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Les associations de Jeunesse et d’Éducation populaire mobilisées pour un nouveau pacte social en faveur de la jeunesse
Livre blanc CNAJEP
Le CNAJEP : Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d’éducation populaire, le CNAJEP est une coordination qui réunit plus de 70 mouvements nationaux de jeunesse et d’éducation populaire. Il constitue un espace de dialogue, de concertation et de représentation auprès des Pouvoirs Publics sur les questions concernant la Jeunesse et l’Education Populaire. Les CRAJEP : Le CNAJEP participe à l’animation territoriale à travers un réseau de coordinations régionales (les CRAJEP) implantées sur l’ensemble du territoire. Les CRAJEP sont partenaires des collectivités dans l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques locales relevant du champ Jeunesse et Education Populaire.
Cette publication est l’aboutissement d’un travail collectif coordonné par Nadine DUSSERT. Rédaction : Nadine DUSSERT, Sandrine FORZY et Benoît MYCHAK Nous remercions chaleureusement, pour leurs contributions et relectures : Pierre-Jean ANDRIEU, Jean GADREY, Camille PEUGNY, Bernard GUERRIEN, et les membres des instances et du groupe « Politiques Jeunesse » du CNAJEP Graphiste : Maya LAMBERT (Pixiemedia.fr) Imprimeur : Société Marnat Parution : Janvier 2012
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Edito
al rénové i c o s e t c a Un p pour une jeunesse émancipée ! La crise économique et sociale que nous traversons vient questionner le modèle de création, d’accumulation et de répartition des richesses sur lequel s’est construit notre société, et interroge en creux le rôle du politique. Cette crise amène les Gouvernements à conduire des politiques de rigueur qui remettent en cause les mécanismes de régulation et les solidarités déjà largement fragilisés par le libéralisme et les dérèglements financiers. La recherche de rentabilité à l’œuvre dans les politiques publiques actuelles tend à réduire la capacité d’action des organisations et institutions en charge de garantir la préservation de la solidarité et du lien social. Parallèlement, l’action publique tend à se concentrer de plus en plus sur l’aide aux plus démunis, au détriment d’une ambition politique à long terme. Dans ce contexte, la jeunesse, comprise dans la diversité des situations qu’elle représente, cristallise avec une intensité particulière les difficultés économiques et sociales (chômage, pauvreté, difficulté à se loger, etc.). Les jeunes représentent pourtant une forte capacité d’action et de créativité, ici et maintenant, et sont les premiers artisans de la société à venir. Face à la gravité de ce constat, nous pensons qu’il est notamment de la responsabilité des associations d’éducation populaire d’aider à la réappropriation par les citoyens des champs de réflexion et d’action qu’offre la société qui les entoure. En effet, c’est parce que les citoyens prendront conscience de leur situation, ne l’accepteront pas comme un fait inéluctable, mais comme le résultat de choix politiques, que le politique pourra justement reprendre du souffle, et jouer son rôle de bâtisseur d’un modèle de société plus juste. C’est pourquoi le CNAJEP s’est engagé dès 2009 dans une réflexion sur la place des jeunes dans la constitution et la répartition de la richesse collective, afin d’apporter sa contribution à cet enjeu, dans une démarche d’éducation populaire. « Les jeunes au cœur de la richesse » est une thématique volontairement généraliste et transversale, qui vise à interroger la place des jeunes dans la société en abordant des sujets tels que les solidarités intergénérationnelles, les droits des jeunes, la participation citoyenne, la mesure de la richesse, la participation de tous, et des jeunes en particulier, à la création des richesses, etc. Il ne s’agit pas d’une contribution d’experts sur le calcul de la richesse, encore moins d’une analyse économique de la crise que nous traversons. Il s’agit plutôt, à partir des points de vue recueillis auprès de plusieurs acteurs de la société civile, de permettre au lecteur de se réapproprier un certain nombre de notions fondamentales, pour pouvoir se forger un point de vue. Si le CNAJEP, en tant que coordination d’organisations de jeunesse et d’éducation populaire, porte un positionnement politique
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sur de nombreuses problématiques, cette contribution prend le parti de bien distinguer les phases explicatives des phases de prises de positions, afin de permettre au lecteur de bien s’approprier le débat. La contribution que nous proposons ici est un moment de nos travaux collectifs, il est conçu comme un outil d’éducation populaire, visant… … le décryptage et l’appropriation des enjeux contemporains, et notamment des enjeux économiques. En proposant des clés de lecture pour appréhender les notions de richesse et de générations, cet ouvrage a été conçu afin que ses lecteurs puissent se réapproprier des problématiques complexes et souvent laissées aux mains des experts dans le débat public. … le débat : les acteurs qui se saisiront de cet outil pourront y trouver les clés nécessaires afin d’animer des débats avec les publics qu’ils touchent. … l’interpellation des représentants des partis politiques sur les politiques jeunesse, dans la perspective des échéances électorales de 2012. Cet outil témoigne de notre refus d’une conception qui confisquerait au politique sa capacité à agir et à transformer, conception à laquelle nous opposons une vision ambitieuse qui redonne du sens et de l’idéal à l’action collective. Ce parti pris a pour prérequis la compréhension par les citoyens des enjeux qui caractérisent la société dans laquelle ils vivent. C’est à ce processus que nous souhaitons apporter notre contribution. Nadine DUSSERT Vice-présidente du CNAJEP en charge des politiques Jeunesse
Le fruit d’un travail collectif Cette publication est le résultat d’un travail collectif mené depuis 2009 dans le cadre du groupe « Politiques Jeunesse » du CNAJEP. Ce processus collectif s’est déroulé en plusieurs étapes :
• • •
La constitution d’un fonds documentaire autour des concepts de « richesses » et de « générations ». Cette démarche a abouti à la réalisation d’une note de décryptage des réalités et des enjeux que recouvrent ces deux concepts. L’élaboration d’une série de postulats au regard des problématiques liées aux concepts de « richesses » et de « générations ». L’organisation d’une série d’auditions, afin de confronter nos analyses au regard d’experts. Ont accepté de se livrer à cet exercice : › Camille PEUGNY, sociologue. › Jean GADREY, économiste. › Pierre-Jean ANDRIEU, sociologue.
La présente publication est l’aboutissement de ce processus de travail.
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Sommaire › Reconsidérer la richesse Repenser le progrès
P.5
La ou les « richesses » : Tentative de définition › Une définition dominante : La richesse comme accumulation de biens et services produits grâce au travail rémunéré › Penser la richesse autrement : Quelques définitions alternatives › Le point de vue du Cnajep : L’homme au cœur de la richesse
P.7
Mesurer la richesse : un foisonnement d’indicateurs › Le PIB, instrument imparfait de mesure de la richesse › Les indicateurs de richesse alternatifs › Le point de vue du Cnajep : Le progrès pour tous et par tous
› Changer de paradigme, dépasser les dysfonctionnements Nos propositions pour un nouveau pacte social pour la jeunesse
P.11
› Répartition de la richesse collective Les solidarités intergénérationnelles en question
Répartition des richesses et solidarités intergénérationnelles P.29 › Les jeunes condamnés à « payer la facture » ? › Repenser les solidarités entre générations › Le point de vue du Cnajep : Envisager la jeunesse sous l’angle des solidarités
P.19
Les jeunes, parents pauvres de la société ? P.21 › Des âges de la vie de plus en plus mouvants › La jeunesse, ou l’expérience collective de la précarité › La jeunesse, plaque sensible des mutations de la société › Le point de vue du Cnajep : Repenser la jeunesse à l’aune des bouleversements de la société
L’évolution de l’intervention publique Analyse critique des politiques de Jeunesse en France › Face au défi du chômage, le virage néo-libéral › L’éclatement des dispositifs › La familialisation des politiques publiques › La territorialisation des politiques publiques
P.33
P.35
Repenser les politiques publiques Pour un projet émancipateur pour la jeunesse P.39 › Permettre aux jeunes de choisir leur parcours de vie › Reconnaître les jeunes comme des acteurs du changement
›
Conclusion Une autre politique Jeunesse est possible !
P.45
› Pour poursuivre le débat…
P.48
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« Changez notre monde ! ». Le thème auquel a été consacrée la 25ème journée internationale de la Jeunesse sonne comme un écho aux préoccupations et aux attentes exprimées par les jeunesses du monde face aux dégâts causés par la crise économique, sociale et environnementale que nous connaissons actuellement.
Les jeunes sont en effet au cœur des problématiques soulevées par cette crise. Ils ont payé un lourd tribut de la dégradation du contexte économique et de la remise en cause de « l’Etat social », et ont vu leur horizon assombri par les menaces pesant sur le devenir de la planète. Les jeunes ont dans le même temps montré leur volonté et leur capacité à agir collectivement, comme en témoignent la mobilisation contre la réforme des retraites ou les mouvements des indignés. L’ampleur de la crise et les aspirations au changement qu’elle suscite chez les citoyens en général, et chez les jeunes en particulier, imposent par conséquent de reconsidérer la richesse et de repenser collectivement le progrès à l’aune de nouveaux indicateurs de mesure du développement.
Le parti-pris du CNAJEP
A l’heure où notre modèle de développement semble s’essouffler, et où les discours de nos dirigeants sont emplis de pessimisme, le sentiment d’impuissance du politique face aux contraintes du marché est de plus en plus prégnant. Les peuples européens les plus touchés par les politiques de rigueur affichent leur désarroi face à un débat politique confisqué par des logiques financières présentées comme inévitables et irréversibles. Ce contexte de confiscation du débat nous invite à recréer les conditions de la réflexion autour de la richesse. Il s’agit de repolitiser le débat et de redonner aux citoyens d’aujourd’hui et de demain la capacité de se saisir de ces sujets et de devenir ainsi les acteurs du changement de notre société, plutôt que d’en être les spectateurs impuissants et passifs.
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hesse Reconsidérer la ric
»: s e s s e h c i r « s La ou le
tentative de définition
Qu’est-ce que la richesse ? La définition qui prédomine aujourd'hui est quasiment exclusivement économique, et les indicateurs privilégiés pour mesurer le progrès des Nations ignorent la plupart des dimensions du bienêtre individuel et collectif : cohésion sociale, activités non rémunérées, pression humaine sur l'environnement… Cette conception minimaliste de la richesse s’est vue peu à peu contestée par l’émergence de définitions et d’indicateurs alternatifs,
émanant de chercheurs, d'associations et d'ONG, d'institutions statistiques ou d'organisations internationales. De nouveaux termes ont ainsi vu le jour pour tenter de qualifier les perspectives de bien-être et d’émancipation humaine dans une société et un monde soutenables : « développement humain durable », « prospérité sans croissance », « société d’abondance frugale », « sobriété heureuse », etc. Petit tour d’horizon des termes du débat et des enjeux qu’ils recouvrent.
Une définition dominante La richesse comme accumulation de biens et services produits grâce au travail rémunéré Richesse et productivité
Les travaux fondateurs de MALTHUS (1766 – 1834) Dans une période de construction et de légitimation de l’économie politique comme science objective, Malthus a cherché à quantifier l'accroissement des richesses d’une Nation, et à démontrer ainsi sa puissance. Pour cela, il écarte de la mesure de la richesse tous les biens immatériels. Il pose donc une séparation entre la richesse, dont les accroissements se mesurent à travers des prix et des quantités, et les travaux « improductifs », non mesurables, dont il reconnaît la légitimité mais qui ne seront pas pris en compte dans sa définition de la richesse. La comptabilité nationale La comptabilité nationale, qui a été mise en place en France en 1938, a été conçue dans la même logique, visant à permettre de quantifier
la puissance des Nations. Elle entérine l’idée que la richesse d’une Nation se mesure à l’aune de l’accroissement de son PIB : ce qui compte, c’est l’augmentation des biens et services produits. Richesse, satisfaction des désirs et consommation
Les économistes du 19ème siècle Jean-Baptiste SAY et WALRAS (Auguste puis Léon) ont posé comme postulat le lien entre utilité et satisfaction d’un désir individuel : un bien est utile dès lors qu’il permet de satisfaire un désir (quelle que soit la légitimité de ce désir). Celui-ci se transforme alors en besoin. Cette théorie renvoie à une approche consumériste de la richesse, la consommation étant perçue au 19ème siècle comme un moyen pour l’individu de se transformer et de développer ses facultés. Dès lors, il n’y a de richesse que s’il y a production d’un bien mis sur le marché puis consommé par un individu.
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Richesse et travail
Dominique MÉDA analyse la place prépondérante du travail dans la définition « classique » de la richesse comme le résultat du choix qui a été fait au 18ème siècle d’instaurer un ordre économique plutôt qu’un ordre politique en vue de réguler la société. Cet ordre économique, où travail et production jouent un rôle essentiel, est fondé sur des lois « naturelles » : la contribution à la production et la rétribution qui y correspond. La monnaie, entre échange et domination
La monnaie ne facilite l’échange que pour ceux qui en disposent. Pour les autres, elle le limite. Ce paradoxe, théorisé par Karl MARX, provient de ce processus de « fétichisation » qui consiste
à transférer la valeur de l’échange entre humains sur la monnaie elle-même. Ainsi, n’a de valeur que ce qui possède une capacité d’échange monétaire. Ce qui n’a pas de prix en vient à être considéré comme sans valeur. Organisée par les dominants, la rareté de la monnaie « oblige les dominés à n’utiliser qu’une faible partie de leur potentiel d’échange et d’activité. Cette question est d’autant plus décisive que l’économie mondiale est aujourd’hui doublement menacée par l’insuffisance de monnaie à un pôle et par son excès à l’autre ». Or, comme l'ont montré Marcel MAUSS et Karl POLANYI, l’échange monétaire n’est qu’une des formes possibles du rapport entre les êtres humains.
Regard Les monnaies alternatives locales dans les failles de l’économie – exemple du SOL
Le SOL est une monnaie alternative créée afin de faciliter les coopérations territoriales, de renforcer les échanges et les mécanismes de solidarité entre différents acteurs, et de permettre l’appropriation démocratique de l’usage de la monnaie par les citoyens. Ce système d’échanges complémentaires est expérimenté dans plusieurs régions françaises (Bretagne, Ile de France, Nord Pas de calais, Rhône Alpes, Alsace, Midi-Pyrénées, etc.).
Penser la richesse autrement Quelques définitions alternatives La richesse comme produit de l’ensemble des activités humaines
Depuis le 18ème siècle en France, on tend à confondre l'ensemble des activités humaines avec le travail. Les activités amicales, familiales, culturelles ou encore politiques sont ainsi faiblement valorisées dans notre société actuelle.
Or, les alternatives au travail doivent également être prises en compte dans l’appréhension du concept de richesse. En effet, selon Dominique MÉDA, la réalisation de l’ensemble de ces activités constitue un idéal d’enrichissement collectif, et il faut donc circonscrire le travail pour laisser du champ aux autres formes de la richesse individuelle et collective.
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Regard Entre ses idéaux et la pression sociale, le cœur de la jeunesse balance
Selon l’enquête de la JOC, Jeunesse Ouvrière Chrétienne, menée en 2011 auprès de 6028 jeunes de 15 à 30 ans, ces derniers considèrent que « réussir sa vie », c’est : avoir des amis (79 %), avoir du temps libre (65 %), être amoureux (65 %). Mais dans la société française, disent ces même sondés, réussir sa vie, c’est d’abord avoir de l’argent (76 %) et faire une belle carrière (74 %).
La richesse comme préservation d’un patrimoine collectif
Les indicateurs de richesse traditionnels ne prennent nullement en compte la question du « patrimoine collectif » d'une société, lié à la nature et aux biens communs de l’humanité (état de santé, d’éducation, situation face à l’emploi, aux protections sociales, systèmes collectifs…). Il s’agit donc de trouver un moyen de mesurer l’impact de certaines décisions de production sur ces « capitaux », de les considérer comme un stock de ressources auquel il peut être porté atteinte. L’enjeu consiste par conséquent à prendre en considération la croissance d’un ensemble beaucoup plus large que la seule production des biens matériels, celui d’un patrimoine global (naturel, humain, social) qui nous échoit, et que la production contribue à augmenter mais aussi à diminuer.
L’enjeu décisif du temps
Dans son rapport Reconsidérer la richesse, Patrick VIVERET propose d'accorder une attention particulière aux comptabilités exprimées en temps. Ces dernières peuvent « permettre non seulement l’échange mais aussi l’épargne et le crédit, ce qui ouvre la possibilité de transformations profondes dans la manière d’aborder des problèmes majeurs tels que la retraite, la formation continue, la réduction du temps de travail ou l’organisation d’un temps civique et social en partenariat avec les associations. »
Regard « Dépêchons-nous de ralentir »
Face à la recherche permanente de rentabilité, à l’accélération périlleuse de nos rythmes de vie et à la perte de repères que cela entraîne, le Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC) a organisé le 10 juillet 2011 à Argenton sur Creuse une Sieste Géante, rassemblant 2 000 personnes. Le message, véritable appel au changement de nos modes de vie : « Dépêchons-nous de ralentir, prenons le temps de ne rien faire ! ».
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du CNAJEP L’Homme au cœur de la richesse 1. La richesse n’est pas réductible aux échanges marchands et monétaires
La richesse doit être entendue comme le produit de l’ensemble des activités humaines, qu’elles soient professionnelles, familiales, bénévoles ou politiques, ainsi que comme l’ensemble des patrimoines de société que chaque génération doit préserver et entretenir. A cet égard, les acteurs non marchands et bénévoles doivent être reconnus comme contributeurs à l’accroissement de la richesse, dans la mesure où leurs actions concourent à améliorer les « conditions collectives du développement humain durable »1 . 2. Le bien-être des individus ne procède pas que de leur insertion socio-économique
Le bien-être est un phénomène qui n’est rendu possible que par la combinaison de plusieurs facteurs qui ne sauraient donc se limiter au seul accès aux ressources financières et à l’intégration sur le marché du travail : l’éducation, la formation, le logement, la santé, l’accès à la citoyenneté, à la culture, aux loisirs, le sentiment d’être libre et responsable de ses choix, etc., sont également indispensables pour accéder au bien-être. Afin de permettre à chacun de se situer comme un acteur impliqué et responsable de la société, il nous semble donc impératif de resituer le bien-être dans un projet d’émancipation globale, en investissant de manière prioritaire dans le capital éducatif, social, culturel et citoyen.
1
Jean GADREY (2004), L’utilité sociale des organisations de l’économie sociale et solidaire, une mise en perspective sur la base de travaux récents, Rapport de synthèse pour la DIES et la MIRE.
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foisonnement d’indicateurs
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Si de multiples définitions existent pour qualifier la richesse, des indicateurs tout aussi nombreux ont été élaborés afin de quantifier cette richesse et de mesurer le niveau de développement de la société. En effet, la préoccupation croissante autour des questions sociale et environnementale
et le constat de leur faible prise en compte par les indicateurs monétaires et les systèmes de comptabilité qui prévalent actuellement a conduit au développement de nouveaux indicateurs visant à rendre compte de manière plus pertinente du progrès humain.
Regard Faut-il absolument mesurer la richesse ?
Jean GADREY « préfère les termes évaluer et valoriser à celui de mesurer, car la mesure n’est qu’une partie de ce qu’il faut faire lorsqu’on veut évaluer […] Ne mesurons pas tout, ce serait contre-productif et dépourvu de sens ». Patrick VIVERET considère quant à lui que « la nécessité de compter autrement ne doit pas conduire à aggraver encore l’obsession de la mesure qui constitue une pathologie dangereuse des sociétés de marché ».
Le PIB, instrument imparfait de mesure de la richesse Le PIB (Produit Intérieur Brut) est l’instrument de mesure de l’activité économique le plus fréquemment utilisé. Le PIB, c’est la somme des valeurs produites dans la sphère marchande et monétaire et des coûts de production des services non marchands
des administrations publiques. Il prend en compte tous les biens finaux, qu’ils soient consommés par les ménages, les entreprises ou les gouvernements. La « croissance », c’est donc celle du PIB, déduction faite de l’inflation.
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Il résulte de cette définition plusieurs constats : 1 -Le PIB ne prend pas en compte la notion de bien-être
Tout ce qui peut se vendre et qui a une valeur ajoutée va « gonfler » le PIB, indépendamment de ce que cela apporte au bien-être individuel ou collectif. Ainsi, « tout indique que les pays les plus ‘riches’ au sens du PIB par habitant sont aussi ceux où la pression écologique par habitant est la plus forte », souligne Jean GADREY. « La liste est longue des raisons qui font que le PIB est une très mauvaise boussole pour signifier le bien-être durable. La croissance ne nous indique en rien le ‘progrès ‘, et, de plus en plus, elle nous en éloigne. » Jean GADREY 2 -De nombreuses activités qui contribuent au bien-être ne sont pas prises en compte dans le calcul du PIB
parce qu’elles ne sont pas marchandes ou qu’elles n’ont pas de coût de production monétaire direct. C’est le cas par exemple des activités bénévoles, du travail domestique, du temps libre choisi, etc. 3 -Le PIB mesure les « outputs » (quantités produites) mais exclut en revanche les « outcomes »
(satisfaction et bien-être après la consommation de ces biens et services). La mesure du PIB est
ainsi indifférente à la répartition des richesses comptabilisées, aux inégalités, à la pauvreté, à la sécurité économique… Si bien que le PIB ne permet pas de dire à qui profite la croissance. Joseph STIGLITZ parle ainsi d’un « mirage » : « Nous avons connu une décennie de forte croissance du PIB et de déclin pour la plupart des gens ». Avec le PIB, « n’a de valeur que ce qui possède une capacité d’échange monétaire ; ne peut entrer dans le lien social marchand qu’une personne disposant du sésame monétaire ». Patrick VIVERET, Reconsidérer la richesse 4 -Enfin, le PIB prend en compte les activités réparatrices ou défensives,
c'est-à-dire qu'il prend en compte certaines activités qui ne font au mieux que compenser des dommages liés à d’autres activités (par exemple une marée noire). « Détruire (la société, l’environnement) puis réparer (en partie) est une ‘contribution’ de plus en importante du PIB », souligne Jean GADREY.
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Les indicateurs de richesse alternatifs Les critiques portées à l’encontre du PIB et de ses limites à rendre compte de l’ensemble des variables qui concourent au développement et au bien-être d’une société se sont accompagnées de propositions en faveur de la mise en place d’indicateurs complémentaires et/ou alternatifs.
« Toute théorie de la valeur, au sens économique du terme, ne saurait être contradictoire avec une définition écologique et anthropologique des valeurs fondamentales [que sont le sens (et la connaissance) et l’amour (ou la reconnaissance)». Patrick VIVERET, Reconsidérer la richesse
Regard Le rapport (presque) sans suites de la Commission Stiglitz
La Commission sur la Mesure de la Performance Économique et du Progrès Social, présidée par le professeur Joseph E. STIGLITZ, a été créée au début de 2008 à l’initiative du gouvernement français. Elle s’est réunie de septembre 2008 à septembre 2009. Le rapport qui a émergé de ces travaux, rendu public le 14 septembre 2009, se fait largement l’écho des critiques portées à l’encontre du PIB : « Notre statistique doit mettre davantage l’accent sur la mesure du bien-être de la population que sur celle de la production économique. Ces mesures doivent être resituées dans un contexte de soutenabilité ». Le rapport énumère ainsi une série de 12 recommandations en faveur d’indicateurs de progrès social plus pertinents. Parmi ces recommandations : accorder davantage d’importance à la répartition des revenus, de la consommation et des richesses ; élargir les indicateurs de revenus aux activités non marchandes (loisirs, activités familiales, etc.) ; fournir une évaluation objective et globale des inégalités entre personnes, entre catégories socio-économiques, sexes et générations. Alors que la crise qui sévit depuis 2008 illustre avec une intensité particulière l’actualité et la pertinence de ces analyses, le rapport de la Commission Stiglitz a eu peu d’impact jusqu’à présent.
Les indicateurs du « développement humain » . Prendre en compte le caractère pluridimensionnel du bien-être
Les indicateurs du PNUD Inspirés par les travaux du prix Nobel d’économie Amartya SEN, les indicateurs élaborés par le PNUD (Programme des nations unies pour le
développement) ont été parmi les premiers à proposer une vision alternative de la croissance en la resituant dans une perspective de développement humain.
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Les indicateurs élaborés par le PNUD
L’IDH (Indice de développement humain) Il se base sur le PIB par habitant, l’espérance de vie et le niveau d’instruction d’un pays.
L’ISDH (Indicateur sexospécifique de développement humain) qui permet d’évaluer les différences entre hommes et femmes de l’IDH.
D’autres indicateurs de « développement humain » D’autres indicateurs ont été développés afin de prendre en compte les différentes dimensions du bien-être. L’ISS (Indice de santé sociale américain), qui s’appuie sur des critères spécifiques aux différents âges de la vie : • Pour les enfants : taux de mortalité, de maltraitance et de pauvreté infantile. • Pour les jeunes : taux de suicide, usage de drogues, abandon d’études universitaires et mères adolescentes.
L’IPF Indicateur de participation des femmes à la vie économique et politique
L’IPH Indicateur de pauvreté humaine
•
Pour les adultes : taux de chômage et salaire moyen. • Pour les séniors : pauvreté des plus de 65 ans et espérance de vie à 65 ans. En plus de ces données liées à l'âge, l'ISS prend en compte le nombre de délits violents, d'accidents de la route mortels liés à l’alcool, l'accès au logement à un prix abordable et l'inégalité de revenu familial. À noter que l’ISS est spécifique aux États-Unis et que les grands problèmes sociaux doivent être hiérarchisés différemment d’un pays à l’autre et les « pathologies sociales » mesurées en fonction du contexte institutionnel et culturel.
Regard Un ISS à la française
Un ISS pour les régions françaises a été mis au point par Florence JANY-CATRICE. Il montre que la santé sociale des régions n’a pratiquement rien à voir avec leur richesse économique mesurée par le PIB par habitant.
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Le BIP 40 (Baromètre des inégalités et de la pauvreté), qui s’apparente à une transposition de l’ISS en France. Il se base sur six dimensions : • L’emploi et le travail. • Les revenus. • La santé. • L’éducation. • Le logement. • La justice.
Regard
L’Indice de bien-être économique, qui comporte quatre axes : • Les flux de consommation courante. • L’accumulation nette de stocks de ressources productives (bien, logements, capitaux..). • La répartition des revenus, la pauvreté et les inégalités. • Le degré de sécurité économique. L’ISP (Indice de sécurité personnelle), qui s’attache à mesurer des facteurs peu valorisés par les autres indicateurs. La sécurité est vue à travers trois dimensions : • Sécurité économique. • Sécurité devant la santé. • Sécurité physique.
Et l’« utilité sociale » des associations, dans tout ça ?
Si les acteurs « non marchands » (associations, entreprises de l’économie sociale, services publics) génèrent de la richesse, la plusvalue spécifique créée par les activités qu’ils développent ne se mesure pas à l’aune d’indicateurs économiques classiques mais à l’aune de leur utilité sociale. De quoi s’agit-il ? Comme le souligne Jean GADREY, « il n’existe pas de définition universelle, mais l’idée générale est simple : les organisations de l’économie sociale et solidaire (mais d’autres organisations peuvent être concernées) apportent à la collectivité et à leurs territoires un ‘bénéfice collectif’, au-delà des services qu’elles rendent à des individus ou des biens qu’elles peuvent produire. Ces ‘bénéfices’ sont d’ordre divers : du lien social, de la solidarité, une réduction de l’exclusion, une contribution à une démocratie plus vivante, à la mise en œuvre de droits fondamentaux, à la qualité de vie ou à l’environnement sur des territoires, etc. C’est tout cela que l’on regroupe parfois sous les termes d’utilité sociale ou de valeur ajoutée sociétale. »
Les indicateurs du « développement durable » Prendre en compte l’impact environnemental
S’il n’est pas réductible aux seuls enjeux écologiques, le concept de « développement durable » ou de « développement soutenable » a fait irruption dans le débat public à la faveur d’une prise en compte croissante de la question environnementale. Ainsi, en 1987, la Commission mondiale sur l’environnement et le développement des Nations Unies remettait un rapport (rapport BRUNDTLAND) préconisant la politique nécessaire pour parvenir à un « développement durable », défini comme « un mode de développement qui répond aux besoins du
présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». Ce rapport pointait deux concepts inhérents à la notion de développement durable : • Le concept de « besoins », et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité. • L’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir.
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Le concept de « développement durable » a ouvert par conséquent de nouvelles perspectives en matière de mesure et de répartition de la richesse, sur la base d’une double approche : • Dans le temps : nous avons le droit d’utiliser
•
les ressources de la Terre, mais le devoir d’en assurer la pérennité pour les générations à venir. Dans l’espace : chaque humain a le même droit aux ressources de la Terre, selon un principe de « destination universelle des biens ».
Regard La place des citoyens dans l’élaboration des indicateurs de richesse : un enjeu crucial
Bernard PERRET, dans un hors-série d’Alternatives économiques consacré aux indicateurs de richesse, souligne que : « les indicateurs ne simplifient pas seulement la réalité. Ils incarnent tous des visions politiques et constituent ensuite des repères collectifs puissants. En ce sens, ils contribuent à former la vision du monde des citoyens, vision qui finit par transformer leurs actes, pour les conformer aux objectifs poursuivis ». La place des citoyens dans l’élaboration de ces indicateurs représente donc un enjeu crucial. En effet, une fois admise la limite des indicateurs de richesse marchande, il faut chercher à donner toute leur place aux citoyens dans la définition de ce qui fait la richesse pour eux. Cette démarche relève de l’Education populaire : il s’agit de montrer aux citoyens que les indicateurs de richesse utilisés à l’heure actuelle ne sont pas objectifs et qu’ils sont le fruit de choix politiques, pour qu’ils se les réapproprient et définissent eux-mêmes ce qui fait la richesse individuelle et collective.
L’empreinte écologique Il s’agit du seul indicateur synthétique purement environnemental. L'empreinte écologique comptabilise la demande exercée par les hommes envers les « services écologiques » fournis par la nature (production de l'oxygène de l'air, épuration naturelle des eaux, pollinisation des cultures, etc.). Plus précisément, elle mesure les surfaces biologiquement productives de terre et d´eau nécessaires pour produire les ressources qu´un individu, une population ou une activité consomme et pour absorber les déchets générés,
compte tenu des techniques et de la gestion des ressources en vigueur. Cet indicateur ne s’intéresse qu’aux ressources renouvelables, qui sont celles qui vont poser le plus de problèmes à long terme du fait de leur risque d’épuisement. Aujourd’hui, l’empreinte écologique montre que l’humanité a une dette envers la nature de 40 % chaque année. Mais celle-ci demeure invisible, notamment parce qu'elle n’a pas de répercussion sur le niveau des prix.
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Le Happy planet index Le Happy Planet Index (HPI), ou « indice de la planète heureuse », est un indicateur économique alternatif qui prend en compte le bien-être humain et les incidences sur l'environnement. Trois variables sont mesurées par cet indice : l’empreinte écologique, l’espérance de vie et le degré de bonheur des populations.
• •
ajouter au PIB la valeur estimée des activités économiques non monétaires, comme le travail domestique ou les activités bénévoles ; retrancher du PIB la valeur estimée des richesses naturelles perdues (dommages à l'environnement, destruction des ressources non renouvelables, etc.) et des dégâts sociaux (chômage, délits, crimes, délinquances, accidents, maladies, inégalités, etc.).
L’Indicateur de progrès véritable ou indice de bien-être durable Ces 2 indicateurs (IPV et IBED) sont très proches par leur mode de calcul, qui consiste globalement à :
e vue d t n i o Le p
du CNAJEP
Le progrès pour tous et par tous 1. Le progrès doit être bénéfique pour tous
Le progrès n’est pas réductible à la constitution et à l’accumulation de biens (matériels et immatériels). Le niveau de développement d’une société doit au contraire être entendu comme une valeur relative, qui prenne en compte les modalités de répartition de la richesse et les inégalités au sein de la société. 2. Le progrès est l’affaire de tous
La participation à la vie économique, sociale, démocratique et culturelle constitue un levier essentiel dans le parcours des individus vers l’émancipation, en même temps qu’une ressource indispensable pour renforcer la cohésion sociale et dessiner la société de demain. Participer à la création et à la répartition de la richesse collective donne ainsi à chacun une place reconnue. Il nous semble par conséquent impératif de redéfinir le progrès : • dans un souci de résorption des inégalités, afin que l’enrichissement des uns ne se fasse pas sur le compte de la paupérisation des autres ; • dans une perspective de développement durable de la planète, afin que le bienêtre des générations présentes n’hypothèque pas celui des générations futures ; • dans une démarche de participation des citoyens, afin que chacun se situe comme un acteur du changement et soit reconnu comme un contributeur à la production de la richesse collective.
n o i t i t r a p é R e v i t c e l l o c e s s e h c i r de la elles
ationn r é n é g r e t rités in a d i l o s s e L en question
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La question de la richesse et du progrès interroge en creux la manière dont se construisent les inégalités, mais aussi les solidarités, au sein de la société. A cet égard, la problématique générationnelle semble se situer au croisement des enjeux relatifs à la constitution et à la répartition de la richesse collective. « Aujourd’hui, la question des inégalités générationnelles cristallise une angoisse telle qu’il y a là une occasion de faire preuve de pédagogie et d’expliquer au grand public les enjeux du débat. » Camille PEUGNY Les jeunes continuent de subir de multiples discriminations et peinent à être reconnus comme des acteurs à part entière de la société. Confrontés à de nombreux obstacles dans l’accès à l’emploi (et donc à la capacité de produire de la richesse), exclus des principaux lieux de concertation et de décision où se définissent les modalités de répartition de la richesse, les 16-25 ans sont aujourd’hui la catégorie la plus pauvre de la population française. Pour autant, comme nous allons tenter de le démontrer, la jeunesse ne doit pas être appréhendée comme une « génération sacrifiée », mais davantage comme la plaque sensible des processus et des tensions à l’œuvre dans la société. L’enjeu consiste par conséquent à proposer un modèle de répartition qui permette de conjuguer équité générationnelle et justice sociale.
Le parti-pris du CNAJEP
Notre propos vise ici à compléter les analyses économiques dominantes pour défendre une nouvelle approche des solidarités entre générations. Nous pensons en effet que le dialogue entre les générations, et la véritable reconnaissance de l’apport de chaque âge à la richesse collective, doivent mener à terme à une meilleure intégration des jeunes dans la société. Les discours stigmatisants sur les jeunes, qui seraient soit individualistes, soit insuffisamment matures pour travailler, soit centrés sur eux-mêmes, sont responsables de crispations entre les différentes générations. Reconnaitre la contribution de chaque âge à la richesse collective, c’est poser les fondements d’un dialogue bienveillant et équilibré entre les générations. C’est reconnaitre qu’au-delà des seuls facteurs économiques, de nombreux autres paramètres jouent un rôle essentiel dans le bien être d’une société, et dans la cohésion entre les générations. C’est enfin donner la direction à prendre aux futures politiques publiques en direction des jeunes. A l’heure où notre modèle de développement est sévèrement remis en cause, nous pensons que seules la coopération et la confiance entre les différents âges de la vie, et entre les différentes classes sociales, pourrait permettre l’émergence d’un nouveau modèle de développement plus respectueux de chacun.
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richesse collective Répartition de la
s t n e r a p , s e n Les jeu pauvres de la société ? Des âges de la vie de plus en plus mouvants Si la notion de génération recouvre plusieurs définitions permettant de distinguer les âges au sein d’une société, les frontières séparant traditionnellement les différents âges de la vie apparaissent de plus en plus fluctuantes. Retour sur le concept de génération
Selon Louis CHAUVEL, le terme « génération » peut se rapporter à plusieurs acceptions distinctes : • La génération au sens démographique définit un groupe d'individus nés la même année, ou « cohorte de naissance » • La génération historique se réfère à des individus partageant la conscience forte d'une position dans l'histoire (ex : « génération 68 »). • La génération sociale définit une cohorte en partie structurée, dont les membres peuvent partager des caractéristiques données sans en avoir nécessairement la conscience. • La génération familiale correspond à un rapport direct de parenté ou de filiation. Des parcours de vie en mutation
Toutes les sociétés divisent la vie en plusieurs âges. Dans les sociétés occidentales, cette division se résume en général à trois séquences : la jeunesse, la vie adulte et la vieillesse, auxquelles correspondent trois situations sociales spécifiques : l'école, le travail et la retraite. Cette organisation est centrée pour l'essentiel sur l'âge productif, la jeunesse étant pensée comme une préparation à la vie active.
Aujourd'hui, cette vision linéaire se voit remise en cause. Le passage de la jeunesse à la vie adulte, qui supposait le franchissement, en un temps relativement bref, de quatre seuils (la sortie du logement familial, l'insertion dans l'emploi, la mise en couple et l'arrivée du premier enfant), est aujourd'hui retardé. Comme l'explique Cécile VAN DE VELDE, la jeunesse n'est ainsi plus un état, mais un devenir, et l'âge adulte une perspective plutôt qu'un achèvement. De même, à l'autre extrémité de la vie, la frontière qui sépare activité et retraite devient elle aussi plus floue. Si, grâce aux progrès de la médecine, les handicaps de la vieillesse arrivent souvent plus tard, la discontinuité croissante des carrières couplée aux réformes successives des retraites entame le niveau des pensions. Apparaissent ainsi deux nouvelles séquences de vie : l'âge des « jeunes adultes » (les 20-30 ans) et l'âge des « âgés sans être vieux » (les 55-70 ans).
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Regard Parcours subis ou choisis ?
Le sondage réalisé par la Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC) en 2011 montre combien la liberté de choix des jeunes est largement contrariée. Ainsi, quand les jeunes finissent par trouver un emploi, « l’arrivée dans le monde du travail est souvent une désillusion ». Seulement 47 % d’entre eux disent s’être « sentis libres » de choisir leur premier emploi. Ils le décrochent souvent au terme d’une longue période de galères faites de stages, de CDD, de missions d’intérim. Plus grave, dans le sondage, 14 % des jeunes déclarent ne pas avoir été libres de choisir leur orientation. Il importe par conséquent de faire des mutations des parcours de vie une chance pour tous. Changer de métier, faire une pause dans son parcours professionnel, reprendre une formation, inventer des modes de vie alternatifs, devraient constituer une opportunité pour tous, et non une chance pour certains, et une contrainte pour d’autres.
L'âge adulte connaît lui aussi des transformations : les exigences du marché du travail imposent de plus en plus de retours périodiques à la « case formation », alors que le recul de la durée du travail sur le temps de vie et la diffusion des RTT ont introduit plus de souplesse dans la gestion des temps sociaux.
Ces évolutions témoignent d’une perméabilité croissante des différents âges de la vie dont les frontières sont moins rigides que par le passé, et nécessitent de proposer un cadre favorable à l’expérimentation et à la sécurisation des parcours de vie pour tous.
La jeunesse, ou l’expérience collective de la précarité La situation des jeunes générations est aujourd’hui préoccupante. Aux difficultés structurelles en matière de formation, d’emploi, de logement, d’autonomie financière, etc., sont venus se greffer les effets de la crise économique et sociale, qui a aggravé les phénomènes de paupérisation, de précarisation et d’exclusion des jeunes. Une défiance de la société vis-à-vis de la jeunesse ?
Jeunesse « égoïste » et « intolérante » ? Dans les deux enquêtes d’opinion réalisées en 2009 et 2010 par l’AFEV et Audirep, portant sur
la perception des Français à l’égard des jeunes, 51 % des sondés déclaraient avoir une image négative des nouvelles générations, jugées par ailleurs « individualistes » et bien peu « tolérantes ». Ces tendances ont été récemment confirmées par le sondage commandé par le quotidien Le Monde et paru le 24 novembre 2011. Les jeunes sont ainsi jugés égoïstes (63 %), paresseux (53 %) et intolérants (53 %). Des qualificatifs confirmés par les moins de 30 ans, lesquels se jugent eux-mêmes égoïstes (70 %), paresseux (65 %) et intolérants (51 %) – ce qui témoigne d’une image dégradée, y compris au sein de la jeunesse elle-même.
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richesse collective Répartition de la
Regard « Stop aux Clichés » : l’ANACEJ mobilisée contre les idées reçues
La campagne « Stop aux clichés sur les jeunes » a été lancée en 2006 par le Comité jeunes de l’ANACEJ. Son but, un travail de longue haleine : changer le regard porté sur les jeunes en luttant contre les clichés et en dialoguant avec des journalistes. Pour atteindre cet objectif, diverses actions sont menées : l’organisation de manifestations autour du thème de « l’image des jeunes », la remise d’un prix « stop aux clichés » afin de sensibiliser les médias et les inciter à être plus attentifs, ou encore l’opération « trombinoclichés » pour donner la parole à tous.
Jeunesse « perdue » ou « optimiste » ? En matière de « moral » des jeunes, la guerre des chiffres et des mots fait régulièrement rage. Ainsi, lors du 1er anniversaire du Plan « Agir pour la Jeunesse », le 29 septembre 2010, le ministre de la Jeunesse se félicitait de « l'optimisme » des jeunes Français que révélait le « baromètre de la jeunesse » réalisé par le Gouvernement. Cet « optimisme » se situe à mille lieues de « l’angoisse face à l’avenir » décrite par Cécile VAN DE VELDE ou de la « génération perdue » dont fait état le rapport de l'Organisation internationale du travail (OIT) publié le 12 août 2010.
La réalité semble plus complexe, en définitive. L’enquête de 2011 de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne fait ainsi apparaître que 77 % des jeunes se déclarent « optimistes » sur leur avenir personnel, mais qu’ils sont seulement 26 % à se dire optimistes « pour l’avenir des jeunes en France », contre 65 % de pessimistes. Quand la question porte sur « l’avenir de la France », les résultats sont encore plus sombres, avec seulement 20 % d’optimistes.
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Le « bizutage » social imposé aux jeunes Des jeunes frappés par la pauvreté Taux de pauvreté des femmes et des hommes selon l’âge / Unité : %
Femmes
Hommes
Seuil 60 %
Seuil 50 %
Seuil 60 %
Seuil 50 %
Moins de 18 ans
17,7
10,0
17,7
9,9
18 à 24 ans
23,7
14,8
21,3
13,7
25 à 34 ans
12,4
7,1
10,4
5,9
35 à 44 ans
13,0
7,3
10,6
6,2
45 à 54 ans
12,4
7,4
11,7
7,2
55 à 64 ans
10,2
5,6
10,1
5,7
65 à 74 ans
8,3
2,4
7,0
2,4
75 ans et plus
14,7
5,7
10,1
3,1
Ensemble
14,1
7,6
12,9
7,3
Champ : personnes vivant en France métropolitaine dans un ménage dont le revenu déclaré est positif ou nul et dont la personne de référence n’est pas étudiante. Source : Insee, enquête Revenus fiscaux et sociaux 2009 Lecture : 23,7 % des femmes âgées de 18 à 24 ans ont un niveau de vie inférieur à 60 % du niveau de vie médian de la population française, c’est-à-dire qu’elles disposent de revenus mensuels inférieurs à 954 € (795 € pour le seuil de 50 %).
Les discriminations face à l’emploi un accès difficile au marché de l’emploi Taux de chômage selon le diplôme et le temps écoulé depuis la sortie de l’enseignement, en %
Taux de chômage selon l’âge Unité : %
15-24 ans
23,3
25-49 ans
8,4
50 ans ou plus
6,1
Ensemble
9,3
49,5 Sortis depuis 1 à 4 ans de formation initiale Sortis depuis 5 à 10 ans de formation initiale Sortis depuis 11 ans et plus de formation initiale
26,5 23,1
Source : Insee - enquête Emploi 2ème trimestre 2010, France métropolitaine population des ménages, personnes de 15 ans ou plus Lecture : 23,3 % des 15/24 ans inscrits sur le marché de l’emploi sont au chômage.
10,8
11,9
9,6 6,3
Brevet, CEP et sans diplôme
Bac, CAP-BEP ou équivalents
4,8
4,3
Enseignement supérieur
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richesse collective Répartition de la Des conditions de travail précaires Actifs occupés selon l’âge et le statut / Unité : %
15 à 29 ans
30 à 49 ans
50 ans et plus
Salariés
96
89
83
Non salariés
4
11
17
Fonctionnaires
9
19
21
Contrat à durée indéterminé (CDI) dans le privé
53
63
57
Total des précaires
34
9
4
• Dont intérimaires • Dont apprentis • Dont total des contrats à durée
5
2
1
7
0
0
17
6
3
CDD du privé
12
4
2
CDD du public
5
2
1
5
1
0
Stagiaires et contrats aidés du privé
1
0
0
Stagiaires et contrats aidés du public
4
1
0
Ensemble
Parmi les salariés
Répartition des salariés précaires
déterminée (CDD)
• Dont total des stagiaires et contrats aidés
Source : Insee - Enquête emploi en continu 2007. Année des données : 2007, Population active occupée Lecture : 34% des actifs occupés de 15/29 ans travaillent dans le cadre de contrats précaires (interim, apprentissage, CDD, stagiaires, contrats aidés).
Le fardeau du logement Dépenses annuelles de logement selon l’âge / Unité : %
Moins de 25 ans
25 - 29 ans
30 - 44 ans
45 - 59 ans
60 ans et plus
Ensemble
Taux d'effort brut moyen en %
32,1
21,3
17,2
9,4
5,3
11,6
Taux d'effort net moyen en %
22,0
18,5
15,5
8,6
4,6
10,3
Attention, ces données globales incluent à la fois locataires et propriétaires. Le taux d’effort rapporte les charges de loyer ou d’emprunt aux revenus du ménage. Le taux d’effort «net» tient compte des aides au logement. Lecture : Les moins de 25 ans consacrent en moyenne 32,1% de leurs revenus au paiement des charges de loyer ou d’emprunt.
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Une jeunesse sous-représentée
Autre illustration des discriminations faites aux jeunes : leur sous-représentation dans les espaces qui structurent la vie démocratique française. A titre d’exemple, à l’issue des élections
législatives de 2007, la moyenne d’âge des députés s’élevait à 55 ans et trois mois, un seul d’entre eux ayant moins de 30 ans au moment de son élection.
Regard Quelques éléments sur l’évolution de l’engagement associatif des jeunes
Si certains observateurs mettent en exergue une « crise de l’engagement » chez les jeunes, ce constat est largement contredit par les chiffres. Ainsi, 37 % des jeunes de 18 à 29 ans sont membres d’au moins une association 2. Ce chiffre est constant depuis les années 1990. D’autre part, l’activité bénévole des 18-29 ans a légèrement augmenté entre 1990 et 2008, puisqu’elle est passée de 16 à 19 %. En ce qui concerne l’évolution de la nature de l’engagement, la part des jeunes participant à des associations impliquées sur des sujets de société, concernant la vie de la cité, a été multipliée par 3 entre 1999, passant de 7 % à 20 %. On observe que l’investissement associatif se construit en complémentarité avec l’engagement politique : les jeunes adhérents associatifs s’intéressent d’avantage à la politique. Il est toutefois important de souligner que l’investissement des jeunes dans les milieux associatifs ou politiques augmente parallèlement au niveau d’études. Les jeunes peu ou pas diplômés, confrontés à des difficultés d’insertion, sont moins engagés dans les associations. Enfin, la succession de séquences courtes que connaissent aujourd’hui de nombreux jeunes au cours de leur parcours d’autonomisation (stages, CDD, déménagements successifs, etc.), ont une incidence sur les formes d’engagement : les jeunes s’investissent sur des périodes plus courtes, voire ponctuelles, au sein des associations.
2
Note n° 4 de l’Observatoire de la jeunesse, Injep, mai 2011.
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richesse collective Répartition de la
La jeunesse, plaque sensible des mutations de la société Des jeunesses plutôt qu’une jeunesse, en prise avec les changements de la société
Les jeunes, tout comme les autres classes d’âge, ne constituent pas une catégorie à part entière et uniforme. Si certaines caractéristiques sont communes à tous les jeunes, de nombreuses disparités, voire inégalités, sont observables à l’intérieur de cette classe d'âge, qu’elles soient sociales, territoriales, sexuelles, etc. Les jeunes d’aujourd’hui se caractérisent ainsi par une « fragmentation sociale et culturelle » (Louis CHAUVEL) qui oblige à reconsidérer les inégalités, non plus seulement à travers le prisme des générations, mais en prenant en compte l’ensemble des mécanismes à l’œuvre dans la société. Dans ce sens, les jeunesses, diverses, semblent se situer au carrefour des problématiques économiques, sociales et culturelles qui traversent la société, et constituent de ce fait la plaque sensible des tensions à l’œuvre dans la société. Le phénomène du déclassement
La problématique du déclassement illustre la complexité et la multiplicité des phénomènes inégalitaires. Ce concept renvoie en effet à trois significations différentes en sociologie et dans le débat public. 1 - Lorsque l'on compare les générations entre elles, le déclassement se rapporte au fait qu'un individu connaît une situation moins bonne que celle de ses parents : il s'agit du déclassement intergénérationnel. 2 - Quand on s'intéresse à une seule génération au cours de son cycle de vie, le déclassement désigne la disparité de situations entre plusieurs individus de cette génération : il s'agit alors de déclassement intra générationnel.
3 - Le déclassement peut également se rapporter à la situation spécifique des jeunes diplômés. Il désigne alors le fait que des personnes qualifiées vont occuper un travail moins qualifié, faute de trouver un emploi en accord avec leur niveau de diplôme. « Le déclassement agit comme un poison sur le moral des individus. Il crée des situations de tension. Il influence la manière dont on se représente le fonctionnement de la société ». Camille PEUGNY Si le phénomène de déclassement accable plus particulièrement les jeunes générations, il renvoie néanmoins à une tendance qui traverse l’ensemble de la société. Le déclassement est en effet lié à une rupture sociétale intervenue dans les années 1970, que Daniel COHEN a décrite comme « le passage d'une société industrielle à post industrielle » et à la financiarisation du capitalisme qui a entraîné une dégradation de la situation de nombreux travailleurs. Par conséquent, bien plus qu’il n’exprime un creusement des inégalités entre les générations, le phénomène de déclassement manifeste à bien des égards l’émergence dans les pays développés d’un nouveau modèle basé sur une précarité généralisée.
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de vue t n i o p Le
du CNAJEP Repenser la jeunesse à l’aune des bouleversements de la société La prégnance de la vision linéaire des parcours de vie tend à pénaliser les individus, dont les parcours sont de plus en plus segmentés et diversifiés. Pour les uns, ces trajectoires morcelées sont choisies. Pour les autres, notamment pour de nombreux jeunes, ces parcours sont davantage subis que choisis, du fait de l’allongement des périodes de transition avant d’arriver à une situation stabilisée (passage des études au marché du travail, de la vie avec les parents à la fondation d’une famille, etc.). Les questions de Jeunesse sont intimement liées aux enjeux qui traversent plus largement la société. La problématique générationnelle s’inscrit en effet dans une problématique sociale plus large qui touche aussi aux questions de mixité, d’égalité, de discriminations, etc. A ce titre, la jeunesse cristallise avec une intensité particulière les angoisses et les attentes partagées par l’ensemble de la société, et représente ainsi la plaque sensible des mutations en cours dans la société. Il est nécessaire de prendre la mesure de ces transformations et, dans ce sens, d’appréhender la jeunesse comme une phase initiatique d’expérimentations, pendant laquelle chaque individu doit être en mesure de tester ses choix, et éventuellement de se tromper, sans pour autant devoir en subir des conséquences définitives. L’enjeu consiste par conséquent à adopter une vision prospective afin d’accompagner les changements sociétaux, et de proposer aux jeunes un nouveau cadre de socialisation leur permettant de faire face aux défis de ce monde en mutation et de se projeter dans l’avenir.
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richesse collective Répartition de la
s e s s e h c i r s n de Répartitio et solidarités intergénérationnelles Les jeunes condamnés à « payer la facture » ? « Fracture générationnelle » et « génération sacrifiée » ?
Déconstruire les discours alarmistes qui opposent les générations
Dans son ouvrage Le destin de générations, Louis CHAUVEL formule le constat qu’il existe une « génération sacrifiée ». Selon lui, plusieurs facteurs permettent de formuler un tel constat. Que ce soit l’évolution du revenu disponible médian par classe d’âge, le taux de chômage après la sortie des études, ou encore l’évolution de la courbe des taux de suicide, tous les indicateurs montrent qu’une véritable « fracture intergénérationnelle » s’est creusée.
Malgré les analyses pointant l’impact de la dette publique sur les mécanismes de solidarité intergénérationnelle, d’autres raisonnements tendent à déconstruire le discours couramment entendu selon lequel la dette publique serait un transfert de richesse au détriment des générations futures.
Cette « fracture » séparerait les générations pour lesquelles l’entrée dans la vie adulte s’est faite dans des conditions favorables voire exceptionnelles (les baby-boomers), de celles pour qui la première recherche d’emploi a eu lieu dans un contexte de crise économique et de précarisation du marché du travail. Patrick ARTUS confirme que la crise frappe plus durement les jeunes générations que leurs aînées. L’explosion de la dette publique, la dégradation sévère de l’emploi des jeunes salariés, le ralentissement du crédit et les politiques monétaires de relance ultraexpansionnistes – qui commencent déjà à faire repartir certains prix d’actifs à la hausse – constituent autant de mécanismes qui pénalisent les jeunes davantage que les vieux.
3
Dans le Manifeste des économistes atterrés, un collectif de chercheurs 3 démontre que les déficits publics ont été largement aggravés depuis les années 1980 par une politique de réduction de la pression fiscale sur les ménages les plus aisés, motivée par la croyance, rarement vérifiée, selon laquelle la baisse d’impôt stimulerait la croissance et accroîtrait in fine les recettes publiques. Aussi, les réductions d’impôts et de cotisations se sont multipliées alors que leur impact sur la croissance économique est resté incertain. « Les politiques fiscales anti-redistributives ont donc aggravé à la fois, et de façon cumulative, les inégalités sociales et les déficits publics ». L’accroissement de la dette publique en France ne serait donc pas le résultat de politiques keynésiennes qui auraient dépensé à tout va en faveur des fonctionnaires, des retraités ou des malades. Au contraire, il résulterait
NP.Askenazy, T.Coutrot, A.Orléan, H.Sterdyniak, Manifeste d’économistes atterrés, 2010, ed. Les liens qui libèrent.
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d’une politique fiscale en faveur des ménages les plus riches : la baisse de leurs dépenses fiscales (cotisations et impôts) a provoqué l’augmentation de leurs revenus, ce qui leur a permis d’accroître leurs placements notamment en bons du trésor afin de financer les déficits publics, ces bons du trésors étant rémunérés en intérêts par l’impôt prélevé sur tous les contribuables. Au total, c’est un mécanisme de redistribution à rebours qui s’est développé, des plus pauvres vers les plus riches, via la dette publique.
Afin de lutter contre ces mécanismes, les économistes signataires de ce manifeste proposent de : • Redonner un caractère fortement redistributif à la fiscalité directe sur les revenus (suppression des niches les plus injustes, création de nouvelles tranches et augmentation des taux de l’impôt sur le revenu…) • Supprimer les exonérations consenties aux entreprises sans effets suffisants sur l’emploi.
Repenser les solidarités entre générations Les principaux modèles de réforme de l’État Providence
Selon André MASSON, trois paradigmes structurent aujourd’hui les discours sur l’intervention publique et orientent les voies de réformes de l’État-Providence. Pour répartir le bien être entre âges et générations, satisfaire les besoins spécifiques et couvrir les risques des deux périodes de dépendance (l’enfance et la vieillesse), la société peut :
•
•
Faire appel à la responsabilité individuelle des personnes. Il s’agit de la pensée du libre agent, qui fait confiance au marché et prône la liberté. L’action publique doit être minimale et orientée vers les plus jeunes. La pensée du libre agent promeut des mécanismes de transfert entre générations qui reposent sur l’initiative privée et le mécénat. Se reposer sur la famille et les solidarités. Il s’agit de la pensée multi-solidaire, dans laquelle la famille fonctionne comme métaphore des solidarités. Cette pensée prône une division des rôles entre l’État qui s’occupe d’abord des plus âgés et la famille qui se consacre d’abord aux plus jeunes. La pensée multi-solidaire souhaite intéresser
les plus vieux par des mécanismes incitatifs, en indexant par exemple les retraites élevées sur l’évolution du taux de salaire à l’embauche des jeunes ou du taux de chômage.
•
Faire confiance aux politiques publiques. Il s’agit de la pensée de l’égalité citoyenne, qui veut instaurer une dépendance mutuelle directe entre la société nationale et chaque individu : une « citoyenneté sociale universelle ». C’est le modèle de l’État Providence qui est privilégié. Les transferts monétaires doivent être limités au profit de services collectifs à la personne. La pensée de l’égalité citoyenne privilégie une augmentation des prélèvements qui touchent les plus âgés.
Cette typologie renvoie à 3 modèles d’ÉtatProvidence : • Le régime « libéral » privilégiant le marché. • Le régime « conservateur » s’appuyant sur la famille. • Le régime « social-démocrate » qui s’en remet à l’État. Si le système français repose sur un modèle hybride, la tendance est à l’affirmation du régime « libéral », sous l’effet conjugué de la fragilité croissante des familles et du régime de rigueur imposé aux finances publiques.
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richesse collective Répartition de la
Réinterroger les mécanismes de solidarité : les cas emblématiques de la réforme des retraites et des droits de succession
La réforme des retraites : sans les jeunes et contre les jeunes ? Le débat sur les retraites interroge très directement la nature des politiques publiques à mettre en œuvre en vue de favoriser une juste répartition de la richesse entre les générations. Certaines évolutions (telles que le fléchissement de la croissance, le vieillissement de la population, la réduction corrélative de la part des actifs, etc.) plaident effectivement en faveur d’une refonte du système. Il n’en demeure pas moins que la réforme des retraites intervenue à l’automne 2010 en France, tant dans ses modalités de définition que dans son contenu, témoigne du mépris manifesté à l’égard des jeunes. Cette réforme
s’est faite sans eux, et ce en dépit de l’ampleur des inquiétudes et des revendications qu’ils ont exprimées. Les jeunes, mais plus largement l’ensemble des citoyens, se sont ainsi vus exclus de la définition d’une réforme qui engage pourtant l’ensemble de la société Surtout, la réforme mise en œuvre hypothèque un peu plus l’avenir des jeunes générations, qui risquent de se trouver doublement pénalisées : • Il leur est demandé de contribuer à un système de solidarités dont ils ne pourront vraisemblablement pas bénéficier euxmêmes, si ce n’est dans des conditions dégradées. • Les jeunes devront travailler plus longtemps, alors même qu’ils évoluent dans un marché du travail largement précarisé (difficultés chroniques d’accès à l’emploi, instabilité croissante des parcours professionnels, etc.).
Regard Les jeunes actifs fatalistes
Selon un sondage réalisé par l’IPSOS en mai 2007, 90 % des actifs de 25 à 35 ans interrogés se disent très soucieux quant à leur retraite. 85 % d’entre eux pensent que l’âge de la retraite sera plus élevé dans les décennies à venir, 75 % considèrent que les cotisations pour bénéficier de la retraite de base seront plus élevées et 57 % estiment que le montant de la retraite de base sera plus faible.
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Quand les transferts entre générations créent des inégalités sociales : l’exemple des droits de succession
Dans leur essai Pour une révolution fiscale, Thomas PIKETTY, Camille LANDAIS et Emmanuel SAEZ décrivent une fiscalité française asphyxiée par sa complexité, son manque de transparence et l’accumulation de privilèges pour une minorité de contribuables ultrariches. Ils démontrent le caractère régressif de l’impôt dans notre pays, ce qui signifie que, tous prélèvements confondus, les taux d’imposition sont plus élevés pour les ménages les plus modestes et s’abaissent pour les plus
riches. Leurs propositions pour dépasser ce modèle : prélèvement à la source sur le salaire, progressivité de l’impôt en fonction du revenu, individualisation (dans un couple, chacun payera sa part de son côté) et suppression des niches fiscales qui mitent le système et créent de l’inégalité. Sur ce dernier point, une attention particulière nous semble devoir être portée à la taxation de l’héritage, les exonérations actuelles participant à la reproduction des inégalités et à la captation des richesses par une minorité.
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du CNAJEP Envisager la jeunesse sous l’angle des solidarités Les solidarités intergénérationnelles sont indispensables au maintien de la paix sociale et à l’équité entre les générations. Pour le CNAJEP, cela signifie que l’État doit assurer une protection de toutes les classes de populations, quels que soient leur âge et leur origine sociale, de manière équitable. Le CNAJEP défend un véritable modèle de solidarité intergénérationnelle, où la collectivité assurerait la redistribution des richesses entre l’ensemble des générations, sans mettre les jeunes de côté. Les dépenses publiques en direction des jeunes sont un investissement, et non un coût : améliorer les processus d’autonomisation des jeunes, c’est leur permettre de pouvoir eux aussi par la suite participer à l’effort collectif et à la production de la richesse. Parce que nous voulons dépasser les discours clivants entre générations, nous demandons une analyse approfondie des enjeux économiques et sociaux qui pèsent actuellement sur les générations, et la mise en place de politiques véritablement distributives entre toutes les couches de la société. Le débat qui tend à opposer les générations ne doit surtout pas occulter la question fondamentale des inégalités sociales qui concernent l’ensemble de la population.
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Si, comme nous venons de le voir, la situation des jeunes est la résultante de l’ensemble des mutations à l’œuvre dans la société, elle est également le produit des politiques publiques qui ont été conduites en France et qui, plutôt que de répondre aux multiples obstacles rencontrés par les jeunes, les ont entretenus et les ont figés.
En effet, la société française a accompagné les transformations sociales intervenues depuis 35 ans par la mise en place de mesures ponctuelles d’insertion à destination des jeunes et par la consécration d’un système fondé sur la familiarisation des aides financières. Toutes les politiques menées depuis reposent sur cette double logique : d’une part, une succession de programmes de lutte contre le chômage des jeunes orientés vers la formation et l’insertion dans l’emploi, et d’autre part un renvoi à la famille pour le soutien financier. L’inadaptation de ces choix politiques, qui tendent à considérer les jeunes comme une variable d’ajustement aux évolutions sociales et économiques, impose de rénover en profondeur les politiques publiques et de consolider les fondements d’un nouveau pacte social pour la jeunesse.
Regard Accès à l’autonomie des jeunes : différents modèles existent !
La thèse de Cécile VAN DE VELDE intitulée « Devenir adulte. Sociologie comparée de la jeunesse en Europe », qui portait sur la comparaison de la jeunesse dans quatre pays d’Europe (le Danemark, l’Italie, l’Espagne et l’Angleterre), a mis en lumière trois modèles d’accès à l’autonomie des jeunes : • Le modèle scandinave se caractérise par une indépendance précoce par rapport aux parents et par une longue période intermédiaire marquée par une forte « mobilité » (familiale, socio-professionnelle, etc.). La jeunesse est ainsi perçue comme le temps de toutes les expérimentations. • Dans les pays anglo-saxons, qui fonctionnent sur un modèle libéral, les jeunes quittent tôt le domicile parental. Ils peuvent accéder à un système de prêts, et occupent souvent un petit boulot. Ce modèle repose sur une norme qui consiste à considérer l’autonomie comme la capacité à « s’assumer seul ». • Dans les pays du Sud de l’Europe, les trajectoires juvéniles sont fortement inscrites dans une logique d’appartenance familiale (départ tardif du domicile familial) et sont marquées par une précarité professionnelle importante. La France repose quant à elle sur un modèle « hybride », marqué par une forte valorisation de la formation initiale, qui induit des trajectoires dominées par l’enjeu du diplôme et du premier emploi, légitimant un maintien prolongé sous dépendance familiale. Le modèle français témoigne ainsi d’un hiatus déstabilisant entre les aspirations juvéniles à l’indépendance précoce, d’une part, et le caractère tardif de leur intégration socioprofessionnelle (accès à l’emploi stable et accès au logement tendanciellement différés).
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L‘évolution de
l’intervention publique
Analyse critique des politiques de Jeunesse en France Les politiques de Jeunesse ont connu des évolutions majeures depuis près de 35 ans, qui procèdent de l’émergence de nouveaux défis
sociétaux et de la transformation de l’organisation de l’action publique.
Face au défi du chômage, le virage néo-libéral Jusqu’au milieu des années 1970, les interventions de la collectivité publique en direction des jeunes étaient simples. Elles reposaient essentiellement sur deux piliers : • Un investissement dans l’éducation, qu’il s’agisse de l’Ecole ou du travail social fourni par un réseau d’éducateurs et d’assistantes sociales. • Un système d’allocations familiales qui encourageaient les familles à laisser leurs enfants à l’école au-delà de la fin de la scolarité obligatoire. Le projet qui sous-tendait cette politique reposait sur l’idée que la France devait former les jeunes afin qu’ils succèdent à leurs aînés. Il s’agissait là d’un projet d’avenir partagé, axé sur l’idée que l’éducation forme tant des citoyens responsables que des « travailleurs infatigables », dans la prolongation du programme du Conseil National de la Résistance. La crise pétrolière de 1973 marque une rupture sociale importante, avec l’apparition d’un chômage de masse qui frappe plus particulièrement les jeunes générations. A partir de cette époque, la préoccupation de la puissance publique porte prioritairement sur l’emploi. A cette même époque, le dogme de l’économie libérale monte en puissance, tandis que le modèle de l’Etat-providence se fissure et se heurte à la baisse de la croissance. L’Etat est accusé de prendre trop de place dans le fonctionnement
de la société et de brider l’initiative individuelle. Les néo libéraux sont convaincus que l’intérêt général doit reposer sur une régulation par le marché, et interprètent la question du chômage des jeunes comme un problème qualitatif, réduisant cette question à des enjeux de ressources humaines, de coût du travail et de déficit de formation. Ce parti-pris néo-libéral a abouti à un assouplissement du droit du travail dans le but de favoriser l’insertion des jeunes. On postule ainsi que la flexibilité va générer de la création d’emploi, sans se poser la question des effets de la précarité sur la socialisation. En effet, le choix d’un abaissement du coût du travail, qui repose sur un allégement des charges sociales notamment sur les bas salaires, s’est accompagné d’un élargissement des conditions du recours à des contrats dits atypiques (interim et CDD) dont disposent désormais les entreprises pour assurer la flexibilité de l’emploi dans une période de restructuration continue et de déséquilibre entre offre et demande de travail. Toujours est-il que ces mesures très souvent présentées comme la condition de la lutte contre le chômage des jeunes ont largement contribué à la précarisation des parcours d’entrée sur le marché du travail, l’âge de la stabilisation dans l’emploi, sauf pour les titulaires de diplômes très spécialisés, ne cessant de reculer.
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L’éclatement des dispositifs L’attention croissante portée aux questions d’emploi aboutit à la multiplication des dispositifs à destination des jeunes, désormais considérés comme une catégorie à part devant faire l’objet de mesures spécifiques. Cette tendance est impulsée sous le gouvernement de Raymond BARRE 4. À la fin des années 70, alors que la plupart des pays de l’OCDE érigent des politiques spécifiques pour l’emploi des jeunes, le Premier ministre français choisit, donne la priorité à l’insertion et à la formation en entreprise, et accompagne cette ambition de la création massive de stages en entreprise et de CDD subventionnés. Ces mesures provoquent la précarisation accrue des jeunes, sous l’effet conjugué de : • l’effondrement des offres d’emploi ; • l’augmentation de la durée du chômage ; • l’augmentation spectaculaire du recours aux contrats courts par les employeurs ; • l’instabilité des contrats proposés aux jeunes (les sorties de CDD et de stages devenant la première cause du chômage des jeunes). La politique menée par le Gouvernement Barre a profondément modifié les conditions d’entrée sur le marché du travail et a contribué à enfermer les jeunes dans des situations précaires, pour un gain en termes d’emploi plutôt faible. Cette politique témoigne en outre d’une représentation paternaliste de la jeunesse, en mettant en place une politique d’assistance via un système de subvention à l’emploi. À la suite de ces « pactes pour l’emploi », une multitude de dispositifs ponctuels et ciblés ont vu le jour, depuis les Travaux d’Utilité Collective (TUC)
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Source : Philippe ASKENAZY, Les Décennies aveugles
en 1984, jusqu’au Contrat Première Embauche (CPE) en 2006, en passant par le contrat de formation individualisé (CFI) en 1989, le programme de préparation active à la qualification et à l’emploi (PAQUE) en 1992, le dispositif personnalisé d’insertion professionnelle (IPIP), le TRACE en 1998, ou le Contrat d’Insertion dans la Vie Sociale (CIVIS) en 2003. « Entre les années 1970 et les années 2000, on assiste à une diversification sans précédent de l’action publique. En matière de politiques Jeunesse, on est passé du ‘Jardin à la Française’ hérité du Conseil National de la Résistance au ’chantier permanent’ du début des années 1980, puis à un émiettement de dispositifs. L’absence de cadre global pour la jeunesse a conduit à une impasse. » Pierre-Jean ANDRIEU Un double dénominateur commun caractérise ces dispositifs : • Ils placent les jeunes en dehors du droit commun, en leur proposant des mesures dérogatoires moins favorables que pour le reste de la population. • Ils témoignent d’une attention croissante et prioritaire de la puissance publique pour les jeunes les plus en difficulté, contribuant un peu plus au morcellement des politiques Jeunesse. La multiplication de ces mesures a contribué à l’instabilité et à l’illisibilité des politiques Jeunesse, et n’ont jamais été à la hauteur des besoins et des attentes des jeunes. Au lieu de combler les inégalités existantes, ces choix ont eu pour effet de les creuser et d’enfermer les jeunes dans la précarité.
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pacte social Vers un nouveau
Regard Les expérimentations ne font pas une politique !
Le dernier exemple en date de ce morcellement renvoie au lancement par le ministère de la Jeunesse d’« expérimentations » à destination des jeunes. Cette méthode expérimentale, outre qu’elle se développe au détriment de politiques plus structurelles en faveur des jeunes, ne règle pas la question des possibilités et des modalités de généralisation des expériences qui auront fait la preuve de leur efficacité. Et ce n’est pas l’opacité entourant les modalités de mise en œuvre de ces expérimentations qui permettra de lever ces incertitudes.
La familialisation des politiques publiques système des bourses lycéennes et universitaires, les possibilités de choisir ses perspectives professionnelles et de poursuivre des études dépendent largement des ressources des familles.
Parallèlement à cet éclatement des dispositifs, la France a décidé de faire reposer sur les familles (c’est-à-dire sur la solidarité privée) le soutien des jeunes dans cette phase de plus en plus longue de stabilisation dans l’emploi. Cette « familialisation de la jeunesse » a été implicitement retenue lors de l’adoption de la loi sur le RMI en 1988 puis explicitement confirmée avec le report de l’âge du versement des prestations familiales en 1993. L’institution d’une « majorité sociale » à 25 ans a été présentée lors de l’adoption du RMI (puis lors de la création du RSA) comme la volonté de ne pas faire entrer les jeunes dans l’assistance dés leur sortie de l’école, et justifiée par le fait que serait disponible une offre d’insertion professionnelle et sociale suffisante pour assurer un soutien actif aux jeunes en difficulté. Ce choix est contestable à plusieurs égards : • Il constitue un facteur considérable de renforcement des inégalités sociales, qui vient contrecarrer les effets positifs de limitation de la reproduction sociale que l’on pourrait attendre de l’investissement scolaire massif que la collectivité a consenti. Malgré les améliorations qui ont pu être apportées au
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Le renvoi des jeunes à leur famille participe à la montée de la pauvreté et notamment de la pauvreté des jeunes. La prolongation parfois de nombreuses années du soutien que les familles apportent à leurs enfants (soit parce qu’ils font des études, soit parce qu’ils sont à la recherche d’un emploi) peut contribuer à faire basculer une partie des ménages au-dessous du seuil de pauvreté et pèse très lourd pour les familles aux revenus modestes ou moyens.
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Ce paradigme familialiste constitue enfin un véritable déni de droit pour les jeunes, qui est vécu de manière particulièrement aigue par une fraction des jeunes des couches populaires qui ne peuvent bénéficier d’un soutien de leurs familles.
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La territorialisation des politiques publiques Avec la décentralisation, les collectivités territoriales se sont affirmées comme des acteurs majeurs des politiques de Jeunesse. Les collectivités ont en effet hérité de compétences obligatoires importantes en la matière : action sociale, formation professionnelle, apprentissage, enseignements artistiques, collèges et lycées, enseignement supérieur, etc.
À ce socle de compétences s’est greffé un investissement soutenu et volontariste des collectivités dans les domaines ne relevant pas de compétences obligatoires : engagement, mobilité, logement, culture, etc. Cette territorialisation des politiques Jeunesse a contribué au développement d’une approche transversale des politiques de jeunesse.
Regard Réforme des collectivités : quelle place demain pour les politiques de Jeunesse ?
La suppression de la clause générale de compétence pour les départements et les régions actée par la loi du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités, conjuguée à l’encadrement strict des financements croisés entre collectivités et à l’amputation de leur autonomie fiscale, risque d’aboutir à la détérioration ou à l’abandon de certaines compétences peu ou mal assurées par l’État. Les actions en matière de jeunesse, qui se situaient au carrefour de ces financements croisés et qui ne sont pas reconnues par la loi comme des compétences exclusives ou partagées, risquent d’être lourdement pénalisées par cette limitation de la capacité d’initiative des exécutifs locaux.
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Repenser les
politiques publiques
Pour un projet émancipateur pour la jeunesse La situation des jeunes, et l’inadaptation des réponses politiques qui leur ont été proposées, rendent nécessaire et urgent de refonder les politiques Jeunesse sur la base d’une approche renouvelée de la richesse et des problématiques générationnelles.
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Les questions de Jeunesse ne sont pas déconnectées des enjeux qui traversent plus largement la société. Elles s’inscrivent en effet dans une problématique sociale plus large qui touche aussi aux questions de mixité, d’égalité, de discriminations, etc. À ce titre, la jeunesse cristallise avec une intensité particulière les angoisses et les attentes partagées par l’ensemble de la société.
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Les politiques publiques qui ont été menées ces dernières années ne sont pas parvenues à répondre de manière satisfaisante à l’ampleur et à la multiplicité des défis rencontrés de manière structurelle par les jeunes. Ces politiques se sont le plus souvent contentées de proposer des mesures ponctuelles, ciblées et curatives et dont les effets se sont révélés extrêmement limités.
À ce titre, quatre constats majeurs nous semblent devoir éclairer les ambitions d’une politique de Jeunesse :
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Au-delà du contexte de crise actuel, qui accroît fortement la précarité des jeunes, il nous semble qu’il y a une double urgence à construire une politique Jeunesse ambitieuse et qui réponde efficacement aux défis structurels auxquels sont confrontés les jeunes. L’urgence est d’abord démocratique : notre pays peine à reconnaître les jeunes comme des citoyens à part entière. L’urgence est aussi économique et sociale : les jeunes, tant en milieu urbain qu’en milieu rural, sont confrontés à des difficultés d’insertion sociale et professionnelles importantes. Notre pays doit donc mesurer avec sérieux et responsabilité la multiplicité des obstacles rencontrés par les jeunes. Le principal enjeu d’une politique Jeunesse consiste à favoriser l’émancipation des jeunes, rendue possible par la combinaison de plusieurs facteurs (emploi, logement, éducation, formation, culture, loisirs, etc.). L’émancipation ne saurait donc se limiter à la seule question des ressources financières et de l’intégration au marché du travail.
Regard Autonomie ou émancipation ?
Le terme « autonomie » est communément mobilisé pour caractériser la finalité des politiques de Jeunesse. Ce terme, en plus de l’ambiguïté créée par les multiples usages qui en sont faits, nous semble inapproprié. Nous lui préférons le terme plus riche d’émancipation, qui doit être entendue comme un processus qui « renvoie à un désir d’autonomie des individus en même temps qu’à un projet de participation à l’exercice d’une puissance sociale » (Pierre ROSANVALLON, La démocratie inachevée). Le terme émancipation rend bien compte de l’interactivité entre satisfaction individuelle et contribution au collectif.
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De ces constats doivent découler les principes directeurs d’une politique Jeunesse :
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La multiplicité des leviers favorisant l’émancipation des jeunes doit conduire à la mise en place d’une politique Jeunesse transversale. La transversalité implique de prendre en compte l’ensemble des champs afférents aux problématiques Jeunesse (emploi, logement, éducation, formation, culture, loisirs, sport, etc.) et de favoriser la complémentarité des réponses proposées plutôt que de maintenir un cloisonnement qui a montré ses limites. Cette transversalité facilitera en outre le travail d’évaluation de l’impact des politiques Jeunesse dans leur globalité, et de mesurer ainsi l’efficacité et l’ampleur des actions menées en direction des jeunes.
À la nécessaire transversalité d’une politique Jeunesse s’ajoute une non moins nécessaire universalité, qui implique de s’adresser à l’ensemble des jeunes, de reconnaître des droits accessibles à tous et de ne pas circonscrire les politiques Jeunesse à un traitement social à destination des seuls jeunes les plus vulnérables. Cette universalité n’est pas incompatible avec la mise en œuvre de politiques ciblées afin de compenser les inégalités internes à la tranche d’âge des jeunes (inégalités sociales, territoriales, de genre, etc.). Une politique Jeunesse doit ainsi rechercher un équilibre entre approche globale et approches singulières.
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Il importe parallèlement d’assurer une cohérence entre les politiques publiques générales et les politiques spécifiques. Parce que la plupart des difficultés rencontrées par les jeunes ne sont pas réductibles à cette génération, les réponses apportées doivent s’inscrire le plus possible dans le cadre de politiques de droit commun. Ces dernières devront cependant être complétées par des dispositions qui tiennent compte des spécificités de cet âge de la vie.
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La mise en œuvre d’une politique Jeunesse implique d’afficher une ambition à même de renforcer le lien de confiance entre la société et sa jeunesse. L’enjeu consiste à briser le prisme stigmatisant et criminalisant sur les jeunes et à montrer que la jeunesse est une ressource dans laquelle il faut « investir ». L’émancipation ne doit donc pas dédouaner la « société des adultes » de leur responsabilité à l’égard des jeunes. Une politique Jeunesse efficace sera aussi celle qui permettra de développer les solidarités entre les générations plutôt que de les renvoyer dos à dos.
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Pour s’assurer de la pertinence et de l’efficacité des politiques conduites et des propositions à venir, il nous semble important de se doter d’outils d’analyse et de suivi qui puissent éclairer le pilotage et la décision de tous les responsables politiques en associant les acteurs de l’État, des collectivités, des partenaires sociaux et du secteur associatif.
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Permettre aux jeunes de choisir leur parcours de vie À travers la révision des politiques d’éducation et d’insertion des jeunes que nous appelons de nos vœux, notre ambition est de créer les conditions permettant à chaque jeune de disposer de moyens d’existence autonomes, d’être accompagné dans la construction de son projet de vie et d’accéder à une formation ou un emploi stabilisé. Garantir aux jeunes des ressources financières autonomes
Aujourd’hui, aucun système de filet de sécurité n’existe pour les jeunes dans leur parcours vers l’émancipation. Quand elles existent, les aides allouées aux jeunes demeurent insuffisantes et/ ou inadaptées à la réalité de leurs besoins et de leurs attentes.
Le CNAJEP est donc favorable à une refonte des dispositifs d’aide existants (aides au logement, avantages fiscaux, prestations familiales) afin de proposer une couverture globale pour les jeunes qui leur permette de devenir acteurs de leur propre vie. Il s’agit d’une couverture universelle d’émancipation, valable pour tous les jeunes, mais avec un traitement qui pourra être individualisé afin de prendre en compte la situation particulière de chaque jeune et le projet de vie auquel il aspire. Cette couverture universelle doit permettre de répondre aux besoins économiques fondamentaux des jeunes en termes d’accès à l’emploi, au logement, à la santé, à l’éducation, à la culture, aux loisirs liés à ce parcours.
Regard Une proposition à resituer dans la perspective d’une révolution fiscale
Dans leur essai Pour une révolution fiscale, Thomas PIKETTY, Camille LANDAIS et Emmanuel SAEZ défendent un changement de paradigme en ce qui concerne les transferts sociaux en direction des jeunes. Ce système se fonde actuellement sur un versement des transferts directement aux parents des jeunes (allocations familiales, complément familial, quotient familial, etc.), et très peu de transferts sont versés directement aux jeunes (bourses et RSA ouvert aux jeunes qui ont travaillé plus de deux ans au cours des 3 dernières années). Les auteurs de « Pour une révolution fiscale » proposent ainsi de créer un « revenu jeunes » qui viendrait se substituer, entre 18 et 25 ans, à tous les autres transferts perçus aujourd’hui soit par les parents soit par les jeunes eux-mêmes. Ce changement de paradigme permettrait d’intégrer clairement et complètement les jeunes dans un système d’impôts et de transferts qui puisse promouvoir pleinement leur émancipation.
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Accompagner les jeunes dans la construction de leur projet de vie
L’émancipation est la résultante de conditions de vie décentes et d’une capacité à se projeter dans l’avenir. Cela peut supposer pour certains jeunes, un accompagnement qui doit être pensé en lien avec la consolidation d’un service public d’information, d’orientation et d’accompagnement. En effet, les jeunes, à l’heure de bâtir et de mettre en œuvre leur projet de vie, sont souvent confrontés à des incertitudes et à des interrogations auxquelles les réseaux d’information et les dispositifs d’accompagnement existants peinent à répondre de manière totalement satisfaisante. Il importe par conséquent de repenser l’articulation des différents acteurs de l’accompagnement (organismes publics, associations, etc.) afin que les jeunes puissent être plus efficacement informés et orientés en matière de droits, d’accès à l’emploi, au logement, à la santé, à l’éducation, à la culture, aux loisirs. Favoriser l’accès des jeunes à l’emploi
Enfin, la flexibilisation du marché du travail et la dégradation du contexte économique rendent les jeunes particulièrement vulnérables, tant au plan de l'accès à l'emploi (les 16-25 ans connaissant un taux de chômage record) que des conditions de travail (la précarité étant devenue l’expérience collective des générations entrant sur le marché de l’emploi). La sécurisation des parcours professionnels passe selon nous par une plus grande interaction entre les acteurs de l'éducation et de la formation, les partenaires sociaux et le monde du travail. Afin que les jeunes sachent réellement dans quelle voie ils s’engagent et qu’ils soient accompagnés dans leurs premières expériences professionnelles, nous proposons que soit inscrite dans l’ensemble des parcours initiaux de formation (générale ou professionnalisante) la découverte concrète des cursus, des métiers et du monde du travail. Nous proposons également que les apprentissages de
l’éducation non-formelle et des compétences acquises hors du cadre de l’Éducation nationale et des parcours académiques, notamment au sein des organisations de Jeunesse et d’Éducation populaire, soient reconnus et valorisés. Nous proposons enfin de lutter contre les discriminations dans l’accès à l’emploi et contre la précarité des conditions de travail dont sont victimes les jeunes, par une action de sensibilisation des jeunes aux droits sociaux, par l’interdiction de mesures dérogatoires destinées aux jeunes, par la mise en œuvre de la notion de « travail décent » et par le soutien à la création d’activités économiques et de services par les jeunes.
Regard RCA et RSA-Jeunes : des fausses bonnes idées
Le revenu contractualisé d’autonomie (RCA) et l’ouverture sous conditions du revenu de solidarité active aux jeunes (RSA-Jeunes) sont les exemples les plus récents de l’exclusion des jeunes du droit commun et de la mise en œuvre de mesures discriminatoires à l’attention des jeunes. Les conditions d’extension du RSA aux moins de 25 ans – avoir travaillé 2 ans sur les 3 dernières années – sont en effet totalement inadaptées à la réalité de la situation des jeunes et de leurs attentes, et semblent avoir été pensées pour ne bénéficier à aucun jeune. Le RCA n’a quant à lui été lancé qu’à titre expérimental, pour des montants dérisoires au regard des besoins exprimés par la jeunesse (avec des revenus dégressifs allant de 250€ à 60€ mensuels). Surtout, ces deux dispositions n’ont été assorties d’aucune mesure d’accompagnement des jeunes dans leur parcours d’insertion.
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Reconnaître les jeunes comme des acteurs du changement La participation des jeunes au destin collectif renvoie à un enjeu majeur pour la jeunesse et son émancipation. Le malaise des jeunes participe en effet pour une grande part de leurs difficultés à avoir prise, individuellement et collectivement, sur leur avenir et celui de la société. La participation des jeunes constitue donc un puissant vecteur de reconnaissance et un levier décisif dans leur parcours vers l’émancipation, en même temps qu’elle représente une ressource essentielle pour dynamiser et transformer la société. Renforcer la place des jeunes dans les espaces démocratiques
Le constat d’une sous-représentation des jeunes au sein des institutions de la démocratie représentative, sociale et consultative, ne peut être renvoyé à la seule responsabilité des jeunes, qui seraient peu enclins à s’impliquer dans la vie démocratique conventionnelle. Cette situation doit également être analysée comme le résultat d’une discrimination faite aux jeunes dans l’accès aux responsabilités et dans la participation aux instances de concertation et de décision. Afin de renforcer la participation des jeunes aux espaces de la démocratie représentative, il est urgent d’instaurer des règles strictes en matière de non cumul des mandats dans le temps et dans l’espace. Les organisations de la société civile (associations, syndicats, partis) doivent quant à elles être soutenues dans leurs actions de formation et d’accompagnement à la prise de responsabilité des jeunes. Reconnaître la contribution de l’Éducation populaire à l’apprentissage de la citoyenneté
L’action éducative constitue un enjeu primordial pour créer les conditions de l’accès des individus à l’émancipation. Parce qu’elles œuvrent pour faire du temps libre un temps éducatif et
émancipateur, les associations de Jeunesse et d’Education populaire, aux côtés et en complémentarité avec les familles et l’école, jouent un rôle décisif en la matière. Espaces d’expression et d’engagement, les associations de Jeunesse et d’Education populaire promeuvent une démarche participative qui s’appuie sur l’initiative citoyenne et l’implication des populations dans la conduite des projets, et constituent de ce fait des espaces privilégiés pour permettre aux individus de vivre des expériences de participation et d’engagement, et de se construire comme citoyens. La spécificité de ces démarches et l’utilité de ces actions doivent être pleinement reconnues. Promouvoir, reconnaître et valoriser l’engagement associatif des jeunes
L’engagement bénévole renvoie à un triple enjeu : • Il contribue à la mise en vie du projet associatif et au fonctionnement d’une économie spécifique, l’économie sociale, dont le bénévolat est l’une des principales ressources. • Il participe d’une mobilisation citoyenne au service de l’intérêt général. • Il permet au bénévole de se former, d’acquérir et de consolider des compétences, et de développer des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être. Dans cette perspective, trois registres de mesure pourraient être envisagées afin de promouvoir l’engagement associatif des jeunes et de soutenir la capacité des associations à les accueillir et à les accompagner : • Inciter et faciliter, à travers le lancement de campagnes de sensibilisation et de communication, le renforcement du soutien à l’émergence d’initiatives et le développement des congés associatifs des salariés.
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Regard Le service civique : des incertitudes à lever
Le CNAJEP défend le principe d’un service civique volontaire, mobilisateur et porteur de sens. Si nous saluons la montée en puissance quantitative du dispositif créé par la loi du 10 mars 2010, il y a selon nous urgence à garantir une progression qualitative du service civique, à travers : • La revalorisation de l’indemnité versée aux volontaires, afin de lever les entraves à la démocratisation et à la mixité du dispositif. • Le renforcement du soutien aux structures d’accueil, en vue d’accompagner et de former les jeunes volontaires. • La construction de garde-fous, afin d’éviter les dérives vers du sous-emploi déguisé. Une attention particulière doit être ainsi accordée aux formations civiques et citoyennes.
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Accompagner et former, d’une part par le soutien à la formation des bénévoles et volontaires, d’autre part par le soutien aux têtes de réseau associatives qui offrent les principaux outils d’accompagnement des militants. Valoriser et reconnaître l’engagement associatif comme une expérience d’apprentissage et d’acquisition de compétences transférables dans un cadre professionnel (développement et simplification des procédures de VAE, mise en place d’un « passeport ou livret d’épargne civique »), ainsi que par la reconnaissance du bénévolat et du volontariat dans les relations entre associations et puissance publique (en privilégiant les relations contractuelles qui garantissent la capacité d’initiative des citoyens et la liberté du projet associatif ).
Développer et soutenir les organisations de jeunes
Les organisations de jeunes sont entendues comme des organisations syndicales, politiques ou associatives dirigées et animées par des jeunes (la limite d’âge étant fixée à trente ans dans de nombreux cas). Très peu nombreuses en France, elles favorisent pourtant la participation des jeunes et contribuent au renouvellement des corps intermédiaires, en même temps qu’elles permettent aux jeunes qui s’y engagent d’acquérir des compétences sociales et de tisser des réseaux de solidarité. Il est donc nécessaire de créer les conditions favorisant leur développement et leur structuration. Pour ce faire, il convient de travailler sur la reconnaissance spécifique de ces organisations de jeunes, à travers : • Le soutien à la formation des jeunes cadres dans les partis politiques, syndicats et associations. • La mise en place de mesures incitatives à l’engagement des jeunes. • L’aide et l’accompagnement d’organisations locales de jeunes dans une structuration régionale et nationale. • Le lien renforcé entre ces organisations et la vie associative en général, et les mouvements d’Éducation Populaire en particulier. Développer un véritable espace de concertation sur les questions de Jeunesse
Pour permettre à la jeunesse de s’exprimer sur les choix d’orientation politique, le CNAJEP est favorable à l’émergence d’une instance de concertation pérenne rassemblant les organisations de jeunesse, organisée de manière autonome, dotée de moyens conséquents et reconnue comme un interlocuteur légitime et privilégié du Gouvernement dans le cadre de l’élaboration et du suivi de la mise en œuvre des politiques publiques générales et de Jeunesse.
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Oui, une autre politique Jeunesse est possible ! Elle est même rendue plus que jamais nécessaire par la dégradation de la situation des jeunes et par l’inadaptation des réponses apportées par la puissance publique. Les constats que nous avons dressés et les propositions que nous avons formulées dans les pages qui précèdent ne visent pas à victimiser les jeunes, pas plus qu’à pointer l’inconséquence de la société des adultes ou à attiser les clivages entre les générations. Nous sommes conscients que les jeunes n’ont pas le « monopole » des maux rencontrés par la société, et que la crise actuelle n’épargne aucune génération. C’est pourquoi nous pensons qu’il faut resituer la Jeunesse au cœur des problématiques qui traversent la société. Nos propositions ne visent pas non plus à prôner une société d’« assistés ». Elles s’inscrivent au contraire résolument dans une perspective de responsabilisation, des jeunes vis-à-vis de la société et de la société à l’égard de la jeunesse. C’est sur la base de cette responsabilisation mutuelle que pourra être restaurée la confiance entre les générations et que pourront se tisser de nouveaux liens de solidarités. La mise en œuvre d’une politique de Jeunesse renouvelée supposera également de mobiliser des moyens qui soient à la hauteur des ambitions. Pour assurer la pérennité et la cohérence de cette politique, l’Etat doit se doter d’une organisation stabilisée et clairement identifiée, qui soit en charge de l’élaboration, de la mise en œuvre et de l’évaluation des politiques Jeunesse, en
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ssible ! ue Jeunesse est po Une autre politiq
concertation avec les jeunes et les autres acteurs (collectivités, associations de Jeunesse et d’Éducation Populaire, partenaires sociaux, organisme de formation, d’insertion….) dans le cadre d’un partenariat clarifié et renforcé. Nous pensons que l’État a un rôle à jouer afin de garantir la conduite de ces politiques et d’impulser la coordination entre les acteurs. L’État a également une responsabilité concernant les moyens financiers qui seront consacrés aux politiques Jeunesse. Si nous ne voulons pas éluder la question des contraintes qui pèsent sur les finances publiques, nous refusons de succomber à la démagogie du fatalisme et de la résignation. Nous contestons le discours de « l’impuissance publique » face aux assauts de la mondialisation libérale, et croyons profondément en la capacité du Politique à transformer la société. Pour reprendre les propos du Secrétaire général de l’ONU à l’occasion de la dernière Journée internationale de la jeunesse, « ne pas investir dans la jeunesse revient à faire de fausses économies. Les investissements qui seront réalisés en faveur des jeunes apporteront de précieux résultats dans un avenir meilleur pour tous. » Alors, à la veille des élections présidentielle et législatives de 2012, soyons ambitieux et responsables : faisons le pari de la Jeunesse ! Irène PEQUERUL Présidente du CNAJEP
Pour poursuivre
le débat Plus d’informations sur
http://www.cnajep.asso.fr/actualites-du-secteur/ seminaire-sur-la-repartition-des-richesses-entre-les-generations/
Reconsidérer la richesse, Repenser le progrès Ouvrages / Rapports • Richesse des nations et bienêtre des individus : vers de nouveaux systèmes de mesure Joseph STIGLITZ, Amartya SEN, Jean-Paul FITOUSSI • Indicateurs sociaux, état des lieux et perspectives Rapport pour le Conseil de l’Emploi, des Revenus et de la Cohésion sociale (CERC) • De la société du « beaucoup avoir » pour quelques-uns à une société de « bien-être durable pour tous » Manifeste du Forum pour d’autres indicateurs de richesse (FAIR) • Reconsidérer la Richesse Patrick VIVERET • Les Nouveaux Indicateurs de richesse Jean GADREY et Florence JANY-CATRICE • L’utilité sociale des organisations de l’économie sociale et solidaire, une mise en perspective sur la base de travaux récents Rapport de synthèse pour la DIES et la MIRE - Jean GADREY
• Qu’est-ce que la richesse ? Dominique MEDA • Au-delà du PIB, pour une autre mesure de la richesse Dominique MEDA • Evaluer l’utilité sociale de son activité. Conduire une démarche d’auto-évaluation Le guide de l’Avise Articles / Revues • « Les monnaies locales dans les failles de l’économie » Dossier spécial de la revue Territoires, février 2011 • « Le PIB ne fait pas le bonheur ! » Dossier spécial de la revue Interdépendances, juillet 2009 • « Indicateurs sociaux et théorie sociale » Article de Bernard PERRET dans la Revue du MAUSS, 1e semestre 2003 • « Vive la sobriété heureuse » Article de Patrick VIVERET paru dans Le Monde du 14 Juin 2009 • « Comment redistribuer la richesse » Article de Denis Clerc • « Bien-être de tous et implication des citoyens » Gilda FARRELL, Tendance de la
cohésion sociale, n° 20, Conseil de l’Europe, nov. 2008. http://www.coe.int/t/dg3/ socialpolicies/socialcohesiondev/source/Trends/Trends20_fr.pdf • « La croissance ne fait pas le bonheur : les économistes le savent-ils ? » I. CASSIERS et C. DELHAIN, Regard économique, n° 38, mars 2006. http://www.econospheres.be/ spip.php?article42 • « Le social et l’environnement : des indicateurs alternatifs au PIB » Philippe DEFEYT, octobre 2004 http://users.skynet.be/ idd/documents/divers/indicalt.pdf • « La Richesse autrement » Hors-série d’Alternatives Economiques, mars 2001 Autres • Le bonheur brut – Webdocumentaire sur le PIB et la mesure du bonheur http://blog.lesoir.be/bonheurbrut/le-webdocumentaire/ • Le SOL, monnaie alternative http://www.sol-reseau.org/
Répartition de la richesse collective : Les solidarités intergénérationnelles en question
Ouvrages / Rapports • Le Déclassement Camille PEUGNY • Le destin des générations. Structure sociale et cohortes en France au XXe siècle Louis CHAUVEL • Des liens et des transferts entre générations André MASSON • Comment nous avons ruiné nos enfants Patrick ARTHUS • Manifeste d’économistes atterrés P. ASKENAZY, T. COUTROT, A. ORLEAN, H. STERDYNIAK • Pour une révolution fiscale Thomas PIKETTY, Camille LANDAIS et Emmanuel SAEZ • Les comportements de transferts intergénérationnels en Europe Claudine ATTIAS-DONFUT, Economie et Statistique n° 403-404 • Le Choc des générations Regards croisés sur l’économie n° 7 • France, Europe: quels regards sur la jeunesse ? Les cahiers de profession banlieue
• Enquête « Génération 2004 »
• « Lien entre générations et
Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) • La répartition des prélèvements obligatoires entre générations et la question de l’équité générationnelle Conseil des prélèvements obligatoires, novembre 2008 • Retraites: perspectives 2020 et 2050 Conseil d’orientation des retraites, troisième rapport, mars 2006
médiation, ou de quelques paradoxes dans l’analyse de l’autonomie des jeunes » Vincenzo CICCHELLI • « Pourquoi l’âge est-il en France le premier facteur de discrimination dans l’emploi ? » Anne-Marie GUILLEMARD, Retraite et société, n° 51, juin 2007 • « Relations intergénérationnelles : de nouvelles dépendances » Marc-Olivier PADIS, La Tribune Fonda n° 193, octobre 2008 • « De génération à génération » Informations sociales n° 134, 2006
Articles / Revues • « Les inégalités en France » Hors Série d’Alternatives Economiques, mars 2010 • « Quelle autonomie pour les jeunes ? » Laurent JEANNEAU, Alternatives Economiques, septembre 2009 • « Les générations à la peine » Thierry PECH, Alternatives Economiques, Hors-Série n° 085, avril 2010 • « La responsabilité des générations » Louis CHAUVEL, revue Projet n° 266, 2001
Autres • Observatoire des inégalités http://www.inegalites.fr/ • Collectif « La retraite, une affaire de jeunes » http://retraites-jeunes.jeunessocialistes.fr/
Changer de paradigme, dépasser les dysfonctionnements Vers un nouveau pacte social
Ouvrages • Devenir adulte. Sociologie comparée de la jeunesse en Europe Cécile VAND DE VELDE • Les Décennies aveugles Philippe ASKENAZY
Autres
• Plateforme « Pour un big-bang des politiques jeunesse » http://www.bigbangjeunesse.fr/ • Livre Blanc du CNAJEP « Une autre réforme territoriale est possible » http://www.cnajep.asso.fr/doc/ publication/CNAJEP_LB2010_RCT.pdf
Une autre politique jeunesse
! e l b i s s o p est
Les jeunes au cœur de la richesse Les associations de Jeunesse et d’Education populaire mobilisées pour un nouveau pacte social en faveur de la jeunesse
la place des jeunes dans la société en abordant des sujets tels que les droits des jeunes, les solidarités intergénérationnelles, ou la participation citoyenne.
Le groupe d’appui « Politiques Jeunesse » du CNAJEP, constitué de représentants de fédérations de Jeunesse et d’Education populaire et de mouvements de jeunes, anime depuis près de deux ans une réflexion sur le thème : « Constitution et répartition de la richesse collective ».
Notre ambition est de construire, à partir de notre approche de l’Education Populaire, un nouveau pacte social pour la jeunesse, tout en mettant en avant les principes qui fondent le modèle de société que nous souhaitons promouvoir : émancipation, éducation, participation, mais aussi place du travail.
Le choix de cette thématique, volontairement généraliste et transversale, vise à interroger
Autant d’enjeux que la présente contribution tente de décrypter et de mettre en débat.
Le CNAJEP
Les CRAJEP
Comité pour les relations nationales et internationales des associations de Jeunesse et d’Education populaire, le CNAJEP est une coordination qui réunit plus de 70 mouvements nationaux de Jeunesse et d’Education populaire. Il constitue un espace de dialogue, de concertation et de représentation auprès des Pouvoirs Publics sur les questions concernant la Jeunesse et l’Education populaire. Pour plus d’infos : http://www.cnajep.asso.fr
Le CNAJEP participe à l’animation territoriale à travers un réseau de coordinations régionales (les CRAJEP) implantées sur l’ensemble du territoire. Les CRAJEP sont partenaires des collectivités dans l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques locales relevant du champ Jeunesse et Education populaire.