Recherches sur la sexualité_extrait

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Archives du surréalisme 4 Recherches sur la sexualité janvier 1928 – août 1932 Première séance 27 janvier 1928

André Breton , Max Morise, Pierre Naville, Benjamin Péret, Jacques Prévert, Raymond Queneau, Yves Tanguy, Pierre Unik ANDRÉ BRETON. - Un homme et une femme font l'amour. Dans quelle mesure l'homme se rend-il compte de la jouissance de la femme ? Tanguy ? YVES TANGUY. - Dans une très faible mesure. ANDRÉ BRETON. - Avez-vous des moyens objectifs d'appréciation ? YVES TANGUY. - Oui.

On n'arrive pas à savoir lesquels. ANDRÉ BRETON. - Qu'en pense Queneau ? RAYMOND QUENEAU. - Il n'y a pas de moyens. ANDRÉ BRETON. - Prévert? JACQUES PRÉVERT. - Cela dépend de la femme. ANDRÉ BRETON. - Avez-vous des moyens objectifs d'appréciation ? JACQUES PRÉVERT. - Oui, oui, oui, oui. ANDRÉ BRETON. - Lesquels? JACQUES PRÉVERT. - (Ne répond pas.) ANDRÉ BRETON. - Péret ? BENJAMIN PÉRET. - Aucun moyen. Et Breton? ANDRÉ BRETON. - Il n'y a que des moyens subjectifs, auxquels on peut faire confiance dans la mesure où l'on a confiance dans la femme qui est en jeu. BENJAMIN PÉRET. - Je suis d'accord avec Breton.

RAYMOND QUENEAU. - Dans quelle mesure Breton fait-il confiance à une femme ? ANDRÉ BRETON. - Dans la mesure où je l'aime. Naville, dans quelle mesure, etc. ? PIERRE NAVILLE.- Cela dépend de la femme. ANDRÉ BRETON. - Pouvez-vous, le cas échéant, constater cette jouissance ? PIERRE NAVILLE. - Oui, certainement. ANDRÉ BRETON.- Comment ? PIERRE NAVILLE. - Grâce à diverses illusions d'ordre mental. MAX MORISE. - Si ce sont des illusions reconnues pour telles, ce ne sont pas des signes objectifs. PIERRE NAVILLE. - Je ne crois pas aux signes objectifs. ANDRÉ BRETON. - Un homme et une femme font l'amour. Dans quelle mesure la femme se rend-elle compte de la jouissance de l'homme ? Morise ?

MAX MORISE. - Je n'en sais absolument rien. ANDRÉ BRETON. - Comment se fait-il ? MAX MORISE. - Parce que je n'ai aucun moyen d'information. PIERRE NAVILLE. - Quels moyens d'information croyez-vous qu'on puisse avoir en pareil cas ? MAX MORISE. - Le témoignage de la femme, uniquement. ANDRÉ BRETON. - Unik est-il de cet avis ? PIERRE UNIK. - Je pense que non dans un certain nombre de cas. Je pense que la femme peut se rendre compte. BENJAMIN PÉRET. - Dans quels cas ? PIERRE UNIK. - Lorsque la femme peut s'apercevoir d'un changement d'attitude chez l'homme.


ANDRÉ BRETON. - C'est purement subjectif et sans valeur. N'est-il rien d'autre ?

RAYMOND QUENEAU. - Expliquez l'expression « à raison de sa propre jouissance ».

PIERRE UNIK. - Pourquoi pensez-vous qu'étant subjectif, c'est sans valeur ?

PIERRE NAVILLE. - Elle s'entend de soi.

ANDRÉ BRETON.- Parce qu'une réponse objective peut être substituée à celle-là. PIERRE UNIK. - Laquelle? ANDRÉ BRETON. - La femme peut, dans la plupart des cas, constater que la jouissance de l'homme a eu lieu. Il dépend d'elle de le savoir. C'est une question d'examen plus ou moins vraisemblable de l'état local dans lequel l'homme l'a laissée. BENJAMIN PÉRET. - Il n'y a exactement que ce seul moyen d'appréciation. PIERRE UNIK. - Pourquoi pensez-vous que cet examen est seul probant pour la femme ? ANDRÉ BRETON. - Parce qu'il est le seul moyen rationnel auquel elle puisse se rapporter. RAYMOND QUENEAU. - Je suis d'accord avec Breton. Elle ne peut s'en apercevoir que par ce moyen.

ANDRÉ BRETON. - Naville considère donc que, matériellement, la jouissance de la femme et celle de l'homme, au cas où elles auraient lieu simultanément, pourraient se traduire par l'émission de fluides séminaux confondus et indiscernables? PIERRE NAVILLE. - Oui. BENJAMIN PÉRET. - As-tu constaté cette confusion ? PIERRE NAVILLE. - Évidemment, sans quoi je n'en parlerais pas. ANDRÉ BRETON. - Il est impossible de la constater, à moins d'entretenir avec une femme des rapports verbaux très discutables. PIERRE NAVILLE. - Et après ? BENJAMIN PÉRET. - Queneau, comment imaginez-vous l'amour entre femmes ? ANDRÉ BRETON. - L'amour physique ?

BENJAMIN PÉRET. - Tanguy ? BENJAMIN PÉRET. - Naturellement. YVES TANGUY. - D'accord. ANDRÉ BRETON. - Prévert ? JACQUES PRÉVERT. - D'accord. ANDRÉ BRETON.- Naville ? PIERRE NAVILLE. - La femme ne s'en aperçoit que par ce moyen, et encore ne s'en aperçoitelle pas toujours. ANDRÉ BRETON.- Pourquoi pas toujours ? PIERRE NAVILLE. - Des circonstances physiologiques l'en empêchent parfois à raison même de sa propre jouissance. ANDRÉ BRETON. - Est-ce le seul cas ? PIERRE NAVILLE. - Je n'en vois pas d'autres pour l'instant.

RAYMOND QUENEAU. - J'imagine qu'une femme fait l'homme et l'autre la femme, ou le 69.

BENJAMIN PÉRET.- As-tu à ce sujet des renseignements directs ? RAYMOND QUENEAU. - Non. Ce que j'en dis est livresque et imaginatif. Je n'ai jamais interviewé aucune lesbienne. BENJAMIN PÉRET. - Que penses-tu de la pédérastie ? RAYMOND QUENEAU. - A quel point de vue ? Moral ? BENJAMIN PÉRET. - Soit. RAYMOND QUENEAU. - Du moment que deux hommes s'aiment, je n'ai à faire aucune objection morale à leurs rapports physiologiques.


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