FRANCK LOZAC'H
COLLAGES
1
Cheval noir
Cheval noir, sang rouge. Frissons de femme, courez sur mon corps.
Oeillets des cimetières, les tombes s'animent encombrées de lourds pétales plombés.
Lutins espiègles ? Amuseurs du génie ? Mon âme froissée respire encore les doux sanglots posés sur sa bouche.
Comme du miel, larmes d'enfance. Blancheurs blêmes d'amours anciennes.
Fille stérile à la chevelure tiède. Etés courus dans la blondeur des blés.
Je roule et je tombe vers ton corps. Je meurs pour les chaleurs de ton vagin.
2
Abandons de femmes claires
Abandons de femmes claires, murmures des sources, lait de ton sexe jaune, amours.
Rêves, poèmes, fuite des mots et des regards. Nuits, crimes des yeux perdus et hagards.
Lumières mornes de l'oeil retourné, extase ! Le temps s'oublie dans la pénombre de la chambre.
Lit tiède par le devoir accompli. Draps bleus tout imprégnés de sueurs. Ta jambe molle ébahie, ton sein lourd, mûr, lassé de caresses.
Cris, geins, pleure encore. Griffe, bête ou crève. Fille sauvage, loque humaine, plus rien ne vit.
3
Présences
Présences solennelles de la mort, ailes brisées, belles lèvres rouges, rires et parfums - femmes ! Seins endormis indolemment, immortels plaisirs inassouvis.
Je me suis moqué de toi, ange aux bruissements verts. Brisé le virginal hymen ! Coupe crispée, sciée dans les silences, éclats précieux - favorables distances.
À jamais ! À jamais ! Reconnais. Un supplice... Rien ! Conduis-toi en homme, faiblesse maudite ! Hélas ! Hélas ! ...
Ballets de roses et voiles d'argent, à l'extrême mourant, se mouvant ! Instincts du cheval, ors dans ta chevelure.
4
Bouquets d'odeur
Bouquets
d'odeur
et
d'humeur,
puis
face
excrémentielle offerte à tous les pays.
Mes villes, mes grandes demeures, mes secrètes amours, mes mystères, mes supplices, ne sais-tu point qu'il n'en est rien ?
Mon païs, étranger de mon Moi, fatidique femme, je t'aime. Orée, foudre, tonnerre, grêle. Quoi ? Eaux ?
Libérons-nous, libérons-le. Je veux qu'il se libère ! Merci. À la fin coïts, buts. Merci.
Sources apprivoisées, colombes aux mille mains, vols légers, terre sèche. Un secours pour l'aridité. Nu le corps dans la plaine environnante.
5
Ailes brisées
Ailes brisées, écume des plages, âme fidèle. Force, vainqueur, je t'appartiens, héros, mon héros.
Mystère trempé dans le Temple. Soufflent mes tremblements confus. Demeure ! Sois ! Je t'appelle.
Mon marbre poli, bronze, architecture !
Fumée, gestes, ballets, mes inventions.
Mon pape, va croyance, cercles purs.
6
À la dernière clarté
À la dernière clarté d'un soleil, les rayons mortels de la pureté divine, ou la fraîche saveur des blés coupés ?
L'hirondelle morte ; becquetées aux petits : toute ma jeunesse respirée sur ton sein ; craintif, je m'enivre de ta chaleur.
Nuits légères, pureté des clairs glaciers ; souffles d'amour, d'haleine brûlante, douce comme la chair des femmes.
Tendresses accomplies en l'heure passive ; hontes qui fuyez le destin recommencé ; je me meurs joliment mes pleureuses dans la sève d'un amour prodigué.
7
J'ai vu
J'ai vu des femmes nues mourir par milliers, d'extases molles, perdues dans des soupirs confondus.
Des jambes fatiguées reposer sur des draps tout transpirants d'odeurs.
Et j'ai su des caresses indécentes noyer leurs chevelures de rêves pour des pays nouveaux.
J'ai longtemps écouté les corps s'appeler et gémir dans des poses vicieuses.
J'ai vu des amas de chair, happer des corps brûlant d'envie, mourant encore etc.
8
Un souffle est à passer
Un souffle est à passer, alors la toison rose Egaie d'un doux parfum le tourbillon morose Respiré ce matin. Déjà, je me sens ivre...
Tu titubes et trébuches sur ce corps qui se forme, Qui va et s'abandonne à l'envie de revivre... La chair est sur la chair faite de métamorphoses !
Et la femme, cet amas ! Ô les frais mouvements Imperceptibles presque d'une main jamais lasse ! Ô soupirs confondus dans l'éveil des aurores ! La bouche, le trou béant des sublimes extases ! Râles, gémissements avec des cris obscurs !
Baise la lèvre rouge comme un vin de saveur ! J'oublierai par tes yeux noirs les ténèbres mêmes... Apaise mon chagrin affreusement déçu... Sorti est le poème par les frissons perçus ! Je serai lourd d'ennui, de silence et de peines.
9
Rêvons ! Rêvons !
Rêvons ! Rêvons ! La douleur sera certaine ! Dans le lit moite des sueurs, bénissons les invincibles appâts de la femme cruelle et souveraine.
Le combat sanglant mord les larmes rouges comme les gouttes de pluie d'un vagin mensuel.
Fontaine, sève des reflets où j'étancherai mille soifs, je m'enivre dans le miroir de tes secrets.
Ta voix fraîche et claire dans la brise de ton haleine frémit de parfums légers et comble le silence.
Ange, à présent, séjour et repos de mon âme où j'aime à me recueillir après l'état damné de l'ennui temporel.
10
Calme lieu des soupirs
Calme lieu des soupirs confondus, étang de grâce où glisse la pureté du cygne ; or jaune des immensités perdues, je me flatte pourtant d'ignorer ton empire et de nier l'esclave de ta puissante proie. Je plonge encore aux restes d'une cruelle insoumise ! ...
Je renais vers des trésors enfouis. Je m'active, hurlant de passions pour une vendange nouvelle, blancheurs des vins d'orgasmes !
Jamais esprits de femmes ne burent les troupeaux virils à la fontaine des soupirs.
Mais changeant ton regard de fille belle, oublieraije dans l'azur ta sublime passion ? Le feu dévorant jamais n'expire en chaleur de flammes et de tentations !
Je reprends ma plainte immonde. Je crie dans les draps travailleurs tandis qu'un murmure d'ombre, qu'un filet de voix songe : je ne peux plus.
11
Bercées dans des pâleurs
Bercées dans des pâleurs tes mains se sont lassées, Ou enivrées dans l'or d'objets sonores, elles dansent Puis se meurent, abandons dans les échos lointains.
Lentement sur la chair ténébreuse de honte La tienne roule encore sur la peau moite ou sèche Qui accompagne une bouche nourrie de ses baisers.
L'amante longuement affaiblie de péchés Rêve sous ses douleurs de pensées nuptiales Endormies... puis se dresse en fauve de désirs Pour une chair jamais reposée et renaît !
Extases des amours, vous forces inconnues, Existez dans le sein battant, hélas ! vaincu Qui se propose encore pour connaître une mort Plus précieuse, plus délicieuse que sa vie !
12
Oui, aux portes des cieux
Oui, aux portes des cieux baignés d'anges étranges Où se mêle l'abandon, se pense un rêve qui change.
Dans le mouvement imperceptible des nuits, Cette angoisse morose est l'ennui de tes craintes, Et son effroi stérile, puissant et infini S'élève jusqu'à l'aurore imprégné de contraintes.
Ô soupirs vainement soufflés par mon orgueil ! Ô la lumière torve des derniers sacrements ! La racine interdite jette la feuille qu'elle cueille, Absence de blanche sève distribuée au temps.
Mais un délire encore m'arrache à mon sommeil. Je veux par l'alchimie l'impérieux effort, Et je renais d'or pur vers de faibles merveilles. Mon âme est consumée et sa raison s'endort !
13
Et l'espace agrandi en rimes de rumeur Offre l'objet stupide, tintamarre sans éclat, Au maître de mes lieux sans pitié pour son coeur, Pourtant reconnaissant d'un quelconque débat !
14
Déjà le printemps froid
Déjà le printemps froid et ses nuées d'orgasme. Tu te plais prisonnier à jouir des plis de femmes Sans savoir que le rêve vient fracasser ton âme Sur des roses puantes ou sur des seins infâmes.
Cependant je m'évanouis, oui, je m'évade Pour des pays plus hauts en des vagins étroits. Et si je frotte un pied sous le drapé maussade, J'oublie la terre vierge de mon poème parfois.
Mais cette fesse belle comme une fleur éclose, Obsédante d'odeurs et de péchés expulse Des renvois détestables et de vulgaires choses, Et je m'écrase honteux dans les horreurs du lit.
Je veux seulement fuir le coeur gras d'une couche. Obsédé par les seins et les parfums putrides, Je frottais une paume honteuse sur un corps Ou je léchais le sang de sa chair ébahie.
15
Pourtant je partirai sans larmes, sans chagrin, EnivrĂŠ de douleurs et bercĂŠ de soupirs.
J'irai noircir ma page de ces moroses essais.
16
Souffre, garce
Souffre, garce, sexe, objet humiliant. O la tentation dispensée dans ses cavités étroites ! O la virulente puanteur ! Et les odeurs et sa chair, et les horreurs de l'accouplement ! Ha ! Muse !
Les forces me manquent. Je m'épuise dans les explications oisives. Voilà que je tombe à terre, et ma conscience explose. Après l'instant d'égarement, la Grande Vérité saute à mes yeux :
M'introduire dans tes histoires C'est en adulte complexé !
17
Si le soleil
Si le soleil par vous subi A caressé votre pubis Je voudrais tant qu'il pût toucher Les doux méandres de votre corps.
Sur les seins lentement il vient pour s'endormir. Il lèche nonchalamment les belles pointes dressées Pareil à un amant volant une caresse Pour le repos charnel d'extase mérité.
Oui, que les femmes rondes veuillent se délasser Epousant l'âme encore d'un soleil estival. Ma mie, n'est-il pas vrai ? Le grain de l'hiver passe, L'astre pur est chaleur jusqu'au rayon dernier.
L'amour entretenu par vos puissants délires Condamne le jeune homme aux plaisirs défendus. Je voudrais que la folie s'emparât du rire Afin qu'au jeu meilleur l'orgasme fût venu.
18
Ma plus tendre cannelle dans ton parfum suave Si ton orteil bronzĂŠ mollement par le vent Sous la poignĂŠe de sable s'amuse gentiment, C'est le jeu effrontĂŠ d'un amant de passage.
19
Les amants noyés
Les amants noyés dans l'océan profond rêvant encore, âmes exilées sans cercueil. Espoirs verts dans les neiges et les roulis des mers. Quatre œillets rouges flottent sur l'étendue maussade, quatre yeux pour nos corps défendus.
Suis-je lourd des boissons anciennes ? Toi, embrasse l'horizon et les relents bus.
Mon amour gît, vaisseau d'or, falots et ports, brouillards dans la nuit sans fin.
Sirène aux seins exposés au vent, engloutie sous les marées.
Limite des nages. Coulés. Vers de nouveaux équinoxes.
20
Adieu, bellement désolée !
Adieu, bellement désolée ! Je veux fuir ce sein endormi, embaumé d'or et de pétales de roses.
La chevelure flotte, rouleaux de vagues sur la mer où des baisers lèchent la surface de ta peau.
Femme, toi, mon île, tout imprégnée de molles odeurs, et de piments aigres sous tes aisselles.
Désert sans cris, stérile ardeur prête à recevoir. Dans l'indifférence du soir, abandon de chair pour mes caresses et mes élans faciles.
Aimerai-je encore ? Je tends la main lascive vers les caches et vers les rondeurs, indolemment, sans peine d'offense, sans faveur pour découvrir ton corps.
21
Mon âme entière
Mon âme entière choisit cette Pléiade s'écrie Le poète exalté. Ombres vaines, cessez Le martyre du génie ! Que d'amours prodiguées Il sache si bien plaire ! Sa souffrance est secrète !
Don cruel ! Don cruel ! Souffle divin en moi, Je tombe et m'abandonne à cette Mort vicieuse Qui mesure et raisonne les sentiments profonds Et humains quelque fois.
Elle calcule, elle se vante Elle attaque et détruit les nobles dispositions En versant ses brimades. Elle est ordre et justice, Et consternation !
Je m'enivre de sèves Qui sont bues sur les Arbres, et leur ombrage heureux Est un puissant délire. Les notes de ma lyre Bercent les vents d'automne au plus loin, dans le calme.
22
Pourtant je m'interdis les mornes explications. Je préfère me cacher dans les noires bruyères. Ma race suprême se perd dans son étonnement. Je crèverai tout seul, nourri de ma misère.
Ho ! Belle impertinence ! m'écriai-je à la Mort, Que ne peux-tu goûter à tous ces nobles fruits ! L'aigreur n'est point donnée à cette blanche page. Enivre-toi de la grenade, mais incomprise Toujours te sera sa structure !
Je choisirai Savant, mes rayons purs et mon esprit sera La tombe où le soleil viendra s'y recueillir.
Ma solitude aimée, paix des intelligences, Ma folie commettra des péchés infinis Par rêves d'insouciances.
23
De Mézan à Auteuil
De Mézan à Auteuil en passant par Compiègne Je bois le vin nouveau mon verre a éclaté Je ne chanterai plus Que les femmes sont belles Mon regard est voilé mon sexe est fatigué.
Pourtant dis-nous dis-nous vainqueur des eaux usées As-tu aimé le vin du Rhône et des Rhénanes Maintenant que ta panse l'a joliment pissé.
Mes amis mes frères mes conquêtes mes idylles Je ne bois plus de vin. J'ai mal à la prostate Si la douleur est mère de la vie monastique Mon sexe est rabougri et ma fin est tragique.
Avec Septembre et Pampres à la rime malheureuse Je ne suis plus de ceux qui aiment à s'amuser Venez plus près de moi O mes belles pleureuses Apollinaire s'ennuie son coeur est épuisé.
24
Oui, j'aime tous les vins Oui, j'aime tous les vins vaillants comme la femme. Mon verre tremble soucieux des plaisirs éphémères. Mon ivresse, tu glisses amoureuse des âmes ! Saoule mais sans orgasme, tu sais si bien me plaire !
Séduit à la lumière noyée de mon esprit, Je danse comme un ange regorgeant de supplices. Je m'abandonne libre, ou martyre en sursis, Je m'endors ivre mort ensanglanté de vices !
Et la saveur du vin coule dans mes entrailles ! Je bois à la fortune grisé de vin nouveau. Je ne suis qu'un pantin sans vaillance ni travail. Ô Seigneur, suis-je bête ? Reconnais-tu ces mots ?
Mes paroles s'épuisent vers cinq heures du matin Dans cette fange orale de mon génie minable J'ai honte, alors je me couche complètement plein. Seigneur, pardonne-moi tous ces écrits passables.
25
J'ai bu des vins
J'ai bu des vins de raisins bleus au goulot ensoleillé et vermeil. Ma soif me dessèche et m'appelle : je porte à ma bouche la gorgée de feu.
Et coule la raison sans vice ! Je m'enivre des plaisirs éphémères. Ô mon alcool, tu roules sans supplice. Mes yeux me brûlent d'envie, je veux te plaire.
À la table accoudée, l'ivresse s'endort. Elle rote, elle ricane à ses vingt ans passés. Mon corps se fait déchet, pourtant je l'aime encore. J'ai bu à mes vingt ans, ô mes jeunes années.
26
Toutes les soifs
Toutes les soifs me prennent à la gorge : vins, bières, liquides, eaux à la saveur insoupçonnée, - mes impuretés de l'enfance.
Ivres d'anges, s'écoulent les blancheurs des poèmes. La source naît dans les langes de l'ignorance.
Peut-être que la fée transparente de corps Léchera mes baisers trempés d'haleine douce ! ... Ô bouche mensongère ! Mais je me donne à toi.
Et l'urine pour mes contemporains de poètes ! Le goût chaud et amer des mensonges répétés ! Je bois à ton pubis et je saurai leur plaire, Car leurs âmes stériles se lavent de noirs péchés !
27
Les bouquets et les roses
Les bouquets et les roses des jeunes filles légères Si le sang est perdu, il coule entre les cuisses Moi je veux caresser les chats des jolies rousses Et boire les torrents des larmes déversées.
Car les plaies des beautés sont des délices obscures Oui je noierai la soif de mes amours parjures Et j'irai m'enivrer des gouttes vagabondes Dansez dansez mes belles c'est la sanglante ronde.
28
Même rêve
Les bouquets et les roses des jeunes filles légères Si le sang est perdu, il coule entre les cuisses Je voudrais caresser le chat des jolies rousses Et boire les torrents de leurs larmes versées.
Ô les plaies des beautés sont des délires obscurs J'étancherai la soif de mes amours parjures Et j'irai m'enivrer des gouttes vagabondes Dansez-y belles filles, c'est la sanglante ronde.
29
Les nymphes égarées
Les nymphes égarées dans des tourbillons d'orgasme, Les seins nus de voilures légèrement vêtues ; Mes rieuses aux dents blanches, à genoux, vous priez ! Infiniment courez vers la mer des déluges ! ...
Pourtant, je danserai dans la pâleur des lys. La pureté de l'ombre et celle des oriflammes ? Vers les cimes, à la neige, moi je m'endormirai.
Ta robe bleue
Ta robe bleue bordée de lisière de dentelle Est la vague bercée par sa blancheur d'écume.
30
Ta bouche
Ta bouche est une source pure où je veux frayer le baiser qui expire, où je veux respirer le souffle de ton haleine.
Ô langueur de mes bras infinis, enveloppez les hanches rondes ! Ruban d'amour, nouez les belles blondes !
Sexes de femmes chaudes comme des gorges douces ! Mourir agenouillé avec ces gouttes de sperme ! Tes seins pleins de lait apaiseront ma soif, mon vice et mon péché.
Et j'irai m'endormir la tête gonflée d'ivresse, le repos mérité de l'amant fatigué, prodiguant encore de suaves caresses !
31
Longtemps après les déluges
Longtemps après les déluges, une grande force secoua le pays, et les enfants pleurèrent et les femmes se prostituèrent par milliers.
Ils avaient cassé tous les jouets, ils avaient brûlé tous les sexes. Quelle tristesse, quel vice dans les boîtes de jouets et dans les vagins !
Les hommes frappèrent les enfants et violèrent les femmes. Quel jeu et quel plaisir pour des hommes abrutis et affamés ! Les mâles sont morts de rage, les enfants sous les coups et les femmes d'orgasmes. Donc le monde finit par disparaître lentement.
Il fallait des êtres purifiés, des Saints ou des Anges, des religions et du christianisme, et exorciser tout cela évidemment !
Il n'y eut que de la rage, du venin et du sperme épais.
32
Épître à Isabelle
Je m'endors chaque nuit sans coeur et sans espoir. Mon amour, pour combien de temps es-tu partie ? Devant mes yeux sans joie l'horizon est blafard Eventé, enlaidi par des anges maudits.
La ronde de la Mort me souffle l'avenir. Elle me ment tout le temps : ce sont des rigolos. Ils taquinent et s'amusent et taquinent et cuisinent, Et mon coeur malheureux a de méchants sanglots !
Je pense encore à toi, et je sais m'abstenir De courir la pucelle ou la fille facile. Je me masturbe au bain et je rêve de toi, Et je compte les jours, les années et les mois.
33
Que ma caresse est belle
Que ma caresse est belle quand lentement je meurs Dans tes rêves, Isabelle, accompagnés de pleurs !
Voilà mille baisers posés sur tes cheveux ! Et j'embrasse ta chair, Isabelle tant aimée !
La pointe de ton sein est une abeille posée Sur une fleur à butiner. Les battements De tes cils sont comme les ailes du papillon.
Tes mains sont des colombes exilées sur la peau Si fine de tes deux bras. Mes lèvres vers ta source S'apaisent, et je tombe enivré de cette eau-là.
34
C'était dans un miroir
C'était dans un miroir aux lueurs transparentes. Y ai-je vu l'amour ? On atteignait l'été. Autant qu'il m'en souvienne, et les ondes étaient calmes.
L'image d'une vierge, adorable beauté. La rose de ta chair est un duvet de rêve.
Agitez l'eau lassée, vous les anges méchants Les cascades et les vents affolent ma blessure Mon coeur est la fontaine, ses rythmes sont sanglants Le torrent rouge a blessé le Prince charmant.
J'unirai par l'amour nos deux corps enflammés D'or de braises de désirs. Mais était-ce en un rêve ? Et ma mémoire s'endort à l'ombre d'un soupir.
35
Ma colombe, ma bergère
Ma
colombe,
ma
bergère,
aimons-nous
tendrement. Quand tu dors dans mes draps, il s'échappe des laines, des plumes d'aile, le duvet de la couche. Je m'envole, je roucoule entre tes bras.
Sans pucelle ni défense, la blancheur des corps assouvis. Reine, fée, vierge à la peau douce.
Mon haleine, mes neiges de paroles, mes pétales de roses avec tes cris de fille. Toi, fantôme gazé de dentelles d'amour, je t'aime et m'abandonne, rêve de femme vers les airs plus purs.
Pourpres, ma sanguine et mon humeur, sans menstruations mais tout limpides. Flot d'amour transparent. C'est un soleil honteux et rougissant, je crois.
Puis source claire au bruit sonore. Gazouillis, charmante douceur. Esprit pensé par les anges. Mon élévation. Je voltige dans des brouillards d'orgasme.
36
Mes solennelles voix, mes ĂŠtreintes langoureuses, divine ou belle seulement, je l'aime.
37
La lune s'attristait La lune s'attristait sous les pâles étoiles Et des anges apeurés sanglotaient dans les voiles Sans lyres et sans accords, douloureux ils pleuraient Les clairs nuages versaient des soupirs amoureux.
Et les ombres enlevées par des larmes bercées Se mouraient exilées loin des cris de la terre, Jetant de lourdes eaux sur les désirs des roses.
Peinées et sans archet, les vraies blancheurs pleuraient Pures comme des vierges maudites dans les cieux.
38
Ces fantômes voltigent
Ces fantômes voltigent tout autour de mon âme. Ils enveloppent mon corps de leurs blancheurs de rêves, Senteurs évaporées, roses vierges d'amour.
Mon oubli transparent ignore leurs caprices. Le givre des glaciers hélas m'aura saisi ! Pucelage oublié sur des cuisses légères. Je rêvais des voilures des femmes qui ont fui !
Limpide et ciel d'azur dans l'extase si claire... Ô l'écume folâtre vers les haleines tendres ! La source belle où coulèrent les douceurs de sperme. Et tes larmes et ta bouche imprégnées par le sel !
Premiers reflets d'argent sur une terre stérile. Ô le miroir du cygne, les ailes de l'épousée ! Colombe entre mes doigts éclatants puis épris. Nuages, bergère où je me suis évanoui.
39
Les nymphes égarées dans les tourbillons d'orgasmes. Les seins nus, les voilures, légères et puis vêtues, Mes rieuses aux dents blanches à la lèvre si rouge ! Infiniment courez vers la mer aux déluges !
Je danserai pourtant dans la pâleur des lys Au noir des oriflammes, ou neige vers les cimes Plutôt, je dormirai.
40
Colombe
Colombe aux blanches ailes, nos amours ont volé, Vous en souvenez-vous ?
Les brises et les soupirs, les vents de la passion Ont quitté nos je t'aime pour des corps bien plus doux ! Hirondelle exilée qui recherche refuge Pour des soleils nouveaux !
Dans mes vols inconnus avec des anges de femme, Comme j'ai voyagé immigrant de l'amour !
41
L'automne
L'automne a perdu ses rires d'adolescent Printemps mon enfance vous souvenez-vous De mes jeux de mes joies de mes rêves d'insouciance Le temps a cassé mes jouets L'hiver demain viendra à pas de loup.
Sénile et grisonnant la barbe sèche Je caresserai ces poils blancs de vieillesse Et peut-être Printemps je penserai à vous. Aux femmes aux amis aux œuvres à achever Mais la lassitude et les combats perdus Feront trembler la plume qui court sur le papier.
Oui, grand père amusé des plaisirs défendus Je penserai encore aux femmes jolies et belles Un regard d'impuissant un sourire pour leur cul Je me dirai : vieillard, adieu la bagatelle !
42
L'amour s'est enivré
L'amour s'est enivré de la fraîche jeunesse. L'amour, t'en souvient-il ? C'était au mois de mai.
Les fleurs des cerisiers au vent qui les emporte S'envolent. Je sais que je n'aimerai plus jamais.
Et dans le bois charmant nos roses rougissantes S'épanouirent. Heureux la pudeur, le désir ! Et nos tendres années ont chanté le printemps !
43
Le soleil machinal
Le soleil machinal tirait sur ses fumées Du rouge incandescent au jaune fatigué.
Il pleuvait des idées dans mon âme fertile, Je voulais te voler ton tout premier baiser.
Promenade dans les bois : ton coeur contre mon coeur Nous marchions. Et j'ai bu à ta lèvre rieuse ! Une chaude rougeur me montait jusqu'au front.
44
Dans l'eau pure des fontaines
Dans l'eau pure des fontaines, le transparent visage De mon ange me sourit. Oh ! Les troubles ĂŠtranges ! Ma bouche effleura l'eau et disparut la reine...
Pour ton sourire si doux, je veux que tu reviennes Pourquoi t'es-tu enfuie ? T'ai-je fait de la peine ? Etc.
45
Des sanglots ont roulé
Des sanglots ont roulé sur des roses et des fleurs. Eloignez-moi bien loin des cieux gris et moroses !
Printemps, rêves passés et bonheurs envolés ! Oh ! Les premières pucelles au coeur gonflé d'amour ! Haleines douces et fraîches. Oh ! Mes rouges baisers !
Mes tendres amourettes, où êtes-vous passées ?
46
Je te donne le fruit
Je te donne le fruit, une orange glacée. Frétillent mes narines avec l'acidité. Je croque à pleines dents. La pulpe a éclaté. Saigne la sève rouge sur ma lèvre exaltée.
La fraîcheur d'un goût âcre, jouissance bienheureuse, Ton sexe couvert de poils est pareil à la pomme ! Mon nez entre tes fesses ne saurait me suffire : Ouvre des demi-lunes pour mon humble plaisir !
Ton odeur se dégage intimement vers moi. Ô parfums sans pudeur qui s'évaporent encore !
Mon pénis tout raidi irait au trou des fesses. Je saurais échanger mon âme de poète, Pour prendre et pénétrer ma sublime maîtresse !
47
Jadis le bruissement des saules
Jadis le bruissement des saules ; la pulpe ouverte de quelque pucelle ; le vent léger, brise vierge, ou rapides tourbillons sans neige des morts.
L'état de mémoire des anges stériles. Les vendanges ? Des sources où coulèrent des laits sanglants. Sperme sur l'étoffe de soie qu'au seul fantôme, j'élève.
Pureté bleue des cieux transparents, pourtant. C'est le vol des cygnes vers les colombes. Craie de glaciers embaumée de sécrétions presque amoureuses.
Fiancés à l'anneau d'or, rêve pur. Larmes sur les blancs mouchoirs, cristal d'opaline. Le fou volant hors de sa survivance, je crois.
48
Le bel hiver
Le bel hiver éblouissant de givre avorte tristement comme une âme stérile les péchés pardonnables de l'enfance défunte.
Le sceau enchanteur du maître divin, martyriserat-il sans haine farouche l'avorton aux membres rabougris qui, dans le ventre bombé, attend qu'on le touche d'un doigt mystérieux ou d'un sourire serein ?
Sa face teigneuse mérite qu'on l'observe, parents prématurés d'un génie en délire. Recroquevillé dans son néant, il tétera avide le sein palpitant.
Je tenterai la bouffée d'air pur. Je m'évacuerai de tes entrailles pendantes, et mes déchets iront pourrir sur tes fanges putrides, femme écœurante.
49
Je me suis jeté à vos pieds
Je me suis jeté à vos pieds, déesses à la chevelure d'or. Mon corps à l'agonie respirait l'odeur âcre des roses.
J'ai embrassé des lèvres tièdes, j'ai partagé des draps brûlants d'odeur : la femme est une étoile, ses seins sont des bouquets de rêves, mes chagrins s'encombraient de larmes de douleurs.
50
Il est que ma cervelle
Il est que ma cervelle se trouve bouleversée Par toutes les querelles qui fatiguent son âme. Ainsi je ne suis plus que feuille ou lettre morte Planant dans les soupirs détestables de ma nuit.
J'ai crié, j'ai crié dans les bains de l'alcool : Et si j'étais un Autre ? Je veux qu'on me respecte ! Mais la Mort destructrice m'accompagne toujours Vers mon néant sublime que tu ne connais pas.
La chair n'oubliera pas les cruelles souffrances Prodiguées par la haine ingrate des soupirs Infligeant ses années, ses mois et ses saisons.
51
Foudre, Mer de feu !
Foudre, Mer de feu ! Honte de mes morts ! Poésie jetée contre le sort béant et nul : je me donne à vous, sans engagement réel.
Page stérile dans le bouquin sans vie, que l'essence de mes cris tombe !
Soit ! Parfumé de vaine espérance, fuyant les mots écrits, je m'abandonne à mon supplice.
Les yeux levés, sillonneur sans escale, hagard ou ivre, vers maintes recherches, l'étude est revêche !
Partir encore en mon âme ! L'Art est long ! Ô foudre des Mers ! Honte en feu ! Vaincu par ces maigres efforts !
52
Voilà, je suis vidé
Voilà, je suis vidé de ma parole intime Et je suis fatigué des poèmes à écrire. L'inspiration s'achève, honte de me relire, Je déplore ce quatrain en rimes féminines.
Mais qu'ai-je fait ? Hélas, tu as fait quelque chose ! ... Ne pas écrire. Tu n'aurais dérangé personne. Garde cachés dans tes tiroirs secrets ta prose, Tes livres puérils, ta poésie stupide.
Je me hais, je me hais, mais c'est passablement. Pourtant quelqu'un en moi y pense à mes dépens.
53
Virgules, point d'exclamation
Virgules, point d'exclamation et pathétiques sanglots sur la courbe des délires.
Mais qu'est-ce que ça veut dire ? Mais qu'est-ce que ça veut dire ?
Rien. Un esprit malin mélange tout dans mon crâne
:
écriture,
amour,
mathématique,
chiffres,
interrogations.
Dans cette savante cuisine, je dois m'y retrouver et sortir le poème caché au fond de mes entrailles.
Je ne prétends pas charmer, élever ou séduire. Ma prose est ridicule. Je le reconnais. J'expulse avec l'ambition scolaire des fragments, des idées et des débilités.
Mon commerce est intéressé. Derrière tout cela, se cache le désir de vendre. Echanger mes feuilles noircies contre une tonne de pièces de un centime. Une charretée d'idioties comme une brouette de plomb et de nickel ! 54
Je suis le lion ou le despote ou l'ermite enfermé dans sa chambre sans lumière et sans toit.
Mes issues sont impossibles. Mais j'ai tout à attendre des souffles divins qui caressent ma cervelle.
Tu te gaspilles. Tu gaspilles ton inspiration. Taistoi donc ! Cesse de prononcer des imbécillités !
Mais est-ce ma faute si cette satanée plume s'agrippe à la page blanche et trace des signes qui forment des mots, des fragments et des phrases ?
55
Étonnez-moi
Etonnez-moi, toi, lui, il. Percée catastrophique, sang jeté et rouge.
Maléfices, histoires, je ne suis que moi. Indien ! Oui, Indien ! Oui, Indien ? Mon oui, mon réel. Dors, aime et sois.
Flétrissures, ordre, race, vagin. Organe, cervelle, cave sans rats, valeur du bout. Souffle, suce, érecte. Racines, gland et rougeur. Je dors.
Mes semences, je ne t'aime plus. Mes odeurs, je ne t'aimerai plus. Et j'invente, et je crie. Vois, je souffre.
Moi, réel. Funèbres tentations du mal. Vie sans vie, échec continuel. Je suis las. Morte l'histoire superstitieuse.
Batailles noires offertes aux conquérants, sans victoires, sans toi - nulle fuite !
56
Salissures, enduits, mes méprises. Liberté, droit à ma substance aérienne. Vols de bouquets d'infortune.
Sois Moi et meurs.
Ombres réduites au silence par le verbe. Magnificences, mais fantastiques, je suis. Nul doute : drame, empire.
Cavalcades, courses, réussir, réussir. Je me plais à me voir, j'entends. Lieu des chaleurs torrides. Enfantillage et mort.
Exactement, l'heure tourne.
Les automnes embaumés de l'essence de myrrhe. Ô les femmes couchées comme l'enfance ! Je me fie aux saveurs nocturnes.
57
Des vagins de reines
Des vagins de reines, des lieux de jouissance martyrisés par le pouvoir des hommes.
Les générations des poètes crachent le feu. L'exil au plus près de la femme. C'est bien une sorcière bourrée de recettes alchimiques des grands inspirés.
Des alcools hors de toute raison. Les vins coulent sur des draps de soie multicolores. Par-delà les cordes rouges et les baldaquins élégants, les couches superbes ont éveillé l'ébat des amours.
De larges baies ouvertes absorbent les rayons d'or, les ruisseaux du Sceau Divin et les pluies de bonheur chaudes.
Les images par l'arc-en-ciel transpirent des gouttes d'orgasme, des silhouettes d'ombres, des effets très curieux.
C'est le lever. Aux champs face au château, des pauvres s'activent et sèment pour nos sports favoris. 58
Les bois roulent des bouquets vers là-bas audessus des vallons, roux bosquets dans le lointain.
L'automne a éclairé. C'est la démarche des natures fatiguées puis finissant comme nos yeux pleurent, visitent alentours très loin, quelque domaine sinon cet espace.
Courses affolées paisiblement lâches de la terrasse, nous accoudés un pied contre le coeur.
Grande fille de bijoux caressant la peau de chair rose dans les douces matinées uniquement. C'est le fier repos des nudités lavées des soucis et des mornes peines alors que l'astre flamboyant étire doucement sa bosse rouge de sueurs matinales.
59
Les nuées
Les nuées d'invraisemblances coulent des flots d'orgasmes dans mon imagination stérile de bonheur. Je dois mourir ou mordre la chair triste pour mes dernières divagations cérébrales.
Ha ! Ecrire ! Répéter l'ancien ! Suis-je clair ? Suisje irréaliste ? Mes peines impures jettent des cascades de sang sur les feuilles blanches de mes obstinations.
Ai-je bu ? Suis-je ivre de tous les vins acides qui roulent dans mes veines de poète ? Recommençons. Que renaisse le non-sens. J'ai déchiré tant de livres...
Fantômes
envolés,
soyez
l'ignorance,
mon
éternelle bêtise, et regagnez le ciel pourvus de ces proses ridicules. Dois-je refaire l'Enfant ? Je le peux car tel est mon désir.
60
Ténèbres lourdes
Ténèbres lourdes de marbre sans caveau ! Cadavres
déambulant
dans
des
cités
obscures
!
L'imagination peut-être ? Non, l'impossible ! Non, le rêve !
Que pourrais-je obtenir ? Ai-je la clé de toutes mes insuffisances ? Qui oserait s'écrier : "Je ne l'ai pas compris ? " Car juges, voyez : j'ai fait l'effort. La parade fantastique continue.
Rêves de pucelles, courez le long des eaux perdues, sans espoir de délivrance. Ensanglantez vos draps roses de folies perverses.
Le lait a gonflé tes mamelles de fille pubère, et dans mes souvenirs le rouge de tes lèvres assoiffe mon sexe tendu vers les divines étoiles.
61
Ma main lassée
Ma main lassée des plaisirs obscurs se fraye un chemin dans cette toison jaune et douloureuse où se cache l'esprit du mal et de la tentation.
J'offre les fruits de ta fange immonde au souverain empire de la masturbation, et je me délecte femme vierge des excréments putrides qui coulent sur ton visage de fée.
La déesse disparaît avec ses souffrances. La muse regagne son duvet de nuages. D'autres seront sacrées.
Tu glisses comme une danseuse de mousseline vêtue. Mon théâtre est la disparition du corps. Tu voles, tu cours. Qui es-tu ? Es-tu encore une femme ?
Les testicules gonflés de fantasmes obscènes m'appellent encore à des plaisirs nouveaux.
62
J'expose le Néant
J'expose le Néant aux ardeurs enflammées. Je reprendrai mon dû et je me vengerai de la douleur imposée par la mort décadente.
Ô Dieu ! Qu'il te plaise de me permettre l'assaut à la vengeance, le droit à la justice. Que le combat me couronne de pages heureuses, de lauriers moi l'infime abattu !
Oui, tâcher de retrouver le passé ! Déjà l'immortalité ! Tâchons de renaître de ses cendres maudites.
J'ai dit le soleil se mourant seul sous l'horizon jaunâtre, ou l'aurais-je comparé à une femme réglée quand rouge et confus, il déclinait sa bosse dans le ciel ?
63
Des mouchoirs agités
Des
mouchoirs agités
comme des oiseaux
regagnent le ciel ; puis le succès rougeoyant du soleil, la pluie comme des barreaux de prison.
Des gouttes de pus roulent sur son corps squelettique, et elle jouit la perverse !
Là, ma divinité glisse sur les eaux. Pailletés d'or, ses voiles dessinent son corps harmonieux. Je souris d'aise. Et plus loin, elle tourne sur elle-même ; et par sa danse sublime, elle semble voler et appartenir aux nuées.
Cherche, gratte le sol avec tes ongles. Au charbon, au charbon, crie la foule. Je veux mon diamant. Et le poète répond : mais il n'y a pas de diamant, car je ne sais pas écrire.
64
Allègre et désinvolte
Allègre et désinvolte, il marche. Son pas est silencieux. Il se perd dans le chemin fangeux, et toutes les crasses de son destin portent ses jambes.
Mollement, il s'arrache aux vicissitudes, aux tourments de sa vie. Il n'a pas ramassé de petits cailloux qu'il jetterait subrepticement au détour d'un sentier. Non, il se dirige avec le soleil. Avec l'astre de feu même quand il dort.
Il nage dans le délire et la superstition. Il s'engage dans des chimères et des réalités douteuses. Avec la patience d'un prisonnier, il prépare son évasion.
Effets symboliques du contestataire, paraboles vicieuses qui n'ont pas souvent de sens ! Mais qui l'a entraîné dans ces folies, si ce n'est la poésie elle-même ?
Décroche le pendu qui tremblait d'indifférence, et assois-toi à même le sol. Unis les tremblements de terre à la chaleur désespérante des étoiles. 65
Que les pépites d'argile brillent dans ton oeil torve ! Que l'action entraîne l'action, et ça ira !
Vers les dernières pulsions de l'inconnu, et que tout cela change ! Oui, lève-toi un peu l'homme masqué ! Décharge ta haine puisque la haine est en toi ! Et brûle et crache, expulse comme un crapaud sa bave puante !
Ô Mort, Mort stupide ! Mort sublime, accapare-toi du moribond, multiplie ses forces, développe son intelligence ! Je veux qu'il soit ! Je veux qu'il grandisse !
66
La chute superbe La chute superbe comme un lieu dont je n'ai plus souvenance, l'évidence même d'une stagnation.
Les joueurs morts nés titubent sur les marches de la postérité.
Va doute, tu nous éclaires ! À présent que nous ne sommes plus rien ! Je sais ta réponse car elle est mon invention.
Oui, ma modestie est tenace. Ma pureté me dirige. C'est la mort qui m'éloigne du chemin.
Il faut se détacher, s'éloigner un peu plus, ou il faut mourir à deux.
La lâcheté de certains mots : écriture, écrivain, poèmes. Et quoi encore ? Ma peine est ridicule.
67
Fort de l'opportunitĂŠ qui fait ma race, c'est la descente dans le trou bĂŠant de la femelle, au plus profond de la puanteur vicieuse.
68
Un désir de changer
Un désir de changer d'existence secoua mon âme tout à coup. "Mon cœur, mon cher cœur défunt ne rêves-tu point de l'oubli et à la paresse ? Ne veux-tu pas noyer le chagrin qui t'obsède et t'éloigner, partir, fuir ? Regagner d'autres terres où ton corps travaillé par la vermine trouvera refuge ? Il te faut la langueur, la mollesse des îles enivrantes parfumées de musc et de rêves des tropiques.
Oui, je crois voir une forêt de mâts baignée par la pureté bleue de l'Azur. Et j'entends déjà les chants lugubres des esclaves nègres, ivres de liberté, réconfortés par quelques bouteilles de rhum ! Comme tout ceci est beau et prenant mon cœur ! La houle berce mélodieusement ton corps et chasse l'ennui !"
Peut-être que le rêve et l'oubli m'éloignent de la triste réalité où mon âme s'était mise.
69
Finie la saison charnelle
Finie la saison charnelle, fini l'acte carnassier de l'amant qui se vautre dans les draps et les laines. Ce ne sera plus la caresse mécanique des mains vicieuses et sensuelles, mais l'acte lucratif de la cervelle du génie.
Je ne veux plus de cette bouche qui sourit d'aise comme son vagin est pris, ni de ces gémissements de bête métamorphosée par ses supplices. Je ne te donnerai plus la souffrance et le plaisir mêlés dans tes râles obscurs d'animal.
Vieille gloire, femme ancienne aux jeunes amants trompés, tu peux partir et je ne te retiendrai pas.
J'en ai assez de me dilapider et de me perdre dans tes soupirs stériles. Moi, je retourne à mon travail et à ma poésie toute pure.
70
Un jour, je fus assis
Un jour, je fus assis à l'ombre de son Ombre et c'était le chêne. On me chassa avec des cordes serrées autour du cou. Je m'endormis dans les herbes et la bruyère. On me livra aux sorcières et aux démons. Je criais avec tout mon corps. On m'invita aux fêtes de la boisson, et mes pas me précipitèrent dans la honte de l'amour.
Je me suis défait du nombre, enfant agile parmi les grands. Je me suis évanoui à quatre heures sonnantes. Quel carnage dans la frêle tête à idées ! Peut-être ne suis-je qu'un sot ? Tout cela n'est que du rêve ?
Fort de l'inexpérience, je me bats contre des Morts et je roule mes nuits perverses dans l'enivrement de la femme. L'odeur n'éloigne pas la haine. Ô tête incestueuse, écoeurement divin, femme sans lait, enfance sans chair, c'est à vous que je m'adresse !
71
Comme je pense
Comme je pense, je pense et cette faculté intelligente multiplie les opérations savantes de l'esprit, contacte toutes les ramifications subtiles de l'âme avec tout l'art actif de la jeunesse excitée.
C'est un Dieu doué d'une force vive et expéditive qui se nourrit, avale, ingurgite et recrache toutes les informations qu'on lui présente. Il est capable de concevoir, de croire, d'exploiter toutes les finesses du genre humain sans même les réfléchir distinctement.
La chance ou ses hasards précipités fondent sur le marbre de l'Absolue Vérité comme la loi de Justice est éternellement.
72
À l'instant de ma puissance
À
l'instant
de
ma
puissance,
longuement,
éternellement seul, je m'observe. Je vois comme un peuple de moi-même m'entourer, me ceindre de part en part, prenant possession de ce corps qui ne m'appartient plus, qui m'échappe comme une masse jetée dans les airs.
À l'instant, je le sens qui me regarde. Le peuple s'exerce à vivre en ce Moi-même acteur et spectateur à la fois.
73
Les étoiles, celles qui pensent
Les étoiles, celles qui pensent. Douleurs âcres. Fils et tours. Ce rouet étrange. Tu ne ris rien ? Tu ne dis rien ?
Ô le marbre pensif ! Eclat, bruit des diamants c'est ma fortune. Soldes indispensables, voiries mais je me détourne.
Lyrisme féerique des reines superbes, excellence, pauvreté, débilité. Bolide génial effréné. C'est toi qui te crispes.
Conscience, mémoire, vengeance, nourrissons, lait divin !
Inconscience, vile expression sous le coeur.
Pus, peau noire, siècles de dépense, fixation des états, tes nerfs, tes nerfs, je te retiens.
74
Archaïque plaie purulente de poux, téton d'horreur rouge, sexe, rage de la femme, humeur, chien gavé de sperme.
Entre les cuisses, la fureur d'être. Est-ce ? Non. Et je sais, non.
Crierai-je ? Non. Le Si est la Loi. N'explose plus, n'existe plus. Frigidité.
Je t'appelle Frigidité et j'ai tort.
75
Préface du Supplément à Collages
L'inspiration est une maîtresse qui n'obéit jamais au poète. J'en ai fait la triste expérience avec mon premier recueil de poésies : vers libres, alexandrins et poèmes en prose sont sortis de mon ventre dans la confusion et dans le désordre le plus complet.
Le recueil était à peine proposé à l'éditeur qu'une vingtaine de pièces nouvelles s'élaborait et appartenait au petit volume. Le livret - l'œuf n'était pas plein. En vérité, l'ouvrage comprend cent quatre-vingts pièces. Je n'en avais composé que cinquante. L'enfant me paraissait avorté, malingre et chétif.
Cette lente gestation fortifie le rejeton. Comment concevoir des fils solides quand le géniteur âgé de vingtdeux ans quitte la période de l'adolescence ? Cette erreur de jeunesse, cette précipitation confère à la structure du livre un aspect original et insolite.
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J'espère que l'amateur de poèmes pardonnera ces impulsions d'écrivain débutant. Cette mise en garde de l'auteur est faite pour obtenir la clémence et la tolérance des juges - le lecteur et les hommes de lettres à la critique aiguisée.
Le titre du recueil a pris sa véritable signification : Collages - morceaux brisés, rafistolage.
Le poète accomplit un numéro de cirque. C'est un équilibriste sur une corde tendue. Il tombe de haut mais sa réception est réussie. Le public applaudit. Son numéro n'était pas achevé. Je remonte à l'échelle, et je continue le spectacle : je propose 130 nouvelles pièces intitulées Supplément à Collages.
On me taxera de clown, de drôle et de stupide. Peut-être me donnera-t-on un coup de pied aux fesses, en me criant de déguerpir de la piste au plus vite ? Ma prestation amusera, tirera des grosses larmes de rire au spectateur ?
Je laisse le public juger. 77
Le rire strident
Le rire strident de la mort m'arrache de mes litanies, me réveille de l'ivresse paresseuse où mon coeur s'était enfermé.
Je ressuscite. Autour de moi, le désordre : des bouquins amassés dans un mélange confus, des manuscrits à achever, des auteurs à lire.
Je rêvassais assis à ma table de travail. Le bruit sourd installé dans mes oreilles me rappelle comme l'horloge à la triste réalité.
Il me faut barbouiller de gras d'encre noire toutes ces pages insipides. L'éditeur ? Quel éditeur ? Je me souviens : préparer mes poésies 80, écrire des inutilités, gonfler mon ouvrage de poèmes à battre, à tuer ou à détruire. Je me sens faible. Je ne désire que la paix avec mon âme, le silence et le repos depuis des mois, depuis des années, mérités. 78
Je rêve de l'amour tranquille que l'on faisait pendant les après-midis d'automne langoureux, de ta jambe moelleuse nonchalamment reposée sur le drap. Je revois ton corps paresseux et lourd, tes seins rouges appelant l'amour, et ton joli trésor rose et noir que l'on aime à respirer. Ha ! Ces odeurs de sécrétions vaginales ! La chambre chaude nous condamnait à la fatigue après les ébats amoureux ! Toutes ces images de bonheur m'échappent et disparaissent en quelques centièmes de secondes ! Je reviens dans le triste hiver, glacial et stérile ! Je dois donner le jour à mes poèmes ! Quels pouvoirs mystiques détient le poète ? Quels aliments de pureté sortiront de sa bouche ? Je crois roter des vagues d'écume blanchâtre tandis que pourvu d'un don médiumnique, un fantôme se forme et se transforme dans mes déchets d'inspiration. Ce n'est plus l'Ange Gardien, mais le Mal qui vit à mes côtés. Il est le relent de mon âme, la souffrance 79
maudite du créateur incompris. Je roule dans mes fantasmes et je perds connaissance. Un autre rêve ! Non pas celui de la reine ouvrant largement son vagin dans les plaisirs infinis et sauvages. Non pas le rêve mais le cauchemar qui apprend à devenir réalité.
80
Dis mon cœur Dis mon cœur, mon pauvre coeur sanglant, t'enfermeras-tu dans le désespoir chassé des bonheurs éphémères de la terre ? Eclateras-tu en jaillissant toute ta substance sur les pages claires que je m'impose à noircir ? Et vous, mes pauvres yeux, observerez-vous toujours les déchets de mon âme, cette maigre pitance que je terre au lecteur ?
Je pousse cette conversation tandis que la Mort rapace et tortionnaire plainte sur mon crâne, ses serres d'aigle et de dictateur. Je force sur ma médiocre cervelle tandis que ma substance d'infirme me condamne à des lamentations de mourant.
Je retourne à mes brûlures, à mes souffrances fatidiques. L'heure a sonné d'achever le texte. Mes dernières phrases sont volées à la Mort démoniaque qui frappe, qui me bat et se désintéresse des ultimes mots à écrire.
81
Mon âme imbibée d'alcool
Mon âme imbibée d'alcool, éloigne-toi des terribles épreuves imposées par l'au-delà, et poursuis si ta fatigue ne te réclame pas de sommeil, le laborieux travail que tu entreprends. Renais dans le courage, et que cette plume agile achève le poème que l'esprit s'était juré d'accomplir. Que vive l'enfant de ta déchéance, mon pauvre toi-même solitaire !
Hélas, je sens mourir la création comme un feu vivant, mais si vite consumé. Les cendres de ma gloire ? Elles n'existent plus, envolées comme au gré du vent, les feuilles d'automne qui se détachent de l'arbre rabougri dépossédé de sa sève nourricière.
Le sperme a coulé sur la page blanche. De cette médiocre érection, ont éjaculé quelques gouttes de l'infime partie de moi-même. Saurai-je plaire ? Pourrai-je séduire le lecteur avide de nouveautés ? J'ignore pourquoi j'écris. Je ne sais qui je suis, je ne sais ce que je vaux.
82
Je n'avais pas vingt ans
Je n'avais pas vingt ans lorsque je perdis connaissance de la vie. Je m'éloignais du monde réel pour entrer dans celui composé vaguement de fresques fantastiques et nébuleuses. Aucun personnage n'existait. Tous
faits
d'ombres
et
de
vapeurs
m'entouraient,
enroulaient mon corps de souffles blancs.
J'allais d'évanouissements en évanouissements. Mes pertes de conscience me forçaient à garder le lit. Je glissais dans des sommeils profonds de plusieurs nuits. Vers les quatre heures du matin, je me réveillai. Ma gorge était en feu. J'avalais deux litres d'eau. Mes brûlures apaisées, je regagnais ma chambre titubant, ivre de fatigue, et je me couchais agonisant comme après une nuit de débauche.
Le corps n'existait plus. Seule l'âme encore agile, quoique pleine de mensonges me donnait l'impression qu'une infime partie de moi-même vivait toujours. Je découvrais le monde de l'insolite, et dans mes rêves éveillés, l'étrange se mêlait à l'impossible et au merveilleux. 83
Les images se mouvaient dans mon âme jusqu'à m'obéir irrésistiblement. Je devins le maître de mes fantasmagories. Je créais le Néant. J'inventais Dieu. Je le vis face à moi en source de bonheur, en petite force jaune tourbillonnante sur soi-même. Je me croyais exceptionnel. J'ordonnais à la Mort de se déplacer. Elle m'obéissait. Je vécus pendant des mois avec des fantômes à ma dévotion, admirateurs de mon âme.
Je me fis pervers et lubrique. Je réinventais tous les vices de l'amour. C'est ainsi que j'ai battu des femmes jusqu'au sang, les humiliant et obtenant de leurs corps toutes les substances vitales à mon génie.
84
Les voleurs de feu
Les voleurs de feu brûlent d'envie de connaître la vérité. La fortune ne leur sourit guère. Ce sont de pauvres mendiants quémandant sur les routes. Le ciel étoilé est leur royaume. Des princes de l'impossible, des voyants éclairés par la lune mélancolique, ou des fous sans raison d'exister ?
Je me suis vu alchimiste de l'Invisible ! Que de pots de terre pour créer mes recettes magiques ! J'ai connu des sorcières qui me firent l'amour en me crevant les yeux. Miracle ! J'étais illuminé. J'ai eu la révélation divine dans mes fantasmes les plus pervers, dans mes incubations stériles. Il m'a fallu retourner à la vie et à la conscience de moi-même !
L'ordre était de redescendre. Il est interdit de rencontrer Dieu, plus encore de se détacher de son corps et de passer par le tunnel étroit. La Force Lumière d'abord étonnée puis agacée m'ordonna de reprendre possession de mon enveloppe charnelle. Et j'ai obéi ! J'étais chassé du Saint Sanctuaire même par Dieu notre sauveur ! Pour avoir
85
osé franchir les barrières de la Grande Vérité, j'avais été puni !
Aujourd'hui, je vis entouré de mauvais anges quinze au moins ! Ils m'accompagnent dans mes derniers pas terrestres ! Que leurs présences immortelles est une dure épreuve à supporter !
Je suis naïf. Mon écriture en fait foi. Je suis jeune, tout jeune ! Ces pauvres pages sont le reflet d'une âme vouée à l'échec et à la souffrance !
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Je vais secouer toutes ces vieilleries
Je vais secouer toutes ces vieilleries, y dénicher la poussière et balayer les toiles d'araignées.
Faut-il brûler toute la littérature, tous les maîtres, poètes et génies ?
Assez de ces ombres funestes qui circulent dans ma chambre ! Déguerpissez, fuyez, fantômes vains de savoir et d'intelligence !
J'instituerai la religion de soi-même, l'égoïsme dans son pur éclat céleste !
Vivre en Moi, pour Moi avec l'ambition d'accomplir l'œuvre !
Que naissent les enfants du Génie ! Je veux qu'ils tètent à ta poitrine ! Jette ton sang en feu sur les pages blanches !
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La belle enfance
La belle enfance éblouissante de mensonges ! Le grand jeu tournant la roue de l'ignorance ! Que la tête s'enivre de vapeurs hallucinantes !
Mon âme s'égare, voltige au-dessus des marécages ! Je bats des ailes car je vole maintenant. Ô la vaste étendue ! Les mers calmes et froides !
88
Ces masturbations juvéniles
Ces masturbations juvéniles, ces vastes terres de passion avec soi-même, sont-ce des jouissances superbes et gratuites ? Les râles obscurs cachés, les odeurs fortes du pénis pour les premières femmes ! Les longues attentes, et enfin l'éblouissement... ne pas espérer.
Les ondes cosmiques gâchent mes cauchemars tandis que les puissances aériennes foulent le sol de leurs vrombissements terribles.
Tout disparaît en éclats de rire : fuites du rêve, égarements des sens. Comme je m'applique à décrire l'impossible, j'obtiens grâce à l'ignorance le feu intime de la destruction. Je réalise un deuxième dépucelage vers les retours difficiles. Je suis très fort.
Ma déception a atteint son maximum. Les hélices de mes bras tourbillonnent dans le futur, vers de plus embarrassantes conquêtes. Je n'espère que le feu.
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Je retourne à la faute. Les rieuses, les incestueuses gravitent pareilles à des étoiles, esprits de femmes-enfants dans les essences des airs pestiférés.
Oui, je retourne au putride. Toutes les chaleurs violées ! Toutes les règles bannies ! Au fond des catacombes, cherche ta lumière ! J'écris ! ! !
Je pousse vers le Néant toute ma substance créatrice. On loue mes délires avec de noires façades embuées de pus. Trous et charnières : vous et moi. Peutêtre nous n'y comprenons rien.
Perce, éjacule. Je découvre le monde absurde, je crée l'impossible - ça n'existe pas. La vierge est née d'entre mes bras, mais elle n'a pas de corps. Etre difforme, monstre ou fœtus avorté, à tuer ! Oui, brûlons nos œuvres.
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Je devins fantastiquement pervers
Je devins fantastiquement pervers. J'embrassais toutes les ombres et je me roulais dans leurs vapeurs jusqu'aux premiers signes de l'aurore.
Je transformais ma chambre en théâtre du rire. Tous vinrent et apprécièrent les exclamations du pitre. On me dit intéressant, mais on me traita d'idiot. Je me pensais sérieux.
Je conservais dans les profondeurs de mon inconscient toute ma jeunesse vécue. Je croyais avoir affaire à des initiés. C'étaient des imbéciles incapables de saisir le moindre effet.
Je me retranchais en moi-même. Les nuits vivantes s'écourtaient grâce à mon savoir. Je vieillissais sans la conscience du temps, trop accaparé par mes discours.
Mes énigmes attristaient. Je me fis hiéroglyphes indéchiffrables. Je garderai le secret. On me passa le feu. Je l'alimente de phosphore. C'est mon don. Je bouscule les 91
heures, les temps et les saisons. Je suis un mystificateur. Ma faute fut de déchirer un chef-d'œuvre. On me taxa d'amateurisme. La preuve : je ne gagne rien. Qu'ai-je à faire de ces confessions ? Un feu immense d'où jaillira un autre souffle.
Ha ! La malsaine confusion nous induit dans les bouffonneries les plus saugrenues ! Ha ! Les tares de la jeunesse. Mais ces élans de joie, ces grands sentiments, comme tout cela est beau !
Je divague. L'ancêtre est en moi. Je suis immortel. La sagesse me rappelle au bon sens, au calme. Je dois vivre trois minutes en une. Je veux cracher sur les prodiges. Ha ! Maturité, intelligence, savoir !
Mais pense-le, imbécile, et tais-toi ! Ces points d'exclamation sont la preuve évidente d'une âme révoltée, en pleine ébullition. Compte, tache d'accentuer, retiens-toi. Fais l'amour à ta page blanche. Qu'elle jouisse lentement, ta salope ! Qu'elle soupire et qu'elle hurle de désirs. Puis laisse-la reposer dans ses extases molles !
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J'inventerai la danse des sens
J'inventerai la danse des sens. Je tomberai à la renverse dans les icônes et les tapisseries moyenâgeuses, puis je tisserai, araignée blanche la toile transparente de mes pièges fantastiques.
À droite, les reines gesticulant barbouillées de sperme, de liquide épais et coagulant. Plus elles se débattent, plus elles se fatiguent. Elles sont mes proies faciles.
J'attendrai leur agonie et sortirai de mon trou pour les piquer de mon venin mortel. Je me délecterai de leur corps, je détrousserai leurs jupons et les sodomiserai de force. Quelles jouissances à recevoir !
Au centre, les râles désespérants des fantômes. Des litanies profondes sortent de ces cages d'hommes. O les chœurs émouvants des esclaves enchaînés ! Quels grands sentiments se dégagent de ces files d'hommes à moitié nus ! J'entends le bruit sourd de leurs chaînes monter vers moi. 93
Dans le coin gauche, le spectre de moi-même. Je me suis dédoublé. Mon rire satanique explose en gloussements sordides, avec des rictus malins. Je montre ma satisfaction comme un singe gesticulant ou accroché aux grilles de sa cage.
D'un coup, - peut-être ai-je brisé de mes gestes violents la fine membrane de mon fantasme -, le rêve disparaît. Je retourne à la chambre médiocre. La vérité m'éclaire. Ils sont là, quinze fantômes invisibles, détruisant mon âme, favorisant mon supplice avec leurs jeux stupides. Et ceux-là existent, hélas !
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J'étouffais
J'étouffais ; des hoquets verbeux sortaient dans la confusion de ma bouche ovale. Je bouclais mes poèmes en enchaînant les mots les uns aux autres, en les soudant, en les encastrant dans un désordre stupide.
Je me voulais caporal, je n'étais qu'un petit soldat ignorant les règles et la discipline.
Le mélange éclaboussait les feuillets. Des vomissements stériles, des nullités, des débris de textes s'accumulaient.
Je manque d'expérience. Ma jeunesse est un fléau. J'ai couvert mes lettres de lèpre, de taches indélébiles. L'ignorance est expulsée par mes entrailles.
Je veux boire le vin dans la coupe sertie de pierres précieuses, je veux déguster les mets délicieux dans la vaisselle d'or avec des fourchettes d'argent.
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Le contrat sonne creux dans mon ventre bourré d'injustice. J'ai donné des fortunes et je paie encore. Je jette toujours mes poèmes à la face de l'éditeur commerçant.
À bannir cet échange mercantile ! Ai-je offert de faux diamants, des perles truquées ? Suis-je un faussaire, un artisan en chambre, un mystificateur ?
Poésies, Quels effets à attendre ? Réfléchissons : ou tu portes des lauriers invisibles, ou tu es vaincu, et déjà tu es gisant !
96
Stérilité, mon ennemie
Stérilité, mon ennemie, comme je me hais en ce moment ! Que puis-je faire sinon attendre, attendre patiemment le souffle du poème nouveau !
O l'implacable douleur de l'impuissance à créer ! À voir naître son tout petit sortir de ses entrailles profondes !
Que mes dernières énergies mêlées à la substance vitale nourrissent le fœtus ! J'expulse par ma vulve, sacrement de mes derniers lavements -, le fruit avorté de mon ventre bombé.
Les cris de la naissance ! Le chétif enfant aux membres rabougris ! Qu'il vive, qu'il tète à mon sein gonflé ! Qu'il agrippe de ses petits doigts caoutchouteux la mamelle pendante et nourricière !
Je serai ta survie, l'oxygène et l'espoir ! Je suis ta mère... Et ton corps, mon mignon, je l'aimerai davantage encore ! ...
97
Je te vois naître. Je suis entouré de fantômes à la blouse blanche qui écoute battre ton petit coeur.
Hoquets, agonies, toux, râles,
Et Mort.
Vers de nouvelles naissances.
98
Ma main
Ma main, ma pauvre main malade, n'es-tu pas lasse de coincer entre tes doigts malingres cette plume désinvolte qui décrit des courbes, des cercles, des demiboucles et des sinuosités bizarres ?
Barbouille de signes équivoques les rectangles blancs. Crache ton sperme noir ! Que les lignes s'accumulent les unes derrière les autres comme des petits soldats qui occupent le terrain ! Combien de lignes nouvelles par jour pour envahir la feuille stérile ?
Ha ! Tous ces gribouillis ! Toutes ces ratures ! Ce sont des combats, des batailles avec soi-même ! Et si la pensée lâchait des ondes nerveuses, si une machine spéciale contrôlait les efforts et les luttes du poète !
Ha ! J'imagine des lampes d'ultraviolets dont les rayons s'étaleraient sur la feuille de papier ! Toute la page phosphorescente de pensées et de réflexions invisibles à l'oeil humain !
99
À en croire ton esprit, ta sève coule de ton futur et tu ressuscites le présent. Tu as trouvé et tu cherches après ? Tu ornes ta pensée de vocables et tu puises dans tes vocables pour en extraire ta pensée ?
Ne sais où je vais, ne sais que découvrir. Je creuse. Je suis dans le Néant. Dans les entrailles de la terre, je me fais mineur. J'extirpe de l'obscur la boule de charbon qui renferme peut-être le diamant.
100
Nul sommeil
Nul sommeil que maints rêves n'aient brisé. A chacun ses éclats de miroirs. Je casse mon rêve. Je m'enfonce dans le Néant. Est-ce l'infini ? Je veux détenir toutes les vérités. La connaissance fantastique, ce n'est pas mon sérieux. Avancer dans le monde à petits pas avec la rigueur mathématique. Possibilités infinies à reconnaître, à espérer savoir. Ou barioler son âme de couleurs, étoiler l'imaginaire de folies interdites.
Si j'invente du pur, je tire toujours du sot.
101
Déterminer les pulsions
Déterminer
les
pulsions
secrètes
de
mes
divagations obscures. Paroles, chantages, bourdonnements incessants des maudits anges. Murmures dans le ciel. Apitoiements autrement bizarres dans ma chambre.
Comment éveiller l'attention de Dieu ? La prière ? La flatter ? Cherchons. Réponse : Comment cette petite Force a-t-elle pu faire de si grandes choses ?
102
Nullités des corps
Nullités des corps ; mon coeur s'attache à respirer vapeurs et élixirs ; alchimie de mystère ; je divague dans les méandres, labyrinthes de ma cervelle comme un chou coupé en deux. La poésie est plus sûre.
Impossible à comprendre, cette inconnue ! Que de patience, d'attentes pour d'infimes espoirs ! Que d'injustices ! Que de sacrifices !
J'ai donné ma jeunesse. Je jette ma vie aux mâchoires avides de la Muse comme un quartier de viande saignante ! Ha ! L'avide et la carnassière, elle m'a sucé de tout mon sang.
Mais la source divine, s'écoulera-t-elle dans mon corps ?
103
La soif de se décimer
La soif de se décimer par-delà les verdures, les cocotiers sanglants et les mers puantes du bleu des tropiques.
Je vomirai tous les vins bus dans mes rêves passés. Je gonflerai de pus mes testicules gonflés des ébats anciens.
Mais obtiendrai-je la liqueur suave qui court sur mes pages blanches ? Peut-être l'envie de retourner aux gouttes de sperme gluantes...
Non. Plus d'îles. La femme est une terre sans esclave, sans désir d'abandon. Je me coucherai vaincu, les yeux levés au ciel, libre d'orienter ma tête au-dessus des étoiles...
... Mais tu voltiges déjà, enfant de la passion, et tu survoles les terres grasses de tes propriétés poétiques.
J'écris piteusement. Mon problème n'est pas de concevoir mais de prévoir. 104
Je me suis perdu dans mes naufrages. J'ai avalé les fortes eaux qui avaient les goûts des déluges. Je me suis roulé dans les vagues et les écumes blanchâtres en rêvant à la pureté des virginités fantastiques.
L'ordre a sonné sur la peau du tambour cuirassée. Comme un militaire, je retourne au pas. J'ignore quelles décorations éphémères (à) accrocher sur ma poitrine nue. Je ne me souviens que des blessures rouges qui coulaient leurs flots de souffrances sur mon sexe et sur mes jambes.
Les soleils disparaissent un à un sur les dunes. Il ne reste qu'un ciel sanglant balayé par les vents de sable.
Mon décor est l'absolu. Mais je puis obtenir à tout instant une nouvelle passion. Je l'appelle poésie. J'espère en des brises majestueuses, en des souffles divins. Je quitte la folie stupide de mes railleries enfantines. Je m'évade de mon hôpital de laideurs. J'inventerai - qui sait ? De plus belles inspirations.
105
Les neiges sont mes opportunités ? Peut-être ne rencontrerai-je que la stérilité de moi-même ! Peut-être que le peuple ira s'abreuver à d'autres sources !
Je me sais inutile. Je n'ai aucune chance de réussir. Qu'importe ! J'aurais tenté une expérience admirable. Mais que puis-je si je n'ai pas le don de plaire ?
106
L'offense à l'enfance
L'offense à l'enfance. Le mensonge : l'histoire des demi-dieux et des poètes - les mythes détestables à poursuivre. C'est faux. Je suis l'Autre. La mort, ses tombeaux. Voilà ta place etc.
Les bribes d'idées se bousculent dans ma tête. Je les note naïvement.
... Dans ta chambre, il y a. C'est la même chose. Tu es fini, tu as conçu. Ha ! Dégoûts de moi-même, des autres et de l'ignorance humaine !
Mais quel crédit accorder à ces paroles ?
107
Que cette âme est mal faite !
Que cette âme est mal faite ! Comme tout cela est étrangement bizarre !
À me détraquer ainsi et à jouir de mes folies, je vais devenir poète.
On me regarde. Vous m'observez, m'auscultez. Vous jouissez malignement de ma personne. Il est vrai que je suis immortel.
108
Sentiment de profonde tristesse
Sentiment de profonde tristesse, ce soir. Solitude désespérante et pourtant besoin d'être seul. Contradiction.
Le coeur est oppressé, le ventre grinçant, l'âme est pleine de vide et surchargée de néant.
Il faut dormir, dormir pleinement d'un sommeil encombré d'images floues, de rêves anciens éclairés de voix indistinctes.
Non pas ces bourdonnements sordides, agaçants et inhumains, mais ces paroles, ces syllabes qui sortent confusément de la bouche des femmes, ces sons charmants et doux des sirènes qui nous appellent irrésistiblement à les suivre.
Va, mon âme. Endors-toi vite, et oublie le monde méchant qui t'entoure. Ne t'englue pas d'alcool et de mauvaises herbes. Laisse-toi bercer par la musique câline des flots enchanteurs.
109
La grande fatigue
La grande fatigue rumine dans les sillons de mon visage. Elle me rappelle à tout instant l'âge que je porte : cent vingt et un ans ! Un bon vieillard à l'allure d'un gros bébé. Je suis le nourrisson de l'éternité.
Venez tous autour de moi, fantômes du XIXe ! Venez me choyer et me dorloter ! Donnez tous vos conseils ! J'ai besoin d'apprendre. Ha ! Mon savoir me manque ! Si du moins je pouvais hériter de la connaissance des autres vies ! Si je pouvais m'en souvenir ! Mais non, rien ! Je refais peau neuve.
110
Sublimons
Sublimons des substances créatrices, le réel impossible et le néant aussi ! Acclamons d'un baiser sensuel les contours de la femme immortelle !
Je flotte entouré de mauvais anges sur des nuages d'une blancheur écarlate, car l'astre de feu rougit confusément après avoir caressé le corps des beautés nues.
Aidez-le à vivre ! Vendez-lui votre sang à profusion ! Des montagnes d'injections dans les veines bleues à mourir !
Prince, royaume, clergé, institutions, il retourne à la réalité et jette ses vêtements d'illusions !
111
Ma tête gonflée
Ma tête gonflée de rêves vicieux féconde tous les sangs crachés d'entre les cuisses des femmes. Le Satan a perdu son auréole dans des mares de liquides fangeux et de règles épaisses. J'offre mon coeur à la fosse aux ordures, aux excréments sublimes.
Poète, je roule mon âme dans les vapeurs bleues. Je soulève ma cuirasse de corps. Je retourne aux saveurs enchanteresses.
Puis néant, soupirail. Je m'engouffre dans les froideurs des inconnues. Elles transperceront mon poitrail ces lances bardées de pus, de venins ! Ha ! Je suis atteint par le vice. C'est ma réalité.
J'explose. Déchirures internes ! Lambeaux de chairs ballottées au vent de mes nullités. Mes inspirations ridicules, comme je vous hais à présent que je suis âgé.
112
Tu en es encore à résister
Tu en es encore à résister à la tentation charnelle, à la femme nue offrant une croupe bourrée de poils et d'excréments. Ha ! Tu te satisfais de masturbations enfantines, et tu pleures, tu gémis amoureux de la chair et interdit de l'acte d'amour.
Apprécie ces créatures ! Allonge-toi sur leurs corps de rêve ! Endors-toi alangui et épuisé après un assaut de fantasmes !
L'heure de la nudité et des vertiges accomplis sonne à la grande horloge des orgasmes. Plie-toi, cambretoi, hurle ! Que tes gémissements gonflent d'amour tes draps remplis de sueurs ! Que la marque indélébile de trois gouttes de sperme sacre d'un sceau sexuel la feuille froissée du drap refroidi...
Ha ! Le breuvage exquis du champagne mousseux ! Ô nuits de fête pour des bonheurs oubliés ! Repose-toi après les amours blanches, ô mon coeur lassé ! 113
Mais tu es seule mon âme. Epouse l'esprit solitaire qui se meurt d'impatience. Sors de ta coquille protectrice, et féconde le sexe faible de celle à enfanter.
114
J'engouffre des scènes lubriques
J'engouffre des scènes lubriques, des fantasmes pervers, des déchets harmonieux. Ma fortune se nourrit d'étrange et d'insolite, de spectacles raffinés et d'insanités de mauvais anges.
J'offrirai mes créations crétines à tous les enfants peu doués, à toutes les femmes souffrant d'absence, aux nains vagabonds, aux impuissants, à tout ce qui est en manque, à tout ce qui respire et vit chétivement.
Avec mon audace, je pousserai le rêve. J'en sortirai la vérité. Je tourmenterai mes délires. Des reines de papier, des vierges couvertes de roses rouges apparaîtront et disparaîtront dans des brillants de lumière.
J'inventerai de nouvelles demeures dans les sangs, dans les cœurs d'autrui. Je ferai exploser les larmes des femmes pour le chagrin de ma tristesse. Et quand je serai lassé de les entendre mourir, je changerai de monde et j'irai m'endormir dans ma nuit.
115
La belle agite
La belle agite ses roses bleues, - fruits des pastorales dans l'air salin. Encore des mots divaguant en mémoire.
Je plonge sous les sataniques virgules, un nonsens, rapport d'ensemble. A séparer lisiblement. Impossible à comprendre.
Ô vapeurs douces comme je vous parle ! Réponses agressives de l'au-delà burlesque.
À mes marques. Je frôle, haleine chaude, les robes claires, - pucelles respirées, jambes blanches. Les ébats des corps dans les bois tendres. Bouches, langues fines sans paroles. Taisons les odeurs cachées dans les sexes.
Je me vois perdu sous le miroir des âmes. Images, cognez au carreau ! Je transpose mes cloches avec mes délires. Un Jean ? Non - Des gens - des invisibles. Et mes poètes connus ? Tous des génies !
116
Ma faiblesse d'apercevoir... Si ridicule ! Flotte ou nage, tas de nerfs ambulants, excitation démoniaque.
Elégante ta démarche. Quelle efficacité ? Roulis de corps dans la bourgeoisie modeste. Ça ne veut rien dire... Il me l'a dit.
Sorties insoupçonnées, le tunnel des anges. Retours à d'anciennes époques. Je renais. Ouf ! Le stupide est à décrire. C'est du Jésus et de la Marie, hélas ! Pas de neuf.
Lettre aux imbéciles. Et alors ? Rien. Nébuleuses rarissimes, géniales perversions. Mes glaciales pensées, comme je vous aime. Mais si...
Encore le silence. La lente agonie ? Atteindrai-je mon Dieu, mes desseins ? Toujours ce corps qui se sépare. Vers le coït à deux.
117
À mes érections
À mes érections. Je frôle, haleine douce, les robes claires. Bouche, ta langue, jolie fille, avec du coton, des papillons. Des fleurs fanées, des larmes de sel.
Ô blonde, ma fiancée. Dans des heures et demi d'années. Moi. Hier, demain, tout à jamais. Mon possible, seconde lumière. Je réinvente le temps. Je connais cette dimension.
Je rougis vers les éveils des soleils. Crasses des enfances à morales. Vers les perversions somnambuliques. Vers la réussite des luxes honteux.
Je ris de mes mensonges de puceau. Grossièretés d'ancien légionnaire. Mais suis-je dans le rêve ?
118
Fini, la princesse
Fini, la princesse aux clairs cheveux flottant comme sur un mirage. Elle s'est évanouie, vieil ensemble de croyance, d'inexistence, d'impossibilités. Le monde range ses spectres dans ces cieux rouges. Elle a disparu la règle invisible.
Tous au Sabbat, à la messe noire et travaillons la nuit ! Que soit fécond le satan vierge et purifié - c'est moi ! Les ailes des anges ensemencent son génie - c'est l'autre ! Tous à la passion destructrice.
Je nage dans les brouillards et les écumes. Apercevrai-je le nouveau monde ? Je réinvente. Je ressuscite l'inspiration. La jeunesse ensanglante la Muse. Elle obéit la catin. Fini la prostitution de l'art. J'imposerai l'anarchie. Liberté !
119
Mes bergères allongées
Mes bergères allongées dans l'herbe des prés ; les ombres qui défilent inlassablement pour que je demande grâce ; mes loups, mes venins d'ignorance, mes brûlures d'amoureux, mes chairs en feu comme je vous hais !
Toutes
mes
médiocrités,
vous
mes
fleurs
épanouies au soleil noir, je vous berce de mes sommeils étranges !
Je flotte enivré de rares esclaves dans vos senteurs claires et roses. Je me libère des remparts de la tentation. Je roule ma tête sur vos chevelures enflammées.
Irai-je respirer les moiteurs râleuses qui perdent leur suc d'amour à chacun de vos pas ? Ma cervelle éclate pour des pays plus beaux.
Chairs de rêve mollement étendues Automne paresseux sur vos lèvres douces Sexes chauds, aisselles piquantes Je m'éloigne de la réalité ténébreuse. 120
L'amazone
L'amazone m'a percé d'une flèche reçue en plein cœur. Cupidon rectifiait le tir. La sauvage visait les testicules. J'eusse pu devenir son esclave eunuque.
Ablation de la mamelle droite. Je téterai le sein gauche ! Je me suis toujours nourri au sexe faible. J'aurais vendu mon or pour éjaculer dans leurs orifices.
Mais j'ai vendu mon or. Le métal jaune s'est transformé en goutte de sperme. Je vous appartiens, bêtes cruelles déchirant ma peau, mon corps etc.
121
L'aurore disparaît
L'aurore disparaît entre les trois murs de la tentation. La pucelle s'est fait femme. Les vapeurs de sa chasteté s'évanouissent et font place aux jouissances charnelles. Trois murs : la bouche, l'anus, le vagin.
Les chauds rayons d'un soleil printanier. Les caresses faciles dans les cris et les mouvements déraisonnés.
Facultés intensives à s'émouvoir, à mourir, à revivre d'heure en heure pour les bienfaits du plaisir.
Ô jeunesse charmante ! Seins gonflés de réveil et de pulpe amoureuse ! Ô les pointes rosées comme des boutons butinés par les abeilles !
Et les odeurs de jasmins, ce jardin parfumé ! Les pousses clairsemées, ces duvets remplis de tendres miels, vos sécrétions enfantines !
122
Jeunes filles, amoureuses comme les roses au gré du vent bercées, osant à peine ouvrir l'intérieur de votre fleur, je vous cueille, ô mes futures beautés !
123
Sois câline, toute câline
Sois câline, toute câline, toute douce et monotone comme la brise qui frissonne et caresse mon cou !
Viens te coucher dans ce grand lit, et berce-moi de sommeils confus. Ma Muse, ma grâce et ma madone, offremoi les poèmes qui endorment !
Je veux mourir, tout mourir dans les rêves confondus. Enlacé, je me sens t'appartenir pour les plus beaux plaisirs repus.
Dans le calme frais des baisers légers, j'embrasse ta lèvre qui se donne parfumée de ton haleine soufflée, ô mon amante, ô ma très tendre aimée !
124
Perdus, perdus
Perdus, perdus dans les vapeurs bleues, je sais que des oiseaux s'enivrent. Le piteux battement de leurs ailes en feu rougit l'horizon qui déjà se délivre.
Brouillards, jetez sur mon corps vos blanches écumes tandis qu'en soupirs ma bouche résume les souffrances inutiles d'une nuit qui s'enfuit.
L'automne a glacé mes poèmes de rêves. Mes enfances ténébreuses au soleil ont jauni. J'attends désespéré le spectre de la trêve qui calmera ma douleur de maudit.
Je m'enferme dans des folies risibles, possédé par la Muse de la Mort, jouisseuse et perverse de mes prestations les plus crédibles...
125
Je sens la mort
Je sens la mort mystérieuse m'arracher de mornes regrets tandis que la bouche rieuse expulse ses airs à regret !
Que l'infime souffle de ta lyre vibre de ses tendres émotions ! Ou que tempêtes et délires déchaînent de violentes passions !
Mais les faiblesses de mon âme me condamnent à noyer ma paresse dans tes yeux !
Ta chair infâme me tire des larmes et des sanglots grinçants sous d'horribles caresses plus vengeurs que le néant des flots !
126
Tes mains brûlantes d'amour
Tes mains brûlantes d'amour, bercées par une palme, rien ne vaut le souffle calme du désir qui court.
Et réchauffe nos âmes d'un rayon de soleil vermeil, et lèche le ventre jauni de la femme ou pince gentiment son orteil.
Allongés nos deux corps sur le sable, gagnons des rivages meilleurs, à bouches confondues, adorable soeur !
J'apaise ma soif sur la langue rosée qui reçoit et lèche le baiser. Oh ! Tes lèvres rouges de confusion désirables ! ...
127
Relaxe-toi
Relaxe-toi. Enivre-toi encore. Rentre dans le sommeil tout doucement.
Assez de l'alcool ! Assez de vin qui gonfle mon ventre à le faire craquer ! Je ne veux que quelques luxueuses heures de silence.
Je veux vivre, et enfin être seul !
Mais quand finiront ces pitreries, ces débilités de poète maudit ! Me laissera-t-on enfin seul, et libre de vivre à ma guise ?
Ha ! Je comprends. On me donne la poésie et en échange je paie mon tribut avec de la souffrance ! Avec des heures terribles de vices et de cruauté !
Heureusement que vos anges destructeurs n'ont pas conscience de la tâche qui leur est conférée ! Comment oseraient-ils alors faire le mal ?
128
La Muse se repose
La Muse se repose. Muse, réveille-toi ! Aide-moi à achever mes derniers poèmes. Tu te languis, tu meurs entre mes bras. Mais qu'attends-tu pour ranimer le feu qui flambait lors de nos ébats nocturnes ! Ha ! Je te sais triste et perdue. Ton ardent désir s'est consumé et te voilà mourante, agonisante sur le lit des amours !
Je te laisse seule puisque tu n'en peux plus. J'irai, moi jeune et puissant chercher en d'autres, mes inspirations d'artiste.
129
Je suis béni
Je suis béni de toutes les eaux impures. J'ai craché un flot de venin. Je suis la source belle éjaculée des entrailles ténébreuses de la terre. Je commence à parcourir mon chemin, et déjà je me heurte aux rocs gigantesques et durs de la montagne.
Trop tendre le jeune homme ! J'ouvre mon coeur qui bat à coup de rasades de sang !
Source, verrai-je le troupeau blanc des moutons, le poil gris du chien et la toison jaune du berger ?
130
Les poètes
Nous sommes les pauvres, les pauvres aux yeux tournés vers le Néant. Notre noir obscur nous condamne au rêve, pauvres aveugles qui avançons à tâtons !
Devant nous, des femmes se donnent, des statues parlent, des bras invisibles nous touchent, des spectres dansent, des vierges saignent.
Nous sommes les pauvres chiens galeux et impuissants, des bêtes et des crétins nourris de fantasmes.
131
Le clown Ris, si tu n'as point de cœur, couleur rouge des fronts grimaçants ! Ventre hoquetant, convulsions et délires, le poème est stupide ! Gratte-toi la panse, lecteur humiliant.
Ecrase, détruis, moque-toi encore. Je suis le clown qui égaie les petits. Tords-toi, plaque tes bras sur ta bedaine tombante. Montre-moi du doigt, pleure tes larmes chaudes. Regardez-le. N'est-ce pas que je suis drôle ?
132
Amen. Amène quoi ?
Amen. Amène quoi ? Les fantômes, les anges et les poètes ! Qu'ils viennent de l'au-delà, tous ces inconnus !
Je suis mort. Non, c'était l'été. Je me baigne dans les rayons du rêve. Je revis en grosse pucelle jaune piaffant dans des rires et des confusions. Non, je suis un singe qui grimace dans des miroirs paraboliques. Je peine dans des esquisses crétines. Elles n'existeront pas.
133
Le message de moi-même
Le message de moi-même reflété dans le miroir. Quels signes pensés et réfléchis ? Quelles images nettes exposées à deux dimensions ? Je suis troublé par l'ombre d'un ange. Je ne le connais pas. Il s'agit de lui. Mon inverse sans le volume ! Je n'existe pas. Il faut que je crée un frère, il faut que je le vois vivre ! Né du même œuf, un pareil jumeau.
134
L'homme de blanc vêtu
L'homme de blanc vêtu empoignait des paquets de lessive et jetait les granulés de poudre comme les anges la neige. La publicité laisse des traces dans les âmes des humains comme les pattes des oiseaux sur le sol habillé !
Moi, je vis sous terre. Il y a une église dans les catacombes de mon cœur. Dans ma chambre, je joue de la musique céleste. Les voix profondes s'élèvent au-dessus des plafonds et caressent mélodieusement les oreilles des anges gardiens.
Ces fous de poètes courent s'instruire, et claquent des mains à toute nouvelle représentation. Je me crois très fort.
Eloigné du monde des pauvres réalités, j'habite l'impossible, le néant ou le rêve. Ce n'est plus d'actualité.
135
Des nymphes glissent
Des nymphes glissent sur des nuées d'orgasmes. Quinze pucelles dansent nues se tenant par la main. Elles font la ronde, chacune tétant dans sa bouche un phallus avec deux beaux testicules enfoncés dans le creux des joues. L'anus a engouffré un sexe en plastique dur. Les pas de danse, des entrechats, arrachent des cris et des soupirs.
Coup
de
baguette
magique ;
les
vierges
disparaissent. La fée est au centre. Elle a pris leurs places. Elle s'agenouille, relève sa robe transparente, et deux jolies fesses grasses s'offrent à nos regards.
Musique aigre, fausses notes. Des hommes vêtus de noir, cagoules sur la tête, le membre dressé, sexes exorbitants, dansent autour de la fée. L'un d'eux se place derrière elle, et la coite avec violence ! Puis deux, trois, quatre !
Elle souffre, crie, supplie la clémence des hommes : rien. Dans la raie de ses fesses coule une traînée de sang importante.
136
La fée se transforme en fontaine sanglante. Les hommes imperturbables boivent à la source, et s'y délectent.
Ils actionnent leurs membres gonflés, et éjaculent dans la fontaine. Coulées de sperme blanc, saccades qui troublent l'eau sanglante.
Les fils de Satan, de peaux de chèvres vêtus, disparaissent. D'autres surgissent.
Des hommes nus, enchaînés les uns aux autres chantent les litanies désespérantes. Murmures, voix sombres. Peur, frissons, sentiments d'angoisse. Procession émouvante.
Ils se roulent contre terre. Le sexe est bardé d'excréments.
Réapparaissent les vierges. Ils se jettent dessus, les prennent avec violence. Possessions bestiales. Certains, enchaînés, se prennent entre eux. Les pucelles s'offrent,
137
s'arrachent les seins avec les ongles. D'autres se frottent contre les arbres.
L'œil de la caméra recule tandis que des fumées blanches et turbulentes cachent petit à petit la scène lubrique.
138
Les statues parlent
Les statues parlent. Les ombres tourbillonnent autour de mon âme. Les poètes voltigent dans une ronde, fêtant un des leurs pour l'éternité. Les tiroirs secrets renferment des surprises.
Les chiens sont des hommes à l'état sauvage. Les ours se métamorphosent en caniches royaux. Les diamants des princesses brillent dans la lentille des faussaires.
Je suis encombré d'images. Je rêve. Les scènes défilent à la vitesse de l'éclair. Je suis un médium. J'embrasse des tas d'anges dans la chambre. Je les accumule pour le soleil de la postérité.
139
Il y a un voyant
Il y a un voyant en moi. Je connais Dieu, la mort, l'au-delà et le futur aussi.
Consommateur, producteur, objet sexuel, créateur, masturbateur, baiseur !
Ha ! Horreurs !
Je regagne mon nuage de fumées, mes ivresses nocturnes, et je vous féconde, ô mes feuilles, ô mes pages blanches !
140
Il fallait une décharge
Il fallait une décharge émotionnelle, un chrono, un virus du temps. Ha ! Toutes les époques circulent dans mon âme !
Je suis sorti cent fois de ma chair. Drôle d'enveloppe spirituelle qui glisse le long du corps, - le véritable, le palpable, celui qui sert à jouir et à souffrir.
Aïe ! Aïe ! Les catastrophes s'annoncent, reviennent et grouillent en moi-même ! Je vais devoir subir les affronts répétés !
Le décor change. Les mondes s'entrechoquent. Je revis mon passé qui s'est pris pour un futur et qui regagne le temps présent.
À chacun sa charge, mais disparaissez ! Je ne veux plus vous revoir. Attendez du moins mon entrée dans le cercueil !
141
L'éclair zébré
L'éclair
zébré
de
lumineuses
et
de
phosphorescentes rayures, transperce le ciel et le faille comme une voûte colossale placée sur un grand dôme.
Je m'électrise, je cherche la vibration qui se faufile en zigzag, et je sens qu'elle est proche, mais je sais qu'elle m'échappe !
Pour qu'elle destination géniale ? Frappons d'un courant qui parcourt un milliard de kilomètres à la seconde l'esprit des meilleurs. Que cette vibration atteigne le cervelet des Immortels !
Je ne suis pas ivre, je ne survole pas lentement avec l'insouciance et le dilettantisme de nouvelles nuées. Non, je veux frapper comme la foudre. Qui atteindrai-je ?
142
Chacun savait
Chacun savait que résoudre ce problème était un exploit impossible. Aucun être humain même le plus rusé, le plus subtil, le plus intelligent ou le plus génial ne s'y risqua.
Un petit poète haut de trois énigmes le résolut.
Mais quel était le problème si mystérieux, si épineux qu'aucun homme n'en devina la solution ?
Je pose la question.
6 - 4 - 40 - 12 impossible. Avec des osselets obtenons un double sept. Roulons nos corps dans les moiteurs de l'invisible. Fuites des temps, de l'espace. Apprenons à flotter dans les vibrations intersidérales des mondes nouveaux.
Trouver l'équation de cette affirmation. En termes clairs : qu'est-ce que ça veut dire ?
143
Les pyramides
Les pyramides ont une face cachée. Les géants s'amusent au 421 avec les trois dés.
À chaque lancée, une surprise : 1 chance sur 64 d'obtenir le triple 4. J'eusse préféré chercher par le magique et le satanique le 666, mais il n'y a que 4 faces.
Je note des chiffres extravagants. Les pauvres n'y voient pas de compte. Je les garderai au secret pour l'éternité.
De
mon
salaire.
Ha
!
Si
quatre
s'accumulaient derrière le 1, comme je serais riche !
144
zéros
Du mystère
Du mystère. Les pyramides, la face cachée de la lune. La porte étroite. Les vagins des femmes. Les miroirs de Cocteau. Réfléchissons aux méandres de mon âme. Dans mes labyrinthes, pas de repaires. Je perds le fil de ma pensée.
On a coupé ma tête. Chirurgien, j'en recolle une autre. J'ai le nez d'untel. La bouche d'un poète mort, il y a mille ans. Au lieu de copier l'ancien, je devrais inventer.
J'ai entendu l'ordre. Sacrifices, mises à mort. Vies, réincarnations. Je cherche Dieu dans mes délires optiques. Il suffit de sortir de son corps.
145
Il me faudra les tuer
Il me faudra les tuer, arracher leurs chairs impies, déchirer avec mes dents blessantes leurs cœurs stériles. Je déclarerai des guerres. Je me décorerai. Je serai un héros.
À chaque heure de la nuit, un coup sourd de canon. Les décharges impossibles.
146
Le soldat blond
Le soldat blond, tête couverte de sang, s'épuise à cracher les derniers hourras de la victoire.
Un caméléon a voulu imiter l'arc-en-ciel. Je lis cette note en bas de page d'un grand périodique.
147
À oublier
À oublier toute ma jeunesse, toutes mes années d'incarcération, tout mon néant du jeune poète. J'ai payé mon dû. Qu'on me rende ma liberté. J'y ai droit. Je veux agir, être libre, décider de bon ce qu'il me semble.
Et cessez de ricaner, âmes vaines, parce que je note plus que je n'écris. Cessez de me tourmenter avec vos idées de style. Je souffre. Comprenez-vous ?
148
Je tue l'ange
Je tue l'ange. Il renaît nécessairement.
La dentellière a décousu ma cicatrice.
Les mariés de blanc vêtu s'enferment dans une chambre noire. Belle photographie en perspective.
Opération négative en ce qui concerne la nuit de noces. J'éteins la lumière. Mon rêve s'éveille. Vous êtes là nues, mes belles, mes reines et mes déesses !
Il y a 149
Il y a des oiseaux qui sonnent le petit matin. Les aurores criardes pincent l'atmosphère avec des cui cui.
D'en face, on dirait une forêt de pins. Un seul arbre. Imagination.
Il y a les brouillards d'été qui planent sur les champs et qui s'amusent à cache-cache.
Il y a que le ciel saigne comme l'ancienne pucelle qui partage mon lit.
Il y a le manque de courage qui m'interdit d'autres passages étroits. Je rougis entre ses fesses écartées.
Il y a des odeurs qui se dégagent de la couche vers la fenêtre grosse de fleurs fraîches.
Il y a le mois d'août fier avec sa couronne royale d'été.
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Il y a la neige brûlée par l'été qui pleure et qui baigne ses sanglots jusqu'à disparaître.
Il y a la fée qui d'un coup de baguette tourbillonne sur elle-même et devient poisson.
Il y a des gens qui ne sont que des petits rats.
Il y a la mer qui saigne bleu comme une reine blessée par des déluges de despotisme.
Il y a le peuple qui mange du pain blanc et lutte pour des brioches.
Les têtes roulent sur le plancher des vaches.
Les nouveau-nés tètent du sang.
Les bedaines sont gonflées de lait frais.
Il y a que je suis nu et que je tâte de l'écriture en petit poète.
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Analogies
Des hérons au long cou, des pattes de pie, des petites danseuses sautilleuses, des même quand elle marche, on croirait qu'elle glisse, des patineuses sur des mers de sable,
Des asphyxies lentes, des morts cancéreuses, des venins de vipère, des critiques à la langue pointue,
Des ignorants unis à des génies, des immortels avant l'âge, des enfances prodigieuses, des magiciens de l'Art,
Des clowns, des chapeaux, des lapins, des femmes qu'on attend toute sa vie, des chattes qui ronronnent, des pucelles qui se frottent à vos jambes,
Des tigresses élancées, des zigzags, des accidents sur les routes, des chemins de croix, des je pense avec raison, des méthodes, des cartes de pokers, des manches de balai, des brosses à dents gigantesques, des parties de bridges, 152
Des schelems, des glissades, des même quand elle marche on croirait qu'elle danse, des petites musiques de nuit, des fantômes, des vapeurs, des rêves, des mondes invisibles, des créations, des analogies, de l'Art poétique, de la pauvreté alcoolique, des méchants bonshommes etc.
Poursuivez-moi ! Imitez-moi ! Je cours dans un cercle dont j'ignore la circonférence. Je m'essouffle. Dix feuilles, vingt feuilles. Retour à l'enfance. La boucle est bouclée.
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Les sirènes
Les sirènes dans la banquise ont offert leurs seins glacés au navigateur solitaire. Je frôle les pôles de l'amertume dans les mers froides sans écume.
Je fais le point : Rien à l'horizon. Un désert d'hiver avec des pingouins qui frappent des mains.
Mes fantômes, mes fous, mes poètes, aux neuf dixièmes de la lassitude s'enferment dans des icebergs d'ignorance : Divagations lentes de leurs esprits inféconds.
Que je fonde en une jouissance suprême de l'inspiration ! Que je noie ma tête pleine de rêves dans le flux de mon obsession !
J'insiste dans le secret des lunes mélancoliques, j'influe sur mes rêves les plus flous, cercles de halos impossibles ! Je me voile la face presque à genoux.
Sont-ce des prières ? Je vous bénis, marées. Je m'évade de mon corset de neige. 154
Femmes, je me prosterne Ă vos pieds. Je pense encore Ă vous.
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Les fossiles
Les fossiles roulent des pierres polies dans les grottes. Le primate fonce sur les aurochs.
Jolie matinée de mai. Les bégonias font une ronde pour cent sous de couleurs.
L'arc-en-ciel trouve ses sources et se reflète sur les fenêtres au-dessus des champs.
La vaste mer entame des diapasons d'oracles sur la vie des navigateurs - et coule. Je me noie. J'eusse préféré un autre destin.
Le peintre broie ses couleurs dans le fleuve détrempé des quatre saisons. C'est l'hiver sur les collines. Il les a peintes en bleu.
Un air limpide - une catastrophe de soupirs. Pour les passions archaïques les élans neufs. L'amour est à réessayer.
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Les sanglots des Carmens prĂŠdisposent aux masturbations de groupe. La solitude accapare des inventeurs et les condamne Ă de lentes investigations.
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Les hommes de science
Les hommes de science privés de ballons d'oxygène s'engagent dans les profondeurs de l'absurde. J'ai appris qu'un électron pouvait passer par deux trous séparés et distincts en même temps.
Je lâche une charge. Elle remonte le temps et frappe le casque de Vercingétorix.
La trente-troisième bêtise reste à découvrir. Tous à la trouvaille. Je prépare mes révolutions en coupant mes têtes, - une de médecine, une de mécanique céleste etc. La prophétie impose à faire plus que réfléchir. J'éclaire de pensées fulgurantes les déserts divins.
Le ruban de ma vie est équivoque. Je refais une destinée qui n'est pas mienne. Choquant comme de porter les vêtements d'un gueux. Enfin ma puanteur dégage des odeurs délicates et agréables. Le lecteur aime.
Toutes mes insomnies finiront par endormir ma cervelle. Je m'épuise en de détestables résignations. 158
Ma vieille terre crache trois tonnes de feu. L'impuissant s'active.
Progressions perverses culminant au sommet de la lubrique histoire : vierges et vampires. Eloignons-nous. Je monte aux cieux limpides.
Exigences de la poésie : sacrements primaires jamais démoniaques.
Du feu ? De la pauvre lueur ? Les chandelles illuminées ? Le phosphore court dans les cimetières, légendes bretonnes des feux follets.
Les vieux se calment, les morts parlent, les belles s'ouvrent d'envie ; l'ancêtre tremble, l'au-delà écoute, la pucelle cache son petit triangle. Vibrations érogènes dans des poils clairsemés.
Le maître du cyclone ; Eole, retiens la tempête dans la peau du cochon ! Les pores s'enflamment, mon coeur bat.
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Les Pygmées, les esclaves, les basketteurs trébuchent sur le tapis de la fougueuse Afrique ? Les rythmes nouveaux sont là-bas. Atteindrais-je l'Abyssinie ?
Idioties, répulsions. Recherchons les lèvres roses des femmes noires. Explorons. Je jouerai les missionnaires. Les sueurs, les chaleurs, les moustiques. Tout m'appelle à mes origines.
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L'onde libre
L'onde libre file à regret vers l'impossible inconnu, vers les méandres du rejet.
Cours et affole-toi, vieille source, jaillissant tes règles blanches depuis mille ans.
Ha ! Jeune fille insouciante, tu te donnes dans les bras d'un impuissant ! Triste union engouffrée sous le vaste Océan !
Refuse ton parcours ! Cesse de gazouiller et de rire, caressée par les rochers poilus et vicieux !
Mais l'onde chatouillée s'esclaffe aux tout premiers baisers...
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La visqueuse anémone
La visqueuse anémone et la moule pressée ; ondule mon algue marine dans le bleu pur des cieux.
Mes doigts sentent la crevette : cinq phalanges à lécher, cinq filles dans l'eau de mon lit !
Les corps se mouvant : appels à l'agonie ou fuite du temps ?
Tempête dans tes cheveux, Marie, toi mon calme et mon repos après les formes de déluge ou les vagues d'amour déclenchées.
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Cette blancheur
Cette blancheur a pointé au ciel : un frêle oiseau bercé sans vent. C'est un grand lys gonflé de fiel pour un combat des plus charmants.
La tête inclinée, doucement il gigote. Il se balance à droite, à gauche, il prend son temps comme une horloge aux bras d'aiguilles ballants qui éternelle tricote et tricote.
Le pécheur, canne à pêche dans les poings, les poches lourdes d'asticots travailleurs, regarde passer les nénuphars rêveurs, et jette le fil dans l'eau claire, plus loin.
L'écume sur le gazon lèche les plantes vertes, herbes folles, petits soldats du roseau qui combattent avec la même langueur, et arrachent quelquefois une complainte à l'eau.
À danser ainsi 163
À danser ainsi, tu déchiquettes tes muscles Tes omoplates cognent les plaques d'os Et se désarticulent rachitiquement.
À baiser ainsi, tu perds ton sperme Dans des fesses remplies de pus et d'excréments Et tu jouis passablement Dans des puanteurs malsaines.
À penser ainsi tu fatigues ton âme Nébuleuse, intellectuellement limitée Tu réfléchis dans un miroir qui ne renvoie Que l'image déformée de ta mémoire médiocre.
À saigner ainsi les déchirures de peau roulent Des flots, des cascades de sanglots Et de larmes blanches comme l'enfance, Et tu contredis la jeunesse heureuse ! À déchaîner l'au-delà, les âmes immortelles Voltigent autour de son génie grandi Au phosphore de poèmes remplis d'illuminations.
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À savoir ton Dieu, tu avances Dans une vie de martyre, De basses concessions et de souffrances Eloigne-toi de la pensée mystique Et du dialogue intérieur.
À t'ensorceler ainsi les magiciens, Les alchimistes préparent le diamant pur Extrait du néant, de l'abîme et de l'inconnu.
À écrire ainsi, un monde ouvre ses portes, Découvertes de l'enfer profond !
À chatouiller ainsi le sein éructé de la pucelle, Elle offre béante ses cuisses fines Et se métamorphose en femme.
Derrière le miroir de l'invisible, L'ange à l'aile mitraille ta face Constellée de feux et d'étoiles,
T'arrache à la vie 165
Et te condamne à l'éternité.
Le temps est la quatrième dimension, Engouffre-toi dans le tunnel étroit. À la vitesse approchée de la lumière Tu rencontreras la Force Divine Après approximativement douze secondes, Temps terrestre.
À sortir ainsi hors de ton corps, Tu atteins Dieu qui t'imprègne d'amour T'oblige à dérouler les images de ta vie, Et t'impose à retourner à la réalité.
Au tutoiement chuchoté 166
Au tutoiement chuchoté De la bouche qui diffuse Syllabes indistinctes Et bourdonnements confus
Ma cervelle insensible Perdue dans ses brouillards sauvages Vole vers les paradis impossibles Barrés de grands carnages.
J'irai me reposer après les combats inutiles De souffrances vaines et de Morts obscurcis Oui, près de toi ma douce et ma charmante.
Dans ton jupon rayonnant comme un soleil Pour y oublier la nuit âcre et rance Illuminée parfois de rayons immortels.
Mais ton tombeau 167
Mais ton tombeau de chair Renfermera mon corps étrange Qui d'allées et de venues sait te plaire Roulé ainsi dans la masse de fange.
J'inventerai un plaisir nouveau Pour oublier le mal qui rôde. Dans le suicide rien ne vaut La jouissance de l'impuissant exode.
Enfermé dans les senteurs fades du péché Coulant tes sécrétions discrètes Je frotterai la peau tendue et rêche Dans le trou noir jamais obstrué.
Un matin 168
Un matin tout pomponné de rose J'offre mon haleine douce à l'aurore Qui habillée de brouillard pose Cachant de vapeurs rouges l'astre d'or.
Je peindrai les fulgurants rayons Illuminant la nature somnolente Avec la transparence des gouttes de rosée Sur mon chevet toujours enivrantes.
Il pleut 169
Il pleut dans ma chambre des quais de brumes Des locomotives s'y croisent à toute vitesse Des passagers sont assis sur le bord de mon lit.
Il y a un campement d'ombres dans ma chambre Un restaurant secret Chacun mange à mon râtelier Et avale le sublime et le stupide Ne sachant pas apprécier la différence Les mets les plus savoureux sont mélangés Aux pitances les plus infectes.
Il y a un parloir dans ma chambre Le brouhaha interdit Aux gens de s'entendre - question de confusion.
Il y a des singes, des clowns, des puces, des spectateurs, Moi je suis le montreur Je présente tous les numéros.
Je cours me changer dans les coulisses 170
De la salle de bain J'emploie tous les truquages, tous les maquillages Je suis l'homme-orchestre.
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Une grande capacité
Une grande capacité à écrire. Un surplus de force comme pour compenser la destruction systématique de la Mort. Je travaille dans des conditions horribles. Je crée. Je devrais écrire : j'arrive tout de même à créer. Quelles difficultés pour arriver à sortir le poème caché dans mes entrailles. J'ai l'impression de le voler. Pourtant je sais qu'il m'appartient. Il est mon enfant, mon fœtus.
Je le cache sur mon sein, comme une femme effrayée par la répression du tyran ou de son maître. Je suis cette mère qui, dans des efforts désespérés, arrache à l'empire du Prince démoniaque sa progéniture. Il vivra ! Je veux que mon "moi-même" vive ! La Mort, cette Mort invisible qui partage mes nuits, et qui s'est installée dans ma chambre m'interdit de le nourrir de la lumière du jour. Il sera le fruit de la souffrance.
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Mille chômages, mille pages !
Mille chômages, mille pages ! Je vous laisserai ma jeunesse. Mais que de patience pour ces fruits rabougris !
Me voilà soucieux. C'est vrai que deux hommes se contemplent et se contredisent en mon âme. Le réel et l'impossible se côtoient ! Le miroir aux reflets déformés ! Le poète et le lecteur ! Aucun génie. Je me satisfais de mes débilités d'hier. Pourtant je m'étais juré d'aller de l'avant, et de foncer vers de nouvelles plages !
Je n'entends que le bruit sonore des rives alourdies par le soleil fatiguant de l'été. Femmes, rapaces ou vierges je me jette sur vos corps. Je me délecte de vos sources de rêves.
Mais je saute ! Mes idées se bousculent et tout cela n'a aucun sens ! Je vis dans l'intolérable naïveté. Je sais que je ne serai jamais compris. Telle est ma destinée. Certains hommes forment des phrases qui s'accordent, d'autres (ou moi-même car je suis peut-être unique ! ..)
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racontent des histoires à faire crever de rire le dernier des critiques de Province.
Qu'elle sorte ! Qu'elle se place dans l'ordre hiérarchique cette maudite phrase que je suis incapable de contenir ! Qu'elle m'obéisse la démente perverse, accumulation de sons, de syllabes et de sens indistincts !
Ha ! Je suis l'esclave de mon infortune ! Je me damne pour elle, et en échange je ne reçois que l'exil ! C'est la raillerie, la moquerie ! Mais quand me prendra-t-on au sérieux ? Quand cessera-t-on de dénigrer le poète !
Je sais. Je suis ridicule en voulant encastrer tous ces mots les uns derrière les autres. J'amuse les hommes en faisant sortir de ma petite tête des accidents qui n'existent pas. L'on me raille, l'on se rit en écoutant mes bêtises. J'insisterai car je crois en moi, je crois en l'avenir de ma prose.
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Toutes ces parties à contrôler
Toutes ces parties à contrôler ! Je n'ai plus la force de les relire ! Des textes entiers me restent à badigeonner d'encre noire. Des nuits rouges de souffrances pour faire naître ces dernières inutilités !
Ô Muse, quand me laisseras-tu en paix ? Serai-je soumis à t'appartenir ? Je veux que tu t'éloignes de mon corps, que tu laisses les replis de mon âme au repos.
La garce éternelle me malaxe le sexe, et en fait jaillir tous les jus mûris pour le livre ! Elle se frotte contre mes fesses exposant son pubis gras de femme sale ! Elle chevauche mes côtes et mes hanches, et à califourchon sur mon dos me crie : "Hue ! Avance, poète ! Bête de trait, que ton pis bande encore ! Hue ! Mais avance donc !"
Et moi, nu sans plus rien à cacher, ayant tout dit, monté par la Muse au fouet dont les lanières sont comme des rasoirs, je poursuis mon livre, j'accumule mes textes. Quand mon corps ne sera plus que lambeaux et sang, mon recueil sera achevé. 175
La morale
La morale est atteinte à son plus fort. Je ne vis plus. Je ressemble à ces tas d'os humains qui déambulent dans la ville, et qui semblent se résigner à regagner le cimetière le plus proche.
Je me fis paysage sans coeur, dunes sans soleil. Je privais mon corps des jouissances de la Nature. Mais quels plaisirs, je reçus avec mon âme ! Impossible à décrire :
Les saisons flottaient sur les lames des couteaux et sur le printemps. Les bouchers saignaient tout leur coeur dans des rouleaux d'amour propre.
Peu à peu je me suis fait singe. Je grimaçais et je grimace encore en critique très averti : toutes ces expressions n'ont aucun sens... Je me souviens l'impossible à décrire.
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J'offre une mauvaise mine
J'offre une mauvaise mine. La Mort me crie : pas si vite ! C'est vrai que tout cet ensemble forme un imbroglio de rapports inexistants ! J'ai oublié l'analogie. L'idiote vivait dans ma tête, et d'un coup s'est éclipsée, volatilisée, fui, partie. Elle reviendra car elle a besoin de mon âme, comme la femme du corps de son amant.
J'avance à pas mesquins. Ou je bave, et je glisse comme un escargot !
Tiens dans mon dernier texte, je me suis fait homosexuel (escargot - hermaphrodite d'où l'idée de dérivation sexuelle...). Quelles odeurs puantes à proposer à l'éditeur ! La Mort intervient : on ne t'engagera pas.
C'est vrai que tout cela est drôle. Je donne ce qui sort de ma cervelle sans m'inquiéter du passage précédent. J'écris pour ne rien dire. Je note pour le plaisir, ou pour l'amusement.
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Ha ! Oui ! Cette prisonnière d'ombre est des plus étonnantes. Il me faudra coller les deux morceaux l'un à côté de l'autre.
Ai-je quelque chose d'autre à annoncer ? Non plus rien ne s'échappe de ma petite tête. Tant mieux ; j'arrive à la fin de la deuxième page. Fin. Je me tais.
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Ma tête se cogne
Ma tête se cogne à tous les murs invisibles. Mon visage tuméfié est gonflé de marques bleues, rouges ou jaunissantes. À l'extérieur, je porte un masque. Personne ne peut observer mes plaies. Aucune cicatrice. Je m'engloutis dans la foule qui me réduit, microbe parmi des insectes, parmi des fourmis actives, à l'état d'inconnu.
Le poète et ses mystères. Qu'il est heureux de vivre caché, blotti à l'intérieur de soi ! Un monde inventé vit grouillant de réalités futures.
Ma pauvre âme, quand cesseras-tu de te prendre pour un être d'essence supérieure ? Quand accepteras-tu de retourner à l'existence des autres hommes ? Tu as quatre membres comme les autres, un sexe comme les autres. Tu évacues des déchets pareils aux mortels.
Je rêve des horizons meilleurs. Nourris-toi de rigueur et de logique cartésienne ! Tu m'agaces avec tes génuflexions, avec tes supplications ! Cesse d'implorer ta
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Muse ! Evite de la comparer à la madone, à une pure sainte. Elle n'existera jamais.
C'est ton toi-même qui écrit, et s'inspire des auteurs, des livres et de la réalité de la vie. Tu n'es qu'un vulgaire copiste, qu'un modeste trouvailleur !
Prends la femme dans tes bras, aime la fille de la rue. Pourquoi t'échapper dans des dégagements de fumigènes, dans les vapeurs grisantes de l'alcool ? La réalité est terrestre.
Enferme tous tes fantômes dans leurs tombeaux de pierre. Fais disparaître ton ange malin qui soi-disant, te poursuit où que tu ailles ! J'en ai assez de tes pleurnicheries de poète. Pose tes pieds sur le sol, sur le pavé de la ville et renais. Je ne veux plus de tes états d'artiste mal payé, de tes niaiseries de coeur, de tes pucelles aux seins fanés. Tes jérémiades n'ont plus cours au vingtième siècle. Le Romantisme est enterré.
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Je veux couler
Je veux couler, tout couler comme une source vagabonde. Il ne faut pas que l'inspiration s'égare dans les méandres de ma folie. Quelle sorte à jets continus et réguliers !
Écoute-moi
Écoute-moi, car ceci est une prière plus profonde que tous les appels jamais proférés par les hommes. Je t'ordonne d'entendre ma parole. Soumets-toi à mes directives. Je te demande de te mettre sur les genoux et de lire ces quelques lignes à haute voix.
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Je me disperse
Je me disperse dans des considérations futiles, et je crois abattre le travail d'un bûcheron ! Que toutes ces grandes eaux qui sortent de mes yeux, se changent en sucs nourriciers ! Assez de ces larmes de poète, je veux du travail et du bon !
Qu'il me semble stupide d'écrire ces pages dont les signes ne s'accrochent pas sur le rectangle blanc de la feuille de papier ! Qu'est-ce que j'en ai à faire de tous ces bouts de phrases qui se touchent, s'accumulent pour fermer des chapitres et de tous ces tas de chapitres qui produisent un livre !
Je veux, je cherche, je supplie la Force. J'implore la Muse, mon destin et mon Dieu ! Que ma parole traverse à la vitesse de l'éclair le tunnel étroit et frappe le tympan du Dieu lumineux assis dans son fauteuil d'insouciance ! Que mes mots soient plus convaincants que les prières de tous les saints et de tous les anges réunis !
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La nuit est dans mon âme
La nuit est dans mon âme. La poésie accourt. Ho ! Je lance trois mots et la lumière m'inspire. C'est bien de l'inconnu que sortent mes textes ! Jamais je ne serai apte à prévoir.
Quelles intuitions ? Surtout ne pas douter.
J'admire tout le génie du Hasard.
Pauvre toi-même qui n'est que l'intermédiaire entre le Néant et l'Absolu. Tu captes l'Intemporel avec tes antennes de poète ! Comme les ondes frappent les cases étroites de ma cervelle ! J'eusse pu mourir d'une superbe décharge, d'une extraordinaire secousse ! Qu'elles glissent sur mes tempes !
Sont-ce des milliers de poèmes, ou un seul est-il prévu ? Je nais du Hasard, ou Dieu m'a imaginé ? J'invente ou je refais l'histoire.
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Souffle, râle, crie
"Souffle, râle, crie, puis possédée endors-toi dans tes extases obscures !" Mais elle m'obéit la garce ! Elle ne sort plus rien de ses entrailles.
Serai-je soumis à achever seul ce recueil ? Suis-je poussif ? Je sais : je ne fais que me répéter. Et mort et fin de toutes mes angoisses, le livre est assez volumineux. Qu'en ai-je à faire de noter ces dernières lignes insignifiantes !
"Muse, muse crétine, ma femme et ma maîtresse, si tu me hais hurle-le à mes oreilles, mais ne me laisse pas peiner stupidement."
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Ce n'est plus qu'une phrase
Ce n'est plus qu'une phrase toute simple et dépourvue d'intérêt, qu'un ensemble de termes fades et inutiles qui remplissent la feuille de papier, ce soir.
L'inspiration a fui cette pièce, et la Muse qui est une femme capricieuse m'a tourné le dos et a refusé mon chantage de poète : je lui avais fait jurer de m'aider, de m'exciter moralement jusqu'à la dernière page du recueil.
Je suis un vieux célibataire, je commente mon amertume, je ronchonne entre mes dents. Elle m'a quitté la garce. Je t'appelle ainsi parce que j'ai de la rancœur.
Si tu voulais que nous fassions ménage à deux ; si tu désirais revenir dans ce grand lit glacé, comme je te réchaufferais ma douce ! Ô mon bien d'amour, je suis triste et déjà je recherche dans la boisson l'oubli.
J'attends comme un désespéré que tu frappes à la porte de mon âme. Mais je me raconte des histoires. Ce sont là les dernières lignes que je pourrai noter. 185
J'ai rendu toutes les affres
J'ai rendu toutes les affres de l'Enfer. Dans mes catacombes étroites, j'ai souri à Dieu. Le pitre ne parvient pas à apitoyer le Meilleur. Je redouble de grâce. Mes bons égards ne sont que des gestes stupides. Je ne serais jamais un Saint. Les massacres de mes cœurs, - car je prétends battre mon sang dans plusieurs corps ! Je ne suis qu'une parcelle de moi-même réduite en cendres !
Je renais successivement à différentes époques. J'ai revêtu tous les habits. L'enfant s'est fait homme. À chaque rencontre sexuelle, un pucelage. Ainsi, j'ai perdu ma virginité vingt fois : Reine de Saba, dames moyenâgeuses, courtisanes sous le règne le Louis le Grand, filles du Vieux Paris, putains frigides baisant avec la Gestapo.
Ha ! Je suis d'une autre époque ! Ces derniers termes employés provoquent dans mon ventre des répulsions. 186
J'avance dans des visions
J'avance dans des visions indescriptibles. C'est bien l'Enfer que je vis ! Torrents de boues rouges, morts, cadavres putrides, sanguinolents. Feux crachés par les bouches des infernales putains ; diarrhées éternelles des homosexuels ; cuisses écartées, des centaines de salopes pissent leurs règles dans des gueules de monstres assoiffés.
Tous les vices, toutes les luxures s'offrent à mes regards horrifiés : des pères fendent les sexes de leurs enfants, et munis de crochets arrachent les entrailles de leurs progénitures. Ils enfoncent leurs têtes dans les ventres dégoulinants de pus et de matières fécales. Des fosses contenant toute la merde humaine se dégagent des odeurs insoutenables.
Plus loin, c'est un lac de vomissures où des millions de mouches sont agglutinés sur les rendus d'une population de scatophiles. Il y a une mer qui déverse sur ses plages des membres de femmes coupés, des bras et des jambes d'hommes séparés. La vague se retire, et sur le sable ces têtes supplient et appellent dans ma direction. Les 187
mains s'accrochent aux rochers, les jambes tentent dans un suprĂŞme effort d'avancer vers moi !
188
Je perds pied
Je perds pied à présent. Le sang s'active. La poitrine crache ses glaires verdâtres. Je souris naïvement à la fraîcheur de l'été. L'enfance travaille les âmes les plus déroutantes !
Je me vois tourbillonnant parmi les écumes, flottant au-dessus des masses claires et aérées puis reconduisent le paysage à sa station première. Ma demeure est cette plaine gavée de corbeaux qui battent leurs ailes noires en strates discontinues.
J'égaie mon réveil : Je gave ma panse de sucs cueillis dans les fluides cosmiques des aurores. Mon mal est de glacer - avec mon état sauvage d'insomniaque - mes rictus abominables sous mon visage câlin. Personne ne m'aime. Je m'affaiblis dans des considérations ternes et impuissantes. Que renaisse le sceau royal ! Je jouis et je lance ma morosité à la nature endormie !
189
Quel deuil rouge dans la viande des assassins ! ... Ce sont des anges ! Quelle fulgurante luminosité boréale ! Ce sont les décharges d'un dieu coléreux !
Je tue la bête. Elle flambe dans mes poumons comme les vents des aurores ! Je te dompterai, animal ! Tu travailleras tes règles ! Je t'apprendrai toutes les acrobaties !
Dernières courses haletantes. Les sexes des pucelles émoussés de sécrétions brûlent le vit monté vers les étoiles. La rage est bien dans ces cavernes étroites ! Sueurs, sudations. J'éclabousse ! Aime et aime.. Et qui ? Je m'enfonce dans la réalité perverse. Sodomies, seins, chairs. J'embrasse toutes les haleines que je récolte dans les décharges, et mon public acclame mes niaiseries !
Jaillit l'ours fort et résistant comme une violette dansant sur un tambour, fouetté par le montreur.
190
La terre soulève
La terre soulève dans un mugissement herculéen les rochers enveloppés de boue. Par-derrière les collines un vol de corbeaux noirs sillonnent la prairie bondissante. La nature
inerte,
s'active
et
produit
de
singulières
transformations.
Le soleil ocre se baigne de verdure, et dans sa marche parabolique regagne l'Est.
Le vent se couche sur le sol, et disparaît dans des tourbillons d'insectes, dans des millions de grains de poussières visibles !
Les masses d'eau sur les étangs sont décollées des surfaces planes, et forment à la vitesse géniale et divine des sortes de nuages épais soulevés par un souffle en délire.
Les couleurs de l'arc bariolent le ciel ; les rayons multicolores frappent avec des cris stridents comme des flèches lancées dans tous les sens, sur tous les horizons.
191
La mer étagée en cascades gigantesques regagne le large, et laisse en une fraction de seconde, des kilomètres de plages au sable fin se dévêtir de leur couverture sacrée.
Le poète lève les bras, et ordonne le rétablissement de la course des astres ! Alors le temps s'immobilise. Rêve de l'impuissance ! Magistrale impossibilité de l'homme qui refait le monde ! Je vis avec d'autres folies, en d'autres escales pour d'autres fugitives beautés de l'imaginaire !
Les déluges s'écroulent. Les fontes des neiges glacent leurs torrents en fuite. Les oiseaux perdus flottent à présent sur les rivages calmés. La terre engouffre ses rocs, gerbes de débris, tonnes de masses lancées. Aucune chute, tout redevient traître donc paisible comme avant.
Le monde marche avec sa lenteur, avec sa patience languissante. L'eau fatiguée lave ses rochers avec nonchalance. Tout à la monotonie, à l'habitude. Je détruirai le jeu avachissant de la nature sereine.
192
Un oint
Un oint s'était emparé de la pure beauté. Il convoitait sa silhouette comme une ombre à histoire. Le rêve s'éclipse. La réalité apparaît. Que de plantureux soleils entre tes cuisses très douces ! Les lumineux rayons de l'amour resplendissent à la porte de la jouissance. Mais je me baigne pour ton corps dans les moiteurs de ton vagin !
Le jeune homme de ses dix-huit ans armés se transforme en prince vainqueur. Je t'épouse et te prends comme la folie accompagne les plus nobles !
Nos masses fumantes d'amour sont mortes évanouies sur le lit fatigué.
Le passé fraîchit. Hier s'éteint.
Que ne suis-je aujourd'hui qu'une forme d'ombre, qu'un spectre habité d'hallucinations ou de fantasmes !
193
Des larmes de sang
Des larmes de sang bues dans les chaleurs de l'amour. Des étés foudroyés par des orages sans lune. Puis mon coeur suant, transparent comme un glacier à l'ombre des rencontres et des folies de la jeunesse. (Tout ça n'existe pas. Je mens. Pauvres créations.)
Des blés d'or attachés aux clochers des villages de France. Et des courants filent ! Ô ma mère, et les filles sont grasses et bien joufflues. Des greniers regorgeant d'émotions sous les épis éclatés au soleil. Amours Premières liaisons. (Toutes les bribes de Collages grouillent dans mon crâne.)
Les sens de la postérité nous dirigent sur les couches des poésies. Les nuages des anges nous charment avec de virginales cordes projetées dans les airs. Médium de l'au-delà, j'intercepte les sons cristallins. Ma mémoire est un récepteur d'ondes. Ne fais-je que réécrire ?
194
Rencontré l'ermitage
Rencontré l'ermitage au centre d'un hameau glacé de blancheurs de neige. Amitiés déraisonnables avec la nature.
La reine des étoiles touche mon coeur rapetissant à chaque nouveau son de cloche.
Les superbes, les féeriques tournent dans des hales de fraîcheurs baignées de flammes multicolores en rotation aussi.
Toutes
les
femmes
dans
des
mouvements
d'orgasmes s'accouplent en érectant des clitoris, boutons d'or pointés et se mourant par-derrière jusqu'à la fin du coït de l'homme.
Les soleils réchauffent l'étang, gazouillant de poissons femelles sans chaleur aucunement.
Je me donne à ton corps, à tes yeux, à tes seins, et je meurs entouré de fantasmes diaboliques. 195
J'échappe à l'invisible une fraction d'imperceptible temps niée par moi-même et par le destin surtout.
L'ombre se trémousse, claque ses os, danse dans des déhanchements de maigrichon !
Ha ! Que son âme est petite ! Il vit, il croit vivre. Dieu l'a immortalisé !
La masse de brume circule dans le tain des glaces, s'expose face à moi et reflète des pensées blanchâtres, des ignorances à comprendre, des imbécillités aiguës !
L'invisible épouse les vapeurs des fumées de la chambre. Chacun existe mais se cache.
L'air frais baigne la croisée, le bureau et les dessous des cuisses.
J'ai bercé des inconnus de proses suaves, de sucs et de nectars géniaux jusqu'aux ruissellements des matinées de mon enfance. 196
Ma modestie a ensanglanté de rougeurs au front mes paroles claires, mes souvenirs de jeunesse.
Mon salut est dans la solitude. Je cueillerai les fruits de ma délivrance quand la nature m'aura fait homme.
Tous les miroirs reflètent nos pensées endormies. À moi, dans une suprême réflexion de grandir les images flottantes de nos âmes.
Je fonds en larmes jusqu'aux aurores écarlates, puis honteux je regagne mes lits d'ignorance, mes masturbations, mes rêves. Et tout s'écroule avec la Mort.
En escalier, en accordéon, en wagon : je danse, je m'élève ou je roule. De toute façon, je regagnerai mes principes. Mes crises. Ha ! Je vous loue mes filles rouges entre vos cuisses, mes infernales salopes, mes putes malodorantes.
Son déluge aurait pu m'anéantir. Astrologue, je divague dans mes Ours fantastiques. 197
Je calculerai le sort, la raison du destin. Je m'honorerai du droit de chevalier. Non, je serai druide, gĂŠnie, alchimiste ou mĂŠdium. Enfin, un ĂŞtre impossible.
198
Il y a un monde inversé
Il y a un monde inversé où la Femme domine l'Homme. J'étais l'esclave d'une divinité exquise. Pourquoi exquise ? Car ses petits pieds charmants étaient peints en rouge, et c'était un délice de voir gigoter les pointes délicatement sanguines, et admirablement coloriées.
Une nuit elle me força mains attachées dans le dos, nu et agenouillé sur le marbre de son palais à me pencher avec lenteur. Elle m'obligea à lécher ses orteils. Je dus tendre ma langue hors de ma bouche et passer celle-ci entre les extrémités de ses pieds. Je fus tout d'abord horrifié par une telle soumission. Mais j'étais son esclave et risquais une peine exceptionnelle si je n'obéissais pas à son ordre. Je m'inclinais, je me courbais doucement et commençais à sucer le pouce puis les autres doigts un à un. Pour m'humilier davantage, la reine avait refusé à ses dames de Cour de lui faire prendre un bain. Toutes les sécrétions de la journée, toutes les odeurs fortes émanaient de son corps. C'était avec dégoût que je m'activais à cette tâche.
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Tandis que j'avais les mains liées dans le dos, que j'étais donc assis dans une position inconfortable, la reine souleva sa jambe, et poussa avec violence le haut de mon buste. Je me déséquilibrai et tombai sur le côté. Je reçus la chute sur l'épaule gauche. Elle se mit à rire à profusion, et appela ses demoiselles qui piaffèrent et ricanèrent à me voir dans une si médiocre posture. Je rougis de honte. Ma gêne fut tendue à son extrême quand cet ensemble de femmes s'aperçut que je tenais une puissante érection. Elles se placèrent autour de moi, dansèrent, et l'une d'elles moins farouche passa sa paume d'un geste rapide et discret sur mon sexe et sur mes testicules. J'étais fortement membré, et mon pénis fougueux acharné se dressait vers le nombril.
La reine frappa dans ses mains trois fois. Les demoiselles d'honneur se turent. Le silence revint dans la salle, et semblait encore plus gênant que les simagrées de tout à l'heure. Les jeunes filles disparurent. Arrivèrent deux noirs énormes, d'une ossature gigantesque qui formaient la dernière garde du royaume. L'un me prenant aux jambes et l'autre aux bras, ils me portèrent et m'installèrent sur une couche splendide, bordée de lingeries rares et habillée de pierreries étincelantes. Après avoir accompli l'ordre, ils 200
s'éclipsèrent. Je restais seul avec la reine. Sans se soucier de ma présence, elle fit glisser ses habits le long de son corps et se trouva nue face à moi.
Mon érection était tombée. J'étais béat et admiratif devant sa beauté. Ses longues jambes minces et fines se poursuivaient jusqu'à ses hanches superbes. Son sexe épilé par endroits, sa toison merveilleusement noire, d'un noir profond tirant sur le bleu à la lueur des chandeliers s'offrait à mon regard. Je crus divaguer. Je n'existais plus. Il me semblait que mon âme était dominée par le rêve. Pourtant mes liens étaient si fortement serrés que les poignets presque sanglants me rappelaient à la réalité.
Elle s'avança avec lenteur vers moi, posa un genou sur le lit, puis l'autre. Elle souriait comme la femme proche d'être conquise.
Elle prononça ces mots : "Je te rendrai ce raffinement que je t'ai imposé." Et avec délicatesse elle suça l'extrémité de mes pieds. Agir lui était plus facile : ses mouvements libres favorisaient son action.
201
Sa langue était experte et presque sublime tant elle roulait sa pointe aiguisée avec patience entre les espaces de mes ongles. Après avoir passé dix bonnes minutes à cette tâche subtile, observant une seconde fois une terrible érection, elle vint s'asseoir sur mon sexe, et engloutit d'un coup mon vit tendu à en mourir. Jamais en corps de femme je n'avais ressenti si merveilleux délices. Elle balançait son corps de droite à gauche, et sa poitrine gonflée et lourde suivait le mouvement de sa croupe. Quand elle remarquait les crispations du visage, les rictus des lèvres, elle cessa le jeu pour le reprendre quelques instants plus tard. Elle s'approcha de ma bouche et dit en me regardant avec la complicité de deux amants.
"Tes mains sont liées mais personne ne t'interdit d'enfoncer deux doigts dans l'anus. Le plaisir en sera plus savoureux".
Toute la sueur qui ruisselait le long de mes fesses me servit de sécrétions. Je puis ainsi obéir à ses ordres sans souffrir d'une vive douleur.
202
Son haleine était chargée de parfums étranges de musc rare, et j'aurais désiré que sa bouche se collât contre la mienne.
Je pinçais mes lèvres et n'y tenant plus je suppliais : "Reine, reine, cesse de me faire souffrir et donne-moi la délivrance. Laisse-moi mourir en toi !" Au même instant le sperme en rasades épaisses coula dans son vagin. Je poussais tous les membres de mon corps afin de la pénétrer davantage. Après que j'eusse joui huit fois, ma tête roula sur l'oreiller, sur le coussin d'or. Je crus m'évanouir quand j'entendis sa voix terrible, son organe puissant de maîtresse m'ordonner : "Retourne d'où tu viens, et que je ne te revois plus jamais."
L'ordre était si intense, en telle contradiction avec ses propos de femme de l'instant passé que je n'obéis point pensant à un mensonge, à une erreur. Je passais du rêve à la cruelle réalité.
Elle frappa pour la seconde fois entre ses mains, et deux noirs formidables tombèrent sur mon corps et me transportèrent de force dans la cellule sordide où je croupis à présent. 203
Je veux tout te donner
Je veux tout te donner, belle enfant aux cheveux noirs, aux tresses épaisses et joliment travaillées.
Laisse-moi pleurer dans tes yeux ce soir. J'embrassais langoureusement la malice de ton regard pétillant !
Que m'importe si tu ne me comprends pas. Je suis visité par l'ange à l'aile sombre, mais je puis oublier mes torpeurs en m'enivrant de ton sourire, petite espiègle. J'échapperai à mon mal ! Le mien celui que tu ne connais pas, que tu ne partageras jamais avec moi. Je veux dire le mal du poète.
Mais à quoi peuvent servir tous ces mots, tous ces bouts de phrases ? Tu ne les comprends pas ! Donne-moi l'amour de ton enfance, petite femme. Adorable corps poli et ferme, enlace-moi de tes bras.
204
L'ombre détruit
L'ombre détruit. Je hurle. Les douleurs sont insupportables. Je suis possédé. Est-ce mon paradis que je prépare ? La mort venimeuse circule dans cette pièce et crache ses jets de pus dans mon âme. Je sens l'inhumaine tragédie se dérouler à l'intérieur de cette cervelle.
Je crache mon sang par les orbites. Mon ventre gonfle, le sexe s'érecte. Mon corps se tend pour échapper à la possession. Je suis maudit.
Je voulais découvrir le monde. L'Invisible vient à moi. Aucune peur. Aucun danger. Ils ne se montrent pas. Ils agissent cruels et démoniaques. Leur action est inlassable et n'est pas prête à s'arrêter.
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Couchée, évasive et nue
Couchée, évasive et nue, je la voyais sourire d'aise. "Ne veux-tu pas mon coeur perdu venir mourir une autre fois dans mes bras si grands qu'ils y renfermeraient l'univers ? Tu t'éloignes de mon étreinte. As-tu donc peur de ces anges méchants qui rôdent autour de mon âme, et que passionnée toi aussi tu peux entendre ?
Laisse-les mourir de souffrance, d'envie et de plaisir aussi ! La pauvre mort n'est plus rien. Qu'elle croupisse ou voltige autour de nos corps, nous n'en avons que faire !
Vivons pour nous deux seulement, pour la lueur sacrée de tes prunelles éclatantes ! Je trouverai dans ces yeux-là l'oubli et l'ivresse de l'amour fatigué. Je boirai à la source de tes larmes, et peut-être dégusterai-je l'élixir aphrodisiaque qui réveillera mon ardeur de poète enfant ?"
Mais la terriblement belle soupire, baille et s'étire pour s'endormir vers des pays autres.
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J'inventerai l'essence des îles
J'inventerai l'essence des îles, et je parfumerai ma feuille d'arômes douceâtres comme un mélange de deux fleurs à unir.
Je m'allonge sur un sable clair enchaîné au rivage, interdit d'agir de bouger ou de me déplacer ! Je suis une larve languissante, chauffée par les rayons brûlants d'un soleil.
Mon corps. Quel corps ? Je repose dans une prison à laquelle j'impose certains mouvements. Est-ce une demeure d'esclave ? Je jouis parfois savoureusement des excitations nerveuses qui m'entourent... Un Moi et un Nonmoi !
Se dégagent de ce corps des parfums, des odeurs que plusieurs rejetteront. Je les hais aussi. Le plus souvent je me délecte de ces sécrétions, industrie d'un long travail temporel ! Mes lubrifications chimiques m'enivrent de chaleurs mystérieuses.
207
Le vampire
Ses dents arrachent mon tissu de chair, et s'engouffrent étincelantes sous ma peau délicate. Le vampire enfonce ses ongles aiguisés dans les rondeurs de mon corps, et je crie, je pleure d'extase, et de souffrance aussi. J'éprouve une vicieuse jouissance à la laisser me prendre. J'entends ses râles qui sortent de sa gorge gonflée. Je lui appartiens. Je ne suis que corps tendu. Mon sexe, mes testicules s'offrent à sa bouche qui mord, qui viole mon appareil génital avec délivrance.
Crucifie-moi, je ne suis qu'une masse de chair. Non qu'une machine émotive proche à éclater sous la dernière excitation. Ne caresse plus ce corps, brûle-le, frappe-le. Je désire qu'il soit humilié, qu'il explose ! Je veux mourir lambeaux disloqués, amoindrissements de l'homme.
Les fesses largement reposées sur le drap, je dors fatigué par un combat démoniaque. Elle sourit à me voir reposer comme le rapace satisfait de sa conquête blottie
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dans son nid d'aigle. Je lui appartiens comme un puceau effrayé mais ravi de son premier assaut.
Elle a sucé mon sang, mordu à toutes les parties de mon corps, elle m'a enflammé jusqu'au désir, et maintenant me laisse m'endormir content. Elle tire nonchalante sur sa cigarette quelques bouffées qui s'éloignent évasives jusqu'au plafond où me tient en éveil une lampe tamisée.
Je repartirai au matin repu et satisfait de l'amour qu'elle m'aura prodigué.
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Par la fenêtre échappée
Par la fenêtre échappée, se résignent à mourir ou à disparaître - que sais-je ? - Les dernières saveurs des masses bleues.
Les fluides vaporeux s'éloignent nonchalamment puis s'activent à sortir comme aspirés par le dehors.
Tous les maux de l'âme d'ivresse fatiguée cherchent à fuir par le saint breuvage bu, ou par le rêve indolent des anges perçus.
Que faire ? Oui, écrire de lassitude. Quand sonnent les trois heures la souffrance arrive à grands pas comme possédée et horrible !
Je m'évanouis dans mes joies anciennes. Jadis, ne rêvassais-je pas lourd de mes somnolences de poète. (Petit damné, tu dis des bêtises !) Retournons vers l'avenir. Soit : vers moi-même. Poursuis ces pages de signes bizarres. Ereinte-toi à noircir de nouvelles pâleurs.
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Plaintes d'automne
Plaintes d'automne, mornes faiblesses, et la nuit douce me berce de ses sucs évaporés ! Silence ! Taisonsnous et laissons le paysage se faire et se défaire, se délasser dans les heures creuses de la nuit.
Tu pleures encore pantin désabusé, jeune homme prêchant ta vertu ! La flore d'Aphrodite dégage ses odeurs pour les arômes de tes narines blêmes.
Mais tu es seul ce soir, sans chair triste à caresser ! Prodigue-toi de fiers baisers, car ton coeur est sec pareil à une source stérile. Aime-toi, communie avec ton âme, et donne le poème au lecteur amusé !
Je veux languir dans la prose monotone, étirer la phrase élastique comme une femme prise, reposant de tous ses membres sur le sofa, désabusée.
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Qui peut me dire ?
Qui peut me dire ? ... Je m'interroge. Je sonde l'intérieur de mes entrailles. Je m'exalte comme la Pythie. Je me satisfais de posséder cette parole intime, ce brouhaha indistinct de sonorités. Je tends l'oreille. J'y décèle un monde autre. Un bruissement dans les arbres ? Dieu, par l'intermédiaire de la nature s'adresse à ma personne. Une bestiole stupide agit, et fait son bruit ? Je réponds à l'infime inutilité. Je me crois poète, je le suis donc. À contre coeur, à contre vie. Mais je me force à exister.
Et toutes ces lignes qui se poussent et vivent, ne sont-elles pas la preuve éclatante de mon éclat de prosateur de rêves ?
212
Une vulgaire destinée
Une vulgaire destinée de tous les jours, semblable et commune à celle des mortels. Je ressens l'incessant besoin de vomir par mes pores, par mes bouches anale et buccale, par l'urètre toutes mes substances qui me limitent à l'état d'homme. Si du moins j'étais ange, prince ou vagabond ! Je pince ce cœur qui cogne en moi, j'agrippe ce sexe qui se tend à craquer et qui supplie mes mains de le toucher. Quelles mains ? Sont-ce les miennes ? Elles tiennent cette plume détestable qui grâce à son pouvoir magique, conçoit des courbes et des pages et des... poèmes.
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J'ai connu, c'était hier
J'ai connu, c'était hier, des corps semblables au mien du moins par leur toucher car le sexe était différent au... etc.
J'embrasse des vulves. Je retourne au présent. Je caresse, je pénètre, je m'enfonce dans des terriers... Sont-ce des possibilités de délivrance ? Non. Le temps disparaît. Mes plaisirs s'oublient.
Ma force est d'abandonner mon désespoir et de m'en retourner à la simplicité de la femme.
Je m'engage dans les îles que je survolais naguère. Mon âme en folie discute sur n'importe quoi ! Est-ce un souffle d'ange qui caresse cette tête que je soupçonne être mienne ? Je crois enfin que la réalité est terrestre.
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Je m'aime
Je m'aime ou je crois m'aimer puisque je prends un plaisir insoupçonné à caresser ce corps. Est-ce bien le mien ? Cette masse rose de chair qui forme une prison ? Elle renferme une âme qui, elle seule semble m'appartenir... Je disais éprouver plus de jouissance à toucher ce corps qu'aucun autre. J'ai eu à de nombreuses fois la possibilité d'aimer la femme. Je me sentais pressé, malaxé ou pétri par une nature morte...
Quand je baise mon épaule, j'éprouve un réel désir. Ma nudité me séduit. Sans gêne, je me promène ou je me contemple des heures dans une glace. Il me semble faire l'amour à un autre... ou à moi-même. Tenir ce sexe serré ou gluant et chaud dans cette main, et j'ai l'impression qu'un autre me masturbe. Il n'y a pas d'arrière-pensée ; je n'ai aucun besoin homosexuel. Je soupçonne que tous les jeunes garçons et filles de mon âge ont ressenti maintes jouissances à posséder leur corps.
Mais qui suis-je tout gonflé de pleurs ? Il me paraît que cette poitrine, que ce ventre duveté appartiennent 215
à un autre. N'est-il pas exact que je suis le propriétaire de ce corps ?
L'enfant s'est couché nu sur les bords de l'eau qui reflète dans des images désordonnées et incertaines tout le poids de son amas de membres.
Je n'existe peut-être qu'à l'état d'ange... Ma mémoire est effrayée. Je ne sais véritablement plus qui a pris possession de ce moi-même ! Ha ! Il me semble que j'offre un diamant monté sur un cercle de cuivre. Mon âme est brillante. Elle n'est seulement visible qu'à mes yeux. J'échappe aux regards des mortels. Il se peut tout aussi bien qu'ils ne puissent m'apercevoir ! Pourtant ma raison, cette intelligence resplendit de mille facettes...
Je m'aime. Je touche la chair douce. Elle respire le frais, et ses goûts âcres même dans les recoins les plus intimes de ma personne me sont des délices d'odeurs. Je parle de mes excréments, de ces urines jaunes.
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Je me plais. Je forme un tout. Il est vrai que je n'ai pas, jamais voulu partager mon corps avec une autre,
Quelle autre ? Une de ces filles au sein câlin, mais à l'âme sèche ! Je ne veux plus me mêler à l'indifférence ou à l'insouciance ! Elle disparaîtrait aussitôt l'ébat amoureux achevé dans d'autres sources de plaisir. Si je partage, je possède etc.
217
Hypnoses
Hypnoses de tout mon être langoureusement amorti. Ces duvets, ces matelas où je baignais ma solitude invisible. Je tombe sur vous mes lits, lieux sacrés de mes hallucinations fabuleuses.
C'est la femme future qui a tué ma jeunesse. Vingt-deux ans ! Il faut fonder mariage, enfants, famille sur les draps du vice !
Des années, ma chère, pour te trouver !
Je danse dans les trous illuminés d'or et d'artificiels diamants. Là, tu es accompagnée de pédérastes tortillant leurs fesses maigrichonnes ! Toi-même, n'es-tu pas recouverte de paillettes, ne coupes-tu pas avec ta robe claire les rondeurs de tes cuisses ? Tes seins se balancent au rythme de tes soubresauts comiques.
J'accours ! Je vole vers mes destinées studieuses. Je bats des ailes.
218
Ha ! Le poids de mes tendres années s'écroule sur mon corps ! Aurai-je la force de te posséder ? Non, de te rejoindre ?
Ma
fantaisie
s'amuse.
Elle
provoque
des
ricanements grotesques ! Ma face s'émerveille. Mais que de représentations, que d'offres à la scène aux spectateurs avant de te serrer contre mon crâne !
Je lis blanc. Je pense vert. Je crie rouge. Sexe violet comme un ecclésiastique. Et si mes chimères flottaient sur le drapeau tricolore. Irréel : je suis ange, vierge, pur etc...
Le sang, les brûlures de mon corps - je ne vous ignore pas, bêtes chaudes, veines ronflantes ! Je crache ma méchanceté mais je ne suis que vapeurs. Je m'arrête dans les ténèbres chastes.
Bien qu'elle soit petite, sa rondeur gravite à côté de ma cervelle. Fumée de femme, tu planes dans mon rêve ardent ! Tous les fantasmes apparaissent. Je t'étire, tu es fluide et longue. Je te touche, et tes seins sont plus beaux ! 219
Ho ! Le fruit mûr que nous croquerons à deux ! Ho ! Les appétits sexuels jamais inassouvis ! Je mange la pomme en solitaire, et je pense à tes fesses rebondies et fraîches comme nos jeunes amours.
Je m'occupe à divaguer dans mes folies étranges. 30 mois, 29, 28 etc. Je m'engage. Je me passionne. Le compte à rebours, moi qui n'ai jamais su les chiffres !
Nous faudra-t-il longtemps encore dans les élans neufs et dans les passions recommencées, obtenir le point de vibration terrestre qui unit deux destins ? Cherche, jeune calculateur en herbe !
220
Elle est nue
Elle est nue, et ses cheveux jettent des reflets de fleurs vertes. Non, des émeraudes dans sa lourde crinière ! Ou des chevaux galopant vers le rêve. Sa longue tignasse bleue maintenant flotte. Ha ! Les blés d'or de Botticelli. Ha ! Les traînes de ses vierges ! C'est du soleil ! Du feu ! Des odeurs d'ange et d'amours. Je dois jouir et atteindre mon paradis de poète !
221
J'ai ânonné
J'ai ânonné, j'ai annulé mon serpent, mon sexe. Je suis enfoncé comme une couleuvre. J'ai mué, j'avais l'âge. L'âge de la puberté. J'ai balbutié, j'ai causé avec tes fesses difficiles à défoncer.
Cris de douleurs et chantages : "Je ne veux pas me laisser..." et tout s'est bien passé.
222
Il y a des cyclistes
Il y a des cyclistes qui vont aux selles. Histoire de se changer les idées, ils font un petit tour. Ils se mettent à braquer. Dans le cadre des amours, ils parcourent la France. C'est une Femme. Elle est si grosse qu'il faut toute une équipe pour la pelou-ter, peloton-ner. Ho ! Hisse, Hidiots, Hinault. D'autres sexes sinueux désirent pédaler.
Quatorze juillet. Le tour de France. Ton tour de hanches, ma vache à contourner. Tu parles d'une fête ! Applaudissez.
223
On m'a pris sur le chant
On m'a pris sur le chant. Ma Muse qui est une sorte de soprano légère a cassé mes fausses notes. Pianiste virtuose, je l'accompagne ; et elle gueule ! Je casse mes cordes vocales ; elle assoit son râtelier énorme sur sa poitrine qui fait péter son soutien-gorge !
Quel couple d'artistes ! Le monde de la musique nous a acclamé salle Pleyel - un triomphe - Oignons, tomates, navets : nous avons fait notre marché gratuitement !
C'est à en rougir de honte, c'est à en pleurer en chœur. À l'entracte, scène de ménage. Final. Séparation.
224
Je vous remets les clés
Je vous remets les clés. Je refuse mon voyage. Je n'en ai que faire de vos plaintes fumantes, lacs transparents et montagnes à pics.
Je jetterai toutes les clés de mes hallucinations. Je retourne à la réalité pure et sereine.
Mais laissez-le tranquille ! Il ne veut plus courir après les torrents invisibles, il ne veut plus être porté par les masses d'air liquide !
225
Des neiges écarlates
Des neiges écarlates, des fronts gris, des sueurs violettes. Et pourquoi pas des terrasses, des coqs et des arlequins. Imbécile ! Tu recopies le passé ! Tu peux être fier de ta réussite juvénile !
226
Ma naïveté
Ma naïveté me poussera dans les crèmes des fiords, dans les glaces sous les pôles de l'ignorance. Ma blancheur me possède ! Ma virginité me délivre des masturbations de poète juvénile ! Je crois vivre un rêve fortifié : femmes, sirènes, sorcières, putes crasseuses !
Je dors sur le lit des fortes soumissions, à quarante centimètres au-dessus de mon corps. Je m'explique : je m'évade. Vers les billets d'argent, les trains de fumées. Ma première tentative !
227
Spectacle
Spectacle.
Je
suis
d'une
importance
exceptionnelle. Que m'importe d'entendre des rumeurs et des brouhahas dans le fond de la salle.
Je sors de leur néant toutes les lois, théories, théorèmes, fuites du temps. Ainsi j'ai pu appliquer le principe de la quatrième dimension. Deux autres restent à découvrir. Le poète peut rendre d'étonnants services à l'homme de science. Demain le divorce millénaire de la science et de la poésie sera aboli, comme une vieille légende à jeter dans un grand feu brûlant.
Hommes de rigueur, connaissez-vous l'expérience de l'espace-temps ? Etes-vous capables de vous projeter hors du corps, et d'atteindre Dieu et son paradis ? Si votre cervelle s'était enrichie de cette fantastique expérience, après cet exemple où dirigeriez-vous vos recherches ?
Si vous aviez pu revivre dans le vieux Paris du Moyen Âge avec toute votre conscience, avec la conscience du présent que feriez-vous de la physique ? 228
Le monde insolite
Le monde insolite décharge ses cris d'extase. Par mon pouvoir magique, je me promets de rétablir le langage universel. J'unirai l'eau à la terre, l'homme à la femme. Je comblerai le vieillard : il s'enfoncera dans sa tombe tremblante.
J'abolirai la contradiction. Je referai avec mon âme, l'équilibre et la parfaite harmonie. Le monde est détraqué depuis la Tache Originelle. Mon orgueil m'oblige à devancer Dieu, à le continuer, à le poursuivre, etc.
229
Je raconterai
Je raconterai mes exploits fabuleux, mes réussites géniales. Je me vis en titan fou d'amour, et en tyran démoniaque prêt à prendre la fleur de cent pucelles offertes, nues, cuisses béantes et cœurs tremblants face à moi.
Mon sexe se transforme en épée luisante. Je tue trois cent cinquante hommes. Ils étaient dans mon rêve les futurs amants de mes pucelles à pénétrer.
Je détruis mon Dieu inhumain. Mais taisons-nous, il pourrait se venger. C'est vrai qu'il a toujours été le plus fort, le plus grand. À raconter des sottises, il serait capable de prendre des mesures. La souffrance est gratuite. Je garderai le silence.
230
Je me décris
Je me décris en gargouille affreuse frisant le rictus, en fantôme couvert de poudre de riz, en artiste débutant au bal des pompiers, en éphémère expulsant ses deux œufs avant sa mort, en académicien, fantastique clown habillé par un tailleur très chic, en poète stupide posant avec une tête désolée, la main sur sa poitrine d'éphèbe.
Je plaque mon corps contre le drap, et je suis un masturbateur très décontracté, le sexe entre mes cinq doigts, le gland bordé de blancheurs d'urine puante. Je suis très snob. Glisse entre mes lèvres, le mot anglais "Cheese !" Je me présente : mannequin homosexuel.
231
Je jette ma main
Je jette ma main au feu. J'éteins les lumières enchanteresses,
les
flammes
sexuelles,
les
lueurs
phosphorescentes de mon âme. Je suis mort.
J'ai fui des maisons gavées d'anges, des lieux où les poètes immortels se réunissaient. J'ai ainsi échappé au conformisme, et à mon état d'artiste magicien.
Jamais femmes ne m'ont hypnotisé. J'avançais seul, les yeux tournés vers mon soleil intérieur.
232
Je tends la main
Je tends la main en flammes à mon glacial interlocuteur. Les statues murmurent des bribes, des syllabes et reprennent leur forme initiale.
Ha ! Comme ce monde est étrange !
Les objets propagent leur aura et jouissent à être tenus par une main humaine ! Ils possèdent une mémoire. Le médium connaît leur passé de masse inerte.
La mer se donne deux fois par jour aux rochers et lèche le sable du rivage lentement, avec jouissance pour retenir le plaisir des grains de micas cassés.
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Tu donnes des sources de larmes
Tu donnes des sources de larmes, et tu cherches refuge dans le corps d'une femme ? Glacé jusqu'aux genoux tu pries ton Dieu de te délivrer. Il t'impose la dernière des grâces.
Les mots chargés de message ne sont eux-mêmes que de vains secours. J'implore de toute mon âme les anges bienveillants avec ces paroles.
Je travaille à me rendre meilleur. Qui peut dans ce monde agir avec soulagement ? Je crie mes souffrances puisées comme une masse sauvage dans mes prochaines douleurs.
Sur l'autel de l'inconnu, j'offre ma coupe de sang les bras tendus et le regard clair. Non ! Permets-moi ces divagations sereines où, unis sans coeur, le sel et le germe sèment le poème de mes horreurs ! Ô fœtus de dérision, chair cachée quand pousse le fruit chétif de mes lamentations. Sous ce torse bombé, la profonde rumeur bat inexorablement. Je sens exploser la malingre explication. 234
Je pris tous les anges
Je pris tous les anges, et les obligeais à se tenir tranquilles contre le mur de l'exécution. Je me servis du pistolet de l'âme et en tuai sept en trois secondes. Ils disparurent. Je rechargeai l'arme et tirai à bout portant. Ils moururent, et ne revinrent plus jamais dans ma chambre. J'assurais ma quiétude. D'autres ont essayé de s'infiltrer entre les meubles, sous les tapisseries. Aucun n'y échappa.
Par mon action je fis comprendre à l'au-delà, que la terre a été créée pour les hommes, et que les anges n'ont rien à y faire. Même le poète ne peut être soumis à la présence continuelle de la Mort. Mon comportement efficace a fait déguerpir nombre d'utiles de la pièce où j'aime à vivre.
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Assis sur la Grande Ourse
Assis sur la Grande Ourse, je me laisse examiner. Tous les docteurs de l'au-delà pincent, auscultent, tâtent, se gavent de chiffres et de notes, et enfin concèdent avec gravité à donner leur pronostic : poète maudit pour l'éternité.
Don cruel de ma naissance, origine malsaine, puanteurs d'une âme folle, je cours, j'accours, je parcours et je me perds dans ces explications douteuses. De toute façon, je ne serai jamais compris.
Un cheval blanc avec des ailes dans les nuages plane monté par un ange. Il négocie son virage, fait trois loopings, désarçonne l'ange qui tombe sur notre bonne vielle terre. Conséquence : il pleut des flocons de neige en plein été.
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Je fignole l'empreinte
Je fignole l'empreinte du spectre. J'ai la preuve de la venue sur terre d'un être sans corps. Il chausse du 42. C’est un grand-père. Il aurait fallu que j'arrachasse trois poils de sa barbe blanche.
L'éternelle naïveté. La jeunesse pour des siècles ! Et la poussière grise dans sa tignasse blonde ! Cet imbécile ne sait plus que nous sommes en l'an 2000. Il raisonne, il déraisonne, il gagatise. Pépé veut m'apprendre à faire l'amour. Le pauvre vieux n'a plus le droit de tripoter un cul. Il se place en voyeur, et jouit cyniquement entre ses trois dents pourries.
Je le traite de salaud, de vicieux. Il ricane bêtement. Je lui dis : "L’oint a toujours raison". Alors il se tait.
Sa bouche est infecte. Il me souffle son haleine putride. Je la respire à plein nez. Penché sur ma feuille de 237
travail, il m'effleure les cheveux et m'appelle mon mignon. Un peu de respect, vieillard. Regarde qui est en face de toi. Alors il bougonne, balbutie, m창che ses longs poils de barbe et la ferme.
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J'ai lavé tous mes anges
J'ai lavé tous mes anges dans une potion de lessive ! J'ai tordu leurs ailes sales remplies d'araignées et de poux. Depuis mille ans ils vivaient dans la crasse... Toujours les mêmes idées, les mêmes réflexions.
À grands coups de savon, j'ai battu leur robe de soie comme le poète bat les tapis invisibles. Je les ai accrochés sur une corde à linge. Et avec ma pensée ensoleillée, j'ai réchauffé leur corps magique. Ils se sont imprégnés de ma chaleur spirituelle. Quand ils seront bien secs, je les décrocherai et ils pourront s'envoler et comprendre ce qui se passe au ciel.
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Ha ! Déchets de l'âme !
Ha ! Déchets de l'âme ! Nature morte ! Disparaissez de cette chambre, de ce corps ! Je ne puis exister avec votre présence. Comme vous êtes gênants !
Je rejoins le poète, le mystique, l'halluciné ! Je n'ai pas les mots pour examiner ce qui m'arrive. Le poète n'est pas un historien.
Rendez-moi mon silence et la paix intérieurs !
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Les troupeaux d'anges
Les troupeaux d'anges bêlent dans la chambre, litanie de vieilles chèvres, les voix grêles et acides vacillent à la flamme des quatre bougies posées à chaque extrémité du lit. Je suis mort.
La famille défile en chialant, belle-mère, bellesœur etc... Toute la clique hoquette, refoule des larmes faciles à mouiller sous la paupière, dans les coins des yeux droits et gauches.
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Mes heures nocturnes
Mes heures nocturnes sont gonflées d'invitations. Tous sont venus s'asseoir à ma table. Rougissant comme une pucelle, j'ai refusé de me frotter sur leurs genoux.
Mon hymen cassé a été recollé avec les baves des critiques vicieux. Je retourne à mon état de pureté. Mes créations excitent les anges. Ils admirent tous mon don médiocre.
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Visite au Louvre
Un tableau. Je suis au Louvre. Je projette ma substance de vie comme un médium, les mains tendues vers la cible à toucher. Les nymphes dans une position inconfortable commencent par se regarder, étonnées de leur capacité à agir, s'étirent, baillent et pleines de joie sautillent et s'extirpent hors du cadre. Elles sont six qui se tenant par la main forment une ronde autour de moi. Dans le fond du paysage un triste torrent ressuscite, et l'on entend le gazouillement d'une cascade fraîche berçant le décor animé avec ses bruits sonores.
Un gardien malséant fait son travail d'imbécile, et observe si rien d'anormal ne se passe. Les nymphes effrayées par ses bruits de pas regardent leur tableau champêtre ; le torrent cesse de courir dans la vallée.
Tous se retournent à la morosité et à l'insipide réalité. Le gardien roule ses yeux de bœuf, considérant bizarre la position de mes bras tendus.
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Je dois avoir l'air d'un fou. Sans porter attention à mon regard, je m'éloigne et rendre dans une nouvelle salle.
Une statue, femme énorme aux seins ballants. Immortelle. L'oeil froid. Elle se tient rivée sur son socle. La plante du pied droit est en équilibre difficile. Je l'appelle gentiment de crainte de l'effaroucher. Je désire lui prodiguer ma confiance. Je vois son oeil se tourner subrepticement dans ma direction. "N'as-tu donc pas peur ! Approche ! Descends de ton support de marbre. Je ne te ferai aucun mal !"
Elle s'approche, et prononce ses premières paroles : "Je commençais à en avoir assez. Ma cuisse gauche est tout engourdie. Depuis quatre siècles l'envie me chatouille d'aller uriner. Je ne pouvais pas le faire avec tous ces gens qui passent et repassent. De plus, il faut l'intervention d'un pouvoir paranormal pour que la statue vive. Toi seul poète tu étais apte à me sortir de mon affreux engourdissement où la postérité m'avait mise."
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Elle regarde rapidement à droite, à gauche, saute sur ses deux jambes, et va vite faire pipi sur la moquette du musée sans se soucier de ma présence. Pudique je me retourne. Après que le jet ait cessé de s'entendre couler : "Dépêche-toi de regagner ta place, du monde arrive !". Un flot de Japonais armé d'appareils photographiques, criant dans leur patois, envahit la salle. Je disparais.
Je passe devant la Vénus, exténué et fatigué de mon travail parapsychique. Je lui accorde tout de même un regard. J'entre en communication télépathique avec la femme la plus admirée du monde. Je l'entends soupirer : "Je suis belle pour l'Eternité mais que m'importe de jouir de la plastique, de mon corps je suis amputée. La plus belle entre toutes les belles n'a même pas tous ses membres à contempler !"
Fin de la visite du poète au Louvre.
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Je retourne à la triste réalité de la rue. La ville est grouillante de mannequins défilant et hagards : mécaniques humaines des grandes cités dépourvues de sentiments.
Enfin deux êtres beaux s'offrent à ma vue. Ils se croisent, émerveillés l'un pour l'autre. Chacun désire le corps de l'autre. Je voudrais tant que ces deux êtres qui s'observent avec l'avidité amoureuse de la jeunesse se comprennent. Leurs corps s'appellent, leurs bouches se taisent. Et chacun s'éloigne, et disparaît dans cette foule maussade !
Pouvoir ! Maudit pouvoir de poète ! Pourquoi ne m'as-tu pas obéi ? Pourquoi n'ai-je pu unir ces deux chairs qui voulaient s'aimer ?
Et la force cachée en moi-même, doucement me berce dans les oreilles : "Tu m'as trop fatiguée". Mon rôle se limite à toi. Je ne puis intervenir sur les hommes !"
Je marche sommeillant sur le boulevard confus de passants et médiocre de têtes humaines à rencontrer.
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Indistinctement a dû
Indistinctement a dû Par le plaisir qui se balance La bouche anale repue Engorger de pénis en transe !
Ou choisir le mirliton, le bananier ! Blanc, jaune, noir sans importance ! Passez plaquez la main au panier, Jolie doudou est en démence !
Très loin des cocotiers heureux, Le nègre énorme plus me suffit ! Martiniquaise, où est le sorcier furieux ? Sur l'île là-bas, pas dans mon lit !
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Le compas
Le compas entre les yeux Je fais le point Voyageur des airs.
Je compte sur ton corps Les boutons et les grains de beauté.
À vingt dix trente Je m'évade Je montre au 7e étage.
J'ai oublié ton corps Je redescends le chercher.
Je jouis entre le bétail des anges Le génie et la belle Quelle histoire Mais personne ne le sait.
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Mais tu travailles encore Mais tu travailles encore à me rendre captif ! Ma soumission vaine à la lumière torve Enduit mes pauvres yeux de ce métal fictif ! Je veux rêver de l'imaginaire qui dort ! ...
Je recherche l'espoir de retrouver la vie, L'unique, la terrestre, avec l'homme et la chair. Les ébats impossibles de la muse alanguie M'éloignent de ce monde par tes subtils éclairs.
Le besoin de renaître m'éveille tout à coup Sur le sol pur et ferme pour mes pas accomplis ! Hélas je tâte en vain les masses qui m'entourent ! Ô fantômes de guerre qui écoutez mes cris !
Ma faudra-t-il supplier cette mort De me laisser en paix ? Car je n'existe pas ! Sans un sanglot, sans un répit, sans un remords Chaque jour davantage, un peu plus on me tue !
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COLLAGES
Cheval noir Abandons de femmes claires Présences Bouquets d'odeur Ailes brisées À la dernière clarté J'ai vu Un souffle est à passer Rêvons ! Rêvons ! Calme lieu des soupirs Bercées dans des pâleurs Oui, aux portes des cieux Déjà le printemps froid Souffre, garce Si le soleil Les amants noyés Adieu, bellement désolée ! Mon âme entière 250
De Mézan à Auteuil Oui, j'aime tous les vins J'ai bu des vins Toutes les soifs Les bouquets et les roses Même rêve Les nymphes égarées Ta robe bleue Ta bouche Longtemps après les déluges Épître à Isabelle Que ma caresse est belle C'était dans un miroir Ma colombe, ma bergère La lune s'attristait Ces fantômes voltigent Colombe L'automne L'amour s'est enivré Le soleil machinal Dans l'eau pure des fontaines Des sanglots ont roulé Je te donne le fruit 251
Jadis le bruissement des saules Le bel hiver Je me suis jeté à vos pieds Il est que ma cervelle Foudre, Mer de feu ! Voilà, je suis vidé Virgules, point d'exclamation Étonnez-moi Des vagins de reines Les nuées Ténèbres lourdes Ma main lassée J'expose le Néant Des mouchoirs agités Allègre et désinvolte La chute superbe Un désir de changer Finie la saison charnelle Un jour, je fus assis Comme je pense À l'instant de ma puissance Les étoiles, celles qui pensent Préface du Supplément à Collages 252
Le rire strident Dis mon cœur Mon âme imbibée d'alcool Je n'avais pas vingt ans Les voleurs de feu Je vais secouer toutes ces vieilleries La belle enfance Ces masturbations juvéniles Je devins fantastiquement pervers J'inventerai la danse des sens J'étouffais Stérilité, mon ennemie Ma main Nul sommeil Déterminer les pulsions Nullités des corps La soif de se décimer L'offense à l'enfance Que cette âme est mal faite ! Sentiment de profonde tristesse La grande fatigue Sublimons Ma tête gonflée 253
Tu en es encore à résister J'engouffre des scènes lubriques La belle agite À mes érections Fini, la princesse Mes bergères allongées L'amazone L'aurore disparaît Sois câline, toute câline Perdus, perdus Je sens la mort Tes mains brûlantes d'amour Relaxe-toi La Muse se repose Je suis béni Les poètes Le clown Amen. Amène quoi ? Le message de moi-même L'homme de blanc vêtu Des nymphes glissent Les statues parlent Il y a un voyant 254
Il fallait une décharge L'éclair zébré Chacun savait Les pyramides Du mystère Il me faudra les tuer Le soldat blond À oublier Je tue l'ange Il y a Analogie Les sirènes Les fossiles Les hommes de science L'onde libre La visqueuse anémone Cette blancheur À danser ainsi Au tutoiement chuchoté Mais ton tombeau Un matin Il pleut Une grande capacité 255
Mille chômages, mille pages ! Toutes ces parties à contrôler La morale J'offre une mauvaise mine Ma tête se cogne Je veux couler Écoute-moi Je me disperse La nuit est dans mon âme Souffle, râle, crie Ce n'est plus qu'une phrase J'ai rendu toutes les affres J'avance dans des visions Je perds pied La terre soulève Un oint Des larmes de sang Rencontré l'ermitage Il y a un monde inversé Je veux tout te donner L'ombre détruit Couchée, évasive et nue J'inventerai l'essence des îles 256
Le vampire Par la fenêtre échappée Plaintes d'automne Qui peut me dire ? Une vulgaire destinée J'ai connu, c'était hier Je m'aime Hypnoses Elle est nue J'ai ânonné Il y a des cyclistes On m'a pris sur le chant Je vous remets les clés Des neiges écarlates Ma naïveté Spectacle Le monde insolite Je raconterai Je me décris Je jette ma main Je tends la main Tu donnes des sources de larmes Je pris tous les anges 257
Assis sur la Grande Ourse Je fignole l'empreinte J'ai lavé tous mes anges Ha ! Déchets de l'âme ! Les troupeaux d'anges Mes heures nocturnes Visite au Louvre Indistinctement a dû Le compas Mais tu travailles encore
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