Mystère

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Si Sega “c’est plus fort que toi”, cela n’a pas toujours été le cas. La Mega Drive a certes bouleversé le paysage vidéoludique mondial, mais cette révolution 16 bits ne s’est pas faite en un coup. Pierre après pierre, prise de risque après prise de risque, la société d’Haneda a progressivement Conférence de Yalta Tenue en 1945, la conférence de Yalta marque le partage du monde. De gauche à droite : Winston Churchill, Franklin D. Roosevelt et Joseph Staline.

su installer sa marque dans le cœur deS joueurs à grand coup d’adaptations d’arcade, de jeux originaux et d’innovations technologiques. Bien plus occidentale que de nombreuses sociétés japonaises, Sega est avec la Mega drive au sommet de son art. Retour sur une histoire mouvementée dont la genèse prend place à la fin de la seconde guerre mondiale.

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i 1945 marque la fin de la Seconde Guerre Mondiale, c’est aussi le point de départ d’un nouvel ordre mondial qui perdurera jusqu’en novembre 1989 et la chute du Mur de Berlin. Lors de la conférence de Yalta, une station balnéaire située en Crimée sur la côte de la mer Noire, qui réunit les chefs d’états des trois principales nations vainqueurs (Franklin D. Roosevelt – États-Unis, Joseph Staline – Union Soviétique, et Winston Churchill – Grande-Bretagne), le monde est partagé en deux : celui des vainqueurs (ÉtatsUnis, Royaume-Uni, URSS) et celui des vaincus (Allemagne, Japon). Quelques mois plus tard, entre les deux bombardements américains sur Hiroshima et Naga-

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zaki, l’Union Soviétique envahit la Mandchourie et une partie de la Corée, appartenant alors au Japon. Cette invasion ainsi que l’échec en 1948 de l’organisation d’élections libres aggrava la division entre les deux Corée. Après l’entrée en guerre de la Chine aux côtés des coréens du nord, les États-Unis et les forces de l’ONU repoussèrent les forces du nord jusqu’au 38è parallèle. Près de 350 000 soldats américains furent envoyés dans la région et notamment au Japon. C’est dans ce contexte que la naissance de ce que deviendra Sega prend place et plus particulièrement celle de David Rosen, un soldat de l’US Air Force, âgé de seulement vingt ans en 1950. Nous sommes au début des années 50, le président Harry S. Truman est remplacé à la tête des

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États-Unis par Dwight D. Eisenhower, l’Australie remporte la Coupe Davis de Tennis contre les États-Unis, Elisabeth II devient reine d’Angleterre et remplace son défunt père le Roi George VI, le fils de Hinako Aruha et de Iijake Miyamoto, Shigeru Miyamoto, voit le jour. Depuis son engagement dans l’armée, David, originaire de Brooklyn – New-York – a connu avec son unité de nombreux déplacements de bases militaires en bases militaires. Si son unité est l’une de celles qui se déplaçait fréquemment, c’est au Japon, à Okinawa qu’elle était basée. En 1953, après la signature d’un armistice entre la Corée du Nord et la Corée du Sud et avant d’être libéré, David crée une société au Japon : Rosen Enterprises Ltd. dont l’activité principale était d’importer des photomatons sous la marque Photorama / Nifun Shashin (votre photo en deux minutes !).

Q Publicité télévisée : Blast Processing, Goodby Berlin & Silverstein - 1993

Naissance d’un géant

uelques années plus tôt, au début des années 1940, Standard Games, une entreprise fondée par Martin “Marty” Bromley à Honolulu, la capitale d’Hawaï, bien connue des garnisons américaines, implantées dans la préfecture d’Okinawa, distribue aux militaires américains des machines de divertissement telles que les juke-box. Ces machines connaissaient un succès notoire dans les cercles de l’armée, renforcée quelques années après par l’arrivée d’un plus grand nombre de soldats du fait de l’engament des États-Unis dans la guerre de Corée. Depuis la fin de la guerre, le Japon appartient au périmètre de défense américain, cette position par-

ticulière en fait un espace de réception privilégié pour le développement du marché des machines de divertissement, un secteur d’autant plus prometteur que le pays entame son redressement économique après les années 50. Cette conjoncture, favorable, conduit deux hommes d’affaires, Raymond J. Ray Lemaire et Richard “Dick” Stewart, à créer Lemaire & Stewart sur l’Archipel en 1951. Cette société, dont Stewart est le représentant, se spécialise dans la distribution et la maintenance de juke-box avant de travailler aux côtés de Standard Games en 1954, la société rivale de Martin Bromley. Les deux firmes fusionnent assez rapidement et changent de nom pour devenir la même année Service Games, avec pour objet de diversifier l’activité initiale de Stewart dans le secteur du divertissement, en y incorporant machines à sous et flippers. Trois ans à peine après cette fusion, Service Games abandonne une distribution réservée jusque-là exclusivement aux bases militaires américaines implantées au Japon, pour mieux s’ouvrir aux civils japonais. L’enseigne change à nouveau de nom pour devenir à la fin des années 1950 Service Games Japan ! David Rosen, qui a le sens aigu des affaires, comprend alors rapidement qu’un rapprochement avec Service Games peut donner à son entreprise l’élan dont elle a besoin pour se développer. Un accord est ainsi signé en 1965 à Tokyo, pour le rachat de la division de production de Service Game Japan, Nihon Goraku Bussan. Par ailleurs, Rosen décide de rebaptiser Service Games, trop long à son goût, en Sega, soit la contraction de “Service” et de “Games”. Sega Enterprises, Ltd. est née, avec pour siège social d’importants locaux situés à Haneda, dans la banlieue proche de Tôkyô. Après les juke-box, la société se tourne désormais vers les machines de jeu, plus prometteuses car plus en vogue, avec un objectif clair et on ne peut plus audacieux : devenir un acteur d’importance au Japon, et conquérir des parts de marché occidentales. La firme de Rosen devient de cette façon le principal fournisseur de sociétés de distribution de jeux d’arcade, notamment pour Esco Trading, fondée par un dénommé Hayao Nakayama.

Le premier logo de la marque.

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Premières bornes, premières consoles

e savoir-faire de la marque se manifeste alors dans des titres tels que Periscope. Ce dernier n’est autre que le premier succès arcade de l’éditeur, et bénéficie d’effets visuels et sonores impressionnants en son temps. Premier jeu à demander 25 cents pour une partie (ce qui deviendra le prix de référence dans le domaine), le succès est immédiat et participe à vendre une première image de Sega à l’échelle internationale. Plus tard, la production d’autres “EM Games” (Electro-Mechanical Games) avec Sea Devil

Flyers publicitaires des premières bornes de Sega.

« À cette même période, les premières consoles de salon voient le jour et amorcent une véritable révolution dans le microcosme de l’électronique. »

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et Killer Shark permet également à Sega de se faire connaître. L’entreprise se lance également dans la production de jeux vidéo arcade, avec son premier titre, Pong-Tron, autrement dit un clone de Pong, sorti un an auparavant en arcade chez Atari, puis Pong-Tron II, pouvant cette fois-ci mettre deux joueurs en duel. Jaloux de ce succès, Taito sort la même année sa propre mouture également de Pong, sous le nom de Elepong, et peu après, son célèbre Space Invaders, qui connaît un rapide succès planétaire. Pour faire face à la concurrence, Sega acquiert une société américaine nommée Gremlin Industries et l’un de ses plus gros clients, Esco Trading. Hayao Nakayama est alors nommé par Rosen vice-président au sein de Sega. À cette même période, les premières consoles de salon voient le jour et amorcent une véritable révolution dans le microcosme de l’électronique. Jusque-là limités à des salles d’ar-

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Atari 2600, Atari - 1977 (USA), 1981 (Europe).

cade ou à des jeux électroniques portables, les jeux vidéo se démocratisent autour des premiers systèmes “domestiques”. L’Odyssey de Magnavox, conçu par Ralph H. Baer en 1972, et le Video Computer System d’Atari (VCS 2600) deviennent en 1977 les pionniers

d’un genre nouveau avec des systèmes à cartouches amovibles. Concurrence oblige, ceuxci sont rapidement rejoints par Mattel, CVS et MB (ou Milton Bradley) qui trouvent dans ce marché naissant d’intéressants débouchés et opportunités économiques.

Magnavox Odyssey, Magnavox - 1972 (USA), 1973 (Europe), 1974 (Japon).

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CBS Colecovision, Coleco - 1982.

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Un marché saturé

ega produit des jeux d’arcade autour de ces nouveaux supports, notamment sur Atari VCS 2600 et CBS Colecovision. Sans être une puissante maison d’édition, le constructeur rencontre un franc succès grâce à quelques titres comme Turbo (vendu sur Colecovision avec le fameux volant), Frogger et Zaxxon. Néanmoins, le chiffre d’affaires de la

Abordable pour des familles de classe moyenne, de petite taille et bénéficiant pour la première fois de logiciels utiles et utilisables par tous, les micro-ordinateurs prennent rapidement de vitesse le marché naissant des consoles de salon, en panne de créativité et caractérisé par une forte crise de confiance et d’investissement. Cette conjoncture, conjuguée à une saturation du marché des machines de jeu, conduit en 1983 à un krach vidéo-ludique, qui frappe principalement l’Amérique du Nord et conduit de nombreux constructeurs et entreprises liées à l’industrie à déclarer faillite, dont le conglomérat américain Gulf & Western auquel Rosen avait vendu quelques années plus tôt Sega Entreprises, tout en conservant la fonction de PDG. Il en est fini des activités de la firme aux USA, l’eldorado américain s’effondre brutalement et les jeux vidéo, pense-t-on alors, ne constituent plus que des souvenirs.

Jaquette du jeu Turbo. Cette célèbre course de voitures est développée par Sega pour la console Colecovision, Sega - 1991.

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société augmente, pour atteindre en 1982 le niveau record de 214 millions de dollars. Les ressources financières de Sega permettent maintenant à la firme de sortir le premier jeu vidéo utilisant un LaserDisc (Astron Belt), le premier jeu en 3D (SubRoc-3D) et d’investir la même année dans sa première console de jeux, la SG-1000. Si ces premières consoles familiales jouissent d’un progrès technique indiscutable (apparition des couleurs, capacités sonores plus développées), celles-ci se trouvent néanmoins rapidement concurrencées par le développement des micro-ordinateurs en occident. L’Apple II, le TRS80 et les systèmes Commodore amorcent en cette fin des années 1970 une autre révolution, numérique cette fois-ci, en introduisant les premiers tableurs, traitements de texte, impression informatique, et processeurs garantissant le développement de jeux vidéo et logiciels éducatifs.

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Sega Mark III (Japon), Sega - 1983. La Sega Mark III donnera naissance à la Master System en Europe.

L’ Publicité télévisée : Cyber Razor Cut, WCRES - 1992 (Grande-Bretagne).

Sega SG-1000, Sega - 1983.

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L’exode

industrie va rebondir rapidement et voir son centre de gravité se déplacer des États-Unis vers le Japon. Avec l’effondrement du marché NordAméricain, le pays du soleil levant fait désormais office de nouvelle terre d’accueil, du fait d’un taux de croissance économique très élevé après les années 1960 et de l’encouragement à l’innovation qui soutiennent, au sens large, un développement spectaculaire du secteur électronique. Les rumeurs se répandent vite en occident à propos de console de jeu venue “des pays asiatiques”, inspirant auprès des amateurs de micro dédain et plaisanteries. Dans le monde de l’informatique, “folie”, “impossible”, ou encore “trop risqué”, sont des mots fréquemment employés pour qualifier de telles entreprises. Néanmoins, lorsque Nintendo distribue sa Famicom, elle devient en quelques mois au Japon un phénomène de société, dopé en 1985 par les ventes d’un premier grand blockbuster : Super Mario Bros. Exportée sous le nom de NES en Amérique du Nord, la Famicom se trans-

forme en élément moteur du secteur et contribue à relancer de manière décisive l’intérêt pour le marché des consoles en occident. Sega se lance à son tour dans les consoles de salon et établit définitivement son siège social au Japon, en vue de s’implanter durablement sur un territoire qui, a priori, reste une terre d’accueil privilégiée pour ce nouveau marché. La firme élabore alors la SG-1000 pour tester le marché, puis la Sega Mark III, plus connue en

« La SEGA Mark III : une première réponse de SEGA face à Nintendo. » occident sous le nom de Sega Master System. Cette console est une première réponse de Sega face à Nintendo. La Sega Mark III est une petite révolution en soi. Commercialisée en 1985, elle intègre des fonctionnalités que peu d’ordinateurs connaissent jusque-là et est optimisée pour le jeu arcade dès son cahier des charges. La machine peut afficher jusqu’à 64 sprites et possède certains jeux de plus de 400

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caractères. Ajoutons à cela 128 Ko de mémoire morte comportant des routines d’animation, autrement dit des sous-programmes capables de prendre en charge de façon autonome des traitements entiers de gestion de graphismes, de joysticks et de sons. Les programmeurs n’ont ainsi pas à réécrire ces codes, avec le risque d’erreur que cela induit, permettant ainsi un gain de temps de développement important.

« La Sega Master System se vend en l’espace de deux ans à plus de 1 300 000 exemplaires. » Malgré une arrivée plus tardive et un marché japonais déjà bien balisé par Nintendo, la Sega Master System se vend en l’espace de deux ans à plus de 1 300 000 exemplaires. Face à ce succès, les marchés américain et européen sont envisagés. La Master System gagnera du terrain sur ce dernier, du fait d’un désintérêt relatif de Nintendo pour le vieux continent, mais aussi de l’engouement de la presse spécialisée pour cette “bombe”, à l’image du magazine Tilt. Concrètement, Sega arrive en réalité bien trop tard pour espérer devancer Nintendo. Et l’arrivée d’un nouveau concurrent au pays du soleil levant en octobre 1987 avec la NEC PC Engine ne fera que complexifier les choses.

Hayao Nakayama, alors à la tête de l’entreprise, le sait bien et imagine, dès la fin du développement de la Master System, un plan d’attaque s’appuyant une fois de plus sur la notoriété et les compétences que SEGA a acquises dans les salles d’arcade, notamment avec son System 16. Le talent de la boîte n’est en effet plus à démontrer avec des titres aussi fédérateurs qu’After Burner, Space Harrier, ou encore Shinobi. Nakayama décide alors de débaucher les divisions arcade de Sega, les fameux studios AM, pour développer sur une nouvelle machine. L’idée est de créer une console 16 bits pour répondre à NEC et devancer Nintendo. L’effervescence est palpable dans les locaux. Hideki Sato, petit génie de la branche R&D, aussi à l’origine de la création de la SG-1000, de la Sega Mark III, travaille sur le successeur de la Mark III, au nom de code MK-1601 et directement dérivé du System-16. Deux CPU centraux sont en effet ajoutés à la carte : un microprocesseur Motorola 68000, cadencé à 7.12 Mhz et un Z80 pour le son. Un des développeurs en charge, Masami Ishikawa (voir interview), justifiera le choix d’inclure un deuxième CPU par la nécessité de la rétro-compatibilité avec la Master System. La mémoire vive est quant à elle portée à 64 Ko et la palette graphique à 512 couleurs (dont 64 affichables simultanément). Le design conçu par Mitsushige Shiraiwa (voir interview) est pensé davantage selon des critères esthétiques. Contrairement à la Famicom,

Publicité télévisée : Bullies, Goodby Berlin & Silverstein - 1993.

Master System (Europe), Sega - 1987.

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Publicité télévisée : Sonic The Hedgehog 2, Goodby Berlin & Silverstein - 1992.

qui répondait par son design essentiellement à des contraintes techniques et majoritairement fonctionnelles, Sega cherche à se différencier en proposant des formes plus arrondies et un look plus classieux, en arborant un joli noir brillant, signe caractéristique des produits de luxe durant les années 80. La manette doit être, elle aussi, à l’image des ambitions de la firme. Celle-ci doit d’une part donner une impression de mouvement, et apporter une touche supplémentaire de modernité dont le jeu vidéo a besoin à l’aube des années 90. La forme de boomerang est

Système 16 Arrivé en 1985 en arcade avec des titres forts comme Fantasy Zone, Shinobi ou Altered Beast, le System 16 représente à sa sortie ce qui se fait de mieux et de plus polyvalent en matière de carte arcade. Sa longévité dans les salles fut à l’image de ses capacités techniques.

Un nouvel outsider

Avec un processeur central 8 bits et un processeur graphique 16 bits, le TurboGrafx-16 (plus connu sous le nom de NEC PC Engine) fait véritablement office d’outsider, menaçant pour un temps la suprématie de la Famicom sur le territoire nippon. Et si les premiers softs disponibles ne sont pas des plus exceptionnels (Shangai, The Kung-Fu, Victory Run), les sorties au printemps 88 de R-Type et R-Type II changent complètement la donne. Reprenant les armes de Sega, NEC poursuit le développement d’ambitieuses conversions arcade avec Fantasy Zone, Space Harrier (Sega) ou encore Dragon Spirit (Namco). La PC Engine fut aussi la première console de l’histoire à disposer, dès décembre 1988, d’un lecteur CDROM en option. La compétition s’annonce rude...

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finalement retenue et vient compléter le design d’une console dans l’air du temps ! En juin 1988, le compte à rebours est lancé. Le magazine japonais Beep! annonce l’arrivée d’une future console baptisée « Project Mark V» et équipée, dit-on, du fameux microprocesseur utilisé pour les plus grands hits d’arcade de Sega...

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Mega Drive, une révolution

e 29 octobre 1988 au Japon, à 7 heures du matin, la console 16 bits de Sega pose sa robe noire sur les étals d’Akihabara, au prix de 21 000 Yens. Noire comme la Master System, des formes plus arrondies, une manette plus ergonomique avec trois boutons et une touche START, une prise casque et un bouton de volume pour jouer sans faire de bruit. Le design de la Mega Drive est inédit ! Sous le capot, la console n’est pas non plus en reste avec un microprocesseur Motorola 68000 cadencé à 7,61 Mhz (le System 16 tourne à 10Mhz), un coprocesseur pour les effets de profondeur permettant un scrolling différentiel sur deux plans, et un processeur secondaire Z80 cadencé à 3,58 Mhz pour faire tourner les jeux 8 bits via un adaptateur, le Master System Converter.

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Mega Drive (Japon), Sega - 1988.

La résolution choisie est de 320x224 pixels pour rester le plus fidèle possible au System 16. La console peut désormais gérer jusqu’à 80 sprites en même temps, allant de 8x8 pixels jusqu’à 32x32 pixels. À cela vient s’ajouter un processeur Yamaha YM2612 avec des capacités sonores de 3 voix PSG, 6 FM et 1 PCM pour une qualité bien au-dessus de tout ce qui se faisait à l’époque. Il n’y a qu’à écouter les musiques de certains jeux pour s’en convaincre. Tout cela, assorti d’une magnifique sortie RGB pour une qualité d’image très proche de celle des bornes d’arcade. Chose étonnante, il s’en est fallu de peu pour que la sortie de la machine se passe dans une relative indifférence. Pas d’euphorie, ni de mouvement de foule prématuré pour célébrer cette nouvelle naissance. La politique marketing de Nintendo et la sortie de Super Mario Bros. 3 une semaine plus tôt semblent avoir porté leurs fruits. Les parts de marché s’annoncent donc difficiles à gagner : Nintendo détient 92% des parts vidéo-ludiques sur le territoire japonais et 95% sur le sol américain. Sega n’a d’autre choix que réaliser un véritable tour de force face à l’hégémonie de Nintendo et l’ascension

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croissante de NEC, toujours aussi conquérant. Altered Beast s’ajoute alors au line-up de lancement de la Mega Drive. Cela n’est toutefois pas suffisant pour inverser la tendance. Nintendo semble décidément jouer avec un coup d’avance en dévoilant le 23 décembre 1988 un prototype de Super Famicom. Celle-ci verrait même le jour l’année suivante ! L’avenir s’annonce alors plus difficile pour Sega. Mais plutôt que de se battre de front contre le “Pape” du jeu vidéo, le créateur de la Mega Drive étudie scrupuleusement la “politique” de Nintendo et semble y trouver quelques failles. Le début de la contre-attaque commence. Ne voulant pas reproduire le schéma de la Mark III, Sega s’appuie sur les excès du fameux Seal of Quality de Nintendo et sa politique “étouffante” sur les éditeurs tiers, pour ramener un maximum de développeurs dans l’écurie Mega Drive. En leur laissant une plus grande liberté, Tecnosoft, Namco, ou encore Capcom franchissent le pas et offrent à la belle, directement ou indirectement, ses premiers jeux indépendants (Thunder Force II, Forgotten Worlds, Ghouls’n Ghosts). Si Alex Kidd pose ses valises dans l’Enchanted Castle en février 1989, Sega préfère le laisser appartenir au passé, de peur de faire passer

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« C’est le 21 mars 1989 qu’une première bombe attire l’œil des fans de RPG, le grandiose Phantasy Star II. » la Mega Drive pour une simple évolution de la Mark III, dont la notoriété est en berne au pays du soleil levant. Mais c’est le 21 mars 1989 qu’une première bombe attire l’œil des fans de RPG, le grandiose Phantasy Star II. Cependant, Sega garde encore de (très) nombreux atouts dans sa manche, puisqu’en décembre 1989, la Mega Drive accueille coup sur coup deux chefs-

d’œuvre : The Super Shinobi (The Revenge of Shinobi), développé par la Team Shinobi, bénéficiant des excellentes compositions musicales de Yuzo Koshiro (voir interview), et Golden Axe, directement tiré de la borne et sorti tout juste six mois plus tôt en arcade, en juin 1989. Ces deux titres montrent au public ce que la bécane a véritablement dans le ventre.

Les jeux au lancement de la Mega Drive

Japon (29 octobre 1988) Space Harrier II

Japon (29 octobre 1988) Super Thunder Blade

États-Unis (14 août 1989) Alex Kidd in the Enchanted Castle

États-Unis (14 août 1989) Altered Beast

États-Unis (14 août 1989) Last Battle

États-Unis (14 août 1989) Space Harrier II

États-Unis (14 août 1989) Super Thunder Blade

États-Unis (14 août 1989) Thunder Force II

États-Unis (14 août 1989) Tommy Lasorda Baseball

Europe (30 novembre 1990) Alex Kidd in Enchanted Castle

Europe (30 novembre 1990) Altered Beast

Europe (30 novembre 1990) Columns

Europe (30 novembre 1990) Golden Axe

Europe (30 novembre 1990) Space Harrier II

Europe (30 novembre 1990) Super Thunder Blade

Europe (30 novembre 1990) Thunder Force II

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Shadow Dancer - boss.

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Un démarrage en demiteinte

es quelques succès ne doivent pas faire pour autant oublier les difficultés que rencontre Sega en commercialisant sa machine, tout d’abord face à la concurrence. Nintendo est une marque très puissante, et NEC vend sa PC Engine très convenablement. Difficile dans ce contexte d’inciter les consommateurs à découvrir une nouvelle console, quand ceux-ci sont déjà comblés par les ludothèques pléthoriques de jeux 8 bits, malgré l’écart technique avec la qualité visuelle des jeux Mega Drive. L’autre difficulté est de trouver une alternative économique viable face au marché de l’arcade, en vogue au Japon et inséparable de la culture japonaise d’après-guerre. Les salles de jeux, installées à chaque coin de rue, font

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que les joueurs n’ont pas besoin de débourser l’équivalent de 2000 francs (300 euros environ) pour prendre une claque visuelle. Nintendo avait à cette époque bien compris la frontière qui existait entre les titres “sur bornes” et ceux se jouant sur console. La firme de Kyoto, affûtée, avait donc fait en sorte de proposer une ludothèque qui fait la part belle, non aux plaisirs vidéo-ludiques dit “furtifs” (ceux des parties rapides en arcade), mais au contraire, aux jeux à la durée de vie conséquente. Dans ce contexte, le positionnement de Sega reste délicat et annonce déjà des parts de marché difficiles à chercher. Cela provoque naturellement une certaine frilosité chez les annonceurs. Et pour cause ! Le catalogue des débuts est orienté arcade à 90%, si bien qu’il est difficile de mettre en avant des titres parfois déjà connus depuis des années (Space Harrier II, After Burner II) par les joueurs japonais. Sega devance néanmoins les critiques, en remodelant avec talent beaucoup de “jeux de café”. Cyber Police ESWAT bénéficie ainsi d’une refonte dans la progression même du jeu, l’aspect visuel de Shadow Dancer est modifié complètement et sa durée de vie rallongée, tandis que Moonwalker troque le mode de déplacement en 3D isométrique contre un scrolling horizontal. Cela permet à la Mega Drive “d’exister”, tout au plus, sur le marché japonais. La ludothèque très axée “U.S.” (jeux de sport, licences comics Marvel, adaptations cinématographiques) n’est pas non plus là pour aider davantage le public japonais à accepter cette nouvelle machine. Il faut savoir qu’à l’époque, mais encore de nos jours avec les machines Microsoft, les japonais affichent une forte préférence pour les jeux nationaux. Les équipes de développement japonaises sont en effet considérées par l’opinion publique comme “plus douées”, d’autant plus valorisées à l’échelle globale que la chute du marché du jeu vidéo au début des années 80 est attribuée à des platesformes purement américaines. Une fois la Super Famicom sur les rails, l’affaire se complique encore. Sega jouit toutefois, et fort heureusement, d’une ludothèque riche qui lui permet de rester dans la course durant sept longues années, au prix de quelques déconvenues en termes de vente de jeux. Les campagnes de pub et autres opérations marketing sont par ailleurs passées totalement inaperçues au pays du soleil levant. De quoi maintenir la console dans son statut de “quasi-confidentialité” auprès du grand public. Nakayama reconnaîtra également, de longues années après la fin de vie de la Mega Drive, que l’entreprise craignait Nintendo au point de ne pas oser réellement la défier.

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« À la fin de l’été 1990, la logithèque arcade, jouant jusquelà contre la Mega Drive, finit par créer un climat plus favorable aux ventes de la console, bien qu’encore incertain au Japon. » Durant l’année 1990, Sega ne baisse pas les bras et redouble d’efforts pour s’imposer au Japon. Les adaptations d’After Burner II, Phantasy Star III, Phelios, Batman, Super Monaco GP, Hellfire, les conversions impressionnantes de Strider, Burning Force, Musha Aleste ou encore l’excellent Thunder Force III renforcent son image adulte et punchy, tout en permettant de grignoter quelques parts de marché au plombier moustachu. À la fin de l’été 1990, la logithèque arcade, jouant jusque-là contre la Mega Drive, finit par créer un climat plus favorable aux ventes de la console, bien qu’encore incertain au Japon.

Altered Beast - Fatty.

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Genesis Does !

arrivée de la Mega Drive en Amérique du Nord, rebaptisée “Genesis” pour mieux inscrire une rupture avec le modèle 8 bits, entraîne un rééquilibrage des forces en présence. Chez la concurrence, si le marché du divertissement est verrouillé par Nintendo, la situation n’est pour autant pas exactement la même qu’au Japon. Le public américain est en

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effet plus réceptif à l’aspect technique et visuel des jeux. Une console avec des graphismes proches de l’arcade est une prouesse technique, et parle directement au public nord-américain. De plus, l’élargissement considérable durant l’année 1989 du catalogue de jeu Mega Drive, conjugué à l’annonce du report de la Super Famicom dans le courant de l’année 1990, ouvre une fenêtre de tir inespérée à Sega. La conquête du marché américain est le fruit d’une longue stratégie. Le 14 août 1989, Sega avait en effet déjà sondé le terrain américain en distribuant la Genesis dans deux métropoles marquées par une culture avant-gardiste : New-York et Los Angeles. Cette première diffusion est un succès. Le 15 septembre 1989, la Genesis peut ainsi se vendre dans tout le pays, au prix de 189,99 dollars. Les heureux acquéreurs repartent avec un bundle comprenant la console, une manette et le jeu Altered Beast. La Genesis est cependant rapidement rejointe par un autre concurrent, avec la sortie de la PC Engine le 29 août sur le continent américain, sous le nom trompeur de “TurboGrafX-16”. Techniquement, cette machine est en effet une 8 bits. Une aubaine ! Sega joue de cette appellation pour la discréditer aux yeux du grand public. Sa qualité visuelle inférieure par rapport aux jeux de la Genesis est alors ironiquement moquée via la campagne de pub “Your world will never be the same”. Michael Katz, PDG de Sega of America et ancien de chez Mattel, tire judicieusement parti de l’avantage technique dont jouit la Mega Drive face à ses concurrents, y compris devant Nintendo.

Avec son agence de publicité Bozell, il élabore dès le début des années 1990 une campagne publicitaire agressive, mentionnant frontalement son adversaire à travers un adage devenu célèbre « Genesis does what Nintendon’t ». Michael Kartz ne s’y trompe pas. Mentionner directement son concurrent était selon lui LA stratégie à adopter pour “associer” Sega, dans l’esprit des consommateurs, à celui de Nintendo. À travers différentes campagnes de publicités, Sega valorise ainsi les consommateurs “rebelles” qui, avec la Genesis, incarnent désormais un “contre-modèle” à Nintendo, un modèle “tendance”, qui plaira naturellement à la majorité des adolescents et jeunes adultes. Les résultats se font à ce titre vite ressentir : dix-huit mois à peine après sa commercialisa-

« Genesis does what Nintendon’t ! »

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Genesis Modèle II avec sa manette 6 boutons, Sega (USA) - 1994.

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tion outre-Pacifique, Sega prend ses premières parts de marché au “leader incontesté”. Les dirigeants de Sega travaillent également sur d’autres pistes et cherchent une personnalité dont la notoriété transcende les médias. Pour soutenir et promouvoir la machine, quoi de mieux qu’une star de renommée internationale ? Michael Katz souhaite alors développer une campagne marketing ciblée, et réussit même à faire de Michael Jackson son ambassadeur. Difficile de rêver mieux. Enfin, Sega tisse également des liens avec les comités d’entreprises de grosses sociétés américaines qui proposent la location hebdomadaire de jeux, renforçant, de fait, la notoriété de la console. Les conséquences de ces stratégies diverses ont un effet direct auprès des consommateurs. Les ventes de la Genesis décollent et le hardware est décliné en plusieurs versions arcade, nommées System C et Mega-Tech. Cette dernière se compose d’une carte-mère dotée de huit ports cartouches compatibles avec les jeux 16 bits et Master System. En 1992, le parc de machines installées est estimé à 12 millions d’unités, pour un chiffre d’affaires total de 1,151 milliard de dollars, soit 10 fois supérieur à celui de 1989, s’élevant alors à 182 millions de dollars.

sionnantes. Les français, peu réceptifs à la PC Engine, car mal distribuée dans l’hexagone et trop japonisante, accorde à la 16 bits de Sega une grande attention, qui crée dès sa sortie un fossé technique important avec son concurrent Nintendo. Sega endosse en France, comme pour les États-Unis, “son rôle de David” jusqu’à la victoire provisoire contre “Goliath-Nintendo”. Le budget de communication est confié à l’agence Ammirati Puris Lintas. La stratégie choisie consiste, à l’instar des USA, à se faire « adouber par ceux [les joueurs] qui étaient les plus aventureux, ceux qui avaient du poil au menton, et laisser la Nintendo aux bébés », confie dans une récente interview Alexandre Bertrand, ex-directeur de création chez Sega, aujourd’hui patron de l’agence Ministry of Bad Artists. Son idée était qu’un jeu vidéo n’est intéressant que si on ne le finit pas facilement. Avec son ami rédacteur Éric Niesseron, il trouve alors le concept de “Sega, c’est plus fort que toi” et, parallèlement, le personnage de “Maître Sega”. Outre le fait qu’un tel slogan interpelle le joueur directement autour de l’idée de “défis” (en l’occurrence, ceux lancés par Maître Sega, dans son antre), cette maxime devenue célèbre aujourd’hui dans le monde du jeu vidéo renvoyait aussi à un langage “pulsionnel”. Sega, c’est décidément “plus fort que toi”, autrement dit, une dépendance plus forte que la volonté propre de chaque joueur. Sega vend ainsi sa machine comme une addiction capable de combler un “vide ô ludique” d’une scène médiatique et marketing désertée par Nintendo, et que Sega ne tarde pas au début des années 1990, à remplir.

Design de personnage tiré d’Altered Beast.

E

Le lancement français réussi

n septembre 1990, la Mega Drive finit son tour du monde et pose ses manettes en Europe, avec pour la France un lancement au prix de 1890 francs (environ 290 euros), accompagné du jeu Altered Beast. La console crée une petite effervescence, en grande partie grâce à ses capacités techniques impres-

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Design de personnage tiré d’Altered Beast.

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Design de personnage tiré d’Altered Beast.

« À la fin de l’été 1990, la logithèque arcade, jouant jusquelà contre la Mega Drive, finit par créer un climat plus favorable aux ventes de la console, bien qu’encore incertain au Japon. »

Mega Force est l’organe officiel de Sega. La couv du n°2 reprend la célèbre campagne de publicité “Sega, c’est plus fort que toi”.

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Un nouveau challenger

ort d’un bon départ en occident, et encore très fragile sur le marché japonais, la situation de la Mega Drive reste assez contrastée. La même année au Japon, le 20 septembre, Nintendo amorce réellement le combat des machines 16 bits, avec la Super Famicom. Contrairement aux idées reçues, Nintendo ne craignait pas vraiment Sega, que cela soit en Amérique du Nord ou au Japon. Néanmoins, il fallait contrer ce succès fulgurant, ce qui explique la raison de la sortie prématurée des cartons de Nintendo de sa console “16 bits”. La notoriété de Nintendo, couplée au véritable tour de force technique de cette nouvelle machine, suffisent à créer une extraordinaire émulation au Japon. En trois jours, 300 000 consoles sont écoulées. Le succès est incroyable. Nintendo crée un véritable phénomène de société avec sa nouvelle machine, et rattrape, en six mois à peine, les deux millions de Mega Drive vendues sur le marché japonais. Le 13 août 1991 aux États-Unis, la Super Famicom, rebaptisée Super Nes, est commercialisée avec un succès tout aussi comparable. Les campagnes marketing on ne peut mieux ciblée ne font qu’accroître l’hégémonie du leader nippon sur le marché. Mais Sega ne reste pas spectateur de la déferlante Nintendo et prépare déjà, sur le marché américain, une des plus belles ripostes de l’Histoire du marketing, en la personne de Tom Kalinske. La première grande guerre des consoles est officiellement déclarée. Quant à la NEC, celle-ci ne survit que difficilement face à cette bipolarisation du marché des consoles entre Sega et Nintendo.

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Tom Kalinske : le visionnaire

il est un jour à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire de la Mega Drive, c’est bien celui du mois de novembre 1990, avec à la fois l’arrivée d’un homme qui allait tout changer et la sortie d’un titre féerique, devenu culte. Sega Japon s’apprête à donner congé à Michael Katz (président de Sega of America) suite aux chiffres de vente de la Genesis, bien en-deçà des attentes de Sega. Hayao Nakayama et David Rosen lui cherchent alors un remplaçant digne de ce nom, avec un style de management différent. En somme, quelqu’un de positif, ambitieux, agissant en véritable leader, capable de vendre ses propres “rêves” au monde. Cet homme, c’est Tom Kalinske, ancien dirigeant de Mattel et accessoirement ami de longue date de Katz, qui connaît de surcroît très bien Hayao Nakayama. Il prend ses fonctions au début du mois de novembre avec la bénédiction de ses supérieurs.

« La révolution est en marche. »

Alien Storm est l’une des nombreuses adaptations d’arcade.

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Ce recrutement “surprise” a toutefois réellement commencé au début de l’été 1990, lorsque, sur une plage Hawaïenne, Tom fait un break après avoir quitté son ancienne société Mattel. Hayao Nakayama, durant cette période sabbatique, croise son confrère américain et, entre deux mondanités, lui propose de venir au Japon voir le nouveau produit technologique de Sega, ainsi que les prémices de ce qui constituera la Game Gear. Convaincu par ce qu’il découvre sur place, Tom Kalinske accepte de se lancer dans une nouvelle aventure, en se positionnant tout d’abord en observateur, puis en rendant trois mois après cette visite son verdict pour établir un plan d’attaque marketing calibré. Les 20, 21 et 22 novembre (respectivement aux États-Unis, au Japon et en Europe), Sega s’at-

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Au Japon, Sega continue sa politique de distribution variée, basée à la fois sur des succès arcade de qualité (Gain Ground, Alien Storm, Midnight Resistance, Street Smart), des licences juteuses (l’adaptation du film Dick Tracy et celle de l’animé Nadia), des jeux typiquement japonais (Valis III), des titres d’action de haute volée (Gynoug) ou encore des RPG novateurs (Shining in the Darkness). Toujours dans une volonté de se diversifier et d’occuper le marché, le TeraDrive, hybride entre une Mega Drive (dont il reprend le hardware de base) et un micro-ordinateur, est lancé au Japon le 31 mai 1991. S’il passe inaperçu, ce dernier a l’avantage de sonder l’intérêt (ou le manque d’intérêt) du public pour ce genre de produit. Parallèlement, Tom Kalinske, nommé PDG de Sega of America, présente aux dirigeants japonais son plan d’action et propose plusieurs axes principaux pour s’imposer. Sa première préconisation est de prioriser le marché U.S., très réceptif aux jeux de sport et abandonner la stratégie “arcade à domicile” trop limitée en terme d’impact. Kalinske souhaite également donner du “mordant” à l’image de la marque Sega via des campagnes de pub agressives et revoir le prix d’appel de la console à la baisse afin de passer en-dessous du seuil des 180 dollars (une belle somme pour l’époque). Dans une interview accordée en 2006, Kalinske qualifie par ailleurs une console vendue 189 dollars de “console de gosse de riche”. Toute une image ! L’homme de Sega of America souhaite également que le jeu offert en bundle avec la console, Altered Beast, soit remplacé par un titre plus fédérateur, car le hit arcade de Sega est selon lui “inapte” à pouvoir toucher un vaste public. Tout en cynisme, il craignait qu’un jeu avec des « histoires de zombies et de sorcellerie ne soit pas tout à fait adapté à un pays majoritairement croyant », précisant même que cela « ne se vendrait pas, même au Kansas ». Enfin, Kalinske souhaite que les équipes de Sega développent un nouveau jeu, emblématique pour taque directement à Nintendo sur son terrain, en proposant un jeu de plates-formes enfantin, mais purement démentiel, le mythique Castle of Illusion : starring Mickey Mouse. Le jeu bénéficie de la prestigieuse licence Disney. La sortie quasi-simultanée sur ces territoires, loin de ce que Nintendo a l’habitude de pratiquer pour ses propres jeux, accroît le capital sympathie de la marque en occident. La révolution est en marche ! Pourtant, si à cette date la Mega Drive s’est écoulée à 2 millions d’unités, l’assurance même de la société Nintendo l’empêche d’entrevoir l’offensive que prépare Sega sur le territoire américain.

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la Mega Drive, une véritable “killer-app”, incontournable et représentant de la marque, à même de faire de l’ombre au plombier de Nintendo et susceptible de remplacer Altered Beast dans les bundles d’ici la fin de l’année.

« Le siège de Sega donne carte blanche à Kalinske pour mettre son plan d’attaque à exécution. » À la fin de sa présentation, Tom Kalinske sort de la salle de conférence, suivi de Nakayama. Ce dernier lui expose le verdict, pour le moins glacial : « Personne dans cette pièce n’est d’accord avec le moindre mot que tu as prononcé ». Kalinske s’imagine déjà être remercié après une carrière éclair chez Sega. Nakayama reprend alors le cours de sa phrase : « …mais nous t’avons embauché pour retourner la situation, alors vas-y, fais ce qui te semble bon, nous te soutiendrons ». À la surprise du principal concerné, le siège de Sega donne carte blanche à Kalinske pour mettre son plan d’attaque à exécution. Celui-ci démarre dès le lendemain avec des prises de décisions, qui s’avéreront historiques pour la marque.

L Croquis préparatoires de Sonic The Hedgehog, Naoto Ohshima - 1991.

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Un jeu mythique

a Mega Drive a beau être “numéro 1” au Brésil, grignoter des parts de marché aux États-Unis et bénéficier d’une bonne image en Europe, celle-ci se heurte néanmoins sur le sol japonais au rouleau-compresseur Super Mario World. Il faut donc lui opposer une « nemesis », capable de rendre ce dernier obsolète. À la faveur d’un concours interne, l’équipe AM8, composée alors de cinq personnes et rebaptisée par la suite Sonic Team, propose la première esquisse du hérisson super-sonique. Parmi les essais, on trouve pêle-mêle, un bulldog, un monsieur à la tête en forme d’œuf qui évoque Théodore Roosevelt (le thème de l’œuf sera repris pour le jeu Billy Hatcher and the Giant Egg, réalisé par la Sonic Team en 2003 sur GameCube), un tatou (qui finira dans le jeu

Knuckles Chaotix sur 32X sous le nom de Mighty the Armadillo), un vieil homme au look comique et moustachu, sorte de parodie du plombier de Nintendo (qui deviendra par la suite le Dr. Ivo Robotnik), ainsi qu’un lapin gris. Yuji Naka explique que le choix initial s’est porté sur cet animal pour sa rapidité. Cependant, à chaque fois qu’il se trouve devant un ennemi, ce lapin doit s’arrêter pour pouvoir le neutraliser avec ses oreilles extensibles (les bras extensibles de Ristar, sorti sur Mega Drive début 1995, semblent directement hérités de cette idée), cassant bien entendu le rythme du jeu et sape la sensation de vitesse. C’est pourquoi une autre ébauche lui est préférée, celle d’un hérisson signé Yuji Naka (voir interview), laissée depuis des mois dans un carton et revisitée par le talentueux Naoto Oshima (voir interview). Ce petit génie, ayant déjà travaillé sur le design de Phantasy Star II et III, esquisse un brouillon provisoirement nommé “Mr. Needlemouse”. AM8 imagine déjà qu’en bon hérisson, celui-ci peut aisément se mettre en boule, sauter ou rebondir sur ses ennemis, sans pour autant ralentir le gameplay. Construit en parfait contre-modèle du plombier moustachu, considéré comme “vieux et trop humain” par Sega, la team approuve ce héros sauvage, animal, jeune, dans le vent et doté de capacités spéciales propres à émoustiller le public adolescent.

« Le nom de Sonic est retenu en référence à la vitesse du son, si caractéristique du personnage. » Le nom de Sonic est retenu en référence à la vitesse du son, si caractéristique du personnage. Son aspect physique reflète en effet la notion de rapidité, ses chaussures à celles de Michael Jackson, et sa couleur, celle du logo Sega, un bleu tranchant radicalement avec le rouge des vêtements de Mario. Sega of America se félicite par ailleurs que les trois couleurs principales de Sonic soient les mêmes que celles du drapeau américain. Dans le même esprit, AM8 propose une direction artistique et un level design très éloignés des jeux du plombier italien et ses nombreux clones : scrolling multi-directionnel, stages pensés avec la notion de vitesse, formes arrondies dans les décors ou les sprites, alternance de passages rapides et calmes pour donner du rythme et ne pas toujours foncer tête baissée, niveaux découpés en trois actes, décors technologiques, etc.

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Affiche publicitaire de Sonic The Hedgehog 2, (Etats-Unis / Europe), Greg Martin - 1992.

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Aussi étonnant que cela paraisse aujourd’hui, Michael Katz, PDG de Sega of America sur le départ, détestait l’idée de ce personnage. Il pensait que le “kid” moyen américain ne serait pas réceptif et que le côté animal empêcherait toute forme d’identification par le public cible. Preuve de l’importance accordée au marché américain et de la pertinence des choix stratégiques de Tom Kalinske, Sonic The Hedgehog sort d’abord aux États-Unis (fait extrêmement rare à l’époque, le Japon étant dans la majorité des cas prioritaire), le 23 juin 1991, soit très précisément deux mois jour pour jour avant la sortie de la Super Nes sur le territoire nordaméricain. Sega n’aurait pu rêver meilleur timing pour saboter le lancement américain de la 16 bits de Nintendo ! Le hérisson bleu est un « instant-hit », une cartouche qui fait vendre des consoles par milliers. Les campagnes de pub, le visuel accrocheur et la modernité évidente du titre dépassent les attentes et permettent à Kalinske de mettre en œuvre la suite de son plan. C’est ainsi, dans l’optique de s’imposer pendant les fêtes de fin d’année, que le pack Altered Beast est retiré de la vente et remplacé par un bundle avec Sonic The Hedgehog, tout en baissant le prix, comme il l’avait préconisé. La stratégie Kalinske semble déjà porter ses fruits, mais Sega ne baisse pas la garde, bien au contraire même, puisque l’éditeur se prépare maintenant à faire le plein de hits...

Publicité télévisée : Before Sega / After Sega, Berlin & Silverstein - 1992.

L Illustration de personnage tirée de Bare Knuckle, Fat guy.

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Des titres moteurs

oin de se reposer sur le succès de Sonic, Sega poursuit sa conquête du marché. La célèbre Team Shinobi réalise un titre en passe de devenir culte, Bare Knuckle (littéralement “à poings nus”), connu en occident sous le nom Streets of Rage. Concurrent direct du Final Fight de Capcom, il bénéficie des compositions électro exceptionnelles de l’impérial Yuzo Koshiro, le faisant instantanément rentrer dans la légende. Le succès étant au rendez-vous, il impose de faire de ce titre, à l’instar du hérisson bleu, une véritable licence à même d’imposer la console comme Nintendo a su le faire avec ses séries phares. La Mega Drive continue ainsi son chemin et accroît sa popularité au fil des mois en grappillant consciencieusement des parts de marché. Jusqu’à la fin de l’année 1991, les titres emblé-

Illustration de personnage tirée de Bare Knuckle, Wrestler.

matiques se suivent et ne se ressemblent pas : OutRun, Populous, Mercs, Spider-Man, Rolling Thunder II, Run Ark, Art Alive, WonderBoy V... Le 12 décembre 1991, Sega accélère la manœuvre et sort le Mega CD au Japon (au prix de 49 800 Yens) dans le but premier de devancer la Super Famicom d’un point de vue technique grâce à l’essor du support CD, et réduire les coûts de production pour gagner en rentabilité et réaliser des économies d’échelle. À cela s’ajoute la sortie mondiale de Quackshot : starring Donald Duck les 19 et 20 décembre. L’ovation générale et unanime du public, et l’engouement de la presse spécialisée valent aux aventures du célèbre canard de booster internationalement les ventes de la console, à l’approche des fêtes de fin d’année. Le début de l’année 1992 maintient la pression sur les concurrents, avec pêle-mêle l’adapta-

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Illustration de personnage tirée de Landstalker.

Illustration de personnage tirée de Landstalker.

tion du célèbre Toki (Juju en version japonaise), le shoot atypique Empire of steel, l’étonnant ToeJam & Earl, le cultissime Shining Force, l’adaptation de Shadow of the Beast, l’excellent Alisia Dragoon de Game Arts, ou le démentiel Chameleon Kid. Le 1er avril, suite à un accord signé avec Sega, le géant Victor (JVC en occident) sort une machine hybride, au prix de 82 800 Yens, combinant une Mega Drive et un Mega CD sous une seule coque : le Wondermega. Tout semble se dérouler à merveille. De son côté, Nintendo décroche une exclusivité d’envergure. Disponible dès le 10 juin 1992 au Japon, l’adaptation sur Super Famicom du blockbuster arcade Street Fighter II arrive sur le sol américain le 1er juillet, et quelques mois après en Europe. Sega pose un premier genou à terre. Cette forte rivalité entraîne à son tour un autre élan de créa-

Illustration tirée de Sonic The Hedhehog II

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tivité. Sega enchaîne une série de productions d’une rare qualité pour la Mega Drive avec Super Monaco GP II, Ecco The Dolphin, Thunder Force IV, Splatterhouse part. 2, ou encore Crying (une sorte de Bio Hazard Battle, en version japonaise). Quant aux fans d’action / RPG, ceux-ci sont enfin comblés avec l’arrivée du titre de Climax Entertainment : Landstalker. En 1992, une série de spots publicitaires d’une vingtaine de secondes chacun, tournés à Toronto et réalisés par un créateur de pubs américain chevronné, deviennent tout aussi emblématiques de ces années Sega. Ces petits films bénéficient d’un budget conséquent. Ils mettent en scène un archéologue s’essayant à Indiana Jones 3, un athlète à Olympic Gold, un Cyborg essuyant les plâtres sur The Terminator et, enfin, un pilote de F1 incarné par Ayrton Senna en personne pour Super Monaco GP II ! Pour l’anecdote, John Fraser, concepteur visuel et artistique ayant travaillé dernièrement sur Pacific Rim, réutilisa l’idée du fameux “dôme” à l’intérieur duquel se déroule l’action de ces spots, pour créer le cerebro du Professeur Xavier dans le premier film X-Men en 2000. Avec une telle débauche de moyens, Sega fait ainsi jurisprudence en la matière. D’autant plus que jusqu’ici, les publicités de jeux vidéo à la télévision étaient particulièrement rares et bien souvent sérieuses. C’est cependant avec World of Illusion (la suite spirituelle de Castle of Illusion et Quackshot), et surtout Sonic 2, que Sega repasse à nouveau sur le devant de la scène, appuyé par une solide campagne marketing accompagnant la sortie mondiale des nouvelles aventures du hérisson bleu de Sega. Sonic The Hedgehog 2 reste à ce jour le jeu le plus vendu de la machine. Dans le même temps, la console subit une nouvelle baisse de prix et passe de 150 à 130 dollars, ce qui aura pour conséquence de booster à nouveau le chiffre astronomique des 12 millions de Genesis vendues sur le sol américain. Sega diversifie son offre avec la sortie du Menacer, un pistolet/ fusil optique prévu pour concurrencer le Super Scope 6 de la Super Nintendo. Ses ventes sont une fois de plus conséquentes et confortent l’idée de s’adresser avant tout au public américain, conformément à la stratégie de Tom Kalinske.

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Le Mega CD

nversement, au Japon, les choix stratégiques d’envergure ne portent pas leurs fruits. La 16 bits reste toujours en troisième position derrière Nintendo et NEC, et le Mega CD, sorti également le 15 octobre sur le sol américain sous le nom de Sega CD, peine à s’imposer. Le manque cruel de jeux, et en particulier de bons jeux sur ce nouveau format, couplé à la présence de titres forts sur Mega Drive, ne motivent pas les joueurs à passer à la vitesse supérieure.

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Le 14 janvier 1993, Streets of Rage 2 continue à parasiter les ventes du Mega CD, mais aussi de la Sega Game Library, une plate-forme de téléchargement et de jeu en ligne, qui n’intéresse plus qu’une poignée de joueurs, et est donc contraint de fermer ses portes définitivement. Le 19 avril, le Mega CD sort enfin en Europe, ou plus précisément en Grande-Bretagne. Toutefois, il n’arrivera que le 1er septembre dans le reste de l’Union Européenne dans sa version 2, encore une fois sans soulever les foules.

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Les jeux au lancement du Mega CD

Japon (12 décembre 1991) Heavy Nova

Le Mega CD monté sous la Mega Drive.

Japon (12 décembre 1991) Prince of Persia

Japon (12 décembre 1991) Sol Feace

Sega Classic 4-in-1

États-Unis (15 oct. 1992) BlackHole Assault

États-Unis (15 oct. 1992) Sol Feace

États-Unis (15 oct. 1992)

États-Unis (15 oct. 1992)

États-Unis (15 oct. 1992)

États-Unis (15 oct. 1992)

Cobra Command

Chuck Rock

Make My Video : INXS

Make My Video : Marky Mark and the Funky Bunch

États-Unis (15 oct. 1992)

Europe (avril 1993) Prince of Persia

Europe (avril 1993)

États-Unis (15 oct. 1992) Night Trap

Sewer Shark

Europe (avril 1993)

Europe (avril 1993)

Europe (avril 1993)

Europe (avril 1993)

Road Avenger

Silpheed

Batman Returns

Wolfchild

États-Unis (15 oct. 1992) Sherlock Holmes : Consulting Detective Vol.II

Japon (12 décembre 1991) Final Fight CD

États-Unis (15 oct. 1992)

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Jaguar XJ220

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discret en ce début 1993 sur la partie software. Mais ce n’est qu’un leurre. Les hostilités reprennent en juillet 1993 avec une suite inattendue, celle de Super Shinobi (The Revenge of Shinobi), rebaptisée sobrement en occident Shinobi III, puis l’adaptation de Mortal Kombat, expurgé de toute censure sur la version Super Nintendo. Les joueurs ne s’y trompent pas et choisissent en masse la cartouche Mega Drive, relançant de façon violente la guerre des consoles. Une fois n’est pas coutume, la machine de Nintendo est perçue comme destinée aux enfants, et celle de Sega, aux adolescents. Toute une philosophie !

Illustration de personnage tirée de Super Shinobi.

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L’arrivée du Mega CD2 est accompagnée en France de l’énigmatique « Canal Sega », un spot publicitaire de deux minutes diffusé le 16 octobre 1993 après minuit sur la première chaîne hertzienne française, qui assure à Sega un gros coup de publicité. Si le fond de cette émission n’apporte rien de neuf en se contentant de faire l’apologie du Mega CD2, la forme, elle, est plutôt originale. Ledit Canal met en scène un film de guerre à l’américaine, servant de prétexte pour montrer des images des premiers jeux au format CD et vanter les qualités techniques de ce nouveau périphérique. Le fait qu’il simule un programme télévisé clandestin, voire “illégal” (la tête de squelette, avec un bandeau sur l’œil, ressemble à un pirate) fait quant à lui directement écho aux émissions de radio “libre”, très en vogue à l’époque et qui touchent la même tranche d’âge que le public visé par Sega. Esbroufe pour certains, coup de génie marketing pour d’autres, si l’on remet en perspective. Et encore une fois, les responsables marketing de Sega sont pionniers en la matière et prennent de la sorte plusieurs longueurs d’avance sur la concurrence, du fait de sa pertinence, mais aussi de son insolence. Si Sega multiplie ses projets hardwares (Mega CD, Sega Wondermega, Mega PC, Mega LD, Mega Jet), il se fait en revanche beaucoup plus

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Le combat continue uinze jours après l’adaptation de Mortal Kombat, le 28 septembre, sort au Japon le titre tant attendu des amateurs de versus fighting : Street Fighter II’ ! Cette version, ac-

compagnée d’une manette 6 boutons optimisée pour les futurs gros titres, fait sensation auprès des joueurs. La presse spécialisée reproche des traits cependant un peu plus grossiers et des bruitages en deçà de la version Super Nintendo, mais globalement, le titre renforce au bon opportun la ludothèque de la Mega Drive. Night Trap défraye de son côté également la chronique, qualifié par la presse d’œuvre “violente et malsaine”, au point de créer un miniscandale aux États-Unis. Cette prise de risque était calculée par Kalinske. Elle offre en effet une publicité et une visibilité importantes à Sega, et détache plus encore la Mega Drive de l’image enfantine du jeu vidéo telle qu’il est

« Street Fighter II’, accompagné d’une manette 6 boutons optimisée pour les futurs gros titres, fait sensation auprès des joueurs. »

Night Trap sur Mega CD est un titre d’un nouveau genre

Illustration de personnage tirée de Super Shinobi.

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Page suivante : publicité française, publiée dans les magazines pour annoncer les différentes compatibilitées de la Mega Drive.

Shinobi et Sonic, deux titres emblématiques des départements de développement internes de Sega.

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perçu par le grand public. Cela a pour conséquence d’atténuer l’emprise de Nintendo sur le marché. Point d’orgue d’une année commercialement maîtrisée, du moins sur les terres occidentales, l’arrivée du mythique Disney’s Aladdin donne un Noël mémorable à la belle capée de noir. Mise en œuvre par le talentueux David Perry, la version Mega Drive ne permet pas à la version Capcom de tenir réellement la comparaison, tant l’animation du jeu est somptueuse, et les univers graphique et musical proches du dessin animé original. À la fin de l’année, Sega passe devant son rival de toujours, et détient désormais près de 59% de parts du marché consoles de salon sur le sol américain. De 1989 à fin 1993, le fabricant passe ainsi d’une entreprise de 813 millions à 3,6 milliards de dollars. Un résultat impressionnant quand on sait à quel point Nintendo était implanté de façon profonde sur le territoire (jusqu’à hauteur de 95% en 1989). Mais ce qui marque le plus, c’est la rapidité avec laquelle ce défi a été relevé. En seulement trois ans, le talent de Tom Kalinske, conjugué à celui des équipes de développement internes (AM, Team Shino-

bi, Sonic Team...) a offert à la Mega Drive une place quasi historique. Si la branche américaine est au beau fixe et ne s’est jamais aussi bien portée, son absence de considération pour les exécutifs japonais commence cependant à créer des tensions. Le Japon ignore la plupart du temps tout ou presque des stratégies de la division américaine, problème récurrent auquel se greffe un succès très modeste de la 16 bits au pays du soleil levant. Contre toute attente, ces grains de sable dans les rouages de Sega vont prendre une ampleur considérable en l’espace de quelques mois, mettant un terme à la progression inédite de la console face à son adversaire de toujours. En 1993, Nintendo prend une avance technique considérable. La société sort l’impressionnant Starwing, dont la cartouche est dotée d’une puce “Super FX” capable de simuler des graphismes 3D. Une rareté pour l’époque ! La Super Nintendo promeut ainsi une étonnante avance face à Sega. Cet épisode va révéler une rare audace auprès de Tom Kalinske, qui pousse désormais le marketing de Sega à son paroxysme. Maintenant, tous les coups sont permis.

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nom de Natacha, légèrement vêtue et dans une position lascive, avait aussi marqué des points supplémentaires auprès de la gent masculine. Mais cette fois-ci, Sega va plus loin, et n’hésite pas à jouer davantage sur le côté pervers et provocateur de ses campagnes. Les affiches publicitaires mettant en scène une “femme-objet” n’a pas été sans soulever de nombreuses contestations auprès des sociologues de l’école française de sociologie, ou encore des associations dites féministes, dénonçant unanime-

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Bluff et provocations

vec Starwing, Nintendo tient en effet littéralement “ce que la Genesis ne peut pas faire” autrement dit, de la simulation d’éléments 3D, fluides et dynamiques. Pour Kalinske, il s’agit avant tout de saper ces arguments adverses, et de conforter les possesseurs de la Genesis dans leur achat. Le mythique “Blast processing” voit ainsi le jour. Celui-ci ferait partie intégrante de la console et expliquerait pourquoi les jeux seraient plus rapides que ceux de la Super Nintendo, à l’image de Sonic. Malin ! Un terme purement marketing bien entendu. Mais cela a fonctionné. La publicité comparative de Sega devient incontournable aux ÉtatsUnis, contrairement à Nintendo, qui continue à s’adresser à ses acheteurs avec des spots de télévision, diffusés pendant les dessins animés. Fin 1993, le chiffre d’affaires de Nintendo est en berne, alors que Sega poursuit son ascension, parallèlement aux marchés européens. Après la console “tendance”, caractérisée par sa “coolitude” et ses jeux “matures”, Kalinske transgresse délibérément les codes marketing du milieu. En 1993, des publicités provocatrices et à caractère on ne peut plus sexuel affirmaient déjà cette tendance, à l’instar du jeu Davis Cup Tennis de Domark et Tengen ; ou encore les punchlines mémorables sur Mega CD pour Dune : “Vous avez déjà délivré beaucoup de princesses qui font 90-60-90 ?” ; ou enfin, pour Night Trap : “Vous êtes dans une salle de bain avec une charmante jeune fille, votre adversaire se cache sous la douche. Vous l’éliminez tout de suite ou vous attendez un peu ?”. Dans le même esprit, la pub pour le 32X, avec une jolie demoiselle brune répondant au doux

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Illustration de la jaquette de Virtua Racing Deluxe, département “Research and Development” de Sega. - 1994

ment ce genre de procédés, visant à vendre un produit au prix d’une représentation de la femme réductible au seul objet de désir et de jouissance. Notons enfin que Sega n’a pas fait figure d’exception dans le domaine, puisque le constructeur japonais SNK avec la NeoGeo faisait de même. Les publicités françaises Sonic & Knuckles ont également confirmé un peu plus tard cette tendance, mettant en scène un enfant ligoté sur une chaise accompagné du slogan “Votre petit frère regrettera longtemps d’avoir échangé vos anciens jeux Sonic”. Malgré ses diverses stratégies, et les divers succès qu’elles ont suscités, l’arrivée en arcade de deux titres forts en 1993, Virtua Racing et Virtua Fighter, met Sega sur le devant de la scène grâce à une nouvelle vitrine technologique. Mais cela précipite paradoxalement l’éditeur sur la voie d’un déclin en termes de hardware, d’une part du fait de l’accumulation de décisions de plus en plus hasardeuses au sein de la société, d’autre part avec un plus grand fossé de communication entre la direction américaine et son homologue nippon.

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chiffres de vente sont une fois encore très élevés. Les titres forts continuent encore à se succéder avec Soleil, Monster World IV, Dynamite Headdy, Contra Hard Corps, Yu Yu Hakusho Makoto Itsusen, Sonic & Knuckles, Le Roi Lion et The Story of Thor (Beyond Oasis).

L L’add-on 32X monté sur la Genesis II.

De nouveaux hardwares

a Mega Drive continue à accueillir d’importants titres. Outre le très surprenant Eternal Champions (censé faire de l’ombre à Street Fighter II), le soutien de plus en plus important de Konami auprès de Sega donne à la Mega Drive un épisode inédit avec Vampire Killer (Castlevania). Un opus inédit de la série Contra est également annoncé à la même époque. Au début de l’année 1994, Sega ne sort qu’un seul jeu marquant avec Streets of Rage 3, bien que perçu comme une contreperformance à cause de musiques trop expérimentales, loin des standards de qualité de la franchise. La jouabilité fait néanmoins un grand pas en avant, notamment avec un gameplay optimisé pour l’usage du paddle 6 boutons de la Mega Drive. Aussi, pour contrer la prouesse technique délivrée par Star Fox, Sega se lance alors le défi d’adapter le blockbuster arcade Virtua Racing ! Le département R&D développe ainsi en quelques mois un chip 3D baptisé Sega Virtua Processor. Le résultat est saisissant, malgré un prix public élevé (700 francs en France). Le jeu trouve son public. Nintendo a du mal à répliquer, les autres titres bénéficiant de la puce SuperFX (Wild Trax en tête) ne soutenant pas ou peu la comparaison par la suite. L’arrivée de Sonic 3 pousse également les capacités techniques de la Mega Drive plus loin en termes de plate-forme 2D. Les

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« Nous n’avions pas les bons softwares ni le bon positionnement tarifaire ; nous aurions dû rester une année de plus sur la Genesis. » Tom Kaliske L’image de la console est donc toujours aussi bonne. Pourtant, en coulisse, l’ambiance n’est pas au beau fixe. Sega Japon déplore l’aspect “incontrôlable” de Tom Kalinske. L’éditeur tente alors de le faire rentrer dans les “rangs” en exigeant aux États-Unis la même politique que sur le sol nippon, afin de préparer l’arrivée de la Sega Saturn. Le 11 juillet 2006, Kalinske se confie sur l’arrivée prématurée de cette 32 bits : « Nous n’avions pas les bons softwares ni le bon positionnement tarifaire ; nous aurions dû rester une année de plus sur la Genesis. ». Deux philosophies en réalité diamétralement opposées. En 1994, le marché du jeu vidéo entre également en période de transition. La 3D est de plus en plus performante et présente. Si Sega continue à régner en maître sur l’arcade et à soutenir la Mega Drive, il s’éparpille néanmoins avec une constellation de projets divers : le projet “Saturn”, qui donnera la 32 bits que nous connaissons ; le projet “Mars” (renommé 32X en occident et Super 32X au Japon) ; “Venus” (une Genesis portable, rebaptisée Nomad) ; “Neptune” (une énième version de la Mega Drive incorporant un port cartouche supplémentaire pour lire les jeux 32X, qui sera avortée) ; et enfin le projet “Jupiter” (une Sega Saturn sans lecteur CD, disposant uniquement d’un port cartouche, également connue sous le nom Sega Pluton). La prolifération de machines et extensions en tout genre finit par se retourner contre Sega. Dans une même boutique, les clients peuvent croiser deux modèles de Mega Drive / Genesis, deux modèles de Mega CD / Sega-CD, un 32X, une PICO, une Game Gear, un Wondermega,

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Sega à la conquête du monde

La Saturn est la première console autonome 32 bits de Sega

sous diverses marques auxquelles Sega a cédé la licence pour produire leurs propres modèles (Samsung, JVC). Une telle offre, destinée à inonder le marché des produits de la marque, finit automatiquement par provoquer l’effet inverse à celui escompté. Le client se trouve peu à peu perdu, en particulier les joueurs japonais, déjà moins confiants dans la marque au hérisson bleu. Pour couronner cette fin de carrière discutée d’un point de vue commercial, la récession économique qui touche les États-Unis durant cette même période participe également à fragiliser le marché. Sega étant majoritairement représenté et soutenu au pays de l’Oncle Sam, il sera du sort de ces fabricants à payer le tribu. En septembre 1994, le X’eye (Wondermega) débarque aux États-Unis, contre l’avis de Kalinske. Celle-ci est un échec monumental. À peine deux mois plus tard, il en est de même du 32X, lors de sa sortie au Japon, qui chevauche celle de la Saturn. Les deux ma-

chines se trouvent naturellement en frontal, brouillant une fois encore le message adressé aux consommateurs. Et si Joe Miller, le père du 32X, fait valoir pour sa nouvelle machine des capacités techniques supérieures aux attentes, les dirigeants de Sega réalisent trop tard leur erreur. Le constat est le même qu’avec le Mega CD : un fabricant ne peut pas espérer d’un périphérique externe qu’il remplace une véritable nouvelle console. Voulant réparer ses erreurs et limiter la casse, Sega Japon décide de faire table rase du passé avant l’arrivée de la Sega Saturn. Si l’idée d’arrêter la production et le développement de jeux sur 32X, Mega CD et Mega Drive se justifie sur le territoire nippon, Nintendo y étant très largement majoritaire, la firme du hérisson est en revanche toujours mal perçue sur le continent américain. Les joueurs se trouvent frustrés et éprouvent un sentiment d’abandon qui ne les rassurent pas quant à la politique marketing de Sega avec la Sega Saturn. Une interview récente, concédée à Tom Kalinske, confirme que l’ancien PDG de Sega of America était farouchement opposé à cette décision, et qu’il savait à cet instant précis que ses jours au sein de Sega étaient comptés. Balayant d’un revers de la main tout le travail de sensibilisation du public américain, les décisions de Sega Japon se font rapidement sentir en interne. Tom Kalinske quitte la société dès

Les jeux au lancement du 32X

Japon (décembre 1994) Doom

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Japon (décembre 1994) Space Harrier

Japon (décembre 1994) Star Wars Arcade

États-Unis (novembre 1994) Virtua Racing Deluxe

États-Unis (novembre 1994) Star Wars Arcade

États-Unis (novembre 1994) Doom

Europe (janvier 1995) Doom

Europe (janvier 1995) Virtua Racing Deluxe

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Une communication et un marketing performants

1996, suivi de près par ses proches collaborateurs. Les studios internes s’en trouvent désorientés et les jeux en développement sont basculés sur Sega Saturn ou tout simplement avortés. Pour le public, Sega perd de sa superbe et montre des signes de faiblesse. L’Histoire de la société montrera que Sega ne se relèvera jamais réellement de cette période clé. Le divorce est d’une certaine façon amorcé, du moins pour un temps. Délié de toute concurrence, Nintendo peut éditer en fin d’année Donkey Kong Country sur Super NES, avec un succès à la clé vraiment stupéfiant. Si, dans l’industrie du jeu vidéo, aucun empire ne dure éternellement, certains moments ont très probablement eu un goût d’éternité pour Sega et la Mega Drive. Éternelle dans le cœur des joueurs, inégalée dans son approche du marché, elle occupe aujourd’hui une place de choix dans le paysage du retrogaming, et continue d’incarner un challenger moins aseptisé que Nintendo, plus engagé et plus surprenant aussi. r

Europe (janvier 1995) Star Wars Arcade

En termes de placement de produits marketing, la guerre des consoles entre Sega et Nintendo a entraîné un décloisonnement des activités internes et poussé les deux constructeurs à contracter de manière symétrique des partenariats stratégiques. Les accords entre Sony et Nintendo au début des années 90 pour l’élaboration du tout premier modèle de Play Station n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Sega fait de même, et développe également une politique de placement de produits très prononcé, au travers de quelques figures emblématiques de la musique ou du sport, complétant ainsi sa stratégie de communication. Ces politiques se définissent par une technique publicitaire qui consiste, pour une entreprise, à placer sa marque ou son produit de diverses manières possibles, et visibles dans un film, un feuilleton ou une émission de télévision. Toujours très à l’aise lorsqu’il s’agit de s’associer avec des figures emblématiques de la musique ou du sport, Sega sponsorise ainsi l’écurie Williams-Renault, contracte des alliances “gustatives” avec plusieurs marques de yaourts ou une célèbre marque de soda, et lance des gammes de goodies à collectionner aux couleurs de Sonic (peluches, classeurs, sacs à dos, chaussettes, montres, T-shirts…). Le placement de produits étant toujours plus efficace quand la marque joue un “rôle actif”, la marque Coca-Cola conclut également un partenariat avec Sega, à l’occasion de la sortie du jeu Olympic Gold. Échange de bons procédés, les assoiffés de soda peuvent gagner une Game Gear pendant que les fans de consoles peuvent, à l’inverse, remporter des objets exclusifs “Coca-Cola Jeux Olympiques” et des bons de réduction pour le jeu vidéo du même nom. Notons aussi que Sega passe durant cette période un accord également avec Sony, afin de mettre au point une gamme de piles LR6 plus “performantes”, permettant à la Game Gear de survivre 4 heures éloignée d’une prise. Modèle hybride comprenant un PC 386 SX, avec une Ram de 1 Mo, un disque dur de 40 Mo et d’un autre côté un port cartouche Mega Drive de Sega, l’Amstrad Mega PC avait tout d’une machine de guerre. La firme au crocodile a beaucoup communiqué à ce sujet dans la presse, à la télé et en “trade marketing”, dont le port cartouche Mega Drive constituait un atout bien entendu mis en avant. Néanmoins, l’Amstrad Mega PC restera dans l’histoire oubliée des tristes échecs, principalement du fait qu’à l’époque, un mur épais séparait encore l’utilisateur dit “pro” du joueur. Bertrand Radiguet (Amstrad France) reconnaît qu’il y avait une “incompatibilité de profil” que les campagnes marketing n’ont de toute évidence su réduire. Des placements originaux pour Sega donc, qui assurent à la firme un véritable gain en termes de visibilité, et donc au final, de rentabilité. L’année 1993 fut à ce titre on ne peut plus stratégique, et permit à la Mega Drive de concurrencer plus directement Nintendo en occident.

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