Bonjour, Ce courrier pour vous expliquer la situation très difficile dans laquelle se trouve l’équipe d’endocrino-diabétologie pédiatrique du CHU de Grenoble. En arrêt, l’une puis rapidement après l’autre, pour épuisement professionnel, nous sommes toutes les deux désolées d’en être arrivées là alors que nous alertons depuis plusieurs années notre hiérarchie sur l’augmentation incessante de notre charge de travail. Nous travaillons depuis 15 ans avec passion et dévouement pour les enfants diabétiques, et leurs familles, et ceux atteints de maladie endocriniennes, mettant en œuvre tout ce qui est possible pour qu'ils bénéficient chacun des meilleures thérapeutiques, des avancées technologiques, de l'accompagnement humain et éducatif dont ils ont besoin au quotidien. C'est une aventure humaine de chaque jour qui a comblée les pédiatres que nous avons choisi d'être et qui nous a permis d'avancer jusqu'à aujourd'hui... Le nombre de nouvelles familles touchées par le diagnostic de diabète pour leur enfant est croissant… Depuis plus de 7 ans, nous nous battons pour obtenir des renforts médicaux et paramédicaux afin de continuer à prendre en charge les enfants diabétiques chaque année plus nombreux et plus jeunes. En vain ... ou presque : seulement 50 % d’équivalent temps plein de puéricultrice accordé par notre administration alors que la file active a quadruplée (elle est passée de 60 patients atteints de diabète à plus de 250 aujourd’hui) ! Nous assurons à deux pédiatres, la prise en charge médicale dans les services des patients atteints d’une maladie aigue ou chronique endocrinienne. Nous accompagnons au quotidien les patients à domicile et leurs parents, afin d’éviter leur venue en consultation voire même en hospitalisation lors des problèmes aigus (échanges mail et/ou téléphone). Nous participons bien sûr, comme nos autres collègues, à la permanence des soins de pédiatrie générale (visites dans le service en semaine et week end, gardes aux urgences pédiatriques de nuit, de week end et fériés…). De notre propre initiative, en plus de notre énorme charge de travail quotidienne, nous avons fait aboutir des projets importants comme celui de l’Education Thérapeutique du Patient validé par l’Agence Régionale de Santé. Nous avons mis en place des organisations différentes donnant une place croissance à des paramédicaux référents experts en diabétologie pédiatrique (puéricultrice, diététicienne, psychologue) dont le rôle est majeur pour l’accompagnement des enfants et des familles. Nous œuvrons chaque jour pour trouver nous-mêmes des financements afin de permettre à l’équipe d’être renforcée (rôle de financier qui va, vous en conviendrez, bien au delà de notre rôle de soignants). Depuis l’été dernier, nous avons travaillé sur une fiche projet pour la mise en œuvre de Forfaits de Prestations Intermédiaires permettant de mieux valoriser notre activité de diabétologie afin que le CHU ait les moyens de nous accorder les postes manquants. Le projet a été discuté en directoire il y a 15 jours et malgré nos relances insistantes, aucune réponse positive ne nous a encore été donnée. « Quelle est l’urgence ? » demande la direction générale. Simplement que, de cette fiche, dépendent au 31 Décembre prochain les postes de nos puéricultrices référentes en diabète, et des temps de diététiciennes et psychologue dédiés. Sans parler d’un temps plein de médecin supplémentaire qui est indispensable à ce jour mais que nous n’avons pas fait figurer sur cette demande car cela dépassait le budget d’auto financement auquel nous étions contraint ! Depuis des années la réponse est la même : aucun moyen n’est possible pour financer du temps supplémentaire de soignant médical ou paramédical… 3 exemples pour vous partager ce qui nous est dit et que nous prenons pour un manque complet de respect pour notre travail et pour la santé de nos patients : -
Lors des bilans d’activités chaque année : « Savez vous docteur combien votre activité a fait perdre d’argent au pôle cette année ? Il n’y a quasiment pas eu d’hospitalisation de vos diabétiques aux urgences et en réanimation pour acido cétose ou hypoglycémie sévère … ». Pour nous soignants, excellente nouvelle, les enfants que nous prenons en charge et leurs parents sont bien éduqués, nous sommes en lien direct par mail ou téléphone pour les guider et ils ne subissent plus de complications aigues de leur diabète. Du côté administratif : c’est un vrai problème, il faut docteurs, compenser cette perte d’activité…comment cela ? en les soignant moins bien ?
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Ou encore : « Des consultations de 45 min de diabétologie, ce n’est pas rentable ! Il faut faire des consultations plus rapides ou plus souvent ou bien faire venir les patients en Hôpital de jour en rajoutant des examens complémentaires …». Cela se passe de commentaire quand on sait, vous et nous, l’importance de ces temps de consultations tous les 3 mois !
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Enfin il y a 15 jours : « comment cela, vous répondez tous les jours à des dizaines de mail des patients pour adapter les traitements ? Il ne faut pas le faire, ce n’est pas valorisé ! (c'est-à-dire cela n’apporte pas d’argent au CHU) » …
Pour résumer, toutes nos actions sont vaines… car nous sommes confrontées à une direction qui ne sait tenir qu’un discours comptable sans aucun partenariat ni respect pour les soignants que nous sommes.
A ce jour, très fatiguées physiquement et ayant subit ces derniers mois une pression énorme, nous ne pouvons plus supporter cette maltraitance institutionnelle et ce mépris de notre souffrance au travail qui nous fait venir au CHU avec angoisse et en repartir affectées (après avoir donné le meilleur de nous-mêmes toute la journée aux patients et aux parents et en général avec le sourire…). Comment nous aider ? Sollicitez votre médecin traitant pour les renouvellements d’ordonnances et autres demandes administratives. Pour tous les patients suivis pour un diabète : ne sollicitez le reste de l’équipe Grain de Sucre (puéricultrices, interne, psychologue ou diététicienne ainsi que notre secrétaire) seulement si nécessaire et mettez en œuvre de manière autonome toutes les connaissances et compétences que nous vous avons données pour vivre au mieux avec le diabète les semaines à venir : vous allez savoir faire, nous vous faisons confiance ! Pour les enfants suivis pour une maladie endocrinienne chronique, nous allons demander à nos collègues d’hôpitaux voisins s’ils peuvent au cas par cas être sollicités. Mais surtout si cela vous révolte aussi : Manifestez vous par des courriers nominatifs auprès de Mme HUBERT, directrice générale du CHU, de Mr BAIETTO directeur administratif du pôle et du Pr GRIFFET responsable médical du Pôle Couple Enfant, afin de dire votre colère et votre inquiétude. Prenez contact avec les associations Jeunes Diabétiques Isère et AJD (Aide aux Jeunes Diabétiques) pour des actions coordonnées et faire entendre votre voix. Nous ne devrions pas être, ni nous, ni vous dans cette situation si éprouvante… Nous allons tout mettre en œuvre pour nous ressourcer les semaines à venir auprès de ceux qui sont les plus chers à nos yeux, nos conjoints et nos enfants, et essayer de retrouver l'énergie qui nous a habitées jusqu'alors. Bien cordialement. Dr Anne SPITERI et Dr Clémentine DUPUIS Praticiens hospitaliers en endocrinologie et diabétologie pédiatrique CHU de Grenoble, Pôle couple enfant