JOURNAL Edition 1 / 2018
FRAGILE Suisse
Enfin chez soi
Le portrait de Céline M.
Hémiplégie
Article scientifique
Pour les personnes cérébro-lésées et leurs proches
FRAGILE Suisse
Editorial
Et voilà – le nouveau journal FRAGILE Suisse est là! Juliana Campos Directrice Communication
Comme vous vous en souvenez sans doute, nous avons mené une enquête sur notre journal en 2017. Nous avons reçu de nombreuses réactions – beaucoup de louanges, peu de critiques, de bonnes suggestions. Nous attelant à la tâche avec plaisir, nous avons entrepris d’améliorer notre publication. Votre journal a certes changé, mais nous avons conservé ce que les lectrices et lecteurs ont toujours apprécié: le portrait d’une personne cérébrolésée ou d’un proche ainsi que les nouvelles brèves. Nous avons à peine retouché la présentation, car FRAGILE Suisse reste FRAGILE Suisse. Néanmoins, une nouveauté vous attend: désormais, chaque édition renferme un article spécialisé sur les lésions cérébrales, le sujet étant traité à la fois du point de vue des spécialistes et des personnes concernées. En lisant régulièrement le journal, vous en saurez donc davantage sur les conséquences des lésions cérébrales et sur leur prévention, du point de vue médical et psychologique. En outre, nous vous invitons à jeter un coup d’œil en coulisse: la rubrique «Prestations» vous informe sur notre offre et sur notre façon de travailler. J’espère que cette édition du journal éveillera votre curiosité, qu’elle vous invitera à la découverte et parlera à votre sensibilité et à vos émotions. Bien à vous,
Juliana Campos Directrice Communication
Impressum Journal FRAGILE Suisse | Edition 1 / 2018 Tirage 45 000 ex. Editeur FRAGILE Suisse, Badenerstrasse 696, CH-8048 Zurich, 044 360 30 60, info@fragile.ch, www.fragile.ch Design Rebel Communication, 8004 Zurich, www.rebelcom.ch Impression Prowema GmbH, 8330 Pfäffikon Rédaction Carole Bolliger, Sophie Correvon Traductions Dominique Nägeli-Gascon, Annette Jaccard Compte pour les dons CCP 80-10132-0 Abonnement: CHF 10.– par an, inclus dans le don ou dans la cotisation de membre.
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FRAGILE Suisse
Actuel
Adieux à Silvia Luginbühl Silvia Luginbühl a quitté FRAGILE Berne à la fin de l’année passée. Elle avait repris à temps partiel la direction de l’antenne bernoise en juillet 2008. A l’époque, FRAGILE Berne proposait essentiellement des groupes d’entraide et des consultations de brève durée. Au fil des ans, Silvia Luginbühl s’est attachée à mettre en place des structures solides et à étendre l’éventail des prestations de FRAGILE Berne, y incluant notamment le conseil des personnes concernées et des proches. De 2011 à 2013, elle a entrepris des études à la Haute école spécialisée bernoise pour acquérir le savoir-faire nécessaire au soutien des proches. Par la suite, elle a élaboré et donné un cours pour les proches, intitulé «Im Gleichgewicht bleiben» (conserver son équilibre). Par ailleurs, elle a suivi de nombreux cours de formation continue. Après neuf ans consacrés à ces activités, Silvia Luginbühl a décidé de réorienter son parcours professionnel. Grâce à son engagement, Silvia Luginbühl a contribué au développement de FRAGILE Berne. Elle s’est préoccupée des intérêts des personnes cérébro-lésées avec cœur et en faisant preuve de beaucoup d’initiative. Nous la remercions chaleureusement de son travail infatigable et formons nos meilleurs vœux pour son avenir tant professionnel que privé. FRAGILE Berne peut désormais compter sur la collaboration de Corinne Thöni, responsable de l’entraide, qui s’occupe aussi de la comptabilité et de l’administration. De son côté, Therese Schranz chapeaute le conseil social et les projets.
Un nouveau graphisme pour les sites Internet
Constitution de l’association FRAGILE Valais
Ce printemps, les sites Internet de FRAGILE Suisse et des associations régionales seront remis à neuf. Le graphisme, revu et amélioré, simplifiera l’utilisation des sites. A l’arrière-plan, nous prendrons des mesures techniques pour rendre la navigation plus sûre. Nous profiterons de l’occasion pour actualiser les contenus afin qu’ils reflètent l’état des connaissances. Sur fragile.ch, vous trouverez immédiatement tout ce que vous voulez savoir sur les lésions cérébrales et sur les prestations de FRAGILE Suisse. En plus, des informations sur les actualités et les prochaines manifestations vous attendent. Autant de raisons d’aller faire un tour sur les nouveaux sites.
Le réseau de FRAGILE s’agrandit en Suisse grâce à la création d’une nouvelle association régionale en Valais. L’Assemblée de constitution de FRAGILE Valais a eu lieu le 31 janvier 2018, à Sion. En 2017, deux groupes de parole avaient déjà été mis en place dans la capitale valaisanne suite à plusieurs demandes de personnes concernées et de proches. Plus d’informations sur l’association suivront dans le prochain numéro de notre journal.
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FRAGILE Suisse
Portrait
Du rêve à la réalité Texte: Carole Bolliger, photos: Ethan Oelman
A 16 ans, en pleine adolescence, Céline M. est victime d’un arrêt cardiaque, suivi d’un accident vasculaire cérébral. Depuis, plus rien n’est comme avant. Dix ans après et depuis quelques mois seulement, la jeune femme a enfin trouvé un cadre de vie qui lui convient. C’était une journée d’hiver comme les autres. Céline M., 16 ans, l’avait passée à faire du snowboard avec une amie. A son retour, elle s’effondre sans connaissance sur le parking, victime de fibrillation ventriculaire, un grave trouble du rythme cardiaque. Pendant plusieurs minutes, son cœur cesse de battre. Les deux électrochocs pratiqués par les ambulanciers rétablissent les battements du cœur, mais un accident vasculaire cérébral se produit. Plus tard, on découvre que Céline M. présente une anomalie génétique qui peut être à l’origine de l’arrêt cardiaque. Depuis ce tragique événement de l’hiver 2008, rien n’est plus comme avant pour cette jeune fille sportive qui fréquentait le lycée et voulait devenir professeur de sport. Pour sa famille aussi, la vie a changé du tout au tout. A l’hôpital d’Uster, ville du canton de Zurich, on place la jeune femme en coma artificiel, avant de la transférer à l’hôpital universitaire de Zurich. Neuf jours plus tard, les médecins veulent la sortir du coma, mais elle ne s’éveille pas. Sa mère, Nicolette v.d.S., se souvient: «A ce moment-là, nous avons su que la lésion cérébrale aurait des conséquences graves.» La famille et l’entourage sont sous le choc. «Nous ne savions pas si notre fille se réveillerait, ni dans quel état elle serait», se remémore la mère. De petits progrès et beaucoup de déceptions Céline M. reste trois longs mois dans le coma. Pendant cette période, elle lutte contre une double pneumonie et une fièvre très élevée. Lorsque, lentement, elle reprend conscience, elle ne peut pas parler, car on lui a posé une canule dans la trachée. De plus, elle souffre de violentes douleurs musculaires. Son entourage constate peu à peu qu’elle a définitivement perdu le souvenir de son passé, sa mémoire à long terme. En revanche, elle réapprend à parler et à lire. Après l’hôpital, elle séjourne plus d’un an en clinique de réadaptation. «Elle était assise dans
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son fauteuil roulant et ne comprenait plus le monde qui l’entourait. Elle ne saisissait pas ce qui lui était arrivé», raconte Nicolette v.d.S. Petit à petit et malgré des échecs répétés, Céline M. progresse. Cependant, il lui arrive encore aujourd’hui de s’en prendre au destin: «Je ne comprends pas pourquoi ça m’est arrivé à moi.» Son regard s’assombrit et la tristesse l’envahit. Pourtant, elle peut aussi être combative et enthousiaste, surtout en présence de ses frères et sœurs aînés et des amis de son âge. Comme les souvenirs lui font défaut, elle participe souvent à la conversation avec beaucoup de fantaisie et de créativité. Une famille soudée Ce coup du sort a renforcé les liens familiaux. La mère constate: «Nous étions déjà proches avant, mais ça nous a encore plus soudés les uns aux autres.» A sa sortie de la clinique de réadaptation, Céline M. rentre à la maison. Elle a alors besoin d’aide de façon permanente. Ce sont ses parents et les intervenants d’une institution sociale qui s’en chargent. «Céline a traversé une phase de désespoir et d’agressivité», se souvient Nicolette v.d.S. «Avant, c’était une adolescente qui aimait sortir; et du jour au lendemain, elle se retrouvait confinée à la maison et avait besoin d’aide pour tout.» Par chance, la jeune fille peut compter sur le soutien de son frère et sa sœur aînés et de leur compagne et compagnon. Ses amies aussi sont proches d’elle et certaines le sont restées jusqu’à aujourd’hui. La famille fait tout son possible pour que Céline M. soit intégrée socialement. Agée aujourd’hui de 26 ans, la jeune femme se souvient encore avec émotion d’un concert qui lui a fait vivre un grand moment: «Robbie Williams m’a dit ‘Hello Darling’», raconte-t-elle, le visage rayonnant. Malgré les efforts de chacun, la situation est difficile pour toute la famille. La mère avoue: «Nous étions à bout de forces, nous avons dû chercher une autre solution».
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Trouver son équilibre La famille visite différents homes et institutions. Mais aucun ne convient à Céline M.: elle ne s’y sent pas à l’aise. Elle vit cinq ans dans un home pour personnes handicapées relativement jeunes, mais ce home n’était pas adapté à la jeune femme. «La plupart des résidents étaient deux fois plus âgés qu’elle et n’avaient pas la force d’établir une relation avec une jeune femme cérébro-lésée», constate la mère. Les recherches se poursuivent pendant plusieurs années jusqu’à ce que FRAGILE Suisse aiguille la famille vers la bonne solution. «FRAGILE Suisse nous a informés qu’une nouvelle structure pour personnes ayant un handicap moteur ou une lésion cérébrale venait d’ouvrir à Rapperswil-Jona.» Il s’agit de Casamea, un home issu de la coopération entre la ville de Rapperswil-Jona et le l’«Ostschweizer Verein zur Schaffung und zum Betrieb von Wohnmöglichkeiten für Körperbehinderte» (association de Suisse orientale pour la création et l’exploitation de structures accueillant des personnes ayant un handicap moteur). Dès sa première visite à Casamea, Céline M. est conquise. Sa mère a aussi une bonne impression. «Heureusement, nous avons obtenu une place», se réjouit-elle. A Casamea, Céline M. est entre de bonnes mains. «Je sais pour la première fois depuis dix ans que ma fille est à un endroit qui répond de manière optimale à ses besoins. J’espère qu’elle y trouvera la paix et l’équilibre et pourra s’y épanouir», conclut sa mère. Ce home, recherché en vain pendant tant d’années, semble fait pour sa fille. Depuis le 1er décembre 2017, Céline M. vit à RapperswilJona. «Ici, je me sens enfin bien», déclare la jeune femme de 26 ans en montrant avec fierté la grande et jolie chambre lumineuse qui l’accueille. Le rêve est finalement devenu réalité.
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FRAGILE Suisse
Prestation
Begleitetes Wohnen
Begleitetes Wohnen
Chez soi plutôt que dans un EMS Grâce à la prestation «accompagnement à domicile», FRAGILE Suisse aide Beratung und Helpline les personnes cérébro-lésées à reprendre leur vie enBeratung main und et àHelpline retrouver un maximum d’autonomie. Texte: Carole Bolliger
Trois questions
à Julia Eugster, conseillère sociale, accompagnement à domicile A qui l’accompagnement à domicile est-il destiné? L’accompagnement à domicile est une prestation destinée aux personnes cérébro-lésées qui veulent et peuvent vivre de manière autonome avec un appui. Pour déterminer si une personne est en mesure de bénéficier de l’accompagnement à domicile, nous nous rendons chez elle. Au cours de l’entretien, nous présentons la prestation et nous examinons si celle-ci représente la solution appropriée. Nous déterminons aussi le volume de soutien nécessaire.
FRAGILE Suisse a pour but de procurer aux personnes cérébro-lésées davantage d’autonomie, de qualité de vie et de responsabilités. Pour ce faire, elle a mis sur pied un éventail de prestations qui vont du conseil à l’accompagnement à domicile, en passant par les cours. L’accompagnement à domicile entend aider les personnes cérébrolésées à vivre chez elles, en prenant à nouveau leur vie en main – à domicile plutôt que dans un EMS. Pour ce faire, la personne cérébro-lésée et ses proches sont accompagnés par des professionnels spécialement formés, pendant une à trois heures au maximum par semaine. Ceux-ci apportent leur appui dans divers domaines:
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Organisation de la vie quotidienne: prendre les rendez-vous et organiser le transport Travaux administratifs: ouverture et examen du courrier, classement, correspondance Organisation des tâches ménagères et initiation à leur exécution Organisation de l’assistance (inscription à l’AI, soutien au recrutement du personnel, planification des interventions, versement du salaire, demande de versement de la contribution d’assistance de l’AI) Recherche de solutions pour structurer la journée, notamment accueil de jour
Qui paye cette prestation? Selon le soutien qu’elles reçoivent de l’AI, les personnes bénéficiant de l’accompagnement à domicile payent 50 ou 75 francs de l’heure. Ce prix ne permet pas de couvrir l’ensemble des coûts. L’accompagnement à domicile est subventionné en partie par l’Office fédéral des assurances sociales et financé par nos donatrices et donateurs. Malheureusement, ni l’AI ni les caisses-maladie ne couvrent les coûts. Qui s’occupe des personnes cérébro-lésées dans le cadre de l’accompagnement à domicile? Les spécialistes de l’accompagnement de FRAGILE Suisse sont des professionnels issus du domaine du social et de la santé, par exemple des assistantes et assistants sociaux, des éducatrices et éducateurs spécialisés, des accompagnatrices et accompagnateurs sociaux, des infirmières et infirmiers. Ces professionnels suivent régulièrement des cours de formation continue. Tous les domaines de soutien et plus d’infos sous: fragile.ch/accompagnement-a-domicile En Romandie, conseil et demande auprès de Nicole Debrot, debrot@fragile.ch, téléphone 021 329 02 76.
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Article scientifique
«La réadaptation en clinique ressemble à un entraînement sportif.» Texte: Carole Bolliger
L’hémiparésie et l’hémiplégie sont souvent la conséquence de maladies neurologiques, telles qu’un accident vasculaire cérébral (AVC). Quelles sont leur signification, leurs différences et comment les soigne-t-on? Par hémiplégie, on entend la paralysie complète d’un côté du corps. Dans ce cas, la sensibilité est diminuée ou abolie du côté paralysé et, souvent, la musculature du visage et de la langue est elle aussi touchée. Une hémiplégie peut se manifester sous forme de paralysie flasque ou de paralysie spastique. Dans la paralysie flasque, le membre touché est dépourvu de tonus (par exemple, le bras pend), tandis que, dans la paralysie spastique, la musculature du membre touché est tendue et contractée. En cas d’hémiparésie, la paralysie de l’un des deux côtés du corps est incomplète et ne concerne que certains groupes de muscles du bras ou de la jambe. Des symptômes de lésions cérébrales L’hémiplégie et l’hémiparésie ne sont pas des maladies en elles-mêmes, mais des symptômes qui peuvent apparaître lors de maladies ou de lésions neurologiques. Les causes les plus fréquentes sont les AVC ou les hémorragies cérébrales. En règle générale, les lésions sont situées dans l’hémisphère cérébral opposé au côté du corps où se manifeste la paralysie. Une hémiplégie ou une hémiparésie gauche est provoquée en général par des lésions des cellules nerveuses de l’hémisphère droit et vice-versa. Lorsque la partie inférieure du cerveau (tronc cérébral) est touchée, la paralysie peut apparaître du même côté du corps. Traitement individualisé Colette Carroz est responsable de l’ergothérapie à l’unité universitaire de réadaptation neurologique aiguë de l’Hôpital de l’Ile à Berne. Selon elle, il est très important que les thérapies commencent dans les 24 heures qui suivent l’AVC. Bien entendu, à condition que l’état général du patient le permette. «Cependant, il est difficile de prévoir si l’hémiplégie disparaîtra.» Tout d’abord, les thérapeutes déterminent la mobilité résiduelle du côté du corps frappé par la paralysie, puis les thérapies individuelles commencent. «En même temps, il faut veiller à éviter les dommages qui peuvent découler du manque de mouve-
Colete Carroz, Responsable de l’ergothérapie Hôpital de l‘Ile à Berne
ment», avertit Colette Carroz. Il est également important d’être attentif aux autres conséquences de l’AVC, comme les atteintes cognitives ou visuelles, afin d’en tenir compte dans les thérapies. La réadaptation des victimes d’AVC est suivie par une équipe interprofessionnelle. Des médecins, ergothérapeutes, logopédistes, neuropsychologues, personnel soignant, physiothérapeutes et assistants sociaux en font partie. «Les programmes de thérapie sont souvent denses, et il faut ménager des temps de pause et de repos.» La réadaptation en clinique est comparable à un camp d’entraînement sportif, constate Colette Carroz. Les progrès varient d’une personne à l‘autre Le but à long terme est que la personne récupère son autonomie au quotidien. Pour y parvenir, il est essentiel que les mouvements exercés correspondent à des activités utiles, accomplies habituellement dans la vie quotidienne. Il pourra s’agir, par exemple, de réapprendre à se laver les dents ou à prendre le bus seul. Pendant la période de réadaptation et plus tard, les proches jouent aussi un rôle important. Comme le dit Colette Carroz, l’incertitude du pronostic pèse lourd pour le patient et ses proches. «Après un AVC, les progrès diffèrent beaucoup d’une personne à l’autre, et il est donc très difficile de comparer.» Il est néanmoins important de mentionner qu’une nette majorité de patients sont très motivés et persévérants.
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