Vers et prose Résonances Echantillon

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FRANCK LOZAC’H

RÉSONANCES

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RÉSONANCES I

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Qui seras-tu

Qui seras-tu

tu ne sauras pas qui j’étais

Je t’ai connu

très peu

produis-moi !

Par ces lignes, pareilles aux lignes de X Que la main s’active dans le jour, dans la nuit Par-delà l’impossible à atteindre, à transmettre Niant les mamelons, le pubis, les pieds des femmes Cherchant un sacre aléatoire, dérisoire, nombriliste Ton front large, vide, chargé de livres Et l’axe de ton sexe, limite tendue La femme est abstraite, irréelle, jambes longues, Ta bouche prophétique murmure quelques airs Virgiliens, davidiques, saloniques Vers moi, je descends, plonge, Les Dieux toujours devant mes yeux, Je remonte pour y tirer de l’ancien Corde et puits, - plus tu lui prends, plus il est grand Malgré moi, conscient du rien, j’insiste. Pour peu de sexe peut-être Mon jour s’enfonce dans ta nuit D’épiderme, de rides, mascaras, chevelure, Nous échangeons nos souffles Je me transfuse en toi.

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Suis-je Suis-je l’ange de moi à moi de moi à toi ?

Il faut quoi ? _____ rien

Je te le dis : redescends Et puis non : je ne sais

here want to stay here Don’t want to ? ... Le désir d’être, sans paraître pour son propre règne, sa propre gloire ____grandeur

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Je crains

Je crains de me décevoir d’une envie

de détester ce que je suis

la mémoire se déforme

manquant s’impose

je jongle avec le vent

le dérisoire succède au dérisoire

sera comprise de personne n’est-ce pas ridicule ?

je refuse de parler je vous ennuie

je souffre le

ma lutte ne

je prétends penser

je vous ai dit d’entrer, et

personne n’a franchi le seuil.

Je te devance Je te devance, tu me crois meilleur, m’espère Propose pour toi - de toi à toi. Un nouvel être mieux formé, plus précis. Une fièvre intérieure, d’aventure. Avançons, disais-tu. Je t’aide, t’aide ; il faut du encore, du mieux. Corrections, neurones, cerveau, ce mécanisme associatif. Cette volonté d’ajouter. Protège-toi, évolue, monte. Recueille des produits nouveaux.

On saisit le fulgurant, au bord de son tremplin, de vide, de rien. Qu’est-ce que la pré-inspiration divine ? Cet impalpable de substance créatrice ? Oui, dans l’insécurité de l’invention où l’on cherche du valoir.

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À nos z'actes marqués

Je pense à ton échec, à tes manqués, à tous ceux que tu indiffères, elles les ombres te connaissent, t’admirent, te crucifient. On se penche sur tes travaux qui n’excitent que ton habitude métroaniaque. Tu survies sans la fréquentation des autres, en parfaite egocratie - c’est ça - je suis un egocrate - esclave et dictateur de moi-même. Rends-toi compte : tu vas disparaître de chez les hommes, disparaître !

Et cette élévation

Et cette élévation que je désire en exploitant ce que tu me concèdes. Je cherche autrement, par du peu varié, déplacé - enfin ! ... Il ne s’agit pas d’une imposture, c’était une vérité oubliée, rejetée mais vérité toutefois. J’avance dans ma certitude ?

OK je doute.

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Mélange J’ai l’indécidable, des continues sans dérivées, être, ne pas être en alternance, inclus, exclu, contradictoire, j’ai besoin d’une philosophie ouverte et non figée d’après Bachelard, j’ai d’après Deguy le seul à seul, l’inusable, ma réplique grise, ou cervelle de résonance ?

Le tri, le choix, le vol, Le rangement, l’enfilade, le côte à côte, une à une confondu,

Je juxtapose son principe et le mien - connu de personne, témoin du silence, dessous - moi, quoi !

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Yeats - translate

I Non, ceci n’est pas une contrée pour hommes âgés, les jeunes, dans les bras l’un l’autre, les oiseaux dans les arbres - ces profusions d’effluves - et leur chant - les repères des saumons, les maquereaux en foule dans la mer, tout ce qui est poisson, ou plume célèbre tout au long de l’été ce qui va concevoir, naître et mourir.

Emportée dans cette musique sensuelle, toute vie rejette les mouvements de la fluide intelligence.

II

Un homme qui a vieilli est bien pauvre chose, des lambeaux de guenilles sur un maigre bâton à moins que son esprit ne s’enthousiasme et ne chante toujours plus fort à chaque nouvelle écharde de son manteau de mort. Pourtant, il n’est pour le chant qu’une école, celle qui consiste à étudier les moments où l’âme resplendit de sa propre magnificence.

Voilà pourquoi, je suis allé au-delà des mers pour atteindre la Sainte Cité de Byzance. 8


Ici vraiment peu

Ici vraiment peu ou rien avec des courbes sans fonds

rien que du papier avec des droites

quelques signes

sans forme

qui veulent naître

qui provoquent la nausée. Je comprends aisément l’indifférence puisque je vais vers le néant - mon néant J’y vais seul

je ne veux pas vous entraîner

Je plonge dans mon Temple

quelque chose de solitaire

Parmi les déplaisirs d’un produit méprisé

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Sans et honte

Écriture sans pensée, sans avenir, sans mémoire grecque ou latine, sans espoir d’un meilleur, sans règle, sans loi, sans invention, sans création, d’initiation, de rien peut-être. Quelle est ma certitude ? Certitude d’angoisse. Ma maîtresse - la science - faible esclave poétique, je suis soumis à la honte, à la médiocrité, et j’admire sa grandeur. Comment, comment puis-je me débarrasser des chaînes de la honte chargées de ridicule ?

Enculé

Où vais-je

Où vais-je

prenant et prenant la Muse ? quelque chose de dur en moi, d’inversé - est-elle

derrière moi ? Oui, essaie, essaie, encore plus loin - c’est ça. A genoux, soumis, puis - humilié, ridicule, éjaculant encore

Bête et ange, premier et esclave La preuve est faite qu’il faut savoir évoluer

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Du encore

Où seras-tu dans mille ans ? Suppose que ton avenir soit, sous quel prince, quel dominateur sous quel régime ? Merveilles et apothéoses des sciences, des sciences appliquées et toi, là-haut peut-être !

Tu es petit, je le sais et tu vas disparaître Qu’importe...

Et tu espérais finir à tout jamais, dormir, dormir éternellement

Ou mêler le passé au futur dans un étrange ballet

était avec sera

Le plus difficile est de s’admettre immortel Que peut-on faire du temps ? il en reste partout, partout... J’ai une répulsion pour le vivant 11


et mon ombre m’effraie la survie est angoissante N’a jamais voulu exister mais existera toujours c’est donc du encore...

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Marche en soi-même

Comment marcher en soi-même ? Comment aller vers sa propre écoute ? Comment s’élever ? Je ne suis qu’une onde infiniment rien qui pénètre, sillonne, s’enfuit désireuse d’atteindre le lieu secret de la raison prétendant y découvrir un soleil C’est un rêve de chaleur poétique un flux constant de désirs qui nourrit ma nuit J’enveloppe ma chair intérieure, je la dénude et la pousse aux soupirs comme avec une femme épuisé, serein, exténué, je m’endors

repu parfois

Qui me soutiendrait ? J’ai dans la tête des glaces évocatrices 13


des miroirs courts, menteurs, faussés Non, je veux m’étendre sous des braises exhalées chaudes et phosphorescentes

Peut-être y trouverai-je l’or que j’y cherche ?

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Jérusalem

Jérusalem, je suis venu à toi Ma voix prophétique se nourrissait des paroles d’Isaïe paroles d’avenir paroles de vérité dans une langue claire et pure

Je franchissais la porte du savoir ancien et j’avançais sous la voûte du futur.

Je suis venu, annonciateur de la certitude du fils de Dieu. Quel Juif accepterait d’entendre ? Car il a déployé son arôme de messianisme, de Chrême, et d’amour sur les toits de la sainte ville mais personne ne l’a cru

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Toi - imagine Toi - imagine le ciel clair, l’aube, la naissance du poète, les livres, l’inspiration, la présence à sa table, la ténacité, la volonté et,... etc.

Alors va, produis, pense

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I Je t’ai pensé, imaginé J’ai pénétré en toi ce nous propose un accouplement bizarre, hétéroclite, de jumeaux ennemis

En dedans, en moi, les yeux retournés

II

Une au sexe ébahi les pores, les cils, les genoux, la vulve, les alvéoles, la chair volage l’éja, l’éja, heu ! Jacques ! Puis Roubaud, Deguy, Adonis La chair - non donc la femme idéale, interdite

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Les papillons

Les papillons sont lourds Papillons gras, de sexes de femme Les papillons s’écrasent dans les moiteurs ternes Leurs ailes sont des couteaux qui cisaillent la nuit Leur déplacement des erreurs, des faussetés d’actions Ils pénètrent, voltigent, agonisent Dans les ouvertures, glissières d’orgasmes Auréolés d’espoirs.

Les papillons se meurent dans les ténèbres Ils remontent, bandent, érectent, Les poils, les odeurs, le désir, Puis l’égarement, la lente tombée La renaissance.

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Re commencement

Le soleil lèche à nouveau les vitres L’oiseau attend Et l’or encore laiteux coule avec abondance Les seuils de porte humides semblent sécher

La révolution permanente des astres Tombe sur ma tête rousse Tandis que les sapins sont bleus L’homme à la béquille Tirant sur un sale destin Agrippe sa malédiction honteuse Des milliers d’aiguilles sont enfoncés dans son corps Agrippe, tire, etc.

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Moi, solitaire et tel

Moi, solitaire et tel Avec mots et signes au bout des doigts Je construis de l’intérieur un autre monde Faible, de complexité nulle

Les forces mauvaises me menacent Avec des aiguilles dans les articulations

Tu détestes ce que tu fais Le prétendant malingre, mièvre et ridicule Tu aspires à du gain, Tu veux te rassasier Tu as faim Lis et c’est peu - voilà ton Tout ! Pourquoi as-tu planté dans mon cœur Une graine poétique ?

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Qui a su resplendir Magnifique l’Esprit qui a su resplendir Par-delà les images, en pures paraboles Qui offrait du futur à nos pauvres horloges Et méprisait nos jours dépourvus d’avenir

Son lieu éternel nous était inconnu Nous nagions dans l’éphémère et le surnaturel Le porteur de messages s’éloignait dans le vide

Sublime apprentissage, ô besogne infinie Tu as nourri en moi mes désirs et mes troubles

Le pays est immense et les veilleurs attendent Le bon grain est semence et les récoltes abondent Toujours la nourriture pour combler l’appétence

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On a renoncé

On a renoncé au désir De prendre sexe pour sexe Et imposé le mutisme Malgré l’appel des corps De chevaucher La chair humaine

Après avoir subi La haine de la mort Il s’en est allé agoniser Dans les contorsions De ses étranges douleurs Sur le seuil éternel

Le silence explose dans mon crâne Où j’apprends à écouter L’horreur du vide

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