FRANCK LOZAC’H
LE POETE INTERNE
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Journal 2002
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Étais-je absent ? Du moins j'étais présent et accessible sur Internet. ...Peut-être
des
lointains
incompris
cherchant
des
évanescences de l'être ~ des poètes désireux de capturer des formes d'intemporel ou des substances rares émises par la conscience...
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Le refus, le rejet de l'autre, des autres avec d'immenses pertes certainement ! - mais avec l'application d'un principe, d'un système ou d'une méthode toute personnelle qui fera gain ou se trouvera misérablement oubliée dans les rencards du mépris. Mais que faire ? S'entendre constamment dire : "Vous vous trompez. Demandez conseil ailleurs.", avec courtoisie certes mais cela est dit. Ou poursuivre en soimême l'aventure absurde ou audacieuse. Cela passe, cela casse. Mais il fallait tenter et aller à fond. Nul reproche à se faire du coup - oui, il fallait tenter.
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Proposer une Anthologie de la grande poésie mondiale disons 700 poètes avec un poème par auteur accompagné d'une notice biographique succincte.
Également un Dictionnaire des poètes du monde entier 10 - 20 000 noms sans poème mais avec un résumé de la personne et de son œuvre dont le volume serait fonction de la place que l'on accorderait à l'auteur.
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Paul Valéry est un grand poète, un excellent écrivain et un fin penseur. Charles Baudelaire est un grand poète, un excellent traducteur, un grand critique, un remarquable épistolier et un grand écrivain également.
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Essaie de travailler avec Denis Roche. Difficile. N'est pas algébriste. Possède une sorte d'incohérence mentale avec sauts, humeurs et reprise du fil. Mais l'ensemble laisse pantois. Pourtant on comprend qu'il a tenté d'aller outre, avec de la folie et un risque logique. Je cherche 3
à m'accorder à son audace. Y parviendrai-je ?
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Comment peut-on gérer cette immensité littéraire ? Qui pourra se prévaloir d'avoir lu ce qu'il devait lire ? Embrasser la vaste collection de la Pléiade, qui n'est en vérité qu'une réduction élitiste guère représentative de l'offre totale. Cela semble impossible. Il faut donc baliser son propre chemin en choisissant un nombre limité d'auteurs, de génies, de philosophes ou de grands poètes. C'est déjà un principe de spécialisation, d'évictions et de refus. Mais comment faire ? Il est certains que des êtres exceptionnels seront perdus, oubliés, jamais lus mais l'âme a ses limites. - L’intelligence se sature et ne peut demander plus.
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Ne vous satisfaisiez jamais de ce que vous possédez. Vous avez les moyens et les possibilités d'aller outre. Agissez. Qui prétend se suffire, stagne. Et stagner c'est régresser. Quel monde ? Quel royaume puis-je espérer ? Qu'en est-il de cet Au-delà ? Tant de questions qui tambourinent aux portes de mon âme, et seule la mort me permettra d'accéder à leurs réponses
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Le génie, c'est de l'énergie supplémentaire sur de l'intelligence de surdoué. Il y a donc quelque chose d'exaltant en soi, de vitesse phosphorescente, de jouissance supérieure.
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Comment choisir les meilleurs outils exploitables ? Avec qui puis-je travailler ? Est-ce le goût qui déterminera mon choix ?
Avec quels auteurs ? Pourquoi ? - Mieux activer la matrice cérébrale ?
Passer par les fondamentaux extraordinaires : exemples : Rimbaud, Nietzsche, Baudelaire, Platon etc. Cela implique un retour vers les Pléiades.
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Certains poètes possèdent d'autres espaces. Toi, tu en es au dé, à la cathédrale de papier, au monologue, au tutoiement. Mais c'est autre chose qui engendrera une production nouvelle. 5
Cherche de nouveaux auteurs. Régénère-toi.
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Je viens de tirer le second tome du Livre des Sonnets - j'espère sur toute ma vie littéraire atteindre le nombre de 1 000 sonnets - j'en suis actuellement à 840 - mais cette quantité ne me choque pas. Il est vrai que le volume semble important... Idem avec Mille poèmes en prose l'ouvrage comporte 885 pages 21 X 29, c'est un double pavé mais pourquoi ? Car l'ensemble n'a pas d'harmonie de construction. Cela forme une somme de structures prosaïques certes sélectionnées mais je n'en vois pas l'agencement total. Pourtant toutes mes forces, toutes mes applications sont ici présentes et définies. Je suis cela : c'est-à-dire petits fragments disparates - jetées nouvelles associées à autrui, producteur influencé au quotidien. Le chef-d’œuvre ou le travail majeur ne semble pas évident ici.
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Il faut élever le degré de composition. Non ? Je cherche de l'autrement un peu brut. Perse ou Roubaud ? - Roubaud.
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Toute grande œuvre se conçoit dans la solitude.
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Denis Roche superpose les lignes d'inspiration - obtient des lignes d'incohérences fragmentées en logique possible. Le tout permet d'accéder à une sorte de sensibilité évasive, des limbes, ~ être peut-être sans être, suivez-moi, suis-je une filante ? (Éros énergumène)
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Le problème est de savoir comment faire TGP c'est-à-dire Très Grand Poète. Il faut constamment penser Hugo, Virgile, Homère, Dante, Sophocle, Euripide, Shakespeare etc.
Se construire dans du très grand ? Et combien d'années de travail ? Et pour quel résultat ?
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La créativité serait une revisualisation personnelle issue d'un système sélectif. - Importance du choix, du rejet et de la variabilité unique de l'applicateur. 7
Chaque cerveau pense à sa façon et ce serait la spécificité reconnue de la dérivabilité personnelle qui déterminerait auprès d'autrui l'aptitude créatrice.
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Le génie Il y a bien un dérèglement du jugement pour penser autrement, voir de cette façon, appliquer ailleurs et s'entendre dire : c'est ma foi, vrai ! - Je vous distingue et vous honore.
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Système à penser et système à produire feront peut-être bons amis. L'identité de "grand poète" impose-t-elle des obligations d'applications de relationnels artistiques auprès des autres littéraires ? La réponse peut être : pas nécessairement.
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Ce n'est pas un besoin de relations poétiques qui m'anime - non ce qui excite mon désir, c'est la possibilité de découvrir de nouveaux auteurs, pères ou frères - ouvrages d'appui - de références ou d'amitié.
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Je cherche de nouveaux Zanzotto ou Celan - des œuvres maîtresses pour produire en synergie d'applications.
À quoi peut bien servir la communication superficielle avec Monsieur X ou Madame Y ? Je dois laisser cela à ceux qui se suffisent d'insignifiance.
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Pourrait-on appliquer le principe du plaisir dans l'extraction des structures poétiques ? ~ sans se soucier de la cohérence des propos ?
Processus de jouissance cérébrale en quelque sorte. J'applique ce qui me plaît. Et quelle obtention ?
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Comment peut-on résoudre le problème hugolien ? Sa force, ses ressources, la puissance de ses applications, son énergie constamment renouvelée et ce vaste édifice qu'est son œuvre poétique ?
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Le temps passe, je ne vois pas l'utilité de côtoyer des poètes. 9
Je vieillis, la vérité des œuvres, des sensibilités, de toutes les sensibilités m'apparaît essentielle. Toutes ces sensibilités, ce sont des façons de penser différentes, et ce sont des autrements qui sont vrais.
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La communication poétique n'est que de l'aimable babillage tout est donné à la superficialité - il n'y a nulle profondeur. Les uns et les
autres essaient de se crédibiliser en prenant des poses - ils se prévalent d'être avec des attitudes. Il y a suffisance, certitude de soi, mépris de l'autre etc.
J'ai délaissé depuis fort longtemps l'utilité de ce type de relations. Je travaille avec des livres - des amis - qui me parlent et avec lesquels une communication profonde et affective s'accomplit.
Le livre - le recueil est la quintessence de l'auteur. Y est replié une vingtaine d'années d'applications poétiques. La saisie des meilleurs instants, des plus intenses inspirations y est conservée. Et le tout peut être redéployé selon le bon vouloir du lecteur.
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Le relationnel poétique est également de la superficialité irritable. Rien n'est donné au fond. L'agacement surgit rapidement. J'ai délaissé les rencontres poétiques. Je cherche de nouveaux auteurs - de nouvelles sensibilités de langage - des écritures différentes, autres.
Il me faudra certainement aller à Toulouse, place du Capitole pour trouver des ouvrages satisfaisants.
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Je dois avant tout obtenir un bon résultat dans le domaine poétique. Il y a si peu à espérer que l'extrovertisme n'est d'aucune utilité. Je vois tout pour l'intérieur : les livres, les œuvres, les applications personnelles. Il ne faut pas voir en moi uniquement un arriviste mais également quelqu'un qui chercher à mieux faire, - à produire mieux et autrement. Je veux donner à Autrui sans contrepartie.
* L’Absent : Être qui je suis sans être là. L’une des possibilités est peut-être de tenter d’ajouter sur Char 11
de faire du Post-Char. Il est un poète dominant du XXe siècle français. Pourtant mon cerveau globalise et je pense Titien, Napoléon, Newton etc. En vérité des génies universels.
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Rapide visite à la MJC de Rodez ce 18 mai 2002. 12 H 45 - 15 H 15. En tout, 12 exposants dont l’éditeur de La Tour de Babel. Sur les étalages, des livres de poésie (S’en vend-il ?) Rien. Peu. Aimables discussions. Ma poésie ne se situe pas là. C’est avant tout un travail d’applications, de recherches, de variabilités, de sensibilités. Ma poésie, c’est de l’écriture. Mais ce n’est pas du relationnel humain.
* Faut-il se soucier d’être lu, d’être connu ou d’avoir un quelconque crédit ? Car cela est efforts et usure. Il importe de se faire, de se construire, et c’est déjà grand courage !
La structure poétique est un système paralysant, bloquant et bridant. La dynamique littéraire se situe dans l’individualisme actif.
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Je ne rencontre guère de poètes. Je travaille avec leurs livres. J’avoue n’avoir jamais trouvé quelconque utilité à côtoyer des littéraires. Je ne tire rien de leur contact. Ceci est une triste constatation mais c’est la vérité.
Je ne suis pas dans une phase de communication poétique, je suis constamment dans la phase d'applications d'écriture.
* La vérité est dans le fondement des œuvres.
Je crains essentiellement de perdre mon temps et d'accomplir des actions inutiles dans des secteurs totalement dépassés. Je préfère m'abstenir plutôt que de rentrer dans cette logique aberrante d'attentisme, de supputations et d'aumônes poétiques ou littéraires.
Les écrits resteront
Paul Celan - L'écriture désarticulée -
Tony Harrison (poésie savante)
Je désire trouver de nouvelles sensibilités poétiques susceptibles d'accompagner mon travail d'écriture. J'espère que la 13
littérature étrangère parviendra à satisfaire à toute cette nécessité.
Ce qui m'intéresse : trouver des auteurs utiles.
Le poète est une sorte de masochiste qui se fait humilier par la Société. La Société le dénigre, le rejette, le méprise - refuse de reconnaître la valeur de son travail. Il tente de séduire mais se rabaisse, il implore mais pour rien. Il souffre, il se prétend - de cent façons il essaie encore de proposer ses exercices. Il est constamment exclu, il insiste toutefois.
Le voilà réduit à l'état de prostitué qui paie des éditions à compte d'auteur pour se faire reconnaître. Nenni ! Tous et toutes le dénigrent - nul ne veut de sa substance créative. Il se morfond, gémit, pleure - appelle la mort, se suicide. Ou se glose de soi-même, se glorifie dans son petit État personnel - fait le roitelet en quelque sorte.
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Tolkien
Birage Diop - joli !
Ivan Goll
Violeta Parra
Chili
Nicola Guillén Cuba
Vinicius de Moraes
Brésil
Marina Szymborska Pologne
Ana Blandiana Roumanie
Diane Burns Amérique du nord 14
Katherine Mansfield Nouvelle Zélande Hafiz Perse Sage Essenine Anna Akhmatova Robert Graves - génie 130 livres La déesse blanche Ezra Pound - le vers projectif Los Cantos Marina Tsvetaieva
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Y a-t-il un patrimoine poétique enfoui, - qui n'a pas été mis à la disposition des lecteurs ? Refus des éditeurs, surabondance offerte ou lassitude des poètes eux-mêmes ? Sont-ce des auteurs de qualité ? Peut-on remédier à ses " oublis" ? Internet propose-t-il une opportunité à saisir ?
Ces produits littéraires inconnus seraient peut-être des outils utiles à la formation des auteurs majeurs de demain.
Comment gérer le génie des autres, comment travailler en consubstance d'écriture, en synergie d'actions ? Quels auteurs empruntés ? Que doit-on espérer obtenir ? Quelles seront les limites de nos potentialités
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L'insignifiance des structures poétiques d'accueil rend inutile tout effort de communication. 15
Je prétends insister : les poètes sont des œuvres dans lesquelles il faut s'instruire et se déplacer. C'est certes une poésie de l'introvertisme et de l'unicité qui ainsi se développera, mais c'est une réalité d'œuvre qui sera obtenue. Être pour soi par soi avec autrui - avec l'œuvre d'autrui - je dis. Certains s'indigneront : quelle tristesse que de fuir le contact ! Et ils auront raison. Mais cela est poudre de superficialité et de médiocrité.
- Lire, écrire et se faire connaître. Je lui préfère : lire et écrire. La crédibilité poétique auprès d'autrui m'apparaît saugrenue, inutile, stupide, lente et impossible. Je ne prétends pas que le produit fini - c’est-à-dire le Cédérom offert ne parviendra pas à plaire mais le relationnel semble de troisième ordre.
* Mes cadeaux, mes chefs-d’œuvre comme promis à l'art [---] Virgile Et toi le premier, sois généreux.
Devenir un classique ! Le si peu de la terre et la civilisation du ciel !
L'extrapolation, la transposition, la surdimension réinterprètent 16
le sens des choses.
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La présomption est une maladie poétique : Voilà qui je suis mais vous l'ignorez. Ceci est ma grandeur intime.
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- Maniérisme du relationnel - poudre de noblesse - Vernis poétique - aimable babillage - mais rien n'est donné à la profondeur. L'expression orale ne s'y prête pas. Vitesse - légèreté bâtons rompus - brio.
Que puis-je tirer du paralittéraire ? Acméisme. Prolongement. Nul mouvement poétique n'a de limite. L'espace poétique m'apparaît insuffisant. Nul ne peut y pénétrer sans maniérisme détestable. Il faut donc créer un nouvel espace souple. L'Internet me semble tout indiqué.
Vouloir pénétrer les structures poétiques d'accueil, c'est s'embourber dans un attentisme inutile.
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Il est impossible de gérer le génie d'Autrui. L'on prend un peu. L'on prétend connaître. L'on se suffit de cela. Notre potentialité intellectuelle bridée, bloquée, interdite de pénétrer avec véracité nous rend un produit aléatoire de l'Autre.
Se limiter au Gotha mondial : Virgile, Homère, Goethe, Dante, Horace, Euripide, Sophocle, Eschyle, Corneille, Racine, Cervantès, Shakespeare etc.
Puisque l'on est confronté à une restriction obligatoire, quel choix dans cette restriction ?
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Ils ne veulent pas le parfum, ils ne veulent pas l'essence, ils veulent une senteur - dans une fiole et pour quelques instants - et que cela leur convienne ! Ta personne peut faire l'affaire, dit le Ciel ! Qu'attends-tu ?
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- Faites poète, Lozac'h ! - Oui, mon Général. Mon Général ? 6500 ---) 10 000 ? Cela est autrement important. - Travaillez Lozac'h !
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Pound - Browning - Swinburne T.E. Hulme Harriet Monroe Wadsworth
Pound - 1913 : « Il se peut qu'on en vienne à croire que ce qui est important en art, c'est une sorte d'énergie, quelque chose qui serait plus ou moins comparable à l'électricité ou à la radio - activité, une force de transfusion et d'unification... Une " image" est ce qui présente instantanément une somme intellectuelle et affective. »
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