligeait aux animaux. En 1986, je crƒai seule ma Fondation. Pour obtenir les fonds nƒcessaires et indispensables, je vendis aux enchères tous mes biens les plus prƒcieux ne gardant que l’essentiel. Puis je fis don de ma cƒlèbre « Madrague » pour obtenir la reconnaissance d’utilitƒ publique que le Conseil d’Etat accorda à ma Fondation par dƒcret du 21 fƒvrier 1992. Entre temps, avec Franz Weber, j’ƒtais partie me battre en 1977 au Canada contre le massacre scandaleux des bƒbƒs phoques. Ce qui permit au monde entier de dƒcouvrir cette sanglante boucherie sur d’innocentes petites boules blanches ne pouvant se mouvoir que difficilement. Après l’interdiction, en 1983, du commerce des peaux de blanchons, ce n’est qu’en 2009 que Stavros Dimas, alors Commissaire Europƒen, a obtenu l’embargo total de toute importation de produits dƒrivƒs de phoques et autres pinnipèdes. A peu près aux mêmes dates, il y a 30 ans, je dƒcouvrais les scandales qui font l’objet de ma supplique pour lesquels je me suis battue, que j’ai dƒnoncƒs haut et fort mais qui, malgrƒ les nombreuses promesses, sont toujours restƒs au point mort. Voici donc les deux demandes évidentes et indissociables que le gouvernement se doit de m’accorder après 30 ans d’attente, pour mes 80 ans et en hommage aux 40 annƒes de combat menƒes courageusement, en ne gagnant que de petits combats et non de grandes victoires. L’abolition immédiate de l’hippophagie en France. Le cheval ayant été pendant de longues années, précédant l’arrivée du moteur, le compagnon indispensable à la survie humaine et aussi faisant gagner des milliards lors des courses hippiques. Une proposition de loi visant à faire passer le cheval d’animal de rente à animal de compagnie, lui évitant ainsi l’abattoir a été déposée fin juin 2013 à l’assemblée sur la demande de ma Fondation, par Nicolas Dupont-Aignan. Je demande que cette proposition, restée lettre morte, soit prise en compte et débattue dans les plus brefs délais et qu’elle m’apporte enfin la satisfaction demandée.

La remise en application immédiate de la loi française et européenne exigeant l’étourdissement des animaux d’abattoir avant la saignée pour tous les animaux sans aucune dérogation pour les sacrifices rituels halal et casher qui contraignent et soumettent les animaux égorgés en toute conscience à des agonies lentes et extrêmement douloureuses, inadmissibles dans un pays « laïc » qui permet par des moyens modernes de les rendre inconscients mais toujours vivants à l’instant du couteau. Ce qui leur évite non seulement une atroce et longue souffrance mais aussi un stress dû à l’effroi qui peut être préjudiciable pour la consommation. Déjà la Norvège, la Suède, l’Islande, la Suisse, la Grèce, le Luxembourg, l’Autriche, la Pologne et, cette année, le Danemark ont totalement aboli les dérogations halal et casher. Il est urgent que la France suive ces exemples nombreux.

Voilà les deux ƒvolutions indispensables à notre ƒpoque que je demande aux gouvernements successifs depuis 30 ans. Il serait juste de me les accorder après tant d‘annƒes de suppliques et d’attente. Si je ne les obtiens pas, j’en conclurai que j’ai ratƒ ma vie. Avec mon immense reconnaissance… anticipƒe !

Fondation Brigitte Bardot 28, rue Vineuse - 75116 Paris 01 45 05 14 60

www.fondationbrigittebardot.fr fbb@fondationbrigittebardot.fr Reconnue d’utilité publique


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international & planète

Mardi 9 septembre 2014

Réchauffement,canicules, sécheresses, leclimat enFrance va continuer à changer Un rapport d’experts, remis à Ségolène Royal, dresse les scénarios climatiques d’ici à 2100

La mesure, qui s’imposera du 19 au 21 septembre, devrait mobiliser 7000 patrouilles

Deux estimations de hausse de température pour 2020-2100

ÉCARTS DE TEMPÉRATURE ESTIVALE EN FRANCE PAR RAPPORT À LA RÉFÉRENCE 1976-2005 SANS RÉDUCTION D’ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE, EN DEGRÉS CELSIUS (°C) Pour 2021-2050

Pour 2071-2100 +5 + 4,5

Modèle 1 (le modèle WRF)

+4 + 3,5 +3 + 2,5 +2 + 1,5

Modèle 2 (le modèle AladinClimat)

+1 + 0,5 +0

déjà déterminée, la fin du siècle dépendra fortement de la mise en œuvre – ou non – de politiques de réductiondesémissions. Sicelles-ci demeurent, auniveau mondial, sur leur trajectoire actuelle, la France connaîtra sur la période 2071-2100 des étés plus chauds de 2,6 ˚C à

Le rapport suggère une tendance vers des sécheresses jamais connues auparavant 5,3 ˚C que la normale actuelle, des excès de plus de 5 ˚C n’étant pas à exclure pour le Sud-Est. Par comparaison, l’été caniculaire de 2003 avait connu un écart à la normale d’environ 4 ˚C. Au contraire, dans le cas d’un scénario où les émissions atteignent leur pic avant le milieu

SOURCE : MINISTÈRE DE L’ÉCOLOGIE, DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’ÉNERGIE

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lus chaud et plus extrême : le climat de la France change, et continuera à changer dans le siècle en cours. Un rapport d’experts rendu public, samedi 6 septembre à Saint-Gervais (HauteSavoie) par la ministre de l’écologie, Ségolène Royal, dresse le portrait climatique de la France du XXIe siècle, en fonction de l’évolution des émissions de gaz à effet de serre. Les lignes générales en sont connues, mais les simulations conduites par les chercheurs de Météo France et de l’Institut PierreSimon Laplace (IPSL) permettent de prendre la mesure des bouleversements à venir et d’évaluer les effets attendus de politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour la période 2021-2050, quelles que soient les politiques mises en œuvre, « les températures moyennes devraient augmenter de 0,6˚C à 1,3˚C, toutes saisons confondues, par rapport à la moyennerelevée sur la période 1976-2005 », écrivent les scientifiques. Cette moyenne masque cependantdes disparités régionalesetsaisonnières. La hausse attendue sera ainsi plus importante en été dans le sud-est de la France métropolitaine, où elle pourrait être comprise entre 1,5˚C et 2 ˚C. Une légère augmentation des précipitations moyennes est aussi attendue, été comme hiver, mais les auteurs mettent en garde contre « une forte incertitude sur la distribution géographique de ce changement ». Les résultats ne suggèrent pas de changements majeursdanslafréquencedesépisodes de précipitations extrêmes avant le milieu du siècle. Mais les chercheurs précisent que les deux modèles numériques utilisés sont, surce point,suspectésd’optimisme par rapport à d’autres. Si une bonne part de l’avenir climatique proche de la France est

Virus Ebola: MSFconteste le confinement dela population en Sierra Leone

du siècle et diminuent ensuite continûment, la hausse des températures estivales demeurerait inférieure à 2 ˚C en moyenne, sur le territoire métropolitain. « On voit qu’en fonction des scénarios, nous passonsd’unesituationoùl’adaptation est relativement facile à une autre, ou elle est très, très difficile », note le climatologue Jean Jouzel, qui a coordonné le rapport. Cette augmentation des épisodesdesécheresse, danslestroisdernières décennies du siècle en cours, toucheraitselonlerapport«unelargepartiesudduterritoire,maispouvant s’étendre à l’ensemble du pays ». « Danslecasd’unscénariode fortes émissions, c’est-à-dire celui que nous suivons actuellement, nos résultats suggèrent que nous allons vers des sécheresses que nous n’avons jamais connues auparavant, précise M. Jouzel. C’est

d’autant plus sérieux que certaines régions du sud de la France connaissent déjà des problèmes d’accès à l’eau. » Derrière ce stress hydrique se cachent des enjeux cruciaux d’aménagement du territoire, liés à l’agriculture,àl’élevage,àlaproduction d’énergie ou encore au tourisme. Cette recrudescence des périodes sèches ne signifie cependant pas qu’il y aura moins de précipitations sur le territoire métropolitain. Les chercheurs estiment ainsi qu’une «large part» de l’Hexagone devrait connaître « un renforcement du taux de précipitations extrêmes». Quatrième volume d’une série derapportscommandés en2010, le texteprésentéparMme Royalnourriralesplansd’adaptationau changement climatique de l’Etat, des collectivités ou des entreprises. p Stéphane Foucart

- CESSATIONS DE GARANTIE LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET D’APPLICATION N° 72-678 DU 20 JUILLET 1972 - ARTICLES 44 QBE FRANCE, sis Etoile Saint-Honoré – 21 Rue Balzac – 75406 Paris Cedex 08 (RCS Paris 414 108 708), succursale de QBE Insurance (Europe) Limited, Plantation Place dont le siège social est à 30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD, fait savoir que la garantie financière dont bénéficiait : A-CJL IMMO SARL 27 Avenue Rapp - 75007 PARIS SIREN : 437 809 379 depuis le 1er juillet 2004 pour ses activités de : TRANSACTIONS SUR IMMEUBLE ET FONDS DE COMMERCE cessera de porter effet trois jours francs après publication du présent avis. Les créances éventuelles se rapportant à ces opérations devront être produites dans les trois mois de cette insertion à l’adresse de l’Etablissement garant sis Etoile Saint-Honoré – 21 Rue Balzac – 75406 Paris Cedex 08. Il est précisé qu’il s’agit de créances éventuelles et que le présent avis ne préjuge en rien du paiement ou du non-paiement des sommes dues et ne peut en aucune façon mettre en cause la solvabilité ou l’honorabilité de la SARL A-CJL IMMO.

LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET D’APPLICATION N° 72-678 DU 20 JUILLET 1972 - ARTICLES 44 QBE FRANCE, sis Etoile Saint-Honoré – 21 Rue Balzac – 75406 Paris Cedex 08 (RCS Paris 414 108 708), succursale de QBE Insurance (Europe) Limited, Plantation Place dont le siège social est à 30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD, fait savoir que la garantie financière dont bénéficiait : ARCHANGE 64 SARL 103 Route de la Corniche - 64122 URRUGNE - SIREN : 483 593 182 depuis le 10/08/2005 pour ses activités de : TRANSACTIONS SUR IMMEUBLE ET FONDS DE COMMERCE cessera de porter effet trois jours francs après publication du présent avis. Les créances éventuelles se rapportant à ces opérations devront être produites dans les trois mois de cette insertion à l’adresse de l’Etablissement garant sis Etoile Saint-Honoré – 21 Rue Balzac – 75406 Paris Cedex 08. Il est précisé qu’il s’agit de créances éventuelles et que le présent avis ne préjuge en rien du paiement ou du non-paiement des sommes dues et ne peut en aucune façon mettre en cause la solvabilité ou l’honorabilité de la SARL ARCHANGE 64.

LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET D’APPLICATION N° 72-678 DU 20 JUILLET 1972 - ARTICLES 44 QBE FRANCE, sis Etoile Saint-Honoré – 21 Rue Balzac – 75406 Paris Cedex 08 (RCS Paris 414 108 708), succursale de QBE Insurance (Europe) Limited, Plantation Place dont le siège social est à 30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD, fait savoir que la garantie financière dont bénéficiait : ARGURA CONSEIL INTERNATIONAL IMMOBILIER (ACI IMMOBILIER) SAS 20 avenue de l’Opéra - 75001 PARIS SIREN : 453 166 530 depuis le 11 février 2005 pour ses activités de : TRANSACTIONS SUR IMMEUBLE ET FONDS DE COMMERCE cessera de porter effet trois jours francs après publication du présent avis. Les créances éventuelles se rapportant à ces opérations devront être produites dans les trois mois de cette insertion à l’adresse de l’Etablissement garant sis Etoile SaintHonoré – 21 Rue Balzac – 75406 Paris Cedex 08. Il est précisé qu’il s’agit de créances éventuelles et que le présent avis ne préjuge en rien du paiement ou du non-paiement des sommes dues et ne peut en aucune façon mettre en cause la solvabilité ou l’honorabilité de la SAS ARGURA CONSEIL INTERNATIONAL IMMOBILIER (ACI IMMOBILIER).

LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET D’APPLICATION N° 72-678 DU 20 JUILLET 1972 - ARTICLES 44 QBE FRANCE, sis Etoile Saint-Honoré – 21 Rue Balzac – 75406 Paris Cedex 08 (RCS Paris 414 108 708), succursale de QBE Insurance (Europe) Limited, Plantation Place dont le siège social est à 30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD, fait savoir que la garantie financière dont bénéficiait : C.D. IMMO SARL 31 Rue Saint Thomas d’Aquin 31400 TOULOUSE - SIREN : 453 925 026 depuis le 1er juillet 2004 pour ses activités de : TRANSACTIONS SUR IMMEUBLE ET FONDS DE COMMERCE cessera de porter effet trois jours francs après publication du présent avis. Les créances éventuelles se rapportant à ces opérations devront être produites dans les trois mois de cette insertion à l’adresse de l’Etablissement garant sis Etoile Saint-Honoré – 21 Rue Balzac – 75406 Paris Cedex 08. Il est précisé qu’il s’agit de créances éventuelles et que le présent avis ne préjuge en rien du paiement ou du non-paiement des sommes dues et ne peut en aucune façon mettre en cause la solvabilité ou l’honorabilité de la SARL C.D. IMMO.

LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET D’APPLICATION N° 72-678 DU 20 JUILLET 1972 - ARTICLES 44 QBE FRANCE, sis Etoile Saint-Honoré – 21 Rue Balzac – 75406 Paris Cedex 08 (RCS Paris 414 108 708), succursale de QBE Insurance (Europe) Limited, Plantation Place dont le siège social est à 30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD, fait savoir que la garantie financière dont bénéficiait : HAUTS DE SEINE IMMOBILIER SARL 6 Rue du Bois de Boulogne - 92210 SAINT CLOUD - SIREN : 477 878 631 depuis le 05 septembre 2011 pour ses activités de : TRANSACTIONS SUR IMMEUBLE ET FONDS DE COMMERCE cessera de porter effet trois jours francs après publication du présent avis. Les créances éventuelles se rapportant à ces opérations devront être produites dans les trois mois de cette insertion à l’adresse de l’Etablissement garant sis Etoile Saint-Honoré – 21 Rue Balzac – 75406 Paris Cedex 08. Il est précisé qu’il s’agit de créances éventuelles et que le présent avis ne préjuge en rien du paiement ou du non-paiement des sommes dues et ne peut en aucune façon mettre en cause la solvabilité ou l’honorabilité de la SARL HAUTS DE SEINE IMMOBILIER.

LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET D’APPLICATION N° 72-678 DU 20 JUILLET 1972 - ARTICLES 44 QBE FRANCE, sis Etoile Saint-Honoré – 21 Rue Balzac – 75406 Paris Cedex 08 (RCS Paris 414 108 708), succursale de QBE Insurance (Europe) Limited, Plantation Place dont le siège social est à 30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD, fait savoir que la garantie financière dont bénéficiait : M. Philippe MARTINEZ 16 Rue Pointe Cadet - 42000 SAINT ETIENNE - SIREN : 432 918 639 depuis le 1er janvier 2004 pour ses activités de : TRANSACTIONS SUR IMMEUBLE ET FONDS DE COMMERCE cessera de porter effet trois jours francs après publication du présent avis. Les créances éventuelles se rapportant à ces opérations devront être produites dans les trois mois de cette insertion à l’adresse de l’Etablissement garant sis Etoile Saint-Honoré – 21 Rue Balzac – 75406 Paris Cedex 08. Il est précisé qu’il s’agit de créances éventuelles et que le présent avis ne préjuge en rien du paiement ou du non-paiement des sommes dues et ne peut en aucune façon mettre en cause la solvabilité ou l’honorabilité de M. Philippe MARTINEZ.

LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET D’APPLICATION N° 72-678 DU 20 JUILLET 1972 - ARTICLES 44 QBE FRANCE, sis Etoile Saint-Honoré – 21 Rue Balzac – 75406 Paris Cedex 08 (RCS Paris 414 108 708), succursale de QBE Insurance (Europe) Limited, Plantation Place dont le siège social est à 30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD, fait savoir que la garantie financière dont bénéficiait : Mme Joëlle DIGOIS 32 Rue des Quatre Alliances - 26200 MONTELIMAR - SIREN : 348 069 303 depuis le 1er avril 2005 pour ses activités de : TRANSACTIONS SUR IMMEUBLE ET FONDS DE COMMERCE cessera de porter effet trois jours francs après publication du présent avis. Les créances éventuelles se rapportant à ces opérations devront être produites dans les trois mois de cette insertion à l’adresse de l’Etablissement garant sis Etoile Saint-Honoré – 21 Rue Balzac – 75406 Paris Cedex 08. Il est précisé qu’il s’agit de créances éventuelles et que le présent avis ne préjuge en rien du paiement ou du non-paiement des sommes dues et ne peut en aucune façon mettre en cause la solvabilité ou l’honorabilité de Mme Joëlle DIGOIS.

LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET D’APPLICATION N° 72-678 DU 20 JUILLET 1972 - ARTICLES 44 QBE FRANCE, sis Etoile Saint-Honoré – 21 Rue Balzac – 75406 Paris Cedex 08 (RCS Paris 414 108 708), succursale de QBE Insurance (Europe) Limited, Plantation Place dont le siège social est à 30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD, fait savoir que la garantie financière dont bénéficiait : RIV’S IMMO SARL 7 Cité Paradis - 75010 PARIS SIREN : 480 922 798 depuis le 1er avril 2008 pour ses activités de : TRANSACTIONS SUR IMMEUBLE ET FONDS DE COMMERCE cessera de porter effet trois jours francs après publication du présent avis. Les créances éventuelles se rapportant à ces opérations devront être produites dans les trois mois de cette insertion à l’adresse de l’Etablissement garant sis Etoile Saint-Honoré – 21 Rue Balzac – 75406 Paris Cedex 08. Il est précisé qu’il s’agit de créances éventuelles et que le présent avis ne préjuge en rien du paiement ou du non-paiement des sommes dues et ne peut en aucune façon mettre en cause la solvabilité ou l’honorabilité de la SARL RIV’S IMMO.

C

onfiner l’ensemble de la population chez elle durant trois jours, du 19 au 21 septembre, la mesure est spectaculaire et traduit la gravité de la situation en Sierra Leone. Pour tenter d’enrayer l’épidémie d’Ebola qui a déjà tué dans ce pays d’Afrique de l’Ouest491 personnes,le gouvernement, avec l’Organisation mondiale de la santé(OMS) et l’Unicef chargées, régionalement, de la campagne de sensibilisation, demande aux six millions de Sierra-Léonais de rester chez eux. « Le confinement signifie que personne, encore moins un véhicule à l’exception de ceux qui sont essentiels pour le service, ne sera autorisé à circuler », a déclaré, samedi 6 septembre, Abdulai Barratay, porte-parole du gouvernement. Cette opération doit mobiliser « quelque 7 000 équipes de patrouille composées d’agents de santé, de militants de la société civile et d’un membre de la communauté », selon un communiqué de la présidence transmis à l’AFP. « La mission sera de surveiller, de retracer les contacts et d’identifier les personnes quiprésentent des symptômes de la maladie pour éviter sa transmission », précise-t-il. M. Barratay a indiqué qu’il sera fait « du porte-à-porte pour détecter des cas probables de maladie d’Ebola cachés par leurs parents dans les maisons ». Cette inititative devrait être reconduite « périodiquement jusqu’à ce que la maladie soit vaincue ». Pour l’OMS, il ne s’agit pas de contrôler la population, mais de l’informer. « L’idée est que les autorités sanitaires nationales, l’OMS, l’Unicef, fassent une campagne de porte-à-porte et que tout le monde soit à la maison pour recevoir ces équipes composées de trois personnes », a expliqué au Monde, Nyka Alexander, porte-parole de l’organisation en Sierra Leone, qui attend, cependant, des précisions sur le dispositif final. « Ces trois journées d’information peuvent aussi permettre de détecter des malades », ajoute-t-elle, précisant qu’une journée semblable a déjà eu lieu le 4 août. Les intentions du gouvernement sont-elles aussi pédagogiques que la porte-parole de l’OMS veut le croire ? Dans un contexte de grande méfiance vis-à-vis des autorités locales et du gouvernement d’Ernest Bai Koroma, la mesure risque d’être mal perçue. Le docteur Cheikh Niang a passé une partie de l’été dans les villages sierra-léonais autour de Kailahun etde Kenema. Pourcet anthropologue, chargé de mission par l’OMS, « la mesure de confinement ne fera que renforcer la peur, les frustrations et la résistance de la population face aux autorités incarnées par les préfets, les militaires et le pouvoir médical ». Ce confinement est évoqué depuis déjà un moment. « Les esprits sont très partagés, explique Festus Minah, du Mouvement de la sociétécivile. Ceux qui ontquelques moyens y sont favorables, mais la majorité de la population y est

opposée et il pourrait être difficile pour le gouvernement d’empêcher les gens de se rendre aux champs ou de sortir pour se nourrir. » Pour les responsables sanitaires, la mesure est jugée, au mieux inefficace, au pire dangereuse. « Le risque du confinement, mesure radicale, est de rompre la confiance des populations avec les autorités locales et sanitaires. La priorité de Médecins sans frontières (MSF) est de faire sortir les malades, que les familles prennent conscience ellesmêmes du problème, pas de leur imposer ce genre de mesure. Sinon, elles cacheront leurs malades, estime Christopher Stokes, directeur général de MSF Belgique, rencontré au centre de traitement Elwa de Monrovia (Liberia), le plus grand centre (120 lits, bientôt 400) jamais installé par MSF. Que faire des malades identifiés ? Comment séparer ceux qui sont réellement malades d’Ebola desautresquiprésententdessymptômes similaires mais qui ont d’autres maladies ? Le responsable de MSF souligne « que les structures manquent déjà de lits ». « Le risque, insiste-t-il, est de mélanger tout le

Pour les responsables sanitaires, l’initiative est jugée au mieux inefficace, au pire dangereuse monde, indépendamment de leur maladie, ou du stade de leur contamination du virus Ebola, et donc de les regrouper dans des lieux qui deviendront des incubateurs, des multiplicateurs de la maladie, alors que l’objectif était inverse. » Le système de quarantaine imposé par les autorités libériennesfin août à West Point, unbidonville de la capitale, Monrovia, avait déjà montré ses limites. La population, se sentant ostracisée, s’était révoltée. Un adolescent avait été tué par la police lors d’une manifestation. Et la mesure avait été levée au bout de quelques jours, aussi vite qu’elle était apparue, entretenant le même sentiment de défiance vis-à-vis d’un gouvernement en manque de crédibilité. Chargé pour MSF de la lutte contre Ebola en Guinée, Marc Poncin déplore aussi la décision sierraléonaise. « Cela n’a aucun sens et sent l’improvisation et l’effet d’annonce. Empêcher les populations de bougerneferapasavancerlecontrôle de l’épidémie», dénonce-t-il. En Sierra Leone, dans les foyers actifs de Kailahun et Kenema, voisins de la Guinée, les cas se multiplient. Et dans la capitale, Freetown, de l’aveu même des autorités,la situationnecessedesedégrader. Plus de 150 nouveaux cas sont recensés chaque semaine dans le pays. La Sierra Leone est le dernier pays à avoir déclaré l’épidémie, fin mai, quand la Guinée et le Liberia l’avaient fait fin mars. p Rémi Barroux et Christophe Châtelot (envoyé spécial à Monrovia, Liberia)

Les Etats-Unis vont mobiliser leurs moyens militaires Les Etats-Unis ont annoncé, dimanche 7 septembre, qu’ils mobiliseraient leurs moyens militaires en Afrique pour aider les pays touchés par l’épidémie d’Ebola. « Nous allons devoir envoyer des éléments militaires pour, par exemple, installer des unités de mise en quarantaine et des équipements, afin d’assurer la sécurité des équipes médicales qui arrivent du monde entier, a annoncé Barack Obama. Si rien n’est fait maintenant et si le virus se répand en Afrique et

dans d’autres régions du monde, il pourrait muter. Il se transmettrait plus facilement et représenterait un réel danger pour les Etats-Unis. » La décision américaine survient deux jours après l’annonce par l’Union européenne du déblocage de 140 millions d’euros. Lundi, les pays de l’Union africaine devaient se réunir pour discuter d’une stratégie commune et, notamment, des mesures telles que la suspension des vols et la fermeture des frontières.


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Mardi 9 septembre 2014

PS: enquête sur un parti en déliquescence

Le désarroi des militants face à la politique du chef de l’Etat crée une fracture au sein de l’appareil socialiste

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our résumer la situation actuelle, la fédération socialiste de l’Aube a le don de la formule. Au moment de choisir la thématique de l’assemblée généralemilitante d’octobre, toutnaturellement se sont imposés ces cinq mots, qui décrivent aussi bien la crise politique nationale que l’état du PS : « C’est quoi, ce bordel ? » En cette rentrée troublée, interroger les responsables socialistes locaux sur l’état d’esprit des militants, c’est avant tout faire une plongée dans le champ lexical de la détresse. « Déçus » dans le Nord, « inquiets » dans les Deux-Sèvres, « dans un grand désarroi », en Lotet-Garonne,«en proie à une lassitude extrême », dans les HautesAlpes, « déprimés » dans le Finistère…

« J’admire les militants qui restent, il faut de la motivation» Matthias Fekl secrétaire d’Etat au commerce extérieur

Rue de Solférino, à Paris, la direction ne dit pas autre chose. « Déboussolés », tente l’un des cadres du parti, avant de corriger quelques heures plus tard en apprenant l’éviction pour cause de fraude fiscale du secrétaire d’Etatau commerce extérieur, Thomas Thévenoud : « Finalement, je me demande si “assommés” ne conviendrait pas mieux. » Deux ans après la prise du pouvoir, le PS vacille sur deux de ses piliers. Le réseau d’élus locaux, qui fut la première force du parti pendant des années, est durablement menacé par la défaite aux municipales et celle, prévisible, aux régionalesde 2015.La capacité de mobilisation militante, deuxième atout du PS, est aussi remise en cause. « J’admire les militants qui restent, il faut de la motivation, confiait le patron de la fédération du Lot-etGaronne, Matthias Fekl, quelques heuresavant d’entrer au gouvernement. En général, on milite pour défendre des idées et pour gagner des élections. Là, il n’y a plus d’idées, et on perd toutes les élections. » Il est difficile d’obtenir des chiffres fiables sur le nombre d’encar-

Université d’été du PS à La Rochelle, vendredi 29 août. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH–POLITICS POUR « LE MONDE »

tés qui demeurent au parti. Un militant n’est rayé des tablettes qu’après deux années de non-paiement de la cotisation, ce qui permet toujours d’entretenir le flou. Jean-Christophe Cambadélis, le premier secrétaire du PS, avait concédé à demi-mot en juin qu’environ 25 000 militants auraient quitté les rangs depuis 2012. Un chiffre qui paraît bien faible pour certains cadres du parti. « L’une des raisons pour lesquelles ils ne veulent pas organiser de congrès pour le moment, c’est que cela oblige à se compter, et le résultat serait catastrophique », explique un membre de l’aile gauche. Mais moins que les départs, c’est l’attitude de ceux qui restent qui inquiète les responsables locaux. « Je n’ai jamais vu une telle

ambiance en vingt-cinq ans, un tel désespoir, une telle colère froide. Ils se demandent à quoi bon être socialiste? », confie Olivier Girardin,premier secrétaire fédéral de l’Aube. « Certains militants me disent que nous n’avons pas été élus pour mener cette politique, abonde Marc Coatanéa, son homologue du Finistère. D’autres se mettent en mode “pause” sans explications. Du coup, je n’arrive pas à trouver des gens prêts à distribuer des tracts pour défendre la politique du gouvernement. » Les « lâchers de ballons » ministériels comme la remise en cause des 35 heures par Emmanuel Macron ou les sorties de François Rebsamen sur les seuils sociaux et le contrôle des chômeurs agacent les élus locaux, contraints de recol-

ler les morceaux avec des adhérents très en colère. « On n’est pas fichus de créer de l’emploi dans ce pays, et on met cela sur le dos des chômeurs ? C’est insupportable, on n’a vraiment pas besoin de ça », tempête Philippe Bayol, responsable de la fédération de la Creuse. Conscients que le contrecoup de cette rentrée sera difficile à absorber, les responsables socialistes misent sur plusieurs éléments pour relancer la machine. Tout d’abord, l’appétence naturelle des socialistes pour le débat. « Ils ne sont pas résignés », veut croire Gilles Pargneaux, le patron de la fédération du Nord, qui a proposé un questionnaire à ses militants au début de l’été. « Ils se disent : si l’exécutif exécute, le débat doit être dans le parti. Et les gouvernants doi-

vent être à l’écoute de ce qu’il s’y dit. Il y a une demande très forte de liant, et la critique ne nous épargne pas : pour eux, l’élu local n’est plus suffisamment proche et se comporte en notable et en potentat. » Pour Karine Berger, députée des Hautes-Alpes,quia entaméun tour de France des fédérations, il existe une forte demande d’explication des choix : «Ils veulent comprendre ce qu’on fait sur la politique économique. C’est affolant à quel point ils n’ont pas saisi le début de l’histoire, l’importance des déficits et les raisonsquipoussent l’exécutif àmener ces réformes. » Deuxième raison de ne pas désespérer : le retour aux affaires de la direction du parti, après deux ans d’apathie sous la houlette de Harlem Désir. « Depuis 2012, il n’y

«Il n’y a pas d’alternative à gauche», martèle Manuel Valls depuis Bologne Bologne (Italie) Envoyé spécial

Les nuages noirs français sous le soleil de Bologne. Invité d’honneur du président du conseil italien, Matteo Renzi, Manuel Valls a participé, dimanche 7 septembre, à la fête de l’Unita, le rassemblement annuel du Parti démocrate transalpin. Entouré d’autres responsables sociaux-démocrates européens – parmi lesquels Pedro Sanchez, le nouveau chef du PSOE espagnol, et Diederik Samsom, du Parti travailliste néerlandais –, le premier ministre français a envoyé depuis l’Emilie-Romagne un message directement adressé à sa propre majorité, à neuf jours du second vote de confiance présenté par son gouvernement en cinq mois. « J’ai besoin de vous, de votre force, de votre joie pour dire à la gauche de France qu’il y a un espoir, qu’il y a un chemin, qu’il y a des solutions ! », a lancé à l’auditoire M. Valls dans un discours en italien, particulièrement applaudi. MM. Valls et Renzi ne partagent pas que les mêmes chemises blanches et le même style transgressif. Les jumeaux de la « gauche moderne » européenne veulent surtout changer leur parti

dans leurs pays respectifs pour l’adapter à « l’épreuve du réel » et le convertir au « pragmatisme ». Tous deux entendent aussi « réorienter » l’Europe et ralentir les politiques d’austérité dictées par Bruxelles et Berlin. Mais les deux hommes doivent faire face à de graves difficultés économiques : croissance zéro en France, menace de récession en Italie, et chômage en hausse des deux côtés des Alpes. M. Renzi, en poste depuis février, s’était donné cent jours pour réveiller son pays. Devant les obstacles qui s’accumulent, le responsable italien, prudent, a récemment multiplié par dix son calendrier. M. Valls, depuis sa nomination à Matignon en avril, a déjà rema-

nié une fois son gouvernement et connu plusieurs crises politiques. Il ne sait pas, lui, ce qu’il fera dans mille jours. L’un comme l’autre sont confrontés aux critiques de l’aile gauche de leurs partis qui les jugent trop libéraux, mais M. Renzi bénéficie d’une popularité dans l’opinion italienne (près de 60 % de satisfaits) à faire pâlir d’envie son homologue français, en chute libre dans les sondages. S’appuyant sur une enquête IFOP réalisée début septembre qui donne Marine Le Pen en tête au premier tour de la présidentielle en 2017, M. Valls a volontiers dramatisé, depuis Bologne, la situation française pour mieux mettre son propre camp face à ses

Martine Aubry fera bientôt des « propositions » Martine Aubry s’apprête à intervenir dans le débat politique national. « Notamment sur la politique économique, je ferai des propositions dans les semaines qui viennent », a promis la maire de Lille, dimanche 7 septembre, sur Europe 1. Favorable aux aides aux entreprises « qui en ont besoin », Mme Aubry estime qu’« on n’a pas besoin d’aider les banques (…) qui ne sont pas

dans la concurrence internationale [ni] les entreprises qui préfèrent verser l’argent que leur a donné l’Etat pour donner des dividendes plus importants (…) au lieu d’investir dans l’avenir, l’emploi et la formation ». Interrogée sur le fait de savoir si elle voterait la confiance au gouvernement, le 16 septembre, Martine Aubry a botté en touche, rappelant qu’elle n’était pas députée.

«responsabilités». «En France, l’extrême droite et Marine Le Pen sont aux portes du pouvoir », a-t-il lancé, ajoutant que « souvent, la gauche a perdu parce qu’elle refusait de voir les problèmes ».

« Arrêtons l’hémorragie ! » Pour le premier ministre, il n’y a plus de temps ni de place pour les « petites querelles internes ». La gauche doit « se réinventer » en « abandonn [ant] ses dogmes et ses habitudes ». Alors que depuis Lille, dimanche, Martine Aubry a invité le gouvernement à « infléchir » sa politique économique, M. Valls lui a répondu : « On ne fait pas d’austérité ! C’est quoi un infléchissement ? Elle est où l’alternative ? Si on ne fait pas attention, l’alternative en 2017 sera la droite dure ou l’extrême droite. » Aux députés socialistes « frondeurs » qui, depuis plusieurs mois, attaquent l’action du gouvernement, M. Valls fait part de son « inquiétude pour le pays ». En quelques jours, le remaniement pour cause de divorce politique avec Arnaud Montebourg, puis le livre réquisitoire de Valérie Trierweiler contre François Hollande, et le départ précipité du nouveau secrétaire d’Etat Thomas Thévenoud en indélicatesse avec le fisc,

ont causé, selon lui, des « dégâts considérables » dans l’opinion. « Arrêtons l’hémorragie ! », lancera un peu plus tard le premier ministre, dans l’avion qui le conduit dimanche soir de Bologne en Tunisie, où il est attendu lundi pour une visite d’Etat. S’il affirme « ne pas être dans la menace », M. Valls se montre toutefois ferme avec les grognards de son camp. « Si certains [députés socialistes] ne votent pas la confiance le 16 septembre, il faudra apporter une réponse collective », déclare-t-il sans donner plus de détails. François Hollande l’a rappelé vendredi : il ne démissionnera pas et ira jusqu’au terme de son quinquennat, quelle que soit son impopularité. Manuel Valls, lui, « assume» et «incarne» toujours le tournant du pacte de responsabilité. Pas question de varier, il entend « débloquer la France », et c’est désormais à sa majorité de « prendre ses responsabilités » et de voter utile le 16 septembre. «Il n’y a pas d’alternative à gauche, la seule autre donne, c’est le Front national, c’est ça et rien d’autre qui doit occuper l’esprit de tous les socialistes », prévient le premier ministre. p Bastien Bonnefous

avait plus de lien établi ; là, on sent une reprise en main de Solférino et une volonté de renouer le contact avec les fédérations », explique Philippe Bayol dans la Creuse. Mais si tous saluent le travail accompli depuis cinq mois par Jean-Christophe Cambadélis, les conditions de son accession au pouvoir, sans congrès et sans vote des militants, restent en travers de la gorge de certains. « La direction nationale a été désignée par l’Elysée et les militants ont étédépossédés. C’est dommageable, car ils ont moins de légitimité », relève Rodolphe Challet, le patron des Deux-Sèvres.

«Je n’arrive pas à trouver des gens prêts à distribuer des tracts pour défendre le gouvernement » Marc Coatanéa premier secrétaire fédéral du Finistère

Pas de congrès dans l’immédiat – il a été repoussé à 2015, voire 2016 – mais des états généraux du parti, destinés à ranimer le débat entre militants et à opérer comme une soupape de sécurité, face à la colère grandissante. Les premiers retours des fédérations laissent d’ailleurs augurer une participation importante. « Je suis assailli de demandes, les militants sont preneurs d’un débat organisé, même si c’est pour exprimer leurs désaccords, témoigne Hussein Bourgi, premier secrétaire fédéral dans l’Hérault. Cela leur permet de vraiment s’interroger sur notre rapport au pouvoir, aux institutions, et même au socialisme. » Le constat est le même dans le Finistère, où les militants s’approprient l’initiative. Mais pour Marc Coatanéa, le défi pour le PS va bien au-delà : « L’équation qui se pose à nous est la suivante : comment cette réflexion des militants peut irriguer l’action du gouvernement ? Si on ne la résout pas et que rien ne change, je ne vois pas qui ira faire campagne en 2017. A ce stade, on fonce vers un naufrage militant. » p Nicolas Chapuis


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Mardi 9 septembre 2014

A Fréjus, le FN ne se départ pas de ses atours radicaux A l’université d’été des jeunes du parti, d’où une journaliste a été exclue, Mme Le Pen s’est attaquée à M.Macron, le ministre de l’économie Fréjus (Var) Envoyé spécial

D

e quoi le « marinisme » estil le nom ? L’université d’été du Front national de la jeunesse (FNJ), qui s’est tenue les 6 et 7 septembre à Fréjus (Var), a donné une nouvelle occasion de prendre la mesure des contradictions du parti d’extrême droite. Sous l’égide de Marine Le Pen, le FN se présente comme un « parti de gouvernement », une formation « républicaine », capable d’assumer les plus hautes fonctions. Pourtant, tout au long du weekend, des réflexes radicaux ont émaillé les discours des intervenants et les comportements des organisateurs.

La « gauche de l’argent » Lors de

son discours de clôture de cette université d’été, dimanche après-

NIKOS

ALIAGAS 11H -12H30 LE SAMEDI

midi, Marine Le Pen a martelé son discours populiste sans surprises. Avec comme unique cible la gauche au pouvoir qu’elle se fait un malin plaisir d’assimiler à l’argent, en soulignant fortement le passage d’Emmanuel Macron, ministre de l’économie, dans la banque d’affaires Rothschild. Marine Le Pen se veut la seule représentante du « peuple » contre les « élites » politiques, financières et médiatiques qu’elle qualifie volontiers de « mondialistes », une tonalité classique à l’extrême droite. « Chez nous, il ne faut pas avoir fait ses classes à la banque Rothschild pour parler d’économie. Chez nous, il n’est pas nécessaire d’être énarque pour donner son avis sur la réforme territoriale. Chez nous, il n’est pas indispensable d’être un technocrate du Quai d’Orsay pour parler de politique étrangère, a-t-elle ainsi harangué. Nous ne fai-

JEAN-PIERRE

ELKABBACH 8H20

sons pas de distinction entre les experts et le peuple car chez nous, les experts, c’est le peuple. » L’éloge de Poutine Mme Le Pen ne

cachepas sonadmiration pour VladimirPoutine. Elle l’a rappelé encore lors de son entretien au Monde du 6 septembre. Son conseiller spécial aux affaires internationales, Aymeric Chauprade, également eurodéputé et chef de la délégation FN au Parlement européen, est encore allé plus loin lors de son discours dimanche matin. « Il faut être du côté de la Russie, pour faire contrepoids aux Etats-Unis, avecun partenariat stratégique», a notamment lancé cet ancien professeur à l’Ecole de guerre, renvoyé en 2009 en raison de ses prises de position sur le 11-Septembre. Il a ensuite fait l’éloge du « redressement économique, moral, institutionnel et géopolitique » entrepris par M. Poutine.

THOMAS

SOTTO 6H - 9H

ANNE

Marine Le Pen lors de l’université d’été du FNJ, à Fréjus, le 7 septembre. C. BITTON/FRENCH-POLITICS POUR « LE MONDE »

M. Chauprade a suscité en août un vif débat au FN avec la publication d’un texte où il prônait « l’élimination in situ » des djihadistes français partis combattre en Irak et enSyrie pour les empêcher derevenir en France. Marine Le Pen s’est désolidarisée de cette proposition, mais le texte a été soutenu par des

DAVID

SINCLAIR

ABIKER

LE SAMEDI

SAMEDI ET DIMANCHE

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dirigeants de premier plan du FN. L’obsession de l’immigration

Lors de cette université d’été un peu morne, 200 à 300 jeunes réunis samedi se sont réveillés quand il a été question d’immigration. Plus les propos de Nicolas Bay, très probable futur secrétaire général du FN, étaient durs, plus la salle réagissait. La société multiculturelle ? «Unesociétémulticonflictuelle ». La société multiraciale ? « Une société multiraciste », a affirmé M.Bay. Sur sa lancée, l’eurodéputé continuait : «Nousavons,dansnosvilles,devéritables bombes, sans faire de jeux de mots », a-t-il dit à propos des jeunes musulmans. «Lorsque nous arriverons, ils partiront ! », a-t-il conclu, reprenant un vieux slogan du FNJ. Le maire de Beaucaire (Gard), Julien Sanchez, lui, a regretté le «gaspillage d’argent public» généré par les élèves non francophones. Quant à M. Chauprade, il a affirmé

qu’« une partie de l’immigration n’avaitpasvocationàresterenFrance mais à repartir ». Selon lui, «l’immigration massive » aboutit à une «substitution de populations ». Cettethéorie ditedu « grandremplacement » est partagée par plusieurs cadres du FN. La presse malmenée Le rassem-

blementaaussiétémarquéparl’exclusion samedi, sur ordre de la direction nationale du FN, d’une journaliste de Mediapart accréditée le matin. Une décision qui allait à l’encontre de ce que disait, quelques heures auparavant, Steeve Briois, le maire d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) et actuel secrétaire général du FN : « Un bon candidat doit savoir rassembler les gens (…). Vous ne devez pas être sectaires ni mettre en place de système sectaire », intimait-il aux jeunes militants. p Abel Mestre

LeFront de gauche réduità afficher uneunité de façade

La coalition de la gauche radicale reste minée par de profonds désaccords stratégiques

B

ien sûr, il y eut cette image que l’on n’avait pas vue depuis des mois : Pierre Laurent et Jean-Luc Mélenchon, assis côte à côte, au premier rang de l’assemblée générale du Front de gauche, samedi 6 septembre, à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Mais cette photo de famille, destinée à montrer que le divorce n’est pas consommé, n’aura pas réussi à dissiper les doutes sur l’avenir de la coalition de la gauche radicale. Au sortir de cette rencontre, organisée dans la difficulté en juin après des européennes décevantes, chacun cherchait à rassurer, malgré une ambiance morose. Un « pari réussi », veut croire Pierre Laurent. « On voulait en faire un moment apaisé qui permette de reprendre le travail commun, c’est ce qui s’est passé », assure le secrétaire national du Parti communiste. « C’est positif, cela a permis de discuterentre nous», convientMartine Billard, l’ex-coprésidente du Parti de gauche. M. Mélenchon, lui, n’a pas souhaité répondre aux questions du Monde.

EUROPE 1

UN TEMPS DʼAVANCE

SUR L’INTERVIEW

« Ligne suicidaire » Certes,une déclaration commune a été publiée pour dénoncer « la ligne suicidaire » portée par François Hollande et appeler à ne pas voter la confiance au gouvernement. Mais aucun des débats stratégiques n’a été tranché, notamment la question du rapport au PS. Les communistes veulent construire le rassemblement le plus large possible et comptent faire de la Fête de L’Humanité, les 13 et 14 septembre, le rendez-vous de la gauche critique. Les écologistes Cécile Duflot et Emmanuelle Cosse, ainsi que plusieurs députés « frondeurs », y sont attendus. « C’est le moment pour concrétiser desactions sur l’alternative gouver-

nementale, souligne M. Laurent. Le Front de gauche a un rôle de premier plan à jouer. » Le Parti de gauche, pour sa part, n’entend pas emprunter ce chemin. Il souhaite se tourner vers le « peuple », notamment la masse des abstentionnistes, et non plus vers les partis. « On ne peut pas s’adresser à l’appareil PS, juge Mme Billard. La clarté n’est pas une condition, elle est nécessaire pour tous ceux qui sont complètement déboussolés. » La troisième force du Front de gauche, Ensemble, se situe à mi-chemin. « Il faut construire un espace politique distinct du PS et en même temps ne pas mettre un cordon sanitaire autour des socialistes et des écologistes », explique l’une de ses porte-parole, Clémentine Autain. Quant à la VIe République à laquelle M. Mélenchon entend désormais se consacrer, beaucoup estiment que si cette thématique doit être défendue, elle ne doit pas être le principal axe de bataille. Au final, personne ne s’attendait à ce que le Front de gauche éclate samedi – aucune de ses composantes n’y a intérêt. Mais, désormais, le risque est réel de voir chacun poursuivre dans sa propre voie et laisser la coalition cheminer cahin-caha. « Tout le monde se rend compte que cela n’est pas possible de laisser vivoter le Front de gauche, mais nous n’avons pas le choix : si le Front de gauche meurt, qui survit ? », met en garde Mme Autain. Au PG, on commence cependant à s’impatienter. « Aujourd’hui, on a ouvert plus de portes qu’on en a fermées, note l’une de ses dirigeantes, Raquel Garrido. Ce n’est pas grave, mais ce serait bien que la question des alliances soit tranchée avant Noël. » p Raphaëlle Besse Desmoulières


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Les classes moyennes étranglées par les impôts Les recours de ménages pris en étau entre les hausses d’impôts et les difficultés liées à la crise se multiplient Enquête

Près de 10 millions de lettres de relance

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ls tiennent tous à préciser qu’ils ne sont pas « antiimpôts ». Loin de là. Une question de « justice sociale », « un acte citoyen aussi important que le vote », « un geste normal et même assez noble », selon eux. Ils savent aussi qu’ils ne font pas partie des Français lesplus endifficulté. Pourtant, à l’approche de la date limite de paiement du troisième tiers des impôts sur le revenu mi-septembre, pour la première fois, cette année, ils se retrouvent pris à la gorge. Et anticipent déjà avec inquiétude les prochaines salves fiscales de mi-octobre, avec la taxe foncière, et de mi-novembre, avec la taxe d’habitation et la contribution à l’audiovisuel public. Ils sont employés, fonctionnaires, cadres… « Ni riches ni pauvres », ils se définissent comme appartenant à la classe moyenne, avec leurs revenus situés entre 1 600 et

Revenu 19,2 millions de foyers sont imposés sur le revenu, selon le rapport annuel 2013 de la Direction générale des finances publiques. Rappels 9,99 millions de lettres de rappel, de relance, de mise en demeure de payer ont été envoyées par l’administration fiscale aux particuliers. Difficultés 1,28 million de demandes gracieuses de non-paiement total ou partiel ont été examinées par l’administration fiscale (impôts des particuliers et impôts des professionnels). 466 866 de ces demandes portaient sur la taxe d’habitation, 315 654 sur la contribution à l’audiovisuel public, 215 366 sur l’impôt sur le revenu, 85 721 sur les taxes foncières.

Le nombre de «demandes gracieuses» traitées par l’administration fiscale a bondi de 20% entre2011 et 2013 3 500 euros mensuels par ménage. Certains ont déjà demandé un étalementde leur paiement ou vont le faire, d’autres vont puiser dans leur bas de laine, recourir à la solidarité familiale… Les plus en difficulté arriverontpeut-être à obtenir de l’administration fiscale une diminution de leur impôt, voire sa suppression. Signe des difficultés entre 2011 et 2013, le nombre de « demandes gracieuses » (demandes de nonpaiement de tout ou partie de l’imposition) traitées par l’administration fiscale a bondi de 20 % tous impôts confondus, pour atteindre 1,3 million. C’est particulièrement vrai pour l’impôt sur le revenu, pour lequel les requêtes sont en hausse de 22 %, contre 18 % pour la redevance audiovisuelle, 18 % pour la taxe d’habitation. Autre indicateur des tensions, les lettres de rappel, de relance et de mise en demeure adressées aux contribuables particuliers sont passées en deux ans de 4,5 millions à près de 10 millions. « Le paiement de l’impôt est beaucoup plus difficile qu’auparavant », confirme Anne Guyot-Welke, secrétaire nationale de Solidaires-Finances publiques, principal syndicat de l’administration fisca-

le. La tendance pourrait se poursuivre cette année. « La réduction d’impôts pour les ménages modestes ne résoudra pas tout, poursuit la syndicaliste. Certaines mesures comme la suppression de la demipart attribuée aux parents isolés ou celles qui touchent les retraités vont alourdir la fiscalité. » La crise et le chômage expliquent en partie ces problèmes de trésorerie. L’augmentation des recours grâcieux seraient aussi en partiedue à la progression du nombre de personnes imposables, plus d’un million de ménages supplémentaires en 2013. A 39 ans, Tarek (qui a requis l’anonymat comme toutes les personnes interrogées), employé dans l’hôtellerie, n’est pas un de ces nouveaux contribuables. En revanche, il a vu ses revenus chuter brusquement cette année. « J’ai perdu mon emploi à temps plein en 2012, explique-t-il, j’ai rapidement retrouvé du travail mais à temps partiel, je gagne 1 600 euros par mois, contre près de 4 000 auparavant. »

Depuis deux ans, il n’arrive pas à se renflouer financièrement et à payer les quelque 3 000 euros d’impôt sur le revenu qui lui sont réclamés. « Les services fiscaux m’ont refusé un délai de paiement au motif que c’était à moi d’anticiper et donc d’avoir de l’argent de côté », assure Tarek. Cette année, il paiera ce qu’il peut, « la moitié j’espère. Pour le reste, tant pis, j’aurai des pénalités de retard mais je n’ai pas le choix », explique celui qui ne voit comme solution pour s’en sortir que de déménager pour un logement moins cher. Marine, chargée de marketing, sait qu’elle fait partiedu plan social misenplacedanslasociétéspécialisée dans le commerce sur Internet dans laquelle elle travaille depuis octobre 2012. Dans un mois, elle sera sans emploi. Cette célibataire de 24 ans sans enfants, un salaire de 1 630 euros net par mois et un loyer parisien de 630 euros pour une studette, doit s’acquitter de 1 000 euros d’impôt sur le revenu d’ici mi-septembre. « L’année der-

nière, j’ai reçu 700 euros au titre de la prime pour l’emploi, une bonne surprise; cette année, c’est mon soldedetoutcomptequivamepermettre de payer », explique-t-elle avec philosophie.

«Nous sommes une famille banale. En très peu de temps, nous sommes passés de non imposable à très imposable» Claire conseillère principale d’éducation

Quant à ses indemnités de licenciement, elles lui serviront à rembourser, au moins partiellement, lesprêtsétudiantsqu’elleacontractés pendant sa scolarité et qui grèvent, à hauteur de 500 euros mensuels, un budget déjà ric-rac. Maud, 40 ans, cadre bancaire, va, elle, puiser dans son Livret A

pour payer les 1 600 euros réclamés par le fisc. Il y a onze mois, son conjoint, 50 ans, a été licencié. « L’année dernière, avec deux salaires, trois enfants et une baby-sitter déclarée, nous n’avons pas payé d’impôts sur le revenu, nous avions même eu droit à un chèque de 370 euros, une situation assez injuste finalement », raconte Maud. « Cette année, avec un seul revenu de 3 000 euros net par mois, toujours trois enfants à charge, un loyer de 1 000 euros et un mari en fin de droit, nous sommes imposables », poursuit la mère de famille. L’administration fiscale a accordé à Nathalie, 35 ans, attachée commerciale dans le Sud-Ouest et mère célibataire de deux enfants, un étalement sur trois mois de ses 800 euros d’imposition. La jeune femme s’inquiète pourtant de ne pas y arriver. « La part variable de mon salaire est à la baisse. Il va falloir se restreindre sur les tenues des enfants et les courses alimentaires… sans compter qu’il n’est plus envisageable d’inscrire les

Pourquoi l’addition s’est alourdie pour 6,7millions de contribuables CET AUTOMNE encore, nombre de contribuables ont le désagrément de constater sur leur avis d’impôt sur les revenus de 2013 – dont les derniers doivent être parvenus au plus tard le 9 septembre – une augmentation du montant qui leur est réclamé. Avec pour conséquence, pour ceux qui ne sont pas mensualisés, un troisième tiers plus important qu’ils ne l’avaient anticipé ou, pour les autres, un étalement des sommes dues au-delà du mois d’octobre, terme du paiement mensuel. Au-delà des facteurs naturels – amélioration de la situation matérielle ou changement de situation familiale intervenus entre 2012 et 2013 – qui peuvent entraîner une hausse de l’impôt sur les revenus, plusieurs autres éléments concourent à corser l’addition. Ils résultent des mesures fiscales prises dans la loi de finances pour 2014 ou, pour certaines, dans des lois antérieures. Quotient familial La dernière loi

de finances a abaissé, pour la

deuxième année consécutive, le plafond du quotient familial. Il était de 2 336 euros en 2012, réduit à 2 000 euros en 2013 et, en 2014, à 1 500 euros. Cela entraîne une augmentation d’impôt de 500 euros pour un couple avec un enfant à partir de 61 158 euros de revenus annuels imposables, de 1 000 euros pour un couple avec deux enfants à partir de 69 474 euros de revenus, 2 000 euros pour un couple avec trois enfants et 86 104 euros de revenus, etc. Retraités Les majorations de pen-

sions de retraite versées aux parents ayant eu ou élevé au moins trois enfants, qui étaient auparavant exonérées d’impôt, deviennent imposables. Cette majoration est de 10 % du montant de la pension dans le régime général. Pour les régimes complémentaires Arrco et Agirc, elle est plafonnée aux alentours de 1 030 euros. Pour les fonctionnaires, elle est de 10 % pour trois

enfants et 5 % de plus par enfant à partir du quatrième. La hausse d’impôt est d’autant plus sensible que le montant de la majoration est élevé. Certains retraités, proches du seuil d’imposition, ont pu ainsi devenir imposables. Complémentaires santé Les coti-

sations employeur à un régime de complémentaire santé était jusqu’à présent exclues, sous certaines limites, du revenu imposable du salarié. La loi de finances 2014 les rend imposables et elles sont ainsi ajoutées à la rémunération prise en compte pour le calcul de l’impôt.

Heures supplémentaires La loi

de finances rectificative de juillet 2012 a mis fin à une des mesures phares de la loi TEPA adoptée au début du quinquennat de Nicolas Sarkozy, la défiscalisation des heures supplémentaires. Cette suppression de l’exonération d’impôt a pris effet le 1er août 2012 pour les revenus soumis à l’impôt en 2013. Pour l’im-

pôt acquitté en 2014, elle concerne l’ensemble des heures supplémentaires effectuées en 2013. L’impact en est donc accru cette année. Demi-part veuf L’impôt sur les

revenus de 2013 marque la dernière étape de suppression de la demi-part fiscale dont bénéficiaient les parents isolés, les veufs ou veuves ayant eu un enfant. Cette suppression avait été décidée en 2008 par la majorité précédente, l’avantage devant se réduire progressivement jusqu’à extinction cette année. Seules les personnes ayant élevé seules leurs enfants pendant au moins cinq ans continuent à en bénéficier.

Des mesures de compensation

Le gouvernement avait mis fin, dans la loi de finances pour 2014, au gel du barème de l’impôt décidé par la précédente majorité pour 2012 et reconduit en 2013 par l’actuelle majorité. Il a en outre revalorisé de 5 % la décote bénéficiant aux contribuables des

tranches basses du barème. A l’occasion du collectif budgétaire de juillet, le gouvernement de Manuel Valls a décidé d’appliquer, dès septembre, une réduction d’impôt – de 350 euros pour un célibataire, 700 euros pour un couple – aux foyers dont le revenu fiscal est inférieur à celui d’un salarié percevant 1,1 smic net par mois : 4,2 millions de foyers fiscaux en ont bénéficié. Cette mesure était destinée à neutraliser les effets cumulés des dispositions fiscales précédentes. Malgré tout, selon une note confidentielle de Bercy dont Le Monde a eu connaissance, 37 % des foyers fiscaux imposés, soit près de 6,7 millions de contribuables, ont vu leur impôt augmenter entre 2013 et 2014. Ce chiffre était de 44,4 % en 2013. A l’inverse, 35 % ont vu leur impôt baisser, contre 24,5 % en 2013. Au total, 8 % des foyers fiscaux imposables en 2013 ne le sont plus en 2014, tandis que 4 % des foyers non imposés en 2013 le sont devenus. p

Patrick Roger

enfants à une activité sportive cette année. » Les changements de calcul, l’entrée en vigueur de nouvelles mesuresfiscales, notamment lafiscalisation des heures supplémentaires appliquée pour la première fois sur une année entière, pèsent sur les budgets des classes moyennes. D’autres catégories, plus modestes, ont vu ou verront leur impôt baisser. Arnaud, 28 ans, jeune ingénieur en région parisienne, n’en fait pas partie. Il gagne 2 500 euros net, grâce à des heures supplémentaires. « Mes impôts ont explosé cette année de 50 %, s’alarme-t-il. De 2 000 euros, je suis passé à 3 000 euros. Pour le 15 septembre, je dois payer 1 600 euros. Je ne m’attendais pas à une telle hausse, quel uppercut. Et en plus ma voiture qui vientd’être recalée au contrôle technique ! L’automne va être dur », anticipe le jeune homme. La solution : « Réduire toutes les dépenses et puiser dans mon petit pécule mis de côté en cas de coup dur, mais franchement, je ne pensais pas devoir l’utiliser pour payer mes impôts. » «Noussommesunefamillebanale, avec une maison achetée à crédit, une voiture familiale low cost, un jeune enfant, un chien, deux salaires qui rentrent tous les mois et qui pourraient permettre des extras, raconte Claire, 32 ans, conseillère principale d’éducation. Cette année,entre les impôts surle revenu et les taxes foncières, il va falloir sortir 4 500 euros, c’est beaucoup.» Son conjoint est ouvrier dans une entreprise d’ascenseurs. A eux deux, ils gagnent 3 450 euros net et remboursent 1 800 euros de prêt immobilier. « En très peu de temps, nous sommes passés de non imposable à très imposable, s’étonne Claire. Nous commençons à nous demander si ça ne serait pas plus intéressant que l’un de nous passe à mi-temps ou prenne un congé parental. »Le couple a fait ses calculs. Avec les baisses d’impôts, les moindres frais de garde, les aides dont ils pourraient bénéficier, la perte financière serait de 70 euros par mois. En attendant, cette année, ils paieront en puisant dans leurs économies. Marc, 46 ans, fonctionnaire, ne s’est pas remis de son avis d’imposition. « L’année dernière, nous avions 3 552 euros à payer pour deux salaires et un enfant de 6 ans. Cette année, 7 426 euros ! Nos salaires n’ont pas augmenté d’un centime, nous n’avons investi dans rien, et n’avons aucun placement financier qui expliquerait cette hausse », argumente cet habitant des Côtesd’Armor. Sa chance ? Une grandmère de 92 ans prête à lui prêter un peu d’argent pour passer le cap des impôts. p Catherine Rollot


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Deux ex-otages confirment que Mehdi Nemmouche était leur geôlier en Syrie

Selon le parquet, aucun acte d’enquête ne fait état d’un projet d’attentat du djihadiste à Paris

D

eux ex-otages français de l’Etat islamique (EI) détenus en Syrie ont assuré, samedi 6 et lundi 8 septembre, que Mehdi Nemmouche, le tueur présumé de quatre personnes, le 24 mai, au Musée juif de Bruxelles, avait bienété leur geôlier durant leur captivité. Confirmant les informations du Monde, Nicolas Hénin et Didier François, journalistes respectivement au Point et à Europe 1, ont tous deux fait état de « leur certitude absolue». Le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a également admis, samedi, que la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) avait « transmis à la justice des éléments laissant à penser que [Medhi Nemmouche] aurait pu être le geôlier de nos otages ». « C’est à la justice de faire son travail, ce funeste personnage doit être jugé, il le sera », a-t-il estimé. Lors d’une conférence de presse, samedi, et dans un article publié sur le site Internet du Point, Nicolas Hénin a fourni des détails sur les conditionsde sadétention et le comportement de Mehdi Nemmouche. « Quand il ne chantait pas, il torturait », raconte-t-il. Les quatre journalistes détenus, ont été, selon lui, en contact avec Mehdi Nemmouche « de juillet à décembre 2013 ». Il le décrit comme un jeune homme « égocentrique et affabulateur, pour qui le djihad n’est finalement qu’un prétexte pour assouvir sa soif maladive de notoriété. Un jeune homme paumé et pervers ».

« Il avait des ordres » Apportant des éléments sur le profil des candidats au djihad en Syrie, M. Hénin considère que celui qui l’a « maltraité » « n’était probablement pas parti en Syrie pour se battre pour un quelconque idéal mais, avant tout, sans doute par manque de reconnaissance, pour se réaliser, pour réaliser une sorte de cavalcade meurtrière dont il avait fomenté le dessein ». Pour Didier François, « la réalité deNemmouche, c’estqu’ilétait extrêmement violent dans ses attitudes, dans ses paroles, il était extrêmement provocateur. C’est quelqu’un qui bouillait en permanence et qui

était dans une violence débordante». Le journaliste d’Europe 1a précisé que Mehdi Nemmouche torturait des prisonniers syriens. « Il était extrêmement violent avec les prisonniers syriens.Il était malgré toutobligé de se comporter de manière plus maîtrisée avec les otages occidentaux (…) car il avait des ordres. » M. François rapporte, enfin, que Mehdi Nemmouche « avait une espèce d’obsession antisémite, une obsession à vouloir imiter ou dépasser Merah, qui était en fait son modèle (…) l’assassinat, le meurtre, était pourlui quelque chose qui lui paraissait quasiment normal ». Le geôlier présumé des ex-otages français en Syrie s’est, visiblement, beaucoupexpriméauprèsdeses prisonniers. Il se serait ainsi « vanté », d’après le quotidien Libération de lundi, qui cite les auditions de certainsjournalistes à la DGSI, de planifier un attentat sur les Champs-Elysées pendant le défilé du 14-Juillet, « une attaque à la Merah puissance 5 » aurait-il dit selon le journal. Si la vigilance des services de sécurité a redoublé lors du dernier défilé, l’enquête n’a pas permis, à ce jour, d’étayer la réalité de l’affirmation. Lundi matin, démentant les informations de Libération, le parquet de Paris indiquait d’ailleurs dansun communiqué qu’aucun élément de l’enquête sur Mehdi Nemmouche ne faisait état d’un projet d’attentat en France, « en particulier le jour du 14-Juillet à Paris ». Trois ex-otages français de l’EI en Syrie ont reconnu Mehdi Nemmouche comme l’un de leurs gardiens lors de leur détention. Le quatrième, le photographe Pierre Torres, a, cependant, refusé de répondre à la DGSI sur ce point lors de la procédure d’identification. Actuellement détenu en Belgique, où il a été extradé le 29 juillet, Mehdi Nemmouche doit comparaître vendredi 12 septembre devant la chambre du conseil de Bruxelles, une instance qui décide du maintien en détention préventive d’un suspect. Selon des juristes belges, le rôlede geôlier du suspect n’aura pas de réelle incidence sur la procédure en Belgique. p Jacques Follorou avec Jean-Pierre Stroobants (à Bruxelles)

UMP

Des appels pour Nicolas Sarkozy

Plusieurs ténors de l’UMP ont exhorté, samedi 6 et dimanche 7 septembre, Nicolas Sarkozy à déclarer sa candidature à la présidence du parti. Le maire de Nice, Christian Estrosi, a ainsi lancé « un appel » à l’ex-président, lors d’un campus de jeunes UMP organisé dans sa ville. Sans donner de nom, le sénateur de la Vienne Jean-Pierre Raffarin s’est également prononcé pour M. Sarkozy. Idem pour Nathalie Kosciusko-Morizet, qui a vanté sur RTL un « homme de synthèse dont la France a besoin ». M. Sarkozy doit faire connaître sa décision avant le 30 septembre, date limite de dépôt des candidatures et des parrainages pour l’élection à la présidence de l’UMP, prévue le 29 novembre. p

Logement

L’Etat étend sa caution locative pour les étudiants

Geneviève Fioraso, secrétaire d’Etat à l’enseignement supérieur, a annoncé, lundi 8septembre, la généralisation de la caution locative à tous les étudiants de moins de 28 ans qui disposent de revenus. Ce dispositif permettra de bénéficier d’une garantie de l’Etat si l’étudiant n’a pas de caution familiale ou amicale. Le montant des loyers couverts par l’Etat sera plafonné: 500 euros pour une personne seule en province, 600 euros en Ile-de-France et 700 euros à Paris. Les étudiants devront alors cotiser à hauteur de 1,5% du loyer mensuel, charges comprises, avec un plafond de 9 euros pour l’Ile-de-France, 10,50euros pour Paris et 7,50 euros ailleurs. p

Social Les pistes de l’exécutif pour redresser la branche famille

Dans le cadre du plan d’économies supplémentaires de 800 millions d’euros portant sur la branche famille de la Sécurité sociale, le gouvernement pourrait raccourcir le congé parental et raboter la prime de naissance à partir du deuxième enfant. C’est ce qu’affirme le quotidien Les Echos, qui précise que le gouvernement « ne devrait pas s’attaquer aux allocations familiales ni à l’aide aux particuliers employeurs de “nounous” ».

Le barrage de Sivens, dans le Tarn, attise la guerre de l’eau Le projet du conseil général est vivement contesté par des écologistes et des agriculteurs Lisle-sur-Tarn (Tarn) Envoyée spéciale

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undi 8 septembre au matin aux abords de la forêt de Sivens, dans le Tarn, les forces de l’ordre ont chargé une fois de plus le cortège de voitures et de tracteurs des opposants au barrage qui va provoquer la destruction de 13 hectares de zones humides entre Lisle-sur-Tarn et Gaillac. La veille, les propos de Ségolène Royal avaient fait naître l’espoir d’un moratoire qui frapperait ce futur lac artificiel. Celui-ci, d’une emprise totale de 48 hectares, doit retenir 1,5 million de mètres cube d’eau pour assurer l’alimentation l’été de quelques agriculteurs en aval. « L’eau est un bien précieux », a insisté dimanche la ministre de l’écologie, rappelant en substance que son ministère ne donne pas pour instruction de permettre à quelques grandes exploitations de s’approprier la ressource grâce à des investissements publics. Voilà des mois que durent les échauffourées dans le Tarn, que des militants s’accrochent au sommet des arbres pendant des jours entiers, sans compter d’éphémères barricades de terre pour freiner le chantier, les manifestations et plusieurs grèves de la faim : le projet de Sivens symbolise le réservoir de trop dans une vaste région, le bassin Adour-Garonne, où l’eau est devenue un enjeu essentiel. A l’heure du pique-nique, dimanche, l’ambiance pouvait sembler festive dans les clairières de Sivens où se sont côtoyés un bon millier d’amoureux de la nature sauvage dans cette partie de la vallée du Tescou, quelques éleveurs du coin (sympathisants de la Confédération paysanne ou non), des élus Europe Ecologie-Les Verts (avec le député européen José Bové en vedette), tandis qu’était annoncé le soutien de personnalités médiatiques tel le chanteur Manu Chao. Comme un moment de répit dans un combat au long cours de plus en plus tendu. Car les « zadistes » – l’irréductible bataillon de la « zone à défendre », un terme devenu générique depuis Notre-Damedes-Landes – sont la bête noire du conseil général du Tarn, maître d’ouvrage du lac artificiel.

Manifestation contre le lac artificiel de Sivens (Tarn), le 1er septembre. FLORINE GALEORN/AFP

Depuis l’arrivée des premiers bûcherons le 1er septembre, puis des engins qui recrachent les pins sous forme de bouillie de bois, les abords du chantier sont placés sous haute sécurité. Environ 150 à 200 gendarmes mobiles lourdement équipés y ont pris position, ils sont souvent plus nombreux que les opposants. Un hélicoptère

Lebarragevaprofiter à81exploitants selonleschambres d’agriculture,19selon lesopposants, pour 8,4millionsd’euros contrôle le nombre de « zadistes » éparpillés dans les bois, où vrombissent les tronçonneuses. Sur place, ces derniers se plaignent d’être harcelés ; une jeune fille montre sa cuisse toute bleue d’avoir reçu un tir tendu de FlashBall. Des élus écologistes ont même été bousculés par les gendarmes, qui disent de leur côté être la cible de cocktails Molotov. Dans leur ferme toute proche, un couple d’exploitants s’inquiète de cette radicalisation et s’interro-

ge. « Sivens, c’est un projet de plus de trente ans, témoigne l’agriculteur. Il était fondé alors, mais vous ne croyez pas que de Gaillac à Montauban, on a tous attendu la bouche ouverte que le barrage nous arrive ! Moi, j’ai fait mon propre lac en 1975, j’ai trois puits aussi. Les autres ont fait pareil ! » Le bassin-versant du Tescou compte déjà 185 retenues collinaires : de quoi stocker 5 millions de mètres cubes en déviant un tiers du cours d’eau. Pourquoi alors investir 8,4 millions d’euros, avec un coût de fonctionnement estimé à 360 000 euros par an, dans un ouvrage supplémentaire au profit de 81 exploitants agricoles selon les chambres d’agriculture locales, 19 selon les opposants ? « Sivens répond à 70 % aux besoins de l’agriculture, mais il servira aussi à soutenir l’étiage du Tescou, assure le président du conseil général du Tarn, Thierry Carcenac (PS). Même si aucun agriculteur ne pompait dedans, je le ferais quand même pour améliorer la qualité de l’eau », assure-t-il. L’élu admet que l’enquête publique a recueilli une majorité d’avis défavorables. Mais il faut bien agir : le département est déficitaire de 39 millions de mètres cubes par an.

La bataille se livre aussi sur le terrain juridique. France Nature Environnement, Nature MidiPyrénées et d’autres associations ont attaqué les arrêtés préfectoraux permettant de lancer les travaux dans un secteur classé zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique et de noyer une zone humide majeure. Ben Lefetey, porte-parole du collectif, s’est engagé contre le barrage, moins en faveur des 94 espèces protégées de mammifères, oiseaux, reptiles et insectes qui vont perdre leur habitat, que pour dénoncer un modèle agricole « qui sent le roussi ». « Entre ceux qui irriguent leur maïs, c’est déjà la guerre : ilspompent dans la rivière etnetouchent au contenu de leurs réserves qu’in extremis, peu importe le voisin en aval. Personne n’a le courage de les mettre autour d’une table pour les obliger à partager. » Le militant montre une étude rédigée pour le département voisin du Tarn-et-Garonne. Elle indique que, plusieurs fois, le Tescou s’est complètement asséché en à peine une dizaine de jours. « L’influence des pompages d’irrigation est ici manifeste », écrivent les rapporteurs. p Martine Valo

La justice autorise un couple à garder un enfant acheté dans le cadre d’un trafic d’êtres humains

Le tribunal de Nancy a fait primer l’intérêt du bébé. Les parents vont demander l’adoption

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’est une décision qui « doit bien demeurer exceptionnelle ». Ce commentaire de l’ancien président du tribunal de Bobigny Jean-Pierre Rosenczveig sur son blog, samedi 6 septembre, résume les interrogations suscitées par un jugement reconnaissant à un couple de Meurthe-etMoselle le droit d’héberger un enfant qu’il avait acheté plusieurs milliers d’euros dans le cadre d’un trafic d’êtres humains. La décision du tribunal de Nancy a été rendue publique par l’avocate du couple, Me Caroline Depretz, le 5 septembre. « Le juge a su entendre la souffrance réelle de l’enfant, a-t-elle déclaré à l’AFP. C’est un dossier totalement atypique, une première en France. » Le couple, âgé de moins de 30 ans, ne pouvait pas avoir d’enfants. Il s’est donc frauduleusement approprié un bébé, par le biais d’intermédiaires. Sa mère, de nationalité roumaine, avait déjà plusieurs enfants et ne souhaitait pas le garder. Néen 2013 àMarseille, cedernier a immédiatement été confié à ses

« parents adoptifs ». Ce n’est qu’après l’arrestation en septembre2013 de deux des organisateurs de ce trafic d’enfants que le couple a été placé sous contrôle judiciaire. L’enfant leur a été retiré et placé auprès de l’Aide sociale à l’enfance. « Mais l’enfant, qui était jusqu’alors vif et éveillé, a rapidement dépéri », a expliqué Me Depretz. A tel point que l’équipe de la pouponnière a craint pour son développement psychomoteur. En juillet, le juge a d’abord accepté que les « parents adoptifs » aient un droit de visite, puis, fin août, qu’ils récupèrent l’enfant dans le cadre d’un hébergement long. Ils vont effectuer une demande d’adoption. L’avocate s’est félicitée de la décision « qui pourrait faire jurisprudence et relancer le débat sur les mères porteuses ». Celle-ci intervient en plein débat sur la reconnaissance des enfants nés par gestation pour autrui (GPA) à l’étranger. La France a été condamnée, le 26 juin, par la Cour européenne des droits de l’homme, pour ne pas avoir transcrit à l’état civil les actes de naissance d’enfants nés

légalement à l’étranger par GPA. Des pressions s’exercent pour que le gouvernement fasse appel de cette décision et sanctionne plus sévèrement la GPA. Le cas du couple de Meurthe-etMoselle n’est cependant pas entièrement comparable : il s’agit une fraude à l’adoption. « Cela n’a aucun rapport avec une GPA, affirme la sociologue de la famille Irène Théry. On est dans le cas d’un abandon d’enfant. Cette femme aurait pu accoucher sous X et confier son enfant à l’adoption en passant par la voie réglementaire, justement faite pour éviter les trafics. Dans une GPA, la femme qui accouche n’a jamais voulu être la mère de l’enfant. »

Faute lourde Cependant, dans cette affaire, comme dans le cas des enfants nés par GPA à l’étranger, « l’intérêt de l’enfant » est mis en avant par les parents qui ont enfreint ou contourné la loi pour régulariser leur situation. La faute du couple de Meurthe-et-Moselle est particulièrement lourde, puisqu’il a pris

part à un trafic d’êtres humains. La GPA, si elle est interdite en France, est autorisée dans d’autres pays, ce quipermet aux enfantsd’avoir une filiation légale établie à l’étranger. « La décision du juge des enfants de Nancy est à la fois courageuse et risquée, commente Adeline Gouttenoire, professeure à la faculté de droit de Bordeaux et spécialiste de la protection de l’enfance. Le risque, c’est que d’autres couples soient encouragés à aller dans cette voie en se disant : “Une fois qu’on aura le bébé, le juge validera la situation aunom de l’intérêt de l’enfant.” Cet intérêt ne peut pas tout justifier non plus. » L’alternative aurait été la rupture totale du lien entre l’enfant victime du trafic et le couple qui l’a recueilli, puis l’adoption par un nouveau couple. « Mais quelle souffrance pour cet enfant ! poursuit Mme Gouttenoire. Le juge était dans un dilemme terrible et a certainement pris la moins mauvaise décision. » Reste à savoir si la justice ira jusqu’à prononcer l’adoption malgré l’existence d’une telle fraude. p Gaëlle Dupont


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Olivier Mantei double la mise

Le producteur, qui aime relever les défis, est à la tête de l’Opéra-Comique et des Bouffes du Nord Portrait

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ostume noir, chemise blanche, col ouvert, Olivier Mantei a l’art de se fondre dans la foule des concerts. Dans les sombres couloirs du Théâtre des Bouffes du Nord, comme sur l’escalier rutilant de l’Opéra-Comique, il vous tombe dessus sans crier gare et se met à l’écoute. Dans le livre instructif qu’il vient de publier sur son métier de producteur (Public/Privé. Nouvelles acceptions culturelles, Archimbaud EditeurRiveneuve Editions, 142 p., 15euros), il dit avoir appris la rhétorique du silence avec le metteur en scène Peter Brook. Olivier Mantei semblait prédisposé à l’attitude taciturne par ses ascendancescorses. « Il nes’agit pas du même silence », estime celui qui vient d’être nommé pour succéder à Jérôme Deschamps, en 2015, à la tête de la Salle Favart. «Je me méfie des prises de parole, dit-il, on peut être présent sans être bavard, concerné sans être devant. »

A l’Opéra-Comique, il préconise unnouveau mode de fonctionnement, fondé sur la notion de «troupe intermittente» A l’amorce de la saison 2014-2015, Olivier Mantei doit néanmoins se résoudre à « être devant ». Déjà, en parlant plus d’une heure devant un micro. La scène se passe à l’Opéra-Comique, mais elle aurait pu se dérouler aux BouffesduNordcar,à49ans,cepassionné de programmation est en poste dans les deux institutions. « Je n’ai pas cherché ce cumul, se défend-il, j’ai simplement voulu accompagner deux artistes dans des projets très différents. » Assister Jérôme Deschamps, depuis 2007, dans la relance de l’OpéraComique et concevoir, à la demande de Peter Brook, une offre musicale propre aux Bouffes du Nord. Sans opter pour une carte de visite particulière. Même pas celle de « joueur » ? « Dans le livre, j’ai utilisé ce mot, un peu par provocation, pour laisser entendre que la pratique sans prise de risques du métier

En juillet, à l’Opéra-Comique, à Paris. PATRICE NORMAND/TEMPS MACHINE POUR « LE MONDE »

de producteur conduisait inévitablement à un résultat conventionnel », reconnaît cet adepte d’une philosophie de la mise et du pari. Il en livre les préceptes : « Ne pas se couper de la réalité de l’artiste, mais ne pas jouer inconsidérément avec l’argent qu’on a et surtout avec celui qu’on n’a pas. » Ces paramètres, Olivier Mantei les a maîtrisés pour livrer deux tempsforts de l’année 2014 à l’Opéra-Comique: une nouvelleproduction d’Ali-Baba, de Charles Lecocq (1832-1918), et la création de Robert le Cochon, opéra pour enfants de Marc-Olivier Dupin (né en 1954). Le pari le plus risqué ? « Sans conteste l’exhumation d’un OpéraComique totalement oublié du XIXe siècle », répond Mantei. Qui rappelle l’identité de la Salle Favart : n’y ont pas été créées que des œuvres du niveau de Carmen, de Georges Bizet, ou de Pelléas et Mélisande, de Claude Debussy, mais aussi des ouvrages repris entre 1 500 et 2 000 fois tels que Le Domino noir (1837), de Daniel-Fran-

çois-Esprit Auber (1782-1871) – qu’il a l’intention de mettre à l’affiche. Tout en gardant les équipes de l’ère Deschamps, M. Mantei préconise un nouveau mode de fonctionnement, fondé sur la notion de « troupe intermittente » qui, selon lui, offre de nombreux avantages. Avoir à demeure des artistes sur un temps plus long permettra d’approfondir la dimension théâtrale, de multiplier les initiatives de médiation auprès du public et de proposer davantage de représentations. L’intermittence au sein d’une structure permanente, on reconnaît bien là Olivier Mantei. L’agence de production qu’il a fondée, en 1998, relevait d’un semblable paradoxe, bien résumé par son nom : Instant Pluriel. Depuis, ce modèle a connu de multiples applications en tenant toujours compte de la spécificité du lieu, autre credo de M. Mantei. Début juillet, le futur directeur du Comique a ainsi réuni sur le plateau les principaux artisans (compositeur, metteur en scè-

ne, coproducteurs) d’un opéra qui sera créé en 2017. « Où est situé le dernier siège ? Quelle est la visibilité ? Comment ça sonne ? » : autant de questions que les uns et les autres ont dû se poser avant même de commencer à travailler. Ques-

tions auxquelles on pourrait ajouter: « Comment y accéder depuis le métro ? » Sans rire, Olivier Mantei en atteste. Les trois visiteurs qu’il a reçus dans lajournée onteu du mal à trouver l’entrée… « J’aime assez l’idée d’être associé à un lieu qu’il

faut un peu chercher », confie celui qui, en 2013, a travaillé avec Pierre Lescure sur l’aménagement de l’île Séguin (Hauts-de-Seine). « Travailler avec des partenaires privés, le tandem Bouygues-TF1, et leur faire prendre conscience qu’un projet subventionné de qualité pouvait être aussi facteur d’image… » est un nouveau défi pour Olivier Mantei. Son équipe a gagné, mais lui va seretirer, cédant à un réflexe maintes fois observé. Instant Pluriel existe toujours, sans Olivier Mantei. La Fevis, syndicat qu’il a créé pour les ensembles intermittents, idem. Tout comme la Chambre philharmonique d’Emmanuel Krivine et les studios de la Verrière aujourd’hui occupés par le chœur Accentus de Laurence Equilbey. Les dispositifs perdurent, mais leur concepteur s’en est allé. Dernier exemple: La Belle Saison. « Un maximum de concerts sur un maximum de temps dans des salles idéalespourlamusiquede chambreréunies en réseau à travers toute la France. » Coup d’envoi en septembredecetteopérationoriginaledirigée par… Antoine Manceau. Le futur directeur de l’Opéra-Comique s’en tient donc à sa mission principale. «Sur les autres projets,je garderai un œil désintéressé et passionné. Désintéressé au sens financier, mais passionné parce que je les ai initiés. C’est la bonne formule. » Ainsi parlait Olivier Mantei. p Pierre Gervasoni

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Le quotidien d’un quotidien. Comme si vous y étiez.

Jazz à La Villette célèbre 1959, année symbolique

Huit concerts ont fait revivre des albums marquants parus à l’époque post bop pour aller vers sa part la plus free, qui viendra au milieu des années 1960) par rapport au texte original, une inspiration certes respectueuse mais qui dépasse le poids de l’œuvre pour affirmer sa présence aujourd’hui. Et, dans ces quatre programmes, des musiciens qui savent l’importance et le bonheur du swing. Jazz à La Villette proposait en outre un voyage vers la soul music. Plus en clin d’œil aux relations du jazz, du gospel et de la soul,qu’autour d’un disque spécifique. Le pianiste Eric Legnini évoquant avec beaucoup de talent Ray Charles, encore dans le jazz lorsque paraît son succès en 45-tours What’d I Say, et la chanteuse Robin McKelle de pleine voix dans le son de la compagnie Stax Records – qui prend son nom en 1961 –, rugueux, dans les racines blues. p

Intelligence musicienne Chez tous, une intelligence musicienne (Carter, par exemple, qui part du Coltrane de 1959, en train de s’affranchir des codes du

Jazz à La Villette. Cité de la musique, Grande Halle et Cabaret sauvage, 211, avenue Jean-Jaurès, Paris 19e. Tél. : 01-44-84-44-84. De 18 ¤ à 35 ¤. Jusqu’au 14 septembre. Jazzalavillette.com

Sylvain Siclier

UN FILM DE

YVES JEULAND

- PHOTOS : © FOLAMOUR

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maginez que le temps d’un week-end se succède sur scène Dave Brubeck, John Coltrane, Miles Davis, Horace Silver, Ornette Coleman, Charles Mingus venus jouer le répertoire de leurs albums parmi les plus connus. Et qu’à ces grands noms du jazz s’ajoutent ceux de vedettes de la soul, dont Ray Charles, Otis Redding, Sam & Dave… C’est à cette affiche fantasmée que conviait, les 6 et 7 septembre, le festival Jazz à La Villette lors d’un marathon rétrospectif millésimé 1959. Huit concerts successifs, quatre par jour, pour revivre cette année de créativité par la reprise, confiée à des musiciens actuels, de certains des albums les plus célèbres des artistes susmentionnés. La pop et le rock pratiquent régulièrement l’exercice. Avec des tribute bands, groupes-hommage, voire les stars elles-mêmes lors de tournées anniversaires, comme récemment les Who pour Quadrophenia ou Peter Gabriel pour So. Le public en attend que

l’album soit rejoué dans l’ordre et à la note près. Le jazz étant plus sujet à l’idée de réinterprétation permanente, ce parti pris n’a pas été celui des musiciens choisis par Jazz à La Villette. Avec quatre formidables réussites, quand l’esprit des albums a été de mise, non leur copie, l’énoncé lisible des thèmes, avec des arrangements pour des orchestres à l’instrumentation différente. Soit Time Out de Brubeck, par le pianiste Antoine Hervé, qui a mêlé conférence érudite, humour et concert, Giant Steps, de Coltrane, par le saxophoniste et flûtiste James Carter en trio avec orgue et batterie, Blowin the Blues Away, de Silver, par le trompettisteStéphane Belmondo, dans lafougue hard bop, et Mingus Ah Um, de Mingus, par le contrebassiste Henri Texier, dont le sextette a rappelé les éblouissements.

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AVEC DAVID REVAULT D’ALLONNES ARIANE CHEMIN ARNAUD LEPARMENTIER CAROLINE MONNOT DIDIER POURQUERY ÉRIK IZRAELEWICZ RAPHAËLLE BACQUÉ NABIL WAKIM THOMAS WIEDER FLORENCE AUBENAS UN FILM DE YVES JEULAND MONTAGE LIZI GELBER MUSIQUE ORIGINALE ÉRIC SLABIAK MIXAGE AMÉLIE CANINI ÉTALONNAGE ÉRIC SALLERON COPRODUCTEURS MARIE GENIN ET DAMIEN MAURA PRODUIT PAR FOLAMOUR DISTRIBUTION REZO FILMS VENTES INTERNATIONALES REZO WORLD SALES

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Mardi 9 septembre 2014

Jone San Martin, possédée corps et âme par William Forsythe La danseuse, complice du chorégraphe depuis vingt-deux ans, se produit au Festival d’automne Danse

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lle porte le tablier et la moustache. Parle haut perché en espagnol et va chercher son anglais à la cave. Entre les deux, elle surfe sans soutien-gorge, en débardeur rose et jogging noir Adidas, sur un français précis et ensoleillé. Mais qui est donc cette fille étrange, mi-sorcière, mi-girl next door ? La danseuse et chorégraphe espagnole mais « basque d’abord » Jone San Martin, complice de création depuis vingt-deux ans du chorégraphe William Forsythe. « L’archive vivante de Forsythe », comme se définit Jone San Martin, apporte « son grain de sable » au portrait hommage de cette figure de la chorégraphie, conçu par le Festival d’automne. Son spectacle Legitimo/Rezo, à l’affiche du Théâtre des Abbesses, imbrique une conférence dansée sur la fabrication du mouvement chez Forsythe et un mini-solo en démonstration libre. « Peut-être l’aboutissement de vingt ans de

Le mystère de la création, celui aussi de l’invention personnelle du danseur, persiste envers et contre tout travail, glisse Jone San Martin. Un pas à la fois vers l’extérieur et vers l’intérieur. » Une déclaration acidulée lorsqu’on sait que Forsythe, 64 ans, a annoncé, en mai, qu’il quittait la direction de sa troupe, la Forsythe Company, basée à Francfort. Le sourire et la bonne humeur de Jone San Martin, épaulée par le danseur américain Josh Johnson, évacuent toute nostalgie dans cette pièce qui ressemble à une conversation avec le public. Une surprise réjouissante tant ce pilier de la troupe de Forsythe ne sourit pas dans les spectacles généralement durs et secs du chorégraphe. Ce plaisir à partager, à faire comprendre, avec acharnement, la mécanique complexe d’écriture et d’improvisation de « Bill », comme l’appellent ses proches, fait rayonner la recherche quotidien-

Jone San Martin, interprète de « Legitimo/Rezo », de William Forsythe. JOSH JOHNSON

ne de l’interprète d’une générosité et d’une ardeur émouvantes. Le don de soi, pourtant jamais mis en avant par Jone San Martin, qui aime à dire que son travail avec Forsythe représente « la liberté et la création depuis vingt-deux ans » et que sa place est « au studio avec ses amis danseurs », claque aux yeux. Etre une « archive vivante » a tout d’un destin terrible et beau. Dès que Jone San Martin se met en mouvement, elle fait du Forsythe,

parle naturellement cette langue gestuelle cassée et déflagrante dont elle reconduit le vocabulaire dans de nouvelles phrases inventées à la seconde. Elle se dit « tatouée, imprimée » par cette écriture jusqu’à l’os. Elle est marquée au point que ses pieds se recroquevillent naturellement en dedans comme dans les pièces récentes, très torturées de Forsythe, que ses bras volent et se cabrent en tous sens avec une élégance sidérante.

Jone San Martin réussit le prodige de clarifier la méthode Forsythe sans pour autant lui régler son compte. Elle met à vue les rouages de ce « corps instable même si contrôlé, qui semble toujours se rattraper pour pouvoir se tenir » sans jamais résoudre l’équation de l’écriture. Le mystère de la création, celui aussi de l’invention personnelle du danseur très sollicité chez Forsythe, persiste envers et contre tout. Ponctuation de sa conférence dansée, son court solo, dont le chorégraphe a donné les grandes lignes, en témoigne. Ce qui prend parfois l’allure d’une danse de possession, tiraillée par de multiples désirs contradictoires, comme si l’interprète exécutait un geste en pensant à mille autres, livre aussi un autoportrait de Jone San Martin. Il est soufflé par une bande-son bizarre que seule la danseuse perçoit dans ses écouteurs. Il s’agit de l’enregistrement d’une émission de radio espagnole au cours de laquelle une femme est victime d’un canular et achète des yeux, sur laquelle Jone San Martin a longuement improvisé avant de finaliser le solo. Cette distorsion, typique par ailleurs de Forsythe, raconte aussi une partie de l’histoire secrète de Jone San Martin. Malentendante depuis l’âge de 32 ans, elle a aiguisé une technique d’attention particulière qui colle avec l’obsession de l’écoute de Forsythe. « Pour moi, Legitimo/Rezo est vraiment une façon d’établir une communication avec le public autour de ce que j’entends ou pas, précise-t-elle. Le public n’entend pas non plus, mais il perçoit la situation particulière dans laquelle je me trouve. En même temps, je lui envoie des sons qui parlent de ce que je n’entends pas. » Ce handicap, moteur de création et atout paradoxal, fait de Jone San Martin une antenne vibrante de l’écriture de Forsythe qui « travaille sur des malentendus en laissant un espace pour l’échec ». p Rosita Boisseau

Legitimo/Rezo, de William Forsythe, Jone San Martin et Josh Johnson. Festival d’automne, Le Centquatre, Paris 19e. 20 h 30. De 15 ¤ à 20 ¤. Tél. : 01-53-45-17-17. Du 2 au 8 octobre.

SÉLECTION CD Etienne Moulinié Meslanges pour la chapelle d’un prince Ensemble Correspondances, Sébastien Daucé (direction).

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Après MarcAntoine Charpentier, dont il a gravé deux disques (O Maria, chez Zig-Zag Territoires, puis Litanies de la Vierge chez Harmonia Mundi), l’ensemble Correspondances confirme qu’il est passé maître dans l’art de la musique sacrée française du XVIIe siècle. Ce nouvel opus consacré au « chef de musique » de Gaston de France (duc d’Orléans), Etienne Moulinié (1599-1676), est en effet de toute beauté, qui pratique la rigueur et l’ascèse avec un raffinement aussi lumineux qu’expressif, atteignant des sommets de spiritualité mêlée de volupté sonore. Si les pièces de Moulinié, tirées des Meslanges de sujets chretiens édités par Jacques de Senlecque, se font fort de « purifier la musique et la rendre toute chaste » (à l’image de sa dédicataire, Marguerite de Lorraine, duchesse d’Orléans), elles ont trouvé en Sébastien Daucé à la tête de ses Correspondances le

meilleur ambassadeur de cette ferveur emplie de beauté et de séduction. p Marie-Aude Roux

1 CD Harmonia Mundi.

John Coltrane Live at Temple University

Enregistré, le 11 novembre 1966, en public au Mitten Hall de la Temple University de Philadelphie (Pennsylvanie), ce concert du saxophoniste John Coltrane avec quatre percussionnistes, le saxophoniste Pharoah Sanders, Alice Coltrane au piano, Sonny Johnson à la contrebasse et Rashied Ali à la batterie n’était connu que par un enregistrement pirate très moyen. Le voici restauré à partir des bandes originales de la captation par la radio de l’université. Depuis le milieu de l’année 1965 – et bientôt la fin du quartet « classique » avec McCoy Tyner, Jimmy Garrison et Elvin Jones –, Coltrane est dans une période de recherche et d’expérimentation. Ce que fait entendre notamment ce concert. Mélodies des thèmes en jets d’esquisses, parties solistes éperdues sur un fond de percussions. Et Coltrane, dans cette période à son plus free, dans l’intention comme la technique bien au-delà de ses compagnons. p Sylvain Siclier 2 CD Resonance Records-ImpulseVerve/Universal Music.

A la Mostra, un palmarès convenu pour une sélection en mode mineur Le festival vénitien a couronné la fantaisie absurde du Suédois Roy Andersson Cinéma Venise Envoyée spéciale

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n décernant, le samedi 6 septembre, le Lion d’or à A Pigeon Sat on a Branch Reflecting on Existence, de Roy Andersson (« Un pigeon s’assit sur une branche pour réfléchir à l’existence »), et le prix du meilleur réalisateur à Andreï Kontchalovski pour The Postman’s White Nights (Les Nuits blanches du postier), le jury présidé par le compositeur Alexandre Desplat a primé à Venise un cinéma de la maîtrise. Auteurs d’œuvres qui leur ont valu par le passé les honneurs des festivals et de la critique, le Suédois Anderssonetle RusseKontchalovski ont présenté, à cette 71e Mostra, des films plastiquement impressionnants, mais dont les scénarios, sans véritable tension, ne traduisaientpas la moindrenécessité, pas la moindre inscription ni dans le présentnimêmedansquelquechose de plus intime qui relèverait d’une vision personnelle. Récompensé par le prix spécial du jury, Sivas, premier film du Turc Kaan Müjdeci, relève de la même catégorie, à ceci près que l’auteur n’a pas encore une œuvre derrière lui. Aux échelons intermédiaires du palmarès, le jury a privilégié les sujets sur la forme. Prix du scénario, Ghesse-ha (Tales), de Rakhshan Banietemad, se présente comme une errance dans les rues de Téhéran, qui tisse en pointillé un portrait de la société iranienne d’aujourd’hui. La réalisatricela met en scène en collant aux canons du cinéma de Jafar Panahi et de Abbas Kiarostami, mais sans jamais approcher la rigueur formelle de ses maîtres. En gratifiant le jeune Romain Paul du prix Marcello-Mastroianni de la révélation masculine, le jury a mis un coup de projecteur sur Le Dernier Coup de marteau, deuxième long-métrage de la Française Alix Delaporte (la réalisatrice d’Angèle et Tony), qui relate sur un mode naturaliste, dégoulinant de bons sentiments, mais cadré par un scénario très scolaire, l’histoire

d’un garçon qui vit avec sa mère, atteinte d’un cancer, dans une caravane, et qui voit arriver son père, un chef d’orchestre, qu’il n’a jamais connu. Deuxième volet du travail du documentariste américain Joshua Oppenheimer sur les massacres des sympathisants communistes par l’armée indonésienne en 1965, The Look of Silence est par la force des choses un film « à sujet », bien que sa mise en scène, sobre et intelligente, soit absolument irréprochable. En lui remettant le grand prixdujury,TimRothaprislaparole pour évoquer, d’un ton exalté, l’expérience unique que constitue selon lui la vision de ce film, en la comparant avec le fait de voir naître son enfant…

Un cru faible Et puis il y a eu le doublé Adam DriveretAlbaRohrwacher,respectivement prix d’interprétation masculine et féminine pour Hungry Hearts, film italien tourné à New York par Saverio Costanzo. Ces prix sont les seuls à distinguer un cinéma en quête d’une forme d’expression un peu nouvelle, un peu contemporaine. Le niveau de la compétition était certes faible, et le palmarès a au moins eu le mérite d’ignorer ses plus indignes représentants. Mais on regrette qu’il n’ait pas intégré des films comme Hill of Freedom, délicate variation sentimentale du Coréen Hong Sang-soo dont la légèreté, la drôlerie,lesuspenseontravi, ouleformidable Olive Kitteridge, mini-série de quatre heures produite pour la chaîne HBO. L’avenirdirasi la faiblessedu cru vénitien témoigne d’un recul de la Mostradanslagéopolitiquefestivalière.Le jury avait en tout casla possibilité de défendre d’autres options, de raconter une autre histoire. En occultant totalement le Pasolini, d’Abel Ferrara, le Leopardi, de Mario Martone, les Trois Cœurs, de Benoît Jacquot, La Rançon de la gloire, de Xavier Beauvois, 99 Homes, de Ramin Bahrani, il a tourné le dos à la frange la plus romanesque, la plus vibrante, la plus habitée de la compétition. p Isabelle Regnier

Le palmarès de la Mostra Lion d’or du meilleur film : A Pigeon Sat on a Branch Reflecting on Existence, de Roy Andersson (Suède).

Coupe Volpi de la meilleure interprétation masculine : Adam Driver pour Hungry Hearts, de Saverio Costanzo.

Lion d’argent de la meilleure mise en scène : Andrei Kontchalovski pour The Postman’s White Nights (Russie).

Coupe Volpi de la meilleure interprétation féminine : Alba Rohrwacher pour Hungry Hearts, de Saverio Costanzo.

Grand Prix du jury : The Look of Silence, documentaire de Joshua Oppenheimer (Danemark, Indonésie).

Prix du meilleur scénario : Rakhshan Bani-Etemad et Farid Mostafavi pour Tales (Iran).

Prix spécial du jury : Sivas, de Kaan Mujdeci (Turquie).

Prix Marcello Mastroianni à un jeune acteur : Romain Paul dans Le Dernier Coup de marteau, d’Alix Delaporte.

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L’Américain Tyler Hicks récompensé à Visa pour l’image

C’est le photographe Tyler Hicks, employé au New York Times, qui a reçu, samedi 6 septembre, le Visa d’or « News » au festival Visa pour l’image de Perpignan, pour son travail sur le massacre au Centre commercial Westgate de Nairobi, au Kenya, en septembre 2013. Le photographe, qui réside sur place et se trouvait dans les parages au moment de l’attaque, avait pu couvrir l’intervention de la police et l’évacuation des civils pris pour cible alors qu’ils faisaient leurs courses. Parmi les autres lauréats, le Français Guillaume Herbaut (agence Institute) reçoit le Visa d’or magazine pour son travail de longue haleine sur l’Ukraine, le Visa d’or de la presse quotidienne est revenu au Helsingin Sanomat (Finlande) pour le travail de Meeri Koutaniemi sur les mutilations génitales féminines au Kenya, le prix Rémi Ochlik est allé à Maxim Dondyuk et un visa d’honneur a été attribué au photographe Eugene Richards. p


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prêt-à-porter new york | printemps-été-2015

Opening Ceremony fait une scène TROP de branché peut-il tuer le branché ? C’est la question que l’on se pose à la présentation de la collection Opening Ceremony, label new-yorkais ultrapointu dont les deux créateurs officient également chez Kenzo, à Paris. Carol Lim et Humberto Leon ont d’abord conçu Opening Ceremony comme une boutique multimarques avant de dessiner leurs propres collections. Ils ont donc un point de vue réaliste sur la mode et une vraie expertise pour concevoir des « produits » séduisants. Pourquoi, alors, présenter leurs créations dans des mises en scène alambiquées ? On pourrait croire qu’ils nourrissent une sorte de complexe, qu’ils voient leur pragmatisme comme un fardeau.

Ci-contre : Lacoste. JOSHUA LOTT/AFP Ci-dessous : Coach. DR A droite : Alexander Wang.

Cascade de chocolat Après une course de voiture, une cascade de chocolat, ils ont choisi pour leur dernière présentation une mini-pièce de théâtre coécrite par Spike Jonze et l’acteur Jonah Hill et mettant en scène – entre autres – la délicieuse Elle Fanning. Voilà pour les bonnes nouvelles. Les moins bonnes ? Le public est soumis à trente minutes de pantomime façon « Zoolander chez les hipsters » (les branchés ironiques et irritants qui ont envahi Brooklyn). Mannequins bécasses, stylistes hystériques, vacuité abyssale : bienvenue dans les coulisses de la jungle mode new-yorkaise. A force de second degré, le spectacle tourne à la blague d’initiés lassante ; elle relègue de surcroît les vêtements au second plan. Dommage. Ces pièces graphiques aux effets sportswear abstraits, relevés d’imprimés pop, sont intéressantes, même si le style évolue peu. L’aspiration au cool est trop près du snobisme pour être véritablement fédératrice. Il ne faut pas oublier que, derrière la dramaturgie de la mode, il y a un art appliqué. p

JOHN MINCHILLO/apr.

C. Bi.

New York, unités spéciales (et internationales) Manhattan accueille des stylistes qui nourrissent leurs créations du creuset multiculturel américain New York Envoyée spéciale

A

New York, l’été est déjà chaud : la ville transpire sous une vague de chaleur qui a pour seul avantage d’être raccord avec les collections estivales. Mais les enjeux de ces présentations sont ailleurs. L’explosion de la mode new-yorkaise ne remonte véritablement qu’au début des années 2000 et il lui faut maintenant dépasser ce statut de « fashion week adolescente ». Pour cela, les marques qui défilent ici peuvent s’appuyer sur les points forts de la ville : un sens de l’entreprise indéfectible et une richesse multiculturelle profondément enracinée dans ce pôle historique d’immigration, où l’on parle des centaines de langues. Si la scène mode ne reflète pas exactement la géographie dite « ethnique » de la ville, elle témoigne de la richesse des échanges à l’œuvre ; des mélanges d’autant plus pertinents qu’ils sont au diapason d’un marché global, d’une clientèle informée et voyageuse. La création moderne est une sorte de langage universel, qui n’a rien de caricatural, mais reflète l’expé-

rience des créateurs dans ce monde tout petit et pluriel à la fois. Dans ce contexte, la trajectoire d’Alexander Wang est exemplaire. Ce Californien, dont les parents sont originaires de Taïwan, a lancé sa griffe en 2005, il signe depuis 2012 les collections parisiennes de Balenciaga et, en novembre, il lancera une collection pour H&M. Son vestiaire d’été montre qu’il est en bonne voie pour relever un défi crucial : prouver sa capacité à évoluer et à durer. Sophistiquée, sexy, chic et piquante, elle illustre aussi, peut-être de manière inconsciente, l’influence de Balenciaga et des constructions ultramodernes qui ont bâti la légende de la maison. Ses pantalons taille haute se portent avec des hauts aux découpes et drapés savants ou des polos marquetés de couleurs abstraites. Ses chemises et bermudas en cuir perforé façon uniforme sportif croisent des minirobes, patchworks de cuir luisant, maille résille et soie finement plissée. D’instinct, le styliste trouveun équilibre entre l’influence historique de la couture européenne et son goût naturel du sportswear. Le sportswear est aussi dans

l’ADN de la marque française Lacoste. Né au Portugal,son styliste Felipe Oliveira Baptista a étudié à Londres et vit à Paris. Fort de cette culture composite, il construit avec grâce une ligne architecturée, sportive, sexy, cool. S’inspirant de bateaux dessinés par la griffe dans les années 1980, le créateur évite les clichés marins éculés. Les minirobes, mi-polos mi-maillots sportifs, croisent les maxi-coupe-vent zippés extralégers, les minijupes sanglées se portent avec des maxisweat-shirts à capuche ou un blousonNylonaccroché àla taille. Résultat : une collection intelligente et soluble dans toutes les cultures. Chez Coach, maroquinier américain longtemps confiné au registre néoclassique, l’Anglais Stuart Vevers est en train de modeler une identité plus jeune, imprégnée de cet humour british au charme universel. Cocktails de teintes sorbets, manteaux à poils longs et microjupes, blousons de cuir et tee-shirts animés des petits monstres déjantés de l’artiste américain Gary Baseman : tout est frais et bien vu. En bon enfant des années 1990, le styliste cite d’ailleurs des inspirations au « style appeal » fédérateur : la Velma de « Scoubidou » et

Patricia Arquette période True Romance. Joseph Altuzarra est né à Paris, mais c’est à New York qu’il a installé sa marque du même nom. Ses jupes crayons fendues, avec chemise déboutonnée assortie et pull fin en option, incarne une idée séduisante de la Française sexy. Les robes du soir aux volumes flous penchent davantage du côté de l’Américaine qui s’habille

En s’appuyant sur sa culture personnelle en phase avec la rue, Shayne Oliver est en train de creuser une voie, excentrique et sauvage, dans la mode américaine beaucoup pour sortir, mais elles sont moins convaincantes. Peutêtre est-ce un indice : il ne faut pas forcer sa nature créative. Chez Versus, le Belge Anthony Vaccarello sait écouter son instinct. Le créateur connu à Paris pour ses silhouettes graphiques

signe désormais la seconde ligne de la griffe italienne Versace. Présentée à New York, cadre plus moderne que Milan, la collection évite la surenchère grâce à une palette monochrome et au sens de la coupe du créateur. Pantalon tailleur et veste à carrure impeccable, minirobe suturée de clous dorés, imprimés à l’antique et tailleur minijupe à taille de guêpe : le vestiaire reste très sexy, mais trouve un équilibre efficace et international. Thakoon, styliste américain d’origine thaïlandaise, a fait du mélange des styles et des influences une marque de fabrique. Ses imprimés tropicaux structurés de plissés soleil, rehaussés de broderies de perles et de raphia, ne révèlent aucune faute de goût. Mais il manque le petit décalage qui donnerait à l’ensemble une saveur plus corsée. Même constat chez Diane von Fürstenberg. Incarnation d’un glamour cosmopolite, la créatrice d’origine belge défend une féminité luxueuse, un fantasme d’Américaine jet-set qui s’évaderait vers la Côte d’Azur. Robes bain de soleil à bustier drapé, carreaux vichy et fleurs rétro, silhouettes nimbées

de mousseline virevoltante, composent un vestiaire dont le patchwork d’influences manque de second degré. Le lâcher-prise est plutôt l’arme de Shayne Oliver, styliste du label Hood by Air, qui a décroché un prix spécial lors de la première édition du LVMH Prize. Ce jeune New-Yorkais est un des rares créateurs afro-américains présents sur les podiums et sa mode tient de la grenade dégoupillée. Mélanges des genres, influences hip-hop et punk, mix énervé de zips, sangles, cuir et denim, le garçon a mille idées à la minute. Certaines sont déroutantes, beaucoup sont bonnes et « HBA » est déjà un monogramme fédérateur chez les jeunes urbains branchés. En s’appuyant sur sa culture personnelle en phase avec la rue, Shayne Oliver est en train de creuser une voie, excentrique et sauvage, dans la mode américaine. Et c’est grâce à ces nouvelles nuances modernes, pointues et fédératrices à la fois, que cette mode peut gagner en diversité et en densité pour assurer son avenir. p Carine Bizet


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Mardi 9 septembre 2014

Un choc nippo-croate inédit à l’US Open

Le Japonais Kei Nishikori et le Croate Marin Cilic s’affrontent, lundi 8 septembre, en finale du Grand Chelem Tennis

Open. La réaction de la vieille garde ne s’était pas fait attendre : le Majorquin avait remporté son neuvième Roland-Garros face à Djokovic, lequel s’était vengé sur Federer à Wimbledon. Sur l’ocre parisienne et le gazon londonien (où aucun joueur extérieur au « Big Four » ne s’est imposé depuis Hewitt en 2002), l’hégémonie des cadors n’est pas encore menacée. Il n’en va pas de même sursurface dure, la seule ayant toléré des exceptions à la domination, Safin en2005 etWawrinkapour l’Australie, l’Argentin Juan Martin Del Potro en 2009 et le vainqueur de

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n indice pour prendre la mesure de la révolution que constitue l’affiche de la finale masculine de l’US Open 2014 : le béotien risque fort de ne connaître aucun des deux protagonistes, qu’il s’agisse du Japonais Kei Nishikori, pourtant 11e au classement ATP, ou du Croate Marin Cilic, 16e. On ne peut moquer cette ignorance. L’expérience a enseigné à tous qu’à la fin, on retrouve toujours les mêmes, la bande des quatre formée par Novak Djokovic, Rafael Nadal, Roger Federer et Andy Murray. Mais, lundi 8 septembre, pour la première fois depuis 2005, aucun membre du carré infernal ne participe à l’apothéose d’un tournoi de Grand Chelem. Un cycle est rompu : après l’Open d’Australie alors remporté par le Russe Marat Safin aux dépens de l’Australien Lleyton Hewitt s’enchainèrent 38 finales à Melbourne, Paris, Londres ou New York avec au moins un – plutôt deux – des quatre as sur le court. Pour en arriver là, les contemporains Nishikori et Cilic (24 et 25ans) ont noué une alliance objective contre les sortants. C’est à une journée de putsch que les spectateurs du stade Arthur-Ashe ont été conviés samedi 6 septembre. Vainqueur en 2011 et finaliste des quatre précédentes éditions, le numéro un mondial, le Serbe Novak Djokovic, a été réduit à l’impuissance et poussé à la faute par Nishikori (6-4, 1-6, 7-6, 6-3). Le Nippon (établi en Floride depuis ses 14 ans) n’a pas été impressionné pour sa première demi-finale de Grand Chelem, ni affaibli par les 8 heures et demie de combat qui lui furent imposées auparavant pour écarter le Suisse Stanislas Wawrinka et le Canadien Milos Raonic, et pas plus gêné par l’étuve à 35 ˚C. En passe de devenir la plus grande star sportive de son pays, un statut qui fait veiller ses admirateurs jusqu’à l’aube, Nishikori a rendezvous avec l’Histoire : premier Japonais à disputer une finale de Grand Chelem,ilpeutêtrelepremierAsiatique à inscrire son nom au glo-

Cette affiche étonnante avec deux joueurs censés incarner la relève nourrit forcément les spéculations sur un proche changementde règne

Le Japonais Kei Nishikori, vainqueur du Serbe Novak Djokovic en demi-finale de l’US Open, samedi 6 septembre, à New York. JULIO CORTEZ/AP PHOTO

rieux palmarès, la Chinoise Li Na demeurant pionnière continentale grâce à sa victoire à Roland-Garros en 2011. Les superstitieux verront dansl’identitédu coachde Nishiko-

ri un signe infaillible puisqu’il s’agit de l’Américain Michael Chang, premier joueur d’origine asiatique à s’être imposé en Grand Chelem, porte d’Auteuil en 1989.

Serena Williams rejoint Evert et Navratilova La no1 mondiale Serena Williams a ajouté un 18e titre du Grand Chelem à son palmarès en remportant la finale de l’US Open, dimanche 7 septembre. L’Américaine a dominé la Danoise Caroline Wozniacki en deux manches (6-3, 6-3) et 1 h 15 de match. Avec ce nouveau titre, Serena Williams égale ses compatriotes Chris Evert et Martina Navratilo-

va. Seule, depuis le début de l’ère Open en 1968, l’Allemande Steffi Graf a un palmarès mieux garni avec 22 titres en Grand Chelem. « J’étais nerveuse durant cette finale, car il y avait tant de choses en jeu, surtout ce 18e titre que j’attendais depuis si longtemps », a déclaré la joueuse qui a reçu une prime record de 4 millions de dollars.

Encore soufflés par le tsunami Nishikori, les New-Yorkais ont, dans la foulée, été pétrifiés par la déroute de leur chouchou, le vétéran helvète Roger Federer, dépassé par les événements face à Marin Cilic. En trois manches (6-3, 6-4, 6-4), ponctuées de 13 aces et 43 coups gagnants, le Croate, en apesanteur, a surclassé le quintuple vainqueur de la compétition. « Du premier au dernier point, j’ai sans aucun doute pratiqué le meilleur tennis de ma vie », en a-t-il conclu. Les partisans de Cilic relèveront à leur tour que son entraîneur se nomme Goran Ivanisevic, premier et à ce jour ultime Croate à avoir triomphé dans un tournoi

La France enchaîne les victoires au pays du volley Cracovie (Pologne) Envoyé spécial

S

i seulement les Mondiaux ou les Jeux olympiques pouvaient tout le temps avoir lieu en Pologne… » Nombreux sont les passionnés de volley-ball à partager l’enthousiasme de Laurent Tillie, sélectionneur de l’équipe de France. Après une semaine de compétition et alors que le premier tour vient de s’achever, ces 18es championnats du monde masculins ont déjà un grand mérite : prouver que le volley – sport mineur en France – peut enthousiasmer les foules. Ici, ce sport a valeur de discipline nationale. Dimanche 7 septembre à Cracovie, 10 000 spectateurs ont assisté à la quatrième victoire de la France en cinq matchs face à laBelgique (3-2). La veille, une assistance encore plus nombreuse applaudissait l’exploit des Bleus face aux Etats-Unis (3-1) : 14 000 spectateurs, soit l’affluence maximale dans la Krakow Arena, une enceinte flambant neuve. « Il est toujours agréable d’évoluer dans un pays où l’on a l’impression de jouer devant un vrai public », confirme le sélectionneur actuel de la Pologne, Stéphane Antiga… un Français de 38 ans qui jouait encore l’an passé dans le

club local de Belchatow. Qualifiés pour le deuxième tour, les Français appréhenderont désormais la ferveur du public de Lodz (13 000 places) et de Bydgoszcz (8 500), du mercredi 10 au dimanche 14 septembre. Ils affronteront l’Argentine, l’Australie, la Serbie et surtout le pays hôte, grand favori pour une place en finale, dimanche 21 septembre. En perspective, un boucan de tous les diables… «Hormis au Brésil et peut-être en Iran, la passion des Polonais pour le volley n’est comparable à aucun autre pays », estime Philippe Blain, ancien entraîneur des Bleus, venu rejoindre Stéphane Antiga en tant qu’adjoint. En Pologne, la passion pour le volley est relativement récente. Elle repose principalement sur les récentes performances des Bialo-Czerwoni (Blanc et Rouge). « Les Polonais ont faim de victoires,expliqueleréceptionneurattaquant Mateusz Mika, du haut de ses 2,06 m. A part notre équipe de volley-ball et de saut à ski, il n’y a pas de sports capables d’apporter beaucoup de succès au pays. » Classée 5e nation mondiale, la Pologne brilledepuis quelquesannées aussi bien chez les hommes (vice-champions du monde 2006 et champions d’Europe 2009) que chez les femmes (championnes d’Europe 2003 et 2005). «Maislefootballresteratoujours le sport n˚1 », estime le légendaire

Zbigniew Boniek, président de la Fédération polonaise de football, qui dit compter sur une base de 700000 licenciés.S’ilrestelesportroi, lefoot déçoit surle plan desperformances. Classés 61e à l’indice de la Fédération internationale (FIFA), les footballeurs polonais ne se sont pas qualifiés pour le Mondial brésilien. Le football local traine aussi derrière lui une réputation sulfureuse, à cause de ses « kibole », ces groupes de hooligans violents qui gangrènent les enceintes polonaises chaque week-end.

«A part notre équipe, il n’y a pas de sports capables d’apporter beaucoup de succès au pays » Mateusz Mika attaquant polonais

Avec un réservoir d’environ 300000licenciés,levolley,deuxième sport national, rassemble au contraire un public familial et chaleureux. Il suffit d’arpenter les travées du Krakow Arena pour s’en convaincre. « Ici, on peut venir sans crainteenfamille», commenteBeataDrej,uneinstitutrice venueassister au match avec sa fille. Point de « kibole » donc, mais des supporteurs parés de rouge et

Bruno Lesprit

FOOTBALL

Les Bleus se qualifient pour le deuxième tour des championnats du monde, en Pologne Volley

majeur, à Wimbledon en 2001. Peut-être un autre présage. Cette affiche étonnante, avec deux joueurs censés incarner la relève, nourrit forcément les spéculations sur un proche changement de règne. Une nouvelle « ère Open » s’ouvrirait non pour qualifier, comme en 1969, la professionnalisation du circuit, mais pour indiquer l’accession de nouveaux entrants au palmarès, après une décennie de quasi-confiscation par une ligue fermée de tennismen extraordinaires. Pareille hypothèse avait déjà été formulée en janvier après la victoire en Australie de Wawrinka face à un Nadal diminué – et forfait pour cet US

lundi pour l’US Open. Cette rareté a donc autorisé Federer à commenter sa défaite avec philosophie et un brin de perfidie : « C’est excitant de voir [en finale] de nouveaux visages de temps en temps. » Spécialistes du Plexicushion australien (où, avant la finale, ils avaient réalisé leur meilleure performance, tous deux battus par Murray) et du Decoturf new-yorkais, Nishikori et Cilicdevront étoffer et diversifier leur jeu s’ils veulent bouleverser durablement la hiérarchie. Ils ne luttent pourtant pas avec les mêmes armes. Issu d’un peuple de géants, Marin Cilic, du haut de son 1,98 m, s’appuie sur un service – plutôt un sévice – franchissant allègrement les 200 km/h pour punir l’opposant, un échange très agressif et à risques. C’est un adepte de la guerreéclair. Le marathonien Nishikori compense lui son gabarit (20 cm de moins) par sa vivacité, une résistance à toute épreuve et un retour redoutable. Le temps est son allié pour entrer dans la postérité. p

blanc, prêts à hurler l’hymne national a cappella le moment venu. Signatures d’autographes, mascotte grimée en aigle, « Polska, Polska » scandés à chaque pause… tout est bon, durant ce Mondial, pour exalter la fibre patriotique des 38 millions de Polonais. A Wroclaw, dans l’ouest du pays, les Bialo-Czerwoni ont remporté quatre de leurs cinq matchs de poule à guichets fermés devant plus de 7 000 supporteurs. Mieux : le tout premier d’entre eux, une victoire inaugurale contre la Serbie, s’est même déroulé dans la capitale, à Varsovie, devant une foule de 62 000 passionnés. Le stade national n’avait plus connu pareils frissons depuis l’Euro 2012 de football. Signedecette passion,5 millions de téléspectateurs ont suivi la rencontre sur la chaîne nationale Polsat, qui diffuse depuis quinze ans la plupart des matchs du championnat domestique. Un surcroît de médiatisationquiafavorisél’émergence de sponsors tels que la compagnie de téléphone Plus, ou encore la société de raffinage Orlen. « Le volley fait réellement partie du quotidien des Polonais. Quand tu vas prendre de l’essence, il y a les autocollants des joueurs collés sur les pompes… », admire Philippe Blain, envieux d’un pays qui élève ses volleyeurs au rang de stars. p Adrien Pécout

Les Bleus signent un nul en Serbie L’équipe de France de football a fait match nul contre la Serbie (1-1) en match amical, dimanche 7 septembre à Belgrade, trois jours après un succès de prestige contre l’Espagne (1-0). Dès la 14e minute, Paul Pogba a ouvert le score au second poteau après un corner tiré par Rémy Cabella. Les Serbes, qui n’ont plus participé à une phase finale depuis le Mondial 2010, ont peiné pour se procurer de franches occasions de buts. Mais à la 80e, le gardien français Hugo Lloris n’a rien pu faire sur une frappe puissante du gauche d’Aleksandar Kolarov après un coup franc indirect aux 25 mètres (1-1). Le sélectionneur de l’équipe de France Didier Deschamps a procédé à sept changements par rapport aux vainqueurs de la Roja, jeudi 4 septembre, au Stade de France avec les titularisations de Bacary Sagna, Jérémy Mathieu, Lucas Digne, Yohan Cabaye, Morgan Schneiderlin, Loïc Rémy et Rémy Cabella. Le prochain match des Bleus est programmé samedi 11 octobre contre le Portugal au Stade de France. p

Formule 1 Lewis Hamilton s’impose en Italie

Le Britannique Lewis Hamilton a renoué avec la victoire, dimanche 7 septembre au Grand Prix d’Italie de formule 1, et l’écurie Mercedes-AMG aussi, après deux victoires consécutives de Daniel Ricciardo (Red Bull) en Hongrie et en Belgique. Les moteurs allemands ont fait la loi sur le vieil autodrome de Monza. Les deux Williams de Felipe Massa et Valtteri Bottas ont terminé 3e et 4e, derrière les deux Mercedes d’Hamilton et de son coéquipier allemand Nico Rosberg. Cette victoire permet à Lewis Hamilton de revenir à 22 points de Rosberg au championnat du monde, alors qu’il reste six manches à disputer.

Equitation Patrice Delaveau s’empare de l’argent du saut d’obstacles aux Jeux équestres mondiaux

Le Français Patrice Delaveau a remporté la médaille d’argent du saut d’obstacles des Jeux équestres mondiaux, dimanche 7 septembre, au stade d’Ornano à Caen. Le Néerlandais Jeroen Dubbeldam, auteur de quatre sans faute, a remporté l’épreuve.

Cyclisme Contador survole le Tour d’Espagne

Le Polonais Przemyslaw Niemiec (Lampre) s’est adjugé, dimanche 7 septembre, la 15e étape du Tour d’Espagne, au terme d’une ascension finale qui a vu l’Espagnol Alberto Contador conserver son maillot rouge de leader.


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disparitions & carnet

Mardi 9 septembre 2014

Comédienne

Michèle Guigon

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En 2010. VICTOR TONELLI/ARTCOMART

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ujourd’hui, on aimerait entendre un air d’accordéon le long du canal SaintMartin, où, depuis de nombreuses années, vivait Michèle Guigon. Mais il n’y en aura pas. Sauf dans le souvenir ou les poussières d’étoiles que la comédienne rêvait de rejoindre à sa mort : elle qui jouait si bien de l’instrument à bretelles est décédée dans la nuit du 3 au 4 septembre des suites d’un cancer. Elle avait 55 ans.

1er juin 1959 Naissance à Belfort 1979 « Les Oubliettes », de Jérôme Deschamps 1984 Crée « Marguerite Paradis », au Festival d’Avignon 2009 « La vie va où ? » 4 septembre 2014 Mort à Paris

Cette femme formidable liait l’art à la vie. Le grand public a pu le mesurer en écoutant ses chroniques sur France Inter, où elle avait rejoint l’équipe d’« On va tous y passer », en septembre 2012. L’une de ces chroniques était adressée à Jérôme Deschamps, l’invité du jour. Michèle Guigon avait rappelé à quel point il avait été important dans sa vie. C’était au milieu des années 1970, le metteur en scène venait de créer La Famille Deschiens, le premier d’une belle série de spectacles qui allaient introduire un joyeux ramdam sur les plateaux, en montrant, sans un mot, la vie en ses multiples petits cafouillages. Ce qui avait intéressé Jérôme Deschamps, chez Michèle Guigon, c’était sa présence, toujours un peu à côté, et sa façon de jouer de l’accordéon, l’air de rien, comme si ça allait de soi. Seuls ceux qui ont longuement pratiqué un instrument peuvent avoir cette aisance. C’était le cas pour Michèle Guigon, qui avait commencé dès l’enfance, poussée par un père amoureux de la musique. Longtemps, comme l’instrument était trop lourd à porter, elle le trimbalait dans un Caddie. Elle était drôle quand elle en parlait, avec cette pointe d’accent franc-comtois qui ne l’a jamais quittée. Née en 1959 à Belfort, où elle s’est rodée en pratiquant le théâtre amateur et le cabaret, Michèle Guigon est ensuite venue à Paris pour se former dans le cours de JeanLouis Martin-Barbaz et à l’école du Théâtre des Quartiers-d’Ivry, dirigé par Antoine Vitez. C’est alors qu’elle rencontre Jérôme Deschamps, en 1978. Elle travaillera avec lui jusqu’en 1985, et l’on sourit de bonheur rien qu’à se remémorer les titres des spectacles dans lesquels elle a joué : Les

La famille Le Rohellec

Paris.

Oubliettes, Précipitations, Les Petites Chemises de nuit, En avant, Les Blouses, La Veillée. C’était un temps où l’on pouvait se moquer des travers des gens sans que les affolés de la morale grimpent au plafond. Un temps où l’on voyait d’antiques poussettes transformées en barbecues, des Mobylettes tout aussi antiques qui pétaradaient en vain, des hommes et des femmes attifés comme l’as de pique, qui auraient bien voulu faire quelque chose et n’arrivaientà rien,même pas à parler, mais qui montraient comme on peut rêver avec trois fois rien, et n’hésitaient pas, alors que l’Assemblée nationale était investie par des députés de gauche barbus, à mettre des barbus sur scène pour nous raconter une inénarrable veillée organisée par des animateurs sociaux. Heureux temps que celui-là, où Michèle Guigon est souvent venue sur scène avec son accordéon. Plus tard, elle dira que Jérôme Deschamps lui a appris, à elle qui était comme une pile, à ne rien faire et à attendre. Une leçon essentielle, comme le fut le parcours avec le metteur en scène.

L’expérience d’Avignon Mais il vint un jour où la fille de Belfort a senti qu’il lui fallait passer à autre chose. Et, en particulier, à introduire des mots dans sa vie de scène. Elle a alors commencé à bricoler de petits spectacles, des « quarts d’heure », qui furent remarqués par Alain Crombecque, le directeur du Festival d’Avignon. Lequel a invité Michèle Guigon à créer un « grand » spectacle. Ce fut Marguerite Paradis, en 1984, puis il y eut, en 1985, Etats d’amour, toujours à Avignon. Ainsi a commencé une nouvelle vie, sous l’égide de la Compagnie du P’tit Matin, que Michèle Guigon a créée avec ses amis, Anne Artigau et Yves Robin. Mais voilà, la vie a lancé une pique fatale à Michèle Guigon quand s’est déclaré un cancer du sein, il y a plusieurs années. Pour se battre, elle a choisi son arme : la scène. En 2009, elle a rempli les salles avec La Vie va où ? : « J’ai pas fait médecine, j’ai fait malade », disaitelle dans le spectacle. L’humour, toujours. Mais aussi la tendresse, et ce sourire qui jamais ne fut altéré. Comme il était beau quand Michèle Guigon se demandait : « Pourquoi c’est quand il est vide que le cœur est plein ? » Aujourd’hui, notre cœur est plein de souvenirs. Et d’un air d’accordéon qu’on aimerait entendre, sur le canal Saint-Martin. Pour bercer les poussières d’étoiles. p Brigitte Salino

¯.%) '.%'T N0R.)3x'N.0 S …f ^X cV cV cV …f ^X cV cf a[ Xx)0T'-3,%vKNXN'TˆR) AU CARNET DU «MONDE»

Décès Françoise et Marc Jeanlin, Eric et Patricia Deléris, Catherine et Luc Laborderie, Hervé Deléris et Florence Pytlick, ses enfants Ainsi que ses petits-enfants et ses arrière-petits-enfants Et toute la famille, ont la tristesse de faire part du décès de

Yvonne BOULMER, survenu dans quatre-vingt-quatrozième année, le 1er septembre 2014. La cérémonie religieuse a été célébrée ce lundi 8 septembre, en l’église SainteOdile, sa paroisse, 2, avenue Stéphane Mallarmé, Paris 17e, où l’on s’est réunis à 14 h 30. M. et Mme Jeanlin, 14-16, rue de l’Orangerie, 77184 Emerainville. Le président Et les membres de l’Association presse musicale internationale, ont la tristesse de faire part du décès de

Thérèse et André Thomann, sa sœur et son beau-frère, Ses neveux et nièces et leurs enfants, ont la tristesse de faire part du décès de

Mme Marceline GABEL,

officier de la Légion d’honneur, survenu le 6 août 2014, à l’âge de quatre-vingt-six ans. L’inhumation a eu lieu dans l’intimité, le 11 août 2014. Un hommage lui sera rendu en l’église Saint-Lambert de Vaugirard, 2, rue Gerbert, Paris 15e, le 13 septembre, à partir de 10 heures. M. François Gayral, professeur à l’Université, membre de l’Académie nationale de chirurgie, son époux, Olivier et Julien Gayral, ses fils, Caroline Gayral, sa belle-fille, Esther, sa petite-fille, Pierre et Katia Ferrien, son frère et sa belle-sœur, Marie-José Gayral, sa sœur, Eric Ferrien, son frère, Alain Gayral, son beau-frère, Ses neveux et nièces, ont la douleur de faire part du rappel à Dieu de

Marie-Noël GAYRAL, née FERRIEN,

ancien interne, chef de clinique-assistant des Hôpitaux de Paris, docteur en histoire de l’art, le 3 septembre 2014. La cérémonie religieuse sera célébrée en l’église Saint-François-Xavier, Paris 7 e , le mercredi 10 septembre, à 10 heures. L’inhumation aura lieu dans l’intimité, au cimetière de Moissy-Cramayel (Seineet-Marne), à 14 h 30, le même jour. Ni fleurs ni couronnes, selon son souhait. Cet avis tient lieu de faire-part. Jean-Paul et François Gedigier, ses fils, Élie Gedigier, son petit-fils, Marie, Louis et Lucie Desplechin, Madeleine Enkaoua, Les familles Buhot, Céalac et Wieviorka,

Nicole DUAULT,

ont la tristesse de faire part du décès de

membre du bureau de l’assocation, journaliste et critique musicale,

Lydie GEDIGIER,

survenu le 31 août 2014. Samuel, Jérôme, Coralie, Charlotte, Céline, leurs conjoints et enfants, ont la tristesse de faire part du décès de leur père,

Michel FONTAYNE,

homme de théâtre, d’utopie, et de passion, survenu le 24 juillet 2014, à Paris, à l’âge de quatre-vingt-deux ans. Il a été inhumé dans l’intimité familiale auprès de son épouse, Sylvie BEIGBEDER FONTAYNE. Nous nous réunirons le samedi 20 septembre pour partager nos souvenirs et vous serez les bienvenus. famille@fontayne.fr

Armand FOUCAULT,

retraité du journal Le Monde, ancien typographe nous a quittés le 26 août 2014. Il a été inhumé au cimetière de Muzillac (Morbihan), entouré de son épouse, de ses enfants et de ses amis. Jeannine Foucault, son épouse, Thierry et Cécile, ses enfants.

née BUHOT, « Corail »,

survenu à Paris, le 3 septembre 2014, dans sa quatre-vingt-onzième année. Les obsèques auront lieu le jeudi 11 septembre, à 14 h 30, au crématorium du cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e.

a la peine de faire part du décès, à Saint-Malo, le 14 août 2014, de

Albert LE ROHELLEC,

né le 17 mai 1919, à l’Ile-aux-Moines (Morbihan), E.N.I. de Rennes, (1936-1939), instituteur, P.E.G.C., admissible à l’E.N.S.E.T. (Cachan), ancien E.O.R. de l’Ecole des chars, lieutenant de réserve de l’arme blindée-cavalerie, directeur de collège d’enseignement général, membre de l’Amicale laïque de Pleine-Fougères. Il méprisait les honneurs et l’argent, son meilleur salaire était la réussite de ses élèves. Il a rejoint sa femme, Germaine QUILGARS, 1918-2009, infirmière D.E., assistante sociale départementale. Ils étaient fiers d’être au service du public. L’inhumation a eu lieu à Saint-Malo, le 18 août. 19, rue de la Clarisse, 35400 Saint-Malo. Bruno et Irène Mabille, ses enfants, leur mère, Marianne Rey Lescure,

19

Mme Sarah Rambert, son épouse, Gérard Rambert, son fils, Maria Rambert, sa belle-fille, Katinka Rambert, Philippe Rambert, ses petits-enfants, Michelle Rodri, sa sœur, Le docteur et Mme Olivier Gotlib, son beau-frère et sa belle-sœur, Mme Amelia Seoane, sa dévouée Ainsi que toute la famille, ont la tristesse de faire part du décès de

Abel RAMBERT, survenu le jeudi 28 août 2014, à l’âge de quatre-vingt-onze ans. Les obsèques ont eu lieu le lundi 1er septembre, au cimetière du Montparnasse, Paris 14e, dans l’intimité familiale. Les Editions Flammarion, Les Editions Gallimard, Les Editions du Seuil, ont la grande tristesse de faire part du décès de

Jacqueline RISSET, survenu le 3 septembre 2014, à Rome. (Le Monde du 6 septembre.)

ont la douleur d’annoncer le décès de

Prix

Bernard MABILLE,

professeur à l’université de Poitiers, survenu le 1er septembre 2014. Un moment de recueillement et d’hommage a eu lieu le samedi 6 septembre, à 14 h 30, au Temple protestant de Poitiers, 5, rue des Ecossais.

Prix parlementaire franco-allemand 10 000 €

Cet avis tient lieu de faire-part. Coral Gables (Floride, USA). Mme Dominique Mondini, née Monjauze, son épouse, Ses enfants Et ses petits-enfants, Guglielmo Mondini, son frère, Philippe et Bernard Monjauze, ses beaux-frères, ont la douleur de faire part du décès de

M. Giuseppe MONDINI, survenu le 5 septembre 2014. 7711 Erwin Road, Coral Gables, Florida 33143, Etats-Unis. Mme Josseline Rigot, sa mère, M. François Pedron, son père, Valérie, Emmanuele, Tessa, Timotée et Danaé, son frère et ses sœurs Et toute sa famille, ont l’immense tristesse de faire part du décès de

Alexandre PEDRON, dit « Zoug »,

survenu le vendredi 29 août 2014, à l’âge de vingt-neuf ans. La cérémonie se tiendra au crématorium du cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e, le mardi 9 septembre, à 14 h 30. Ni fleurs ni couronnes. Mme Josseline Rigot, 6, rue Antoine Chantin, M. François Pedron, 75116 Paris.

Le Prix parlementaire franco-allemand récompense deux lauréats, l’un Français, l’autre Allemand, pour un ouvrage qui contribue à une meilleure connaissance mutuelle des deux pays dans les domaines juridique, politique, économique, social ou dans celui des sciences humaines. Le 7e Prix sera remis courant 2015. Les postulants français doivent adresser leur candidature à l’Assemblée nationale avant le 7 novembre 2014, le cachet de la poste faisant foi. Ils y joindront en trois exemplaires : leur œuvre, un résumé de celle-ci (trois pages maximum), une lettre de motivation (une page maximum) et un curriculum vitæ (deux pages maximum), qu’ils feront parvenir à l’adresse suivante Division du protocole et de la gestion Assemblée nationale, 126, rue de l’Université, 75355 Paris Cedex 07 SP. prixfrancoallemand@assembleenationale.fr

Journée portes-ouvertes Le Centre Italiance propose des cours d’italien et des activités culturelles. Venez découvrir nos programmes et activités lors de notre journée portes-ouvertes, le samedi 20 septembre 2014, de 10 heures à 18 heures, 14, rue de Trévise, Paris 9e. www.centre-italiance.org

Gedigier, 17, rue Vitruve, 75020 Paris. Mme Marcel Munier, M. Jean Gauchery, Mme René Tardy, Le colonel et Mme Jean-Pierre Bailly, Mme François Gauchery, ses sœurs et son frère, sa belle-sœur et son beau-frère, Ses neveux et nièces, ont la tristesse de faire part du décès de

Mme Louis GRODECKI,

née Catherine GAUCHERY, archiviste-paléographe, conservateur honoraire aux Archives nationales, survenu le 2 septembre 2014, dans sa quatre-vingt-quatorzième année. La cérémonie religieuse a eu lieu le samedi 6 septembre, à 15 heures, en l’église Saint-Laurent, à Henrichemont (Cher). 16, rue Nansouty, 75014 Paris.

Le Carnet

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Pour toute information : 01 57 28 28 28 01 57 28 21 36 carnet@mpublicite.fr Tarif : 29 € TTC Prix à la ligne

Signatures Projections-débats Lectures Communications diverses


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météo & jeux

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Températures à l’aube 1 22 l’après-midi

Alain Coeff. de marée 109 Aujourd’hui

Les hautes pressions situées en mer du Nord maintiendront un temps sec et ensoleillé sur nos régions septentrionales, après dissipation de la grisaille matinale. Plus au Sud, depuis le Poitou-Charentes jusqu'au Massif-Central et aux Alpes mais aussi en direction des Pyrénées, un temps plus instable, lourd et orageux l'emportera, notamment l'après-midi. Températures stables, évoluant de 20 à 31 degrés des côtes de la Manche au Gard.

Jours suivants Jeudi

Nord-Ouest Ile-de-France Nord-Est Sud-Ouest Sud-Est

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Dans le monde

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Outremer

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Cayenne Fort-de-Fr. Nouméa Papeete Pte-à-Pitre St-Denis

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Météorologue en direct au 0899 700 713

1,34 € l’appel + 0,34 € la minute 7 jours/7 de 6h30-18h

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“Connaître les religions pour comprendre le monde”

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CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX

Mots croisés n˚14-213 2

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Dépression

Front chaud

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Les jeux 1

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Rabat

En Europe

Ajaccio

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AMERIQUE DU SUD Fortes pluies orageuses attendues dans l’Uruguay

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par Renaud Machart

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Solution du n˚14-212

TF 1

10 1 1 12

Série. Route 66 (S9, 5/24, inédit) U ; Copie conforme U. Le Pacte V. Jeux de miroir V (S8, ép. 16, 2 et 3/24). Avec Joe Mantegna. 0.20 Dr House. Série. A la recherche du bonheur. Crise de foi U (S5, 14 et 15/24). Avec Hugh Laurie (95 min).

II III

FRANCE 2

IV

20.45 Castle.

Série. Sa plus grande fan (S6, 4/23) ; Rock haine roll (S5, 7/24) ; Démons (saison 4, 6/23). 23.00 The Lady p Film Luc Besson. Avec Michelle Yeoh, David Thewlis (GB - Fr., 2011, audio., 125 min) U.

V VI VII

FRANCE 3 20.45 Présumé coupable pp

VIII

Film Vincent Garenq. Avec Philippe Torreton, Wladimir Yordanoff (Fr. - Bel., 2011, Audio.) V. 22.25 Météo, Grand Soir 3. 23.20 Le Coup de sirocco p Film Alexandre Arcady. Avec Roger Hanin, Marthe Villalonga (France, 1979, 100 min).

IX

Loto

X

I. Eclatants et glorieux. II. Dans les airs et les flots, elle assure les déplacements. Travaille sur la pièce. III. Bouclier divin. La mer qu’on voit danser en Angleterre. Tour complet. IV. Coup de chaleur. Pour consulter les ouvrages de poids. V. Finirai la pièce. Grecque. VI. Fait dans la fantaisie vestimentaire. Dort à moitié. VII. Mouvement basque. Poussai au loin. VIII. En fuite. Le feu aux organes. Support en cave. Interjection. IX. Regardera de très haut. A bonne distance. X. Permettent la transmission des effets.

Solution du n° 14 - 212 Horizontalement

I. Satisfaction. II. Abolir. Aalto. III. Ubu. Loi. Geai. IV. Rationne. Air. V. Item. Trial. VI. Si. Pô. Ars. Bi. VII. Saloir. Etres. VIII. Alertas. Rays. IX. Gent. Taxable. X. Estampillées.

Lundi 8 septembre 20.55 Esprits criminels.

I

Horizontalement

A

u lendemain de la mort de Joan Rivers, le 4 septembre, dont j’ai rédigé la nécrologie pour Lemonde.fr le lendemain, j’ai été surpris par un tweet d’@angelinirodsson qui m’était adressé ainsi qu’au compte Twitter du Monde : « Franchement, qui la connaît en France ? » En effet, Joan Rivers, 81 ans, la grande représentante du stand up américain, était peu connue dans notre pays même si son émission « Fashion Police », diffusée par la filiale française de la chaîne nordaméricaine E !, avait fini par gagner un public non négligeable parmi les abonnés au câble. Cependant, est-ce une raison pour ne pas en parler dans un journal français ? La presse nordaméricaine et la télévision plus encore ne parlent guère de l’Europe, et de la France en particulier, et il faut un événement médiatique tel que celui représenté par la publication du livre de Valérie Trierweiler pour intéresser nos confrères d’outre-Atlantique. Au Monde, il est un usage encore respecté qui consiste à parler de ce qui se passe ailleurs, quel que soit le degré de notoriété, en France, d’un événement ou d’une personnalité disparue. Il m’a semblé que la modeste connaissance que j’avais du travail de Rivers, de ses émissions d’autrefois sur NBC ou sur Fox, du documentaire Joan Rivers, A Piece of Work (2010), de son hilarante série de télé-réalité Joan & Melissa, Joan Knows Best ? (non diffusée en France en raison de ses blagues intraduisibles) pouvait intéresser quelques lecteurs. Cette petitesse franco-française dont a témoigné cet abonné de

Les soirées télé

Sudoku n˚14-213 8

Mardi 9 septembre 2014

C’EST À VOIR | CHRONIQUE

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1015

Châlonsen-champagne

PARIS

35 à 40°

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10 22

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Reykjavik

www.meteonews.fr

Amiens Rouen

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09.09.2014 12h TU

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40 km/h

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En Europe

Mardi 9 septembre Instable et orageux dans le Sud 9 21

0123

écrans

Verticalement

1. S’occupe de ceux qui vont mal. 2. Assure mise au point et bon fonctionnement. 3. Mettra en couche. En plein bide. 4. Préparé chaudement. Suit le vu de près. Assure l’égalité. 5. Sont capables du pire. 6. Métal. Canton chez nos voisins alpins. Alimente le bétail. 7. Plume et palette. Active à chaque bout. 8. Délivrerai du mal. 9. Elimai. Prend du volume. 10. Dans les haricots. Négation. Gardera l’anonymat. 11. Prépare l’entrée aux cabinets. Laissa tomber. 12. Les plus fortes risquent d’ébranler. Philippe Dupuis Verticalement

1. Saurissage. 2. Abbatiales. 3. Toute. Lent. 4. Il. Importa. 5. Silo. Oit. 6. Front. RATP. 7. INRA. Saï. 8. Ça. Eire. XL. 9. Tag. Astral. 10. Iléal. Rabe. 11. Otai. Beyle. 12. Noircisses.

CANAL +

Résultats du tirage du samedi 6 septembre.

3, 13, 14, 15, 42 ; numéro chance : 7.

20.55 Soldat blanc. Téléfilm. Erick Zonca. Avec Emile Berling, Abraham Belaga, Mike Nguyen (Fr., 2013) V. 23.20 Spécial investigation. Ecole du futur : la fin des profs ? Magazine. 0.15 L’Œil de Links. Magazine (30 min).

Rapports :

5 bons numéros et numéro chance : 10 000 000,00 ¤ ; 5 bons numéros : 189 689,80 ¤ ; 4 bons numéros : 1 183,30 ¤ ; 3 bons numéros : 10,00 ¤ ; 2 bons numéros : 4,70 ¤. Numéro chance : grilles à 2 ¤ remboursées.

FRANCE 5 20.40 Le vernis craque.

Joker : 1 469 664.

0123 est édité par la Société éditrice du « Monde » SA

Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS). Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707Paris Cedex 13 Tél.: 01-57-28-20-00 Abonnements par téléphone : de France 32-89 (0,34 ¤ TTC/min) ; de l’étranger: (33) 1-76-26-32-89; par courrier électronique: abojournalpapier@lemonde.fr. Tarif 1 an : France métropolitaine : 399 ¤ Courrier des lecteurs: blog : http://mediateur.blog.lemonde.fr/; Par courrier électronique: courrier-des-lecteurs@lemonde.fr Médiateur: mediateur@lemonde.fr Internet: site d’information: www.lemonde.fr ; Finances : http://finance.lemonde.fr ; Emploi : www.talents.fr/ Immobilier: http://immo.lemonde.fr Documentation: http ://archives.lemonde.fr Collection: Le Monde sur CD-ROM : CEDROM-SNI 01-44-82-66-40 Le Monde sur microfilms : 03-88-04-28-60

La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’administration. Commission paritaire des publications et agences de presse n° 0717 C 81975 ISSN 0395-2037 Imprimerie du « Monde » 12, rue Maurice-Gunsbourg, 94852 Ivry cedex Présidente : Corinne Mrejen

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80, bd Auguste-Blanqui, 75707 PARIS CEDEX 13 Tél : 01-57-28-39-00 Fax : 01-57-28-39-26

Toulouse (Occitane Imprimerie) Montpellier (« Midi Libre »)

Le Déjeuner des canotiers. Un bal au moulin de la Galette. Téléfilm. Daniel Janneau. Avec Bruno Slagmulder, Gaëlle Bona. [1-2/2] (Fr., 2010). 22.40 Fiction. Avec Marie-Christine Davy. 22.50 C dans l’air. Magazine. 0.05 Les Anges gardiens du ciel. Documentaire (50 min).

ARTE 20.49 Cycle Leos Carax. 20.50 Les Amants du Pont-Neuf pp Film Leos Carax. Avec Juliette Binoche (France, 1991). 22.55 Mauvais sang p Film Leos Carax. Avec Denis Lavant, Juliette Binoche (France, 1986). 0.50 La Lucarne - Les Derniers Pirates de la mer Noire (70 min).

M6 20.50 L’amour est dans le pré. Le Bilan [1/2]. Télé-réalité. 23.20 « L’amour est dans le pré » : que sont-ils devenus ? [1/2]. Documentaire (2014, 130 min).

Twitter est l’une des choses que j’abhorre le plus. Il arrive aussi que des lecteurs me fassent savoir qu’ils trouvent légers les sujets parfois traités dans cette chronique, voire indignes d’un journal tel que Le Monde. Je réponds toujours en ce cas : « Il n’y a pas de mauvais sujets ; il n’y a que des mauvais traitements de sujets. » Joan Rivers était un sujet léger, certes, et la dame n’était pas exempte de blagues de très mauvais goût et de déclarations à l’emporte-pièce, comme celle faite peu avant sa mort à propos du conflit israélo-palestinien, qui était cruelle et d’une bêtise indigne de cette femme à la vive intelligence. Mais Rivers représentait

«Il n’y a pas de mauvais sujets; il n’y a que des mauvais traitements de sujets» aussi, à mes yeux, l’une des dernières à ne pas succomber à la langue de bois, au politiquement correct et à l’esprit de sérieux qui nous assomment. Certes, Joan Rivers n’apparaissait pas à son meilleur dans « Fashion Police » (dont le dernier épisode animé par elle est diffusé par E !), je l’ai dit à plusieurs reprises dans cette chronique. Mais celle qui avait vécu des drames assez vifs au cours de son existence illustrait si bien la formule d’Hugo von Hofmannsthal selon laquelle ilfaut savoir cacher la profondeur à la surface. p

Mardi9 septembre TF 1 20.55 Mentalist.

Série. Mariage endeuillé (S6, 3/22) ; De père en fils U. Un saut dans le passé (S5, 4 et 5/22). 23.35 Restos du cœur (65 min).

FRANCE 2 20.45 Secrets d’Histoire.

Saint Louis, sur la terre comme au ciel.

22.35 Infrarouge.

Tête haute : 8 mois de bagarre. Documentaire. 23.30 D’un 11-Septembre à l’autre (75 min).

FRANCE 3 20.45 Commissaire Laviolette. Série. Le parme convient à Laviolette. Avec Victor Lanoux, Nicolas Grandhomme (Audio.). 22.20 Météo, Grand Soir 3. 23.15 « Du côté de chez Dave », l’intégrale. Divertissement (75 min).

CANAL + 20.55 Grand central pp

Film Rebecca Zlotowski. Avec Léa Seydoux, Tahar Rahim, O. Gourmet (Fr., 2013, audio.) U. 22.25 Zaytoun Film Eran Riklis. Avec Stephen Dorff (2012) V. 0.15 La Confrérie des larmes p Film Jean-Baptiste Andrea. Avec Jérémie Renier, Audrey Fleurot (France, 2013, 95 min) U.

FRANCE 5 20.40 Le Monde en face Elevage intensif, attention danger ! Documentaire (2014). 21.40 Le Débat. 21.50 Légumes d’antan, retour gagnant. 22.45 C dans l’air. Magazine. 23.50 Etudiant cherche logement. Documentaire. Virginie Tumorticchi (55 min).

ARTE 20.50 Thema -

Epidémies, la menace invisible. Epidémies, la menace invisible. Documentaire. Anne Poiret (2014). 22.15 Débat. 22.20 Prisons ouvertes : un pas vers la réinsertion ? 23.50 900 jours, le siège de Léningrad. Documentaire (60 min).

M6 20.45 Hancock p Film Peter Berg. Avec Will Smith (EU, 2008) U. 22.25 Kick-Ass p Film Matthew Vaughn. Avec Nicolas Cage, Aaron Taylor-Johnson (GB - EU, 2010) V. 0.40 Zero Hour. Série (saison 1, ép. 5 et 6/13, 90 min) U.


décryptages 21

0123

Mardi 9 septembre 2014

Le changement de ton de l’OTAN à l’égard de Moscou est justifié Thorniké Gordadze

Conseiller études et recherches à l’Institut des hautes études de défense nationale

C

ontrairement aux critiques portées par les souverainistes, l’OTAN a beaucoup fait pour apaiser Moscou ces dernières années. Certes, elle ne s’est pas laissée se dissoudre pour l’apaiser pour de bon, mais elle a tout de même officiellement renoncé, dès le milieu des années 1990, d’inscrire la Russie parmi les menaces pour la sécurité du bloc, a fondé le Partenariat pour la paix en 1994 et même un conseil permanent OTAN-Russie pour discuter au plus haut niveau des sujets problématiques. Mieux, en 2008, alors que les ambitions révisionnistes de Vladimir Poutine apparaissaient évidentes, l’Alliance atlantique s’est vite raccommodée avec le Kremlin, après une petite bouderie de principe à la suite de l’invasion et l’occupation russe des provinces « séparatistes » géorgiennes (Abkhazie et Ossétie du Sud). Pour tendre la main à Moscou, l’OTAN a, de fait, mis entre parenthèses toute idée d’élargissement rapide vers l’est. Le chef de file de l’OTAN, les EtatsUnis, a abandonné l’idée du bouclier antimissile qui titillait l’hyperesthésie russe et ont promis d’être encore plus « flexibles » sous le second mandat de Barack Obama. Ces gestes d’apaisement n’ont trouvé qu’une seule interprétation au Kremlin : l’Occident a peur, il est faible, pire, il est décadent et finissant. Au non belliqueux secrétaire général de l’Alliance, Anders Fogh Rasmussen, qui déclarait nourrir le rêve de coopération avec Moscou, le leader russe rétorquait, devant les journalistes amusés, rêver du monde sans l’OTAN. Au non-respect devenu systématique des traités de limitation d’armes en Europe, Moscou ajoutait des provocations dans les pays baltes, membres de l’Alliance, des survols non autorisés des pays nordiques, des menaces d’être prêt à dégainer l’arme nucléaire contre les pays d’Europe centrale et orientale (PECO) comme cela a été le cas lors des exercices militaires Zapad en 2009 et 2013. Nombreux sont ceux parmi les partisans de « multipolarité » en Europe qui justifient cette attitude acrimonieuse de la Russie envers l’OTAN : ce serait une réponse « défensive » à l’ouverture de l’OTAN aux nouveaux membres en 1999 et 2004. L’argument est présenté comme inattaquable, car le doute n’est pas permis quant aux intentions agressives de l’Alliance vis-à-vis de la Russie. Ce serait, en quelque sorte, « inscrit dans son ADN». Or, si l’objectif avait été la destruction de la Russie, l’attitude adoptée par l’OTAN dès 1990 fut passive. Ainsi, le fait que l’OTAN n’a pas porté le coup de grâce, pourtant à la portée des mains, à l’adversaire ruiné, et sur le bord d’implosion dans les années 1990, ne rentre pas dans le schéma des promoteurs de l’idée de l’unité continentale. Comment comprendre que l’Alliance a apathiquement observé la destruction laborieuse et pénible du soulèvement tchétchène qui avait fait vaciller les fondements de l’Etat russe ? En vérité et contrairement à ce que Moscou et ses supporteurs européens clament aujourd’hui, les puissances occidentales étaient beaucoup plus effrayées que confortées par l’éventualité de l’éclatement de la Fédération russe. Nous ne sommes donc nullement forcés d’accepter les thèses paranoïaques que Moscou a forgées avant tout pour les besoins de mise au pas de la société russe et de la création du mythe de la forteresse assiégée. En revanche, si lesex-satellites soviétiques ont vou-

lu adhérer à l’OTAN et ceci sans instigation extérieure, c’était bien pour se protéger de la menace russe. La suite a montré qu’ils ont eu mille fois raison, car c’est bien leur adhésion qui leur a évité le pire. Bien que mécontente, la Russie n’a jamais osé se comporter avec les Etats baltes ou la Pologne avec la même désinvolture qu’avec l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie. Le rêve de Vladimir Poutine reste le monde, l’Europe sans l’OTAN. La crise d’identité prolongée de celleci, les problèmes financiers récurrents des armées occidentales et des signes inquiétants d’un possible fléchissement de la solidarité à l’intérieur de l’Alliance peuvent alimenter l’espoir du Kremlin. Ce dernier, devenu maître dans la conduite des guerres hybrides et asymétriques, n’a pas besoin d’engager un Armageddon nucléaire pour parvenir à ses fins. La mort de l’OTAN pourrait être beaucoup moins glorieuse, si les tendances défaitistes et munichoises imposaient une lecture relativiste de l’article 5 de sa charte – sa véritable raison d’être. Ce sont donc les bons esprits qui pensent et disent qu’il serait déraisonnable de se lancer dans la guerre pour un petit pays de l’Est, qui peuvent causer la mort de l’Alliance et non pas un affrontement militaire. La dissuasion a fonctionné tout au long de la guerre froide, il n’y a pas de raison qu’elle ne

Le discours de M.Obama prononcé à Tallinn le 3septembre et les accents du sommet de l’OTAN qui a eu lieu les 4 et 5septembre à Newport, au Royaume-Uni, sont une première mauvaise surprise pour le Kremlin fonctionne plus aujourd’hui, à condition d’être crédible. Une éventuelle opération des « hommes verts » en Estonie ou en Lettonie appelle la réponse prévue par l’article 5, et non pas les qualificatifs du type « les rebelles prorusses ». Plus que la réponse elle-même, c’est l’absence totale de doute à ce propos au sein de l’Alliance qui ne doit pas faire de doute à Moscou. M. Poutine croit que détruire l’OTAN, de préférence dans la honte et l’humiliation, et de surcroît à moindre coût, n’est pas impossible. Pour lui, c’est la seule chose capable d’effacer l’humiliation de la défaite de son pays – l’Union soviétique dans la guerre froide. Lediscoursde M.Obama prononcéà Tallinn le3 septembre et les accents du sommet de l’OTAN qui a eu lieu les 4 et 5 septembre à Newport au Royaume-Uni sont une première mauvaise surprise pour le Kremlin. Pour la première fois, Barack Obama fut à la hauteur des espoirs des PECO en mal de déceler un leadership pour le monde libre. Les tribulations de l’Europe de la défense laissent peu d’options. L’OTAN, qui a mauvaisepresseenFrance,pourrait aussioffrirdesopportunités si nous sommes prêts à les saisir. Depuis quelques années déjà, elle a cessé d’être l’institution dominée par Washington. Les Européens y ont acquis un poids considérable. Le multilatéralisme sans précédent de l’administration Obama offre aussi à la France les opportunités d’accroître son influence au sein de l’Alliance. A ce jour, le relatif désengagement américain n’a pas été compensé par l’accroissement sensible de l’activité des Européens dans l’OTAN. Cela s’est plutôt traduit par l’apparition de doutes existentiels. L’espoirsuscitéàTallinnetàNewport doitêtreentretenu par une prise de responsabilité accrue des Européens. L’Occident s’est trompé en pensant pouvoir apaiserM.Poutine. Konrad Adenauer disait enplaisantant que le meilleur moyen d’apaiser un tigre était peut-être de se laisser dévorer. Il est temps de faire savoir à Moscou que nous avons d’autres options. p

En Ukraine, la société civile défie le cynisme de Poutine Ioulia Shukan

Maître de conférences en études slaves à l’université Paris-OuestNanterre-la Défense et chercheuse à l’Institut des sciences sociales du politique

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e cessez-le-feu conclu vendredi 5 septembre à Minsk avec les séparatistes prorussesdes républiques autoproclamées de Donetsk et de Louhansk n’a duré que vingt-quatre heures. Dans la nuit de samedi à dimanche, leurs tirs d’artillerie lourde ont repris aux abords du port de Marioupol, sur la mer d’Azov. A Kiev, cet accord fut reçu comme un malnécessaire. Il s’agissait d’éviter de nouvelles victimes civiles et militaires, de libérer les soldats prisonniers, mais aussi de rassurer Berlin, Bruxelles et Washington – dont les préférences vont vers une solution diplomatique à la guerre, quel qu’en soit le prix à payer pour l’Ukraine – et enfin de laisser l’armée en lambeaux se ressourcer. Rares étaient cependant ceux qui croyaient que le cessez-le-feu allait durer. Beaucoup étaient en colère face au cynisme de la Russie, cet agresseur qui agit sous l’anonymat. En effet, Moscou privilégie des modes opératoires de contournement pour déstabiliser l’Ukraine. Des citoyens russes, d’anciens militaires ou agents des services de sécurité, qui avaient combattu dans d’autres guerres, prêtent main forte aux séparatistes du Donbass. Pour le Kremlin, il s’agit de simples volontaires. Beaucoup ont été recrutés par des bureaux de recensement militaire, ces relais locaux du ministère de la défense russe. Lorsqu’à la mi-août des soldats contractuels russes avaient été faits prisonniers dans le Donbass sont exhibés par Kiev, M. Poutine nie. Pour lui, ces militaires « se seraient égarés », alors qu’ils étaient en exercice militaire. Le Kremlin récuse aussi les accusations de fourniture d’armes lourdes et de chars aux séparatistes qui n’avaient pourtant que des fusils mitrailleurs. Enfin, le cynisme de M. Poutine révolte parce qu’il demande la reconnaissance des républiques autoproclamées du Donbass sous forme d’un Etat jusque-là inconnu, « Novorossia » ou « Nouvelle Russie ». Une commande d’Etat a même été placée auprès des historiens russes pour en écrire l’histoire officielle. D’autres régions du sud-est de l’Ukraine, telles Kharkiv, Dniepropetrovsk ou Odessa, peuplées, entre autres, de Russes et de russophones, auraient vocation à y adhérer à terme. Cette confusion entre populations russes et russophones souligne leur proximité avec la Russie et la responsabilité pour celle-ci de les protéger. C’est dans ce contexte de guerre « anonyme» qu’il faut comprendre la radicalisation de la société ukrainienne et une évolu-

tion en cours de ses préférences géopolitiques et sécuritaires. D’après les récentes enquêtes d’opinion, 44 % d’Ukrainiens souhaitent l’adhésion à l’OTAN, alors que 35 % sont contre. Ce ratio était inverse il y a encore six mois. L’Alliance atlantique est ainsi perçue, pour la première fois depuis des années, comme la seule à même d’aider l’Ukraine à faire face à la Russie. Et c’est l’effet pervers de l’agression militaire russe. Du côté de l’OTAN, la réponse est tiède. Au dernier sommet de l’Alliance, qui s’est tenu à Newport (Royaume-Uni), les 4 et 5 septembre, il a été décidé d’accorder une assistance militaro-technique à l’Ukraine, mais de ne pas engager d’opération militaire sur son sol. Entre-temps, la guerre apporte son lot de victimes : près de 2 600 morts, dont 900 militaires, d’après un bilan provisoire. La guerre pousse les civils à fuir les zones des combats pour se retrouver à des centaines de kilomètres de chez eux, sans toit ni travail. Le Haut Commissariat aux refugiés de l’ONU dénombre près de 230 000 et 300 000 déplacés internes en Ukraine et 283 065 refugiés dans les Etats voisins. Enfin, ceux qui restent, n’ayant pas les moyens de fuir, vivent exposés à des bombardements de part et d’autre et passent des semaines reclus dans des caves d’immeubles, privés d’eau, manquant de nourriture, sans gaz ni électricité.

Un Etat en miettes Les métastases de la guerre se propagent partout en Ukraine. Les paysages en sont transfigurés. Des barrages de sécurité sont élevés aux abords des villes et des infrastructures stratégiques dans l’est et au sud. Des tranchées sont creusées pour empêcher l’éventuelle avancée des chars russes ou des séparatistes. Dans le Donbass, des infrastructures routières sont en ruine. Des immeubles d’habitation affichent des façades criblées de balles, des vitres soufflées, des trous béants. Les champs sont minés. Face aux risques d’obus ou de mines non explosés, une campagne de sensibilisation a été lancée, le 1er septembre, dans près de 2 000 écoles de la région. Enfin, la guerre mobilise ceux qui restent à l’arrière. A Kharkiv, Kiev ou Lviv, les volontaires sont légion à collecter des fonds, acheter des provisions, des munitions ou encore des médicaments pour l’armée. Tout le monde connaît maintenant en Ukraine le nom de «Celox », ce produit coagulant d’urgence qui arrête les hémorragies artérielles ou veineuses fatales et qui peut sauver des vies de soldats. En l’absence de confiance dans les circuits officiels, ces volontaires acheminent eux-mêmes ces produits dans la zone de guerre. A bien des égards, ils remplacent l’Etat ukrainien. Rongé par la corruption de ses élites, celui-ci est en miettes. Les caisses sont vides, l’armée est en déroute et les frontières sont poreuses, avec une présence militaire ennemie sur son sol. Mis à part ces Ukrainiens mobilisés, qui voudrait aujourd’hui de cet Etat en guerre ? p

Les conditions d’une résolution du conflit russo-ukrainien sont réunies Irvin Studin

Rédacteur en chef du magazine « Global Brief »

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ifficile d’y croire, vu l’intensité de la rhétorique au récent sommet de l’OTAN à Newport, au pays de Galles, mais les contours d’une durable sortie de la crise ukrainienne s’esquissent – sortie qui s’avère plus logique que celle de la lutte contre l’Etat islamique, deuxième grand enjeu du sommet. La résolution du conflit russo-ukrainien se fera non pas en raison de quelconque pression exercée sur la Russie par les nouvelles initiatives annoncées par l’OTAN, dont une force de réaction rapide, mais à cause de la confluence des sanctions économiques contre Moscou, la balance des forces armées dans le sud-est de l’Ukraineet la perspective d’une descente dans un conflit d’hiver dont les consé-

quences à long terme sont l’isolement stratégique et psychologique de la Russie, un Etat ukrainien faible et pauvre, et la possibilité de confrontations dans plusieurs théâtres-clés de ce siècle : l’Arctique, le Proche-Orient, et l’Asie, sinon en Europe même. Si les discussions à Minsk la semaine dernière traitaient d’un cessez-le-feu tactique, les bornes de toute trêve russo-ukrainienne stratégique se profilent ainsi: Moscou, pour des raisons de survie intérieure, ne peut pas accepter des termes qui compromettraient son prestige, érigé, depuis l’annexion « biblique » de la Crimée, comme soi-disant protecteur de la russophonie ukrainienne. La Russie ne peut non plus permettre à l’Ukraine de se ranger dans une alliance qui lui serait hostile comme l’OTAN, ni moins accepter un pacte stratégique Ukraine-Etats-Unis. Kiev, à son tour, ne peut donner son aval à quoi que ce soit qui risquerait de décevoir les milices de l’EuroMaïdan, car celles-ci pourraient menacer de renverser à nouveau le gouvernement. Cette possibilité, peu appréciée en Occident, a été mise

en évidence récemment lorsque le leader de la milice Pravy Sektor, enhardi par les combats au Sud-Est, a menacé de marcher sur Kiev si le ministère de l’intérieur n’accédaitpas à sesdemandes quant à la«nullification » d’accusations criminelles contre certains de ses membres. De surcroît, les élections parlementaires qui auront lieu fin octobre ont l’effet, du moins temporairement, de rétrécir la marge de manœuvre diplomatique du président Porochenko.

Fédéralisme et indissolubilité La trêve devrait avoir cinq aspects : l’introduction au Sud-Est et sur les frontières russo-ukrainiennes de forces de maintien de la paix provenant exclusivement de pays de l’Asie. La Russie n’accepterait jamais des forces européennes de maintien de la paix, et un déploiement d’observateurs de l’OSCE pour assurer le respect d’un cessez-le-feu ne réussirait qu’à séparer les combattants. Ensuite, Kiev devrait fédéraliser – oui, fédéraliser ! – ses relations avec plusieurs régions de l’Etat ukrainien, à commencer par certains oblast

(« unité administrative ») du Sud-Est. On pourrait bien se servir d’un autre mot que « fédéralisme » – comme « dévolution » – mais l’effet sera semblable – à savoir que les populations locales jouiront du droit d’élire leurs gouverneurs directement. C’est une approche qui devrait susciter l’appui de toute grande fédération occidentale – Allemagne, Canada, Etats-Unis – car elle risque non seulement de rétablir un lien de loyauté entre les dissidents du Sud-Est et la capitale ukrainienne, mais d’enclencher une vraie démocratisation de l’Ukraine de l’après-Maïdan. Ainsi, il n’est pas impossible que l’Etat ukrainien réduise le nombre de provinces de 24 – sans la Crimée – à un montant plus gérable – soit 8 ou 9. Troisièmement, la Russie devrait déclarer dans un traité que la nouvelle fédération ukrainienne, suivant l’exemple de l’Australie, est indissoluble – c’est-à-dire que les nouvelles unités fédéralisées ne peuvent en aucun cas se séparer. L’Ukraine devrait enchâsser dans sa Constitution cette idée d’indissolubilité afin de contrer toute perspective de nouvelles tentatives

de sécession par voie de référendum. Quatrièmement, l’Ukraine devrait s’engager à ne jamais adhérer à l’OTAN et à ne pas permettre la construction de bases militaires étrangères sur son territoire. Finalement, il faudra trouver un mécanisme légalo-constitutionnel intra-ukrainien – peut-être par le biais de « zones économiques spéciales » – qui permettra à certaines provinces, malgré le choix européen du gouvernement national, de continuer de jouir des avantages d’une ouverture préférentielle au marché eurasien. On s’approche donc du dénouement. Le temps est venu pour les prudents de nos classes politiques d’appuyer les paramètres du grand accord qui devrait se construire d’ici un mois. Sinon, c’est le déluge total. Mais d’ici au printemps, il est concevable d’envisager l’émergence d’un nouvel Etat ukrainien stable et légitime pour tous les Ukrainiens et la communauté internationale, et en paix avec son plus important voisin, la Russie, à nouveau en paix avec l’Europe, et dont le regard se dirige vers le prochain Mondial de football, en Russie, en 2018. p


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analyses

Mardi 9 septembre 2014

Mexique : l’envol annoncé de l’aigle aztèque ANALYSE par Frédéric Saliba Mexico, correspondance

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ous nous sommes engagés à faire bouger le Mexique et nous le faisons ! » C’est par ce slogan triomphateur que le président Enrique Peña Nieto a conclu, mardi 2 septembre, son second discours annuel à la nation. Vingt et un mois après son entrée en fonctions, marquant le retour au pouvoir du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI, centre), qui avait gouverné le pays sans interruption durant soixante et onze ans jusqu’en 2000, M. Peña Nieto a gagné son pari : faire voter onze réformes d’envergure, longtemps bloquées au Congrès. Celui qui affiche une image de chef d’Etat pragmatique et efficace s’est aussi félicité d’une baisse des crimes des cartels de la drogue ensanglantant le pays. Prometteur, le bilan d’étape de son mandat de six ans ne fait pourtant pas l’unanimité. Cinquante-huit modifications constitutionnelles, quatre-vingt-cinq législations amendées, vingt et une lois d’application ont été votées en moins de deux ans. Jamais les parlementaires n’avaient été aussi actifs pour permettre à la quatorzième économie mondiale de

prendre son envol. Six réformes concernent l’emploi, la fiscalité, l’accès au crédit, la libre concurrence des télécommunications et de l’énergie. Les autres visent l’amélioration de l’éducation, de la justice et du système électoral. Cet exploit législatif a été rendu possible grâce au « pacte pour le Mexique», signé, en décembre 2012, par les trois principaux partis politiques – le PRI, le Parti de la révolution démocratique (PRD, gauche) et le Parti action nationale (PAN, droite) – pour voter les réformes capables de doper un taux annuel de croissance qui a stagné à 2,5 % en moyenne durant vingt ans. L’alternance démocratique à partir de 2000, marquée par les présidences de Vicente Fox (2000-2006) et de Felipe Calderon (2006-2012), appartenant tous deux au PAN, n’a pas porté les fruits escomptés. L’insécurité, la pauvreté, l’économie informelle et la corruption ont explosé. La faiblesse des institutions, la trop grande dépendance envers les Etats-Unis (80 % des exportations) et le manque de réformes ont freiné l’expansion de la seconde économie d’Amérique latine, qui n’est pourtant pas sans atouts avec sa population jeune (118millions), son économie diversifiée et ses finances stables. Sans compter les quasi-monopoles qui altèrent la libre concurrence. En tête, America Movil, propriétédeCarlosSlim, contrôlelestroisquarts des lignes téléphoniques fixes et mobiles. Déçus par le PAN, les Mexicains ont élu, en juillet2012, un jeune président (48ans), qui assu-

re incarner un « nouveau PRI », en rupture avec la tradition de corruption et de clientélisme de l’ancienparti hégémonique, restémajoritaire au Congrès et dans la plupart des trente et un Etats.

La reine des réformes La reine des réformes de M. Peña Nieto reste celle de l’énergie. Entrée en vigueur en août, elle a mis fin à soixante-seize ans de monopole public sur le pétrole, le gaz et l’électricité, pour contrer le déclin de la production. L’ouverture deces secteursauxinvestisseurs privés s’accompagne d’une réforme fiscale visant à réduire la dépendance de l’Etat envers les revenus pétroliers (un tiers de son budget), en renforçant un système d’imposition, autrefois trop clément envers les revenus aisés. De quoi aussi financer la création d’un système de sécurité sociale universel et des programmes sociaux pour réduire la pauvreté, qui frappe près de la moitié des Mexicains, faisant le lit de la criminalité. La lutte contre l’insécurité est l’autre succès revendiqué par le président. De 2012 à 2013, le taux d’homicides a baissé de vingt-deux à dixneuf morts pour 100 000 habitants. Le résultat, selon M. Peña Nieto, du virage stratégique qu’il a opéré depuis le déploiement de l’armée, par M. Calderon, contre les cartels de la drogue, dont la violence a fait plus de 80 000 morts depuis sept ans. Sa nouvelle stratégie privilégie la prévention des délits, le renseignement et la lutte contre le blanchiment d’argent. Un corps

de gendarmerie vient aussi d’être créé pour pallier l’absence de l’Etat dans certaines régions. Mais les Mexicains ne partagent pas l’optimisme de leur président, dont la popularité a chuté de 47 % à 43 % entre avril et août, selon un sondage du quotidien Excelsior. La croissance promise n’est pas au rendez-vous avec des prévisions revues à la baisse (de 3,9 % à 2,7 %) pour 2014. La stagnation des salaires, la réduction du pouvoir d’achat et la hausse du chômage (5,4 %) n’arrangent rien. Au-delà d’une insécurité qui reste élevée, les Mexicains fustigent la faiblesse de la lutte contre la corruption. Ainsi le projet de création d’une commission nationale anticorruption est resté lettre morte. Et l’ouverture du secteur énergétique aux compagnies étrangères provoque une levée de boucliers dans un pays où le monopole d’Etat sur l’or noir était le symbole de la souveraineté nationale. Pour calmer les esprits, M. Peña Nieto espère dynamiser l’économie grâce à un colossal plan d’infrastructures, dont la construction d’un nouvel aéroport à Mexico, pouvant accueillir 120 millions de passagers. Un défi de taille pour le président qui a annoncé la fin de son programme réformateur, jouant la sourde oreille sur la corruption. Son triomphalisme anticipé, alors que les résultats se font attendre, pourrait valoir à l’ancien parti hégémonique un revers lors des élections législatives de 2015. p

LES MEXICAINS NE PARTAGENT PAS L’OPTIMISME DE LEUR PRÉSIDENT, DONT LA POPULARITÉ A CHUTÉ DE 47 % À 43 % ENTRE AVRIL ET AOÛT

fredsaliba@gmail.com

LE GRAND RENDEZ-VOUS EUROPE 1, LE MONDE, I-TÉLÉ

L’

national à la loupe

nicolas un jour dans le monde demorand 18:15 - 19:00

Julien Dray: «On ne peut pas jouer les apprentis sorciers» Faut-il prendre le livre de Valérie Trierweiler pour des faits et reconnaissez-vous le portrait qu’elle fait de Hollande ?

Attaquer François Hollande sur ses convictions en tant qu’homme de gauche n’a aucun intérêt, parce que ce n’est pas vrai. C’est l’attaque la plus dure dans le livre. Elle est totalement inutile, elle est là commequelque chose de superposé, presque comme une démarche commerciale. Je n’ai jamais vu François Hollande en trente ans d’amitié mépriser ou employer des formules blessantes à l’égard des pauvres. Qu’est-ce qui ne fonctionne pas dans le pays ?

Il y a eu une attente formidable dans le pays au moment de l’élection présidentielle, qui ne trouve pas les résultats attendus dans la politique du gouvernement. Il y a une déception. Et il y a dans l’exercice du pouvoir aussi une forme d’amateurisme qui s’est exprimée ces deux dernières années à laquelle il faut mettre un terme. Jusqu’au sommet de l’Etat. Quand François Hollande gagne, en 2012, il donne sa chance à une génération (…). Mais, dans l’exercice dupouvoir, cette génération a manqué de maturité. Que faire quand on voit l’énergie que met la famille politique du chef de l’Etat à le contester ?

Je ne suis pas en train de vous dire qu’il n’est pas au-devant de graves difficultés. Mais je ne veux pas que s’établisse une sorte d’ébullition qui donnerait le sentiment que le pays est au bord du gouffre. Le pays n’est pas au bord du gouffre, et je me permets de dire que je suis en colère quand j’en vois certains jouer les apprentis sorciers. Prenez-vous au sérieux le sondage qui dit que Marine Le Pen battrait François Hollande ?

Avec les chroniques d’Alain Frachon et Arnaud Leparmentier.

venez

franceinter.fr

Oui, je le prends au sérieux, parce que la crise est telle que cette question désormais est devant nous et donc elle doit nous inciter tous à une forme de responsabilité. Il y a une alternative extrême droite, puisqu’il y a des sondages qui montrent qu’aujourd’hui il y a un certain nombre de nos concitoyens qui sont prêts à se laisser

emporter par ce discours-là. Je ne vois pas une opposition en capacité de se substituer au pouvoir politique actuel, et dont je pense qu’elle joue avec le feu. Et il y a une majorité politique, la gauche, qui a besoin de se ressaisir, de reposer ses fondamentaux et de s’expliquer avec le pays. Et si elle ne se ressaisit pas, si elle continue ses guerres incessantes, alors tous les risques sont permis pour notre pays.

On entend des appels à la démission de François Hollande…

Je crie aux fous et je crie à l’irresponsabilité, parce que je sais que c’est dans ce genre de situations chaotiques que les solutions extrêmes l’emportent. Elles ont besoin de ce chaos. D’autres voudraient jouer les nouveaux Bonaparte : ils se vivent comme les futurs hommes providentiels. Je pense au retour de Nicolas Sarkozy. Il a électrisé la vie politique pendant cinq ans. Pour justifier son retour, il a besoin de la crise. Le cap économique de Manuel Valls est-il le bon ?

On a besoin de l’entreprise, l’idée de la restauration de la compétitivité de l’économie française est nécessaire aujourd’hui. Qui vous a converti ?

La réalité des chiffres, les discussions. Je ne le cache pas, il y a un individu qui vient d’accéder à des responsabilités qui s’appelle Emmanuel Macron : nous sommes des compagnons de la nuit parce que nous parlons souvent. p Propos recueillis par Michaël Darmon, Jean-Pierre Elkabbach et Arnaud Leparmentier

Julien Dray

vice-président du conseil régional d’Ile-de-France

Le Grand Rendez-Vous avec « Le Monde » est diffusé chaque dimanche de 10 heures à 11 heures sur Europe 1 et i-télé


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enquête

Mardi 9 septembre 2014

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Les quatre copains du quartier de la Grande Borne, à Grigny (Essonne). Ci-contre : Lionel, alias « Baca », et Sanoussi. Ci-dessous : Antoine et ci-dessous à gauche : Alpha. SAMUEL GRATACAP POUR « LE MONDE »

par Arthur Frayer

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ans le jour déclinant, le néon du kebab répand jusque dans la rue une bulle de lumière blanche, électrique. De la route, on ne voit que cela, l’éclairage très cru qui jette son éclat sur les voitures garées en pagaille sur les trottoirs. Assis à la terrasse du Best of, une sandwicherie turque sans charme du quartier de la Grande Borne, à Grigny (Essonne), quatre garçons sirotent leur canette de soda. Alpha, Antoine et Lionel – que les autres surnomment « Baca », en clin d’œil à la bacalhau, le plat national du Portugal dont il est originaire – sont venus voir leur copain Sanoussi, qui habite le quartier. Un an qu’ils ne se sont pas vus… Ils ont entre 22 et 24 ans et ont passé ensemble leur année de BTS électrotechnique au lycée professionnel Léonard-deVinci, à Saint-Michel-sur-Orge, dans l’Essonne. Ils venaient de différentes cités du département, ou du Val-de-Marne et ont suivi tous les quatre le même parcours, d’abord un BEP électrotechnique, puis un bac professionnel et enfin ce diplôme à bac + 2, dont ils sont fiers, un BTS électrotechnique. Antoine est le premier garçon de sa famille qui a obtenu le bac. Chez eux, pas de carrière mûrie depuis l’enfance ou l’adolescence. Beaucoup de petits hasards, un intérêt relatif pour l’école, mais surtout, comme beaucoup de garçons issus dequartiers populaires, le sentiment d’avoir été orientés par défaut, de ne pas avoir eu leur mot à dire sur le choix de

«Pourquoi certaines filles demandent un CAP cuisine et se retrouvent en secrétariat ? Même un choix aussi simple n’est pas respecté!» Haya Diakité responsable de l’association Rêv’elle toi

leur métier. Sanoussi, très grand, tout sourire, lance en boutade : « La conseillère d’orientation ? C’est plutôt une conseillère de désorientation ! » Encouragé par les rires autour de la table, le jeune homme poursuit, moqueur : « Elle propose la même chose à tout le monde : secrétariat et comptapour les filles, mécanique et électrotechnique pour les garçons. » Il dit « méca » et « élec », comme au temps du lycée professionnel. Antoine, lui, pense qu’en matière d’orientation, l’enfer, c’est la chaudronnerie. « C’est un truc de “cas soce” ! [cas social]. Tu réfléchis vraiment pas. Toute la journée t’es là à taper sur ton bout de métal. » C’est l’image qu’il en a, malgré les efforts de l’éducation nationale pour promouvoir ces filières où la conception de pièces en 3D sur ordinateur fait aussi partie du

Lesdésorientés métier. « Quand tu fais élec, y’a des maths, tu réfléchis un minimum », poursuit Antoine. Il raconte l’histoire d’un de ses amis à qui l’on a dit : « “Toi, tu vas en géomètretopographe”. Je te jure, mon pote il savait même pas ce que c’était. C’est le soir en rentrant chez lui qu’il est allé voir sur Internet ce qu’il ferait l’année prochaine. » Dans Banlieue de la République (Gallimard, 2012), le sociologue Gilles Kepel note que « la figure la plus détestée par bon nombre de jeunes est celle de la conseillère d’orientation (ou du conseiller) à la fin du collège – loin devant les policiers. (…) On lui fait porter la responsabilité de l’échec scolaire et de la galère : elle cristallise sur sa personne l’inadéquation entre formation et insertion sociale », écrit le chercheur. Si la conseillère d’orientation s’attire les griefs des élèves, elle n’est qu’un rouage dans l’appareil. « C’est le système dans son ensemble qui ne fonctionne pas correctement », juge Ysabelle Malabre, qui a été professeur de sciences et de mathématiques jusqu’en 2000 au collège Jean-Vilar, à la Grande Borne, à Grigny. « Individuellement, chaque conseillère d’orientation, comme chaque professeur, veut ce qu’il y a de mieux pour un élève mais, collectivement, nous ne donnons pas assez de valeur à la filière professionnelle. C’est l’organisation générale qui pose problème », dit-elle. Omar Dawson, responsable de l’association Grignywood et figure de la Grande Borne, en a vu maintes fois l’exemple : « Un jeune qui devient plombier peut gagner 3 000 euros par mois. Mais s’il a le sentiment qu’il a été mis dans cette filière par défaut, il sera complètement démotivé. » Pour tenter d’éviter ces erreurs d’aiguillage, son association a créé Jobwood.fr, un site sous forme de bande dessinée qui recense les métiers à fort potentiel d’embauche, en conseillant de travailler en priorité les disciplines qui s’y rapportent. Un jeune qui veut trouver un emploi dans un aéroport a ainsi tout intérêt à se concentrer sur l’anglais. Souvent, le temps manque pour trouver sa voie. Les conseillères d’orientation,

rattachées à un centre d’information et d’orientation local, interviennent dans plusieurs collèges à la fois avec une permanence d’une journée par établissement et plusieurs centaines, voire plusieurs milliersd’élèves à conseiller – ce qui rend difficile une approche personnalisée. Quand le rendez-vous n’est pas perçu par les élèves comme une façon de sauter un cours plutôt que de choisir un avenir. « Si on ne prend pas en compte l’avis du jeune, le problème se répétera encore et encore», fait valoir Haya Diakité, responsable de l’association Rêv’elle toi qui vient en aide aux jeunes filles. « Pourquoi certaines filles demandent un CAP cuisine et se retrouvent en CAP secrétariat ? Elles ne veulent pas faire une grande école, mais même un choix simple comme cela n’est pas respecté ! Résultat, beaucoup de jeunes ne vont pas au bout de leurs études. » La réalité est souvent froide et informatisée : les vœux d’orientation sont traités en fonction des résultats scolaires et du nombre de places disponibles dans les filières. La base de données académique centralise les demandes et attribue ensuite les affectations selon ces critères.

A

la terrasse du Best of, Sanoussi, « Baca », Antoine et Alpha sont remontés dans le temps, plongés dans leurs souvenirs de collégiens censés découvrir le monde du travail à l’occasion du fameux stage de troisième. Pour eux, dont les notes flirtaient à peine avec la moyenne, ce devait être une première piste professionnelle tandis que les collégiens certains de s’orienter vers une filière générale n’y voyaient qu’une semaine récréative, racontent-ils. « On ne peut pas se faire une idée en une semaine. J’ai fait un stage dans un garage à proximité d’ici », dit Sanoussi en indiquant de la main la route qui file vers Morsange et Sainte-Geneviève-des-Bois, les communes voisines. « Il faisait froid, je travaillais dehors, j’avais mal aux doigts, je me suis vite rendu compte que je n’étais pas fait pour la mécanique. Le stage m’a

Dans les filières professionnelles, de nombreux jeunes ont le sentiment d’avoir subi et non choisi leur orientation. Une frustration tenace même avec un métier et un emploi

uniquement permis de savoir que je ne voulais pas faire ça. » A ses côtés, Antoine allume une cigarette et acquiesce : « On est encore immature en troisième et on n’a pas réellement d’idée de ce que l’on veut faire plus tard. Ce qu’il nous faudrait, c’est six semaines de stage réparties sur l’année. ». Et encore, faudraitil pouvoir élargir son horizon. Au collège Jean-Vilar de Grigny, le principal, Ali Arab, constate que ses collégiens n’effectuent jamais leur stage en dehors de la ville : « Certains ne sont jamais sortis de la Grande Borne. Se rendre dans une entreprise située dans une autre commune leur paraît le bout du monde. Les élèves passent leur semaine dans les petits commerces du coin, en maçonnerie, dans le BTP… Jamais dans les entreprises industrielles ou dans les services. » L’aéroport d’Orly et le marché de Rungis, gros bassins d’emplois, ne sont pourtant qu’à une dizaine de kilomètres. A la sortie du collège, les adolescents s’efforcent de ne pas atterrir dans un lycée

professionnel mal coté et la rumeur va bon train, véhiculée par le bouche-à-oreilleentre amis, frères, sœurs, cousins, cousines. Rarement par le biais des adultes. Les quatre copains dessinent leur cartographie informelle des « bons » et « mauvais » établissements professionnels de l’Essonne. De l’avis unanime, tel lycée de Ris-Orangis est le lieu à éviter. Baca ironise : « Même si tu as quatre de moyenne ou même si tu as fait trois ans de prison, tu peux t’y inscrire. » Il ajoute : « Le fait qu’ils acceptent tout le monde crée beaucoup de rivalités entre bandes de différents quartiers là-bas. » A l’inverse, tel autre établissement d’Athis-Mons est supposé être le meilleur du « 91 ». « A huit de moyenne, on ne nous accepte pas là-bas. Il faut au moins avoir dix sur vingt », précise Alpha, qui y a fait une partie de ses études. Le lycée se trouve à proximité d’une école privée : « Des élèves se faisaient déposer par d’énormes voitures chaque matin. » Un brin rêveur, il imagine : « Ils doivent avoir au moins dix euros tous les midis pour déjeuner. » D’autres lycées jouissent d’une réputation plus mitigée, comme à Corbeil-Essonnes : « On m’a dit que des gars du quartier d’à côté venaient avec leurs capuches sur la tête et se battaient », croit savoir Antoine. « Non, non, assure “Baca”. Tu dis ça parce que c’est en face des Tarterêts, mais c’est tranquille à l’intérieur. Ce n’est pas du tout ambiance ghetto. » Aujourd’hui, des quatre amis, trois travaillent ; Alpha au service de restauration de l’aéroport Charles De Gaulle, Antoine en intérim dans une société de fibre optique et Baca a choisi le statut d’auto-entrepreneur dans le bâtiment pour installer des réseaux électriques dans les maisons. Il récupère des chantiers de son père et de son oncle. Sanoussi, lui, veut pousser les études un peu plus loin, pour voir où son « cerveau peut s’arrêter ». En master peutêtre. Dans l’immédiat, il recherche un lycée pour sa licence en alternance. La rentrée a eu lieu la semaine dernière mais lui n’a toujours rien trouvé. p


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Mardi 9 septembre 2014

L’AIR DU MONDE | CHRONIQUE par Sylvie Kauffmann

Qui a peur de Netflix ?

E L’ÉCONOMIE DU NET A CREUSÉ UN FOSSÉ ENTRE EUROPÉENS ET AMÉRICAINS QUI N’A JAMAIS ÉTÉ SI PROFOND

n cette année de commémorations, voir les Américains débarquer a quelque chose d’assez familier. Et pourtant, à l’approche de l’invasion attendue le 15 septembre en France, une grande nervosité s’est emparée de nos dirigeants. Attention, Netflix arrive! Pour ceux qui vivent sur une autre planète, Netflix, c’est le service de vidéo à la demande sur abonnement, le « géant américain du streaming», qui a déjà réussi à attirer 50 millions d’abonnés dans 40 pays. Il s’est fixé l’objectif de doubler ce chiffre. Déjà présent en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas et en Scandinavie, le champion de la vidéo en ligne attaque les deux plus gros morceaux européens, l’Allemagne et la France. L’accueil fait à Netflix est une nouvelle illustration de notre schizophrénie à l’égard des entreprises américaines du Net. Le consommateur en brûle d’envie. En même temps, dans l’expression «géant américain du streaming», la connotation est claire : s’il y a « géant », s’il y a « américain », s’il y a « streaming » (visionnage en continu), il y a menace. Cette menace pour les concurrents français, lorsqu’ils existent, ou pour notre identité culturelle, va introduire un élément de mauvaise conscience pour le consommateur – ce qui ne l’empêchera pas de

profiter du service, d’autant qu’il lui sera offert à des prix imbattables. L’attitude des responsables du secteur concerné, en l’occurrence l’audiovisuel, est plus complexe encore. A la reconnaissance du succès américain, à l’admiration pour ce talent de la Silicon Valley à transformer une simple bonne idée en prouesse technologique puis en machine à profits, se mêlent la frustration de ne pas pouvoir en faire autant et l’inquiétude, légitime, d’un gigantisme qui écrase toute initiative dissidente. Il faut y ajouter, dramatiquement renforcée par l’affaire Snowden, une méfiance européenne pour l’exploitation non consentie de nos données privées accumulées par tous ces services en ligne. Netflix, dans un domaine où la concurrence française existe, mais fragmentée et encore peu développée, ne fait pas exception. Netflix fait peur. Les responsables audiovisuels et politiques le voient arriver comme on scrute l’horizon avant un ouragan. La société américaine a boudé l’offre française d’installer son siège européen dans l’Hexagone, auquel elle a préféré l’hospitalité fiscale des Pays-Bas, beaucoup plus avantageuse. Lorsque l’arrivée prochaine du service de vidéo en ligne a été annoncée en

juillet, la ministre de la culture de l’époque, Aurélie Filippetti, a riposté en proclamant son engagement dans «une stratégie de souveraineté culturelle et numérique de la France». Le patron d’Orange, Stéphane Richard, s’est juré que sa box « ne serait pas le cheval de Troie de Netflix » en France… même si Orange distribuera Netflix dans d’autres pays européens. La France, elle, «est un pays particulier » – les Américains ne le démentiront pas sur ce point. Il faut donc, avance M.Richard, « travailler sur une alternative, un Netflix à la française». Que ne l’a-t-on fait avant! Le patron de Netflix, lui, raisonne à l’échelle européenne : Reed Hastings sait que le chemin ne sera pas bordé de roses, mais peut-il laisser passer un marché qui offre un tel potentiel, plus gros et bien mieux équipé en large bande passante que le marché nord-américain ? L’Europe est « une grosse opportunité mondiale », a-t-il expliqué à ses actionnaires.

Gare aux « GAFA » Fleur Pellerin, qui entre-temps a succédé à Aurélie Filippetti, a au moins le mérite de la lucidité: en s’installant aux Pays-Bas plutôt qu’en France, Netflix a fait un choix «de rationalité économique», par ailleurs légal. Au lieu de « vilipender les sociétés qui font ce choix», a dit la ministre le 3 septembre sur France Inter, les Européens feraient mieux d’harmoniser leurs taux d’imposition. L’injustice fiscale est l’un des grands griefs des Européens à l’égard des géants américains (on n’ose parler de « concurrents», tant la concurrence est inégale) de l’Internet. Mais la colère gronde sur bien d’autres fronts. Amazon

et Google concentrent sur eux le plus gros de la révolte dont, pour une fois, l’Allemagne, plus que la France, est le moteur. Dans le conflit qui oppose Amazon à Hachette sur le prix des livres électroniques, les auteurs allemands sont ceux qui ont réagi avec le plus de virulence. C’est aussi en Allemagne que le patron d’un énorme groupe de presse, Axel Springer, proclame haut et fort sa peur de Google, et qu’une coalition d’éditeurs s’organise pour que la Commission européenne révise à la hausse son règlement antitrust avec Google. C’est encore en Allemagne qu’un autre succès de la Silicon Valley, Uber, l’entreprise de chauffeurs privés contactés par smartphone, se heurte à une interdiction pure et simple, formulée par le tribunal de Francfort. Le fossé entre Européens et Américains sur ces questions n’a jamais été si profond. Stéphane Richard (encore lui) a dénoncé la semaine dernière la «naïveté » et la «fascination » européennes pour les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), ces entreprises qui «considèrent l’Europe comme un comptoir ». Le PDG d’Orange voit dans le système d’exploitation Androïd « un cheval de Troie » (encore un) introduit par Google dans «un milliard de smartphones vendus chaque année sur la planète ». Les préoccupations des Européens, sur la protection des données privées comme sur l’effet rouleau compresseur des « GAFA », sont fondées. Mais la révolte ne suffit pas. Ils ont un instrument bien plus efficace à leur disposition : le marché unique des services numériques. Si seulement ils avaient la volonté de le construire. p kauffmann@lemonde.fr

Le manteau-GPS pour tranquilliser les parents

C

’est le progrès. Les enfants pourront désormais être surveillés et géolocalisés au même titre qu’un téléphone portable onéreux, une voiture de course ou un scooter. Voire un prisonnier. L’entreprise de prêt-à-porter Gemo (filiale du groupe Eram) commercialisera sur son site Internet, dès la mi-septembre, un manteau pour filles ou garçons, de 3 à 10 ans. Pas n’importe lequel, puisqu’un petit boîtier-balise y sera, à l’intérieur, accroché par un anneau. Gemo assure que ce dispositif, créé avec une start-up française – Ma p’tite balise – « permettra de rassurer les parents sur le trajet de leurs enfants, quand ils vont à l’école, faire du sport, participent à des sorties ou sont invités à un anniversaire ». Ils pourront ainsi « suivre la position des enfants sans les importuner ni leur donner le sentiment qu’ils sont surveillés ». Cette nouveauté fait quand même penser à la fois à George Orwell – et son 1984 qui critiquait sévèrement les techniques modernes de surveillance – et au Surveiller et punir, de Michel Foucault (1975). Le philosophe estimait que le panoptique – cette tour qui permettait aux geôliers de surveiller sans être vus tous les faits et gestes des prisonniers – était « organisée entièrement autour d’un regard dominateur et surveillant », au cœur du modèle disciplinaire moderne. Son « vrai effet, c’est d’être tel que, même lorsqu’il n’y a personne, l’individu dans sa cellule, non seulement se croie, mais se sache observé, qu’il ait l’expérience constante d’être dans un état de visibilité pour le regard ». En mettant ce manteau, les enfants du primaire sont bien prévenus. « Pas besoin d’armes, de violences physiques, de

contraintes matérielles. Mais un regard qui surveille et que chacun, en le sentant peser sur lui, finira par intérioriser au point de s’observer lui-même : chacun, ainsi, exercera cette surveillance sur et contre lui-même », expliquait Michel Foucault. Le petit boîtier, sur le modèle de ceux qui sont fixés sur les prisonniers les moins dangereux – suffisamment pour ne pas être incarcérés dans la journée – permet de donner un historique de tous les trajets réalisés par l’enfant pendant 24 heures, peut être programmé pour alerter les parents que leur chérubin est rentré de l’école, et est également doté d’un bouton SOS. Il pèse 55 grammes et mesure 6 centimètres. Le manteau et sa balise coûtent 99 euros. Six mois de géolocalisation sont offerts avant que les parents ne paient un abonnement mensuel de 4,90 euros à Ma P’tite balise, précise-t-on chez Gemo.

Ah, les beaux jours ! Les fondateurs de cette startup, Adrien Harmel et Ferdinand Rousseau, vont aussi commercialiser leur boîtier nu chez Nature & Découvertes et chez Oxybul. Gemo, qui compte 500 magasins de vêtements, chaussures et accessoires dans les périphéries des villes françaises, compte écouler ses manteaux connectés comme des petits pains, mais ne donne pas officiellement ses objectifs de vente. Les enfants auront encore une chance de ne plus être traqués : s’il fait beau, ils ne porteront plus de manteau… A eux enfin l’école buissonnière aux beaux jours, les visites impromptues chez les copains et les folles courses de skate ! p Nicole Vulser

Société éditrice du « Monde » SA Président du directoire, directeur de la publication Louis Dreyfus Directeur du « Monde », membre du directoireGilles van Kote Directeur des rédactions Jérôme Fenoglio Directrice déléguée à l’organisation des rédactions Françoise Tovo Directeurs adjoints des rédactions Luc Bronner, Marie-Pierre Lannelongue, Arnaud Leparmentier, Cécile Prieur Directeurs éditoriaux Gérard Courtois, Alain Frachon, Sylvie Kauffmann Rédacteur en chef, responsable de la rédaction numérique Vincent Fagot Rédacteurs en chef et chefs de services Christophe Ayad (International), Thomas Wieder (France), Virginie Malingre (Economie), Auréliano Tonet (Culture)

UN CONFORT RÉVOLUTIONNAIRE Nouveau siège Business : découvrez le confort d’un lit spacieux

Rédacteurs en chef « développement éditorial » Julien Laroche-Joubert (Projets), Vincent Giret (Diversifications, Evénements, Partenariats) Chef d’édition Christian Massol Directeur artistique Aris Papathéodorou Photographie Nicolas Jimenez Infographie Eric Béziat Médiateur Pascal Galinier Secrétaire générale du groupe Catherine Joly Secrétaire générale de la rédaction Christine Laget Conseil de surveillance Pierre Bergé, président, Sébastien Carganico, vice-président

pTirage du Monde daté dimanche 7-lundi 8 septembre 2014 :

361 117 exemplaires.

parfaitement horizontal et un service d’exception.

AIRFRANCE.FR France is in the air : La France est dans l’air. Mise en place progressive à compter de juin 2014 sur une partie de la flotte long-courrier Boeing 777.

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