Bilan 2019 du Comité d'éthique

Page 1

Bilan du Comité relatif à l’honnêteté, à l’indépendance et au pluralisme de l’information et des programmes de France Télévisions janvier 2019- mars 2020

Les activités du Comité Les réunions du Comité Comme les années précédentes le Comité s’est réuni à quatre reprises en 2019 : les 10 janvier, 21 février, 27 mars et 9 octobre 2019. Le Comité a pu finaliser également certaines décisions par des échanges électroniques écrits. En 2020 le Comité s’est réuni lors d’une séance exceptionnelle organisée en conférence téléphonique en application des directives sanitaires de France télévisions (10 mars). Il a pu dresser les grandes lignes de son bilan et auditionner Jérôme Cathala, nouveau médiateur du groupe pour l’information nationale.

Le nombre de plaintes reçues Entre janvier 2019 et mars 2019, le Comité a reçu 26 plaintes relatives à l’organisation des débats en préparation des élections européennes et plus largement relatives à l’accès à l’antenne sur les chaînes de France télévisions, de la part de sympathisants de l’Union Populaire Républicaine (UPR) et du Parti Communiste Français (PCF). Il a également été saisi de deux plaintes relatives à deux émissions de France 2 consacrées aux dangers du glyphosate. La première s’est retrouvée au centre d’un large débat public, notamment sur les réseaux sociaux numériques. Il a également reçu des courriels de téléspectateurs évoquant d’autres dimensions intéressant l’honnêteté de l’information notamment relatives à l’anonymisation des sources.

Renouvellement des membres du comité Le mandat des membres du comité est de trois ans. Il s’achèvera pour Francis Balle et Sophie Jehel, présidente du comité, le 31 mars 2020 mais pourra être prolongé jusqu’au conseil d’administration du mois de juin, en raison des complications occasionnées par le confinement imposé par l’état d’urgence sanitaire. Monica Maggioni qui s’est avérée absente à toutes les réunions depuis sa nomination est considérée comme démissionnaire.

1


Saisines par la société civile, particuliers, associations et partis politiques Pluralisme Le comité d’éthique a été saisi d’une demande de François Asselineau, président de l’Union Populaire Républicaine (UPR), le 3 mars 2019, réclamant un temps de parole sur les antennes de France télévisions en faveur de son parti. Pour y répondre, le comité s’est appuyé sur les règles du pluralisme fixées par la loi du 30 septembre 1986 modifiée et les délibérations du Conseil supérieur de l’audiovisuel, notamment sa délibération du 29 novembre 2017. Selon cette dernière, la répartition du temps de parole des partis et groupements politiques doit répondre aux critères suivants : « les éditeurs veillent à assurer aux partis et groupements politiques qui expriment les grandes orientations de la vie politique nationale un temps d’intervention équitable au regard des éléments de leur représentativité, notamment les résultats des consultations électorales, le nombre et les catégories d’élus qui s’y rattachent, l’importance des groupes au Parlement et les indications de sondages d’opinion, et de leur contribution à l’animation du débat politique national. » France télévisions a considéré jusqu’en avril 2019 que l’UPR ne disposait pas d’une représentativité suffisante au regard de ces critères. Le comité d’éthique a considéré que cette appréciation était pertinente, y compris au regard des éléments figurant dans le dossier transmis par François Asselineau, en accompagnement de son courrier. En effet, les résultats électoraux mentionnés étaient très faibles et l’UPR ne disposait pas d’élus. L’appréciation de la contribution au débat politique national par l’animation de sites internet et le volume de leur audience ne peut constituer un critère suffisamment objectif ni suffisant à lui seul. Dans ce contexte, le comité d’éthique a considéré qu’il appartenait à France télévisions d’apprécier la pertinence de traiter à l’antenne des différents courants de la vie politique nationale et que l’appréciation faite jusqu'alors par le groupe France télévisions était compatible avec les critères publiés par le CSA. Toutefois, dès que la liste présentée par L’UPR pour les élections européennes a été validée par le ministère de l’intérieur, elle a trouvé sa place dans la campagne officielle dès le 13 mai 2019 et dans les émissions du programme sur les antennes de France télévisions. Le Comité a été saisi également de 12 courriels de sympathisants du PCF pour contester la non-invitation du candidat du PCF, Ian Brossat, lors du débat des élections européennes, le 4 avril 2019. France télévisions a cependant modifié sa décision en décidant son invitation. Le Comité a pris acte de cette décision finale, qui apparait conforme à la place du PCF dans le débat national. Le comité a reçu de nouvelles plaintes (8) pour contester l’invitation de M. Brossat au débat programmé le 22 mai 2019 en seconde partie de soirée, à 22h30 et non à 21h, heure à laquelle étaient invités les représentants d’autres partis politiques. Les téléspectateurs regrettaient que le critère retenu pour départager les représentants des mouvements politiques participant à ces débats prenne principalement en considération les indications des sondages. Le comité d’éthique s’est appuyé sur les règles du pluralisme fixées par la loi du 30 septembre 1986 modifiée et les délibérations du Conseil supérieur de l’audiovisuel, notamment sa délibération du 29 novembre 2017. Il a observé que sur les 34 listes officielles, ces deux débats organisés sur France 2 envisageaient de donner la parole à 15 représentants des mouvements politiques les plus représentatifs. Ces débats venaient s’ajouter aux autres participations des représentants de ces listes dans les émissions du programme et dans les modules de la campagne officielle. 2


Les chaînes publiques doivent animer le débat national notamment en période électorale et respecter un principe juridique qui n’est plus celui de l’égalité mais celui de l’équité. Ce principe reconnait une certaine liberté aux chaînes et aux radios dans la répartition des temps de parole, sous le contrôle a posteriori du CSA. Cette plus grande liberté a été justifiée par le désir de favoriser l’organisation des débats que des règles trop contraignantes pourraient rendre dissuasive. France 2 a donc la responsabilité d’organiser des débats qui fasse vivre le pluralisme politique tout en conservant une lisibilité des échanges, et en tenant compte de l’intérêt du téléspectateur. Devant la complexité des recompositions politiques, la spécificité des élections européennes et la diversité des listes, il est difficile de trouver des critères consensuels. France télévisions a retenu - comme principal critère de répartition entre les deux débats diffusés le même jour - les intentions de vote évaluées par les instituts de sondage, réservant au premier débat les listes créditées de plus de 5% et au second débat celles créditées d’intentions variant entre 0.5 et 5% des votes. Le comité d’éthique de France télévisions a considéré que l’organisation de ces débats relevait de la liberté éditoriale de France 2 et qu’elle répondait effectivement à la double exigence de concilier respect du pluralisme et intérêt du spectateur.

Honnêteté de l’information Caractère scientifique de l’information Le comité a reçu deux saisines liées au traitement médiatique des dangers du glyphosate dans deux reportages diffusés dans l’émission Envoyé spécial du 17 janvier et dans celle du 16 mai 2019. Le comité été saisi la 1ère fois par le collectif « Sciences technologies actions » mettant en cause les méthodes journalistiques de l’équipe d’Envoyé spécial et la fausseté des informations diffusées dans l’émission du 17 janvier. La rédaction de France télévisions avait déjà répondu à un certain nombre des critiques qui ont pu être développées dans le communiqué du collectif, comme sur les réseaux sociaux. Si l’angle retenu et le choix de l’approche éditoriale peuvent être discutés, notamment parce qu’ils risquent de nourrir une anxiété excessive dans le public au regard des résultats des études scientifiques, en se focalisant sur des cas particulièrement graves, le comité a relevé que l’émission avait veillé à utiliser des formules prudentes quant à l’incrimination des produits et notamment du glyphosate. L’émission a par ailleurs informé le public sur les pratiques de publication d’études parfois peu rigoureuses auxquelles a pu s’adonner l’entreprise Monsanto, en étayant son propos. Pour autant, sur un sujet aussi complexe, le comité considère qu’une approche donnant davantage la part à l’explication des débats et des enjeux scientifiques liés à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et à ses effets sur la santé serait utile. Il a invité France télévision à donner, de façon générale, une plus grande place à l’information scientifique dans ses programmes (cf. aussi infra le point concernant la charte des antennes).

Exactitude de l’information Le comité a été saisi par l’avocat d’une experte en communication dont le nom apparaissait dans le reportage consacré aux dangers du glyphosate et « aux fichiers secrets de Monsanto » le 16 mai 2019. Le comité y a répondu le 9 octobre après avoir reçu les éléments d’information nécessaires de la part de France télévisions. L’avocat contestait que la tribune publiée sur le site des Echos « Moi, Vincent, agriculteur et utilisateur de glyphosate » montrée à l’écran au cours de l’émission ait été publiée avec la signature de sa cliente, pendant un temps. Il en voulait notamment pour preuve l’absence de cette page web sur le site internet Wayback Machine. 3


Le comité a répondu à l’avocat qu’il apparaissait néanmoins que cette tribune avait bien été publiée pendant quelque temps comme étant rédigée ou publiée par sa cliente. Cela a été confirmé au comité par l’équipe d’Envoyé spécial qui a conservé les captures d’écran de cette page et qui les lui a envoyées. Cela a également été confirmé dans un article du Monde du 19 juin 2019 par un rédacteur du site des Echos qui fait état d’un dysfonctionnement de leur système de publication des tribunes en ligne. L’outil Wayback Machine ne peut en l’occurrence servir de preuve, n’étant pas un outil d’archivage systématique des pages web. Le comité a considéré que cette séquence ne pouvait de ce fait être considérée comme un manquement au principe d’honnêteté de l’information.

Anonymisation des sources Un particulier a sollicité l’avis du Comité à propos de l’usage de propos rapportés et anonymisés par les journalistes, notamment lors du JT du 27 août 2019, dans un sujet consacré à la réforme des retraites. Il y voyait une source de défiance vis-à-vis des médias d’information et se demandait s’il s’agissait d’une pratique journalistique conforme à la déontologie. Le comité considère que la réponse à cette question doit être adaptée aux situations journalistiques. L’anonymisation des sources utilisée par les journalistes notamment lorsqu’il s’agit de jauger l’entourage d’un décideur est justifiée par le souci de la protection des sources. Le principe de la protection des sources est inscrit dans la loi, et rappelé dans la Charte des antennes de France télévisions. Il s’agit de protéger les personnes qui se sont confiées aux journalistes des conséquences de leur propos. Si les journalistes indiquaient le nom de leurs interlocuteurs à l’antenne, le risque est grand que leur source d’information se tarisse. Les journalistes politiques utilisent souvent ce procédé. Mais il repose sur la confiance qu’on peut leur faire de la réalité des positions et des éléments d’interprétation qu’ils diffusent. Il est alors difficile d’en contrôler la véracité de façon systématique. Un journaliste qui en abuserait pourrait se voir déconsidéré par la profession, n’étant pas le seul informé sur le sujet. Cet usage doit donc être mesuré.

Propos minimisant des crimes contre l’humanité dans l‘émission « On n’est pas couché »

Le Comité n’a pas souhaité s’autosaisir des sujets déontologiques en dehors des saisines reçues du fait des faibles moyens d’investigation dont il dispose. Le comité s’est néanmoins tenu informé des réactions de France Télévisions suite aux propos polémiques de Christine Angot dans l’émission du 1er juin semblant nier l’atteinte à la dignité humaine et le crime contre l’humanité que représente l’esclavage des Noirs dans le commerce triangulaire et l’opposant au crime contre l’humanité qu’a constitué la shoah. La chroniqueuse a publié un communiqué présentant ses excuses le lendemain, en accord avec la présidence de France télévisions. France Télévisions a réagi rapidement le 8 juin 2019 en consacrant 54 minutes à un débat sur l’esclavage avec Serge Romana, professeur de médecine et président –fondateur de la Fondation Esclavage et réconciliation », Dominique Sopo, président de SOS racisme, Frédéric Régent, maître de conférences à la Sorbonne et président du comité national pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage pour « montrer [l’]engagement humaniste et antiraciste » du groupe, « sans l’ombre d’un doute », selon les propos de Laurent Ruquier. Le comité se félicite de cette initiative sur un sujet aussi sensible dans la société française où circulent des discours de haine ciblant différentes catégories de la population.

Relations avec les publics Le comité a été saisi d’une demande formulée par un collectif de citoyens d’organiser dans le cadre du Grand Débat National, une réunion sur la télévision publique dans les locaux du Groupe France télévisions. Une telle demande dépasse certes les compétences du comité qui ne dispose pas de locaux à France Télévisions. Mais, à cette occasion, il a rappelé 4


à ce collectif que le groupe France télévisions avait organisé avec Radio-France au mois d’octobre 2018 une consultation ouverte à tous sur l’avenir de la télévision et de la radio, intitulée « Ma télé demain et Ma radio demain ». Chacun pouvait accéder à une plateforme numérique dédiée, gérée par l’institut Ipsos dont les résultats ont été rendus publics le 6 février 2019 et sont accessibles sur la plateforme (https://www.francetelevisions.fr/MATELEDEMAIN-2019). Cette consultation s’inscrit dans les démarches d’écoute des publics de France télévisions organisées par le groupe pour mieux connaitre leurs attentes. Elle a connu une forte participation avec plus de 127 000 répondants. Pour France Télévisions, la consultation a mis en évidence une forte attente du public pour l’information, et les émissions culturelles, avec une demande de plus grande proximité, de confiance, de diversité, d’audace et d’engagement.

Saisine pour avis de France TV Charte des antennes Le comité a été saisi par la présidence de France télévisions d’une demande d’avis sur le projet de charte des antennes dans un délai de 15 jours. Cette demande faisait partie des contributions attendues du Comité et évoquées par France télévisions depuis sa création. Le Comité a examiné le projet et l’a confronté aux cas qu’il avait eu à examiner depuis 2017 et à la version actuelle de la Charte. Il a adressé à la présidence un avis le 15 novembre 2019 synthétisant plusieurs propositions d’amélioration de la rédaction de la charte. Cet avis a été bien accueilli par la présidence de France Télévision qui a considéré dans un courrier du 15 janvier 2020 qu’il comportait de « nombreuses suggestions extrêmement pertinentes » permettant « d’améliorer, de préciser ou de compléter les orientations prises par France télévisions ». Le comité se félicite de la collaboration qui a pu se concrétiser autour de ce projet de charte. Sur plusieurs points essentiels le projet a pu être en effet amélioré. La direction de France télévisions a informé le comité que la Charte devait être soumise au Comité Social et Économique Central de l'entreprise qui devrait se réunir en avril 2020. Le comité d’éthique approuve la volonté du groupe France télévisions de réviser sa charte des antennes et de la mettre à jour pour tenir compte des modifications qui sont intervenues depuis 2011, qu’il s’agisse des textes de loi, de la jurisprudence, de l’importance prise par les plateformes numériques dans la diffusion et la communication du groupe ou de l’exigence renforcée des pouvoirs publics en matière de respect et de représentation de la diversité des publics. Le comité d’éthique observe et comprend aussi la volonté de resserrer le texte de la charte autour des thèmes relatifs à la déontologie en élaguant ce qui relève des choix de programmation fixés dans d’autres textes. Il a proposé néanmoins de préciser certains thèmes.

Information : contribuer au débat public et à l’information des publics par un suivi des émissions

La possibilité d’accéder sur les plateformes numériques à la plupart des émissions télévisuelles après leur diffusion sur la télévision permet au groupe France télévisions d’élargir ses publics et sa contribution au débat public. A l’heure où les grandes plateformes numériques sont accusées de favoriser les discours discriminatoires, les discours haineux, voire les fausses informations, à cause de leur modèle de financement publicitaire axé sur la popularité des messages et la captation des données personnelles, il importe en effet que les programmes produits par les médias de service public puissent être largement accessibles. Pour animer le débat public, il est apparu parfois nécessaire à France télévisions de réagir suite à des mises en cause par des associations ou des membres du public (spectateurs ou internautes). La rédaction de France télévisions l’a fait à plusieurs 5


reprises en 2019 notamment, sur le site « FranceTVinfo.fr », pour défendre de façon argumentative les positions exprimées dans ses émissions. Pour certaines émissions, talkshows ou magazines d’informations, qui sont les genres qui donnent plus souvent lieu à polémiques, il pourrait être utile de prévoir la possibilité d’une prolongation du débat après la diffusion de l’émission et en fonction des réactions qu’elle a suscitées : en envisageant, en dehors de la procédure du droit de réponse, et en réponse aux interpellations du public lorsqu’elles paraissent pertinentes, un complément d’information, une rectification éventuelle, des précisions, la mention de points de vues différents ou complémentaires, des hyperliens référençant d’autres émissions du service public en complément du débat ouvert par l’une d’elle mais sans que ce complément soit nécessairement axé sur la défense (ni le mea culpa) du choix éditorial retenu. La présidence de France télévisions a répondu au Comité que ce point correspondait effectivement à des orientations importantes qui devraient également apparaitre dans la Charte.

Alimenter le débat public par une information à jour des connaissances et des controverses qui traversent la communauté scientifique

Alimenter le débat public par une information pluraliste et une mise à jour régulière de l’état des connaissances scientifiques correspondrait davantage aux attentes des publics contemporains pour diminuer leur défiance vis-à-vis des journalistes plutôt que de vouloir identifier « le vrai du faux », comme la nouvelle rédaction le propose. Les questions environnementales, les questions de santé, notamment, qui sont aujourd’hui perçues avec une sensibilité plus forte que dans le passé, font parfois l’objet de consensus mais aussi de controverses scientifiques que l’on ne saurait réduire à des batailles judiciaires, même si ces dernières ont leur importance. Le rôle des médias de service public consiste à éclairer ces débats afin que le public puisse construire son propre avis, plutôt que d’énoncer un « vrai » définitif. Le comité est en particulier d’avis que les informations fournies sur les antennes de France télévisions doivent être honnêtes et vérifiées comme cela est indiqué avec justesse au chapitre 4 du projet de charte, mais que le « focus sur l’offre d’information» se limite excessivement à l’ambition de « donner des repères pour permettre d’identifier le vrai du faux, de séparer ‘l’infox’ de l’info ». Comme le notait une étude de l’institut Reuters de l’université d’Oxford 1 en 2017, la notion de fake news ou infox tend à amalgamer : l’ensemble des informations « inventées », indépendamment de la finalité poursuivie (politique, économique, discrédit jeté sur autrui) ; les informations qui ont un fondement mais sont présentées sous un certain angle afin de servir un objectif particulier ; les informations qui mettent les gens mal à l’aise ou avec lesquelles ceux-ci ne sont pas d’accord. La recherche des faits établis et ce qui y porte atteinte est fondamentale, mais il ne faudrait pas, qu’une acception trop large des fake news conduise, au nom du fact-checking ou de la mission d’informer, à décerner des brevets de vérité à des interprétations de faits ou à des opinions. Cette distinction entre dénonciation des faits inexacts et opinions est également un sujet de préoccupation alors que l’intervention pour lutter contre les fake news, perçue comme institutionnelle, pourrait renforcer la crédibilité de celles-ci auprès d’une opinion sensible aux thèses populistes « anti-experts » et défiante à l’égard des médias traditionnels. Hannah Arendt le formulait probablement de bien meilleure façon : « Les faits sont la matière des opinions, et les opinions, inspirées par différents intérêts et différentes passions, peuvent différer largement et demeurer légitimes aussi longtemps qu’elles Rasmus Kleis Nielsen and Lucas Graves, « “News you don’t believe”: Audience perspectives on fake news », octobre 2017, accessible ici https://reutersinstitute.politics.ox.ac.uk/our-research/news-you-dont-believe-audienceperspectives-fake-news. 1

6


respectent la vérité de fait. La liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie et si ce ne sont pas les faits qui font l’objet du débat. » Sur ce point la présidence a répondu que « l’approche de l’information reposant sur la distinction entre le Vrai et le Faux comme cela est par exemple mis en œuvre dans le module du J.T. de 20h de France 2 ou dans le magazine ‘Vrai ou Fake’ diffusé sur franceinfo » lui paraissait préférable.

L’importance du principe de rectification

La présidence a reconnu la pertinence de la demande du Comité relative à la nécessité de la rectification. Le Comité demandait en effet de préciser un principe de rectification des informations qui se sont avérées erronées. En s’appuyant notamment sur les efforts entrepris par la rédaction de France télévisions après la vraie arrestation d’une personne faussement identifiée comme suspecte dans une affaire criminelle en octobre 2019, plusieurs engagements pourraient être énoncés dans la nouvelle charte : publier une rectification de l'information et expliquer, par souci de transparence, l’origine du dysfonctionnement de la production de l'information sur les antennes du groupe ; s’attacher à employer des formulations prudentes et distanciées lorsque l'information vient directement de sources policières que les journalistes n’ont pu vérifier par d’autres sources ; ne pas supprimer les contenus erronés déjà publiés mais les accompagner d’un correctif, bonne pratique qui a été observée à propos de la même affaire. Se référant notamment au traitement de la fausse arrestation de M. Xavier Dupont de Ligonnès et à l’emballement médiatique qui l’a caractérisé, le comité d’éthique souhaite rappeler non seulement le nécessaire respect de l’indépendance des journalistes de France télévisions à l’égard des sources gouvernementales et des sources policières, mais aussi l’importance de la mention des sources policières ou judiciaires, en tant que telles, chaque fois que nécessaire, afin de clarifier pour les publics les méthodes de production de l’information qui leur est délivrée.

L’attention aux publics jeunes

Le comité regrettait que la mention des jeunes dans la Charte soit principalement associée à leur crédulité ou à leur vulnérabilité, même si ce dernier point ne fait pas discussion. Il n’est en effet pas prouvé que les jeunes soient les plus crédules parmi les publics : ce ne sont pas eux qui partagent le plus les infox 2, et le degré de leur « croyance » varie entre amusement et dénégation. En revanche, le principe d’une information attentive à la diversité de la jeunesse et à ses engagements pourrait faire partie de la qualité de l’information et de la lutte contre les défiances, auprès d’un public essentiel pour l’avenir de France télévisions. La présidence a retenu la nécessité de renforcer la mention des publics jeunes dans la nouvelle version de la charte. L’expérience du confinement lors de l’épidémie de Corona virus en mars 2020 a donné une occasion supplémentaire de concrétiser la préoccupation de France télévisions vis-à-vis des publics jeunes.

Dater et localiser les images d’archives

Favoriser l’esprit critique du téléspectateur suppose de citer ses sources (sauf cas d’anonymisation), de dater et de localiser les images d’archives employées. La rigueur dans l’utilisation d’image est un élément essentiel de la qualité de l’information et de la confiance des publics. Prévenir le public lorsqu’il a à faire à une reconstitution ou à des Andrew Guess, Jonathan Nagler and Joshua Tucker “Less than you think: Prevalence and predictors of fake news dissemination on Facebook”, Science Advances 09 Jan 2019, Vol. 5, no. 1, enquête reprise par de nombreux medias français accessible ici https://advances.sciencemag.org/content/5/1/eaau4586. 2

7


images d’archives fait partie des démarches de qualité. Le comité a regretté que les pages qui étaient consacrées à ce sujet aient été supprimées.

Informer sur les institutions européennes

La présidence a reconnu l’importance de la dimension européenne de l’information, suite à la demande formulée par le comité. Le rôle des institutions européennes dans les prises de décisions nationales est essentiel et encore peu médiatisé.

Représenter la diversité nationale, lutter contre les stéréotypes dévalorisants

Le projet de charte se réfère à de nombreuses reprises à la diversité, la lutte contre les stéréotypes dévalorisants n’est pas évoquée alors qu’elle pourrait l’être en complément.

Respecter le pluralisme et diversifier les experts

Le principe de pluralisme est présent à de nombreuses reprises dans le projet de charte. Le comité souhaite néanmoins souligner qu’il n’est pas limité aux émissions d’information politique. Il pourrait être rappelé que le pluralisme n’exige pas de mettre en valeur les points de vue les plus choquants mais de faire vivre des débats argumentés. Il pourrait également conduire à diversifier le choix des experts en envisageant leur renouvellement régulier et à porter systématiquement à la connaissance des publics les intérêts qu’ils détiennent dans les différentes institutions et entreprises.

La place du comité d’éthique.

La présidence a souscrit également à la demande de rappeler dans la charte des antennes les attributions du comité d’éthique.

Saisine des personnels de France télévisions Le comité souhaite rappeler qu’il peut être saisi par la présidence du groupe France télévisions, comme par les journalistes et l’ensemble des partenaires du groupe France Télévisions ou par des particuliers.

Relations avec des instances de régulation et d’autorégulation Audition du comité au CSA

Le comité d’éthique a rencontré Michèle Léridon, présidente du groupe de travail « Droits et libertés, pluralisme et déontologie » au Conseil supérieur de l’audiovisuel, le 17 décembre 2019. L’objet de la réunion a consisté à faire le point sur le fonctionnement du comité d’éthique de France télévisions au-delà des bilans transmis chaque année à l’instance de régulation.

Rencontre avec le comité d’éthique de Radio France

Le comité de Radio France a accueilli une séance réunissant les deux CHIPIP. Elle a été l’occasion d’échanger à la fois sur les modalités de travail des deux comités, les relations entre les instances dirigeantes des deux groupes et leur CHIPIP, les relations de travail avec les médiateurs ou médiatrices, ainsi que les rédactions. Les présidentes des deux comités ont souhaité que cette rencontre se renouvelle chaque année, au-delà des échanges informels qu’elles entretiennent à propos de leurs compétences réciproques.

8


Moyens mis à la disposition du comité et coopération avec les instances d’autorégulation de France télévisions Une meilleure visibilité des activités du Comité a été accordée par la présidence avec la publication des deux bilans du Comité sur le site de France Télévisions en septembre 2019. Cela correspondait à une demande du comité. Un rendez-vous avec le secrétaire général de France télévisions le 13 novembre 2019 a permis de mettre à plat certaines difficultés récurrentes de fonctionnement du comité. Les conditions de fonctionnement du secrétariat du comité ont été clarifiées. La présidente a rappelé que le comité d’éthique fonctionnait depuis un an à effectif réduit, puisque Madame Maggioni, nommée membre de ce comité en mars 2019, n’avait participé à aucune réunion. Un problème de fonctionnement est apparu avec la saisine par les mêmes personnes du comité d’éthique et du CSA. Le comité tient à rappeler qu’il ne cherche en aucune façon à interférer dans les relations entre le groupe et son autorité de régulation. Il a néanmoins besoin pour aider et soutenir les activités du groupe et leur conformité aux principes d’indépendance, de pluralisme et d’honnêteté au cœur de ses missions d’être informé des décisions du groupe relatives à la mise à l’antenne des émissions qui sont évoquées dans les saisines qui lui sont adressées. Le traitement rapide de ces saisines en dépend mais potentiellement aussi la défense des décisions prises par les journalistes et collaborateurs du groupe audiovisuel. A l’heure où les fractures sociales et informationnelles sont particulièrement fortes, à l’heure où les questions d’information font l’objet de clivages et de défiance, à l’heure où les questions environnementales et de santé publique deviennent particulièrement complexes, le bon fonctionnement du comité de France télévisions pourrait être un atout. Le comité a rencontré le 10 mars 2020 le nouveau médiateur de l’information de France télévisions, Jérôme Cathala. Cette réunion a permis de nouer un projet de coopération entre les deux instances dont les compétences peuvent se recouper, et qui bénéficient toutes deux d’une garantie d’indépendance. Le médiateur a indiqué que depuis le début de l’année 2020 il recevait un grand nombre de plaintes de téléspectateurs mais qu’elles n’avaient pas porté sur des questions d’éthique qu’il aurait pu partager avec le comité. Le comité d’éthique de France télévisions l’a assuré de son souci de poursuivre les échanges régulièrement sur ces questions.

9


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.