Lisière du désert
Travail personnel de fin d’études Florine Lacroix Encadrante Laurence Crémel
La vallée du Drâa
Paysages
mouvants et mobiles
Propriété exclusive de Florine Lacroix Toutes les images sont des production personnelles, le cas échéant, la source ou l’auteur sont mentionnés
Lisière du désert La vallée du Drâa Paysages mouvants et mobiles
Directeur d’étude : Laurence Crémel Paysagiste DPLG
Membres du jury : Adil Moumane Biologiste
Jean-Luc Brisson Artiste, enseignant à l’ENSP
Sebastien Argan Paysagiste DPLG
Mounia Bennani Paysagiste DPLG
Florine Lacroix Travail personnel de fin d’études Diplôme de paysagiste DPLG obtenu le 8 juillet 2015 avec les «félicitations du jury» à l’Ecole Nationale Supérieure de Paysage de Versailles.
Avant-propos
Les marges
1Où les précipitations sont comprises entre 50 et 200 mm d’eau par an. Où la végétation est plus homogène que dans les déserts. Cependant, elle est diffuse et éparse.
D’abord, un désir de désert, Le désert, un mythe, des images floues et trompeuses. Une envie de me confronter à ces paysages arides, vastes, plats et mobiles. Une envie de faire l’expérience d’un paysage inconnu, D’approcher le lent, le silencieux, l’irréel, le mouvant. Apparaissent des couleurs diffuses. Je cherche le désert On me parle de la désertification. Au nord du Sahara, le désert monte, les paysages changent, l’eau s’évapore, l’agriculture péri, les terres se dégradent, les populations fuient. Une envie de me confronter à une culture inconnue, à de nouvelles sonorités de langage et de paysage. Les marges c’est être entre deux. Les marges des déserts, ses bords, ses espaces limitrophes sont habités, cultivés et irrigués. Habiter les marges, c’est profiter de ressources biologiques, d’arbres, de terres cultivables. Habiter les marges, c’est être entre le milieu hyper-aride et le milieu semiaride1. C’est être entre deux milieux écologiques, c’est être en lisière de désert sous des conditions climatiques et écologiques particulières. Habiter les marges, c’est habiter un paysage changeant, où les ressources sont inégalement réparties dans l’espace et dans le temps. Habiter les marges, c’est s’adapter. Aujourd’hui un cinquième de la population mondiale vit dans la lisière du désert, ces marges sont gagnées par le milieu hyper-aride. Que faire face à ce mouvement ? Est-ce une affaire pour le paysagiste ? Faut-il lutter face au désert qui monte ? Où faut-il laisser le désert s’installer ? Comment habiter dans cette lisière mouvante et changeante ?
Partir en désert, partir dans les marges. Dans l’espace des marges du Sahara, je choisi la vallée du Drâa dans le sud du Maroc. Entre Ouazazate et M’Hamid el Ghizlaine, Entre les montagnes de l’Atlas et les plaines arides, La vallée du Drâa, idéale pour partir en désert. Septembre 2014, je pars. 4
Les marges, lisières du désert Désert du Sahara
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Partirapproche en etdésert méthode La vallée du Drâa, dans le Sous-Massa-Drâa, une forêt jardinée dans un contexte minéral et monumental, un contexte de désert. Appréhender ce territoire inconnu en trois voyages. Trois voyages, trois saisons, trois expériences de vie en désert. Descendre et marcher, aller du haut vers le bas et sentir l’effacement de la vallée. Septembre, février, mai, six semaines de terrain : pour, marcher dans la palmeraie et dans les déserts qui la borde et saisir les mouvements des paysages. pour rencontrer les hommes, parler de leurs pratiques, leurs modes de vie. Associer un paysage à une culture, une culture à un paysage. Lire les transformations dans les mouvements des étendues, Lire les transformations dans les modes d’habiter des hommes, leurs pratiques, leurs mots. Les ressources cartographiques me manquent, alors, parcourir me sert aussi à cartographier, comprendre et dessiner ces étendues. Je cherche des méthodes adaptées au terrain. Comment aborder ce territoire où les étendues et reliefs sont démesurés ? Comment échanger avec les habitants, ressource clef, dont je ne connais pas la langue ? Il m’apparaît nécessaire de me déplacer et de rester. De revenir et d’attendre. D’aborder, parler et se laisser aborder. D’habiter un temps et trouver le bon rythme, celui que me dictent les habitants. Puis, mon travail s’articule entre ces moments de vie dans la vallée, et le retour en atelier. Parallèlement, Je rencontre des spécialistes de la désertification, de l’eau, des architectes et paysagistes qui projettent en désert, un artiste qui travaille sur le mouvement. Je lis des nouvelles, romans, poésie, récit d’utopie ou de science fiction qui nourrissent mon imaginaire du désert, accompagnent une poétique des éléments : vent eau et poussière qui sont les fondements des évolutions passées, présentes et futures de la vallée. Il s’agit maintenant, guidée par cette méthode, de vous présenter les mouvements des paysages de la vallée, les modes d’habiter, les apparitions et les disparitions, et les orientations projetées. Bonne lecture ! 6
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Sommaire
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Avant propos, les marges Partir en désert La vallée du Drâa, un jardin en désert Les montagnes-rochers, tiennent la vallée
Chapitre 1. Un jardin qui s’efface en désert
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Désert et paysages Effacement
Chapitre 2. Habiter la vallée
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Irriguer Jardiner Habiter
Chapitre 3. De l’apparition et de la disparition des paysages
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Vent Eau Poussière
Chapitre 4. Lisières de désert échelle de la vallée : Zagora-M’hamid échelle de la ville : Zagora Bibliographie Remerciements 9
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Mai 2015, plaine et oued de feĂŻja au premier plan, puis, palmeraie de fernata et Jebel Bani
La vallée du Drâa,
un jardin en désert
La vallée du Drâa, Un jardin en désert Une oasis et des dattiers. Un système d’agriculture familiale. La vallée du Drâa c’est un ancien passage du commerce caravanier c’est un passage pour les touristes qui partent en désert. La vallée du Drâa, une marge, Entre le climat hyper-aride et semi-aride. Entre deux eaux, entre le barrage El Mansour Eddhabi et le lac Iriki. Entre la ville de Ourzazate et le village de M’Hamid. Entre différentes typologies de l’espace désertique : Les montagnes-rocher, jebel, au relief plissé, plié et nu. Les plaines arides, les feijas. Les plaines caillouteuses, les regs. Les cordons dunaires, les ergs.
Ci dessus - Septembre 2014, vallée du Drâa entre Agdz et Tinzoline, rive gauche. Ksar sur terrasse alluviale. Septembre2014. Plaine, feïjas et Jebel Bani.
Ci contre carte du Moyen Drâa, relief et oued Drâa. 1, barrage El Mansour Edhabi, 2, lac Iriki.
Une vallée et son fleuve, l’oued Drâa. Un oued, est un cours d’eau au débit faible et irrégulier. Drâa signifie coude ou coudée en arabe. Ce nom vient du coude que forme l’oued au niveau de M’Hamid où il change d’orientation, mais aussi aujourd’hui de typologie. En aval de M’Hamid, sur neuf cent kilomètres, le Drâa, orienté est-ouest, est à sec. Il n’y a ni eau, ni végétation. Le fleuve s’efface dans le désert, s’évapore, n’est qu’emprunte, trace et poussière En amont de M’Hamid, sur deux cent kilomètres, le Drâa, orienté NordSud, est entouré d’une palmeraie cultivée, de palmiers-dattier, c’est un oued oasis encaissé dans des montagnes-rocher. À chaque resserrement des montagnes, se forme une gorge que l’on appel foum, bouche en arabe, et qui découpent l’oasis en six palmeraies : Mezguita, Tinzoulin, Ternata, Fezouata, Ktaoua et M’Hamid. Nous sommes dans la moyen Drâa, où je situe mon étude.
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200 km
1
2
Jebel feĂŻja
13
Palmeraie
Les montagnesrocher tiennent la vallée La vallée est enserrée dans un contexte de montagnes-rocher. Parfois, le relief est agité, plié, plissé, comme convulsé. Il se courbe, se tord, se tourne et se retourne. Se sont les anticlinaux ou les synclinaux. Parfois, le relief est plus doux, chantant et souple. La texture est légère, semble friable. Le relief est lisible dans ses moindres détails. Les mouvements sont compréhensibles, visibles dans la multitudes de plissements, de glissements.
Axo-plan : structure de la vallée. En fond de scène les montagnes-rocher, sur les terrasses alluviales des ksour, puis la palmeraie qui enserre l‘oued Drâa.
Des montagnes épaisses nues et monumentales. Grises, jaunes, nues. Tantôt elles s’approchent de la vallée, la resserre et l’enserre. Tantôt elles s’éloignent, dominent et signent l’horizon. Elles sont symboles et repères. Proches de la vallée, elles s’imposent, dominent. Dans les feïjas, elles brouillent les distances, les échelles. Le plat nous perd en désert. Nous ne savons plus s’il s’agit de montagne, mont ou dune. Presque nues, elles sont peuplées de maigres steppes. C’est le lieu du pâturage nomade, de la récolte des plantes médicinales. Leurs formes rythment la vallée. Jebel Kissane à Agdz, la montagne en forme de plat à tajine, Jebel Zagora, un mont qui domine la palmeraie, Jebel Bani acéré, sombre et tranchant, coupe la vallée. L’homme n’habite pas les montagnes rocher, mais au creux de la vallée. Il les parcours avec ses troupeaux, il coupe son bois, ramasse les plantes. Les montagnes sont source de nourriture et d’énergie (bois de chauffe) mais en les exploitant, les sur-exploitant, l’homme fragilise son milieu, se prive de ressources et rend vulnérable la palmeraie, car celle-ci n’est plus protégée. Les arbres disparaissent, le désert s’intensifie.
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Axo-plan , de gauche à droite : Jebel Kissane, Agdz ; Jebel Zagora, Zagora ; Jebel Bani, El Feïja ; Jebel Beni Selmane, M’Hamid.
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Ouarzazate Ouarzazate
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Agdz
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l Ban
Jebe
Zagora
Jebel Bani
Jeb el B eni ne
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Sel
M’Hamid
Hamada du Drâa
Ensablement
Palmeraie en gris Palmeraie qui s’efface en jaune 20 Ksar dans la palmeraie en ocre rouge
Villes 18
500 m 2000m
Agdz, Jebel Kissane
300 m 1400 m
Pincement palmeraie Merzguita / Tinzoline
1000 m 2000 m
Tinzoline
220 m 1600 m
Zagora et Jebel Zagora
120 m 1400 m
710 m
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1500 m
Pincement Jebel Bani
Chapitre 1.Un jardin qui s’efface en désert Désert, paysages effacement
Mai 2015, feĂŻja depuis la route nationale 9, avant le franchissement du Bani.
Chapitre 1. Un jardin qui s’efface en désert
Désert et paysages
Septembre 2014 Pommier de Sodom dans le désert de M’hamid
On dit que le désert c’est silencieux mais il y a le bruit du vent, des mouches et parfois celui du soleil qui crépite. On dit que le désert est fait de sable mais il y a la terre, l’eau et les pierres. On dit que dans le désert il n’y a rien. On dit que le désert ce n’est pas un paysage, pourtant on le regarde.
Déserts
Une étendue qui correspond à un climat
Les déserts couvrent un tiers des terres émergées de la planète. Dans le désert, l’homme habite en mouvement, il se déplace pour s’adapter, il se déplace pour survivre, il est nomade. Le désert c’est une étendue qui correspond à un climat. Il se mesure en fonction de son degrés d’aridité, de ses précipitations annuelles : les régions désertiques hyper-arides, reçoivent moins de 50 millimètres d’eau par an. Les régions désertiques arides, les marges reçoivent entre 200 et 50 millimètres d’eau par an. L’homme y est sédentaire et nomade. Le Sahara est un désert hyper-aride. La vallée du Drâa est un désert aride.
Mai 2015, désert de M’hamid, Le dernier palmierdattier. Ils s’essement en désert. La limite fluctue, le désert hyper-aride gagne le désert aride. Ci-contre, carte des climats du Maroc, Carte du monde des déserts
Les zones arides représentent 77 % de la surface du Maroc. L’aridité s’inscrit dans l’espace et correspond à un déficit pluviométrique permanent. C’est l’expérience du manque et de l’excès. Le manque d’eau, de pluie et d’humidité dans l’air. L’excès de chaleur, de froid, d’écarts de températures journalières, d’irrégularité des pluies, d’évaporation et la folie des vents asséchant. La sécheresse, s’inscrit dans le temps. Elle est due à un déficit pluviométrique temporaire par rapport aux précipitations normales. Elle concerne l’air, le sol, l’hydrographie et les précipitations. La vallée du Drâa est caractérisée par ce climat aride accentué d’une part par le contexte de montagne, une barrière aux vents froids et humides du Haut Atlas et d’autre part, par son ouverture sur le Sahara. La vallée est donc caractérisée par un macro-climat saharien continental. En palmeraie, le climat est différent du fait de la proximité de la nappe phréatique et de la couverture végétale. L’irrigation et la forêt de dattiers augmentent l’hygrométrie de l’air. Ainsi, un méso climat sub-humide coupe avec les différentes intensités du macro climat saharien aride le long de la vallée. Il existe, des déserts froids, continentaux et chauds. Tous sont caractérisés par une faiblesse des précipitations et une absence ou quasi absence de la végétation. Les déserts chauds se situent autour des topiques du cancer et du capricorne. Le Sahara est le plus vaste et le plus aride des déserts chaud de la planète. Il couvre 10 millions de mètres carré soit l’équivalent de vingt fois la France. Il se limite au sud, là où s’arrête l’alfa. Au nord, là où s’arrête le culture rentable du palmier dattier. Il y a 8000 ans, le Sahara était une forêt de type méditerranéenne avec une faune tropicale. Les cours d’eau étaient permanents. Au IIIème millénaire avant JC, les cours d’eau deviennent temporaires, les sols dégradés et la végétation parsemée. Le Sahara devient un désert. Chapitre 1. Un jardin qui s’efface en désert 24
Climat Humide Sub-humide Semi-ardie Aride Hyper-aride
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LeDesdésert paysages
Ci dessus : Septembre 2014, Erg désert de M’hamid. Septembre 2014, Reg désert de M’hamid. Février 2015, Ci contre, Carte de la géologie
Le désert, c’est une variété de paysages que l’on saisit et définit à travers la géologie. L’oued Drâa coupe l’Anti-Atlas en deux. Il a avancé dans un relief d’anticlinaux qu’il à entaillé pour passer et a ainsi formé des cluses que l’on nomme foum, bouche en arabe, et une succession de six bassins. Les origines de la morphologie sont volcaniques, ce sont des formations précambriennes, qui sont visibles aujourd’hui au nord de la vallée dans le Jebel Sahro. Se forment les reliefs des jebel, d’abord d’origine volcanique au précambrien puis sédimentaires à l’ère primaire. Les couches se plissent et forment des anticlinaux et des synclinaux de directions Nord-est Sudouest caractéristiques. À partir de la fin du primaire, les dépôts sont peus nombreux et ils vont fortement s’éroder au tertiaire formant des pénéplaines, qui plus tard formeront les hamadas. Les termes les plus tendres sont érodés et forment des plaines que l’on appel feijas et sont séparées par des crêtes issues des roches les plus dures (grès et quartzites) que l’on nomme richs. C’est le cas de la chaîne du Bani. Au même moment, les anticlinaux sont sur-creusés. Au post-pliocène, l’érosion formera les plateaux des hamadas, typologie de relief désertique très caractéristique du sud du Maroc. C’est à ce moment que le cours d’eau qui alimentait un lac, se tourne et va vers l’océan, longeant ce qui devient la hamada du Drâa. Au quaternaire, des dépôts alluviaux s’accumulent dans les feijas, se forment, les oued de fejias qui alimentent le Drâa. Puis, les dépôts des alluvions de ces oueds et du Drâa se déposent et sont érodés par déflation. Il ne reste que les cailloux en surface, c’est la formation des regs. Les terrasses alluviales limono-sableuses se constituent ainsi que des dunes isolées et des erg à partir de Zagora. Les ergs sont les massifs dunaires. L’orientation de la courbure des dunes indique le sens du vent. Sous le sable des dunes, un socle rocheux forme un obstacle autour duquel le sable a pu s’accumuler. L’erg Chegaga est le plus connu de la vallée du Drâa, il y a aussi l’erg Lihouli et celui de la dune Hurlante.
Chapitre 1. Un jardin qui s’efface en désert
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Négocène de la Hamada du Drâa
Dévonien supérieur et moyen
Cambrien supérieur
Précambrien I(3)
Crétacé des Kem-kem
Dévonien inférieur
Cambrien moyen
Précambrien II(3)
Dolérites jurassiques en sills et en dykes
Silurien
Cambrien inférieur et Adourien
Précambrien II(2)
Carbonifère
Ordovicien à faciès gréseux dominant
Précambrien III
Précambrien I
Le désert
Paysages d’intensité tactile
Les déserts sont des paysages d’intensités tactiles. Ce sont des paysages de sensations. Le vent, la chaleur, les bruits, les silences, la poussière modifient sa perception, sa compréhension. Ils se comprennent en s’éprouvant, par l’expérience physique du terrain. Il faut vivre les alternances de tempêtes et de calme plat. D’immobilité et d’agitation. De lumière et d’obscurité. De vaste et d’étouffant. De saisissable et d’insaisissable. Souvent, le ciel est tinté d’un unique bleu, d’un bleu parfait, pur et puissant. Intensité, Monochromie. Seule la ligne d’horizon vibre, la teinte pâlie à peine. La nuit, la lune, si elle est orange et puissante annonce le vent, il souffle, single, crie. Il opacifie, jauni, épaissi l’air, le ciel. La poussière enferme, le ciel se rapproche, les repères disparaissent. Disparition des horizons Flottement, isolement. Il y a beaucoup de plantes mortes mais quand il pleut, le désert soudain, fleuri. Le désert, c’est une expérience sensible et corporelle. Les mouvements du corps marchant contraints par le climat, par le sol témoignent des mouvements du paysage. Sautillement Sautillement du paysage L’horizon sautille Mon esprit oscille, s’immerge, diverge. L’horizon, une brisure, une pliure. Le désert, un paysage de mouvement, un lieu de déplacement. D’abord pour les nomades, aujourd’hui pour les touristes. Ci contre, Mai 2015, depuis la route nationale 9 avant le franchissement du Bani. Début de tempête de sable.
Le désert imprime des traces, les effacent. Celles du vent, des pas, des
Chapitre 1. Un jardin qui s’efface en désert
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bêtes. Le désert ouvert et cinglant déplace les masses. Le dromadaire danse en désert poursuit en poussière. Le pas danse, le paysage se balance. Masses immobiles, étendues endormies. Le corps-à-corps avec la minéralité. Contemplation par les pieds. Parcourir les déserts c’est être immergé dans la minéralité. Celle du grain de sable, celle de l’imposante montagne. Parcourir les déserts c’est être immergé dans une diversité géologique lisible dans les moindres détails. Être immergé dans la matière.
Gerry, film de Gus Van Sant, deux hommes traversent à pied le désert. Ils s’appellent Gerry.
1
Ci contre, mai 2015, Nouveaux quartier de Zagora, sur les plaines de feïja.
Les plaines, les feijas, vastes me perdent en désert. Les étendues sont trompeuses, l’horizon parait s’approcher ou s’éloigner. Les distances sont difficiles à estimer. À El Feïja, la route ne semble plus qu’a un kilomètre pour la cinquième fois. On se croirait dans Gerry,1 le temps et les distances s’étirent. Tout parait plus lent, plus long, plus loin. Avancer infiniment. Le désert, c’est là où l’on se perd. Perte de repère dans une surabondance de repères. Un arbre, une pierre, un pli, un repli. Les dunes, chantent en désert. Le vent caresse, elles glissent. Le pas marche, elles crissent. Le reptile serpentent, elles grésillent. Le soleil tape, elles crépitent. Le vent effleure, elles fredonnent. Puis se déplacent.
Chapitre 1. Un jardin qui s’efface en désert
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Le paysage est mouvant, changeant, menacé, menaçant. Le sable impalpable et omniprésent, ralenti, engourdi. Le pas est lourd, les courbes des dunes fascinantes. Même la forme chante. Elles chantent en silence. Dans la vallée, rencontrer un désert inattendu, un désert de ville. Zagora, ville en construction, ville de ciment. Il fait chaud, il fait sec. Il n’y a pas d’ombre, l’homme plante des maisons en désert. L’homme construit un nouveau désert. Il le choisit comme cadre de vie. Un cadre de vie invivable.
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Paysage
en langue arabe
En langue arabe, le mot paysage (mandhar ou machhad) est toujours associé à un adjectif qualificatif. Ainsi, on parle de paysage naturel, Mandhar mi’mari, de paysage rural, Mandhar rifi, de paysage désertique, Mandhar sahrawi. En langue arabe, la notion de paysage, contrairement à l’occident n’a pas la même origine étymologique que pays. En français, pays donne paysage en arabe, le pays c’est baled, payasage mandhar. Mandhar, né bien avant le mot paysage. Madhar est issus du verbe nadhara, regarder, voir. Le sens premier, du mot est ce que l’œil voit de beau ou de laid. Ainsi, contrairement à la conception occidentale du paysage, celui ci n’est pas associé à sa représentation en peinture mais à ce que l’œil voit et le jugement qu’apporte l’observateur. Le site devient donc paysage en fonction du jugement, de la réalité subjective apportée par l’observateur. Sa matérialité née des sentiments éprouvés. Ils permettent de donner accès au paysage. Alors, l’accession d’un lieu au statut de paysage lui confère une esthétique, il devient un espace particulier. Le paysage, c’est des sentiments. Le désert, un paysage extrême, où les sentiments et les sensations sont démultipliés, le désert est investi d’une dimension fantastique. On le rêve, il fait peur. C’est la peur, l’implacabilité du désert qui le rend paysager. Définitivement, le désert est un paysage. La peur peut sublimer un lieu.
Ci-contre, septembre 2014, paysage de reg, désert de M’Hamid El Ghizlaine.
Les paysages participent à la formation des cultures et les cultures participent à la formation des paysages. Les formes du paysages sont liées au pays, au coutumes aux pratiques, au langage. Importance de prêter attention aux pratiques et aux mots qui témoignent d’une façon d’habiter et qui sont essentiels à la compréhension des paysages et des actions de l’homme dans ce paysage.
Chapitre 1. Un jardin qui s’efface en désert
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Chapitre 1. Un jardin qui s’efface en désert
Effacement
Mai 2015 Saouit Sidi Abdellali Effacement éphémère
Je retiendrai l’effacement L’effacement, la disparition, l’érosion Un paysage qui part en poussière, Qui part en désert Effacement du paysage, de la palmeraie, De ses plantations, de ses constructions Érosion, Tenir par le béton. Effacement pérenne, Effacement éphémère. Je retiendrai l’effacement L’effacement d’un moment, d’un instant, d’un fragment Un paysage qui se dissout, se dissipe, s’évapore Où l’horizon apparaît, disparaît sous l’épaisseur de la poussière, se masque, se démasque. L’horizon, cette ligne si pure en désert, s’évapore. Tendue, elle pâlie, frissonne et se brouille. Elle devient fragile, fébrile, fil.
Ouarzazate
Agdz
42 36
Vue aérienne de la vallée. à partir de Zagora, bascullement, la vallée s’efface en désert, s’etteinue sur la vue aérienne. Du constat au voyage, descrire l’effacement progressif.
Zagora
M’Hamid 43 37
Vue aérienne de la vallée. à partir de Zagora, bascullement, la vallée s’efface en désert, s’etteinue sur la vue aérienne. Du constat au voyage, descrire l’effacement progressif.
Agdz
Entrer dans la vallée
Pour entrer dans la vallée, approcher les palmiers, il faut quitter Ourzazate, traverser Jebel Sarho, franchir les montagnes. Emprunter une route. La route nationale 9. Elle part de Marrackech, elle se termine à M’Hamid. La route nationale 9, entre Ourzazate et Agdz est acérée, le relief abrupt, le franchissement suspendu. La route nationale 9 entre Ourzazate et Adgz s’étend sur soixante kilomètres. Agdz, petite ville, petite place publique caractéristique autour de laquelle tout s’organise. Commerces, souk, restaurants. Les voitures, les ânes, les habitants passent. Les rues qui découlent de la place affichent boutiques et élevages en rez-de-chaussée. Ici, des poules, là une épicerie, en face de la vaisselle, à côté l’abattoir à poulets, la planche à découper les filets. Plus bas, entre des maisons-parpaing un centre ancien délabré et érodé. Une ville de 300 ans abandonnée pour un désir de modernité, un désir cimenté. Je la traverse. Je suis immergée dans l’unité chromatique de la terre, dans sa texture, dans son grain. Le soleil pénètre difficilement, je suis au coeur de la matière, le sol aussi est de poussière. Il n’y a personne. Parfois certains nomades sont autorisés à séjourner dans ce pisé délabré. Je n’en croise aucun. J’arrive dans la palmeraie. J’emprunte une allée. Les ânes chargés et commandés, portent, transportent et passent. Là, l’eau coule dans de petits canaux, ici, un paysan active une moto pompe. J’avance vers l’oued Drâa bien décidée à rencontrer cette artère vitale qui irrigue la vallée. Je rencontre un lit de pierre mêlé à la terre. Le Drâa n’est que poussière, des arbustes prennent place.
Chapitre 1. Un jardin qui s’efface en désert
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Les hommes et les femmes parcourent le lit, passent ici d’une rive à l’autre. J’imaginais de l’eau, je me confronte à la poussière ocre, jaune, sèche. Le Drâa est à sec. De part et d’autre de ses rives, des palmiers dattiers, des milliers de palmiers dattiers, des amandiers, quelques orangers, de la luzerne, des choux et du blé. L’oued est sec mais le fond de vallée est cultivé, planté, jardiné. En fond de scène, des montagnes rochers. Grises et marneuses rive droite, acérées, rouges et brunes rive gauche. Jebel Kissane. À partir d’Agdz, routes et palmeraies sont parallèles Rive gauche, ce sont des villages de terre. Tantôt la route est route, tantôt, elle est piste. Les fellah, les paysans sont nombreux. Il n’y a ni hôtel, ni restaurant. Quelques épiceries. Rive droite, il y a des villes. C’est là où passe la grande route. La route nationale 9. Je m’arrête à Tinzoline, ville en longueur. Poussière, moteurs, chaleur. Tinzouline, un passage pour les touristes. Il y a des hôtels et des restaurants. Quelques boutiques.
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Février 2015, Agdz, panorama sur la palmeraie, Jebel Kissane et un oued de feïja à sec peuplé d’acacia raddiana. Ciel lourd chargé de poussière.
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Palmeraie de Ternata, barrage de dÊrivation Oued Drâa 41
E Effacement f Zagora f a c eàmM’hamid ent Zagora à M’hamid
à partir du second voyage, à partir de février, ce LéGENDE ET INTRODUCTION TEXTE EN DESSOUS concentrer sur le sud de la vallée. L’effacement ce vit éCHELLE par les pieds. Alors marcher. Marcher entre Zagora et M’Hamid. Descendre vers l’hyper-aride, descendre en désert
Palmeraie
Oueds de feïjas
Medina ou ksar
Jebel
Oued Drâa
Erg ou dunes
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Chapitre 1. Un jardin qui s’efface en désert
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Jebel Anaour
Zagora
Tamgrout
ani
Jebel B
Tagounite el
Jeb e
an
lm Se
M’Hamid el Ghizlaine
43
3km
Jebel
Palmeraie
Ville
Oued de feïja
Oued Drâa Oued Drâa
Carte de Zagora
Ci-contre - Transfert d’après une photographie argentique de mai 2015. Zagora, nouveaux quartiers, nord de la ville. Aplatissement des alignements.
Zagora, point de basculement. Zagora, il fait sec. La ville est en longueur, un boulevard principal se greffe sur la Route Nationale 9 et des façades comme des décors tiennent la ville en ligne droite. Rectilignité affirmée Aplatissement des alignements Palmiers et lampadaires. Quand il fait chaud, il n’y a personne, l’atmosphère est tendue, seul le vent passe, seule la poussière se déplace. La ville est figée et rectiligne. À gauche, les rues conduisent à la palmeraie. C’est l’automne, le vent fait bouger les palmiers, fait tomber les dattes. À droite, les rues conduisent au désert. Là, le vent s’engouffre et souffle. Les plaines sont arides et mobiles. Les premières dunes sont visibles. Zagora, une ville de parpaings et des centaines de nouvelles constructions. Impressionnant, délirant. Des dizaines de nouveaux quartiers. Aux airs abandonnés. Des styles architecturaux improbables. Mélange de ciment, de kitch et tradition. J’habite dans une de ces maisons. L’ambiance est étrange, les carreaux aux murs dérangent. Au sud de Zagora, il y a des hôtels. Recouverts de terres et colorés, on se croirait à Disney. Tout l’attirail touristique pour partir en désert est là. Hôtel, campings, agences d’excursion, et même quelques dromadaires. Les 4 x 4 défilent sur la route. Ils partent tous en désert. Ils vont vite, bien vite, plus vite qu’il n’en faut. Ils soulèvent la poussière. Ils filent. Alors, je quitte Zagora par la palmeraie. Basculement, la route change de côté. Un pont passe au-dessus du Drâa, un pont et des palissades de béton contre les inondations. Il y a du sable. La palmeraie parait se décomposer. Il y a des maisons, comme de petits hameaux entre les parcelles, elles sont désertées. Nous sommes ici encaissés, encaissés dans le sable qui enferme et pénètre la palmeraie, les grains un à un s’infiltrent, coulent, glissent. Asphyxie.
Chapitre 1. Un jardin qui s’efface en désert
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Chapitre 1. Un jardin qui s’efface en désert
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Je suis dans un état d’isolement. Est-ce que l’étouffement est un sentiment ? Rive gauche, il y a la route et quelques villages, rive droite, le contexte change, les montagnes-rocher sont bien plus éloignées. Entre elles et la palmeraie, il y a le sable, les dunes. Ensemble, ils avancent dans les cultures. Pour sortir de la palmeraie, il faut par endroit comme escalader. Le sable, forme un rempart à la vallée. Un rempart qui s’empare des cultures. Parfois, c’est seulement le houppier d’un palmier que l’on voit dépasser. Tamegroute. Encore un village en longueur et un centre ancien décentré. Une kashbah souterraine, les rues sont couvertes, partout on fait de la poterie. Les enfants nous lancent des pierres. Les poteries sont vertes. Abdu nous accueil. Encore une maison parpaing. Nouveau quartier aux airs inachevé. On mange de la soupe dans la poterie verte. Dans la palmeraie, les murs de terre sont de plus en plus bas, de plus en plus raz. Les parcelles de plus en plus ouvertes. Le sol est sec, craquelé, fissuré. Il attend l’eau, la pluie. Même dans la palmeraie on n’est plus à l’abri de la chaleur. Les bouquets de palmiers sont plus rares, moins denses. La palmeraie parait appartenir aux plaines arides alentours. Dans le lit du Drâa sec et de pierre, il y a un barrage américain. Un barrage de béton. Plus loin en limite de la palmeraie, de grandes cultures clôturées. Clôturées avec ces grillages verts en croisillons. Ces grillages que l’on connaît bien dans nos pavillons. Ici, ce sont des cultures de pastèques. Tinfou, la dune de Tinfou, une dune dans un lit de pierres. À son pied un hôtel.
CI-contre-Transfert d’après une photographie argentique de mai 2015. Prise de la palmeraie
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De Tinfou à Tagounite, la route s’éloigne de la palmeraie. Entre Tinfou et Tagounite, il y a Jebel Bani. Pour le franchir, Tantôt, je marche le long du Drâa, traverse les ksour. Zaouit sidi Abdelali, franchissement par foum Takat. Les parcelles de la palmeraie s’immiscent dans le tissus du village, forment des jardins. Les dunes et le sable se mêlent aux cultures. Maison de terre et fleurs en plastiques. Ignoune, nous sommes dans le Ktaoua, le sable glisse, la lisière meurt. Tantôt je franchis dans un taxi. Resserrement rocheux. La route s’encastre dans un étranglement. Les montagnes resserrent la vallée. Franchissement du Bani. Le paysage s’ouvre, s’aplatit, les montagnes rochers s’éloignent. Les palmiers se font plus rares. La route s’en éloigne. Étendue de terre et de poussière.
Ci-contre - Transfert d’après une photographie argentique de septembre 2014. Dissipation
Tagounite Tagounite le béton et les sacs plastiques. Ils volent, s’accrochent aux épines des acacias. Dans la vallée, il n’y a nulle part où mettre les déchets. Tagounite a 30 ou 40 ans. Il y a du vent. Les chèches colorés des boutiques à touristes s’agitent, veulent quitter leur portique. Tagounite apocalyptique Idir nous décrit comment c’était le marché avant. Ici, on parle souvent du passé. Comment c’était plus grand, plus peuplé, plus florissant. Moins sec, moins chaud, moins dur. Idir vit dans une maison de béton. Mais il y a de la lumière. Les murs sont bleus. Tagounite-M’Hamid Traverser la montagne pour atteindre le désert. Les steppes sont illuminées, incroyables. Les acacias tiennent le regard. Le conducteur du 4x4 blanc et neuf veut nous vendre un tour en désert. Ouled Driss, avec ces hôtels chics. Les palissades de feuilles de palmiers tiennent la route en construction. On marche entre terre et goudron mais toujours sous la poussière. Et les vendeurs de tour en désert qui accourent, harcèlent. Chapitre 1. Un jardin qui s’efface en désert
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M’Hamid, M’Hamid, le bout de la route nationale 9. M’Hamid, un bout du monde. M’Hamid el Ghizlaine, la plaine des gazelles. Il n’y a pas de gazelles. Air tremblant et surchauffé. Chez Faska, la pièce de ciment, celle des invités. Sans fenêtre, sans lumière. On est en quarantaine, «On est en voyage interstellaire. J’ai l’impression qu’ils nous obligent à rester ici.» Enfete, ils s’obligent eux même à rester ici. Ici les femmes s’ennuient, mangent et tombent malade. Elle vivent dans le noir, broient surement du noir. C’est Mama et Bouchara. Le père délire. Lthei rythme la journée. Dans la palmeraie, il y a peu de murs de terre, les ksour se tiennent, les blés sont plus avancés. Les jnanes sont grands. Les dunes sont proches. Le désert est là. M’Hamid et la tête de la palmeraie. Une tête désertée, asséchée. Des traces des parcelles, des traces des canaux, des traces des cultures.
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Février 2015, panorama depuis le nord de M’Hamid face au reg, et erg qui précèdent la ville. Face aux steppes d’acacia. 53
Ci-contre - Transfert d’après une photographie argentique de septembre 2014. Effacement, déplacement.
Les palmiers, ils meurent Ils ne font plus de dattes. Ils servent à accueillir les bivouacs. L’eau est salée. Il y a du sable dans la palmeraie. Du sable dans les yeux, dans les dents dans les oreilles et peut être quelques grains dans la tête. Le jardin dans le désert disparaît. Le désert prend le jardin. Hôtels en cours de construction Les touristes manquent L’agriculture meurt Les agences pour partir en désert ferment À M’Hamid, il y a le sable Les palmiers meurent. Le sable a pris la palmeraie Il prend la ville. Le territoire s’efface, s’éteint. Le désert monte.
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Effacement
De l’apparition et de la disparition des paysages
Les déserts avancent, montent, s’étendent. Les causes sont multiples. D’abord humaines, l’homme surexploite le milieu. Puis climatiques, le réchauffement en cours de la planète amplifie l’ampleur et la fréquence des sécheresses. C’est la montée de l’hyper-aride, dans les milieux arides, cultivés, du désert dans ses marges. Le vent, l’eau et la poussière sont les caractéristiques du climat et sont les éléments qui agissent sur les mouvements du désert.
Ci-contre, dessin pastel, mouvement d’effacement, rencontre des matières. Dissipation. Le sable pénètre la palmeraie. Rencontre de matières.
La vallée du Drâa s’efface en désert. L’effacement, c’est l’engloutissement par les sables, les dunes qui avancent de dix mètres par an, la destruction des cultures, la disparition du couvert végétal. C’est la montée des sables, poussés par le vent, dans les cultures ils s’immiscent, se déplacent, s’amassent, s’entassent. Ils modifient, changent, transposent, bouleversent, renversent les paysages. C’est, la poussière qui pénètrent les habitations de terre, les terres qui se dégradent. L’eau est salée Les palmiers meurent, ils ne font plus de dattes Il y a du sable dans la palmeraie Le territoire s’éteint. Les populations fuient. C’est le phénomène de la désertification. La désertification, c’est le mouvement de l’effacement des paysages. Un mouvement et des processus. Je préfère donc le terme
d’effacement, en tant qu’action et résultat, à celui de désertification, qui prend en compte la dynamique du phénomène et ne se limite pas à sa fatalité. En effet, alors même qu’il se désertifie, le désert fleurit après la pluie. Les graines en dormance s’éveillent. Le paysage surgit, se transforme. Un mouvement dans l’espace et dans le temps. L’espace des marges désertiques mouvantes. Le temps géologique et climatique, il y a 8000 ans, le Sahara était une forêt. Le temps d’une génération, l’homme voit les steppes disparaître, les rivières s’assécher. Dans la vallée du Drâa, les steppes étaient en bon état jusqu’en 1955. De plus, aujourd’hui, on compte deux fois moins de palmiers au Maroc qu’en 1950. Un temps lié au climat et un temps lié aux pratiques. L’effacement, c’est l’action d’effacer par l’intermédiaire d’agents extérieurs, ici le climat, par l’intermédiaire d’agents intrinsèques, ici les pratiques. Chapitre 1. Un jardin qui s’efface en désert
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Où, le vent, l’eau et la poussière, liés au climat en tant que fondements des évolutions passés, présentes et futures de la vallée du Drâa et où, le sur-pâturage, l’extension des cultures et le défrichage des steppes, en tant que pratiques, sont les agents de cet effacement. L’effacement, en tant que mouvement est un bouleversement progressif, une dissipation, une atténuation, une mutilation et à l’extrême du sens, une disparition. Le paysage qui s’efface peut-il aller jusqu’à cet extrême, disparaitre ? L’effacement et la disparition comprennent des degrés et des intensités , différentes échelles de temps et des dynamiques.
Ci-contre, carte de la palmeraie entre Agdz et M’Hamid. De haut en bas, début du XXème siècle, la palmeraie est dense, cultivée sur toute son épaisseur. M’Hamid est florissant. 1972, à partir de la création du barrage el Mansour, atténuation de la vallée. 2015, effacement.
La disparition, c’est cesser brutalement, progressivement ou momentanément d’être visible, ce qui comprend des intensités et des échelles de temps. La disparition est donc éphémère ou pérenne. En cessant d’être visible, un paysage cesse t-il d’être paysage ? où en arabe, mandhar, paysage, correspond à ce que l’on voit. On peut identifier différentes disparitions, selon si elle est momentanée (disparition perceptive), progressive (disparition formelle) ou brutale (disparition absolue). La disparition perceptive, n’existe
qu’à travers le regard d’un référent. Momentanée, elle fait apparaître l’invisible dans le visible, le visible dans l’invisible. Le paysage est dissimulé derrière un écran, un voile entre l’observateur et le paysage. La disparition perceptive, c’est par exemple, la disparition d’un paysage noyé sous la brume ou la poussière. Depuis le RER parisien de la ligne C, les jours de brouillard, les tours de la Défence disparaissent sous la brume, les tours s’effacent du paysage parisien. En désert, sous une tempête de poussière, l’horizon se brouille, se voile et peut disparaître sous l’épaisseur de la poussière.
La disparition formelle se combine et s’ajoute à la disparition perceptive. C’est une disparition par accumulation ou réduction, par ajout ou retrait, par sédimentation ou érosion. La disparition formelle recouvre, apporte ; retire, envlève.
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Par exemple, les villages lacustres préhistoriques, enfouis sous les limons disparaissent. Le paysage de ces villages a donc disparu à un moment donné car il n’est plus perceptible cependant, l’accumulation engendre un nouveau paysage avec une nouvelle forme, comme quand Christo1 emballe des monuments, comme quand le sable dans la vallée du Drâa recouvre les cultures, les routes et les habitations. La disparition absolue c’est la destruction ou la dématérialisation d’un paysage ou d’un élément de paysage. Elle peut être brutale, c’est le cas d’une explosion nucléaire ou d’une infrastructure emportée par une crue, un tremblement de terre. Elle peut être progressive, c’est le cas de l’évaporation. La forme n’existe plus, l’eau liquide est devenue gazeuse. Il s’agit alors d’une mutation. La disparition absolue est un état de mutation, elle existe seulement à un instant T, tout comme la disparition perceptive qui est momentanée et laisse le paysage apparaître à nouveau ou comme la disparition formelle qui laisse place à une nouvelle forme. La disparition, c’est donc une transformation, un changement d’état du paysage.
Alors la disparition, c’est aussi l’apparition.
1-Christo, artiste qui emballe, recouvre des monuments, bâtiments avec des tissus comme le Pont Neuf à Paris et le Reichtag à Berlin. 2-Schéma directeur d’aménagement urbain de la ville de Zagora. Ministère de l’habitat, de l’urbanisme et de l’aménagement de l’espace, horizon 2030 3-Dans la gare saint Charles à Marseille, des pins maritimes sont morts par manque de lumière, alors, ils ont été collés et fixés, figés afin de maintenir l’image de la gare.
Voir l’apparition c’est accepter le changement, voir le bouleversement comme un nouveau paysage, c’est voir l’apparition. Faut-il agir, réagir, voir lutter face à ces paysages qui s’effacent et qui tendent à disparaitre ? L’effacement, est-ce donc une menace, une perturbation ou une évolution des paysages ?
c’est empêcher la disparition mais aussi l’apparition. Lutter, c’est agir contre la force inéluctable du temps, lutter c’est la peur, la peur de la transformation des paysages, la peur de perdre les traces et la mémoire de notre passage. Lutter, c’est rendre immobile le mobile, c’est figer l’immaîtrisable, c’est maintenir en survie un paysage. Dans la vallée du Drâa, le Schéma directeur2 prône une agriculture paysagère. C’est à dire le seul maintient des palmiers-dattiers et l’abandon
Lutter,
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des sous-cultures. C’est maintenir en survie un paysage. Le figer comme les pins taxidermiés3 de la Gare Saint Charles à Marseille. C’est le priver de sa capacité intrinsèque de régénération. C’est fixer un paysage dans l’immobilité alors que le propre d’un paysage n’est -il pas d’être mobile, de disparaitre et d’apparaître ? C’est maintenir le paysage dans un état dépassé et le rendre inhabitable car le paysage n’évolue pas alors que les espèces (humaines, animales ou végétales) qui l’habitent évoluent. Figer les paysages, amènerait-il alors à la disparition des espèces qui l’habitent ? Alors qu’accepter le mouvement de l’effacement permet l’adaptation des espèces et des paysages. Surmonter la peur, c’est ne pas voir la disparition, c’est ne pas lutter contre l’effacement, c’est, selon la conception du mot paysage en arabe, l’acceptation de l’apparition d’un nouveau paysage. Car vaincre la peur que provoque un territoire, c’est le faire accéder au statut de paysage. Vaincre la peur de l’effacement des paysages de la vallée du Drâa, c’est voir l’apparition d’un nouveau paysage et permettre de continuer de vivre. Finalement, comment peut-on continuer à habiter dans ces paysages en mouvement ? Et comment accompagner le mouvement de mutation ? Quelles sont les nouvelles conditions d’habitabilité en désert ? Comment l’homme et les paysages sontils capables de s’adapter à ces changements ?
Dès lors, le travail consiste à comprendre d’une part les pratiques et les modes d’habiter de la vallée, d’autre part les mouvements d’apparition et de disparition des paysages sous l’influence des éléments du climat : vent, eau et poussière afin de proposer un scénario de projet agissant sur ce qui s’efface en fonction des pratiques et des éléments.
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Inventaire Des effacements L’effacement, c’est l’action d’effacer et effacer c’est enlever, couvrir, gratter, gommer, éliminer, rendre moins net, estomper, faner, obscurcir, pâlir, faire disparaître.1 Ces actions sont donc les mouvements de l’effacement qui s’observent dans le paysage. Avec la disparition perceptive (DP), formelle (DF) et absolue (DA), qui induisent des mouvements de disparition et apparition, l’effacement s’opère selon différents modes. Comprendre les processus d’effacement, c’est comprendre les mouvements des transformations paysagères. Les différentes formes d’effacement donc de disparition et d’apparition peuvent être regroupées sous la disparition perceptive, formelle et absolue.
1-Inspiré de Michel Ribon esthétique de l’effacement, essai sur l’art de l’effacement. L’Harmatan, 2005 Ci contre, dessins au pastel des différents mouvements d’effacement. De gauche à droite et de haut en bas : Effacement par absorption Effavement par dégradation Effavement par dissipation Effavement par déplacement Effavement par ensevellissement Effavement par recouvrement
Effacement par superposition (DF) Effacement par ensevelissement (DF) Effacement par érosion (DF) Effacement par dissipation (DP) Effacement par absorption (DA) Effacement par destruction (DA) Effacement par évaporation (DA) Effacement par déplacement (DF/ DP) Effacement par dégradation (DF) L’effacement, c’est une rencontre L’effacement c’est le temps L’effacement c’est la matière.
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6969 69 69 63
69 69
L’effacement par
Recouvrement
Dégradation
Érosion
Superposition
Ensevelissement
Absorption
Déplacement
Évaporation
Chapitre 1. Un jardin qui s’efface en désert
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Zagora
Tamegrout
Jebel Bani
Tougounite
M’Hamid el Ghizlaine
65
3km
Chapitre 2. Habiter la vallĂŠe Irriguer Jardiner Habiter
Septembre 2015, vallée du Drâa, entre les montagnesrocher et les terrasses alluviales, s’étale une forêt de palmiersdattiers.
Chapitre 2. Habiter la vallée
Irriguer
Février 2015- Zaouite Elfateh. Zone d’extention de la palmeraie où passe un canal d’irrigation moderne.
Irriguer, c’est l’eau, c’est le temps Irriguer, c’est la condition pour l’agriculture dans la vallée Irriguer, c’est conduire, diriger, transporter, acheminer, puiser, stocker, pomper, acheminer, aiguiller, orienter. Irriguer, c’est attendre, remplir et vider. Dans la vallée, l’irrigation se fait par inondation, submersion. Le système d’irrigation de la vallée du Drâa mêle des réseaux d’irrigations traditionnels et modernes qui se rechargent dans la nappe phréatique et dans l’oued Drâa dont les réserves dépendent depuis 1972 du barrage El Mansour Edhabi à Ourzazate.
L’oued Drâa
Une artère vitale qui s’efface en désert
L’oued Drâa, était, le plus grand fleuve du sud marocain. L’interruption de son écoulement est contemporain. Il y a trente ans, il y avait de l’eau presque toute l’année dans l’oued à Zagora.
La superficie du bassin versant de l’oued Drâa est de15 000 km2 Les apports annuels varient de 68 à 1800 Mm3 par an avec une moyenne de 420 Mm3. Les débits varient de 0,3m3/s à 36m3/s avec un débit moyen de 13,4m3/s à Zagora pour la période de 1963 et 1970. Le Drâa est marqué par des périodes de crues et de sécheresse. En septembre 2014, j’apprends qu’il n’y a plus d’eau à Zagora. Les cultures se dessèchent, l’eau ne coule plus au robinet. L’État apporte de l’eau potable dans des citernes. Les crues du Drâa, ont lieu à l’automne et au printemps. Les crues d’automnes sont brèves et violentes. Elles sont dues aux orages. Le barrage El Mansour déborde rarement. Les crues de printemps sont la conséquence de la fonte des neiges. Elles sont plus importantes. Avant la création du barrage, les crues supérieures à 500m3/s parvenaient jusqu’à Iriki. Et l’on disait, si la crue arrive sans bruit elle ne dépassera pas le Ktaoua ! Si, au contraire, elle avance avec un grondement de tonnerre elle atteindra le M’Hamid pour se répandre dans les bours.1 Avant, lors des fortes crues, on cultivait des céréales sur les terres hors de la palmeraie. Seules des crues très violentes permettaient autrefois à l’eau d’atteindre la mer. En novembre dernier, après plusieurs années de sécheresse, il pleut. Il n’avait pas autant plut depuis 1957. L’eau dévale, l’eau érode les montagnes, le barrage El Mansour déborde, la nappe phréatique se remplit depuis le désert et le lac Iriki ont fleurit. De haut en bas - Novembre 2014, Crue de l’oued Drâa, Zagora, photographie de Adil Moumane. Novembre 2014, crue sur le pont de l’oued Drâa, Zagora, photographie de Adil Moumane. Février 2015, Agdz, oued Drâa. Septembre 2014, Agdz, oued Drâa à sec. Ci-contre carte du réseau hydraulique de la vallée entre deux eaux.
L’eau du Drâa qui sillonne entre les palmeraies, alimente en eau d’irrigation les cultures. Il est au cœur d’un système précis d’utilisation des eaux.
1-Plaine d’épandage
Chapitre 2. Habiter la vallée 70
Barrage El Mansour Eddabi
ed
Ou âa
Dr
Lac Iriki M’Hamid
75 71
200 km
Ouarzazate
Agdz
Zagora
M’Hamid
Barrages de dérivation
Ci-dessus-carte des barrages de dérivation. Ci-dessous- Photographie de SDAU, barrage de Tansikt après un lâcher du barrage El Mansour. Février 2015, canal en terre, segguia, dans la palmeraie de Zagora. Mai 2015, Canal principal moderne à Amzrou, sud-est de Zagora. Mai 2015, croisement et superposition de deux canaux, une segguia de terre et un canal secondaire de béton, palmeraie de Zagora. Février 2015, Zaouite Elfateh, canal secondaire en béton. Ci contre- Schéma de distribution de l’eau.
Conduire, inonder Dans la palmeraie, l'irrigation se fait par inondation, par submersion. Le système d'irrigation mêle un réseau moderne en béton ( en place depuis 1983) et un réseau traditionnel en terre, un enchevêtrement chevelu de rigoles. Il mêle également l'utilisation des eaux de surfaces et celle des eaux souterraines en fonction des apports, des périodes de crue et de sécheresse. Les ressources en eaux de surface sont estimées à 694 Mm3 dont 630 Mm3 sont mobilisés avec 420 Mm3 apportés par le barrage El Mansour. Les eaux souterraines mobilisables sont estimées à 150 Mm3 dont 90 Mm3 sont exploités chaque année. L'eau des pluies, dévale les versants raides et s'infiltre dans les feijas avant d'être drainée vers les oueds de feijas qui alimentent l'oued Drâa. Le barrage El Mansour distribue l’eau en trois ou quatre lâchers par an de 40 Mm3 chacun. Cependant, six ou sept seraient nécessaires afin de satisfaire les besoins en irrigation. Les lâchers du barrage sont décidés lors de réunions avec l’association des usagers de l’eau à usage agricole et le gouverneur afin de déterminer la date, le volume et la distribution. On commence par l’aval. L'eau des lâchers est ensuite interceptée par des barrages de dérivation ou des segguia. Il y a cinq barrages de dérivation en tête de chacune des six palmeraies (du nord vers le sud, les barrages de Agdz,Tansikhte, Ifly, Azaghar, Bounou). C’est l’Organisation régionale de Mise en Valeur agricole
Chapitre 2. Habiter la vallée 72
Barrage de dérivation
Segguia, l’ougoug
Segguia, le ruisseau
Canal d’irrigation moderne principal
Oued Drâa Mesref
Jnane
Ouzoun, carré irrigué
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Robta
L’irrigation est suffisante quand les casiers, ouzoun, sont remplis à la hauteur de la cheville.
Coupe palmeraie au sud de Zagora. Canaux de terre et chemin sur déblais. qui planifie l’ouverture des barrages de dérivation. Puis, la segguia est un barrage fait d’une simple levée de pierre et de branchages, rendus étanches par des limons, perpendiculaires au lit du Drâa, l’ougoug. Les segguias, forment un dispositif en épis sur l’oued mais ellesplanifie sont souvent emportée par les de crues. L’eau déviée des barrages qui l’ouverture des barrages dérivation. modernes est conduite dans un béton levée qui longe la vallée sur deux Puis, la segguia est un barrage faitcanalde d’une simple de pierre et de cent onze kilomètres. L’eau de est envoyée dans un ruisseau branchages, rendus étanches parl’ougoug des limons, perpendiculaires au lit du de terre,l’ougoug. une segguia. l’eau,forment emprunte hiérarchie d’embranchements Drâa, Les Puis segguias, un une dispositif en épis sur l’oued mais en béton pour deux cent kilomètres, en terre pour 1160des kilomètres. elles sont souvent emportée par les crues. L’eau déviée barrages Ils sont de est moins en moins finalement les jnanes, modernes conduite dansespacés un canaletde béton quiencadrent longe la vallée délimitées paronze des buttes de terre. guideestl'eau entre dans les buttes à sur deux cent kilomètres. L’eauLedefellah l’ougoug envoyée ici emplacement des notes et l'aide, d'atla,de une houe. un ruisseau terre, une segguia. Puis l’eau, emprunte une hiérarchie légendes des coupes et photos ci Dans la palmeraie, ilen y abéton une police de l’eau un chef, le en cheick quipour gère d’embranchements pour deux centetkilomètres, terre dessous les plannings en fonction dumoins nuba de le tour en français, qui est 1160 kilomètres. Ils sont de en chacun, moins espacés et finalement héréditaireles mais qui peu s’acheter sebuttes vendre.de terre. Le fellah guide encadrent jnanes, délimitées parou des l'eau entre les buttes à l'aide, d'atla, une houe. Photographies ci-dessous, de gauche à droite : Mai 2015, Zagora, Segguia à Amzrou. Février 2015, petit Dans la palmeraie, il y a une police de l’eau et un chef, le cheick qui gère canal de terre, robta. Mai 2015, Zaouite sidi Abdelali, les plannings en fonction du nuba de chacun, le tour en français, qui est petite écluse sur un canal pour dirriger l’eau. Février 2015, palmeraie de Zagora, un fellah utilise atla pour héréditaire mais qui peu s’acheter ou se vendre. enlever les buttes et dirriger l’eau dans un canal de terre.
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Coupe sur le canal principal - Amzrou
Coupe sur Segguia, plantée de Tamarix et canal secondaire en béton-Amzrou
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Coupe et perspective, palmeraie de Zagora circulation de l’eau entre les chemins et les jnânes.
Février 2015. Zagora, jnane inondé.
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Puiser L’eau
que l’on ne voit pas
Quand l’eau de surface est insuffisante, les paysans puisent dans la nappe phréatique. Soit avec des puits traditionnels à balancier, l’ignia, composés de deux ou trois colonnes et un balancier puisant à six mètres de profondeur ou des puits à poulie, l’aghour qui puisent l’eau à quinze ou vingt mètres de profondeur. Soit avec la motopompe, qui aujourd’hui se généralise et remplace les puits traditionnels. L’eau est puisée en profondeur. Dans la palmeraie de Merzguita on compte aujourd’hui trois mille puits contre quatre cent cinquante en 1994. Dans la vallée, on en compte entre 12 000 et 13000. Pour l’utilisation des eaux souterraines, il n’y a pas de réglementation. L’eau est gratuite dans les zones oasiennes. Mais, puiser l’eau avec une motopompe qui consomme du gaz coûte 0,58 dirham par mètre cube ou neuf dirhams pour une heur (soit dix sept mètres cubes). Si l’on a pas assez d’argent pour creuser un puits, on loue l’eau chez les voisins. C’est quinze dirhams de l’heure. La vallée compte sept nappes phréatiques majeures. Celles des six palmeraies plus celle de l’oued Feïja. L’eau de cette dernière nappe est très bonne, affleurante et peu salée. Elle apporte 6MM3 à la nappe de Fezouata dont les apports cumulés annuels sont de 7,5 MM3. Sa vitesse d’écoulement est faible, ce qui constitue un outil de régulation inter-annuel et permet l’exploitation de la nappe pendant les périodes sèches. Là où, depuis 2006, on cultive de la pastèque. Les nappes du sud du Maroc ont connu une baisse de vingt mètres et le tiers des sources d’eau des oasis est totalement tari ou à un débit insignifiant.1 De haut en bas : Mai 2015, M’Hamid, puits à balancier, l’ignia. Février 2015, palmeraie de Ktaoua, puits à poulie. Février 2015, Motopompe Zagora, palmeraie Fezouata. Ci-contre, carte des nappes phréatiques de la vallée du Drâa.
Royaume du Maroc, ministère de l’énergie, de l’eau, des mines et de l’environnement., Adaptation au changement climatique pour des oasis résilientes
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Barrage El Mansour
Agdz
Zagora Nappe de El Feïja
Lac Iriki
M’Hamid
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Le barrage El Mansour Edhabi Ce collose qui tient la vallée Dans les années 70, le Maroc déploie une politique nationale de grands barrages en pensant ainsi pouvoir contrôler les eaux et lutter contre la désertification, alimenter les centres urbains en eau potable et en électricité. Malgré, leur rôle économique important, les effets sur le partage de l’eau et le recul de la désertification sont discutables. Le barrage el Mansour Edhabi est construit en 1971 dans la Taghia du Drâa, une cluse vertigineuse , en aval de l’oued Drâa et à la confluence des oueds Dadès et Ouarzazate. Ce barrage voûte de 70 mètres de hauteur et de 540 millions de mètres cubes est relié à une usine hydroélectrique de 10 000 KW pouvant produire 20 millions de KWh par an. En Août 2015, sera mise en fonction l’usine solaire de 3000 hectares, Noor I, qui consommera six millions de mètres cubes d’eau par an. Le barrage étant une réserve en eau pour le fonctionnement des turbines, pour le nettoyage quotidien des panneaux qui se couvrent de poussière. 1- Cependant, la pastèque consomme 8000m3 par hectare. De plus, ces cultures sont installées aux abords de la palmeraie, sur des terres de parcours défrichées. 2- Par exemple, les blés sont semés d’octobre à novembre à M’Hamid et jusqu’en janvier à Agdz. 3- Le bayoud est un champignon, fusarium osysporum albadinis, qui provoque une maladie sur les palmier appelée trachéomycose. Le palmier réagit en bouchant ses vaisseaux contaminés, ce qui empêche la propagation des spores dans la sève. Le palmier meurt alors de déshydratation. Ci contre, Comparatif de barrages, tous marocains à l’exception de Serre ponçon et Vassivière (France), de gauche à droite et de haut en bas : Barrage El Mansour Edhabi 54OMm3 Barrage de Serre Ponçon, 1200 Mm3 Barrage de al Whade, 3800 Mm3 Barrage de Al massira 2760 Mm3 Barrage Hassan I 90Mm3 Barrage Ibn Tachfine 304 Mm3 Lac de vassivière 104 Mm3
Le barrage, une grande construction de métal. Protégée par tout un arsenal. Je ne peux pas le photographier, ce colosse qui tient toute la vallée. Ils ont coupé l’eau car la semaine prochaine, ici on tourne Mission impossible V. Le héros doit courir sur le faîtage du barrage. Celui que je n’ai pas le droit de photographier. Le barrage, un verrou. Il intercepte l’eau des crues de l’Atlas et la stocke. Seule une partie est restituée à la vallée pour l’irrigation, l’autre est consommée par la ville, par la future centrale solaire, la centrale hydroélectrique, par la culture intensive de la pastèque1. Il ne distribue pas l’eau en fonction des moments clefs qui sont différents de l’amont à l’aval2. De plus, le barrage provoque une accumulation des limons, les tamis, en amont donc un déficit en aval et une baisse de la fertilité des terres. Avant sa construction, les crues alimentaient en eau le lac Iriki, qui était alors une importante réserve ornithologique. Depuis le lac s’est progressivement asséché. Désormais, il est à sec. Le barrage perturbe l’alimentation en eau de la nappe phréatique en baissant l’ampleur et la durée des hautes eaux dans la vallée. Le niveau de la nappe diminuant, la salinité des terres augmente, d’autant que les fortes crues, bloquées en amont ne permettent plus un dessalage des sols. Enfin, il favorise la diffusion de maladies graves par la mise en eau permanente des cultures comme le bayoud 3. La désert monte, l’effacement s’accentue.
Chapitre 2. Habiter la vallée 80
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Le barrage ne remplit pas sa fonction première qui est de répondre aux besoins en eau d’irrigation puisqu’il la maintient en témoignant de la volonté de l’homme de s’approprier la ressource et de maîtriser les évènements climatiques qui ne rythment plus la vie de la vallée. De plus, la masse d’eau accumulée modifie le climat. Et c’est le cas dès que l’on crée un barrage. Le lac de Serre-Ponçon dans les Alpes a entraîné la montée de la limite pluie neige. Il neige moins. Depuis la création du monumental barrage Assouan en Egypte, ont lieu de violents orages, les constructions de terre fondent.
Ci-dessus : Digue et lac du barrage El Mansour
Est-ce une maitrise ou une orientation de la météorologie ? La météorologie, façonne les climats, les flores, les paysages de la vallée du Drâa. En interceptant l’eau dans un barrage, n’y a-t-il pas détournement du climat ? Modification de la flore et du paysage ? Est-ce une appropriation ? Un détournement ? Jusqu’où pouvonsnous aller dans l’artificialisation ? Voici les questions que soulève la création du barrage et celles qui peuvent être soulevées lorsque l’on parle de lutte contre un phénomène naturel (le barrage a été créé pour lutter), celui de l’effacement, de l’apparition et de la disparition des paysages.
Centrale solaire 6 Mm3 Évaporation 56 Mm3 soit 15 % (1995)
Eau potable 3,5Mm3 (2013/2014)
Barrage El Mansour Edhabi capacité de 540Mm3
Envasement 3,5Mm3 (2013/2014) soit 150t/km2/an qui sont emportées dans le haut Drâa
Irrigation 245 Mm3 nécessaire selon l’ORMVA en 1995 Utilisation réelle : 173 Mm3 (septembre 1994/ mai1995) 168 Mm3 (septembre 2012/ mai 2013) 25 Mm3 (septembre 2013/ mai 2014) soit une perte de 85%
Centrale hydroélectrique 58 Mm3 (1995) Chapitre 2. Habiter la vallée 82
Mai 2015- Lac du barrage El Mansour Edhabi, vu d’avion. Photographie de Laurence Cremel
Chapitre 2. Habiter la vallĂŠe
Jardiner
Mai 2015 Zaouit sidi Abdelali, une femme dĂŠsherbe son jnane, avec mendjel.
Jardiner c’est le sol, la terre, l’eau, la matière. Jardiner, c’est habiter. Les fellahs, pour parler de leur parcelles emploient le mot jnâne, qui signifie jardin. Dans la palmeraie, on ne cultive pas, on jardine. Le mot arabe pour dire jardiner signifie, prendre soin. Dans la culture arabo-musulmane, le jardin c’est l’oasis, l’éden. Dans les représentations, les miniatures, le jardin est toujours habité, fréquenté. On y joue de la musique, on s’y rencontre, on y mange. Parcourir la palmeraie, marcher entre les jnânes et rencontrer, entrer, échanger, manger, boire le thé, observer. Parcourir c’est voir, C’est le paysage.
Le jardin en désert Dans le contexte désertique des montagnes rochers, s'étale sur deux cent kilomètres et 26 000 hectares, un paysage jardiné et étagé exclusivement irrigué. C'est là ou se concentre l'habitat et l'activité. Cela représente seulement 2% du territoire des provinces de Ourzazate et Zagora. C'est une oasis, une palmeraie. L’oasis est un milieu artificiel qui n’existe que grâce à l’action de l’homme. Ci-contre - Février 2015, palmier Agdz. Ci-dessous. Février 2015. Panorama. Palmeraie de Ternata au centre, ville de Zagora à gauche, zone d’extension de Zaouite Elfateh à droite de l’oued Drâa. Depuis Jebel Zagora. 1 - Proverbe arabe
Son épaisseur varie de cent mètres à dix kilomètres en fonction du contexte des montagnes rochers qui l'enserre, la resserre ou la libère ; en fonction du désert qui la grignote, la ronge. Le palmier dattier, phoenix dactilifera, c'est l'emblème de la vallée. On en compte des milliers, 1 421 870 pour être précise. Leur plantation est dense avec 150 à 200 arbres à l’hectare mais irrégulière. Les parcelles, les jnanes, sont composées de trois étages de cultures. Les palmiers dattiers, des fruitiers (abricotiers, grenadiers, oliviers, amandiers, pommiers, orangers), et des sous cultures intercalaires, maraîchères, céréalières ou fourragères. La micro-propriété règne, 80 % des paysans, les fellahs, possèdent moins d’un hectare de terre émietté en plusieurs parcelles (7,77 parcelles par fellah en moyenne) et 300 palmiers.
Chapitre 2. Habiter la vallée 86
«Le palmier vit les pieds dans l’eau et la tête au soleil.»1
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Des murs de pisé délimitent une juxtaposition de nombreuses parcelles au dessin labyrinthique où chemins et canaux d'irrigation se suivent, se croisent et s'emmêlent. Entre les murs, des buttes de terre subdivisent les Des murs de pisé délimitent une juxtaposition de nombreuses parcelles jnanes en carrés pour faciliter et conduire l'irrigation. au dessin labyrinthique où chemins et canaux d'irrigation se suivent, se croisent et s'emmêlent. Entre les murs, des buttes de terre subdivisent les La vente des dattes constituent le premier revenu des fellahs. Les autres jnanes en carré pour faciliter et conduire l'irrigation. cultures sont principalement auto-consommées. Chaque pied produit quarante kilosconstituent de dattes silel'irrigation est suffisante, autrement, un palmier La vente des dattes premier revenu des fellahs. Les autres donne entre dix et vingt kilos. Avec 34 125 tonnes de dattes, la cultures sont principalement auto-consommées. Chaque pied produit vallée du Drâa produit à ellesi seule 30 %est de suffisante, la production nationale. le quarante kilos de dattes l'irrigation autrement, un Cependant palmier Maroc manque de dattes et doit importer. donne entre dix et vight kilos. Avec 34 125 tonnes de dattes, la vallée du Drâa produit à elle seule 30 % de la production nationale. Cependant le terresdelesdattes plus proches deimporter. l’oued sont les plus chères. Les terres ont Maroc Les manque et doit en différents statuts. Les les melk quiproches représentent 95 %sont desles terres Les terres plus de l’oued plus agricoles chères. (ard khasba) de Zagora ont un statut privé. Elles s’obtiennent par un achat, un héritage ou Les terres ont différents statut. un don elles sont régit par le droit musulman. de habous Les melk qui représentent 95 % des terres de ZagoraLes ontterres un statut privé. sont des terres de fondation religieuse, leur régime est strictement Elles s’obtiennent par un achat, un héritage ou un don elles sont régitreligieux et repose sur la donation par de solidarité. arch correspondent par le droit musulman. Les terres habous Les sontterres des terres de fondation aux terres de tribus et sont de jouissance communautaire. les guich, sont religieuse, leur régime est strictement religieux et repose sur laEnfin, donation des terres attribuées à des tribus en contrepartie des services militaires par solidarité. Les terres arch correspondent aux terres de tribus et sont rendus. de jouissance communautaire. Enfin, les guich, sont des terres attribuées à des tribus en contrepartie des services militaires rendus.
Chapitre 2. Habiter la vallée 88 94
FĂŠvrier 2015. Agdz, palmeraie et Jebel Kissane.
Carte des cultures Cultures de pastèques
Oasis Oueds de feïja
Dunes ou ergs Jebel
Oued Drâa
Zagora
Palmeraie de Fezouata
Palmeraie de Ktaoua
Palmeraie de M’Hamid
3km
Le jardinage un art La moisson une cérémonie La palmeraie est un lieu de production et un mode de vie. Les
fellah habitent dans la palmeraie et vivent de la palmeraie. Ils sont fiers, ils le partagent. Les parcelles sont petites, l’accès se fait à pied, en vélo, en âne ou en moto. Les outils sont petits et précis. Tamskirt (1) pour couper les feuilles de dattier, Mendjel (3) pour faucher la luzerne ou désherber, Atla pour former les buttes, travailler la terre et une toute petite faux (2) pour les blés. Les récoltes sont transportées à dos d’âne ou de femme. On amende avec le fumier des ânes et du bétails.
Ci-dessus : Février 2015 Palmeraie de Ternata, Fellah jardinant avec Atla dans un jnane planté en choux et luzerne. Mai 2015, Saouite Sidi Abdelali, fellah dans sa parcelle d’orge. 1Badr à l’OMRVA Zagora
Arrosée trois fois par semaine, la luzerne se récolte toutes les deux semaines. Les blés sont fauchés deux fois l’année. Quand ils sont verts pour le bétails, quand ils sont dorés pour les épis et la paille. Les légumes sont cultivés et auto consommés, carottes, navets, choux, et parfois un peu de henné. Les fellah, hommes et femmes, travaillent pliés, courbés. La taille et la forme des outils obligent un travail long et minutieux. Une pratique lente et épuisante. En mai, l’on fauche les blés, les faux sont minuscules, je m’interroge. On m’explique, la moisson est une cérémonie.1 Jardiner, longuement et patiemment. Jardiner, c’est habiter.
Chapitre 2. Habiter la vallée 92
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2
1
FĂŠvrier 2015, sous les palmiers. Jnane et cultures de blĂŠ.
Composition agricole études parcellaires agricole autour de l’oued Drâa, un assemblage de parcelles aux formes irrégulières, disposées les unes contre les autres sans dessin particulier mais dont la forme est induite par l’eau, la topographie et l’orientation. Chemins, canaux, 1 segguia, suivent les contours des parcelles ; les murs de terre, lorsqu’ils sont présents, soulignent ces contours et protègent. Les contours forment des lignes, continues ou discontinues sont, support de déplacements de l’eau et des hommes, soulignent, bordent ou protègent les parcelles. Les parcelles, des surfaces, le lieu de la culture, un sol, une matière, une épaisseur, un intérieur. Un sol et un sous-sol. Lignes et surfaces forment une composition hasardeuse tracée par le travail de l’homme, le résultat apparait comme un tableau d’ombre et de lumière, de pleins et de vides. Des points, des palmiers s’installent dans la composition. Leur plantation et densité est irrégulière, discontinue. La densité des points s’amenuise de Zagora à M’Hamid, la taille des surfaces se réduit. Cependant en parcourant, elles semblent plus grandes, plus ouvertes. C’est parce-qu’il n’y a plus de murs, c’est parce qu’elles sont moins densément plantées. Le parcellaire
2
De Zagora à M’Hamid à travers l’analyse du parcellaire, s’opère une lecture de l’effacement. Les surfaces se dissolvent dans les lignes, les points s’atténuent, disparaissent. La palmeraie se décompose.
1. Zone d’extension de la palmeraie, Zaouite Elafeth. Les palmiers sont plus jeunes, dessinent des points alignés en pointillés. Les surfaces sont longues et étroites, adaptées au passage des tracteurs. Les bandes permettent une entraide écologique entre les parcelles. 2. Zone d’extension de El Feija, culture intensive de la pastèque. Les arbres sont rares. Les formes sont régulières, les parcelles posées dans un sol sec et sableux. Un tracteur passe, des hommes ramassent, des camions transportent et exportent. Entre les différents parcellaires, un rapport d’échelle en fonction de la capacité humaine, manuelle ou mécanisée. La petite taille est adaptée aux outils, au travail à la main et aux coutumes. Mais sous l’influence du climat et de la difficulté du jardinage, les fellah quittent, abandonnent alors les parcelles s’effacent. Comment jardiner dans l’interstice de ces lignes qui s’effacent ? Comment former un nouveau dessin, pour donner de l’épaisseur à ces intérieurs, pour ne pas laisser les sols se dégrader, se désagréger, s’envoler ? Chapitre 2. Habiter la vallée 94
1
Ligne, contour
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Jnanes cultivés
Jnanes en jachère ou en désert
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Houppier des palmiers
Segguia, eau
Ksar
Des dattes
Rendements : 40 kilos par pied 150 et 200 pieds à l’hectare, soit six à huit tonnes à l’hectare Irrigation : 5200 m3 par hectare par an Récolte des premières dattes après cinq ou six ans Gains : De 20 à 150 dirhams le kilo selon la variété 120 000 à 900 000 dirham par hectare. Coût de l’irrigation 1972 Dirhams par hectare (augmente les années de sécheresse) Les plants de palmiers sont gratuits, soit donné par l’ORMVA (organisation de mise en valeur agricole) soit pris directement dans les rejets sur les jnanes. Les dattes sont auto-consommées, vendues au souk de Zagora, exportées dans le Maroc
Chapitre 2. Habiter la vallée 96
et des pastèques
Rendements : 60 tonnes à l’hectare Irrigation : 8000m3 par hectare par an Cycle court de décembre à juin ; gains rapides, facilité de culture. De 3 à 8 dirhams le Kilo 180 000 Dirhams à l’hectare Coût de l’irrigation 4640 Dirham par hectare Chaque année, il faut acheter de nouveaux plants hybrides en pépinières. Les pastèques sont vendues dans les rues de Zagora, exportée dans les grandes villes du Maroc et en Europe.
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Les pastèques Du jardinage à la culture
Zagora El Feïja
M’Hamid
Ci-dessus : carte de la vallée et situation de la région de El Feïja, plaine où est cultivée la pastèque. Vingt kilomètres au sud)ouest de Zagora. Mai 2015- Un ouvrier agricole vend ses pastèques dans le centre de Zagora, le long de l’avenue Mohammed V, à côté de la mosquée.
Depuis 2005, on cultive la pastèque. Le fruit devient la fierté des habitants de la vallée. En février elles sont plantées, en mai elles sont récoltées. Alors en mai à Zagora, c’est l’euphorie de la pastèque. Elles viennent de El Feïja, elles poussent en désert. Sur la route nationale 9, des centaines de camions passent chargés de pastèques. Les fruits partent pour tout le Maroc, partent pour l’Europe. Devant la mosquée, c’est la bourse de la pastèque. Dans l’ancien souk, les camions se garent. Chacun achète son fruit. Et au petit matin, les ouvriers Du jardinage à la culture accourent au près des camions pour se faire embaucher. Le soir ils vendent leur pastèque-salaire devant la mosquée. Cinq mille hectares ont été plantés. Les cultures sont sur la nappe phréatique quionalimente en eau potable, qui alimente le Drâa. La Depuis 2005, cultive laZagora pastèque. villefruit et la palmeraie sontdes assoiffées, fragilisées pourEn unfévrier désir de fruit frais et Le devient la fierté habitants de la vallée. elles sucré,plantées, pour une de courte rentabilité. sont enrecherche mai elles sont récoltées. Alors enZagora mai à meurt. Zagora, c’est À El Feïja, de les la parcelles fontElles cinqviennent hectares,deà El el Feïja, ilelles y a des tracteur,s l’euphorie pastèque. poussent en à el Faïja, il y a des produits phytosanitaires. Il faut que les pastèques poussent désert. bienlaetroute vite. nationale Mais il n’y9,a des pluscentaines d’eau dans nappe phréatique. Sur delacamions passent chargés de pastèques. Les fuits partent pour tout le Maroc, partent pour l’Europe. Les extensions de lac’est palmeraie, situées abords Dans de celle-ci puisent Devant la mosquée, la bourse de laaux pastèque. l’ancien souk, les également lesChacun ressources souterraines. Zaouite Elfateh, camions se dans garent. achète son fruit. EtLaauzone petitdematin, les ouvriers cultivée depuis les des années 80 à pour l’est de en est unLe exemple. accourent au près camions se Zagora faire embaucher. soir ils vendent leur pastèque-salaire devant la mosquée. Le milieu l’oasis un milieu artificiel, L’artifitialisation Cinq mille agricole, hectares ont étéest plantés. Les cultures sont sur la nappe augmente avec l’apparition de nouvelles pratiques ou cultures ce phréatique qui alimente Zagora en eau potable, qui alimente le Drâa. La qui participe à la dégradation des milieux par la surexploitation des ville et la palmeraie sont assoifées, fragilisées pour un désir depouvons fruit fraisnous et ressources. Comme pour le barrage El Mansour, jusqu’où aller dans ? et le territoire de la vallée du Drâa sucré, pour l’artifitialité une recherche dejusqu’où courte rentabilité. peut-il meurt. accepter l’artifitialisation ? Zagora À El Feïjas, les parcelles font cinq hectares, à el Feïja, il y a des tracteur, à el faïjas, il y a des produits phytosanitaires. Il faut que les pastèques poussent bien et vite. Mais il n’y a plus d’eau dans la nappe phréatique.
Les pastèques
Chapitre 2. Habiter la vallée 98
Février 2015, plaine de El Faïja et champs labouré pour la culture de pastèques
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Chapitre 2. Habiter la vallĂŠe
Habiter
FĂŠvrier 2015, ksar en terre dans la palmeraie de Ktaoua.
Habiter la vallée, c’est habiter la matière, la terre. Habiter c’est jardiner, c’est irriguer. Jardiner la terre, irriguer la matière. Habiter, c’est creuser, puiser, élever, se protéger. Habiter et cultiver étaient indissociés. Parcourir la vallée, c’est se confronter à l’effacement du pisé. Mouvement incessant de déconstruction et construction. De fuite et d’abandon. De hameaux délabrés et quartiers inachevés.
Les habitants
Diversité ethnique et nomadisme
1-Schéma des flux, de gauche à droite, -Les habitants des ksours migrent vers les villes de la vallée. -Les habitants de la vallée fuient vers les villes du nord du pays -Les touristes passent mais ne s’arrêtent pas. 2- Ksours (en noir) installés dans la palmeraie (gris) à l’ombre dans le parcellaire agricole. 3 Aujourd’hui, la ville se construit en périphérie de la palmeraie face au désert (jaune).
Les draoua (draoui au singulier) habitent la vallée du Drâa. La position historique de carrefour commerçant de la vallée, entre le Sahel et l’Afrique du Nord, en a fait un carrefour ethnique important. Aujourd’hui berbères, arabes, noirs (haratines), juifs, chorafs et morabit peuplent la vallée. Les berbères ou amasight, sont les peuples les plus anciennement installés. Ils vivaient du pastoralisme et du commerce. Les haratines sont arrivés avec le commerce caravanier par le Sahara. D’abord, les tribus nomades, berbères, dominent les sédentaires, mais avec la colonisation, les nomades progressivement sont incités à se sédentariser. Depuis les années 80, depuis les grandes sécheresses et avec la croissance démographique, l'exode rural dans la vallée est important. Chaque année, 9% de la population migre vers Agadir, Casablanca, Marrakech ou Rabat, ainsi, 60 % de la manne monétaire qui circule dans la vallée est issue des envois des migrants. On quitte par fatalité, pour travailler car ici le travail manque. Cependant, lors des fêtes religieuses, les migrants sont de retour dans la vallée. L’émigration apporte aussi de nouveaux modèles culturels et architecturaux. La fuite de la population participe à l’effacement de la vallée, des terres cultivées sont délaissées, des habitations de pisés abandonnées. Les habitants se déplacent, pour s’adapter et survivre en fonction du contexte économique. Ainsi, peut-on parler de nomadisme, plutôt que d’exode ou de fuite de la population ? Les migrants, c’est des flux, les touristes s’intègrent à ses flux. Ensembles, migrants et touristes ils sont des habitants qui n’habitent pas. Le touriste traverse à toute vitesse pour aller en désert. Malgré les migrations, la population de la vallée augmente du fait de l’accroissement naturel, d’ici à 2030, le nombre d’habitants devrait passer de 300 000 à 343 000 habitants. Traditionnellement, les habitants, hommes et femmes, sont jardiniers, paysans, fellah, de la palmeraie. Avec le développement urbain de Zagora et Agdz, se développe l’industrie du bâtiment et les administrations. Les activités liées à l’artisanat et au tourisme bien que minoritaires ont également leur place.
Chapitre 2. Habiter la vallée 102
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Du ksar au ciment Du ksar au ciment Traditionnellement les douara habitent dans les ksour (ksar au singulier) des villages de terres fortifiés sous les palmiers où sur les terrasses alluviales. Au sein d’un ksar, la kasbah, la maison seigneuriale accueille une Traditionnellement dansen lesterre, ksourselon (ksar la autechnique singulier) des famille et est ceintelesdedroua tours.habitent Construits du villages de terres fortifiés sous les palmiers où sur les terrasses alluviales. pisé, ces villages sont au coeur de la matière. Ils paraissent sortir du sol Au sein d’un ksar, la kasbah, la maison seigneuriale accueille une famille et dont ils sont fait. est ceinte de tours. Construits en terre, selon la technique du pisé, ces Le ksar et la kasbah sont contruit pour se protéger et répondre aux villages sont au cœur de la matière. Ils paraissent sortir du sol dont ils sont besoins agricoles. Ils suivent les courbes de niveau. Les maisons carrées, fait. rectangulaires forment un ensemble de volumes qui s’imbriquent les Le ksar et la kasbah sont construit pour se protéger et répondre aux unes dans les autres. Les rues et ruelles sont couvertes et ajourées par besoins agricoles. Ils suivent les courbes de niveau. Les maisons carrées, des puits de lumière et d’aération. La qualité et la circulation de l’air et rectangulaires forment un ensemble de volumes qui s’imbriquent les unes de la lumière sont au coeur de cet habitat qui vit, respire. Le rapport dans les autres. Les rues et ruelles sont couvertes et ajourées par des puits entre l’intérieur et l’extérieur est pensé en fonction de la lumière. Elle est de lumière et d’aération. La qualité et la circulation de l’air et de la lumière tamisée, reflétée, réfléchie, canalisée ou latérale. Elle anime ou modifie sont au cœur de cet habitat qui vit, respire. Le rapport entre l’intérieur et l’intérieur tout en apportant confort, fraicheur ou chaleur. l’extérieur est pensé en fonction de la lumière. Elle est tamisée, reflétée, Le ksar s’illumine. réfléchie, canalisée ou latérale. Elle anime ou modifie l’intérieur tout en apportant confort, fraicheur ou chaleur. Auksar début du XXème siècle, les ksours sont progressivement abandonnés Le s’illumine. dans le tissus de la palmeraie. L’habitat se concentre alors le long de la route nationale 9, principalement à Agdz Zagora. La construction le Au début du XXème siècle, les ksour sont et progressivement abandonnés long des routes marque une véritable fracture spatiale et architecturale. dans le tissu de la palmeraie. L’habitat se concentre alors le long de la On quitte l’ombre et la fraicheuràde la terre pour Zagora habiter et sous le soleilLa route nationale 9, principalement Agdz, Tinzoline, Tagounite. dans les maisons chauffantes de ciment déconnectée de leur socle construction le long des routes marque une véritable fracture spatialeetetdes besoins liés auOn climat. architecturale. quitte l’ombre et la fraicheur de la terre pour habiter sous le soleil dans les maisons chauffantes de ciment déconnectées de leur Les touristes sont dedes passage, à peine une nuit avant le désert. socle, déconnectées besoinsil s’arêtent liés au climat. L’habitat touristique entre modernité et pastiche s’installe au frai sous les palmiers. Les touristes sont de passage, ils s’arrêtent à peine une nuit avant le désert. L’habitat touristique entre modernité et pastiche s’installe au frais sous les palmiers. Comment habiter ces nouvelles villes dissociées de la palmeraie et de leur socle ? Dans quelle mesure s’inspirer du sytème traditionnel de composition de la palmeraie ? Comment rendre habitable ces villes inhabitables contraintes par le climat, influencées par des idéaux inadaptés ?
De haut en: ksar bassur: ksar au coeur de la De haut en bas une butte dans la palmeraie de Ternata, Zagora, IntérieurIntérieur d’un ksar, palmeraie palmeraie, Ktaoua. d’un ksar, Ternata, Zagora palmeraie Fezouata, Zagora
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Chapitre 2. Habiter la vallée 104
FĂŠvrier 2015, Extention de Zagora. Maison en parpaings.
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Mai 2015, extension de la ville de Zagora. Des chemins de dĂŠsir se dessinent dans les vides laissĂŠs par les nouvelles constructions. 107
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Portraits
Traverser la vallée et rencontrer, être invitée à rester. Des accueils spontanés et généreux. À travers ces quelques rencontres, appréhender différemment la vallée, je traverse et j’entre tantôt chez un fellah, tantôt chez un instituteur, ici dans une maison de pisé, là dans les parpaings. J’habite une nuit, une journée, le temps d’échanger, de s’immerger, de se laisser conter. Ces portraits, bien que spécifiques aux personnes rencontrées, projettent des images sur les modes d’habiter. Agdz, à la sortie du taxi, Brahim nous invite. Il vit avec sa sœur et son neveu, dans une immense maison de terre. C’est celle de son père. On dort dans la pièce des invités. Haute, longue et sombre. Avec la télé comme unique mobilier. Au milieu de la maison, il y a un patio et des palmiers. Brahim est instituteur. Il va se marier cet été. Ayub, son neveu doit partir étudier en France. Il ne veut pas partir. Sa mère, n’a pas eu le droit d’aller à l’école. Alors maintenant elle va à l’école coranique. Sinon, elle reste à la maison. Et comme toutes ces femmes, elle s’ennuie. Nous préparons le pain. Plat, gras, avec des légumes et des épices. Fatima aussi vit là. Zagora, Megan, elle est américaine, elle enseigne l’anglais aux enfants, elle vit dans une maison de ciment. Elle apprend l’arabe, elle habite dans le quartier des fonctionnaires. Au dernier étage, l’eau monte difficilement. En été, il fait chaud, la maison est comme un four, la poussière rentre, on dort sur le toit. Pour l’eau potable, on remplit les bidons quand le camion à la citerne passe.
Agdz, cours intérieure d’une maison de terre. Pièce principale de la maison, plantée de palmiers. C’est là où ils accueillent les invités, c’est là où ils s’installent pendant les fêtes et le ramadan.
Ali aussi vit dans le béton, devant sa maison, un palmier et du henné plantés à l’époque où l’on pouvait jardiner le seuil de sa maison dans Zagora. Il veut reconstruire la maison en terre de son grand-père, il habite seul, ses parents sont partis vivre à Agadir, mais sa sœur revient pour accoucher. Car ici, ils ont famille et amis. Comme toutes les autres, sa maison est vide. Sur le toit terrasse il y a des sacs de dattes. Ils emploient des ouvriers pour cultiver leurs jnanes. Son travail lui prend peu de temps. Nous allons sur Jebel Zagora, nous allons dans le jnane de son grand père. Dans la palmeraie de Zagora, je rencontre Idir, petit paysan de la palmeraie. Ils nous invitent dans son jnane. Il met en action sa moto pompe. Pour lui, c’est fantastique. Le moteur est lancé, l’eau remonte Chapitre 2. Habiter la vallée 110
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Chapitre 2. Habiter la vallĂŠe 112
Le café avec le lait. Ahmad nous parle. Les silences sont longs et agréables. Les femmes restent à part. Contre le Bayoud on met de l’eau de javel.
Zaouit sidi Abdelali, habiter dans un jnane.
M’Hamid, Faska, il emmène les touristes en désert. Il emmène et guide. Il marche et transmet. Nous allons chez ses parents. Nous parlons des fleurs, pour lui, le désert c’est une ressource. Une entrée de terre, une maison de ciment. La pièce des invités. Elle est petite et sans lumière. Les murs sont hauts, des tapis et des couvertures, en février, il fait froid. L’berd. On est en quarantaine, ils s’obligent à rester ici. Les femmes s’ennuient, mangent et tombent malades. Elles vivent dans le noir et broient surement du noir. C’est Mama et Bouchara, le père délire, le thé rythme la journée. Nous restons là quelques jours, Faska est parti avec des touristes. Les touristes qui descendent à M’Hamid pour le désert. Qui descendent sans voir ou s’arrêter. Dans le désert de M’Hamid, à la lisière du désert, un poste-frontière, un homme jardine. Il est militaire, il garde la frontière, il s ‘ennui et il a chaud dans le désert, alors il plante. Il creuse un puits et il plante. Des tamarix. Ils poussent. Une forêt s’installe en désert.
113
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Chapitre 2. Habiter la vallĂŠe 114
emprunte un sillon dans la terre et progressivement se répand dans le jardin. Nous cueillons des dattes. Nous mangeons des dattes. Il cultive aussi des choux, des piments, des grenades, du henné. Il vit seul, sa femme et ses enfants sont partis à Casablanca. Car ici, il n’y avait pas de travail pour eux. Il vend ses dattes dans des petites boites en carton au souk de Zagora. Il avait des chèvres. Avec lui, c’est l’histoire de la palmeraie, c’est la vie de ces petits paysans. Il partage tout. Il travaillait en Corse À Zaouit sidi Abdelali, un village dans le pincement du Bani. Il y a 20 familles, 200 habitants, tous sont paysans. Dans la famille Aït Lala, ils sont fiers, ont une immense maison de terre. Le grand-père ne travaille plus, la grand-mère jardine encore courbée et usée. Mohammed, part souvent un mois durant. Il doit laisser sa femme et ses enfants. Il travaille pour les nouvelles maisons. Il est fier, il nous montre les plans de ses maisons ciment. Nous buvons le thé à l’infini mangeons le couscous entièrement produit ici. Ils ont perdu deux cent palmiers. Cette année, il y a beaucoup de blé. Ils mettent du phosphate deux fois par an.
M’Hamid, la pièce de ciment pour les invités.
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Ignaoune, Ahmad construit aussi des maisons de ciment. Ils vivent dans une grande maison de béton sur un ancien jnane, ici, la vie et calme. La grande maison et des masses démesurées. Un salon vide et immense. Le thé, kaw-kaw. Couscous, douche chaude. Mais que fait Coca-cola ici ? Chambre de béton qui fait penser à une prison. Comment décrire cette maison ? Entre palais et prison. Et de grands salons. Abdu me regarde. Il n’ose pas parler. Tout est mélangé. Le confort avec l’inconfort. La tradition avec la modernité,
Chapitre 3. De l’apparition et de la disparition des paysages Vent Eau Poussière
Septembre 2014 DÊsert de M’Hamid, reg.
LE VENT Le vent, c’est un mouvement Le Chergui en été, le Sahili en Hiver
Fait les paysages
Défait les paysages
L’EA
L’eau c’est sous terre, Il permet les climats
Sculpte la vallée
Forme et déplace les dunes
Ensablement «Il y a du sable dans la palmeraie»
Érosion architecture sols
reliefs
couverture végétale
Fait, permet les paysages
L’agriculture et le jardin en désert
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Le relief par les eaux de ruissellement
Chapitre 3. De l’apparition et de la disparition des paysages
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AU
LA POUSSIÈRE
, sur terre et dans l’air
Défait les paysages
Crues torrentiells
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L’eau d’irigation s’évapore et salinise les terres
La poussière, c’est la matière C’est la couleur, c’est fascinant
Fait, édifie les paysages
L’architecture des ksours, ksar, kashba
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Le jardin en désert, avec les murs, mûrets et talus
Défait les paysages à deux niveaux
Éphémère Elle brouille le ciel, l’horizon, le paysage
Pérenne avec l’ensablement de l’architesture et de la palmeraie
Chapitre 3. De l’apparition et de la disparition des paysages
Vent
Mai 2015, entrée de M’Hamid un jour de vent. La ville se voile, s’opacifie.
Je retiendrai le vent Le vent puissant élément Il dissout, durcit, épaissit l'air Vent cinglant Sable claquant Air tremblant Vent hurlant, poussant, poissant, passant Tout est question de temps, de moment, de vent Il fouette puis s'arrête, Il crie puis se tait. Il y a du sable dans la palmeraie, Le vent souffle, passe, déplace, amasse. Le vent, élément structurant, Élément déstructurant Du vent qui érode, sculpte, fouette, forme, déforme, transforme Le vent fait et défait l'horizon, le ciel, le réel. Il fait et défait les masses, les traces. Traces d'un temps d'un moment, d'un passage, d'un paysage. D'un passage dans le paysage. Il soulève la poussière. Il soulève la peau de la terre. Ici, on l'appelle Chergui.
Le vent
un mouvement qui fait les paysages
Le vent
un mouvement qui fait les Le vent c'est un mouvement. Un mouvement, au sein d’unepaysages atmosphère, d’une masse d’air. "Le vent troussent les forêts, lisse les landes, contourne les roches, ici ou ailleurs, occupe les interstices qui lui donne prise, déforme les volumes, parfois les brise. Par endroit la peau de la Terre change de figure. Ses capacités à retrouver un aspect en accord avec le système en place dépendent à la fois de son élasticité biologique et de son pouvoir inventif." Nuages Gilles Clément
1 Gilles2015 Clément, Nuages, Février - M’Hamid, unBayard, tamarisParis, dont 2005 la courbure suit la direction du vent ; jardinier invisible.
Le Chergui en été, le Sahili en hivers. Il vient du sud est, il est chargé de sable. Il rythme la vie de la vallée. Il a ses humeurs, ses heures, ses saisons aussi. Il polénise, tomber les dattes. Le vent c'estil fait un mouvement. Il influence sur le des insectesd’une et la migration Un mouvement, audéplacement sein d’une atmosphère, masse d’air.des oiseaux. Il détermine la forme des plantes et participe à la reproduction de Le Chergui, chaud et sec, en été, le Sahili, plus frais, en hivers. certaines. C’est un jardinier invisible. Il vient du sud est, il est chargé de sable. façonnelales paysages. IlIl rythme viereliefs, de la sculpte vallée. Illes a ses humeurs, ses heures, ses saisons aussi. Il fournit des sources d’énergie. Il pollinise, il fait tomber les dattes. fait et transporte les climats. des insectes et la migration des oiseaux. IlIl influence sur le déplacement Il apporte le chaud, froid, la poussière, la pluie, désert. Il détermine la formeledes plantes et participe à la lereproduction de Il soulève la poussière qui sert à nucler les gouttes d’eau. certaines. C’est un jardinier invisible. nuages et déposent l’eau.1 et parfois les déplace. C’est le cas Il«Les façonne les portent reliefs, sculpte les paysages Puis, le vent amène ou se dégage les nuages. de certaines dunes qui déplacent de plusieurs dizaines de mètres par À la station météo de Ourazazate, ils distinguent, an. soulevée par le vent, un courant, IlLafaitpoussière et transporte les climats. Les chasses sable, un voile Il apporte le chaud, le froid, la poussière, la pluie, le désert. tempêtes de poussière, comme unles mur dans l'air. IlLes soulève la poussière qui sert à nucler gouttes d’eau. Les typologies de vent sont décrites en fonction de la poussière qu'ils Puis, le vent amène ou dégage les nuages. déplacent. En langue arabe, on différencie riaah, le vent et laajaj, le vent avec Le vent estDans gagelade beauc’est ou de mauvais temps, il agite, anime ou modifie poussière. vallée, laagaj que j’entends exclusivement. le ciel. À la station météo de Ourazazate, ils distinguent, Il sculpte la vallée, les montagnes-rocher. La poussière soulevée par le vent, un courant, Il forme et déplace dunes. Les chasses sable, unles voile Il agite et modifie le ciel. Les tempêtes de poussière, comme un mur dans l'air. Les typologies de vent sont décrites en fonction de la poussière qu'ils déplacent. Le vent est gage de beau ou de mauvais temps, il agite, anime ou modifie le ciel. Il sculpte la vallée, les montagnes-rocher. Il forme et déplace les dunes. Il agite et modifie le ciel.
1 Gilles Clément, Nuages, Bayard, Paris, 2005 ; p 120
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Chapitre 3. De l’apparition et de la disparition des paysages
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Septembre 2014. Erg Zahar, désert de M’hamid.
Le vent
Un mouvement qui dissout les paysages
Le vent peut se montrer dévastateur. Il modifie les milieux. Il érode les reliefs, l’architecture, les cultures. Dans les milieux secs, il fouette la couverture végétale, il balaie les sols, il s’oppose à leur conservation.1 Et c’est un engrenage, le sable est mobilisable dès que la couverture végétale devient inférieure à 35 %. 2 La vallée du Drâa est une des zones d’érosion éolienne les plus importante au Maroc surtout à partir des années soixante-dix. Le phénomène est double, le vent soulève et transporte, écorche et décroche. Par déflation, le vent emporte les particules les plus fines. Cela forme des regs3 et déchausse les plantes. Par corraision, les particules transportées creusent des stries dans le sol ou la pierre ou même sculptent des reliefs dans les sédiments meubles. Enfin, les particules déposées remplissent les creux du terrain ou s’accumulent pour former des dunes.4 Vent et poussière sont infiniment liés. Dès que le vent souffle, la peau de la terre se soulève, s’emporte, et s’amasse. C’est l’ensablement. Dans la Femme des Sables5, roman de Abé Kôbô, qui symbolise la lutte entre l’homme et les éléments, vent et sable sont omniprésents. « De partout le sable arrive, partout le sable pénètre. Quand le vent vient du mauvais côté, il me faut matin et soir grimper entre toit et plafond, et, de là, retirer le sable qui s’accumule.»
Ci-dessus- Février 2015, ksar, palmeraie Fezouata, Zagora. Les constructions en pisés s’érodent, abandon. Février 2015, palmeraie Fezouata, Zagora, ensablement des cultures.
1Monique Mainguet, L’homme et la sécheresse, Elsevier Masson, 1995 2 Selon Ash et Wassin, 1983, dans, L’homme et la sécheresse, Elsevier Masson, 1995 3 Pour la définition des regs se reporter à la page le désert, des paysages 4 Eau et tourime Simon Martin 5 Abé Kôbô, La Femme des Sables, Le livre de Poche, Paris, 2012 6 Selon le département des eaux et forêts, Zagora.
Dans la vallée du Drâa, le vent souffle. Chaque année, quarante à soixante tempêtes sévissent. La poussière s’accumule. Et aujourd’hui, l’ensablement concerne huit cent hectares et deux mille hectares supplémentaires sont menacés. Il est visible principalement entre Zagora et M’Hamid sur huit cents hectares, deux mille hectares supplémentaires seraient concernés.
Chapitre 3. De l’apparition et de la disparition des paysages
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«10 000 habitants sont concernés par l’ensablement»6
Septembre 2014 La tête de la palmeraie, M’Hamid. Traces des parcelles, les palmiers meurent. 125
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Février 2015. Tagounite. Les steppes et les acacia raddiana sont jonchés de sacs plastiques transportés par le vent ou déposés par les habitants. Photographie, Alexis Feix 127
«Le vent c’est 1, une vitesse, 2, un coefficient de variation -accélération ou décélération- et 3, une variable de fluctuation ou turbulence. La notation peut aussi comporter des indications de matière, vent chargé, grain ou pluie, de forme pour les tourbillons ou les contre-vagues, et enfin d’effetpar exemple effet Lascini qu’on note avec des tirets . Il existe en tout vingt et un signes de ponctuation, tous empruntés à l’écriture courante et qui suffisent à décrire exhaustivement le vent» La horde du contrevent
Le vent
Révéler, mesurer, cartographier
Le vent
Ainsi, pour prévoir la pluie et le beau temps, pour réagir face à Révéler, mesurer, cartographier l'ensablement, on mesure, relève, dessine et cartographie le vent. On donne sa direction avec une girouette, on évalue sa vitesse avec un anémomètre. On mesure sa vitesse, son bruit, son souffle. On dessine sa direction, sa vitesse, sa fréquence. On utilise des flèches, des symboles, des diagrammes, des roses vents.laL'artiste Ainsi, pourdes prévoir pluie et Benoît le beauBillotte temps,avec pour"Winddrift", réagir face àemprunte les codes de laon cartographie et établit ainsietune topographie du vent. l'ensablement, mesure, relève, dessine cartographie le vent. On 1 La Horde, dans la Horde du Contrevent estévalue scribe sa duvitesse vent. Elle note, donne sa direction avec une girouette, on avecle un l'écrit, grâce à des codes et symboles représentés par de la ponctuation. anémomètre. Elle mesure traversesaunvitesse, mondeson où bruit, le vent omniprésent et lessamodes de vie, On sonestsouffle. On dessine direction, sa l'architecture, les déplacements sontflèches, régis endes fonction de ce vitesse, sa fréquence. On utilise des symboles, despuissant diagrammes, élément. des roses des vents.
Ci-dessus : Benoit Billotte, Winddrift Diagramme de vent
1Alain Damasio, La Horde du Contrevent, Folio SF 271, 2004 1 LaLa Volte, horde du
contrevent
L'artiste Benoît Billotte avec "Winddrift" et Jacqueline Salmon avec violent au vent caressant. Le»,vent se révèleles aussi par de l’immersion «Du Levent temps qu'il fait, le temps qu'il est empruntent codes la dans le paysage, sensations. On Billotte le sent établis sur la peau, on entend cartographie du par ventles pour le dessiner. ainsi une topographie sonvent souffle, reçoitau cescentre poussières, on relève sesCe traces, onfait perçoit son ; du qu'ilon expose Pompidou à Metz. dessin de sable mouvement, on constate chaleur. Partir désert, vent le matériau, puisque chariésapar le vent, n'estenpas choisirencontrer au hasard,un deviens puissant. Le relever, les sensations du corps marchant, et établir une composition deenregistrer signes graphiques. uneHorde, cartographie vent.duChercher les1 lieux de calme plat Elle et ceux sujets La dans la du Horde Contrevent, est scribe du vent. le note, à la bourrasque, l’engouffrement. Établir cette recherche lien avec la l'écrit, grâce à desà codes et symboles représentés par de laen ponctuation. topographie, les monde zones urbaines ouest agricoles. J’envisage le résultat comme Elle traverse un où le vent omniprésent et les modes de vie, des croquis cartographiques du sont vent.régit Où les de l'architecture, les déplacements en dessins fonctiontémoignent de ce puissant l’action du vent, de son mouvement et de son intensité. Ce sont d’abord élément. des diagrammes de vent, qui comprend abscisses et ordonnées. Temps et intensité construisent le caressant. dessin d’une journée de souvenir de vent. Puis des Du vent violent au vent cartes Le ventqui se spatialisent révèle aussices parsensations. l’immersion dans le paysage, par les sensations. Ces lesouvenirs essentiels, car les le corps on On sent sur sont la peau, on entend sonsensations souffle, onéprouvées reçoit cespar poussières, marchant d’établir zones de confort et d’inconfort relève ses permettent traces, on perçoit sondes mouvement, on constate sa chaleur.en fonction vent.rencontrer La ville de Zagora caractéristique pour ça. Dans la Partir en du désert, un vent est puissant. ruerelever, principale, le vent les est sensations modéré alors qu’il s’engouffre dans les rues Le enregistrer du corps marchant, et établir une perpendiculaires coté Chercher désert. Leles vent estde un calme outil de et de cartographie du vent. lieux platconstruction et ceux sujets à décontraction paysage. Alors, ilÉtablir peut devenir un outil de la bourrasque, du à l’engouffrement. cette recherche en projet. lien avec la L’architecte Philippe Madec, pourouson projet, d’une ville d’un million topographie, les zones urbaines agricoles. d’habitantsle: Bab Drâa, à l’embouchure l’Oued établit une J’envisage résultat comme des croquisdecartographiques du cartographie vent. Où en fonction du vent, desdezones protégées, urbaines les dessins témoignent l’action du vent, futures de son zones mouvement et et dedes son espaces soumis futurs champs qui pour alimenterons la ville intensité. Ce sontaux desvents, enregistrements, deséoliens captures comprendre, en énergie. mesurer et utiliser le vent. Ce sont d’abord des diagrammes de vent, qui comprend abscisses et ordonnées. Temps et intensité construisent le 128 Chapitre De l’apparition de lacartes disparitionqui des paysages dessin d’une journée de souvenir de3.vent. Puis etdes spatialisent ces sensations.
Zagora
écorche
S’accélère
Déplace / transporte champ de vent
Dépose 129
M’Hamid el Ghizlaine
"Le vent menace et hurle, mais ne prend une forme que s'il rencontre de la poussière : visible, il devient une pauvre misère. Il n'a toute sa puissance sur l'imagination que dans une participation essentiellement dynamique ; les images figurées en donneraient plutôt un aspect dérisoire." Les intuitions atomistique, essai de classification, Gaston Bachelard, p 259
Le Vent écorche S’accélère Déplace / transporte Dépose S’arrêtte et s’accumule Se brise
Chapitre 3. De l’apparition et de la disparition des paysages
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Chapitre 3. De l’apparition et de la disparition des paysages
Eau
Eau
Mai 2015 - M’Hamid, oued Drâa après le lâcher du barrage. Hôtels à l’abandon en arrière plan
Je retiendrai l’eau L’eau que je ne vois pas L’eau est sur terre, sous terre, dans l’air L’eau matériau vivant coule, ruisselle, tombe, s’évapore, se fige. Il y a toujours eu la même quantité d’eau sur terre, ce qui change, c’est sa forme, liquide, solide, gazeuse. Où va l’eau des déserts qui s’évapore ? L’eau est un mouvement incessant. Elle apparait, disparaît Elle est visible et invisible Parfois, l’eau tombe, pleut pleure, crie, chante. L’eau change, se transforme L’eau est un mouvement qui raconte le temps.
L e t e mLep s temps d u p a sdus é L’eau laisse des trâces passé L’eau laisse des traces
Ci-dessous - mai 2015, oueds de feija. Ci-contre - carte de oueds de feïja entre Zagora et M’hamid el Ghizlaine
L’eau passe, dévale, creuse. L’eau passe, dévale, creuse. L’eau, roule, glisse, emporte la matière. L’eau, roule, glisse, emporte la matière. Elle creuse, sculpte, forme des sillons. Elle creuse, sculpte, forme des sillons. Elle imprimer, emprunte des traces. Les traces de son passage dans le Elle imprime, emprunte des traces. Les traces de son passage dans le paysage. paysage. Elle imprime et dépose de la matière de la matière sédimentaire. Elle imprime et dépose de la matière de la matière sédimentaire. Dans les plaines de feïjas ou sur les versants des jebels, elle dévale et Dans les plaines de feïjas ou sur les versants des jebels, elle dévale et inscrit. Elle court et marque. inscrit. Elle court et marque. Les sillons, des oueds de feïjas. Nombreux et somptueux. Les sillons, des oueds de feïjas. Nombreux et somptueux. Ils parlent du temps de l’eau, ils complexifient le relief. Ils parlent du temps de l’eau, ils complexifient le relief. Ils abritent arbres et arbustes. Ils abritent arbres et arbustes. Ce sont des failles silensieuses. Ce sont des failles silencieuses. Puis quand il pleut, le silence se brise, se creux s’empli, déborde, inonde. Puis quand il pleut, le silence se brise, les creux s’emplissent, débordent, Et ça fleurit. inondent. Et ça fleurit.
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Chapitre 3. De l’apparition et de la disparition des paysages
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Zagora
Oued el Feïja
M’hamid
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3km
En attendant la p l u lai e En attendant manque et excès pluie manque et excès Le système d’irrgation par submerssion est extremement consommateur d’eau. Les besoins en eau d’irrigation sont de 10 000 mètres cubes par hectare et par an, ainsi 83 % des ressources en eaux son utilisées pour l’irrigation Maroc. L’eau alors besoins en eaux d’irrigation Le systèmeau d’irrigation par manque, submersion estlesextrêmement consommateur ne sont satisfaits qu’à 70 % dans les régions oasiennes. Puis, avec l’irrigation, d’eau. Les besoins en eau d’irrigation sont de 10 000 mètres cubes par 1 les sels remontent par capilarité et stérilisent les terres de culture. hectare et par an, ainsi 83 % des ressources en eaux son utilisées pour L’aridité, c’est l’expérience du manque et les de besoins l’excès. en eaux d’irrigation l’irrigation au Maroc. L’eau manque, alors L’eau manque, les déficits pluviométriques sont importants. ne sont satisfaits qu’à 70 % dans les régions oasiennes. Puis, avec l’irrigation, 1 En septembre, il n’avait pas plus depuis trois ans. Zagora, la moyenne les sels remontent par capillarité et stérilisent les À terres de culture. annuelle des pluies est de 75 millimètres et à M’Hamid, de seulement L’aridité, c’est l’expérience du manque et de l’excès. 50 millimètres (contre 1000 mm en Ardèche L’eau met L’eau manque, les déficits pluviométriques sontméridionale). importants. En septembre l’homme en situation de survie. L’Etat, livre l’eau en citerne, en 2000, 2014, il n’avait pas plut depuis trois ans. À Zagora, la moyenne annuelle des Zagoraestconnait stress hydrique important avec moins50 demillimètres six cent pluies de 75 un millimètres et à M’Hamid, de seulement 2 quarante mètres cubes d’eau par habitant pour toute l’année. (contre 1000 mm en Ardèche méridionale). L’eau met l’homme en Les sécherresses mourir les palmiers, situation de survie.répétées, En 2000,font Zagora connait un stressl’irrigation hydriquepar important innondation difuse le bayoud. Les dattiers de la vallée meurent avec moins de six cent quarante mètres cubes d’eau par habitantpour pourun 2 la sécherresse, un tier à cause du Bayoud et un tier à cause tier à cause de toute l’année. de l’arrachage la vente. ce rthyme là, il n’y aura plus depar plamiers Les sécheressespour répétées, fontÀmourir les palmiers, l’irrigation 3 dans la vallée en 2018. inondation diffuse le bayoud. Les dattiers de la vallée meurent pour un L’aridité, c’estde l’expérience du manque de l’excès. tiers à cause la sécheresse, un tiers àetcause du bayoud et un tiers à Les innodations emportent les terrasses de culture, les de ponts et cause de l’arrachage pour la vente. À ce rythme là, il les n’y jnânes, aura plus 3 habitations. L’érosion hydrique emporte en moyenne 5,8 m3 de matière palmiers dans la vallée en 2018. par hectare et par an. L’eau manque et s’évapore. Ci-dessus : Février 2015, pied de palmier brûlé contre Ci-dessus : pied de palmier brûlé pour le bayoud. Février 2015, Jnâne au bord de l’oued Drâa le soigner dulesbayoud. Jnâne au bord emporté pendant crues.
de l’oued Drâa emporté pendant les crues. 1 Aujourd’hui, les eaux souterraines de M’Hamid dépassent 5g/l de sel comme 90 % des eaux de Ktaoua. 2 On considère une région en stress hydrique lorque les habitants ont 1moins Aujourd’hui, eaux m3 souterraines M’Hamid de les 1000 d’eaudepour une dépassent année. 5g/l de sel comme 90 % des eaux de Ktaoua. 3 Selon le SDAU de la vallée du Drâa. 2 On considère une région en stress hydrique lorsque les habitants ont moins de 1000 m3 d’eau pour une année. 3 Selon le SDAU de la vallée du Drâa.
Trois mètres d’eau par an s’évaporent. Ce qui correspond à vingt millions de mètres cubes. À Zagora, l’évapo-transpiration potentielle est de 7,3 millimètres par jour avec un maximum de 12, 6 millimètres en Août et 3,6 millimètres en janvier. Cependant, il faudrait des précipitations journalières cinq à dix fois supérieures à l’évaporation pour qu’il y ai une infiltration efficace vers les nappes phréatiques.
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Chapitre 3. De l’apparition et de la disparition des paysages
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FĂŠvrier 2015 - palmeraie de Ktaoua, palmiers morts du bayoud.
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FĂŠvrier 2015 - Palmeraie de Ktaoua. Craquelures de dessiccation.
Il pleut
L’eau réveille les paysages
C’est l’automne, il pleut, le paysage s’anime. L’oued, les oueds de feïjas et les canaux se remplissent. Les inondations emportent les terrasses de culture, les jnânes, les ponts et habitations. L’érosion hydrique emporte en moyenne 5,8 m3 de matière par hectare et par an. Après de très fortes pluies, des graines en dormance se réveillent dans les steppes. Le désert fleurit, verdit. La steppe est composée de plantes Xérophytes, des plantes à cycle court et développement rapide dont la régénération se fait par les graines. Alors dès qu’il pleut suffisamment, ces plantes apparaissent. Il s’agit sous terre, dune diversité invisible d’un paysage en puissance. Les plantes s'adaptent au milieu en réduisant leur échange avec l'extérieur, en se dotant notamment de poils ou d'épines ce qui réduit l'évaporation, c’est le cas, des acacias. De plus, avec leurs racines très profondes ils peuvent puiser l’eau en profondeur. Une racine pivot descend pour atteindre l’eau. «On a vu des tamaris avec des racines jusqu’à soixante mètres de profondeur».1 Mais les steppes sont exploitées pour le pâturage, le bois de chauffe, les vertus médicinales des plantes et pour l’extension des cultures de la palmeraie ou de pastèques. Elles sont alors fragilisées, le couvert végétal est dégradé, elles disparaissent. Principalement, dans les steppes de la vallée, les essences ligneuses sont l’acacia raddiana, le tamaris aphila, le maerva crassifolia et le rhus tripartius periploca laevigata.
Edouard le Floch et James Aronson, Les arbres du désert, enjeux et promesses, Actes Sud, 2013
Chapitre 3. De l’apparition et de la disparition des paysages
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Février 2015 Le long de la route nationale 9 avant Tinzonline. Les steppes ont fleuri
Février 2015 Nord de M’Hamid. Les dunes ont fleuri 147 139
Zygophylum gaetulum Principalement connue pour ses vertus contres les problèmes digestifs notamment la diarrhée. anti-inflammatoire, antidiabétique, antispasmodique et antidiar-rhéique
Hyoscyamus muticus
subsp. falezlez
Plante extrêmement toxique de la famille des solanceae, car contient de l’atropine. Ces graines peuvent cependant être utilisées pour soigner les rages de dents.
Euphorbia cornuta
Calotropis procera Ou Pommier de sodome, arbuste très commun des régions aride qui pousse près de l’eau, dans les oueds, même à sec. Il puise l’eau en profondeur. Fait de gros fruits verts ovales et toxiques. Contient du latex blanc utilisé pour faire cailler le lait, mais aussi pour ses vertus médicinales, pour soigner les plaies des chameaux, contre l’asthme, c’est aussi un antipoison, un antivomitif.
Foleyola billottii Endémique du Maroc et de l’Algérie Vivace ramifiée, vert bleuté. Ramassée par les femmes dans les steppes et données comme fourrage aux troupeaux. Pulicaria crispa et Eremophyton chevallieri sont également ramassées comme fourrage.
Cistanche phelypaea Chapitre 3. De l’apparition et de la disparition des paysages
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Acacia raddiana
Tamarix aphylla
Arbre emblématique des steppes arides. Aire très étendue au nord et au sud du Sahara utilisation comme fourrage, bois de chauffe, de construction ou d’artisanat Usage médicinal, cicatrisant, excitant gastrique ou contre la rougeole.
Arbre utile des déserts Des insectes vivent sur les branches des tamaris et sécrètent un miel qui se cristallise et est consommable. Cette rosée de miel peut être utilisée pour la fabrication de nougat avec des blancs d’œuf, du sucre et des amandes. Effet fortifiant Les gales qui se forment sont récoltées pour leur qualité tannante. Bois utilisé pour des poteaux ou comme combustible. Le tamaris peut être utilisé comme brise vent ou comme ombrage. Facilité de bouturage et croissance rapide. Supporte tous les sols et toutes les eaux, mêmes salées.
Macrochloa tenacissima Peut être utilisé pour la confection de patte à papier ou pour des paniers. Les graines peuvent être consommées en graine germée, bon fourrage pour les équins et les chameaux. Bonne plante contre l’érosion des sols.
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Androcymbium wyssianum
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Printemps 2015- Femmes ramassant Eremophyton chevallieri. Photographie de Adil Moumane
Chapitre 3. De l’apparition et de la disparition des paysages
Poussière
Février 2015 Le long de la Route Nationale 9, un kilomètre avant M’Hamid.
Je retiendrai la poussière Il y a quelque chose qui dure, Quelque chose d’éphémère Un rapport au temps Une idée qui brille C’est irritant, C’est scintillant Rideau de poussière Tout est en l’air Un paysage qui se soulève de terre. Poussière de terre, Poussière de sable. Les constructions tombent en poussière Caractère éphémère Déconstruction lente Disparition violente Disparition, apparition de l’horizon Sous l’épaisse poussière.
La poussière, c'est la matière. La poussière, c’est la géologie en plein air. C'est une particule ténue et légère, une poudre très fine en suspension dans l'air. Ces grains sont inférieurs à 500 micromètres. La poussière agit dans le paysage ; partir en poussière, se désagréger, se réduire en poussière, disparaitre, masquer, brouiller, se disperser, saupoudrer, évaporer La poussière fait la météo. Elle a des influences sur la pluviométrie. Elle fait les nuages et le brouillard. Elle acquiert dans l'atmosphère des propriétés pouvant rafraîchir ou bien réchauffer l'atmosphère. Elle a des influences sur les changements climatiques. En désert, les particules dans l'air donnent naissance à des brumes sèches qui voilent l'horizon, le ciel, le soleil. C'est le mauvais temps du désert qui apporte partout la poussière. La poussière, dépose des sédiments et éléments nutritifs sur les terres et les océans. On peut parler de cycle de poussière comme on parle de cycle de l'eau.
«ll y a un pouvoir spécifique de la poussière dans l’expérience que nous faisons des lieux. Elle possède ce statut paradoxal qui lui permet à la fois de cacher et de révéler les objets qu’elle recouvre.» Habiter, Jean Marc Besse Photographie Adil Moumane, tempête.
La poussière est voyageuse
Cinq milliards de tonnes de poussières sont chargées chaque année par le vent dans le ciel. De plus, les plus grandes tempêtes de poussières peuvent apporter en une seule fois jusqu'à 500 000 tonnes de sables. Ces poussières parcourent des distances incroyables. Certaines issues des dunes de sable du Sahara se retrouvent par exemple dans les Caraïbes où elles bloquent l'avancée des ouragans. La cuvette de Bodélé, au Tchad dans le Sahara, est l'endroit le plus poussiéreux du monde. Il s'agit d'un lac asséché depuis mille ans et est coincé entre deux formations montagneuses, le massif du Tibesti et le plateau de l'Ennemi. Elles canalisent et accélèrent le vent qui érode les surfaces et transporte jusqu'à deux milliards de tonnes de poussière chaque année jusqu'en Amazonie. La poussière est nourricière Les sables transportés par les vents sont riches en nutriments et nourrissent jardins, forêts, terres. Les sables transportés depuis la cuvette de Bodélé jusqu'en Amazonie sont des sédiments qui contiennent la moitié des besoins en nutriments indispensables à la pousse des arbres et des plantes tropicales de cette zone.
Vue satellite de la terre où l’on voit les poussières traverser l’Atlantique Extrait d’une vidéo de la Nasa
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Laest poussière matériau de construction
Ci-Contre : 1-Ksar au cœur de la palmeraie de Ternata, Zagora. Près de l’eau et des cultures. L’habitat dense et en terre est continu. 2-Tamegrout- La route nationale 9 sépare le village de la palmeraie, composé d’un grand centre ancien sur lequel s’appose un tissu récent. La coupure est nette. Les maisons sont séparées, coupées par de larges rues. 3-Centre de Zagora, deux typologies de l’habitat contemporain se confrontent autour de la RN9. À l’est, les maisons de ciment sont accolées et organisées en bandes. À l’ouest, la composition est plus lâche. L’organisation est irrégulière. De grandes rues traversent. Il fait chaud, l’horizon mène aux plaines sur lesquelles l’on construit.
Selon le département de l'énergie américain, cinquante pour-cent de la population mondiale vit dans un habitat en terre. Un habitat qui est au cœur de la matière, en lien avec la géologie et recyclable à l'infini. Dans la vallée du Drâa, les ksour bâti en terre, sont érodés, comme les montagnes rochers. La poussière est détachée, transportée. Elle ensable la palmeraie. L’habitat est en mutation. Les constructions sont érodées aussi car elles ne sont plus habitées. L’ouverture à la culture européenne et le mythe du confort et de la modernité transforme fondamentalement l’habitat. Les centres anciens sont délabrés. À Zagora, il y a deux ksour, ils ne sont plus habités qu’à 50 %. De la poussière de terre à la poussière de ciment. Des briques au parpaings. L’architecture traditionnelle est mimée, singée, elle est mixée avec le cachet internationale. Alors, une forêt de pastiches s’élève en ville. L’habitat sur deux étages est souvent collectif, les maisons sont alignées mais jamais accolées. La trame se distend, le soleil tape, on se détache du tissu ancien, on s’éloigne de la palmeraie.
4- Nord de Zagora. De la palmeraie aux steppes. Contre la palmeraie, un habitat ancien en briques en adobe, différent des ksour traditionnels. Le long de la route, de petits immeubles de deux à quatre étages avec un rez de chaussez commerçant masquent les maisons e,n adobe et la palmeraie. De l’autre côté des maisons de ciment s’étalent dans les steppes Les constructions sont posées, les rues qui les séparent, les organisent, démesurées et dénudées.
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Fin de ville
En construction Aveugle
Maison contemporaine sur deux étages avec un toit terrasse. Au bout d’une rue au nord-ouest de Zagora, elle marque, bouscule l’horizon.
Les habitations ne parraissent jamais terminées. Il y a toujours un air d’inachevé.
Seule la façade principale de ces maisons ciment est traitée. Sur les côtés, des murs.
Te n i r p a r l e b é t o n J a r d i n é e
Hôtel à l’abandon
À Zagora, entre la palmeraie et la route nationale, l’habitat de terre se délabre. Autour, on construit en parpaing.
On construit beaucoup et partout, sans réglementation ni attention. On arrase une montagne. Sur Jebel Zagora trône un collosse de béton. Il a des airs de Villa Savoie.
Certains habitants jardinent le seuil des maisons de ciment.
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Bord
Collosse
Pastiche
Le bord Est de la ville de Zagora se termine face à la palmeraie. Les palmiers s’interompent.
Le béton permet tout, avec le béton, on se permet tout. La kasbah, maison seugneuriale, laisse place à un palais de ciment froid, et monumental. Il s’installe sur un jnane.
Pastiche de formes et de couleurs. Moulures, ferroneries, morpholoigie, tout est inspiré de l’architecture traditionnelle avec un esprit moderne, Le crépis rose dénote avec les poussières allentours.
To u r i s t i q u e
Religieuse
Commerciale
L’architecture touristiques est sans doute celle qui singe le plus l’architecture traditionnelle. On recouvre d’enduit de terre le béton, puis de peintures muticolores, les fioritures ne manquent pas. Il y a un air de trop.
La mosquée principale de Zagora. Dans le centre elle est repère et lieu de prière. Comme toutes les mosquée, celle-ci est neuve et de béton. 165
Le long de la route nationale 9, un commerce en rez-de-chaussez. Quand il fait trop chaud, tout est fermé
LLLaaa pppoussière oo uu ss ssestii èjardinée rr ee è est est jardinée jardinée est jardinée
Dans la palmeraie, la poussière est jardinnée, elle sert a construire murs, Dans Dans palmeraie, palmeraie, lala poussière est est jardinée, jardinnée, elle ellesert serta aaconstruire construire murs, murs, Dans lala la buttes palmeraie, la poussière poussière estles jardinnée, construire murets, et talus. Elle sépare parcelleselle lessert unes des autres, murs, murets, murets, buttes buttes et et talus. talus. Elle Elle sépare sépare les les parcelles parcelles les les unes unes des des autres, autres, dessine murets, buttes et talus.délimite Elle sépare les parcelles les unes des autres, dessinne des chemins, les canaux, découpe les jnanes avec de des dessinne chemins, des chemins, les délimite canaux,les canaux, les découpe jnânes les avec jnanes de petites avec buttes, dessinne des délimite chemins, lesdécoupe canaux, découpe les jnanes avec de de petites buttes, celles quidélimite permettent l’irrigation. celles petites qui buttes, permettent celles qui l’irrigation. permettent l’irrigation. petites buttes, celles qui et permettent l’irrigation. Une hierarchie de murs buttes divise la palmeraie, chaque parcelle, ainsi Une Une hierarchie de de murs murs et buttes divise palmeraie, chaque parcelle, Une hiérarchie hierarchie murs et et buttes buttes divise divise lala la palmeraie, palmeraie, chaque chaque parcelle, parcelle, ainsi ainsi close devient unde jardin. ainsi close close devient devient un jardin. un jardin. Marcher, se déplacer dans la palmeraie, c’est close devient un jardin. Marcher, se déplacer dans la palmeraie, c’est suivre ces chemins, se perdre, suivre Marcher, cesse déplacersedans perdre, la s’enfoncer.c’est Le dessin suivre ces chemins, se perdre, sans Marcher, sechemins, dans la palmeraie, palmeraie, c’est suivre est ceslabyrinthique, chemins, s’enfoncer. Ledéplacer dessin est labyrinthique, sans organisation précise. se perdre, organisation s’enfoncer. Le précise. dessin est labyrinthique, sans organisation précise. s’enfoncer. Le dessin est labyrinthique, sans organisation précise.
Dessin système parcellaire. Un Dessin système Un Dessincorrespond système parcellaire. parcellaire. Un jnâne, à une unité jnâne, correspond à une unité jnâne, correspond à une unité entouré par quatre murs en terre. Dessin système parcellaire. Un jnâne, en correspond à entouré par murs terre. entouré par quatre quatre en Photo, terre. Photo, de murs Zagora. une unité palmeraie entouré par quatre murs en terre Photo, palmeraie de Zagora. Photo, Photo, palmeraie Zagora. Photo, reconstruction d’un mur en pisé. Février 2015, palmeraie dede Fezouata. reconstruction d’un mur en pisé. reconstruction d’un mur en pisé. Février 2015, palmeraie de Fezouata, reconstruction d’un mur en pisé.
Coupe, chemin et canal surplombe un jnâne, les murs délimitent
Coupe, organisation chemin / Canaux / murs /jnâne
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Février 2015- Palmeraie de Zagora, parcelles séparées par de hauts murs de pisé.
La poussière transforme les paysages La poussière
Ci-dessus : Extrait du film Peut être de Cédric Klapish, Paris sous le sable Février 2015, palmeraie de Ktaoua, effacement éphémère
Dans Peut-Être, un film de Cédric Klapisch, le soir du réveillon de l'an 2000, Arthur fuit la soirée et se retrouve sur les toits haussmanniens parisiens transforme les paysages en 2070. Paris est alors ensablé, les immeubles immergés dans le sable. Seul le dernier étage surnage. Ce film de science fiction nous présente un futur modeste et heureux. C'est une utopie où la vie ville a été prise par le sable et est devenue une cité sobre et écologique. L'ensablement inattendu a été accepté par la ville et son paysage. En 2008, lors de la sécheresse à Barcelone, les autorités produisent une image de la ville Dans Peut-Être, un film de Cédric Klapisch, le soir du réveillon de l'an 2000, ensablée pour une campagne en faveur de l'économie d'eau. Ces deux Arthur fuit la soirée et se retrouve sur les toits haussmanniens parisiens en exemples, témoignent de la transformation de deux paysages de villes 2070. Paris est alors ensablé, les immeubles immergés dans le sable. Seul européennes par le sable, la poussière. le dernier étage surnage. Ce film de science fiction nous présente un futur Dans la vallée, la transformation s'opère à deux niveaux : modeste et heureux. C'est une utopie où la vie ville a été prise par le sable et est devenue une cité sobre et écologique. L'ensablement inattendu a Une transformation brève et éphémère, celle d'un instant, quand la été accepté par la ville et son paysage. En 2008, lors de la sécheresse à poussière est en l'air et brouille l'horizon, le ciel, le paysage. Barcelone, les autorités produisent une image de la ville ensablée pour une campagne en faveur de l'économie d'eau. Ces deux exemples, témoignent Une transformation lente et pérenne, celle apportée par le vent, celle de la transformation de deux paysages de villes européennes par le sable, de l’ensablement. Dans la palmeraie, le sable forme un rempart. Les la poussière. douars, les routes, les champs et les réseaux d'irrigation sont ensablés. La Dans la vallée, la transformation s'opère à deux niveaux. route entre Zagora et M'Hamid et le réseau d'irrigation modernisé sont Une transformation brève et éphémère, celle d'un instant, quand la recouverts à 20 %. Le paysage se transforme, s'efface sous le sable. Dans poussière est en l'air et brouille l'horizon, le ciel, le paysage. la Femme des Sables d'Abbé Kôbô, l'ensablement des habitations, de ce Une transformation lente et pérenne, celle de l'érosion des habitations et village de bord de mer désertique, est décrit de manière oppressante. de l'ensablement de la vallée. Dans la palmeraie, sable formeluiunapparurent rempart. Les douars, les routes,au les « Bientôt, toutesle les maisons comme construites champs et les réseaux d'irrigation sont ensablés. La route entre Zagora fond de trous creusés dans la montée du sable et ce sable lui-même et surpassé et dele beaucoup la hauteurmodernisé des toits. sont Les rangs de maisons, M'Hamid réseau d'irrigation recouverts à 20 %.peu Le à peu, sombraient au profond des creux du sable.»1 paysage se transforme, s'efface sous le sable. Dans la Femme des Sables d'Abbé Kôbô, l'ensablement des habitations, de ce village de bord de Lentement, le sable s'accumule et emprisonne les habitants chez eux. mer désertique, est décrit de manière oppressante. « Bientôt, toutes les Habitants qui deviennent esclaves du sable et doivent chaque jour maisons lui apparurent comme construites au fond de trous creusés dans la l'évacuer pour survivre. Dans la palmeraie de Zagora, les constructions montée du sable et ce sable lui-même surpassé de beaucoup la hauteur des sont désertées. toits. Les rangs de maisons, peu à peu, sombraient au profond des creux du sable.»1 Lentement, le sable s'accumule et emprisonne les habitants chez eux. Habitants qui deviennent esclaves du sable et doivent chaque jour l'évacuer pour survivre. Dans la palmeraie de Zagora, les constructions ont été désertées.
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Février 2015- Palmeraie du Ktaoua - Effacement éphémère sous la poussière
Février 2015- Palmeraie de Fezouata, Effacement pérenne sous la poussière 157
Ces deux formes d'empoussièrement, ces transformations du paysage éphémères ou pérennes, sont traduites par des dessins souvenirs. Des dessins réalisés par l'intermédiaire de papier carbone. Réalisés d'aprèssouvenirs, ils sont une synthèse de ce qu'il reste. C'est un moment de rétrospection dans le paysage où je cherche à saisir son évanescence, ses formes, ses mouvements, ses ombres et ses reflets. Je suis marquée par la matière, c'est pourquoi j'utilise le carbone. Il constitue un intermédiaire et permet d'imprimer les vibrations, les reflets, les grains de la matière. Les dessins synthétisent des éléments, des moments, des structures du paysage. L'effet de la poussière est imprimé, l'effacement de la vallée, de ces cultures, de ces constructions est exprimé.
1-Isolement, insularité. Tamnougalt, ksar au dessus de la palmeraie, centre ancien délabré, abandonné, érodé. 2-Enssevelissement, Zagora, interruption de la vallée par le sable dans la palmeraie. 3-Décomposition du paysage. Fermé, il se lit par fragment, par instant. 4-De Tamgrout à Tinfou, la palmeraie s’ouvre, les murs, les cultures sont de plus en plus bas, ras et dispersés. Les bouquets de palmiers éloignés. Le sol craquelé. 5- Vibration de l’horizon. invisible couché de soleil. La poussière, un voile. 6-Dissipation de l’horizon, épaisse membrane.
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Piéger la poussière Arrêter le sable Aujourd'hui, dans la vallée, pour réagir face à l'ensablement de la palmeraie, des pièges à poussières sont mis en place. Ce sont des carroyages en tresses de feuilles de palmier, des brises vent, orientés selon plusieurs directions du vent. Les sables mobiles s'accumulent dans les casiers ainsi crées. Face à l'ensablement des routes, parfois, ce sont les bulldozers qui interviennent pour déplacer la poussière. Dans la Femme des sables, l'homme prisonnier dans la demeure de la femme, contraint à évacuer le sable avec elle s'oppose à un tel avilissement que d'évacuer le sable accumulé, sans cesse, il propose des solutions plus pérennes, «Mais enfin, pourquoi ne pas faire la seule chose qui protégerait du sable : planter une forêt ?»
Les brises-vent peuvent être support à l'installation d'une végétation spontanée ou plantée, qui bloque plus durablement l'avancée des sables mobiles et des dunes. En Iran, ces surfaces sont ensemencées par avion avec des graines de saxaoul. Les feuilles de palmier sont achetées aux fellah un Dirham par la délégation des eaux et forêts. Leur vente constitue un revenu mais consomme une source de bois de chauffe, alors que les ressources sont rares dans la vallée.
Mai 2015 - pièges à sable en feuille de palmier, avant M’Hamid El Ghizlaine 160
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La poussière c’est le matière, c’est la couleur,
c’est fascinant
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Ci-dessus, Vue aérienne de Zagora Vue aérienne de M’Hamid Ci-contre, extrait du nuancier
La poussière, une infinité chromatique. Elle colore le ciel, tinte les paysage, caractérise les roches. Ce qui est typique dans la poussière, c'est sa couleur. La poussière est une matière colorée et colorante. Faite d'argile, de sable, de terre, de limon, de roche, de sédiments, de nutriment, sa granulométrie, sa couleur, sa texture varient. Comme elle voyage, elle témoigne du paysage duquel elle vient, sa couleur est un indicateur. En méditerranée européenne, la pluie chargée de poussière saharienne colore de rouge, ocre, jaune nos paysages. Nous savons que c'est une pluie du Sahara. Son intensité et ses variétés chromatiques témoignent et caractérisent le paysage. Dans la vallée du Drâa, la couleur, la multitude de couleurs que l'on perçoit déjà dans la vue aérienne, témoigne des typologies de déserts. Quand on tend vers le ocre rouge, le gris, nous sommes dans les montagnes rocher. Plus l'ocre est jaune, plus nous sommes dans les étendues. Les vues aériennes permettent aussi de cibler des moments de poussière dans l'air, de brumes sèches, et de mesurer la transformation du paysage, en constatant des zones d'empoussièrement. Quand à Zagora, du ocre meurt dans le vert de la palmeraie ou quand vers M'Hamid, la palmeraie s'opacifie, se voile de gris, ocre, jaune. La couleur est un indicateur du paysage. Je cherche donc à mesurer et prélever ces couleurs. Je fais un nuancier de la vallée. Un nuancier de teintes et d'effets. Prélever la couleur. Car la poussière dévoile autant qu'elle ne voile. Car la poussière est matière. Matière nourricière et outil de construction et déconstruction. La prélever, la collectionner, la décrire, s'en servir, la conduire en outils de projet.
Chapitre 1.etUndejardin qui s’efface désert 162 Chapitre 3. De l’apparition la disparition desenpaysages
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Apparition e Éphémère
Les tempètes
Les pluies
Les touristes
et disparition des paysages Fuite des habitants
Perenne
Construction déconstruction
Cyclique
Ensablement et érosion
Le temps de l’eau
Le temps du jardinage
Le temps qu’il fait
Formation déformation du socle
Eau évaporation et surconsommation
Dégradation
Synthèse des apparitions et disparitions des paysages de la vallée du Drâa
Chapitre 4. Lisières de dÊsert Accueillir Planter Jardiner Habiter
Juin 2015- photographie maquette, pièges à poussière, lisière de désert.
La vallée du Drâa s’efface en désert. Le territoire progressivement s’éteint, les conditions d’habitabilité sont extrêmes, deviennent rudes, et incohérentes. Par différents mouvements les paysages apparaissent et disparaissent. Les causes de cet effacement sont d’abord climatiques avec le vent, l’eau et la poussière, mais l’homme par ses pratiques dans le milieu accélère le phénomène. Nous entrons dans l’anthropocène, une ère née à la révolution industrielle où les transformations géologiques des paysages sont dues aux actions anthropiques. Comment agir face à ce territoire
qui s’éteint où l’homme fuit par fatalité ?
En luttant, on fige le paysage dans l’immobilité. Si l’on ne fait rien, si l’homme fuit et arrête de cultiver, l’oasis laisse place à un désert, car en désert, l’agriculture est la condition au maintiens du milieu. Ici, le milieu agricole est un milieu fermé, une forêt ; le désert est un milieu ouvert, des étendues. Les dynamiques sont l’inverses de celles que je connais. Il faut donc inverser une manière de penser. Comment se placer entre la lutte et l’abandon et accompagner le mouvement de mutation ? Comment faire avec ce qui s’efface ? Comment l’effacement en tant que mutation et transformation, c’est à dire changement de forme et d’état du paysage peut-il amener un nouveau paysage et un mode d’habiter en désert ? Comment habiter ce territoire où les conditions sont extrêmes et inhospitalières ?
Habiter, c’est s’installer, jardiner, cultiver et irriguer. S’inspirer du vocabulaire du site pour ensuite assembler, travailler sur l’observation, les relations des éléments entre eux. Un rétablissement est possible, s’appuyer alors sur les fondements des mouvements des paysages, l’eau, le vent et la poussière, s’appuyer sur les pratiques des hommes. Par le projet, agir avec ce qui s’efface. Le projet se positionne à deux échelles, d’abord à celle du territoire et de la vallée, entre Zagora et M’Hamid el Ghizlaine, puis à celle de la ville de Zagora. Le projet se positionne sur les bords, les contours qui deviennent matière et lisière, puis sur l’intérieur, le parcellaire où l’on jardine et habite avec l’effacement.
Chapitre 4. Lisières du désert 168
Effacement du paysage
C’est le changement d’état ou de forme du paysage C’est l’apparition et la disparition Dans l’espace et le temps
L’espace des marges désertiques Le désert monte
Le temps
Humain, lié aux pratiques
Géologique, lié au climat
Réactions
Vent
Eau
Poussière
Exploitation des steppes
Artifitialité et maitrise de l’eau
Lutter
Ne rien faire
Faire avec ce qui s’efface
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Extention des cultures et des villes
Faire avec ce qui s’efface Les bords / L’intérieur Les bords / contours : lisière forestière, lisière de désert Les bords que le désert ronge, grignote. Car la palmeraie est une forêt sans lisière, où les contours sont fébriles et fils où, les milieux palmeraie et désert, ville et désert sont juxtaposés sans épaisseur ni transition. Alors, créer une lisière au désert avec les mouvements du vent et de la poussière et installer des conditions de l’habiter et du cultiver.
L’intérieur : Forêt jardinée et habitée Ainsi, la mise en place d’une lisière permet d’intervenir dans l’épaisseur de la vallée et de jardiner sur la trame de l’effacement, de trouver des cultures adaptées. Puis la lisière permet de jardiner la ville, de planter, composer, habiter. Jardiner la ville, c’est habiter à l’ombre, c’est habiter une ville productive.
Schéma, Bords, Inrérieur
Chapitre 4. Lisières du désert 170
La palmeraie et le dĂŠsert sont juxtaposĂŠs sans transition
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Lisières de désert
Echelle de la vallée
Zagora-M’Hamid
L’intérieur
Les bords Acceuillir la Planter la poussière lisière
Jardiner la marge
Jardiner sec
Jardiner l’effacement
Jardiner l’eau
Chapitre 4. Lisières du désert 172
Echelle de la ville
Zagora
Les bords Jardiner l’eau
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Planter/Jardiner la lisière
L’intérieur Habiter entre forêt
Jardiner la ville
Chapitre 4. Lisières de désert
Échelle de la vallée Zagora-M’Hamid Faire un projet à l’échelle de la vallée afin d’accompagner le mouvement de l’effacement de la marge, son déplacement, sa mutation et son adaptation. Donner un temps au mouvement. Mais aussi, maintenir le rôle écologique de la marge, son rôle d’entre deux, riche en ressources et espace de transition. Projeter à l’échelle de la marge, C’est mettre en place des lisières sur les bords de la palmeraie, C’est accompagner la nouvelle forme du désert, C’est permettre une gestion des cultures plus adaptée vis-à-vis de l’effacement de la palmeraie, ce milieux artificiel, anthropisé.
Carte projet lisières de désert Planter la lisière Jardiner sec Densifier les plantations de palmiers dattiers Jardiner la palmeraie Accueillir la poussière Jardiner l’effacement Maintenir les murs en lisière
Comment accompagner et utiliser le mouvement lent de l’effacement pour faire paysage ? Comment faire un paysage habitable et cultivable en désert ?
Chapitre 4. Lisières du désert 174
Zagora Zagora Tamgroute
Couloir de vent
Tagounite
M’Hamid el GhizlaineM’hamid
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3km
Chapitre 4. Lisières de désert
Echèlle de la vallée
Les bords : lisière forrestière
Février 2015 La tête de la palmeraie, M’Hamid. Fin des cultures, rencontre sans transition avec le désert. Disparition de la palmeraie. Photographie, février 2015 Alexis Feix.
Le long de la vallée, là où la lisière est faible, où le sable pénètre, où les palmiers sont le plus vulnérable au vent et à la poussière, mettre en place une lisière. La lisière se constitue en trois phases juxtaposées, dans l’espace et dans le temps : -Accueillir la poussière -Planter la lisière -Jardiner la lisière
Coupe de principe, les bords : lisière forestière
Echelle de la vallée. De Zagora à M’hamid
Accueillir la poussière Les bords
les bords c’est fixer la matière, jardiner la poussière. Créer une lisière faite d’arbres et de poussière. Une lisière pour habiter et cultiver. La lisière devient la matière, celle qui tient le désert. Les dunes sont un relief composé de sable, leur formation se fait sur un obstacle. On peut observer le phénomène au pied des arbres du désert. La vallée s’ensable, alors plutot que de subir la venue du sable, le projet propose la mise en place de systèmes dunaires dirrigés. Dessiner des dunes en plaçant des obstacles dans les couloirs du vent. Le vent chargé de poussière s’arrête, la poussière s’accumule. C’est le début de la formation d’une lisière. Choisir ensuite la bonne proportion, la bonne distance entre le système proposé et la palmeraie et planter. Planter entre le système dunaire et les palmiers. Planter. Accueillir la poussière, Planter c’est apporter de l’eau. C’est installer un vivre système Planter c’est faire le sol,dunaire. c’est créer une lisère, apporter de la matière Planter c’est produire. C’est modeler un paysage avec le vent et la poussière. J’imagine une lisière productive. Productive de bois, de fruits, de fourrage. La vallée s’ensable, alors plutôt que de subir la venue du sable, le projet Planter, c’est fixer les sols, fournir de l’ombre aux cultures, c’est retenir propose d’accueillir et de dessiner la poussière par la mise en place de l’humidité et ralentir l’avancée des déserts. pièges à poussière. Planter, c’est constituer une frange vivante.
Ci-dessus - Photo aérienne, google map, palmeraie de Fezouata, nebkha autour de tamarix. Désert de M’Hamid, nebkha et tamarix, photographie Adil Moumane.
Leurs formes et modes de formation créent un nouveau paysage dans la vallée. Un/ Jardnier paysagesur singulier qui protège la palmeraie. intérieur l’effacement Les piègesleàparcellaire sables s’inspirent de de la formation -Dessiner sur la trame l’effacementdes dunes. des dattiers et choisirde desdunes sous-cultures audu climat, aux Il-Planter existe différentes formes selon laadaptées direction vent, le relief ressources en eau, répondant aux besoins alimentaires des habitants et les obstacles sur lesquels elles se forment. Les dunes sont unmais relief aussi proposant des nouvelles culturesleur porteuses de débouché composé de sable, pour certaines, formation se fait sur un obstacle. -Démultiplier l’eau pour la faire vivre, au transformer barrages de On peut observer le phénomène pied desles arbres du désert qui dérivation en barrages de stockage pour assurer l’autonomie de la forment alors un type de dune particulier, les nebkhas. Dans les couloirs palmeraie et une gestion plus régionale de l’eau. ou champs de vent, en bord de palmeraie, placer des obstacles. Le vent chargé de poussière s’arrête, la poussière s’accumule. Les nouvelles dunes protègent du vent, le système est conforté par des plantations : planter la lisière. 184
1à 3 photographies George Steinmetz, différentes formations de dunes. 1Barkhanes, dunes mouvantes, une seule direction du vent, Pérou, côte Pacifique. 2 Dune longitudinales, deux directions de vents, Sahara, Tchad. 3 Dune parabolique, plusieurs directions de vent, Rub al-Khali, Arabie Saoudite. 4 et 5 photographies essais en maquette, simulation de formation des dunes sur des pièges à sables.
Chapitre 4. Lisières du désert 178
TO- palmeraie sans lisière
T2- Mise en place de pièges à poussière et début de plantations en lisière
T3- Les pièges se remplissent, las arbres constituent une lisière
T4- Si les pièges à poussière sont plein, relais de la lisière plantée pour retenir le sable.
les bords c’est fix Créer une lisière Une lisière pour La lisière devient
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Les dunes sont u obstacle. On peu La vallée s’ensabl propose la mise Dessiner des dun vent chargé de p C’est le début de proportion, la bo planter. Planter entre le s Planter. Planter c’est app Planter c’est faire Planter c’est prod J’imagine une lisiè Productive de bo
Pièges à poussière
Plantations en lisière Palmeraie
feijas
Oued Drâa
Oued Drâa
feijas
Recherches sur les lisières. Transects, Accueillir la poussière et planter la lisière.
Chapitre 4. Lisières du désert 180
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Axo-plan : Exemple de formation d’une lisière, systèmes dunaires formés à partir des pièges à poussière et plantations. Palmeraie de Fezouata, Jebel Bani
Chapitre 4. Lisières du dÊsert 182
Marquette de simulation formation des dunes. Semoule, carton, sèche-cheveux. Le vent rempli les pièges de poussière, les dunes se forment. 183
Planter la lisière Les bords Planter entre le système dunaire et les palmiers. Planter des pionnières, fixer l’azote et enrichir le sol, le structurer. Planter, c’est apporter de l’eau. C’est limiter l’évaporation. Planter, c’est faire vivre le sol, c’est fournir de l’ombre aux cultures, c’est briser le vent, c’est retenir l’humidité et ralentir l’avancée des déserts. C’est créer une lisière. C’est constituer une frange vivante. L’arbre est repère en désert. Il abrite, réconforte, nourrit. J’imagine une lisière productive. Productive de bois, de fruits, de fourrages. Planter des essences adaptées à la sécheresse. Planter et apporter des ressources aux habitants de la vallée. En mai 2015, dans le désert de M’Hamid, au post-frontière, nous rencontrons un militaire. Autour de son poste de garde, il plante depuis quelques années des Tamarix. Il fait des boutures, pour l’arrosage il a creusé un puits. Il jardine le désert pour apporter de l’ombre. Les arbres poussent. Après deux ans d’arrosage, les tamarix, plantés par ce militaire du désert ou le département des eaux et forêts, n’ont plus besoin d’être arrosés. Leurs racines profondes puisent l’eau dans la nappe phréatique.
Ci-dessus - Mai 2015, désert de M’Hamid, plantations de boutures de tamarix par le militaire du poste frontière. Photographie George Steinmetz, Badain Jaran, Chine. Des plantations isolent la route de l’ensablement.
La plantation n’est pas la seule méthode pour implanter la lisière. La pluie de novembre 2014, témoigne de la diversité en dormance dans les sols. Mettre en défend des zones en lisière peut permettre une régénération naturelle. Favoriser cette méthode les années de forte pluie à l’automne. Des plantes et arbustes, annuels ou vivaces peuvent apparaitre dans la nouvelle lisière comme Foleyola billotii ou Pulicaria crispa.
Chapitre 4. Lisières du désert 184
Tamarix aphylla Fourage, bois de chauffe et de construction. Le matin, sur les branches du tamaris, une rosée de miel. Des insectes vivent sur les branches des tamaris et sécrètent un miel qui se cristalise et est consommable. Effet fortifiant Les gales qui se forment sont récoltées pour leur qualité tannante. Bois utilisé pour des poteaux ou comme combustible. Grand intérêt comme brise vent et ombrage. Leur feuillage dans la palmeraie.
Acacia raddiana Utilisation comme fourrage, bois de chauffe, de construction ou d’artisanat La sève peut être ajoutée dans le thé. Usage médicinal, cicatrisant,excitant gastrique ou contre la rougeole.
Bouturage facile et croissance rapide.
Tamarix aphyla et acacia raddiana/gumifera
Acacia raddiana/gumifera
Figuiers de barbarie
185
Figuier de barbarie, Opuntia ficusindica Consommation locale des fruits par les habitants, des raquettes pour l’aide à la plantation. Production d’huile de pépins de figuiers : en interne, contre le diabeth, l’artrose, pour les régimes amégrissants, pour le traitement des troubles de l’estomac et des intestins. En externe : vitamine E, lutte contre le vieillissement de la peau, antyoxydant puissant.
Tamarix aphylla
Tamarix aphylla
Palmeraie
Palmeraie
Palmeraie
Jardiner la marge Les bords
Jardiner la marge, c’est jardiner sec, c’est travailler un sol, un sol qui s’envol. Jardiner la marge, c’est jardiner une bande irrégulière entre la palmeraie et la lisière. Le dessin, le tracé est formé par les parcelles abandonnées, délaissées. Ce sont les parcelles où les palmiers meurent, où le sol se durcit, où l’humus dépérit. Dans la bande jardinée on cultive, des hallophypes ou des xérophytes, des plantes résistantes au sel et à la sécheresse. Dans la bande jardinée on cultive, des plantes fourragères comme Macrochloa tenacissima ou Atriplex nummularia , des plantes aromatiques, médicinales et cosmétiques comme, Ammodaucus leuchotricus, Lavandula coronopifolia, Salvia aegyptiaca ou le thym, l’absinthe, la verveine, le romarin, la camomille. Macrochloa tenacissima
L’alfa, peut être utilisé pour de la patte à papier ou pour confectionner des paniers. Les graines peuvent être consommées en graine germée. C’est un bon fourrage pour les équins et les chameaux. C’est ube bonne plante contre l’érosion des sols. Ci-dessus - Pulicaria crispa et graines Ammodaucus leuchotricus
Atriplex nummularia
Arroche numulaire est une halophyte, adaptée au milieu salé et aride. Elle est utilisée comme fourrage (mais pour seulement 25% de la ration quotidienne du fait de sa forte teneur en sel) Elle peut être utilisé comme combustible. Elle stabilise les sols et coupe du vent. C’est une bonne plante de bord de route cas ses feuilles sont bien visibles la nuit. La culture se fait par multiplication par bouturage ou semi. Une plantation d’un hectare peut nourrir 20 à 25 moutons pendant quatre mois. Ammodaucus leuchotricus
Le cumin sofi ou cumin velu est aromatique, cosmétique et médicinale. Elle aromatise le thé, la poudre de ces graines est cicatrisante, elle aide les diabétiques. Chapitre 4. Lisières du désert 186
Jardiner la marge Planter la lisière
Oued Drâa
Accueillir la poussière
Transect, lisière forestière, Jardiner la marge
Jardiner la marge
Recherche sur vue aérienne, au niveau du barrage de dérivation de la palmeraie de Fezouata.
187
Chapitre 4. Lisières de désert
Echèlle de la vallée
L’intérieur
Février 2015 Le long de la Route Nationale 9, un kilomètre avant M’Hamid.
Chapitre 4. Lisières du désert 188
Dans la palmeraie, aidé par la lisière, jardiner adapté aux mouvements de l’effacement, aux mouvements du climat. Planter de nouveaux dattiers et choisir des sous-cultures peu consommatrices d’eau et répondant aux besoins alimentaires des habitants. De nouvelles sous-cultures porteuses de débouchés, de transformations et de valorisation. Alors, à l’intérieur de la lisière, jardiner sec, jardiner l’effacement, jardiner l’eau.
JardinerL’intérieur sec
Jardiner sec, c’est multiplier les cultures. Jardiner sec, c’est s’adapter, du nord au sud ; des rives du Drâa à celles du désert, en plantant des cultures nécessitant moins d’eau plus on va vers le sud ou plus on éloigne de l’oued. Jardiner sec, c’est densifier les plantations de palmiers-dattier et favoriser le micro-climat en palmeraie. Jardiner sec c’est rompre avec des pratiques uniformes le long de la vallée. Jardiner sec, c’est donner une spécificité à chacune des régions qui en fait sa particularité, sa singularité et sa fierté.
Ci-dessus, carte des cultures existantes.
Carte des cultures projetées Oasis palmeraie - oliveraie Oasis palmeraie fruitiers (figuier) Cultures de bord d’eau Cultures sèches-fourrages Cultures sèches aromatiques, médicinales et cosmétiques.
Chapitre 4. Lisières du désert 190
Zagora
El Feïjas
Carte des cultures projetées avec l’effacement Palmeraie:de jardiner Fezouata
Palmeraie de Ktaoua
Palmeraie de M’Hamid
191
3km
Palmeraie de Zagora,
planter des fruitiers, principalement des oliviers, mais aussi, des amandiers, orangers, pommiers et abricotiers. Pour une consommation locale des fruits et une valorisation et exportation de fruit à forte valeur ajoutée comme la datte ou les fruits secs. Les fruitiers permettent la fixation des sols, de retenir l’humidité, de ralentir l’évaporation et d’amplifier la fertilité des sols.
Palmeraie de Fezouata, favoriser les fruitiers, tel que le figuier ou le figuier de barbarie qui ont une forte valeur ajoutée (l’huile de pépins, en tant que produit cosmétique se vend 1000 euros le litre, les raquettes sont un soutiens à la plante au moment de la plantation pour planter sans eau).
Palmeraie de Ktaoua, cultiver
des fourrages secs, comme l’Atriplex nummularia ou Macrochloa tenacissima. Favoriser l’élevage de dromadaires plutôt que les ovins ou caprins qui s’adaptent mieux au climat et qui peuvent se nourrir de plantes plus sèches, plus salées.
Chapitre 4. Lisières du désert 192
Palmeraie de M’hamid- cultiver
des plantes aromatiques, médicinales et cosmétiques (cumin sofi, thym, verveine, romarin, camomille, lavandula coronopifolia, salvia aegyptiaca).
El Feïja - De la sur-consommation d’eau à l’agriculture sèche.
Remplacer progressivement les cultures de pastèque par des cultures sèches. Utiliser le site d’El Feïja comme un lieu d’expérimentation, en faire un modèle d’agriculture en milieu aride. Cultiver des fourrages secs, des plantes aromatiques et médicinales. Mettre des zones en cultures d’autre en défend pour favoriser la régénération naturelle. Planter des figuiers de barbaries en lisière pour apporter de l’eau aux plantation avec l’utilisation des raquettes tout en coupant du vent et retenant le sable.
193
Jardiner l’effacement L’intérieur
Jardiner l’effacement, c’est dessiner une évolution du parcellaire sur la trame de l’effacement. C’est faire une recherche sur la composition du parcellaire. C’est s’inspirer des pratiques, de leurs évolutions et de les adapter. C’est trouver le bon rapport entre la taille, la forme et la composition du parcellaire et le geste humain ou mécanique. C’est jardiner dans l’interstice des limites qui s’effacent. Les limites entre les parcelles se dissipent, les murs s’effondrent, les sols s’envolent, les fellah quittent leur terre. Alors, profiter des murs qui s’effondrent, des parcelles désertées pour cultiver autrement. Cultiver sur des parcelles plus longues, en bandes et permettre ainsi une entraide écologique entre les parcelles et éviter que l’effacement ne se propage à l’intérieur de la palmeraie, permettre une certaine mécanisation (petits engins, motoculteurs), permettre la réhabilitation des sols (par la plantation, l’apport de paillage et de matière organique).
Chapitre 4. Lisières du désert 194
Ancienne trame agricole
Les limites d’effacent, les palmiers meuurent
1
Parcellaire projeté en bandes
2
3
Recherche sur le parcellaire, palmeraie de Zagora, 1-carte de situation, 2-parcellaire existant, la trâme s’efface, 3-Parcellaire projeté en bandes.
195
Jardiner l’eau Bords / intérieur
Jardiner l’eau, c’est stocker, économiser et acheminer l’eau. Aujourd’hui, l’eau est stockée dans le barrage El Mansour en aval. 1 Pourrait-on stocker l’eau dans les barrages de dérivation et en faire des barrages de stockage afin de rendre autonome la vallée. (2) Des plus petits barrages peuvent apporter de l’eau dans la vallée, la garder, apporter de la fraîcheur et créer un lieu de vie.(4) L’eau peu également être stockée dans des cuves d’argiles dans les parcelles. (3) Cette pratique existe déjà, mais seulement les plus riches peuvent se permettre de garder l’eau alors proposer des cuves collectives disséminées dans des points stratégiques dans la palmeraie.
Economiser
Acheminer l’eau et accompagner les canaux pour limiter l’évaporation. Tantôt les couvrir (5), tantôt les planter(6). Créer des espaces de vie et de circulation le long des canaux en fonction de l’aménagement proposé.
Enfin économiser l’eau en proposant des techniques d’irrigation particulières telles que le goutte-à-goutte enterré ou des systèmes d’arrosage localisés (7). économiser l’eau en mettant en terre les raquettes gorgées d’eau des figuiers de barbarie à la plantation (8). Économiser l’eau en plantant des cultures moins consommatrices d’eau, en protégeant (paillage) et amendant le sol. Économiser l’eau en limitant les pompages, en recyclant les eaux usées et en récupérant les eaux de ruissellement.
5
6 Chapitre 4. Lisières du désert 196
1
2
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Stocker
Achenimer
6
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Chapitre 4. Lisières de désert
Échelle de la ville Zagora Zagora est une ville de 40 000 habitants. Une ville qui grandit, s’étend. En 2020, on estime à 55 000 habitants. Zagora c’est l’effacement par superposition À l’échelle de la ville de Zagora, prolonger et affiner le principe de lisière et de matière. De contour et d’intérieur. Prolonger le principe et mixer habitat et production, ville et jardin. Expérimenter dans les détails. Développer le principe de lisière du bord de la ville aux seuils des habitations. La palmeraie n’est plus étudiée comme un intérieur. C’est la ville qui est au coeur, bordée entre palmeraie et désert.
Jebel Anaour
Comment habiter dans cette marge et comment composer une ville avec ce qui s’efface ? Comment fait-on de Zagora, une ville habitable et productive en désert ?
Jardiner sec Planter la lisière
Chapitre 4. Lisières du désert 198
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Jardiner l’effacement Accueillir la poussière
199
Zagora - recherche de lisières
Effacement par superposition. La ville posée sur le désert, nie son socle, nie le climat; oublie les pratique de l’habiter en désert. Le développement urbain est extrêmement rapide. La moitié des logements de Zagora ont été construits il y a moins de 20 ans et seulement 8% datent de plus de 50 ans. Zagora, effacement par superposition.
Avant 1900
Avant 1985
Zagora, Avenenue principale, Mohammed V
Après 1985
Chapitre 4. Lisières du désert 200
Zagora, Carte de l’ombre (viloet) et de la lumière (jaune)
201
Zagora, Carte des espaces ouverts, démesurés côté désert
Travailler les bords et l’intérieur de la ville à multiples échelles, jongler du détail au global, de l’ensemble au fragment. Faire des allers-retours du grand au petit, s’inspirer des tissus agricoles, s’inspirer du nouveau dessin des jardins sur la trame de l’effacement. S’inspirer des formes de la ville, des tissus anciens. Comment interpréter le modèle d’habitat et production dans la palmeraie à l’échelle de la ville de Zagora ?
Zagora-Habiter entre forêt Jardiner sec Jardiner l’eau
Planter la lisière Accueillir la poussière
Jardiner la ville
Chapitre 4. Lisières du désert 202
RN9
Oued Drâa
e Avenu mmed
Moha V
Zagora : Habiter - Jardiner la ville Lisière forrestière Cultures sèches, plantes aromatiques et médicinales Oued de feijas ou canal Palmeraie Avenues forrestères
203
Chapitre 4. Lisières de désert
Echèlle de la ville
Les bords
Mai 2015 - Sud ouest de Zagora. Rencontre ville et désert. Chapitre 4. Lisières du désert 204
L’eau, l’ombre, les arbres, me permettent d’installer la ville dans la durée. Faire une lisière à Zagora pour la protéger du vent, apporter de l’ombre, dessiner une limite à son développement. Alors, apporter et jardiner l’eau, (1) Planter et jardiner la lisière, établir, une frange agricole et forestière, (2) Puis, prolonger la trame agricole pour faire la ville (échelle de la ville, l’intérieur) (3)
1
2
3
205
Jardiner Lesl’eau bords Canal/oued de Zagora
Dévier l’eau du Drâa, créer un canal : le canal de Zagora, et le raccorder à un oued de feïja, un talweg, à l’Ouest de Zagora. Le canal permet de récolter les eaux pluviales, d’apporter de l’eau lors des lâchers du barrage, d’instituer une limite à l’urbanisation et d’installer une lisière agricole et forestière. Le canal rejoint l’oued Drâa au sud de la ville, au niveau d’Amzrou (1) ou pénètre la ville (2) en suivant les courbes de niveau jusqu’à rejoindre la palmeraie.
Photographie février 2015, oued de feïja, nord de M’Hamid.
Raccord du canal avec l’oued de feija Chapitre 4. Lisières du désert 206
Usage et accompagnement du canal oued de feïja Oued de Zagora Canal de Zagora
2 2 2
1 Zagora, entre désert et palmeraie
207
Zagora, création d’un canal dans un oued de feïja
Planter /Jardiner la lisière Les bords
D’un côté, la ville se mêle à la palmeraie, des équipements s’immiscent, des parcelles de palmeraies rentrent dans la ville, constituent des jardins. De l’autre, le département des eaux et forêts et de la lutte contre la désertification, plante une lisière forestière aride. Pour cette seconde lisière, la gestion et les essences sont les mêmes qu’à la grande échelle. La lisière sèche, à l’ouest est doublée par une bande cultivée. C’est un jardin sec de cultures et plantes médicinales, aromatiques et cosmétiques. Ce jardin est géré par les fellah. Le parcellaire pénètre la ville et compose celle-ci. Le jardin créé, la ville et la ville nourri le jardin. Les eaux rejetées par les habitants sont utilisées pour l’irrigation. Les déchets verts constituent un apport de matière organique.
Ci-dessus : photographie mai 2015. Les trois première, bord Est de Zagora, entre la ville et la palmeraie. Pas de contact entre les deux milieux, parcelles en désuétude ou à l’abandon. Dernière photo, bord ouest côté désert.
Chapitre 4. Lisières du désert 208
Lisière côté palmeraie. Déployer les plantations dans la ville. Faire communiquer palmeraie et habitat.
Lisière forestière aride
Lisière forestière de la palmeraie
Lisières urbaines côté désert / côté palmeraie
209
Lisière côté palmeraie. Intégrer les équipements, ici terrain de foot.
Jardin sec
Lisières agricoles
Chapitre 4. Lisières de désert
Echèlle de la ville
L’intérieur
Mai 2015- Zagora
Établir une lisière à la ville de Zagora pour maintenir la ville, limiter ses extensions et apporter ombre et fraicheur. Planter et apaiser la ville. Planter pour pouvoir traverser et habiter. La structure de la lisière, son parcellaire, engendre le nouveau dessin de la ville. Les espaces publics sont jardinés.
Habiter entre fôrets L’intérieur
Habiter entre forêts, c’est rendre la ville habitable, c’est habiter entre une steppe plantée, boisée et la palmeraie. C’est prolonger les lisières et le parcellaire dans la ville. Prolonger les lisières en avenues forestières. Des avenues à dominante de palmiers à proximité de la palmeraie(1), à dominante d’essences de steppes (2) à proximité de la lisière côté désert. Au cœur de la ville, les essences se croisent. Parcourir la ville d’Est en Ouest ou d’Ouest en Est, c’est traverser les milieux forestiers. (Détails des AF p 216)
Oued de Zagora
Chapitre 4. Lisières du désert 212
Espace propice au prolongement de l’oasis en ville
Dattiers Acacia gumifera
Tamarix
Acacia
Dattiers
1 2
Tamarix
1 2
Amandier
Dattier
1
Acacia gumifera
Avenues forestières
Tamarix aphylla
Olivier
Acacia Acacia raddiana gumifera
Coupes sur les avenues forestières
Avenue Mohammed V
213
Zagora, habiter entre forêts - Coupe est-ouest
Jardiner laL’intérieur ville
Avenue Forrestière
Sente jardinée
Sente jardinée
Venelle d’ombre
Chapitre 4. Lisières du désert 214
Les lisières et les avenues forestières induisent le développement urbain de Zagora. Différentes typologies de rue apparaissent en fonction des usages. Le principe de formation est adapté au prolongement et à l’interprétation du tissu agricole et de sa rencontre avec la ville. Les espaces publics sont jardinés par les fellah, les institutions de la ville ou les habitants. Selon les envies de chacun de jardiner, se compose la ville et un nouveau mode d’habiter en désert.
Sente jardinée
Venelle d’ombre
Sente jardinée
Sente jardinée
Avenue Forrestière
Zagora, jardiner la ville Coupe Nord-sud 215
Etapes de composition de la ville de Zagora 1-Avenues
Entrée de ville, immersion dans la palmeraie avec élargissement de l’Avenue Mohammed V Nombreuses plantations de palmiersdattiers. Culture emblématique de la vallée.
forestières
Orientation est-ouest du désert à la forêt. La largeur et la forme varient, en fonction du contexte. Côté désert, resserrement des avenues pour limiter l’engouffrement du vent dans la ville les jours de tempête. La largeur génère des espaces, au milieu d’une rue, une place, un terrain de foot, un espace de rencontre. S’inspire des formes de la ville, du tissu des ksour. Gestion par le département des Eaux et forêt et de la lutte contre la désertification.
Tamarix aphylla
Acacia raddiana Acacia gumifera
Morphologie des espaces ouverts dans la ville dont s’inspire les avenues forestières.
Coupe Avenue forestière côté désert Chapitre 4. Lisières du désert 216
2-Avennues
plantées / jardinées
Alignements dattiers
Alignement et jardin
Alignement dattiers
Avenues plantées et jardinées au croisement des avenues forestières. Orientation Nord-Sud, parallèle à l’avenue principale existante : l’avenue Mohammed V. Comme pour les avenues forestières, la largeur des avenues plantées et jardinée varie. Les plantations en alignement sont gérées par la ville de Zagora. Les jardins de seuils sont soit jardinées par les habitants soit par la ville. Les productions de fruits et de bois sont récoltées par la ville. Celles des jardins de seuils par les habitants.
Jardins de seuil
Alignements et jardins Shinus molle
Orangers
Fruitiers et arbres d’ombre Tamarix en têtard : production de bois
217
Avenue Mohammed V à Ouarzazate. Double alignement de Tamarix aphylla sur les trottoirs, taillés en têtards.
Sous-bois de tamarix aphylla.
3-Allées jardinées
(extension ville) Les avenues forment de larges rectangles qui sont subdivisés par des tracés complémentaires de rues. Le dessin de ces nouvelles rues, qui génère des parcelles, s’appuie à la fois sur le contexte (toutes les habitations existantes sont conservées) et sur le parcellaire des jnanes de la palmeraie, divisés en plusieurs carrés, damen. D’abord, les allées jardinées sont créées dans la zone d’extension de la ville, puis, elles sont modifiées dans le tissu existant.
Zagora - rue vaste et vide
Chapitre 4. Lisières du désert 218
Allée pietonne
Jardin de sueil
4-Allées jardinées
(tissu existant)
Allée jardinée
Aménagement des larges rues sans plantation ni fréquentation. Allée piétonne centrale et bande latérales pouvant être jardinées par les habitants qui le souhaitent. Si un espace n’est pas jardiné, l’allée s’élargit et laisse place à une place, un espace de rencontre, de jeu, d’échange.
219
Zagora -Exemple de rue jardinée
5-Chemins de désir
Dans les vastes vides générés par l’urbanisation actuelle de Zagora se dessinent des chemins de désirs. Ce sont des tracés qui résultent du passage des habitants. Ces marques laissées sur le sol sont reprises dans le nouveau tracé de composition de la ville pour découper la trame jusqu’à lors dessinée.
Chemins de désirs (photo)
Zagora - Chemin de désir sur reg
Chapitre 4. Lisières du désert 220
6-Sentes d’ombre
De toutes petites rues, des sentes découpent une dernière fois la trame urbaine. Ces rues étroites permettent de garder de l’ombre et de la fraicheur même si elles ne sont pas plantées. Les habitants pourront cependant planter des grimpantes ou quelques plantes sur le seuil qui modifieront ponctuellement l’ambiance de ces sentes d’ombre.
Typologies de sentes
221
Des lisières aux seuils, Zagora, une ville habitable et productive en dÊsert.
222
223
De l’apparition et de la disparition des paysages Une lisière au désert M’Hamid
226
Installation pour la soutenance finale du diplĂ´me.
227
228
Membres de la soutenance.
229
Bibliographie
230
Récits, Romans René Caillé,Voyage à Tombouctou,Tome 1 ,Paris,1996 Slavomir Rawicz, A marche forcée, à pied du cercle polaire à l’Himalaya 1941-1942, Éditions Le Clézio, Désert, Éditions Gallimard, Paris, 1985 Le Clezio et Jemia, Gens des nuages, Éditions Stock, Baume-les-Dames, 1997 Antoine de Saint Exupéry, Le Petit Prince, Éditions Gallimard, 2013 Franck Herbert, Dune, Hodder, 1998 Alain Damasio, La Horde du Contrevent, Folio SF 271, La Volte, 2004 Abé Kôbô, La Femme des Sables, Le livre de Poche, Paris, 2012 Jean Giono, L’homme qui plantait des arbres, Éditions Gallimard, 2010 Gérard Klein, Le rêve des forêts, Éditions j’ai lu, Paris, 1987 J G. Ballard, Le vent de nulle part Casterman, 1977 J.G Ballard, Sécherresse, folio SF, Éditions Denoël, 2007
Phébus, Paris, 2002
Désertification Monique Mainguet, L’homme
et la sécheresse, Elsevier Masson, 1995
Comprendre le désert Bruno Doucey, Le livre des déserts, Itinéraires scientifiques, littéraires et spirituels, Éditions Robert Laffont, Lonrai, 2006 Yves Vial, Sahara milieu vivant : guide du voyageur naturaliste, Hatier, 1974 J Amal Bellakhdar, Le Maghreb à travers ses plantes, Éditions Le Fennec, Casablanca, 2003 Alain Laurent, Désirs de désert, Sahara le grand révélateur, Collection Monde, HS n 122, Octobre 2000 Albert Roussanne, L’Homme suiveur de nuages Camille Douls, Saharien, 1864-1889, éditions du Rouergue, 1991. Edouard Le Floch et James Aronson, Les arbres du désert, enjeux et promesses, Actes Sud, 2013
Nourrir l’imaginaire Gilles Clément, Nuages, Bayard, Paris, 2005 Stéphane Audeguy, La théorie des nuages, Éditions Gallimard, 2005 Jean-luc Brisson, L’évaporation motrice, Actes Sud, Ecole Nationale Supérieure du Paysage, 1999 P. Munier, Le Palmier Dattier, Collection techniques agricoles et productions tropicales, Limoges, 1973 Ibrahim al-Koni, Un oeuil qui jamais ne se ferme, Éditions, Alain Sèbe Images, 2001 Tim Ingold, Une brève histoire des lignes, Zones sensibles, Pactum serva, 2013 Cyrille Simonnet, Une brève histoire de l’air, Edition Quae, 2014
Films Bernardo Bertolucci, Un thé au Sahara, 1990 David Lean, Dune, 1962 Hiroshi Teshigahara La femme des sables GusVan Sant, Gerry 231
Lawrence d’Arabie,
Remerciements
232
Je remercie David, Mathilde, Alexis,Thierry et Laurence d’avoir tour à tour marché, rencontré, traversé avec moi la vallée du Drâa. Merci à Mohammed, la famille Karchaou, Megan, Charaf, Ali, Abdu, la famille Aït Lala, la famille Hamdouch, Idir, Faska et Mama pour leur accueil prémédité ou spontané toujours généreux et entier. Merci à Badr Rerhou, Mohammed Kouya, Nourdine Salimi, Fadili, Miloud Bouimizar, Hassan, et surement d’autres pour ses rencontres pationnantes et leur aide appliquée. Merci infiniment à Adil Moumane, pour le partage de sa vision de la vallée du Drâa et l’aide répétée à Zagora ou à distance. Merci à Idris Boudet, Daniel Beysens,Monique Mainguet, Gilles Clément, Alain Richert, Philippe Madec, Jean-Luc Brisson, Marcel Kuper, pour leur temps et les discussions. Merci à Adil Moumane, Laurence Cremel, Jean-Luc Brisson, Sébastien Argan et Mounia Bennani pour leur participation en tant que membres du jury à la soutenance finale. Merci à Clément, Lucile,Théo, Aurélie et Jasmine pour les échanges autour de l’effacement et la disparition. Merci à Marianne, Gwenaëlle, Claire, Lucile, Pierre et Jérôme pour ses semaines de travail et d’échanges en forêts ou au soleil. Merci à Laurence pour son encadrement attentif et bienveillant, merci aussi d’être venue jusque dans la vallée du Drâa. Merci à Gwenaëlle pour ses moments d’ateliers et son regard généreux et spontané. Merci à Magali pour ses discussions pendant ces quatre années et son amitié. Merci à mes parents et Noémie pour leur soutiens et bonne humeur. Merci à Véronique pour l’aide documentaire. Merci à Mathieu, Amélie, Joachim, Mathilde et Anne-Sophie ces amis que l’on oubli pas.
233
Lisière du désert
Je retiendrai l’effacement L’effacement, la disparition, l’érosion Un paysage qui part en poussière, Qui part en désert Effacement du paysage, de la palmeraie, De ses plantations, de ses constructions Érosion. Effacement pérenne, Effacement éphémère. Je retiendrai l’effacement L’effacement d’un moment, d’un instant, d’un fragment Un paysage qui se dissout, se dissipe, s’évapore Où l’horizon apparaît, disparaît sous l’épaisseur de la poussière, se masque, se démasque. L’horizon, cette ligne si pure en désert, s’évapore. Tendue, elle pâlie, frissonne et se brouille. Elle devient fragile, fébrile, fil.