Olibvier Demazet

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OLIVIER DEMAZET

FOI D’ANIMAL ... POEMES


FOI D’ANIMAL ...

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Il a été tiré à part 30 exemplaires numérotés de 1 à 30 qui constituent l’édition originale.

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UNE FOURMI J’ai pour amie une fourmi qui collectionne les mies de pain pour la becquée de ses amies toutes fourmis toute la vie J’ai pour amie une fourmi qui affectionne les lendemains sans se croquer entre fourmis toutes amies toute la vie. 12.4.69

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LE GROS CROCODILE Le gros crocodile le gros versatile s’étalait. s’endormait Le petit négro spirituel faisait son tour habituel. Il vit le gros crocodile le gros versatile. Il s’approcha à pas de chat pour lui examiner le bout du net ; Il chatouilla le gros crocodile le gros versatile qui en bailla. Le petit bonhomme enfila un bout de chewing-gum la bouche du gros crocodile, du gros versatile qui saliva, rumina.

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LE KOALA Un koala à volonté de fer voulut fabriquer des pots avec du kaolin à volonté de terre. Le koala cassa le pot de kaolin qui s’écroula comme une tige de lin en mille morceaux. Que je suis sot ! que je suis las ! se dit le koala. J’ai sous la main une noix de coco J’y sèmerai du koala,; il y poussera des cerceaux.

Herbault. Octobre 1965 Luxeuil. Juillet 1970

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LES SANGSUES Je me fais bien du mauvais sang ... Chez les sangsues Je serai bien reçu Elles vous pincent pieds et mains les sangsues Elles vous collent à la peau les sangsues Elles font de vous des oripeaux les sangsues Elles sucent du sang pur les sangsues Elles vous vident votre vie les sangsues Je ne fais plus du mauvais sang grâce aux sangsues Bon sang ! Si j’avais su !

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LES MOUSTIQUES Après une journée d’ambre une escadrille de moustiques en espadrilles pénètre dans ma chambre et cynique mon fric me pique mon fric Depuis ce jour à piques je deviens porc-épic je jette à la fenêtre tous ces êtres de moustiques et de fric.

20.2.69

SCARABÉE La scarabée eut un bébé avec un cafard. Elle se dit - Ah ! Quelle vie ! à broyer du noir tous les soirs du soir pour un jour de foire Ah !quel cafard, dans le manoir ! 8


LES SARDINES Dans leur boîte en fer-blanc pour crocs-blancs une demi-douzaine de sardines qui éprouvaient la haine des tartines prennent un ouvre-boîtes. Elles ouvrent leur boîte de sardines à tartines ... Enfin sorties de l’huile qui les tenait serrées en sardines à l’huile ! Les voici desserrées ! Elles disent alors : - « Nous sommes des trésors ! Mais pourquoi pas des huiles qui éprouvent la haine d’une demi-douzaine de tartines à sardines ? » Ouf ! Depuis, elles en ont fui ... C’est devenu la fin des boîtes en fer-blanc pour crocs-blancs ... morts de faim !

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LE SANGLIER Le sanglier traverse la route. Il s’est enfui vers la forêt loin d’un fusil de paysan. Le paysan traverse la route. Il s’élance vers la forêt loin des outils de paysan. Le paysan parcourt la voûte du jour et de la nuit dans les taillis-futaies, à la poursuite-sanglier ... sa fortune. Le paysan perce la croûte qui enduit le mur de la forêt à la poursuite-sanglier ... sa rancune.

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LE SAFARI Un éléphant bon enfant se mit à souffler de la trompe pour animer le safari des chasseurs en poudre de riz Drôle de bigre ! hurle le tigre Vieux trompe-la-mort, tu as du ressort ! pour chasser de la Vierge, la forêt. Je m’entends ! Continue ! Feux aux cierges pour notre enterrement ! Moi, éléphant, en état de légitime défense, oui, je prétends avec grande véhémence, que ces gens d’enterrement tremblent dans leurs vêtements en entendant sonner la trompe d’un éléphant bien né ! Écoute leurs relents ils éloignent leurs pas Je ne suis pas Roland à trompe de trépas ! Montauban. Février 1970

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LE RHINOCÉROS Un rhinocéros naguère féroce, tout ravigoté alla consulter son spécialiste Otorhinolaryngologiste pour soigner ses saignées, ses nausées très osées, ses oreillées réveillées, ses gorgées engorgées, ses kystes, ses fistes, ses mastoïdites, sa rhinopharyngite, son extinction de voix attrapés au jeu de l’oie. Il ne se déplaça pas pour rien : Le savant praticien, pour fortifier son faible organisme sans défense, en état de souffrance, lui ordonna de forts gargarismes à prendre entre les pas après les repas. Le rhinocéros naguère féroce ne se guérit point malgré ces bons soins. 12


Il consulta à Calcutta une autre spécialiste très peu capitaliste, un peu psychanalyste, un peu radiesthésiste : « J’ai compris, j’entrevois : Monsieur porte des cornes. Je ne suis plus utile, prenez-vous à la loi et au Code Civil. » Le rhinocéros naguère féroce consulta un mapitre-avocat spécialiste de son cas qui décréta : « Corne unique ! rien de grave. Mais deux cornes ! On vous gave ! N’est-ce pas ? Vous ne devinez pas ? »

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Et il paya fort cher sa mise au courant d’air. Le rhinocéros naguère féroce retourna chez lui, le nez plein de suie, enrhumé du cerveau. Il se prit la tête, se la martela, puis se rappela « Oui, l’autre fois, j’ai joué à l’oie avec mon prétendant d’éléphant qui s’en prend à ma rhinocéros. Oh ! la rosse ! Ca pompe un prétendant ! Ca trompe un éléphant ! Luxueil 18.7.70

POUR VOUS Une langouste dit à une mangouste j’en pince pour vous. La mangouste dit à la langouste je suis mordue pour vous. Montauban 12.12.70 14


LE POUSSIN Le poussin tout chaud sorti de l’œuf, un matin veut célébrer l’an neuf. Il exige le bigre, de sa mure qui se fige, qu’elle ponde à l’envers un œuf cuit parfumé d’herbes vertes et lui dit qu’il sera plus alerte. « Ma poulette ! Et pourquoi pas un bœuf ? Omelette ! Va t’faire cuire un œuf ! ! » fit la poule repartant vers la vigne sur la houle de ses poussins plus dignes. 15.2.69

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UNE PERLE - Ne faites plus la moue ma moule Je vous aime ouvrez-moi C’est la Noël - Je lis un conte de Noël mon huître j’en suis au chapitre huître Je vous ouvre. Je suis une perle !

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LES OISEAUX L’hiver le vent la pluie et la neige la vie se désagrège sur ma croisée clignent les oiseaux, Me tendent leur museau, Volettent, sautillent en monôme, Implorent mon aumône, Font la cour à Monsieur le Baron, L’embrassent sur le front. Enchanté, je leur tiens la bavette, Leur caresse la crête, L’harmonie gueuse en régiment Aiguise son talent ! Concerti, vocalises, sornettes De ces becs à sonnettes Qui grappillent boniments, Aria, contrechants. Ils se perchent au ciel de l’art lyrique, Sur la cime en musique Obligent sans merci L’auditeur cramoisi A offrir des plats gastronomiques En crise économique ! L’amertume de colère s’éprend Puis met ce monde en rang ! Mis au pas, effrayé, en panique, Il est traité de clique, Se résigne sans répétition A goûter sa portion ...

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Sur le toit furtive une mésange Avale un jus d’orange Sur le balcon tout blanc le bouvreuil Déguste son tilleul. Chavirant le moineau écarlate De grog chaud se dilate, En éclate et en donne au pinson Puis se cogne au buisson Caresse la joue du rouge-gorge Qui suce un sucre d’orge Ébahi là-bas tout seul au coin Debout comme un pingouin. Oh ! la pie qui s’entête et qui piaille ! Poule mouillée ! Canaille ! Viendras-tu encor pour de l’argent ? Tu exploites les gens ! Tu titubes ? Vois tes yeux qui brillent ! Tes pattes sont des trilles ! Tes cascades, tes rondeaux Feraient fuir les badauds. Merlot ! Merlot ! Un bouillon de légumes Pour réchauffer ton rhume ! Colombes, tourterelles, pigeons, Vous rêvez de bourgeons Vos ailes sous la neige si frêle Tambourinent la grêle ... Sur ma croisée dansent les oiseaux Me tendent leur museau. 1964-1965

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LA MOUETTE ET LA VAGUE

Une mouette avait le vague à l’âme et besoin d’aventure. Elle demanda vaguement - Pardon ma vague, pour aller à la Mer des Tempêtes ? s’il vous plaît ? - Je vous entends, ma mouette, je ne suis pas muette ! Prenez la première vague sur votre aile droite. Vous suivez la Terre de Feu, la Mer Rouge et vous arrivez à l’Océan Pacifique. Alors après, c’est plutôt vague ! pour la Mer des Tempêtes ; vous savez, on divague !

Février 1970

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AU PERNOD

Un moineau se pique le bec au pernod triple-sec. Le moineau veut jouer au riche Château-d’eau dans la niche d’un porte-drapeau plutôt chiche Qui le pêche comme un cabot très revêche. Le nigaud doit payer la crèche au cabot Qui, tout beau, hume, s’en pourlèche au pernod triple-sèche.

15.2.69

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LINGE SALE

Sans souci pour une histoire de succession une famille de singes replets au grand complet, lavait en vrille son linge sale en famille au bord de la rivière au pied de la clairière bien tranquille au soleil.

Très souciée pour une petite histoire de pomme, une famille d’hommes en forme en uniforme surgit pour laver son linge sale et baver au bord de la rivière au pied de la clairière bien tranquille au soleil. L’histoire ne dit pas ce qui leur arriva. Mais depuis sur la Terre on ne lavera plus tout ce linge en famille.

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On le lave bien plus sur la place publique en ville-absence d’air en grappes hystériques ... Mais c’est de la guenille.

LA TANCHE C’est étrange comme je suis franche se dit la tanche. Quand je mange le saucisson, je laisse l’hameçon en laisse.

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LÉON

Le lion Léon, de par sa loi se dit le roi des anémones au téléphone. Il interloque toutes les loques qui l’implorent, Lui le Fort, de Naître et d’Être dans l’automne des axiomes.

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L’HIPPOCAMPE Un hippocampe avait des crampes à dormir debout, debout sur le bout visqueux de la queue, sur un sol aqueux. En vertu de quoi n’aurait-il pas droit, lui, cheval-marin et bon vieux parrain du cheval-terrain et anglo-latin, de se tenir droit en comptant par trois pour jouer son tiercé ? Et qui sait ? qui sait ? S’il avait gagné sans trop de saigner ?

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LES HÉRISSONS Il fut un temps ou les hommes en foules perdaient la vie en combattant sous le ciel qui s’écroule. Il est un temps où les gris hérissons perdent la vie en gambadant sur les vastes goudrons. Suivra le temps où les gris hérissons resteront sourds en se heurtant peut-être au mur du son.

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LA GRUE

Je suis cocu ! Qui l’eût cru ? dit le héron, fier chaperon de la grue dernier crû, qui lui dit : Mon petit, mon cher mignon, as-tu des ronds ? - Je suis fauché, j’en suis fâché ! dit le héron hors de ses gonds. - Alors mon petit, je t’avertis ! lui dit la grue. Tu ne m’as pas vue ? Si parfois, mon bijou Saint Eloi, tu me prenais pour une grue, toute blanche, toute franche, folle de toi, piètre hors-la-loi ! Va mon héron tourner en rond, 26


de tes yeux ronds, tout jusqu’au fond, de tes poches de pantalon qui s’effilochent ! 12.7.70

LES GRENOUILLES Deux fripouilles de grenouilles qui avaient le cafard, cherchaient un nénuphar. Ces coquines ! Ces mâtines ! Qui font les garnementes tendrementes ! 21.10.65

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LES AFFREUX Existent des renards qui se lèvent très tard pour croquer bien des poules qui s’endorment très tôt après leurs journées saoules à force crier haut qu’elles pondent des œufs pour nourrir les affreux. 12.4.64

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LES GORILLES De joie, deux gorilles se dorent, se grillent l’été au soleil. Gais, ils s’émerveillent des couleurs natures et de la culture. Comme ils sont heureux ces vrais gaillards deux ! Rien à surveiller, scruter, détailler ; par ce vent nouveau, ils sont tout dévots.

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LE FURET Un furet souffrait du démon de midi de minuit à midi. Toujours il se minait ou bien se démenait. Il fit la nuit le mur pour sortir du terrier trouver Madame Fox-Terrier. Hélas ! il s’empêtra, rencontra le blaireau tout faraud. - « Je vous y prends, gaillard ! déguisé en fuyard ! - « Je ne suis pas enfui ! Voici ma permission de minuit ! - « Filez comme une anguille dans le sens des aiguilles d’une montre à l’heure de caserne ! Et que je vous rencontre traîner dans les tavernes ! Fév. 70 Luxeuil 18.7.70

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LA FENÊTRE Sur ma fenêtre S’est battue Une hirondelle Elle m’apporte Des nouvelles fraîches Des pays chauds. De ma fenêtre Je mets libre Mon hirondelle Elle m’emporte Des nouvelles chaudes Des pays froids. 13.4.69

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LE ZÈBRES Un enfant de zèbre plein de zèle en pull-over rayé faisait des siennes malgré l’interdiction de jouer dans un jardin public. Un drôle de zèbre plein de zèle en pull-over rayé faisait des siennes malgré l’interdiction de tuer dans un jardin public. Ce crime-zèbre plein de zèle en pull-over rayé mourut à Cayenne pour interdiction de tuer dans un jardin public un enfant de zèbre plein de zèle en pull-over rayé.

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ESCARGOT DE BOURGOGNE Venu des vignobles, un gros escargot de fine Bourgogne, tout à fait nigaud, rouge de la trogne, traîne par méandres de conduite ignoble et ne veut jamais quitter sa coquille, en bon casanier, sauf pour voir la file du cabaretier. Il crache ses cendres de pipe allumée afin que dérapent vélos et autos, l’humide rustaud retient par la corne son amie qu’il orne de sa bave à vendre folle qui s’attrape !

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L’ÉCUREUIL L’écureuil d’âge mur cueillait de beaux fruits mûrs. Et sa pensée agile, sur la branche fragile faisait la cueillette de pensées : « Je n’ai rien dépensé même pas entamé mon pain blanc le premier. J’aurai plutôt mangé de la vache enragée. A bien considérer à travers cette raie de chaud soleil vermeil cette abondante treille, j’ai fait le poireau toute ma vie, je suis riche en radis. Alors puisque j’en crache, pour les économies, je porte fier panache, belle physionomie. » 12.2.70

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LES DURS A CUIRE

Un daim en veste de daim un agneau en blouson d’agneau un veau en gants de peau un vison en manteau de vison un renard en toque de renard un cheval en sabots de cheval un ours en peau d’ours une vache en peau de vache s’entredirent sans contredire : Nous avons fière allure avec nos peaux et nos fourrures ! Nous sommes des durs à cuire protégés du pire, du froid et du chaud !

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DINER-CONCERT Une carpe fluette gratte de la harpe aigrelette Un sonore hareng-saur joue sur un piano à ressort Dans la vase une tanche se tue au saxo à deux anches Un barbu poisson-chat prend l’harmonica, le pacha un gardon polisson crie dans le basson si profond Le brochet vaniteux se fait violoneux de son mieux El la morue dirige d’un air qui afflige ô prodige ! J’apprécie ces doux airs goûtant mon poisson ... de concert.

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DINDE DE POULE L’autre jour en voiture j’ai failli estourbir une dinde de poule qui trépassait la route même avec son air de gros derrière en l’air ! J’ai fait bonne figure en pensant me réjouir d’une dinde de poule pour bien casser la croûte même avec mon air de cul de jatte en l’air !

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LE CRAPAUD ET LA LUNE Un miséreux crapaud prêt à fuir en défroques, tout boursouflé de cloques, très à court de tempo voulut chercher du vétérinaire comme on fait d’ordinaire pour traiter la matière. - « Vous souffrez du cancer ? Toujours cette misère ! Elle vient de la sève. Vous savez, on en crève ! Ingurgitez la fève anesthésique Branchez-vous donc à la pile atomique. Les bronches s’horripilent et les tumeurs s’empilent, mais ce n’est pas grave. On vous fera descendre à votre cave. » Le miséreux crapaud se sentant mal dans sa peau commença sa prière en vue du cimetière Il décida de partir pour la lune, et eût droit à la une des plus grands quotidiens, au respect pur des chiens Lui qui se situait bien en dessous de zéro fut pris pour un héros bien guéri, averti, aguerri, converti.

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LA CORNEILLE Une brave corneille avait mal aux orteils va voir le caporal qui avale son râle Allez voir l’adjudant ! Il a bien mal aux dents. Voyez le capitaine ! Il est à la verveine. Voyez le colonel ! Il a la varicelle. Voyez le général ! Je le trouve très pâle. Voyez le régiment ! Ah ! il est bien portant ? 12.2.70

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LE CHAT GRIS DE GOUTTIÈRE Repu de sa rêverie diurne, un chat gris de gouttière roule miaous nocturnes pour une aventurière, s’irise de colère après la minaudière qui le trompe, incendiaire, avec un titulaire. Il découvre furtif une nuit cet autre maudit gris, amoureux comme lui de l’ingrate en furie. Un duel imbroglio a lieu sur la gouttière : coups de griffes, de crocs pour une chatte aux yeux de gouttière. Notre combattant gris projette vif à terre son adversaire épris ignorant le mystère Le naïf tout surpris n’empêche pas la chatte cachée sous la gouttière d’aimer toujours plus le rival gris.

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Le chat gris de gouttière ne sait pas que la nuit surtout sur la gouttière les autres chats sont gris.

LE BULL-DOG Un bull-dog qui travaillait chez Bull, faisait souvent la drague à en perdre la boule, dans les drugstores dans les snack-bars, fort en vogue Il y prenait des grogs, il y vendait des drogues et s’y mettait en rogne. Il s’amusait à en faire des vertes, des pas mûres. Il y jouait au dur, arborant de grands airs. S’il cognait, il était bien souvent et groggy et drogué, mais dans le vent !

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TU AS ... Ma biche, Tu as de la barbiche ! Ca te dessert lui dit le cerf.

Mon cerf, tu as une poigne de fer ! Si je m’en fiche ! lui dit la biche. Montauban 12.2.70

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LE CRAPAUD Un crapaud fort beau fort gras visqueux heureux par un soir de Septembre pénètre dans la chambre de ma mère affectée de ma mère affolée qui implore secours tout aux alentours Moi je pris sans mépris ce crapaud beau et gros mais visqueux et malheureux loin du lit pour la nuit. Herbault 21.10.65

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LES TOILES D’ARAIGNÉES Une vieille araignée tissait vite sa toile d’araignée avec du fin voile de fumée bleutée Une jeune araignée tissait vite sa toile d’araignée avec des étoiles de la voie lactée Il ne faut pas fumer buvez du lait dit la jeune araignée à la vieille araignée Vous serez toute blanche entre deux ramelles de branches. 12.2.70

44


LE VIEIL ÂNE Un vieil âne peinait à porter un bât lourd à chaque heure du jour. Il n’avait plus d’idée pour résister à l’avancée à reculer l’aider. Il rencontra dès lors l’écrevisse du bord de la rivière herbue où il se désaltère la figure barbue de sueur et poussière. - « Tu es vanné, mon fils ! lui dit notre écrevisse. Pour te faire opinion, avance à reculons ! » L’âne fit la manœuvre, en sortit un chef-d’œuvre Il se débarrassa du fardeau de balourd et puis il avança enfin libre du jour. Février 1970 Luxeuil 21.7.70

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LE BOA Un beau boa s’enroule à un baobab et demande au nabab tout ébahi : - « Tu n’as pas du tabac ? que je retourne, ah ! Zut ! au chahut du bahut ! 14.2.70

46


AUTRE MOUCHE

Une autre mouche les a piqués à la figure. Ils sont piqués je le sens bien. Barbe de mouche et de piqûre à la figure et de morsure à la pensée ! Bordeaux 30.11.65 - 9.6.67

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CONFITS ET PÂTES Un troupeau de canards défilait au pas d’oie, dans un chambardement de coincoins. Un troupeau de jars, d’oies, qui marchait en canard se bouleversa dans tous les coins. Ces troupeaux du hasard se finirent en foies, confits et pâtés de coincoins. Ces troupeaux de guingois échouent sur les remparts obscurs de leur aveugle tintoin.

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DEUX TOUTOUS Deux toutous passaient côté à côte, la tête haute, à l’aventure d’une aimée créature. Puis, rapides, habiles, sur une automobile arrêtée dans la rue, poussiéreuse et déchue vite ils précipitent leur truffe qui crépite. Ils font la roue en signe de courroux et d’un certain pouvoir sur une chose de trottoir qui dissimulait le passage d’un cher visage. Fiers comme Artaban ils repartent, les forbans, indifférents du site à la poursuite. Herbault 21.1.65

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LA CREVETTE Bleu-marine une crevette d’imagination de réputation s’est faite une bonne réputation surfaite défaite refaite défaite Crevette s’est faite une mauvaise réputation surfaite défaite refaite défaite Crevette s’est faite une réputation sans réputation La réputation : c’est l’imagination pensa la crevette bleu-marine qui en creva.

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LE TAUREAU L’inséminateur est si radieux ! Regardez-le partir en vélo s’occuper de sa progéniture ! Le taureau normand est si furieux ! On voudrait lui prendre son boulot, lui si fier de sa magistrature ! Il lance un coup de corne revêche, expédie du côté de la crèche son gestionnaire à drôle de hure. Je m’occupe moi de tes affaires ? Je n’ai pas besoin d’intermédiaire ! Je reste maître de ma nature ! 13.4.69

51


LE TROUPEAU Un bélier engageant promène son troupeau de moutons enragés et mordillé aux pattes par un chien de berger au bord du précipice

Le bélier engageant précipite un berger engagé à l’avant au fond du précipice Le troupeau affolé engouffre le bélier et le chien de berger lui mordillant les pattes tout au fond de ce gouffre

Le troupeau ténébreux appelle son berger son bélier et son chien de berger. Sans espoir de rappel s’abîme à son tour dans le noir des ténèbres.

Il ne faut pas agir sur un coup de bélier.

9.5.69

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LA VIE DU PARISIEN

Le pedigree des chiens C’est d’être parisiens. La vie du Parisien Est une vie de chien. Qui vit en chien de luxe Qui vit en chien de course Qui vit en chien de chasse Qui vit en chien de cirque. Vie de chien de quartier Vie de chien de faubourg Vie de chien de terrier Vie de chien de fusil. Le pedigree des chiens C’est d’être parisiens. La vie du Parisien Est une vie de chien. 28.11.63

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LA TOURTERELLE La tourterelle s’envole à tire d’ailes de sa cage en ficelle qui volerait à tours d’ailes Elle fut bien celle dans sa cage en ficelle Elle est bien celle qui vole en tourterelle dans le ciel sans ficelle. 14.2.70

54


LA MORT DU PETIT CHEVAL

La mort du petit cheval dans les bras du tombereau c’est le travail La mort du petit cheval dans les bras du jockey c’est la course. La mort du petit cheval dans les bras de sa mère c’est la vie. La mort du petit cheval dans les bras du boucher c’est la mort. 13.2.70

55


LE LÉZARD VERT Une paresse-lézard résonnait une cloche orchestre du hasard sur la plus dure roche Il n’était pas si bête notre long lézard vert solitaire à tue-tête d’avoir redécouvert les ding-dong cristallins pour réveiller le monde au soleil du matin et danser une ronde. 14.2.70

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AUTRES PUCES Je me suis gardé une, deux, trois, puis dix petites puces en réglisse qui ont sauté. Elles m’ont laissé une, deux, trois, puis dix petites cloques en délices qui m’ont sucé. Je me suis donné une, deux, trois, puis dix petites claques en sévices qui ont sonné. 21.10.65

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SUR UN ARBRE PERCHE ... BESTIAIRE II

Montauriol-Poésie

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LE MORS AUX DENTS

Dans un champ un tracteur et un cheval se querellent. - Je travaille plus vite et ne crotte pas les chemins Je suis net, économique. - Je travaille mieux et ne pollue pas Je suis net, économique. - Silence ! hurle leur paysan. Sinon, je prends la clé de contact avec le mors aux dents. Vous n’aurez plus la clé des champs !

DEUX TÉMOINS

Tiens ! Les marsouins et les pingouins sont les copains non des humains - tous des sagouins mais des babouins qui ont besoin de doux témoins.

59


CE BEAU MERLE Ce beau merle avait une cervelle d’oiseau. Mais, sa vie durant, il sut glaner du blé, en faisant le coucou, ici et là. Il se prit alors pour un aigle régnant sur les vautours. Mais à force de jouer au paon et de chanter comme un coq sa fortune aux poules chaque main, il finit par faire des jaloux : des corbeaux écrivent des lettres anonymes aux poulets. Des perroquets répétèrent à tous les échos, à tous les échos, qu’il était trop riche. Il fut plumé comme une volaille et mourut tout nu dans sa volière, mourut d’ennui sans siffler. 11.02.95

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BAGARRE Sur les branches d’un vieux chêne deux écureuils se livrent bataille, une terrible bataille. Les feuilles voltigent au soleil. Les corneilles à l’œil d’émail croassent pour donner l’éveil au bétail qui sommeille en silence dans la campagne. Bouvreuils et abeilles s’envolent indignés. Un chevreuil surveille il cligne de l’œil et se recueille en se disant : « Il faut sans cesse que ces deux canailles s’égratignent. Il iront droit au cercueil. Plus utile serait de songer en détails au travail des provisions pour l’hiver et de préparer chacun son bercail ».

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DES MOTS Une future belle-mère dit à son futur gendre moi, j'ai toujours le dernier mot.

Le futur gendre dit à sa belle-mère Avec moi vous aurez toujours l'avant-dernier mot. 06.11.93

CANARD Je suis malade à cause du foie de canard dit un très grand chef.

Je suis malade A cause du froid de canard dit un S.D.F. 24.04.94

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LE COBAYE Cloué dans sa boîte grise toute moite, prisonnier de paille, le cochon-cobaye jeune et roux expose sa nudité muette noyée dans sa tête. Ses yeux oval-noir se fixent, expriment, le jour et le soir, dénués de déprime sa vitale crainte, sans gémir ni plainte. Dans le vestibule reclus de la boîte à nature étroite, chaque mandibule suractive songe, tout en grinçant, ronge l’avoine-présence, le navet-absence, la molle épluchure de l’insignifiance. Et son corps en boule inerte se saoule de nos déchirures, de nos importances. Est-il sans emploi de quatorze doigts ?

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LES FLAMANTS ROSES Tout baignés d’ondes vertes les flamants roses chantent et dansent ballets et menuets bleus. Du fond des vallons la gigue d’amour écholalise.

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LES SINGES Après un long voyage, le cirque s'installe sur la place du village. Les singes se bagarrent dans leur cage et guettent les spectateurs qui les singent. Une guenon gratte un quignon de pain. Un chimpanzé se languit d'ennui à tirer la langue aux gens qui gisent dans leur gangue. Une grille plutôt sage parcourt sa cage en long et en large en jugeant la vie plutôt triste. Des canailles au cœur en guenille lui lancent des cailloux de bêtise. Les gendarmes les encagent Les gens ennuagent Un petit garçon gémit de peur Mauvaise blague qui le fige comme une tige. 30.06.88

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BROUILLE Deux débrouillards s'étaient brouillés dans le brouillard. Mais cette brouille ne resta qu'un brouillon. 26.01.88

PRAIRIE Dans la prairie les uniformes broutent Vaux vaches chèvres et moutons sous la garde d'un brave berger bizarre et d'un drôle de chien gris. Ce berger aboie et ce chien rit. le troupeau ébahi sourit.

26.01.88

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LES HIRONDELLES Avril en ribambelles Venue des hirondelles Toutes dans le ciel elles tracent des arcs-en-ciel dessinent des dentelles apportent des nouvelles de la saison charnelle. Leurs retours ritournelles nous battent le rappel pour l'ÊtÊ de cisèles dans les nuages-gazelles carrousels archipels Kyrielles de jumelles plurielles demoiselles. Finies les hirondelles ... Avril en hirondelles et en nids de nacelle est devenu mortel. 29.04.88

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SOUS LES FEUILLES L'ĂŠcureuil agile le bouvreuil gracieux le chevreuil furtif tous gentils discrets bruissant sous les feuilles. 30.06.88

68


UN MOUTON Un mouton se disait qu'il était le moins niais parmi tout le troupeau qui lui vendait sa peau à son fier chef de troupe. On lui voyait la croupe énorme autoritaire ignare téméraire. Par paquet et par vingt il menait au ravin ses sujets résignés à la mort qu'il signait. Fatale catastrophe ... La bêtise s'étoffe ... Le vrai mouton en queue de peloton échappé du délire par peur de s'avilir chantait dans les croûtons en narguant le patron. 18.03.88

69


BENOĂŽT BenoĂŽt se chamaille avec la volaille. Il jette des cailloux sur la poulaille par-dessus la muraille et le grillage. Petite canaille qui aime les criailles. 14.05.88

70


L’ÉPERVIER L'épervier plonge en trombe comme pierre qui tombe sur une compagnie de perdrix assainies par la mort qui les hante dès l'envol d'épouvante. Le prédateur s'élève avec la proie qui crève prisonnière des serres à puissance de fer. ses fortes ailes amples sont un temple qui tremble. L'assassin disparaît vers le nid du forfait. Une traînée de plumes d'un oiseau mort qui fument. 18.03.88

MON CHAT PERSAN Mon chat persan descend tout droit à cent pour cent du chat d'Iran. C'est un pur sang. 22.03.88 71


COUP DE FOUDRE Le vent souffle et hurle, Le sable colle en nuages. Des torrents de pluie s’abattent sur la glèbe accueillante. les éclats de tempête brutalisent le miroir de la route. Le giron de la plaine reçoit les ruisseaux fous. Les blés titubent, et, enivrés, se couchent. les arbres blessés claquent des dents, ils tirent avec furie sur leurs racines. comme pour prendre la fuite. Les fleurs, tête baissée, pleurent doucement. Les herbes tremblent nerveusement. Les plantes se plient et supplient, les troupeaux effrayés s’électrisent et se paralysent à l’étable dès le coup de foudre.

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FAUNE NIGAUDE L’aubépine est fleurie et le sureau embaume. Dans le pré un troupeau s’abrite sous les saules. Un veau gambade et saute. Les vaches ruminant ont les yeux qui se vautrent. Un gros taureau fauve se cogne à coups d’épaule aux poteaux de l’enclos. Un moineau survolé tressaille puis se sauve vite vers les cieux mauves. Couleur vive qui tranche sur la neutralité de la faune nigaude. Un peintre en baguenaude s’en ferait gorge chaude. 23.03.88

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UN PERROQUET Un perroquet sur son piquet siffle un couplet รงa c'est le bouquet

23.03.88

74


MES ANIMAUX Mes animaux préférés ne sont certes pas le grand chameau velu de mauvais caractère ni le corbeau tout noir qui écrit des lettres noires ni le brave veau trop de gens sont des veaux Mais le fier moineau qui ranime la vie. 23.03.88

HASARD Disparaît l'isard disparaît l'ours bizarre course vers l'étrange hasard.

04.09.88

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NOTRE COCHON Notre gros cochon grogne. Par effort de sa pogne notre petite bonne lui ouvre puis lui donne des trognons des quignons du cochon du jambon. Mais notre cochon grogne sans cesse et sans vergogne 04.03.88

DANS LA PEAU Je n'aime pas le chameau le corbeau le taureau. Mais j'aime mieux le moineau qui a la joie dans la peau.

30.01.88

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LA GIRAFE La girafe tête à baffes photographe pornographe piaffe. Paf ! Elle agrafe l'épitaphe autographe sur le staff : "girafe en carafe pour ses gaffes". 30.01.88

LE RATIER Le ratier s'est goinfré du rôti de veau et des raviolis. Il ne sera ni valide ni volubile. 05.02.88

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DEUX MARSOUINS Le marsouin mammifère marin enfant de la marine qui domine les mers. Le marsouin cette âme à fer marin soldat de la marine qui piétine les mers. Deux marsouins qui prennent l'air marin à l'abri des usines ces famines des mers. 22.02.88

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LA VIPÈRE Valérie va vers la villa de Vanessa voir la vidéo. Les filles volubiles bavardent vidéo. (mais la mère sévère n'en veut pas) Elles avalent des vitamines, des raviolis de Victoria. Vives, elles s'en vont voir un virtuose du violon, grande vedette de Vivaldi. Puis passant par la Vallée du Var, elles devinent une vipère cachée sous un pavé, non loin de Vacares. Elles se sauvent vite, livides. Dans la nuit, elles rêvent qu'en une profonde cave, la vipère venant d'une cuve les avale. Les filles n'en sont pas revenues. C'est la vie ! disent-elles au réveil. 30.01.88

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LE PÈRE MARTIN Au bout du chemin bordé de sapins, vois la basse-cour tout près de la tour du Père Martin. Le Père Martin est riche et malin car il a de tout, plus beaucoup de sous, poules et poussin, dindes et lapins, des souris aussi ainsi que des rats et puis un gros chat qui chasse souris et rats tout surpris 11.01.88

80


LIBELLULE

Libellule belle a vu bel ami débétère. Libellule a pris sa gélule de plaisir éphémère. 24.01.88

81


LA FORET L'homme prédateur dort. Toute la forêt se réveille. Les arbres frémissent, craquent, gémissent. Les chouettes pleurent, miaulent avec des airs pensifs ou craintifs. Soudain ... une séquelle de piétinements lourds trouble les bruits silencieux : une horde de sangliers sans gêne dévalise à coups de hure, à coups de pieds cette chambre forestière intime. Un chien hurle à la mort. La lune, sylphide effarouchée, disparaît à travers cimes et ramures 15.01.88

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CES DEUX PIGEONS Ces deux pigeons ils s’aimaient tendrement à jamais sans tourments dans leur donjon. - M’aimeras-tu toujours ? lui demanda-t-il, volatile. - Je t’aimerai toujours ! lui répondit-elle, tout en battant des ailes. En chantant, en chantant, ils firent des enfants qui envahirent tout le château, qu’ils enrichirent incognito de nouveaux marmots, fortissimo.

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J’AI PONDU J’ai pondu un œuf tout neuf crie la poule à la foule. J’ai pondu une bille qui brille crie le lapin aux galopins. Mais c’est une crotte dévote qui ne sent rien crie le chien.

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A L'ENDROIT ? Aurais-je fait un cauchemar de canard de barbarie ? Le lion donnait la viande au dompteur Le cheval promenait sur le cavalier Le chien promenait son maître en laisse Le coq se déguisait en pendule à quartz La souris dévorait le chat. La vache essayait de traire la fermière. Les soldats passaient les généraux en revue. Les fautifs jugeaient les jurys. Les élèves notaient leurs maîtres. Les malades soignaient les médecins. Les morts ressuscitaient les vivants. Je me sentais tout à l'envers dans ce monde à l'endroit.

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TOURNEBROCHE Un kangourou en vie par froufrou apostrophe sa limitrophe, sa kangourousse qui en tousse : - Alors chérie, on attend un heureux événement ? - c'est dans la poche, cher Tournebroche !

LE SORBET Une maman scarabée appela un abbé pour apprendre l'alphabet à son bébé scarabée qui finit embourbé, la cervelle plombée. Glacée, la mère scarabée en avala son sorbet.

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TOUJOURS ET PARTOUT Toujours et partout Oui, moi maître chien. Toujours et partout j'existe par vous j'existe pour vous. Je suis avec vous Je suis tout à vous. Je supporte tout Je vis pour mon chien.

JE CORNERAI Ah ! les vaches ! Ils l'ont embarqué ... l'ordre venait de la Place Beau-Veau. Il dût se mettre étable. On lui mit l'oreillette à l'écoute On lui en mit plein la panse On le fixa sur un poste à la chaîne On le tatoua, on le marqua. Il eut vite assez de cette vie d'auge C'est depuis qu'il rumine : - la prochaine fois, je cornerai.

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BAIN D'HUILE La vie ? ... Une grosse boîte de sardines étouffées par maquereaux et morues. Les requins y jettent la panique. Heureux les pauvres pêcheurs ! Ils prendront bien un jour tout ce monde enrequiné dans leurs filets. Après une belle criée, la vie baignera dans l'huile. La vie ! ...

BOUQUIN Un bouc et une bique se mirent donc d'accord sous un beau soleil d'or pour faire un gros bouquin câlin, taquin, coquin, avec un crayon Bic.

O RAGE O rage o désespoir s'écria le renard traqué par des détraqués enragés, désespérés.

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EN KIMONO Un gai moineau en kimono piquetait picotait libertin du crottin de cheval : un régal si rare ! ... Mais hagard, suant, puant passe un camion comme un souillon. Égoïste ! Barbariste ! crie le moineau en kimono Hurluberlu ! Fou ! Tu pollues ma nourriture et ma figure !

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Puis le moineau en kimono fit une prise en expertise à la traîtrise de poidslourdise qui s'écroula et s'affala goutte à goutte sur la route de la nature maintenant pure et sans souillures. Le gai moineau en kimono poursuivit pour la vie son festin de crottin de cheval : un régal !

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MES ENNUIS Moi, ton ami, qui aime tes thèmes, j'ai suivi ta thèse à l'aise et mes ennuis de punaises se taisent.

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LA VIPÈRE La vipère fait le lézard au soleil. Le lézard, de sa langue de vipère gobe les mouches. La vipère vilipende le lézard qui se lézarde.

LA MOUCHE Une mouche m'a piqué La grenouille l'a mangée. le hérisson a croque la grenouille Le renard a dévoré le hérisson. Me voilà bien tranquille ! Je ne prends plus la mouche.

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LE FAON ET LE PAON Drôle de ouistiti, un timide faon avait attiré un orgueilleux paon dans un guet-apens. Il prit son fusil, le timide paon, et il a tiré sur l'orgueilleux faon rendant l'âme au vent. Et depuis l'on dit que la roue du temps ne tourne plus rond autour de ses gonds. Ainsi va la vie.

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JOJO MÉROU Ce jojo Mérou était apprivoisé, paraît-il. Ce Jojo Mérou avait apprivoisé, paraît-il ces maquereaux de marlou qui, l'été, ont osé, paraît-il, s'amuser, à le tirer ! Imbéciles !

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LE LAPIN Un lapin gris de clapier s'évade dans le potager. Son nez lance de frénétiques révérences à la salade qui ouvre ses feuilles. Un tigre chatte le piste, glisse sur le toit-luge du clapier, attend furtif, se met en arrêt. Le chien loupé, attaché et niché d'à côté hurle de colère et d'envie après le chat-lapin. Le lapin oreille ses tuyaux d'orgue. Le chat rebrousse-poil en flèche. Le lapin grignote la salade réduite en trognon imperturbable, puis s'éclipse sournoisement, tel Arsène Lapin. Le quignon de queue en l'air. griffes feintées du chat, pleines gueulées du chien : Deux coups pour rien.

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MON PETIT LAPIN Mon petit lapin aime le pain mais il n’aime pas le vin. Mon petit lapin aime le foin, la citronnade point. Mon petit lapin, s’il fait le beau nous montre son jabot. Il lève les pattes de devant, pianote honnêtement. Mon petit lapin me fait la moue. Je caresse sa joue. Si j’appelle Fifi dans sa niche, ses oreilles se fichent. Mon petit lapin n’est pas à l’aise, posé sur une chaise. Il scrute plafond, sol, horizon d’un regard moribond. Mon petit lapin étonné grogne, aux murs il se cogne, si je le chasse avec le balai quand il ronge un buffet. Mon petit lapin remue le nez, comme s’il ruminait les minutes qu’il passe à dormir. C’est tout son divertir.

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ET POURTANT ELLES PONDENT

Quelque chose me hante : Lorsque les poules chantent leurs pensées archipelles, qu'elles crient leurs séquelles de triomphe ogival, par gorgées qui cavalent, ces poules, savent-elles dans leur têtes sans ailes, vraiment ce qu'elles pondent, pour qui, comment, pourquoi ? Pourtant elles se croient utiles, valeureuses, enchantées et heureuses. Leur monde est tout un monde. Et pourtant elles pondent.

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SE TAIRE Un jour, l’Âne Martin se prit pour Saint-Martin. Il voulut partager ses idées. Il faut bien s'entr'aider. Sans longtemps méditer, il se fit éditer à mécompte d'auteur sans trouver de lecteurs. Ah ! Comme il coûte cher de ne savoir se taire !

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LA NEIGE ET LA NICHE La neige ankylose en campagne, ensevelit les toits des fermes et villages, ensevelit les bois, les champs et les routes. Sur un pré de neige, s'amuse un lièvre autour de ses empreintes. Au moindre clic, clac, cloc, il recule, il s'effraye. Et puis, à mon appel, il s'approche, il bondit. mais dès la brusquerie, en essors ronds et longs, vers le large, il s'enfuit. Cette nuit-là, je fis donc un rêve. Devenir lièvre de la pleine nature, gambadant sur la neige, y dessinant des traces, un trou, j'avais creusé, m'y blottissais, m'y cachais. Dans ma niche avec madame lièvre, je jouais, je jouais ...

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COQUECLOCHE Du haut de ma tour ancestrale, moi, coquecloche le coq du clocher je scrute la vie qui s'éveille au soleil du matin. Les volets s’entrouvrent, puis s'ouvrent comme des pétales de roses écloses. L'odeur du pain cuit embaume le village qui a faim. Mes fourmis d'hommes et de femmes envahissent chaussées et trottoirs. Est-ce l'ardeur au travail ? Non ! le coeur n'y est pas. Les carrefours éclaboussent de voitures. Des vélos ouvriers se faufilent parmi les auto-reines. Les klaxons sont des réveils-matins qui retardent. Les enfants babillent vers l'école que désigne son portail quotidien.

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C'EST BIZARRE C'est bizarre ! se dit la gazelle. Regardez-moi ce lézard qui fait des zigzag sur le mur du bazar ! J'en ai compté treize à la douzaine. Regardez-moi ce drôle de zèbre qui fait le lézard avec une dizaine de lézards au souffle du zéphyr en misant sur Zurich ! Je lui avais pourtant bien dit de dessiner un trapèze en plein sur le gazon, tout en faisant du trapèze pour former ses zygomatiques ! Tant pis pour lui, pauvre zinzin ! Il aura zéro sur treize et n'ira pas à la quinzaine commerciale gagner la gazinière en zinc ornée de zircons. Mais il ira, oui, il ira exprimer son zèle de Tarzan sur la Côte d'Azur ramasser du mazout. Il sera au Zénith de sa productivité.

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Nom de Zeus ! Je le trouve bizarre, ce lézard ! Sous quel signe du Zodiaque est-il né ? Où est-il né ? Au Zambèze, En Corrèze ? En Zambie ? Chez les Zébus, Je n'en puis plus ! J'en zozote, pauvre gazelle ! Et puis, zut ! Je le zigouille ! ce sale zouave ! Sinon, zélé comme il est, il sèmerait la zizanie jusqu'au Zanzibar et dans tout le Zaïre. Pourquoi pas en Nouvelle-Zélande ? Ouf ! J'ai bien mérité mon manteau de Zibeline ! Que je m'éloigne vite de cette zone à zona ! Mais si ce lézard zélé était un zombi ? Alors tout se lézarde avec ce zazou. C'est bizarre !

102


LE COQ FOU Le coq fou de colère a la crête écarlate, s'attaque à la fermière qui le prend par les pattes pour le jeter en cage. L'imbécile étonné s'agite, crie, enrage, paraît plutôt sonné.

103


LA VACHE DU RÊVE Une vache à lait s’échappa d’un enclos, déclos. Un chien-berger, étoile de berger poursuivit la vache, quatre à quatre, patte à patte. La vache à lait franchit, en franchise, le fossé, défoncé. Le chien-berger, belle peau de vache retint la vache par la queue, ni queue, ni patte. le vacher, fâché, poursuivit le chien, qu’il saisit par la queue, queue leu leu. Joli trio, qui tirait, qui piaffait ! Le charme se rompit jusqu’à la queue du train boute en train ... La vache, un peu lâche, s’engloutit dans les champs, le chien-berger, dans les bras du vacher, avachi sous les vergers, à l’heure du berger ! Un vacher qui jura de ne plus tirer les diables par la queue, ni queue, ni tête.

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LA PETITE CHIENNE Ton pelage est crème marron Tes pattes œufs en neige battent si vite. Qu'un lévrier en flèche ne pourrait t'arrêter. Tu baignes tes yeux, dans le bleu de l'azur pour me dire l'amitié.

L'ASPIC L'aspic nous mord l'aspic nous pique l'aspic envenime l'aspic assassine. L'esprit si fort l'esprit viatique l'esprit nous ranime l'esprit nous vaccine.

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CHER AMI Cher Ami, tu viens me voir. Inespéré ! Cher Ami, tu viens me voir, désespéré ! Mais où as-tu mis ta femme ? Cher Ami, je viens te voir, sans espérer ! Un ami m'a pris ma femme ! Cher Ami, tu viens me voir pour espérer Tu trouveras la vraie Femme ! 15/11/1991

LA CHIENNE La chienne de la comédienne est une très bonne gardienne. La chienne de la musicienne est une vraie bonne à rienne. 06/06/89

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