LA GIROLLE
Salier Courtois Lajus Sadirac Atelier d’architecture
François Ricros sous la tutelle de Françoise Fromonot Marie-Jeanne Dumont Mark Deming
Séminaire Faire de l’histoire
ENSAPB - Année 2013
SOMMAIRE 07
Introduction
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Années Soixante : développement du marché de la maison individuelle
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Les facteurs Les différentes politiques en faveur du logement individuel Un marché régi par les constructeurs
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Salier Courtois Lajus Sadirac Atelier d’architecture
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Les débuts d’une jeune agence bordelaise La reconstruction de Royan Contexte et maturité Des références pour construire des maisons Le Corbusier L’Amérique Les prémices de la maison Girolle : deux projets La maison Sama (1963) Le chalet de Barèges (1966)
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La Girolle : un modèle de maison économique
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Premier modèle Une ossature bois Les façades L’aménagement intérieur Phase de conception et répartition des rôles Vers un système de Construction La Chanterelle La Girolle P Une économie sur plusieurs niveaux Une maison au modernisme tempéré Le régionalisme critique L’école de Bordeaux
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Rémanences d’un modèle
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Salier Courtois Fouquet : la Morille, la Gigogne et le Galip La Morille La Gigogne Le Galip Le prolongement des refelexions dans le travail de Pierre Lajus La maison Lajus Pierre Lajus et Maisons Phénix
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Conclusion
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Bibliographie
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Annexes
Façade extérieure côté séjour d’une maison Girolle. Photo : Pierre lajus.
INTRODUCTION
C’est au cœur des années soixante que commence à se développer le projet de maison Girolle. Entièrement préfabriqué à partir d’éléments en bois, ce modèle de maison, conçu par des architectes, se veut comme une alternative aux pavillons des groupes industriels qui commencent alors à fleurir un peu partout en France. Bien que ce modèle reprenne les formes archétypales d’une maison traditionnelle, il n’en demeure pas moins une solution nouvelle aux besoins de logement individuel qui sévit alors. L’originalité de la proposition repose non seulement sur de larges ouvertures sur l’extérieur, par le biais de grandes baies vitrées, mais aussi sur la logique de composition de l’ensemble qui, selon les besoins de chacun et les contraintes du terrain, peut adopter de multiples configurations. De deux à six travées, à étage ou de plain-pied, avec une cuisine ouverte ou fermée, la maison Girolle se décline sous toutes les formes et les envies. Un modèle de maison d’une grande souplesse donc, qui a également l’avantage de se construire très vite : pas plus de quatre mois. Ainsi, tous ses atouts qui constituent autant d’avantages commerciaux que de réelles innovations dans un marché qui se veut plutôt conservateur vont assurer à la maison Girolle un réel succès et il en sera construit plus de 800 modèles à travers toute l’Aquitaine. Initialement conçue comme une maison de vacances, elle va devenir en moins de trente ans un archétype régional au même titre que les fameuses échoppes bordelaises. La maîtrise des coûts, la rapidité de la mise en œuvre et plus généralement l’originalité de la proposition architecturale lui ont valu un succès aussi immédiat que durable. Un tel engouement pour une entreprise de ce type ne s’était jamais rencontré en France. Ce projet demeure associé à l’atelier d’architecture Salier Courtois Lajus Sadirac ; ce groupe d’architectes, que d’aucuns ont appelé « l’école de Bordeaux », a œuvré à partir du milieu des années cinquante pour finalement éclater au tournant des années soixante-dix.
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La majeure partie de leur travail se concentre autour de maisons construites dans la région Aquitaine. De l’agence, on connaît surtout les magnifiques villas qui ont contribué à donner à la région
bordelaise un faux air de Californie. Mais hormis divers articles de presse, il existe peu de publications sur leurs réalisations. Le catalogue qui accompagne l’exposition consacrée à l’agence, organisée par le centre d’architecture arc-en-rêve en 1995, constitue à ce jour l’unique ouvrage dédié à leur travail. Pour deux raisons au moins, la maison Girolle m’a semblé devoir être la clé d’un travail de recherche sur l’agence. Il s’agit d’abord d’une expérience située à la croisée de différentes réflexions. Les thèmes abordés par la maison Girolle, contenus dans divers projets qui la précèdent, seront ainsi prolongés par des expériences ultérieures. Les architectes veulent apporter une solution nouvelle aux problèmes posés par la construction générique de maisons pavillonnaires. Ils inventent ainsi une maison qui associe, dans un juste équilibre, création et conception, modernité et tradition, ouvrage et paysage. C’est également avec le modèle Girolle que le modernisme sans concession de l’équipe va faire place à une maison dont la modestie assumée peut faire figure de manifeste. Cet effort de synthèse et cette économie du geste s’abreuvent à plusieurs sources. Héritiers naturels de Le Corbusier et fièrement attachés à leur région, ces architectes n’hésiteront pas à puiser leur inspiration au-delà des frontières et plus particulièrement auprès de leurs confrères américains. Par ailleurs, il me semblait également important de relever que la maison Girolle a incarné une proposition originale et pertinente au moment où les opérations de logements collectifs commençaient à s’essouffler au profit de l’habitat individuel. Ce modèle de maison, conçu par des architectes, tient la dragée haute aux modèles de maisons des grands groupes industriels. Le succès était pourtant loin d’être assuré. Le recours à la préfabrication était alors loin de
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faire l’unanimité du public ; le confort d’une construction en bois restait à démontrer. Cette réponse, brillante autant qu’innovante, a préfiguré le chamboulement que nous traversons aujourd’hui avec le regain d’intérêt pour la construction bois et les modes constructifs économes. Or curieusement, la maison Girolle est à peine évoquée dans les publications, pourtant riches et nombreuses, consacrées à la maison individuelle. Plus surprenant encore : même dans les expositions, livres et revues où le travail de l’agence est largement diffusé, disséqué et commenté, la maison Girolle est réduite à la portion congrue. Les articles consacrés au sujet se résument souvent à une présentation sommaire du modèle et de ses dérivés, sans expliquer ni la démarche ni le rôle crucial qu’il a joué dans le parcours de ses architectes bordelais. C’est pourquoi il semble pertinent de jeter un éclairage nouveau sur ce projet original, mais, à mon sens, injustement méconnu. Ces constats ont donc guidé le fil narratif de ce mémoire qui propose de retracer la genèse du projet de maison Girolle en développant ses tenants et ses aboutissants. Inspiré dans un premier temps par les premières réalisations de l’agence, le modèle de maison Girolle va progressivement se développer et se transformer pour finalement déboucher sur des initiatives peu communes qu’il m’ a semblé important ici d’aborder. Pour retracer les débuts de l’histoire de l’agence bordelaise, il a fallu dans un premier temps établir une bibliographie conséquente d’articles de périodiques afin de compléter le catalogue de l’exposition de 1995. Ceux-ci concernent essentiellement des maisons individuelles, bien qu’il y soit également présenté des propositions pour des aménagements urbains ou des bâtiments collectifs. La revue Maison française, sous la direction de Solange Gorse, a publié la majeure partie de ces maisons. Sa consultation permet de recueillir un témoignage précieux sur l’état des réalisations immédiatement après leur achèvement.
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Il m’a paru également important de rencontrer les principaux acteurs de cette entreprise. Pierre Lajus s’est montré d’une grande disponibilité et gentillesse. Sa rencontre et la consultation de ses
archives publiques et privées ont grandement permis d’étoffer mes recherches. Yves Salier n’a pas pu me recevoir, mais sa femme, Hélène, m’a fourni une somme d’articles et d’illustrations particulièrement intéressantes. Je tiens à l’en remercier, attendu que les archives de son mari, conservées aux Archives municipales de Bordeaux, ne sont pas encore en libre consultation. Enfin, il m’a semblé nécessaire de compléter le sujet de cette étude en ouvrant une perspective plus large sur le développement du marché des maisons individuelles. Le sujet fait régulièrement l’objet de débat, à l’heure où densité urbaine et développement durable sont les maîtres mots d’un urbanisme raisonné et responsable. Symbole d’étalement urbain, mais également source de « bien-être », la maison individuelle renferme de multiples paradoxes. Nulle réponse définitive ne sera ici apportée ; mais peut-être aurais-je contribué à lancer, à travers le récit de cette aventure, quelques pistes de travail qui ne demandent qu’à être prolongées.
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Levittown, NY. Photo : The U.S. National Archives and Records Administration, William Thomas, 1950.
Années soixante : développement du marché de la maison individuelle « Je donnerais le musée du Louvre, les Tuileries, Notre Dame, et la Colonne par dessus le marché, pour être logé chez moi, dans une petite maison faite à ma guise, que j’occuperai seul, au centre d’un petit enclos d’un dixième d’hectare, où j’aurais de l’eau, de l’ombre, de la pelouse et du silence. » Pierre-Joseph Proudhon. Du principe de l’art et de sa destination sociale, 1865.
Afin de comprendre ce qui a mené l’agence Salier Courtois Lajus Sadirac à concevoir le modèle des maisons Girolle, il faut décrire au préalable certains aspects du contexte dans lequel ces architectes ont œuvré. Le fait qu’ils se soient spécifiquement intéressés au thème de la maison individuelle ne peut pas être expliqué par la seule volonté de l’équipe. Les années soixante marquent indéniablement un véritable tournant qui assiste à une prise de recul par rapport à la production massive de logements. Face au rejet des logements collectifs conçus dans la hâte de l’après-guerre, les constructions de maisons individuelles commencent à se développer de manière importante à partir des années soixante. Ainsi entre 1960 et 1979, la part de la maison individuelle passait de 25,4 % à 67 % des mises en chantiers. Si plusieurs facteurs parviennent à expliquer un tel engouement des Français pour l’habitat individuel à partir de cette période, ce mouvement a été largement soutenu et suivi par les politiques et les industriels.
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Les facteurs Plusieurs raisons tendent à expliquer le développement du marché des maisons individuelles en France à partir des années soixante1. L’urbanisation spécifique, liée à la dynamique économique et démographique des Trente Glorieuses, présentait alors une alternative majeure pour obtenir un habitat neuf : le collectif social de banlieue et l’individuel de périphérie. Si la première solution permet de répondre rapidement aux besoins de logements d’une grande partie de la population à partir de 1945, on assiste à la fin des années soixante à un rejet massif des grands ensembles de la part de l’opinion publique. Le bien-être de la société repose alors sur des notions plus individualistes. On cherche dès lors à permettre aux classes populaires d’accéder à la propriété, de faire de la France un pays de petits propriétaires afin de rompre avec la monotonie des grands ensembles. On note par ailleurs un décalage important de notre pays par rapport à l’étranger. Alors que la France construit 30 % de maisons individuelles, cette proportion est de 75 % au Royaume-Uni, 70 % en Belgique, 62 % aux États-Unis et 50 % en Allemagne de l’Ouest.
1/A. Caron, La maison individuelle, Y. Nussaume (sous la dir.),Paris, édition du moniteur, 2006, pp.7-35.
Les enquêtes d’opinions fournissent quelques chiffres éloquents sur les attentes des Français à cette période. Ils sont plus de 70 % à plébisciter la maison individuelle. C’est également à cette époque que se généralise l’équipement automobile qui s’accompagne d’un essor des transports en commun dans les métropoles. La mobilité de la population amène les urbanistes à envisager de nouveaux modes d’implantations en périphérie des grandes villes. Le territoire français se couvre progressivement de banlieues pavillonnaires suivant l’exemple américain des Levittowns. Ce même exemple va inciter à mettre en place une offre industrialisée proposée par des filiales de grands groupes du bâtiment qui se développent rapidement grâce à la commercialisation de modèles génériques de maisons préfabriquées en bois, acier, ou béton. Enfin, la période des années soixante est marquée par l’essor d’une société de consommation, soutenue par la mise à disposition d’offres bancaires qui rendent accessibles les prêts à long terme aux ménages de classe populaire.
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Levitt en couverture du Time Magazine. Time 03 juillet 1960.
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Ainsi tous ces facteurs vont permettre à la population française de prétendre à l’accession d’une maison individuelle, laquelle constituait déjà l’habitat idéal des Français. Cette opinion, largement relayée à travers différents sondages établis à l’époque, se traduira par un revirement politique en faveur de ce mode d’habitat. Pourtant il convient de montrer que, dans un effort de reconstruction, l’État a toujours su témoigner d’un certain intérêt en faveur de la construction pavillonnaire.
«Les grandes réalisations» : dispersion, médiocrité », Architecture d’Aujourd’hui n° 88, 1960.
Les différentes politiques en faveur du logement individuel. À la fin des années quarante, l’ampleur des dommages de guerre et l’explosion démographique aggravent la pénurie de logements qui sévit depuis le début du siècle. Si les pouvoirs publics vont rapidement privilégier l’habitat collectif sous l’influence de figures comme Eugène Claudius-Petit pour essayer d’atteindre le chiffre de 300 000 logements par an, la filière pavillonnaire va néanmoins faire l’objet de multiples initiatives insufflées par l’État.
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Dans un contexte de pénurie des matériaux traditionnels, l’effort doit porter sur des solutions associant de nouveaux matériaux et l’usage de techniques de préfabrication, afin de limiter les coûts et les délais de construction. Dès lors, l’État, sous l’égide du ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MUR), organise plusieurs chantiers expérimentaux ouverts à des techniques étrangères afin d’élaborer des modèles de maisons destinés à être reproduits sur l’ensemble du territoire. Le chantier de la cité du Merlan à Noisyle-Sec, avec la construction de 56 maisons, représente à ce titre un exemple significatif. Lancée en 1945, cette opération, pensée comme un grand laboratoire d’architecture, va permettre d’évaluer sur différents niveaux les propositions construites et constituera un bon élément de communication pour l’État. L’évaluation de la phase de chantier permettait tout d’abord d’évaluer différents systèmes de constructions afin d’en retenir les plus performants. Les maisons étaient ensuite louées à des personnes tenues d’en assurer régulièrement la visite auprès du public. Ainsi, après avoir pu juger de la valeur technique des constructions lors de leur montage, il était possible de déterminer leurs qualités d’habitabilité et de recueillir l’opinion du public. L’opération rencontrera un réel succès et de nombreux visiteurs se rendront sur place afin d’admirer « les premiers exemples de l’industrialisation du bâtiment2. » L’État incite également les Français à l’accession à la propriété, notamment à travers la mise en place de financements publics, l’idée étant de « rendre les Français propriétaires de la France ». Le pro-
2/D. Voldman, La reconstruction des villes françaises de 1940 à 1954. Histoire d’une politique, Paris, L’Harmattan, 1997.
gramme des logements économiques et familiaux (LOGECO), lancé par le ministre Pierre Courant, a ainsi favorisé la standardisation
de la construction et la définition de plans types pour abaisser les coûts de l’habitat et améliorer le confort et l’hygiène. Le respect de ces plans types par les architectes et les entrepreneurs permettait aux clients de bénéficier de primes à la construction. Ainsi, entre 1953 et 1963, 800 000 logements en accession à la propriété seront construits en conformité avec ces plans types3. Pourtant ce flot d’innovations qui mobilise des réflexions constructives, formelles et distributives, se tarira rapidement. Et l’on assistera dès lors à un redéploiement rapide des efforts du gouvernement en faveur du collectif.
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3/M. Eleb & L.Engrand, « Conventionnelle ou radicale…La maison individuelle, 1945/1960 », Architecture intérieure CRÉE, n°332, 2007, p41.
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Maisons détruites Plan de la cité expérimentale de Merlan, Noisy-le-Sec. La cité expérimentale de Merlan, Noisy-le-Sec, Ouvrage collectif, Ville de Noisy-le-Sec (sous la dir.), 2008.
Montage de la maison Airoh sur le chantier de la cité du Merlan à Noisy-le-Sec.
Maison de Jean et Henri Prouvé, cité expérimentale de Merlan, Noisy-le-Sec.
Photo : DR
Photo : J.-P. Daumond.
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Projet type homologué de logement économique et familial, région Nord. Archives Nationales, Versement 771060, P. Vasseur (technicien), 1958.
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Affiche pour «Villagexpo» de 1966 à Saint-Michel-sur-Orge. Maisondebanlieue.fr
4/Ce concours dit « Concours Chalandon »s’adressait aux promoteurs immobiliers privés et sociaux, pour que ceux-ci proposent des modèles de maison suivant certaines normes techniques et conditions de prix de vente. Selon la Fédération nationale des coopératives HLM environ 65.000 maisons à prix modestes, dont certaines à 100.000 francs de l’époque, ont ainsi été construites dans toute la France entre 1970 et 1972. Toutefois, certaines d’entre elles ont rencontré quelques années plus tard des problèmes techniques (malfaçons, avaries de chauffage, défectuosité de voirie), tandis que d’autres découvraient avoir été bâties sur des terrains non-constructibles, provocant la colère de certains propriétaires.
Il faudra alors attendre le milieu des années soixante pour assister à une réelle volonté gouvernementale de faciliter le développement de la maison familiale. L’opération « Villagexpo » lancée en 1966 à Saint-Michel-sur-Orge illustre ce revirement politique en faveur de l’habitat individuel. L’opération est un véritable succès avec un million de visiteurs. Les premiers regards critiques sont alors lancés sur le gigantisme des grands ensembles de la décennie d’aprèsguerre. Progressivement, les hommes politiques vont encourager le développement de hameaux pavillonnaires. En 1969 le ministre de l’Équipement et du Logement, Albin Chalandon, lance un grand concours international avec un programme de 75 000 maisons4. À travers cette initiative, l’État espérait encourager l’industrialisation de la maison individuelle et entendait promouvoir la version française d’un urbanisme à l’américaine. Parallèlement à ce concours, le lancement de la procédure de ZAC (zone d’activité concertée) permettra, plus facilement que les lotissements, la création de réserves foncières équipées, permettant l’accueil de ces « nouveaux villages ».
Vue aérienne du site de Villagexpo de 1966 à Saint-Michel-sur-Orge. Photos : Guillaume Vannier
L’État français a donc toujours mené, de façon plus ou moins soutenue, une politique spécifique en matière d’habitat individuel. Si les premiers efforts ont tout de suite été menés avec l’aide des architectes et un réel désir de l’État de les impliquer dans l’évolution qu’il souhaitait promouvoir, la politique du ministre Albin Chalandon va reléguer l’architecture au second plan pour faire place à une
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recherche de l’économie constructive, régie par la construction en série. Ainsi on assiste à l’essor de grands groupes de constructeurs qui vont progressivement dominer un marché naissant.
Un marché régi par les constructeurs L’hégémonie des constructeurs sur le marché de la maison individuelle commence au tournant des années soixante. Plus que les architectes, les industriels vont réussir à s’adapter à ce nouveau besoin des Français et ils parviennent à se développer pour finalement devenir les principaux acteurs du marché de la maison individuelle. La prépondérance des constructeurs s’explique par une très grande
réactivité de la part des entrepreneurs face aux changements de la société. Le développement de la population tertiaire à cette époque amène à une rupture du lien existant entre les clients et les artisans. Dès lors, les constructeurs assument le rôle d’intermédiaire local et profitent de cette tendance tout en proposant des garanties de coûts et de délais. Ainsi, en prévoyant la rédaction des dossiers financiers et de contrats de construction garantissant les prix, ils simplifient la tâche du client et acquièrent très rapidement une image rassurante auprès des investisseurs. L’élaboration de modèles standards, favorisée par les différentes actions de l’État, amène les constructeurs à mettre en place une nouvelle offre : la maison sur catalogue, vendue clés en main. La simplicité du schéma de fonctionnement séduit un grand nombre de ménages. Il suffit de détacher un coupon publicitaire, recevoir un catalogue, accueillir un vendeur à domicile, signer et entrer dans sa maison douze mois plus tard5. Si les prémices de ce mode de vente commencent à partir du début du 20ème siècle (notamment à travers les petites annonces publiées dans la revue Maison pour tous), c’est à partir de 1955 que l’offre se généralise. On note alors des dépôts massifs de modèles privilégiant l’utilisation de nouveaux matériaux6. La maison devient ainsi un bien de consommation régi par la loi de l’offre et de la demande où l’architecte a bien du mal à trouver sa place. En dépit du paysage, le territoire français se couvre de maisons-produit et la maison d’architecte devient un produit d’exception7.
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5/A. Caron, Le marché français de la maison individuelle : Guide sectoriel, Suresnes, Caron Marketing, janvier 2003.
6/Y.Nussaume, op. cit., p.15. 7/C. Desmoulins, « Le bonheur de faire des maisons », Architecture intérieure CRÉE, 1997, n°280, pp.42-43.
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8/Y. Nussaume, op. cit., p.17.
9/M. Eleb & L. Engrand, « Entre architecture et préfabrication : Représentation de la maison individuelle (19201960) », in Maison individuelle, architecture, urbanité, G. Tapie (sous la dir.), La Tour d’Aigues, éditions de l’Aube, 2005.
Néanmoins, cette situation peut également s’expliquer par le manque d’intérêt des architectes pour la maison vernaculaire. Beaucoup d’architectes préféraient alors travailler sur des programmes plus ambitieux. Il faut rappeler ici que la maison familiale est un sujet d’étude très récent pour les architectes. En effet, la présence des architectes était requise, de manière traditionnelle, essentiellement lors de l’édification de bâtiments publics ou religieux, de châteaux, de demeures prestigieuses pour des aristocrates ou des bourgeois8. Les solutions apportées par les architectes pour
la maison individuelle après la Seconde Guerre mondiale ne feront que très rarement l’unanimité du public. Jugées trop ambitieuses, elles ne parviendront pas à rejoindre les goûts du public. Avec le développement de l’architecture moderne, on assiste aux premiers débats sur le régionalisme, on craignait alors « la perte du génie des terroirs9. » Le modèle du pavillon à plans rectangulaire avec son toit à deux pentes rassure plus que les maisons organiques avec leurs
Publicité Maison Phénix, 1960.
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toits-terrasses, la partition nette des espaces de vies est préférée au plan libre. Les constructeurs comprennent très tôt ces attentes et ils parviennent à s’imposer sur le marché en proposant des modèles de maisons qui pastichent les modèles traditionnels. L’ensemble de ces spécificités lié au contexte des années soixante soulève donc une interrogation de la part des architectes. On com-
mence alors à débattre sur le bien-fondé des grands ensembles et de nouvelles formes d’urbanisation sont proposées. Peu à peu, l’emprise de nombreuses villes françaises commence à se développer en périphérie sous l’impulsion de l’État. Ainsi les 78 000 logements économiques construits entre 1945 et 1970 dans l’agglomération bordelaise, dont l’essentiel concerne de vastes ensembles immobiliers, mobilisent très largement les architectes locaux qui délaisseront peu à peu la commande privée. Ce ne sera pas le cas de l’agence menée par Yves Salier et Adrien Courtois qui, à partir de 1955, concentrera ses efforts sur l’habitat individuel. Leurs travaux se détachent ainsi très nettement de la production courante de l’époque. La taille modeste des constructions inhérentes à ce type de programme leur permet ainsi de tester de nouvelles techniques de mise en œuvre et de proposer une nouvelle vision de l’habitat en lien avec son époque.
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Michel Sadirac (à gauche) et Yves Salier (à droite) et Jacques Lapeyre, dessinateur (au centre) dans le jardin de l’agence rue de Lyon. Salier Courtois Lajus Sadirac Atelier d’architecture, Bordeaux 1950-1970, Arc en rêve, Bordeaux, 1995.
Salier Courtois Lajus Sadirac Atelier d’architecture « L’attitude commune de notre équipe était certainement un engagement militant dans la modernité et une exigence de qualité qui pouvait être jusqu’au-boutiste, au risque de perdre quelques clients. C’était aussi l’intérêt privilégié pour trois registres de la création architecturale qui nous paraissaient essentiels : le rapport au site, la qualité de l’espace architectural et le système constructif. » Pierre Lajus, février 2008.
10/« Le grand prix du Cercle d’étude architecturales 1965 », Techniques et architectures, 1966, (26° série), n°4, p.87-102.
Le bâtiment des studios du photographe Pierre Burdin en couverture de la revue Techniques et Architecture, n°4 (26° série), 1966.
Primée en 1965 par le grand prix du CEA10 aux côtés de l’atelier Montrouge et de l’atelier urbanisme et architecture de Paul Chemetov, l’agence bordelaise d’Yves Salier, Adrien Courtois, Pierre Lajus et Michel Sadirac obtient une reconnaissance au niveau national en moins de dix ans d’activités. Pourtant, contrairement à leurs confrères, peu d’ouvrages ont été consacrés au travail de l’agence et elle reste donc très méconnue à l’heure actuelle. L’échelle réduite de leurs constructions, une production concentrée essentiellement autour de la région bordelaise et, dans une moindre mesure, le caractère bien trempé de Yves Salier ont certainement contribué à la méconnaissance au niveau national de ces architectes pourtant récompensés à de nombreuses reprises. Il convient donc de présenter cette agence qui constitue, de nos jours encore dans la région bordelaise, une des grandes références. Toutefois, afin de mettre en exergue l’originalité de l’œuvre apportée par ces architectes bordelais, il faudra brièvement décrire dans quel contexte ils ont œuvré. Une ville de Bordeaux à l’architecture profondément ancrée dans ses traditions et la main mise des grands architectes prix de Rome sur les opérations d’envergures qui amènent donc ce groupe d’architectes à se positionner de manière radicale en faveur d’un modernisme qui entame sa pleine maturité.
Salier Courtois Lajus Sadirac Atelier d’architecture
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Les débuts d’une jeune agence bordelaise Issus de l’école régionale de Bordeaux, Yves Salier et Adrien Courtois se sont rencontrés dans l’atelier de Claude Ferret (1907-1993), grand architecte bordelais, qui s’était illustré en menant le chantier de reconstruction de la ville de Royan, juste après la Seconde Guerre mondiale. Cette grande figure de l’architecture bordelaise joue un rôle essentiel dans la formation des jeunes architectes et très vite le patronage enthousiaste de Claude Ferret va donner à toute une génération montante les moyens de s’affirmer. Yves Salier dirigera ainsi la reconstruction de l’immeuble des Ponts et chaussée de la ville de Royan (1949) tandis qu’Adrien Courtois, jeune chef d’agence chez Claude Ferret, dirigera les chantiers du palais des congrès (1954-1957) et du casino municipal (1954-1960).
Claude Ferret (à gauche) et Louis Simon (à droite) devant le front de mer, vers 1954 à Royan. Fonds Simon AN/IFA.
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La reconstruction de Royan
Couverture de la revue Architecture d’Aujourd’hui, n°13/14, septembre 1947.
11/G. Ragot, Living with history, 1914-1964, N. Bullock ; L. Verpoest (sous la dir.), Louvain, presse universitaire de Louvain, 2011, p.290.
À travers la reconstruction de la ville de Royan, ces jeunes architectes expérimentent une architecture résolument moderne, à l’opposé de ce qui a pu être enseigné à l’École des Beaux-Arts. Il faut souligner à ce stade l’importance cruciale du numéro spécial publié par la revue Architecture d’Aujourd’hui en septembre 1947 et entièrement consacré à l’architecture brésilienne. Ce numéro dresse pour la première fois un vaste panorama de la production brésilienne entre 1935 et 1947. La cohérence stylistique et conceptuelle globale des œuvres présentées révèle, aux yeux des lecteurs français, l’existence d’une véritable école architecturale qui a su entretenir l’avant-garde européenne pendant la crise des années trente et le second conflit mondial. La station balnéaire de Pampulha retient particulièrement l’attention. Autour d’un lac artificiel, Niemeyer y réalise en 1942-1943 l’église Saint-François d’Assise, un casino, un yacht-club, un restaurant dancing, et un hôtel. Selon sa propre expression, Niemeyer « tropicalise » ce qu’il a appris de Le Corbusier. Il a le sentiment de transcender l’architecture moderne rationaliste en la nourrissant du lyrisme baroque de la tradition lusitanienne. La « tropicalisation » de l’architecture moderne se manifeste particulièrement dans l’attention apportée au traitement de la relation intérieur/extérieur. Les Brésiliens réinterprètent, ou développent, de multiples solutions d’écrans qu’ils placent devant les façades de verre alors garantes d’une architecture moderne. Parmi ces dispositifs, le brise-soleil s’affirme comme l’une des caractéristiques fonctionnelles, mais aussi comme une des qualités plastiques majeures de cette architecture. Mais, au-delà de l’amour des courbes et des façades épaisses, l’enseignement majeur de ce numéro spécial de septembre 1947, réside surtout dans la capacité des architectes brésiliens à concevoir des édifices où la notion d’assemblage tend à se substituer à celle de la composition11.
Salier Courtois Lajus Sadirac Atelier d’architecture
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Cette publication eut un effet retentissant dans l’agence de Claude Ferret. À la lumière des projets présentés au fil des pages, les associés de l’agence se rendent compte que l’architecture brésilienne, dans sa modernité joyeuse, peut trouver son pendant en France à travers l’architecture balnéaire. On note également un certain regard critique de la part de Claude Ferret vis-à-vis du climat architectural en France dont il souligne alors le relatif marasme intellectuel. Le chantier qui débute avec trois ans de retard et la publication de ce numéro spécial d’Architecture d’aujourd’hui entre temps constituent une coïncidence dont Claude Ferret va savoir saisir l’opportunité pour remodeler son projet obéissant initialement à des canons de l’architecture classique qu’il enseignait alors aux étudiants de l’École des Beaux-Arts de Bordeaux. Ainsi les plans de la ville de Royan, au départ dessinés de façon très académique, adoptent une configuration plus exotique et laissent place à plus de fantaisie, si l’on peut dire, chose qui sied au demeurant si bien à la conception d’une station balnéaire. On peut supposer qu’Yves Salier, avec son fort tempérament et sa grande habileté dans le dessin de projets, a surement joué un rôle important dans le remaniement architectural de la ville. En témoigne l’une de ces premières maisons, réalisée en 1952 pour le compte d’un dentiste royannais au 38 boulevard de la Grandière, la villa Hélianthe. Avec cette construction, l’architecte, alors en charge de la reconstruction de l’îlot où prend place l’habitation, achève de manière très « brésilienne » la construction d’une barre continue de logements collectifs parallèle au boulevard de la Grandière. Il se positionne ainsi très clairement en faveur d’une architecture moderne qu’il affirme à travers l’emploi du béton armé, des pilotis et d’un travail soigné sur les rapports entre intérieur et extérieur. Placée à l’angle de l’intersection de deux rues, la forme courbe du bâtiment prend ici tout son sens. En effet, le bâtiment établit la jonction entre la barre de logements et l’immeuble des ponts et chaussées (tout juste achevé sous la direction de Yves Salier), en venant s’intercaler entre les deux édifices. Le programme était assez particulier puisqu’il fallait combiner vie privée et vie professionnelle ; en fait il y a, sur trois niveaux, trois appartements, un cabinet de consultation et des dépendances comportant garage,
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Villa Hélianthe en couverture de la revue Maison & Jardin, n°50, février 1958.
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Vues extérieures et intérieures de la villa Hélianthe à Royan. Maison & Jardin, n°50, février 1958.
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buanderie, chaufferie et un petit laboratoire de prothèse. La circulation devait être réalisée en laissant à chacun son indépendance, clientèle et occupants ne devant pas se rencontrer. Faisant face à l’océan, le bâtiment tire donc parti de cette position privilégiée en disposant le long de sa façade, à l’extérieur, de multiples espaces de circulations qui servent aussi bien à assurer l’indépendance de chacun, qu’à faire profiter à ses occupants du paysage et de son climat. Le premier étage est ainsi cerné par une galerie qui court tout le long de la façade, l’arrivée des patients étant dissimulée derrière un mur de claustras en éléments de béton préfabriqué en ciment blanc. Un élément qui n’est pas sans rappeler celle employée pour le pavillon du Brésil construit en 1939 dans le cadre de l’exposition internationale de New York par Lucio Costa, Oscar Niemeyer et Paul L. Wiener. Un projet bien entendu publié dans le numéro spécial de la revue Architecture d’Aujourd’hui consacré au Brésil.
Le Yacht club de Pampulha au Brésil, réalisation emblématique d’Oscar Niemeyer qui adopte très largement le plan libre et des ouvertures généreuses sur l’extérieur. Architecture d’Aujourd’hui, n°13-14, septembre 1947.
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De la même manière, Adrien Courtois, emprunte le même chemin formel que son collègue et ami. Pour l’édification du palais des congrès de la ville de Royan, co-réalisé avec Claude Ferret et Pierre Marmouguet, le geste architectural retenu semble là encore totalement emprunté à l’architecture brésilienne. L’utilisation de claustras, de hublots, de pilotis et l’incomparable traitement des circulations en sont autant de témoins. Le rez-de-chaussée se compose d’un grand hall desservant la salle polyvalente des congrès et les galeries de circulation destinées à recevoir des expositions. Le vaste restaurant s’ouvre à l’étage sur un balcon surplombant la mer. Quelques salles plus petites réservées aux commissions, un appartement de fonction et des servitudes achèvent l’ensemble. Le tout s’inscrit dans un parallélépipède élevé sur pilotis, soutenu par un audacieux système de consoles maintenues en porte-à-faux. La grande salle de spectacle épouse librement la forme d’une rotonde dont les courbes sont visibles depuis l’extérieur et contraste avec les surfaces planes de l’enveloppe. Elle bénéficie des jeux d’ombre et de lumière offerts par les panneaux perforés en aluminium, tout droit sortis des ateliers Prouvé, complétés par le mur de scène percé d’ouvertures carrées.
Carte postale du palais des congrés de Royan.
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Le Yacht club de Pampulha au Brésil, réalisation emblématique d’Oscar Niemeyer qui adopte très largement le plan libre et des ouvertures généreuses sur l’extérieur. Architecture d’Aujourd’hui, n°13-14, septembre 1947.
Usine de torréfaction et entrepôts de Rini Levi. Bâtiment dont Yves Salier reprendra quasiemment à l’identique la disposition des brises-soleil pour établir ceux du bâtiment des ponts et chaussée de Royan Architecture d’Aujourd’hui, n°13-14, septembre 1947.
Les parcours de Yves Salier et d’Adrien Courtois vont se rejoindre en 1951 quand Claude Ferret leur propose de s’associer à lui pour réaliser une caserne de pompiers dans le quartier de la Bastide, située sur la rive droite de la Garonne. Les architectes vont dessiner un véritable manifeste du mouvement moderne : pilotis de béton, toit-terrasse, plan libre, murs en panneaux laqués rouge vif réalisés par Jean Prouvé… Cette caserne de pompiers, à deux pas du pont de pierre, face à la façade des quais du XVIIIème de Gabriel, va faire couler beaucoup d’encre dans une ville réputée bourgeoise. Toutefois, le projet rejoint parfaitement la volonté de Jacques Chaban-Delmas, alors maire de la ville, qui souhaitait voir « l’affirmation du XXème siècle face à l’admirable XVIIIème12. » Ainsi la ville de Bordeaux va s’ouvrir progressivement au modernisme.
12/J. Chaban Delmas, « 1953, panorama de Bordeaux », Urbanisme, 1953, n°27-28, pp. 90-91.
Caserne de pompiers du quartier de la Bastide à Bordeaux. Photo : Luingor.
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13/R. Coustet et M. Saboya, Bordeaux la conquête de la modernité : Architecture et urbanisme à Bordeaux et dans l’agglomération de 1920 à 2003, Bordeaux, Mollat, 2005, p.205.
14/F. Loyer, « Les chemins de Katsura », Salier Courtois Lajus Sadirac Fouquet Atelier d’architecture Bordeaux 1950-1970, catalogue de l’exposition à arc en rêve centre d’architecture, M. Jacques et A. Nève (sous la dir.), Bordeaux, septembre 1994, p.14.
15/Ibid., p. 14.
Forts de ce bagage, les deux architectes prennent le risque de se mettre à leur compte en 1955. Michel Sadirac est tout d’abord engagé en tant que dessinateur la même année, pour finalement devenir très rapidement leur associé. Les premières commandes de l’agence viennent alors de leurs entourages respectifs, une clientèle privée, en majorité locale, appartenant au milieu des professions libérales, des artisans, chefs d’entreprises, mais également à un réseau de parents et d’amis. Les architectes réussissent à convaincre leurs clients d’adopter une architecture différente de celle qu’ils connaissent et fréquentent au quotidien. Ils réalisent ainsi plusieurs maisons individuelles caractérisées par un modernisme intransigeant. On observe un parti pris architectural très net qui rompt avec le pragmatisme ambiant qui règne alors sur Bordeaux. Les lignes sont droites, le béton règne en maître, les ouvertures sont finement cadrées. Comme le souligne l’historien Marc Saboya13 , rappor-
ter un tel langage à Bordeaux était audacieux. Ainsi, on retrouve dans les premières œuvres un hommage explicite aux « pères » du modernisme. Pour l’aménagement de sa propre maison (1955) au 3 rue de Lyon à Bordeaux, Yves Salier dispose un parcours vertical ingénieux qui constitue une réelle promenade architecturale : on accède au premier étage (chambre des enfants) par le second (cuisine) qui est directement relié au rez-de-chaussée, tandis que la chambre des parents donne sur le toit-terrasse. La maison de vacances construite pour Mr Martin au Piraillan (1955) présente, comme le souligne François Loyer14 , une volumétrie comparable au Chamberlain cottage de Marcel Breuer et Walter Gropius à Wayland dans le Massachusetts. Le plan en équerre répartit dans une aile les chambres avec vue sur la forêt et dans l’autre, face au bassin d’Arcachon, un séjour-salle à manger séparé de la cuisine par un passeplat. Enfin, on ne peut pas renier la paternité évidente d’un Frank Lloyd Wright ou d’un Oscar Niemeyer à la vue du plan de l’habitation de Mme Legroux à Artigues (1958) qui évoque pour François Loyer « l’illustre Jacobs house de 194815». Un mur cintre l’ensemble des différentes pièces sur un plan ovoïde tout en ménageant des petits patios sur lesquels s’ouvre chaque pièce.
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Vue extérieure de la maison Legroux à Artigues. Architecture d’Aujourd’hui n°85, 1959.
Plan de la maison Legroux. Architecture d’Aujourd’hui n°85, 1959.
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Vue extérieure de la maison de Yves Salier, rue de Lyon à Bordeaux. Architecture d’Aujourd’hui n°85, 1959.
Plans et coupe de la maison de Yves Salier, rue de Lyon à Bordeaux. Architecture d’Aujourd’hui n°85, 1959.
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Contexte et maturité Tous ces exemples cités précédemment montrent à quel point Salier et Courtois s’inscrivent, selon Gilles Ragot, « dans l’héritage des meilleurs architectes modernes ou étrangers des années vingt16. »
Pourtant, cet héritage est bien loin d’être assumé par l’ensemble de la profession dans une ville de Bordeaux où l’abandon de la pierre au profit du béton est vu d’un mauvais œil. Ainsi, les opérations emblématiques de la reconstruction de l’après-guerre à Bordeaux restent volontairement en retrait par rapport au vocabulaire moderniste. L’idée que tout ouvrage moderne rentre en conflit avec le passé de Bordeaux est notamment relayé à travers la presse et ce dès les années 1920 avec la réalisation de la cité Frugès à Pessac, à laquelle on reproche tout particulièrement l’austérité du béton armé, la géométrie accusée des lignes et l’absence totale de moulurations et de décors sculptés17 . C’est donc un esprit que l’on peut qualifier de rétrograde qui anime une grande partie du milieu de architectural bordelais et qui tend à expliquer le manque d’ouverture de ses habitants face aux premières tentatives modernistes. Ainsi, face au purisme architectural de Le Corbusier on préfère souvent les appareillages en pierre traditionnelle et au parement soigné. Preuve en est avec quelques-unes des premières réalisations de l’architecte en chef de la ville, Paul Valette.
16/G.Ragot, Guide d’architecture, Bordeaux et agglomération : 1945-1995, Arc en rêve, Bordeaux, 1996, p. 159.
17/R. Coustet et M. Saboya, Bordeaux, la conquête de la modernité, éditions Mollat, Bordeaux, 2005, p.136.
Commencée en 1948 la cité du parc des sports est une opération de 170 logements distribués dans plusieurs petits immeubles collectifs ne dépassant pas cinq niveaux. Le parement est particulièrement
soigné, dans la tradition de l’architecture bordelaise : refends en rezde-chaussée, fenêtres au cadre légèrement débordant. Quelques commerces sont prévus en pied d’immeubles près des portes d’entrée aux bois cirés, verre et fermetures de cuivre couronné d’un grand bas-relief aux armes de Bordeaux. Les espaces communs sont vastes et clairs, comme les appartements. Un square privé discrètement paysager est réservé aux locataires18.
18/ibid, p. 179.
Toujours en 1948, ce même architecte entame une opération nettement plus vaste cette fois, qui s’installe sur la rive droite de la Garonne à l’emplacement d’un terrain récemment acquis par la ville de Bordeaux : la cité de la Benauge. Le plan-masse, dessiné par jean Royer (1903-1981), urbaniste-conseil de la ville, projette de
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Paul Volette, les premiers logements de la cité de la Benauge. Bordeaux, la conquête de la modernité, éditions Mollat, Bordeaux, 2005.
19/R. Coustet et M. Saboya, op. cit., p.186.
construire un vaste ensemble qui articule 310 logements sociaux autour de plusieurs équipements publics (piscine, stade, jardin public), proposant ainsi un cadre de vie favorable à plus de 1800 habitants. Si l’originalité de la proposition repose essentiellement sur une interprétation du concept de ville verte recommandé par l’article 35 de la Charte d’Athènes, l’architecture reste relativement traditionnelle avec des accents Art déco et quelques réminiscences classiques. Dix immeubles, soit 192 appartements, sont ainsi construits par Paul Volette de 1948 à 1950. Ce sont des blocs identiques de cinq niveaux, en pierre de taille, avec un rez-de-chaussée à bossages rustiques et un toit en tuile à quatre pentes. Le dernier niveau forme étage attique au sud et à l’ouest au-dessus d’une corniche en béton armé qui sert de chaînage supérieur à l’immeuble. La façade ouest s’arrondit et s’ouvre de loggias rythmées par d’épais piliers carrés19.
Cette réalisation, bien que faisant la fierté de Jacques Chaban-Delmas qui s’empressera de la faire visiter à Nikita Khrouchtchev alors de passage (26 mars 1960), ne reçoit pas l’assentiment des services du MRU qui jugent trop faible la densité des logements prévus par l’architecte Bordelais Volette et ils décident dès lors de le remplacer
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par le Parisien Prix de Rome Jacques Carlu (1890-1976) afin faire adapter « un style nouveau dans la région20 ». L’histoire et l’architecture de cette opération, qui verra bientôt s’ériger à ses côtés la caserne de pompier de l’équipe Ferret-Salier-Courtois, tendent donc à montrer un certain retard dans la pensée constructive et architecturale de l’époque. Et même si ces opérations n’ont pas grand-chose à voir avec la dimension réduite des maisons de Salier et Courtois leur dessin présente d’une certaine manière un style très académique, issu de la tradition et de l’enseignement des Beauxarts.
20/R. Coustet et M. Saboya, op. cit., p.186.
Toujours pour faire face à une demande importante de logement et pour relayer les efforts de la municipalité, des organismes construc-
teurs sont créés tel, en 1949, l’important Comité interprofessionnel du logement Guyenne et Gascogne (CILG). Cet organisme patronal se donne pour but d’éradiquer les taudis, améliorer l’habitat pour permettre l’accès des salariés à des habitations convenables, modifier leur manière de concevoir le logement et favoriser l’accession à la propriété. L’organisme financera près de 3000 logements en moins de dix ans et va ainsi grandement participer à l’effort de reconstruction de la ville de Bordeaux et de son agglomération. On retrouve dans les premières réalisations soutenues par le CILG la même retenue formelle observée par les opérations précédemment citées. La cité Carriet construite au nord de la commune de Lormont, considérée comme l’opération fondatrice du CILG, est due à un architecte et ingénieur bordelais, Pierre Mathieu (1911-1997). Construite en deux phases, l’opération vise à produire 240 logements. La première phase (1949-1958) de taille modeste, prend la forme d’une cité jardin, où s’implantent une quarantaine de maisons et leurs jardins. Elle garde les proportions d’un lotissement de campagne. Enfin, une seconde phase (1962-1965) vient compléter la première et intègre l’ensemble au grand programme de la ZUP « Hauts-de-Garonne » lancée en 1960. De fait elle prend une ampleur beaucoup plus conséquente que la précédente. Quatre petits immeubles collectifs sont ainsi groupés au nord et l’on ne construit pas moins d’une centaine de maisons individuelles isolées, jumelées ou associées en bandes et disposées en gradin sur la pente pour profiter de la vue
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sur le fleuve. La plupart des maisons construites durant les deux phases ont un étage, les façades sont en parpaings de béton et les toits à deux rampants sont recouvert de tuile canal. Mis à part le auvent en béton brut au-dessus de l’entrée et les cadres en béton saillant autour des baies, les maisons du Bas-Carriet restent très traditionnelles malgré la préfabrication et la standardisation des éléments de constructions et des équipements intérieurs. De même les plans adoptés pour la quasi-totalité des maisons, composés à partir de pièces isolées aux volumes indépendants, sont à l’opposé du concept de plan libre issu du mouvement moderne.
Pierre Mathieu, cité Carriet, première phase, Lormont. Bordeaux, la conquête de la modernité, éditions Mollat, Bordeaux, 2005.
Salier et Courtois sont également sollicités par l’organisme girondin. Ainsi, suite à une demande de l’Habitat Girondin, filiale du CILG, ils obtiennent en 1958 la commande d’un ensemble de 18 maisons : la cité de la Béchade au Haillan. Les principes formels du lotissement entrent totalement en rupture avec les maisons dessinées par Pierre Mathieu à Lormont. Les 18 maisons sont toutes réunies sur une même bande placée en léger retrait par rapport à la rue afin de donner plus d’ampleur à la séquence d’entrée. Élevées d’un étage, les maisons disposent d’une large ouverture sur l’extérieur, notamment avec une terrasse située au premier étage qui prend place au-dessus du garage, lui-même inclus dans le plan de la maison et en relation directe avec le cellier. Composé suivant trois travées de largeur différentes, le plan de la maison répartit de manière ha-
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bile les pièces servantes et les pièces servies. Ainsi la travée qui comprend la cuisine et l’escalier à rez-de-chaussée et la salle de bains à l’étage est placée au centre du plan afin de mieux desservir l’ensemble de l’habitation. Au rez-de-chaussée, on retrouve, réunit dans un même volume, le salon et la salle à manger tandis que la cuisine, relativement étroite, s’établit dans une pièce à part avec vue sur le jardin arrière. Enfin, on retrouve à l’étage trois chambres de taille équivalente. Entièrement construite à partir de béton armé, l’opération a largement recours à des éléments préfabriqués. Peint en blanc et recouvert par une toiture plate, le projet atteste des ambitions plastiques de ses créateurs, résolument tournés vers le purisme architectural, les balcons constituant la seule ornementation du projet. Salier et Courtois vont donc faire le choix de travailler dans le parti audacieux d’une avant-garde architecturale qui n’a rien perdu de sa modernité et qui va très tôt faire le succès de leur agence.
Logements de la cité de la Béchade au Haillan près de Bordeaux. Werk, Bohen + Wohnen, n°7, janvier 1999.
Plans des logements de la cité de la Béchade au Haillan près de Bordeaux. Werk, Bohen + Wohnen, n°7, janvier 1999.
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21/A. Persitz, « Une jeune agence de Bordeaux, France », L’Architecture d’Aujourd’hui, 1959, n°85, p.66.
En 1959, une dizaine de projets de l’agence sera publiée dans la revue L’Architecture d’Aujourd’hui. Alexandre Persitz écrit alors : « Nous avons été, il faut bien le reconnaître, très surpris de voir ce qui a pu être fait en quelques années dans une ville de province française dont on ne peut pas dire qu’elle soit particulièrement ouverte aux idées contemporaines en matière d’architecture21. » Ils parviennent ainsi à se faire remarquer et les commandes commencent à affluer. La jeune agence se développe rapidement et, tout en continuant à bâtir du logement individuel, accède à des programmes plus importants. Entre 1955 et 1960, ils vont aménager les bureaux de la société Marie-Brizard et Roger (128 rue Fondaudège). Avec ce projet les architectes montrent une réelle maîtrise dans la manipulation des matériaux industriels tels le métal, le verre et l’aluminium. L’immeuble d’ossature métallique présente en façade un des tout premiers murs rideaux construits à Bordeaux. Tout en ouvrant le bâtiment vers l’extérieur, il vient en cacher sa structure de poteaux et apporte lumière et vue aux employés. Le geste architectural sera ensuite repris par de nombreux confrères bordelais quand il faudra construire le quartier de Mériadeck, censé apporter à Bordeaux un élan de modernité.
Façade du siège de la société Marie-Brizard à Bordeaux. Bordeaux, la conquête de la modernité, éditions Mollat, Bordeaux, 2005.
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En 1961, Yves Salier et Adrien Courtois vont créer avec l’architecte bordelais Francisque Perrier, une agence commune, mieux adaptée aux concours d’urbanisme dont on ne peut pas dire que Yves Salier soit vraiment friand22. Ils décident de faire appel à Pierre Lajus pour en devenir le responsable. Ancien étudiant de l’école régionale d’architecture de Bordeaux, Pierre Lajus a « gratté » chez eux pendant ses années d’études avant de poursuivre sa formation dans l’atelier parisien de Michel Écochard, grand urbaniste de l’époque. Il dirigera ainsi plusieurs concours d’urbanisme, notamment celui du quartier du Mirail à Toulouse en 1961. Sur les vingt équipes retenues à l’issue de la première phase, dix seront primées en deuxième phase. L’équipe Perrier associée à Salier, Courtois, Lajus et Sadirac, obtient le cinquième prix, derrière les équipes Candilis, Arretche, Vetter et Sonrel, mais précède les équipes Aubert, Delfante, Montagné, Levy-Lebar et Le Corbusier associé à une équipe Toulousaine menée par Chini.
22/P. Lajus, « Interview croisé », Salier Courtois Lajus Sadirac Fouquet Atelier d’architecture Bordeaux 1950-1970, op.cit., p. 101.
En 1962, Pierre Lajus remporte le concours de la chapelle du collège de Sainte-Marie Grand-Lebrun à Caudéran. Une lourde charpente en bois repose sur d’épais murs en béton. Les références sont là encore multiples. Pierre Lajus écrit alors une lettre à Georges Pingusson pour lui demander la granulométrie du béton employé pour le bâtiment à la pointe de l’île de la Cité à Paris. Pierre Lajus évoque également un autre ouvrage majeur comme référence. C’est le pavillon norvégien de Sverre Fehn conçue à l’occasion de l’exposition universelle tenue en 1956 à Bruxelles. Ainsi, la chapelle, avec ses lourdes poutres en bois lamellé-collé de 1 m de haut qui supportent une toiture plate dont les seuls points porteurs sont les murs périphériques encadrant l’édifice, s’approprie le dispositif de cet ouvrage qui fera date dans l’histoire de l’architecture notamment en bois. Les capacités prometteuses du jeune Pierre Lajus amènent Yves Salier et Adrien Courtois à lui proposer de s’associer à eux. Ce sera chose faite en 1964 pour former l’atelier d’architecture Salier
Courtois Lajus Sadirac.
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Maquette de la chapelle du lycée Grand-Lebrun à Bordeaux-Caudéran. Photo : Pierre Burdin.
Entrée de la chapelle du lycée Grand-Lebrun à Bordeaux-Caudéran. Photo : Pierre Burdin.
Coupe de la chapelle du lycée Grand-Lebrun à Bordeaux-Caudéran. Techniques et Architecture, n°4 (26° série), 1966.
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Des références pour construire des maisons Bien que sollicitée sur de nombreux programmes et concours variés, c’est bien le logement individuel qui constitue le principal champ d’expérimentation de l’agence et qui a assuré sa réputation. « De toutes les commandes que j’ai eues, j’ai toujours préféré la maison », avouera Salier23. Ainsi à partir de 1959, les projets de maisons individuelles de l’agence seront largement publiés dans diverses revues d’architecture. La revue Maison Française publiera une grande partie des maisons réalisées et permettra à l’agence de se faire connaître auprès du grand public. Les architectes obtiennent des commandes de manière plus régulière et, de 1960 à 1970, l’agence va construire autour de 3 à 5 maisons par an (45 entre 1960 et 1970). Les architectes parviennent ainsi à une grande maîtrise d’un programme délaissé par la majeure partie de leurs confrères. Si l’analyse de l’ensemble de la production permet d’identifier les préoccupations et traits stylistiques successifs de l’agence, chaque maison témoigne d’une attention particulière aux spécificités du paysage et du mode de vie de ses occupants.
23/Y. Salier, « Interview croisé », op.cit., p. 101.
Au début des années cinquante, l’agence réalise plusieurs maisons en centre-ville de Bordeaux et quelques habitations de vacances. Mais progressivement, la commande de maisons de villégiature va augmenter avec la construction des pourtours du bassin d’Arcachon. Cela va permettre de tester de nouvelles manières d’habiter, en optant pour un mode de vie plus détendu. Les architectes proposent là encore une architecture qui s’inscrit en rupture par rapport à la production locale dominée par le style des maisons basques. Ils ménagent ainsi de grandes ouvertures sur l’extérieur, privilégient l’emploi de matériaux bruts et développent une conception moderne de l’habitat qui se veut plus léger, en communion avec son environnement. Ils admettront plus tard que c’est à travers ce type de commande, bien précis et si spécifique au contexte bordelais, qu’ils vont réussir à faire admettre aux clients des propositions originales telles que des cuisines ouvertes ou encore des toitures plates. Proposer des solutions neuves amène donc l’agence à considérer ce qui se fait tout autour du globe. Les projets vont montrer des influences diverses et variées, prises au fil des publications dans les
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24/M. Sadirac, « Interview croisé », op.cit., p. 97.
revues d’architecture dont les pages restent constamment ouvertes sur la planche à dessin. Michel Sadirac conviendra que « le numéro sur le Brésil a marqué l’agence, à tel point que ce bouquin, comme celui de Neutra, était usé jusqu’à la corde24 ». Ces références vont être digérées par l’agence afin de les adapter au contexte de la région bordelaise. On retrouvera ainsi de façon permanente dans les réalisations de l’agence des éléments récurrents qui font écho à des œuvres architecturales précises.
Couverture de la revue Architecture d’Aujourd’hui, n°06, mai-juin 1946.
Structure apparente en bois et grandes baies vitrées pour la résidence John Nesbitt, Los Angeles, 1942. Neutra architecte. Double page dans la revue Architecture d’Aujourd’hui, n°06, mai-juin 1946.
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Le Corbusier Comme pour de nombreux architectes de cette époque, le modèle de Le Corbusier reste incontournable. Bordeaux présente d’ailleurs sur ses flans quelques-unes de ses réalisations, parmi lesquelles figure la très notable cité Frugès. Pourtant il faut plutôt regarder en direction du village des Mathes pour trouver une des références
majeures de l’équipe. Le Corbusier va réaliser ici la villa « Le Sextant » dont le budget relativement modeste du client va imposer aux architectes de développer des solutions inattendues. Dans l’impossibilité de se rendre sur place, l’équipe de Le Corbusier décide de rationaliser au maximum les phases de la construction du projet. Le chantier se déroulera donc suivant trois moments bien distincts. Aux travaux de maçonnerie, faits d’un seul tenant, succède l’installation d’une charpente totalement autonome. Enfin, on procède au remplissage des ouvertures à l’aide de menuiseries obéissant à un principe unitaire. Construite en 1935, cette maison d’été familiale présente un plan rationnel largement ouvert sur l’extérieur. L’absence de chauffage, la distribution des pièces par l’extérieur et l’emplacement de la salle à manger sur une terrasse couverte découlent ainsi directement du programme. Le Corbusier obtient un contraste réussi entre la façade ouest en pierre, percée de petites fenêtres et la façade principale à l’est en menuiserie de bois, largement ouverte sur l’extérieur. La simplicité du geste et le traitement des matériaux laissés bruts vont ainsi marquer en profondeur le travail de l’agence, et « les architectes comprendront qu’avec des moyens simples on peut composer une architecture extrêmement forte25 » . On retrouve donc dans de nombreux travaux de l’agence
une certaine « vérité » du langage architectural à travers l’emploi de matériaux bruts et une mise en œuvre qui vise la simplicité formelle. Ils sauront également retenir le traitement antagonique des façades proposé pour cette maison, où les jeux d’ouvertures/fermetures et l’assemblage d’éléments industriels à des matériaux traditionnels se retrouvent dans un grand nombre des réalisations de l’agence26.
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25/F. Loyer, op. cit. , p. 15.
26/La villa Hollier (1970) en est un hommage révélateur.
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Vue extérieure de la façade ouest, Villa «Le Sextant», Les Mathes. Fondation Le Corbusier.
Terrasse extérieure, Villa «Le Sextant», Les Mathes. Fondation Le Corbusier.
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L’Amérique Au-delà de la paternité évidente de Le Corbusier sur l’œuvre de l’agence on discerne d’autres influences majeures dans les travaux de l’équipe. L’architecture américaine constitue à ce titre une source importante d’inspiration. Les architectes ne la connaissaient que de manière très fragmentaire à travers diverses revues. Ils appréciaient
particulièrement le travail de Marcel Breuer et de Walter Gropius sur la côte est des États-Unis. Pierre Lajus reconnaît avoir admiré leurs réalisations en bois largement vitrées « où il y avait une grande différenciation entre les maçonneries, les gros murs de moellons et la menuiserie très fine27 » . Ils ont également pu apprécier le travail de Richard Neutra. Ses projets de maisons d’apparente légèreté en accord avec le paysage ont, là encore, très largement influencé le travail des jeunes architectes bordelais. Les yeux rivés sur les différentes propositions du programme des Case Study Houses, l’agence s’enrichit d’un regard neuf. La vision domestique du programme et les climats sensiblement identiques, qui font de l’Aquitaine une « petite Californie », incitent nos architectes bordelais à imiter très largement les modèles développés par leurs confrères américains. Pierre Lajus se rappelle ainsi qu’il y avait « Le Corbusier, comme modèle majeur, mais en matière d’habitat, nous avions tout de suite été attirés par ce qui se faisait aux États-Unis (…) sur la côte Ouest avec Neutra, Craig Elwood et Koening. C’était cela notre culture architecturale propre28».
Initié par le magazine de Los Angeles Arts & Architecture en 1945,
27/P. Lajus, « La Girolle, une maison économique », Architectures à Vivre, décembre 2007 (réédition en mars 2012), Hors série, p.46.
28/P.Lajus, « Parcours d’un pionnier », Architectures à Vivre, décembre 2007 (réédition en mars 2012), Hors série, p.16.
le Case Study Houses Programm reste l’une des contributions américaines les plus significatives à l’architecture du 20ème siècle. Prototypes expérimentaux de maisons économiques, les 36 « études de cas » du programme représentaient les aspirations d’une génération d’architectes modernistes actifs au cours de la période bouillonnante que connut le marché de la construction à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. L’initiateur et principal animateur du Programme fut John Entenza, champion du modernisme et rédacteur en chef du mensuel Arts & Architecture. Cette initiative allait ainsi dans le sens d’un effort de reconstruction, en prévision d’une d’un boom inévitable que connaîtrait le logement et pour compenser la réduction sévère du nombre de chantiers pendant les années de guerre. 52
Couverture de la revue Arts & Architecture dans lequel figure l’annonce du Case Study House Programm, janvier 1945.
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Photo de la Case Study House #21 de Pierre Koenig à Hollywood. Cases Study Houses, Taschen, 2009.
Plan de la Case Study House #21 de Pierre Koenig à Hollywood. Cases Study Houses, Taschen, 2009.
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Ce programme va ainsi mobiliser un grand nombre d’architectes et ensemble ils vont poser les bases d’une architecture nouvelle qui obéit souvent à des principes récurrents que l’on retrouvera dans un bon nombre des maisons construites par l’agence bordelaise. La valorisation de la structure porteuse, la hiérarchisation des parties en maçonnées et en bois, la décomposition systématique de chaque élément d’architecture qui s’établit de façon claire et méthodique, ou encore le recours à de larges surfaces vitrées mises à l’abri du soleil par les débords prononcés de la toiture plate, sont ainsi des caractéristiques fréquemment rencontrées à travers l’observation des différentes maisons du Case Study Houses Programm. De plus, les expérimentations menées à travers les différents chantiers de ce programme vont ouvrir des perspectives nouvelles pour les architectes du monde entier qui scrutent avec attention leur réalisation. Ainsi la mise en œuvre de matériaux nouveaux, l’emploi systématique d’éléments préfabriqués ou encore le recours à des solutions techniques pour améliorer le confort de l’habitat vont guider le travail d’une multitude d’architectes. Fervents amateurs de revues d’architecture en provenance d’outre-Atlantique (Forum, Progressive Architecture…), Salier, Courtois, Lajus et Sadirac ont relativement vite connaissance de l’actualité architecturale sur place. Ils sont alors fortement marqués par le recours à la préfabrication qui autorise la réduction des coûts de construction sans reléguer pour autant au second plan la question architecturale. Un jeu d’assemblage donc qui séduit l’équipe bordelaise et la pousse inexorablement à tester de nouvelles manières de construire et de concevoir l’architecture.
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La maison construite pour Mr Eyquem à Villenave-d’Ornon en 1960 est révélatrice de cet état d’esprit sur bien des aspects. L’organisation en plan des différentes fonctions gravite autour d’un bloc central qui comprend l’ensemble cuisine-bains-sanitaires auquel est ajouté une buanderie aux dimensions généreuses. Les façades ainsi libérées accueillent les pièces principales et secondaires tout en respectant scrupuleusement une trame établie au préalable qui commande les poteaux d’ossature en bois et les panneaux de remplissage. La rigidité de la démarche s’inscrit dans un but précis. Elle vise à l’emploi d’éléments préfabriqués et favorise ainsi la réduction du coût de l’ouvrage. La revue Maison Française écrit alors : « L’avenir du bâtiment pour des constructions “satisfaisantes” à des “prix modestes” est dans la préfabrication29. » La toiture plate est soulevée délicatement par des poutres en bois qui, désolidarisées des murs, viennent largement en déborder son arase. Cette originalité dans le traitement de la charpente va constituer un élément caractéristique des constructions de l’agence, un détail qui deviendra presque une signature30. Le projet de la maison de Mr Eyquem condense là les réflexions majeures de l’agence qui portent aussi bien sur l’économie de la mise en œuvre que sur l’affirmation de l’ossature et des lignes horizontales.
29/« Près de Bordeaux, deux exemples de semi-préfabrication », Maison Française, février 1964, n°174, p.68.
30/F. Loyer, op. cit., p. 16.
Vue depuis le jardin de la maison Eyquem à Villenave d’Ornon. Werk, Bohen + Wohnen, n°7, janvier 1999.
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Maison Eyquem à Villenave d’Ornon. Werk, Bohen + Wohnen, n°7, janvier 1999.
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Un an plus tard, on retrouve les mêmes préoccupations quand les architectes s’emploient à concevoir une maison pour le frère de Yves Salier dans la commune de Bègles. Maison Française consacre alors un article et note une construction « élégante et soignée, raffinée dans tous ses détails qui correspond en fait à un H.L.M. quatre pièces, avec une surface habitable de 75 mètres carrés31. » Le plan de forme rectangulaire, enveloppé d’un mur de maçonnerie, dispose en enfilade les différentes pièces de l’habitation, toutes orientées sud, grâce à son implantation en biais. Fermée à l’arrière, côté rue (nord), la maison s’ouvre largement côté jardin (sud). L’ossature en bois exotique de la structure, formée par une suite de portiques, n’est pas sans rappeler le bâtiment du Crown Hall de Mies au IIT (1952-56). Cependant, les architectes réinterprètent la forme architecturale en l’adaptant au programme domestique. Ainsi l’avancée des portiques côté sud forme une promenade extérieure, couverte par le débord prononcé de la toiture qui protège du soleil trop violent de l’été, tout en le laissant pénétrer en hiver. Le traitement architectural du bâti implique ici une traduction directe du contexte dans le respect d’un budget contraint. On remarque à partir de cette période l’emploi récurent du bois dans les œuvres de l’agence. Souvent employé dans le mobilier dessiné par les architectes, il s’affiche désormais dans le gros œuvre sur la base d’un système poteau-poutre.
31/« Sur des normes H.L.M. », Maison Française, n°188, juin 1965, p.86.
Maison de Armand Salier à Bègles. Maison Française, n°188, juin 1965.
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Vue depuis le jardin de la maison de Armand Salier à Bègles. Maison Française, n°188, juin 1965.
Vue sur le séjour (à gauche) et vue de la terrasse avec la structure en enfilade des portiques de la maison de Armand Salier à Bègles. Maison Française, n°188, juin 1965.
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Les prémices de la maison girolle : deux projets Si les projets présentés précédemment introduisent bien le lent cheminement de la pensée de l’équipe bordelaise qui va les mener jusqu’à l’élaboration du modèle de maison Girolle, deux projets vont toutefois se révéler particulièrement déterminants et jouer à coup sûr le rôle d’élément déclencheur. La maison Sama (1963) Suite à une parution dans la revue Maison Française, un constructeur des Vosges, la Société d’Application des Matériaux Nouveaux, contacte l’agence pour la conception d’un modèle de maison devant recourir à l’emploi d’éléments préfabriqués. C’est le premier essai de l’agence dans la conception d’une maison destinée à être reproduite en série. Un prototype sera présenté temporairement dans la commune de Mérignac et permettra aux acheteurs potentiels de venir en faire la visite.
Intérieur de la maison Sama en couverture de la revue Maison Française, n° 175, mars 1964.
Longue et basse, la maison de forme rectangulaire est surélevée du sol. Elle est prolongée sur l’une de ses longueurs par une vaste terrasse. On note l’abandon de la toiture-terrasse au profit d’une toiture de faible pente. Son socle métallique repose sur des fondations faites de dés en béton armé noyés dans le sol. Le plan est composé suivant une grille de carré de 1,20 m de côtés ; une dimension standard pour les panneaux d’agglomérés en bois employés comme élément de remplissage au niveau du plancher ainsi que pour les revêtements intérieur et extérieur du bâtiment. Les panneaux du plancher sont assemblés entre eux par fausse languette et cloués sur une forme en bois prise dans les nervures supérieures des poutrelles du socle. Les panneaux pleins et les panneaux de menuiserie extérieure, préfabriqués sur une trame de 1,20 m sur 2,50 m de hauteur, sont fixés par des tiges filetées en acier, boulonnées en partie basse à la ceinture du socle métallique ; les tiges filetées reçoivent en partie haute les fermettes de toiture ; elles sont reliées entre elles par des broches qui assurent le serrage des panneaux. Les panneaux pleins sont de même type que ceux utilisés pour la construction des murs rideaux ; ils alternent avec des
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Plan de la maison Sama. Maison Française, n° 175, mars 1964.
Maquette avec aménagement extérieur de la maison Sama. Photo : Burdin.
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Vue extérieure de la maison Sama. Une large terrasse légèrement surélevée du sol longe toute la façade de la maison. Maison Française, n° 175, mars 1964.
Vue extérieure de la maison Sama. On perçoit la faible pente de la toiture. Maison Française, n° 175, mars 1964.
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panneaux de menuiserie extérieure comprenant des panneaux de portes pleines (pour l’entrée et la cuisine), des panneaux vitrés de 1,20 m ou 2,40 m de large et des panneaux fenêtres. La charpente est constituée de fermettes en profilés métalliques ; elles sont boulonnées aux tiges filetées traversant les panneaux. La couverture est constituée par des bandes en aluminium fixées par agrafage en queue d’aronde. La maison s’avère être d’une grande capacité d’adaptation aux demandes du plus grand nombre. L’emploi d’éléments standardisés permet ainsi d’agrandir ou de diminuer la longueur du bâtiment selon que l’on rajoute ou soustrait une trame porteuse. En proposant
des accès variés, les architectes laissent le soin aux futurs acquéreurs de choisir le positionnement de la maison sur le terrain de leur choix. Enfin, la légèreté des cloisons intérieures en bois autorise un grand nombre de modifications ultérieures. Le prototype construit à Mérignac insiste d’ailleurs sur le fait que l’espace bureau, présenté ici en plan (2), peut être facilement remplacé par une autre chambre. Exposée au Salon des Arts Ménagers de 1965, cette maison va remporter d’emblée les faveurs du public. En effet, on retrouve dans ce plan toute une palette d’éléments qui en font une maison confortable. Ainsi de grands placards sont intégrés dans les cloisons de la chambre des parents et du couloir ainsi que dans l’une des chambres d’enfant. La cuisine se trouve séparée de la dépendance par un bloc très pratique de rangements qui fait office de mur. Le projet intègre également de manière discrète l’ensemble des fonctions techniques du bâtiment. On trouve dans la salle de bain un espace réservé au générateur de chauffage. L’air chaud est propulsé à travers toutes les pièces via un conduit dissimulé dans le plafond rabaissé du couloir. Les architectes ont prévu une installation électrique distribuée en toile d’araignée. Enfin, on distingue certains luminaires venant s’encastrer par endroits dans le plafond. La mise en scène très soignée renforce l’aspect chaleureux de cette maison. Les architectes ne laissent rien au hasard, ils choisissent les meubles, les lampes, les rideaux poussant le détail jusqu’au choix des couverts de table. L’ingéniosité de la démarche, la rationalité du dessin et de la conception assurent à cette maison le premier prix du concours,
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organisé par le centre technique du bois, pour une maison individuelle industrialisée. Pourtant le projet va rapidement avorter avec la faillite du constructeur vosgien et la commercialisation du modèle n’aura jamais lieu. Ainsi les seules traces restantes de cette maison se retrouvent essentiellement dans l’article publié sur le sujet32 par la revue Maison Française, fidèle supporter du groupe bordelais. Elle n’en demeure pas moins un point de départ crucial pour les futures démarches de l’agence.
32/« Préfabrication - un prototype de maison individuelle », Maison Française, mars 1964, n°175, pp.135-141.
Vue intérieure du living-room de la maison Sama, lampes et rideaux en suspension. Maison Française, n° 175, mars 1964.
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Vue intérieure du salon avec grand lampion japonais Nogushi. Maison Française, n° 175, mars 1964.
Le chalet de Barèges et son extension posée sur un socle maçonné. Photo : Arnaud Saint-Germès
Le chalet de Barèges (1966)
33/P. Lajus, « Un principe constructif », Architectures à Vivre, décembre 2007 (réédition en mars 2012), Hors série, p.87.
Le succès remporté par la maison Sama incite nos architectes à développer de plus en plus des relations étroites avec les constructeurs. Ils n’hésitent pas à faire appel à des artisans afin de vérifier ensemble la faisabilité d’un projet ou l’exécution d’un détail technique. « C’est chez les charpentiers et chez les menuisiers que j’ai rencontré un savoir-faire tout à fait exceptionnel. Ce sont eux qui m’ont appris à construire33. » C’est donc tout naturellement
que Pierre Lajus se tourne vers M. Guirmand, menuisier de Mérignac, pour édifier son propre chalet au cœur des Pyrénées, sur les hauteurs de Barèges. Ils avaient établi de bons rapports lors de différents chantiers. Le projet en bois, d’une grande simplicité formelle, n’est pas sans rappeler les bâtiments du condominium de Sea Ranch. Entièrement bardé de bois de sapin, ce grand trapèze noir, assis sur un mur de pierre d’appareillage rustique, plonge dans la vallée comme pour mieux en faire partie. Initialement prévue en maçonnerie de granit, la difficulté d’accès au site et le manque de main-d’œuvre sur place confortent l’usage du
Condomium Sea Ranch. Aujourd’hui n°55-56, décembre 1966-janvier 1967.
bois pour cette réalisation. L’architecte et le charpentier décident donc de pré fabriquer entièrement la structure bois en atelier avant de l’acheminer sur place afin d’économiser du temps et de l’argent sans pour autant négliger un certain confort dans la mise en œuvre. Ainsi la structure du chalet sera montée en une quinzaine de jours par trois charpentiers et Pierre Lajus, accompagné d’un groupe d’amis, terminera l’aménagement intérieur en moins de deux mois.
Différentes étapes de la construction en bois du chalet de Barèges. Photo : Pierre Lajus.
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Le bâtiment aux dimensions réduites est établi sur les fondations d’un ancien baraquement. L’architecte tire parti du décrochement du terrain pour projeter en porte-à-faux une terrasse abritée qui longe la façade aval, offrant ainsi un point de vue unique sur la vallée en contre-bas. À l’intérieur, l’architecte propose un aménagement communautaire à l’image d’un refuge de montagne. Le chalet doit permettre de loger une douzaine de personnes en même temps. Pierre Lajus adopte donc le toit à une seule pente, afin d’utiliser la totalité du niveau sous toiture et de drainer les chutes de neige vers l’aval. Ainsi plusieurs cellules de couchage sont réparties sur la face amont du bâtiment, simplement isolées de l’espace de vie par des panneaux coulissants, dont les couleurs artificielles contrastent avec le ton naturel du bois utilisé en revêtement intérieur. Une telle disposition permet de récupérer un espace nécessaire au confort d’usage de la pièce de jour ; une salle entièrement vitrée qui dégage au maximum la vue sur le paysage, faisant ainsi oublier l’exiguïté du chalet ; séparée du dortoir par un espace de circulation ouvert, elle se présente comme une grande salle commune. Elle dispose, le long de la façade attenante à la terrasse, une cuisine ouverte, une table à manger, et le salon, délimité par deux banquettes qui gravitent autour d’une cheminée. Loger une douzaine de personnes dans une surface si réduite implique nécessairement d’avoir de nombreux rangements. Un vaste lieu de stockage est donc prévu à l’arrière du chalet. L’aménagement intérieur du bâtiment réserve également de nombreuses surprises qui révèlent toute l’ingéniosité de l’architecte. Aucun espace n’est perdu. Chaque cellule, occupée par deux lits banquettes, dispose de ses propres étagères. Un espace au rez-de-chaussée est entièrement aménagé en penderie et communique avec le cellier. La façade vitrée, travaillée en épaisseur, intègre les radiateurs, le paillasson ainsi que de nombreuses étagères placées sur toute la longueur. Les banquettes du salon sont traitées de pair avec des casiers de différentes dimensions. Le bar de la cuisine sert à la fois de placard et de dossier au banc fixe de la salle à manger.
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Axonométrie du chalet avec les détails de construction et la disposition des cellules de couchages Illustration : Louis de Boynes
Pierre Lajus réalise avec cette construction un véritable tour de force. La méthode de préfabrication associée à la légèreté du bois a permis de réduire de manière considérable les délais et les coûts du chantier. C’est cette même année 1966 que verra le jour la première maison Girolle.
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Vue intérieure du chalet avec la terrasse en prolongement et les étagères plaçées dans l’épaisseur des façades vitrées. Photo : Arnaud Saint-Germès.
Le séjour s’organise autour d’une cheminée. Le volume est délimité par la sous-face du plafond rampant en contreplaqué d’Oukoumé. Photo : Arnaud Saint-Germès.
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Enfilade des jambages structurels de la maison Girolle Photo : Pierre Lajus
La Girolle : un modèle de maison économique 34/Pascale de Tourdonnet, « Architectes sous influences », Architectures à Vivre, op. cit., p.46.
« Ma première rencontre avec une maison d’architecte fut une Girolle. Cette maison a été une découverte. Elle m’a tout de suite plu en raison de sa simplicité, de sa modestie (…) Que l’on ait ou non de la culture architecturale, la Girolle est accessible et je crois que cet aspect m’a beaucoup parlé34. » Pascale de Tourdonnet, architecte et membre du collectif Atelier Provisoire.
35/Formule empruntée à l’historien Alain Corbin.
36/Pierre Lajus, « Construire aujourd’hui en Aquitaine », vidéos en ligne de la bibliothèque de Lyon, issue du cycle de conférences « la maison contemporaine », conférence du 27 mai 2008.
Le désir du rivage35 qui anime la population française à la fin des années soixante se concrétise avec la construction de résidences secondaires le long du littoral. La région Aquitaine ne fait pas exception et à partir des années soixante on assiste à une urbanisation accélérée le long de la côte. On voit fleurir notamment de nombreuses villas. Les architectes de l’agence Salier Lajus Courtois Sadirac sont habitués à ce genre de programme. Mais leurs demandes de permis de construire sont souvent refusées. Leurs maisons à toit plat, très engagées dans le mouvement moderne, n’étaient pas facilement tolérées par les services d’urbanisme de l’époque. Il fallait donc parfois se plier à leur contrainte et faire des maisons avec une toiture à double pente. Par ailleurs, les budgets restreints des nouveaux commanditaires ne leur permettaient pas de mettre en œuvre une architecture qui s’avérait souvent trop coûteuse. « Beaucoup de projets de l’agence n’arrivaient pas à leur réalisation parce qu’on était trop ambitieux, on faisait des choses qui étaient trop chères. On avait mal calculé nos devis, on s’en remettait à des entreprises qui contrôlaient mal leurs affaires », confesse Pierre Lajus36 . Les architectes subissent de plein fouet la concurrence accrue des maisons industrielles, notamment les « chalets rousseaux », constructions préfabriquées en bois dans le Lot-et-Garonne, qui se vendent moitié moins cher qu’une maison traditionnelle. À partir de ce constat, l’équipe décide de réfléchir sur ce qu’elle pourrait offrir à cette clientèle. Plutôt que de voir les familles acheter des petits cabanons à l’architecture indigente, les architectes souhaitent proposer un projet de maison modèle qui corresponde à cette demande et soit quand même architecturalement intéressant. C’est donc en réaction à tout cela que les architectes commencent à élaborer le projet de maison Girolle.
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Vue extérieure de la première maison Girolle construite à Saint-Jean-d’Illac. Elle, n°1232, 28 juillet 1969.
Premier modèle C’est en 1966, aux bords de la route qui relie Bordeaux au Cap-Ferret, sur le terrain d’un ami d’Yves Salier, que fut construite la première maison Girolle. Le principe retenu est extrêmement simple : une dalle de fondation en béton et deux pignons de brique creuse enduite ; la charpente apparente, préfabriquée, repose directement sur ces murs pignons, les deux façades ouvertes étant entièrement vitrées. Les différents plans se composent par simple addition de travées successives qui reprennent le même élément structurel. Ce premier modèle qui servira de maison témoin est la version minimum à trois travées d’une série qui peut en compter jusqu’à six. Pas d’entrée ni de couloir pour cette maison qui se veut économe et simple. L’ensemble des pièces est commandé par le séjour, pièce principale du logis. La silhouette du modèle reprend celle d’une maison du Sud-Ouest avec son toit à faible pente recouvert de tuile canal. La simplicité formelle retenue par les architectes bordelais a de quoi surprendre.
Plaquette commerciale de la société Guirmand. Fonds Lajus, archive départementale de la Gironde.
De forme carrée, le plan de 9 mètres de côté facilite l’insertion de
la construction sur des terrains dont la largeur moyenne ne descendait pas alors en dessous de 18 mètres. Avec un retrait imposé de 4 mètres de chaque côté par rapport aux limites mitoyennes, la maison Girolle pouvait ainsi aisément être construite sur le terrain de son choix. Comme le souligne François Loyer dans le seul article qu’il consacrera au travail de l’agence bordelaise, la forme de la maison participe à la bonne intégration du modèle dans son contexte régional. Une intégration qui se retrouve « moins dans le
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2m
3m
3m 9m 3m
= 9m
Schémas montrant le principe additif de la maison Girolle. Une structure répétitive en bois remplie un espace délimité par deux murs en maçonnerie.
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détail que dans la masse et le matériau de couverture à la différence de tant de maisons néo-régionales qui multiplient les signes codés d’un régionalisme de surface sans respecter aucune des caractéristiques de la tradition locale37 » . Le toit en tuile à deux pentes répond donc à des exigences stylistiques dues à une politique régionaliste menée par les Directions Départementales de l’Équipement. La recherche d’économie à laquelle aspire le modèle de maison Girolle commence donc par la réduction des délais de dépôt de permis et de négociation avec les services.
37/F. Loyer, op. cit., p. 19.
Concevoir un modèle de maison économique restait un exercice délicat pour des architectes. Forts de leurs expériences précédentes, les architectes sont persuadés que la réduction des coûts passe nécessairement par l’emploi d’éléments préfabriqués. Il fallait cependant rejoindre le point de vue de la clientèle qui, comme le
soulignent différentes enquêtes d’opinion de l’époque, se trouve aux antipodes des modèles de maisons préfabriquées conçus par des architectes. Ainsi lors de l’exposition « Villagexpo » de 1968, un sondage mené auprès des visiteurs désigna comme vainqueur le modèle Balency & Schuhl de construction relativement classique dont la seule innovation, si l’on peut dire, consistait en la récupération de l’espace sous toiture pour l’aménagement des combles38.
38/Y. Nussaume, op. cit., p.18.
Maison Balency & Schuhl présenté lors de l’exposition «Villagexpo» de 1968. La maison individuelle, Paris, édition du moniteur, 2006.
Face à ce rejet des modèles de maisons préfabriquées, les architectes proposent donc une maison dont l’apparence traditionnelle repose sur l’adjonction de murs en maçonnerie à un projet conçu initialement tout en bois. Ces murs de maçonnerie, qui s’arrêtent à deux mètres de haut, délimitent la construction tout en laissant pénétrer la lumière à l’intérieur. Ils donnent ainsi à la maison Girolle l’apparence d’une vraie maison en « dur » alors qu’elle est préfa-
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briquée à 85 %. Ainsi, mis à part les pignons et le socle en béton, l’ensemble de la construction est un assemblage d’éléments préfabriqués. Les architectes vont donc reprendre les principes de la maison Sama tout en retenant les solutions constructives du chalet de Barèges. La maison Girolle sera donc une maison préfabriquée de structure en bois. Pour composer le modèle, les architectes auront recours à une trame, une manière de travailler déjà éprouvée à travers divers projets antérieurs. « La trame est une aide. Quand on conçoit un bâtiment, on est sans arrêt dans l’hésitation. On doit faire des choix en permanence et la trame règle un certain nombre de
Plan initiale de la première maison Girolle. Architectures à Vivre, décembre 2007 (réédition en mars 2012), Hors série.
1
39/P. Lajus, « La trame : tisser des liens», Architectures à Vivre, op.cit., p.65.
2
3m
questions. C’est une ligne directrice qui facilite les décisions, donne de la cohérence à l’ouvrage. Elle permet de faire des choix majeurs. À partir d’une trame, on décide des sous multiples39. » Ainsi, comme
dans la maison Sama, les panneaux de bois en agglomérés, servant ici de support de toiture, vont dicter l’ensemble des dimensions de la construction. La trame de 60 centimètres, retenue pour composer le plan de la Girolle, découle de la dimension de ces panneaux, de 1,20 mètre par 2,50 mètres, disponibles dans le commerce. C’est donc à partir de cette dimension courante que l’ensemble du projet va être profilé, à commencer par l’ossature bois.
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1,2m 1,2m
Panneaux en contreplaqué visibles en sous-face 1,2m
0,6m 0,6m 0,6m 0,6m
Charpente. Série de pannes reposant sur les arbalétriers 3m
3,5m
5,5m
Poteaux en façades et à l’intérieur avec jambage de force côté séjour
Élément de menuiserie pour la chambre
Axonométrie éclatée montrant l’ensemble des composants structurels d’un module de travée de la maison Girolle.
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Élément de menuiserie pour le séjour et la cuisine
Parties ouvrantes de l’élément de menuiserie, Lames Naco et porte-fenêtre
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Une ossature bois Outre les murs de briques creuses d’une largeur de 20 centimètres, la structure de la maison Girolle repose sur une ossature entièrement conçue en bois. Les architectes souhaitent offrir une maison adaptée au mode de vie détendu des bords de mer, largement ouverte sur l’extérieur. L’ossature est donc conçue suivant un système de poteaux-poutres permettant de vitrer très largement les façades. La construction repose donc sur le mariage d’une partie maçonnée et d’une ossature en bois. Après l’achèvement des travaux de maçonnerie, on procède à la mise en œuvre de la charpente. Constituée de fermes sans entraits, elle supporte une toiture à deux pans asymétriques. Les pannes (14x4.5 cm), disposées tous les 60 centimètres dans le sens de la longueur, reposent sur des arbalétriers (22x7 cm) espacés de 3 mètres entre eux. Soutenue principalement par les murs pignons, la couverture de la maison repose également sur une série de poteaux de sections variables placés dans l’alignement des arbalétriers. Ils assurent un contreventement efficace de la structure de l’ensemble et participent à la composition du plan. La plupart sont dissimulés à l’intérieur des cloisons, certains sont placés plus librement à l’intérieur du séjour. On remarque sur les rares photos du premier modèle construit que les partitions intérieures s’effectuent à l’aide de murs aux revêtement diverses. Constitués à partir de cloisons légères, à âme creuse, les murs intérieurs sont ensuite habillés par des panneaux de contreplaqués ou du lambris de bois.
Structure en bois et caillebotis pour la terrasse associée à une piscine. ATB Constructions.
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Les façades Enclavée entre deux murs de maçonnerie, la maison Girolle présente deux types de façades bien distinctes. Elles relèvent de deux intentions majeures : ouvrir l’habitat sur le paysage extérieur et maximiser l’apport de lumière naturelle à l’intérieur du logis. Les murs pignons s’arrêtent donc à une hauteur de 2 mètres et le remplissage de
leurs fermes respectives s’effectue à l’aide de menuiseries vitrées ou lambrissées suivant la fonction des pièces situées en arrière. Largement vitré, le traitement des façades longitudinales se nourrit des contraintes dimensionnelles et constructives de la charpente. On retrouve donc l’écart de 3 mètres imposé par la disposition des arbalétriers avec la reprise d’un même élément de menuiserie ; la charpente en débord, triangulée extérieurement, vient rythmer la façade principale qui comprend le séjour et la cuisine. La composition des façades reprend le même élément de menuiserie, entièrement en bois et d’une largeur de 3 mètres. Pour le séjour et la cuisine, orientés sud, cet élément, entièrement vitré, est recoupé par moitié avec une partie fixe et une partie ouvrante. Il est repris dans les chambres à la différence que seule la partie ouvrante est vitrée, le reste étant rempli de panneaux isolants. Toutes les parties ouvrantes de l’édifice sont composées à partir d’une porte-fenêtre (coulissante ou à battant) et d’une fenêtre à lames orientables par système Naco. La maison Girolle permet ainsi une grande souplesse d’utilisation en proposant des chambres accessibles depuis l’extérieur. La présence des baies vitrées ayant recours au système Naco renforce le confort d’usage en assurant une ventilation minimale des pièces. Différents types de volets viennent parachever ce travail consciencieux dans le traitement de la façade. Les fermetures coulissantes des chambres seront à panneaux pleins ou à lames. En revanche, pour les façades totalement vitrées où le chevauchement mur-volets est impossible, on adopte la solution des volets en accordéon qui, repliés, viennent souligner le rythme des poteaux en façade en leur donnant plus d’épaisseur.
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Façades côtés séjour avec les volants dépliants fermés.
Façades côtés chambres avec les volets coulissants et parties vitrées au dessus des murs pignons.
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L’aménagement intérieur Le confort de la maison Girolle bien que volontairement sommaire ne néglige pas pour autant les besoins essentiels inhérents à toute construction bien conçue. Le prix de la maison Girolle inclut l’ensemble de l’aménagement intérieur et la maison est livrée « prête à l’emploi ».L’emplacement pour un générateur d’air chaud est ainsi
prévu dans le plan. Il propulse l’air dans toute la maison, par l’intermédiaire de conduits dissimulés habilement dans le faux plafond du dégagement, de dmensions réduite, qui mène aux sanitaires et à la salle de bain. On relève que les plans proposés pour le modèle s’efforcent à chaque fois de concentrer le plus possible les salles d’eau afin de réduire au maximum la longueur des canalisations. En complément du chauffage prévu au fuel, certains prototypes de Girolle disposent d’une cheminée, élément fédérateur du séjour qui peut faire l’objet d’un traitement plus ou moins sculptural suivant les budgets.
Différentes propositions pour la construction d’une cheminée déssiné par Pierre lajus, plans et axonométries. Fonds Lajus, archives départementales de la Gironde.
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À gauche, chambres des parents avec au fond le traitement du remplissage de la façade. À droite, chambre des enfants avec les rangements sous les lits et le bureau intégré. Au premier plan un tabouret dessiné par l’agence. Maison Française, décembre 1971, Hors-série.
Les cloisons pleines sont remplies par des panneaux de particules à âmes creuses de 7 centimètres d’épaisseur dans lesquels l’équipement électrique est intégré à l’avance. Les rangements proposés sont nombreux. Toutes les chambres peuvent ainsi disposer de grands placards. Certaines pièces de mobilier telles que les tabourets, les tables, les lits et les bureaux sont dessinées par les architectes. Ils n’hésitent pas à glisser des tiroirs sous les lits ou favoriser le gain d’espace en optant pour des lits disposés en équerre comme dans les cellules minimums du chalet de Barèges. La décoration intérieure reste à l’image de la maison, sobre et rationnelle. Le sol est recouvert de carreaux en terre cuite, dits de Gironde, de dimension carrée (20x20 cm.).
Vue intérieure d’une maison Girolle, aujourd’hui. Les baies coulissantes ont remplacées les portes fenêtres. Le bois de la structure est préférée peinte en blanc.
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Les cloisons intérieures sont proposées suivant différents parements. Elles peuvent, au choix du client, être tapissées, recouvertes par un lambris de bois ou recouvertes par un enduit rustique. La charpente, traitée au Bondex noir et laissée apparente à l’intérieur, anime le plafond rampant de l’édifice en se détachant très nettement du plafond peint en blanc. Son prolongement extérieur met les vitrages à l’abri et couvre un espace qui peut aisément faire office de terrasse. Un dispositif qui permet d’établir un lien entre l’intérieur et l’extérieur. Car c’est bien là que réside le grand principe de la maison Girolle : privilégier le rapprochement entre l’homme et le milieu qui l’entoure par le prolongement des espaces intérieurs vers l’extérieur. Un principe qui convient parfaitement pour un habitat de villégiature et qui fera un grand nombre d’adeptes.
Vue intérieure depuis la cuisine. La table de travail est placée face aux fenêtres, en porte à faux. Le sol est traité en carreaux de Gironde. La Maison individuelle, n°22, février-mars 1977.
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Vue intérieure d’une maison Girolle, aujourd’hui. Le mur pignon est largement vitré. Une mezzanine est installée au dessus du volume des chambres et donne plus d’espace au séjour.
La phase de conception et la répartition des rôles Les premières phases de conception du modèle ont très certainement été cruciales quant à la réussite de l’entreprise. Nourris par le succès de la maison Sama et de l’expérience du chalet de Barèges, les architectes synthétisent ici les idées de ces deux projets pour élaborer un nouveau modèle. Le choix du bois comme matériau
principal et du recours à la préfabrication découle donc directement de ces deux projets. Entreprendre de construire un modèle de maison nécessite l’apport de connaissances constructives fiables et réalistes. C’est pourquoi dès les premières phases d’esquisses l’agence intègre au sein de son équipe M. Alain Guirmand, menuisier de profession. Il a alors participé à la construction du chalet de Barèges et de la maison Petit-Brisson, deux projets à ossature bois de budget serré. Ensemble, ils vont constituer un cahier des charges très précis afin de réduire au maximum les coûts de fabrication du modèle Girolle. L’apport de M. Guirmand va essentiellement servir les architectes à dimensionner correctement l’ossature bois du modèle. On commence donc par établir une liste préalable des dimensions et des sections des éléments en bois couramment disponibles dans le commerce. L’idée étant de minimiser au maximum les chutes afin de réduire à la fois les coûts de main-d’œuvre et le gaspillage de matière. Les panneaux de bois en aggloméré de 2,50 mètres par 1,20 mètre seront utilisés tels quels sans découpe ; la dimension des arbalétriers conditionne la largeur de la maison ; les pannes sur lesquelles seront cloués les panneaux de bois, respectent un écart de 60 centimètres et, disposées de la sorte, n’autorisent pas des portées supérieures à 3 mètres. Toutes ces contraintes dimensionnelles facilitent donc les choix de l’équipe et participent grandement à l’économie du projet. Mais au-delà de pures résolutions techniques, l’association de l’agence bordelaise et de l’entreprise de M. Guirmand distribue de manière efficace les rôles de chacun. On laisse le soin à M. Guirmand de se charger de la promotion et de la construction ; les architectes assurent une mission réduite avec l’établissement du permis de construire et, dans certains cas, dessinent des adaptations moyennant une rémunération revue à la hausse. Les frais d’honoraires sont fixés à 3 % pour une maison
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vendue sur plan, et 6 % si les plans doivent être modifiés. Le seul contact du client avec les architectes s’établit lors de la constitution du permis de construire, leur présence n’étant pas nécessaire sur le chantier. Ainsi les termes de l’association épargnent l’agence de tout ce qui peut être superflu et reposent sur une relation étroite entre les architectes et le constructeur.
Plaquette commerciale de la société Guirmand. Fonds Lajus, archives départementales de la Gironde.
La maison Girolle constitue à elle seule la réponse à plusieurs problématiques. C’est avant tout un modèle de maison économique conçue pour les bords de l’océan. Elle se propose comme une alternative aux maisons de constructeurs tout en tentant de concilier la tradition avec la modernité. Ainsi le recours à la préfabrication permet de réduire considérablement les coûts de sa fabrication et l’emploi du bois comme matériau principal renvoie à l’image d’Épinal de la cabane en bois. Elle symbolise également une association pérenne et fructueuse entre un groupe d’architectes et une entreprise de construction. Une association qui, sur la base d’échanges de compétences, assure une mission quasi identique à celle menée par les grands groupes industriels et qui lui vaut un succès immédiat. Très vite, le modèle va se décliner suivant les aspirations de chacun. Plus qu’un modèle de maison, la Girolle devient un système de construction.
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Planche d’une maison Girolle avec un sous-bassement. Construite pour le docteur Salenave à Tabanac. 1975. En haut : implantation dans le site. Au milieu : élévations. En bas : plans, coupe et axonométrie. Fonds Lajus, archives départementales de la Gironde.
Vers un système de construction C’est Pierre Lajus qui évoque au cours d’une interview l’expression de « système de construction », pour qualifier les principes qui régissent le concept de la maison Girolle. Car à partir de ce modèle, les architectes vont développer toute une gamme de maisons qui reprend l’essence du projet initial tout en l’adaptant suivant le contexte ou les attentes du client. Le mode de vie décontracté, proposé par le modèle, séduit, et les clients seront nombreux à l’adopter comme maison principale. Les plans sont donc modifiés, la cuisine aux dimensions réduites devient une pièce à part entière ; le séjour devient plus spacieux ; une mezzanine, s’ouvrant sur le séjour, prend place au-dessus des chambres ; on propose une séquence d’entrée ; les blocs sanitaires, initialement concentrés, sont disposés plus librement à l’intérieur du plan et certaines maisons proposeront un étage supplémentaire. Le modèle s’avère être d’une grande souplesse d’usage et d’adaptation. Peu à peu, la maison se décline sous diverses formes et de nouveaux prototypes vont ainsi voir le jour. La gamme s’étoffe donc de deux nouvelles propositions : la Chanterelle et la Girolle P. La Chanterelle Ardents défenseurs du mouvement moderne, les architectes bordelais finissent par proposer un modèle de Girolle à toiture plate. Ce modèle baptisé Chanterelle reprend à l’identique les plans du modèle Girolle. Cependant, la toiture plate autorise plus de souplesse dans la disposition du plan puisque ce dernier s’affranchit du dessin de la charpente. On peut donc plus facilement proposer des plans organiques qui jouent sur le décalage des travées. Il faut noter ici que les architectes avaient déjà développé des maisons particulièrement similaires au modèle de maison Chanterelle. Plaquette commerciale de la société Guirmand. Fonds Lajus, archives départementales de la Gironde.
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La structure de la maison Chanterelle de M. Caron se prolonge à l’extérieur en venant s’appuyer sur le barbecue. Maison Française, Hors-série, décembre 1972.
Perspective de la première maison Chanterelle construite pour M. Caron à Saint-Jean-d’Illac. La Maison individuelle, n°22, février-mars 1977.
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La maison conçue en 1962 pour le docteur Laporte en témoigne40. Cette maison de vacances est située dans un lotissement sur un terrain (28 x 35 m.) planté de pins. Celui-ci domine le bassin d’Arcachon et donne vue sur le port de la Vigne. La maison est bâtie en L. La façade sur rue est volontairement fermée ainsi que la façade nord-est, alors que le séjour et les chambres s’ouvrent sur la grande terrasse en bois, face au Bassin d’Arcachon. Les murs, en maçonnerie de briques, sont enduits au mortier rustique puis peints en blanc. La charpente, composée de poutres 30 x 15 centimètres, repose sur les murs et des poteaux de 20 x 15 centimètres, et se prolonge à l’extérieur en pergola. Le solivage de 20 x 10 centimètres est disposé suivant un entre axe de 1,05 mètre. On retrouve le plafond en panneaux de bois agglomérés peints en blanc sur lequel contraste la charpente, les portes et les châssis en pin passé au carbonyle. Les menuiseries extérieures qui reçoivent les vitrages sont constituées de sapin du Nord. Le dispositif des baies vitrées animées par système Naco, employé dans les chambres, sera repris pour la maison Girolle. La terrasse est traitée en caillebotis de lames de pin de 7 centimètres et prolonge le sol intérieur composé à partir de carreaux de Gironde. Les similitudes sont ici probantes et ce n’est pas un cas isolé puisqu’un principe identique régit la construction d’une autre maison : la maison de monsieur Anfray.
Cheminée et structure en bois apparente qui contraste sur le palfond du séjour. Maison Laporte au Cap-Ferret. Maison Française, mars 1964.
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40/« L’art de s’isoler », Maison Française, mars 1964, n° 175, pp.111-114.
Cuisine largement ouverte sur l’extérieur. Maison Laporte au Cap-Ferret. Maison Française, mars 1964, n° 175. Maison Laporte au Cap-Ferret.
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La structure en bois de la maison se prolonge à l’extérieure sous forme de pergola. Maison Laporte au Cap-Ferret. Maison Française, mars 1964, n° 175.
Plan de la maison Laporte au Cap-Ferret. Maison Française, mars 1964, n° 175.
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Tout comme la maison Laporte, la maison Anfray sera publiée dans la revue Maison Française. L’article sur le sujet est évocateur à plus d’un titre : « La liberté qui se dégage de cette architecture strictement modulée, implique une connaissance profonde du rapport des proportions, une maîtrise parfaite de l’emploi d’un matériau et d’un procédé traditionnel, la charpente en bois. La simplicité apparente est un art difficile. C’est la précision de l’architecte qui permet de résumer en quelques mots cette maison de vacances, harmonisée à son site forestier : des murs enduits et des poteaux sur lesquels repose un plancher de pin formant toiture ; des vitrages à parties coulissantes pour clore l’espace libre entre murs. La plus grande économie était souhaitée pour la maison à construire dans un lotissement du Cap-Ferret, sur une parcelle peu étendue de 35 x 21 m. Le programme comportait une salle de séjour, trois chambres, cuisine et sanitaire-toilette-douche. L’intérêt qui s’attache à cette réalisation est donc à trouver dans la certitude qu’une architecture, esthétiquement réussie, n’est pas forcément liée à un luxe de moyens techniques. Cette modeste habitation témoigne du rôle d’inventeur dévolu à l’architecte. Par-dessus les erreurs édifiées depuis presque un siècle dans le domaine des maisons de vacances, cette architecture innove dans l’esprit de l’époque. On peut affirmer qu’en même temps, elle hérite des valeurs d’équilibre qui nous charment dans les maisons rurales anciennes41. » Là encore, les similitudes avec le système Girolle sont frappantes. Composée suivant plusieurs travées de même dimension (2 x 5m.), la structure de la maison repose sur l’assemblage d’une ossature bois et de murs peints en blanc. Les baies coulissantes alternant avec des baies fixes entre les poteaux de bois assurent l’accès de plain-pied à la forêt. C’est ainsi qu’à partir de 1961/1962 de nombreux projets dessinés par l’agence présenteront les mêmes caractéristiques, à savoir la composition d’un plan tramé qui repose sur le principe du poteau-poutre et de l’association d’une charpente en bois à des
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41/« Au bord de la mer », Maison Française, Juillet-août 1964, n°179, pp. 64-68.
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Le mur au nord entièrement opaque de la maison Gimenez au Cap-Ferret. Maison Française, Juillet-août 1964, n°179.
Ouverture totale sur la façade ouest et tête de solives exprimées en façade. Maison Gimenez au Cap-Ferret. Maison Française, Juillet-août 1964, n°179.
Plan de la maison Gimenez au Cap-Ferret. Maison Française, Juillet-août 1964, n°179.
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murs de maçonnerie. Nous constatons donc à travers l’analyse de ces deux maisons que les architectes détenaient déjà les clés du succès de la maison Girolle ; mais il faudra attendre quelques expériences supplémentaires pour voir le concept atteindre sa pleine maturité. Le modèle de maison Chanterelle est donc la reprise d’une typologie déjà expérimentée sur plusieurs constructions antérieures de l’équipe. Elle constitue toutefois une réelle nouveauté puisqu’elle a recours à des éléments préfabriqués et standardisés. La Girolle P C’est toujours dans un souci de coller au plus près au contexte que les architectes développent, parallèlement à ces deux versions, une troisième version conçue pour les plateaux en contre-bas des Pyrénées, intitulée la Girolle P. Le modèle reprend les dispositions du plan de la Girolle. Toujours encadré par deux murs-pignons, le plan de la Girolle P respecte la partition jour/nuit et la concentration des pièces de services. La grande nouveauté du modèle réside dans le traitement du toit dont les pentes, nettement plus prononcées, autorisent l’aménagement des combles. Le premier modèle construit se composera à partir de quatre travées de 3 x 9 mètres. Les pièces de la maison se répartissent sur deux étages. Au niveau du rezde-chaussée, on retrouve une cuisine indépendante, les sanitaires, la salle de bain, un cellier, quatre chambres et un vaste séjour dans lequel trône une imposante cheminée. L’étage supérieur, où l’espace est plus réduit, dispose de deux chambres et d’une zone commune ouverte traitée en mezzanine au-dessus du séjour. Deux vastes terrasses au rez-de-chaussée, composées à partir de lattes de bois, sont prévues le long des façades ouvertes et assurent une certaine autonomie des pièces entre elles. Recouvertes d’ardoise, les deux pentes de la toiture sont brisées par de larges coyaux. Ce dispositif permet de protéger les deux terrasses extérieures et assure une meilleure gestion des précipitations. Le sous-bassement de la maison venant s’encastrer dans la pente, une des terrasses se trouve en porte à faux, soutenue par des jambages de force en bois fixés au sous-bassement. Ces derniers assurent la retombée des charges du débord de toiture par l’intermédiaire de poteaux moisés
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Plaquette commerciale de la société Guirmand pour la Girolle Pyrénée. Fonds Lajus, archives départementales de la Gironde.
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Une Girolle Pyrénée en construction dans les environs de Jurançon. Fonds Lajus, archives départementales de la Gironde.
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disposés en bordure de terrasse. Les éléments de l’ossature bois de la construction reprennent les mêmes dimensions que ceux utilisés pour les Girolles. La charpente requiert toutefois d’être renforcée par un faux entrait et un entrait. Les ouvertures nombreuses sont traitées de la même manière que dans les deux modèles précédents, remplies à l’aide du même élément de menuiserie, à l’exception des ouvertures de l’étage supérieur pour lesquelles les architectes dessinent un nouveau prototype de menuiserie de 1,20 mètre de large. On note que l’un des angles du séjour est ouvert sur l’extérieur. Une portion de 3 mètres d’un des murs-pignons est ainsi substituée par un élément de menuiserie. Le modèle Girolle P propose donc une alternative intéressante à l’habitats traditionnels de montagne bien que l’on puisse craindre une mauvaise isolation thermique, à la vue du nombre important de ses ouvertures.
Vue extérieure de la Girolle Pyrénées construite dans les environs de Jurançon. Fonds Lajus, archives départementales de la Gironde.
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Coupe de la Girolle P, construite dans les environs de Jurançon. Fonds Lajus, archives départementales de la Gironde.
Plan possible d’une Girolle Pyrénées. Celle en photo ci-contre dispose d’une configuration différentes. Les chambres sont le long d’une même façade et la cuisine ouverte sur le séjour. Fonds Lajus, archives départementales de la Gironde.
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Une économie sur plusieurs niveaux La maison Girolle parvient à synthétiser plusieurs préoccupations majeures de l’équipe qui peuvent sembler, aujourd’hui encore, pertinentes à développer dans la construction, dans la mesure où elles tentent d’apporter des réponses concrètes à des problématiques récurrentes rencontrées dans le bâtiment. L’agence bordelaise ac-
quiert ainsi un savoir certain dans la construction et plus particulièrement quand elle se veut économe. Enfin à travers l’exploration des possibilités offertes par la construction modulaire les architectes abordent un aspect intéressant de l’architecture, à savoir, son évolutivité. Les budgets restreints des commanditaires de la maison Girolle ont obligé les architectes bordelais à réfléchir sur de nouvelles façons de bâtir plus économes, qui évitent le gaspillage de temps et de matière. En ayant recours à la préfabrication, la maison Girolle réduit de façon notoire les gaspillages. La préfabrication, et plus particulièrement celle en bois, oblige les architectes à réfléchir suffisamment aux différentes interventions. Pierre Lajus reconnaît avoir toujours été frappé par le fait qu’un électricien ou un plombier casse ce que le maçon venait de faire quelques jours auparavant pour faire passer ses installations. La préfabrication évite cet écueil, souvent rencontré dans de nombreux chantiers, et oblige à penser le bâtiment comme une entité finie à part entière, dans le sens où tous les éléments sont pensés au préalable afin d’être assemblés par la suite. Un autre facteur d’économie réside dans l’association de différentes compétences dès la phase de conception du projet. En associant dès le début du projet un constructeur et un groupe d’architectes, la maison Girolle démontre toute l’efficacité d’un tel système dont la principale qualité est d’éviter les pertes de temps induites par les modifications incessantes du projet initial. On remarque d’ailleurs aujourd’hui que cette pratique devient de plus en plus courante. Cette association symbolise donc une collaboration, fructueuse et étroite, dont la pérennité a sûrement contribué à une meilleure économie du projet.
Un autre atout indéniable de la maison Girolle est lié au fait que la maison peut évoluer au fil du temps. L’évolutivité rendant nécessairement la construction « durable », à l’épreuve des changements
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42/P. Lajus, « Intelligence constructive », Architectures à Vivre, op. cit. , p.89.
et des évolutions des habitants qui l’occupent. À ce propos, Pierre Lajus évoque tous les bienfaits d’une construction conçue sur un système de poteau-poutre. « Le gros avantage que j’y vois, outre le fait qu’elle permette de grandes portées, est son adaptation dans le temps. Il suffit d’enlever un des remplissages pour vouloir faire une extension sans que la structure même de la maison en soit affectée. Ce principe constructif me plaît car j’aime les plans tramés. C’est une aide pour moi d’avoir ce quadrillage dans lequel j’organise le plan de la maison, sa distribution. Ce système très souple permet aussi de croiser des modes constructifs différents, par exemple des murs maçonnés ou des murs à ossature bois avec des voiles travaillant. Grâce à ce système, je peux mettre en évidence la structure, sa poésie. Sa légèreté se marie très bien à un environnement boisé, au paysage42. » Pour illustrer ce propos, nous pouvons évoquer une
maison Girolle, celle du fils de Pierre Lajus, à laquelle on a rajouté deux nouvelles travées et une étage en mezzanine. On peut également se rendre compte de la souplesse d’un tel dispositif à travers l’extension réalisée par Pierre Lajus pour son chalet de Barèges.
Vue intérieure de l’extension du chalet de Barèges. Photo : Pierre Lajus.
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Le confort rudimentaire voulu au départ et le manque d’intimité ont amené l’architecte à disposer dans le prolongement du chalet une extension. Celle-ci a été bâtie suivant la même structure en bois sur une largeur toutefois plus réduite et un confort amélioré. Si les architectes ont préféré l’utilisation du bois pour la conception du modèle Girolle c’est peut-être parce qu’ils étaient conscients que
cette maison serait facilement appropriable par ses habitants. Pierre Lajus nous rappelle alors que « le bois, avec son aspect très chaleureux, se travaille facilement. On peut intervenir, porter sa marque, pratiquer l’auto construction si le budget de la maison n’est pas assez conséquent ou si l’on a l’âme d’un constructeur. Il faut bien sûr prendre quelques précautions de mise en œuvre, mais globalement cela reste un mode constructif assez simple. La maison devient évolutive, s’adapte aux différents modes de vie de ses habitants. Où l’on peut aisément cloisonner, décloisonner et agrandir l’espace43. »
43/P. Lajus, « Le bois dans la construction », Architectures à Vivre, op. cit., p.73.
De gauche à droite : Christine Pueyo, Pierre Lajus et son fils Emmanuel en train de réaliser la structure de l’extension du chalet de Barèges.
L’économie de la maison Girolle réside également dans le soin apporté à l’insertion du bâti dans son environnement. Si le choix la toiture à deux pentes peut-être vu comme un compromis de la part des architectes, il permet néanmoins de limiter les délais de négociation des permis de construire et donc de réaliser un gain de temps précieux à l’agence. Il en va de même pour le juste dimen-
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Photo : Pierre Lajus.
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sionnement du gabarit général de la maison qui facilite l’insertion du modèle dans des lotissements, de superficies souvent équivalentes, où les marges de manœuvre sont somme toute limitées. Enfin, à la lumière de ce qui vient d’être énoncé, pouvons-nous dire que la maison Girolle est un modèle écologique avant l’heure ? Sur ce sujet, Pierre Lajus reste prudent. Il admet volontiers qu’un grand nombre de projets, qui sortaient de l’agence, présentaient des ponts thermiques relativement importants. Il reconnaît également ne pas s’être soucié de la provenance des matériaux, de leur fameuse empreinte écologique. De même que la forme urbaine proposée par la maison individuelle reste tout à fait préjudiciable. Pour autant peut-on reprocher à ces architectes d’avoir voulu répondre à un besoin dont les attentes étaient comblées par des réalisations pour la plupart médiocres et peu regardantes de l’endroit où elles s’établissaient ? Pour pondérer ce propos, il faudrait regarder les réalisations de logements collectifs effectuées par ces architectes, dont certaines abordent de manière très visionnaire la juxtaposition de maisons individuelles et d’immeubles d’habitations, comme c’est le cas pour les ensembles d’habitations de « Arcachon-Marines » (1963-1970) ou du « Hameau Noaille » (1968-1973) à Talence.
Logements individuels (au 1er plan) et collectifs (au 2nd plan) de l’opération Arcachon Marine. Photo : Pierre Lajus.
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Bien que sujettes à de nombreuses défaillances thermiques (surtout en hiver), les réalisations de l’agence bordelaise témoignent néanmoins d’une certaine sensibilité écologique. Ainsi les architectes étaient attentifs à l’orientation, à la protection du vitrage, qui laisse pénétrer la lumière en hiver et préserve des rayonnements du soleil en été, ainsi qu’à une bonne ventilation naturelle de l’habitat. Pourtant, après la crise pétrolière de 1974, le modèle de maison Girolle commence à pâtir de sa mauvaise isolation. Son chauffage au fuel devient vite obsolète et ses façades largement vitrées, qui en font toute sa poésie, s’avèrent être de bien maigres remparts pour lutter contre le froid d’une région qui, bien que souvent ensoleillée, reste très humide et relativement froide en hiver. À partir de 1974, le prix de la maison commence à augmenter de manière progressive. En l’espace de deux ans, le prix du plus petit modèle de Girolle, à trois travées et à chauffage central au fuel (le moins cher aussi), augmente de 31 000 francs44. Cependant, on note dans l’analyse
des grilles tarifaires que le modèle tente de s’adapter aux nouvelles exigences du marché, en proposant différents types de chauffage. On va ainsi proposer, outre un chauffage à air pulsé au fuel, un chauffage électrique par convecteurs ou un chauffage central (gaz ou fuel). Malgré des efforts pour se diversifier et réagir à un contexte économique durement frappé par la crise, l’entreprise Guirmand est obligée de déposer le bilan au cours de l’année 1978. Selon les propos de M. Guirmand, ce n’est pas seulement la crise énergétique qui a frappé son entreprise. Un défaut dans la fabrication de certaines tuiles (la composition contiendrait une dose trop élevée de sable les faisant éclater prématurément) amène certains clients à entreprendre des démarches en justice. Acculé, l’entrepreneur est obligé de mettre la clef sous la porte.
44/À la date du 01.09 .1974 le modèle 302 affiche un prix de 81 052,90 francs TTC. Le 08.09.1976, l’achat du modèle 302 revient à 112 700,00 francs TTC.
La construction du modèle ne s’arrête pas pour autant puisqu’à partir de 1979 c’est un autre entrepreneur qui prend le relais : M. Christian Neys. Ce dernier, à travers sa filiale Egnec, prolonge donc l’existence du modèle Girolle dont seule la version initiale reste commercialisée. Quelques changements sont apportés à la construction. On remplace les cloisons intérieures, à l’origine en panneaux de bois à âmes creuses, par un assemblage de carreaux de plâtre. Les parties non vitrées des chambres, initialement remplies par une
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Grille tarifaire de la Girolle établie par l’entreprise Guirmand en septembre 1976. Fonds Lajus, archives départementales de la Gironde.
45/Prix indiqué sur la grille tarifaire de l’entreprise Sognec (filiale de G. Neys & Cie) à la date de décembre 1984.
46/P. Lajus, « L’école bordelaise et la maison individuelle », Bordeaux culture, février 2006, N°8, p.10.
couche d’isolation prise en sandwich par des panneaux bois, est remplacée par des briques de maçonneries complétées par une couche d’isolation et de plâtre. Enfin, les appareils de chauffage, qui étaient inclus au départ dans le prix ferme de la construction, sont vendus en option, tout comme une multitude d’autres éléments tels que la cheminée ou encore les placards d’une des chambres. En vingt ans, le prix de la construction a plus que triplé, pour atteindre la coquette somme de 260 420 francs TTC45, appareils de chauffage non inclus. Il convient toutefois de modérer ce constat en rappelant que le cours du franc a connu de multiples dévaluations durant cette période. Et c’est à Pierre Lajus de conclure de façon amère : « Nous ne savions pas qu’entre les concepteurs et les usagers se dressaient maintenant les lois du marché et la transformation en marchandise de tous les biens, et qu’une “maison de maçon” y pesait plus lourd qu’une “Girolle”… 46» Ainsi le modèle Girolle, qui se voulait un modèle d’habitat économique, tombe peu à peu dans la désuétude sans jamais s’éteindre, puisqu’elle est encore commercialisée de nos jours par l’entreprise ATB, détentrice de l’exclusivité de sa construction.
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Il reste du modèle une certaine façon de travailler et une approche du site qui se veut toujours sensible et bienveillante, en rapport avec son paysage, ses traditions et les gens qui l’habitent. L’entreprise est d’autant plus remarquable qu’elle résiste, avec des moyens somme toute rudimentaires, à la manière d’un David contre les Goliaths que sont les grands groupes industriels. Et c’est finalement en s’ancrant profondément dans la tradition que les architectes parviennent à faire accepter une vision moderne de l’habitat.
Plaquette commerciale de la société Egnec. Fonds Lajus, archives départementales de la Gironde.
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Une maison au modernisme tempéré Le régioanalisme critique Dans son ouvrage, L’architecture moderne, une histoire critique, Kenneth Frampton dédie un chapitre entier à ce qu’il définit comme le régionalisme critique. Après avoir étayé ce sujet avec la présentation de bâtiments significatifs et de leurs auteurs respectifs, il parvient à dégager plusieurs attitudes communes qui peuvent, selon
lui, parvenir à définir ce qu’il entend par l’expression « régionalisme critique ». Il précise cependant que cette branche issue du mouvement moderne s’apparente moins à trait stylistique qu’à une catégorie critique fondée sur quelques caractéristiques, présentes ou non dans les exemples qui viennent appuyer son propos. À la lumière des caractéristiques dégagées par Kenneth Frampton, on note que la maison Girolle par sa petite dimension, ses méthodes mixtes de mise en œuvre, ses larges ouvertures sur l’extérieur, et plus largement son traitement architectural, remplit toutes les conditions pour pouvoir prétendre être affiliée à cette mouvance. L’approche de l’équipe bordelaise a également beaucoup de traits communs avec celle des personnages cités par le critique dans ce chapitre. Ainsi, le développement d’une architecture qui se veut en communion avec son environnement tout en se nourrissant d’influences étrangères, relie sans doute involontairement, le travail de ces architectes à celui de Jørn Utzon, l’un des plus illustres représentants de cette mouvance, qui par ailleurs a développé des solutions d’habitats pavillonnaires dont l’approche semble similaire à celle proposée par la maison Girolle . En effet avec le projet de maisons industrialisée Espansiva, l’architecte danois élabore une proposition qui, à partir d’un même élément structurel, aboutit à de multiples combinaisons pour s’adapter à toute les conditions possibles. Employant le bois pour son ossature, recouverte par un toit en pente et peu honéreuse, la solution dessinée par Utzon présente de nombreux points communs reliant ce projet à celui des bordelais.
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Maison Espansiva, planches du projet et vue du prototype servant de module de base. Architektur DK, n°1, 1970.
On peut également évoquer les nombreuses constructions en béton de l’agence ayant recours à un mur d’enceinte qui occulte la distribution dans un périmètre de façades aveugles. Là où Roland Simounet était parti de l’habitat antique, et Georges Candilis de la tradition marocaine pour élaborer des formules comparables, la réflexion essentiellement plastique de ces architectes leur permet de deviner la richesse d’une solution, jouant tout à la fois sur la transparence et l’obturation pour créer l’ouverture ou la fermeture, le
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47/À la fin des années soixante, les architectes bordelais feront un voyage en Suisse pour les rencontrer.
contact ou l’isolement. De ce point de vue, leur démarche se révèle, comme le rappelle François Loyer , extrêmement proche de l’Atelier 547 à Bern (ensemble de Halen, kirchlindach 1955-1961) ou encore du même Jørn Utzon à Copenhague (maison Kingo à Elseneur, 1956-1960 ; ensemble à Fredensborg, 1962-1963).
Ensemble de Halen, kirchlindach à Bern. Atelier 5. Photo : Atelier 5.
48/F. Loyer, op. cit., p.18
49/Ibid, p.18.
Il est également intéressant de constater que, toujours dans le même article critique sur le travail de l’équipe bordelaise, François Loyer introduit la maison Girolle à l’intérieur d’un paragraphe intitulé « Le régionalisme critique48 ». Il voit, à travers le succès de la maison qu’il
définit comme « exceptionnel », un véritable exercice de style où les architectes sont parvenus, « dans des conditions économiques difficiles, à adapter leur langage aux contraintes de la production en série49 ». Cependant, l’architecture humble de la Girolle ne repose pas uniquement sur la réduction des coûts, mais aussi sur la juste intégration d’une maison conçue pour un lieu et un climat bien spécifique, une attention qui assurera le succès du modèle avec plus de 800 maisons Girolle construites à travers toute l’Aquitaine.
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L’école de Bordeaux Malgré une certaine reconnaissance au niveau national, ces architectes sont toujours restés fidèles à leur région. Cette particularité va faire dire à certains que l’agence peut faire figure « d’école bordelaise », tellement la manière de travailler des architectes semble singulière, assimilée à un acte de résistance face aux grands en-
sembles et au pouvoir central. Par ce terme « d’école bordelaise » est également sous-entendue une certaine formation au dessin du projet des jeunes étudiants qui sollicitent l’atelier pour y faire leurs premières armes. Le terme « d’école bordelaise » reste cependant à employer avec précaution. Pierre Lajus se souvient d’une conférence à Beaubourg, animée par Yves Dauge, où Henri Ciriani, présent dans la salle, réfuta le terme d’école puisqu’on ne pouvait pas reconnaître à l’équipe bordelaise une doctrine et une pédagogie propre50. Il semble néan-
moins que le travail de l’agence soit animé par certains grands principes. L’expérience constructive, notamment, paraît chaque fois comme étant l’occasion de vérifier par la mise en œuvre ce que l’on vient de dessiner. « Je crois pouvoir dire qu’elle (l’école de Bordeaux) a défini une attitude commune et une pratique originale de l’architecture, celle du projet et du chantier étroitement liés, que permettait le volume modeste de notre carnet de commandes. Les allers et retours rapides entre la table de discussion et le client, la planche à dessin et les entrepreneurs ont créé une connivence qui, dans une ambiance décontractée, ont été la source d’une grande créativité 51. » Ainsi « l’école de Bordeaux » serait plutôt une école du projet, des projets à travers lesquels on expérimente de nouvelles façons d’habiter, de construire ou de rentrer en communion avec le paysage. Un travail qui est toujours caractérisé par une attention soignée aux détails au sujet de laquelle Jean Pierre Estrampes ne tarira pas d’éloges : « Notre production nationale moyenne faite d’improvisation sur chantiers et d’à-peu-près trouve à Bordeaux un exemple de rigueur, de perfectionnisme jusque dans le choix ou dans le dessin du mobilier52. » Un souci du détail qui assure le succès de l’équipe
auprès des ménages qui sollicitent de plus en plus leur compétence.
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50/« Seventies : la villa Geneste », interview de Pierre Lajus du 17.06.2010 pour le site Archicool, consulté le 18.01.2013 à 15 h. CET.
51/P. Lajus, « L’école bordelaise et la maison individuelle », op. cit., p.10.
52/J.P. Estrampes, « L’école de Bordeaux», Dialogue, 1984, n°2, pp.28-29.
La Girolle
Le succès de la maison Girolle, combiné à un travail toujours voulu comme très proche de son contexte et de ses habitants, amène progressivement ces architectes bordelais à modérer leur architecture aux ambitions résolument modernes afin d’établir un rapprochement entre contexte et construction. Un choix qui amena donc l’équipe à aborder la question du pavillonnaire, les préjudices portés au paysage et causés par les pavillonneurs industriels leur étant insupportables. La maison Girolle va donc introduire chez ces architectes une sensibilité certaine sur la question. Une dévotion à l’habitat individuel qui se traduira par la prolongation des réflexions engagées par cette aventure à travers différents travaux et recherches ultérieures.
Étudiants au travail à l’agence de Mérignac. Photo : Pierre Lajus.
La Girolle : un modèle de maison économique
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Les rémanences d’un modèle « Je m’appelle Pierre Lajus, je suis votre architecte, j’habite Bordeaux, où l’on aime la pierre et où, quand on parle d’architecture, c’est toujours l’architecture du XVIIIème siècle. Pourtant, Bordeaux est aux portes de la grande forêt des landes et dans cette forêt, les maisons de résiniers, les maisons de bergers, ne sont pas en pierre, elles sont en tuiles, en briques, en bois, surtout en bois… et elles ont dans leur modestie, de grandes leçons d’architecture à nous donner. C’est parce que j’avais un chalet à construire en montagne, dans des conditions d’accès difficiles, et dans un délai très court, que j’ai fait mes premiers pas dans l’ossature bois, en 1966. Ce chalet, nous l’avons entièrement préfabriqué, fabriqué à l’avance en atelier, transporté en petits éléments, et monté, sur place, en 15 jours. Cette expérience a donné l’idée à notre équipe d’architectes de mettre au point, avec le charpentier qui avait construit le chalet, un modèle de maison de vacances économique utilisant la même technique. Ce modèle “la Girolle” a connu, très vite, un assez grand développement dans notre région d’Aquitaine. Comme nos clients nous demandaient souvent d’ajouter une chambre, un abri à voitures, de modifier la dimension du séjour, et que nous le faisions très facilement, à condition de respecter la trame de structure de la charpente, nous nous sommes rendu compte que c’était, non pas un modèle, mais un système constructif, complet et évolutif, que nous avions, en fait, entre les mains. Toutes les maisons que je vous montre ici sont issues de ce système. La maison que j’habite moi-même à Mérignac, et qui abrite mon agence, utilise le même système de murs à ossature bois et de charpente apparente. Nous allons maintenant travailler ensemble. Avec le formidable potentiel de vos usines, avec le savoir-faire de vos équipes, avec les méthodes de conception et de réalisations évoluées que nous allons mettre au point ensemble, nous devrions faire de très bonnes, d’excellentes “maisons évolutives” d’aujourd’hui. Je voudrais, quant à moi, qu’elles aient l’élégance et la simplicité de ces maisons japonaises, la force et la robustesse de ces maisons de bois des Alpes, la chaleur et le confort de ces maisons scandinaves d’hier et d’aujourd’hui, qu’elles vieillissent aussi bien que ces maisons de bois américaines qui ont plus de 200 ans…. Qu’ensemble nous faisions de belles et de vraies maisons de bois. » Pierre Lajus. Discours prononcé le 28 mars 1983 devant les dirigeants et associés de la société «Maison Evolutive», filiale du groupe Phénix développant la construction de maisons à ossature Bois. 112
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53/Salier, Yves, « Interview croisé », Salier Courtois Lajus Sadirac Fouquet Atelier d’architecture Bordeaux 1950-1970, op.cit., p. 104.
Dès son lancement, les réflexions menées sur l’évolution du modèle Girolle, qui aboutissent, comme nous l’avons vu, à un système constructif aux possibilités multiples plutôt qu’à une répétition d’un projet unique, guident le travail de l’agence. Ainsi à partir de 1966, beaucoup de projets vont chercher à traduire ce souci de l’économie et commencent à employer de manière plus récurrente, dans leurs structures même, l’association du bois et de la maçonnerie. Pourtant la cohésion qui anime un travail toujours voulu comme collectif commence à se déliter avec les évènements de mai 68. Les rapports entre les associés commencent à se faire plus conflictuels. Yves Salier raconte : « Lajus m’énervait avec ça. Qu’est ce que c’est que cette révolution ? Ma révolution, je lui disais, moi, je me la fais tout seul, je n’ai pas besoin de mai 68. Ça, ce sont des gars qui veulent prendre la place des autres, et qui seront bien contents quand ils l’auront, et je suis encore persuadé que c’était cela. Y en a un qui me dit “eh couillon, t’as une Alfa Roméo”, et “je t’emmerde”, je lui réponds “j’en ai une et je me la suis payée et toi, si tu peux t’en payer une tu mettras pas longtemps à le faire.” Bon, il y a eu des conneries, il y a eu du vrai, mais ça ne m’a pas troublé beaucoup. Sadirac est parti, et ça n’a pas changé grandchose, Lajus est resté un peu après, mais pas longtemps53. » Michel
Sadirac quitte l’agence en 1969 et part travailler chez Gomis à Paris. La même année, Patrick Fouquet, fraîchement diplômé de l’école de Bordeaux, s’associe avec Yves Salier, Adrien Courtois et Pierre Lajus. Ce dernier finira par quitter l’agence en 1974 pour s’établir en nom propre. Dès lors, un travail qui s’est toujours conçu en équipe se divise et les chemins de ses personnalités se séparent. Pourtant ce divorce douloureux pour certains n’empêchera pas le développement parallèle de différentes aspirations communes. Ainsi le projet de maison Girolle va grandement influer la direction des travaux et des recherches menées respectivement par Yves Salier et Pierre Lajus. Nous allons donc tenter de montrer au cours de ce cette ultime partie quels ont été les différents prolongements des réflexions entamées avec la maison Girolle et menées plus particulièrement par l’agence de Yves Salier et de Pierre Lajus. Ainsi, bien que le modèle de maison Girolle continue à se construire,
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Yves Salier, Adrien Courtois et Patrick Fouquet vont proposer successivement plusieurs modèles de maisons construites principalement en bois. Ces expériences peuvent donc constituer à plusieurs égards une certaine continuité de l’expérience des maisons Girolles puisqu’elles font appel à une même démarche et recours à l’usage d’un même matériau. Enfin Pierre Lajus, quant à lui, doit trouver une méthode de travail qui lui convienne et qui puisse l’aider à se démarquer pour prendre un nouveau départ. Ses réalisations se feront alors souvent à l’aide d’une trame à partir de laquelle il s’emploiera à placer une ossature de poteaux et de poutres en bois, imitant de ce fait grandement les principes constructifs du modèle Girolle. Son travail témoignera également d’une grande sensibilité aux problèmes de l’habitation pavillonnaire et nous verrons donc les différentes propositions qu’il a menées en partenariat avec le groupe Maison Phénix. Une expérience aussi rare que riche en enseignement pour celui qui s’attache à proposer une architecture accessible au plus grand nombre.
Yves Salier, Adrien Courtois et Patrick Fouquet : la Morille, la Gigogne et le Galip L’expérience de la maison Girolle a permis à l’agence bordelaise de se faire un nom dans un secteur grandement délaissé par la plupart des architectes. De ce fait, en plus de faire découvrir au plus grand nombre l’originalité de leurs propositions, les architectes ont assuré un revenu régulier à leur agence. C’est donc sans appréhensions particulières que Yves Salier, Adrien Courtois et Patrick Fouquet vont développer dans les années soixante-dix divers prototypes de maisons individuelles. Ces modèles vont reprendre sur plusieurs points les aspects de la maison Girolle. Ainsi l’ensemble de ces modèles sera conçu selon une visée industrielle, composés à partir d’éléments en bois. Certains feront l’usage quasi exclusif de ce matériau quand d’autres s’appuieront sur des techniques de mise en œuvre mixtes. Enfin, tous ces modèles présentent une toiture en pente souvent recouverte de tuile canal, un élément là encore largement tiré de l’enseignement des maisons Girolles, car on ne peut pas dire qu’Yves Salier eut été friand d’une telle solution avant cette
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expérience. On retrouve donc à travers l’analyse de ces modèles un bon nombre d’éléments qui positionnent ces maisons très clairement dans la lignée de la Girolle. Nous allons donc voir successivement ces différentes propositions et tenter de montrer en quoi ils peuvent s’apparenter au modèle de maison Girolle. L’ensemble de ces descriptions repose sur mes correspondances régulières avec madame Salier qui a eu la gentillesse de me transmettre les documents relatifs à ces projets. Pour être complète, cette étude aurait dû être étayée par les archives personnelles de l’architecte (non disponibles en libre accès) conservées aux archives municipales de la ville de Bordeaux. On peut regrouper ces maisons en deux catégories distinctes : celles qui relèvent d’un habitat de villégiature, en ayant largement recours à l’emploi du bois pour leur construction, et celles qui ont pour vocation d’offrir un habitat principal dont la construction associe la construction bois à des parties maçonnées. Ainsi l’agence menée par Yves Salier décide de proposer différents modèles, suivant leurs vocations futures, là où la maison Girolle jouait sur les deux tableaux. Toutefois, on relève que ces modèles proposent chaque fois une manière de vivre plus décontracté, directement inspiré par le mode de vie des maisons de vacances.
De gauche à droite : Courtois, Salier, Fouquet dans l’agence de Mérignac. Photo : Recherche & Architecture, n°34, 1978.
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La Morille C’est à la suite d’une demande des constructions Bajen, une entreprise installait à Bordeaux, que la maison Morille a vu le jour. Un communiqué intitulé « Vivre en harmonie avec la nature », la présente alors de cette façon : « Il y a des maisons qui respirent la joie de vivre et la détente, où l’on aime rentrer le soir et dans lesquelles on se sent à l’aise, en harmonie avec le cadre. Sources d’équilibre et de bien-être, elles font partie de ces éléments qui vous empêchent de stresser. Conçue pour vous donner l’impression d’être perpétuellement en vacances, la Morille a séduit ceux qui apprécient de vivre autrement. » La tournure en préambule de ce communiqué marque bien un certain changement dans les attentes des acquéreurs potentiels, avec un regard plus attentif à son environnement et la nature. Un type de clientèle qui va être le cœur de la cible visée par cette maison, destinée à offrir un cadre de vie idéal aux citadins désabusés. Des aspirations qui font suite au choc pétrolier de 1974. Pour répondre à cette nouvelle demande, l’entreprise Bajen souhaite donc proposer un modèle de maison en bois. C’est ainsi que le constructeur se tourne vers l’agence de Yves Salier pour en établir sa conception.
Perspective de la maison Morille. Yves Salier.
Recouvert par une toiture en tuile de gironde à trois pentes, le volume du modèle s’inspire de celui d’une bergerie landaise traditionnelle. Les architectes proposent plusieurs dispositions possibles en plan. Allant de quatre à six pièces, ce modèle de maison qui se veut familiale avant tout, présente, à partir de cinq pièces un étage supérieur. On retrouve en plan une partition classique jour/nuit où toutes les chambres sont disposées en enfilade, le long d’une
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Plan d’un 4 pièces du modèle de maison Morille. Trame constructive tout les 60cm. Yves Salier.
Coupe transversale d’un 4 pièces du modèle de maison Morille. Yves Salier.
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façade. Le bloc de la cheminée, dans lequel s’imbrique un placard, sépare le séjour du couloir qui dessert les trois chambres sans toutefois l’isoler puisqu’il s’arrête à hauteur d’homme. La fonctionnalité est de mise. Toute une portion de la maison est dédiée à un garage en relation directe avec le cellier. Quand il y en a un, l’étage permet d’ajouter une chambre supplémentaire et un espace ouvert sur le séjour en mezzanine. La construction du modèle repose là encore sur l’association de techniques de mise en œuvre. Le bois, employé pour la charpente, est également utilisé en partie pour l’ossature des murs. Ainsi les murs du séjour, largement ouverts, sont composés à partir d’une ossature en bois dont le sou bassement est traité en maçonnerie de briques creuses. Pour les chambres, par contre, les murs sont uniquement composés de maçonnerie. L’étage prend place sur le noyau central de la maison, profitant ainsi d’une plus grande hauteur sous-pente. La toiture repose sur deux types de charpentes : deux fermes avec plafond rampant sur la partie séjour, fermettes américaines avec plafond plat sur la partie chambre permettant toute sorte de plans, et une distribution économique des fluides. Le traitement de la charpente, dont le chapiteau est vitré, vise à un meilleur apport de lumière à l’intérieur. Bien que les volumes proposés pour cette maison soient nettement plus haut, on retrouve, à travers l’observation de cette maison, un ensemble de caractéristiques propres à la maison Girolle. La reprise d’un modèle régional (ici la bergerie landaise) remis au goût du jour, la charpente au-dessus des chambres (qui reprend exactement le solivage de la maison Girolle avec un écart d’entre-axe de 60 centimètres), ou encore l’association, ici moins radicale, du bois et de la maçonnerie, viennent conforter cette idée. Pourtant le modèle n’aura pas le succès escompté et seulement dix maisons Morille seront construites en banlieue bordelaise.
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Perspective de la maison Morille. Yves Salier.
Vue intérieure de la maison Morille. Bajen Construction.
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La Gigogne Cette autre maison est également issue d’une collaboration de l’agence avec un constructeur, Pierre Joubert. Bien que visant sensiblement le même profil de clientèle (familles
nombreuses de revenus plutôt aisés), cette maison présente un tout autre visage que celle présentée précédemment. La Gigogne repose sur l’assemblage de différents volumes dont la variation des juxtapositions autorise une multitude de propositions aussi bien en plan qu’en volume. Ainsi à partir d’un volume minimum à étage, on peut composer plusieurs types de maisons par l’adjonction d’un ou plusieurs volumes. Le recours au système de poteau-poutre participe à la variation du système puisqu’il autorise parfois différents types de revêtements en façade et à l’intérieur. Construite à partir d’éléments préfabriqués en bois, sur une trame de 3 mètres 20, cette maison tente donc d’offrir une vaste gamme de choix à sa clientèle. Cependant, les architectes et le constructeur prennent le soin de prévoir des murs en maçonnerie. Placés en équerre, ils ferment la maison d’un côté pour mieux l’ouvrir de l’autre.
Shéma de principe expliquant la composition additive des volumes de la maison Gigogne.
Le plan de la maison s’articule autour d’un volume généreux, faisant à la fois office de salon et de salle à manger et largement ouvert sur l’extérieur. La cuisine à l’américaine, l’absence de couloir et la prolongation de l’espace intérieur par de larges terrasses confortent cette volonté d’offrir une plus grande liberté d’usage. On accède aux deux chambres du rez-de-chaussée par l’intermédiaire d’un espace qui donne également accès à l’ensemble des pièces d’eau de la maison, concentrées en un seul endroit et astucieusement réparties. On remarque en outre qu’une des chambres est directement accessible depuis l’extérieur apportant ainsi un plus grand confort d’usage. Enfin à l’étage on retrouve une mezzanine depuis laquelle on accède à deux chambres supplémentaires et une vaste terrasse-solarium. Les matériaux utilisés pour la construction de la Gigogne restent les
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Plan étage
Plan RDC
Plans et coupe d’un modèle 5 pièces de la maison Gigogne. Yves Salier.
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choix du client. Du lambris de bois ou du Stuckanet sont proposés pour les revêtements extérieurs. À l’intérieur, l’habillage des murs se fait soit à l’aide de lambris ou de plâtre. La charpente à deux pentes égales est constituée d’arbalétriers et de pannes portant le complexe plafond-rampant, isolation ventilée et couverture en tuiles. Si la logique d’assemblage, par addition de volumes variés, diffère
grandement avec celui qui gouverne la maison Girolle, on ne peut pas s’empêcher de penser que la maison Gigogne, de par son ossature en bois, son plan libre et le traitement répétitif de ses menuiseries, demeure néanmoins intimement liée à celle-ci. On y retrouve également l’association du bois et de la maçonnerie ainsi que la toiture à double pente recouverte de tuile canal. L’aspect ludique et original de cette maison va assurer à la maison Gigogne un certain succès puisque l’entreprise Joubert en construira environ cinquante.
Perspective extérieure de la maison Gigogne. Yves Salier.
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Le Galip Parallèlement à ces deux maisons aux volumes plutôt généreux, les architectes vont proposer, en partenariat avec la société Bajen, un habitat de vacances entièrement conçu en bois. Le Galip est une maison industrialisée qui se veut comme un habitat de vacances minimal, à l’image d’une cabane en bois, s’inspirant ainsi grandement de l’habitat traditionnel des ostréiculteurs que l’on retrouve disséminé un peu partout autour du bassin d’Arcachon.
Perspective extérieure de la maison Galip. Yves Salier.
Le Galip est une maison de vacances à rez-de-chaussée. Composé suivant un module carré de 2,7 mètres de côté, il propose différentes solutions allant du T1 au T4. Une même logique de composition par addition régit donc ce modèle de maison, avec une version minimum faisant moins de 3 mètres de large (2,70 m) pour 8,70 m de long. Le plan rassemble sous un même toit les chambres, la cuisine en relation avec la salle à manger, une terrasse couverte et parfois un garage. Légèrement surélevée du sol, on accède à l’intérieur de la maison par l’intermédiaire d’une terrasse couverte puis au séjour, espace central commandant l’ensemble des pièces de l’habitation. La construction de la maison se veut délibérément simple et rustique, à l’image de l’environnement pour lequel elle est destinée : quelques plots en béton armé supportent le plancher de l’édifice,
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les murs porteurs en ossature bois présentent le même revêtement à l’intérieur et à l’extérieur, la charpente, constituée de fermes de 8,10 mètres de longueur, supportent les pannes fixées par sabot et la toiture en fibrociment. Quelques éléments cependant font l’objet d’une plus grande sophistication. Ainsi, plutôt que de laisser le plafond rampant au niveau des sanitaires, les architectes adoptent la solution avec faux plafond afin de permettre une meilleure gestion des fluides. Toujours dans ce sens, les appareils sanitaires sont associés avec un mur technique entièrement préfabriqué. Enfin, le remplissage des fermes s’effectue avec du vitrage pour laisser pénétrer la lumière. De dimension réduite, le Galip est conçu pour répondre à une demande croissante des maisons de vacances sans pour autant grever le budget des acheteurs potentiels. Ainsi les plaques en fibrociment sont préférées aux tuiles pour habiller la toiture et l’on construit l’ensemble du projet à l’aide d’un seul matériau : le bois. Utilisé pour la charpente et les murs, le bois reste également le seul matériau de revêtement. Les mêmes panneaux de bois à rainures habillent donc les murs intérieurs et extérieurs. La grande originalité de cette maison repose surtout sur le traitement de sa terrasse couverte. Directement intégrée à l’intérieur du plan rectangulaire du projet, elle propose une interaction intéressante entre intérieur et extérieur. Pensé pour être une maison de vacances simple et économique, tout en bois de surcroit, le Galip a beaucoup de traits communs avec la maison Girolle. Cependant, le Galip affiche une image nettement plus précaire que cette dernière. Le traitement de sa toiture, l’absence de maçonnerie et la légèreté de ces fondations présentent une solution peut-être un peu trop radicale. Une image finalement bien loin de l’idéal des Français et qui expliquera le succès relatif de cette maison.
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Plan d’un deux pièces du modèle Galip, large de 2,70 m. Yves Salier.
Perspective extérieure du modèle Galip, modèle de maison de vacances. Yves Salier.
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Ces trois maisons montrent certains aspects encore méconnus du travail de l’agence de Yves Salier. De natures différentes, ces modèles partagent malgré tout une même vision de l’habitat. Un habitat industrialisé qui, en ayant recourt à l’usage du bois, cherche à apporter un certain confort et une vision plus décontractée de l’habitat, en relation étroite avec son environnement. Le fait que ces projets s’articulent chaque fois autour d’une grande variété de propositions se déclinant à partir d’une formule minimum, laisse à penser qu’un même principe les anime. C’est pourquoi la Morille, la Gigogne et le Galip peuvent s’inscrire comme les descendants directs de la maison Girolle et qu’ils constituent à juste titre le prolongement d’une histoire entamée plus de vingt ans auparavant.
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Vue depuis la rue de la maison Lajus à Mérignac. Maison entièrement en bois qui reprend les principes de la maison Girolle. Tecnologia y Arquitectura, n°15-16, décembre 1991.
Le prolongement des réflexions dans le travail de Pierre Lajus Après son départ en 1974 de l’agence de Yves Salier et d’Adrien Courtois, Pierre Lajus décide de travailler à son compte et installe ses bureaux dans sa propre maison édifiée quelques mois auparavavant. À travers cette réalisation, l’architecte assure, sans le vouloir, une des meilleures promotions de son travail et pose ainsi les bases d’un usage remarquable du bois dans la construction. Certains y verront un manifeste écoresponsable, d’autres un hommage indéniable à Frank Lloyd Wright. La maison est sûrement un peu de tout cela à la fois, mais cette construction n’est-elle pas aussi une version largement remaniée de la Girolle à toiture plate ? Après avoir quitté l’agence de Salier, Pierre Lajus va témoigner, à
travers différents projets, d’une sensibilité particulière à l’égard de l’habitat pavillonnaire. Il va dès lors tenter de s’appuyer sur l’expérience de la Girolle pour développer de nouveaux modèles d’habitats. Ainsi à partir de 1979 Pierre Lajus entame un partenariat étroit avec Maison Phénix. La démarche, totalement atypique, justifie à elle seule de conclure sur cette expérience qui semble par ailleurs loin d’être anodine. La maison Lajus La naissance d’un cinquième enfant amène Pierre Lajus et sa femme, Madie, à déménager de leur échoppe bordelaise pour s’installer dans une maison où l’espace sera plus généreux, améliorant ainsi le confort du foyer. En plus d’accueillir toute sa famille, Pierre Lajus doit également prévoir d’intégrer au programme de la future habitation un studio, pour y installer la mère de sa compagne. Construite entièrement en bois en 1973 sur la base d’un système poteau-poutre, la maison va connaître jusqu’à aujourd’hui de multiples modifications. Un incendie en 1976 oblige à une reconstruction partielle de la maison, dont l’architecte sera tirer profit pour y installer les locaux de son agence qui comptait alors sept personnes. Des bureaux qui seront transformés vingt ans plus tard, lorsque Pierre Lajus prendra sa retraite, pour accueillir la famille de l’un de ses fils. La composition du plan répond donc à cette volonté de réunir Rémanences d’un modèle
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Vue depuis la rue de la maison lajus à Mérignac. La terrasse du bureau à l’étage protège la zone d’entrée. Photo : Arnaud Saint-Germès.
sous un même toit plusieurs entités sans qu’elles aient pour autant à renoncer à une certaine autonomie. La description du plan reprendra la disposition actuelle de la maison tout en sachant que pour être complète, il aurait fallu décrire de manière plus détaillée les changements successifs. Cependant, la disposition de l’ensemble n’a pas radicalement changé. Le plan s’articule autour d’un noyau central qui comprend un espace d’en-
trée, un salon, une cuisine, une salle à manger et une chambre avec salle de bain. Deux ailes prolongent ensuite le bâtiment au niveau du rez-de-chaussée le long de la rue, avec, d’un côté le studio aujourd’hui occupé par une étudiante, et de l’autre, la maison de l’un des fils de l’architecte. Enfin, un escalier, en relation avec l’espace d’entrée, permet d’accéder à l’étage supérieur où l’on retrouve plusieurs chambres, deux salles de bains et le bureau de Pierre Lajus. L’ensemble de l’édifice, bien que formant un tout, se décompose en plusieurs blocs bien définis. Les 390 m2 de la maison sont distribués en quatre parties. Deux volumes à rez-de-chaussée de 130 et 120 m2 sont complétés par un studio de 50 m2 et un étage de 90 m2. Leur indépendance est soulignée par le traitement singulier de la toiture plate à larges débords qui vient les recouvrir ponctuellement. Ainsi l’étage supérieur se désolidarise pour mieux se projeter vers la
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Plans de la maison Lajus aujourd’hui. La maison s’étend dans tous les sens pour améliorer le confort de chacun.
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Architecture à Vivre, Hors-série décembre 2007 (réédition en mars 2012).
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Photo de la maquette de la maison Lajus en 1973. Photo : Pierre Lajus.
rue et recouvrir partiellement l’espace extérieur ; à rez-de-chaussée, l’autonomie du studio est mise en évidence par son volume qui se détache très nettement du corps principal tout en y restant relié. L’indépendance de chacun n’a cependant pas entaché un certain savoir-vivre communautaire, bien au contraire. Les perspectives intérieures sont largement prolongées vers l’extérieur à travers la juste disposition de baies vitrées, l’étage supérieur, avec sa distribution ouverte en mezzanine, reste en relation avec les parties collectives et la zone d’entrée. Les portes coulissantes sont privilégiées pour permettre à l’espace de se dilater autant que possible. L’impression d’espace est renforcée par la disposition astucieuse des rangements entièrement dessinés par l’architecte. Placés dans l’épaisseur des cloisons, ils dégagent la vue tout en clarifiant les limites de chaque pièce. La structure de la maison reprend à son avantage le système poteau-poutre employé pour la maison Girolle à toiture plate (la Chanterelle). Le solivage de la charpente respecte un écart régulier de 50 cm qui repose sur une structure plus imposante de poutre de bois en lamellé-collé, elle-même supportée par des rangées de poteaux. Le traitement de la charpente reste très sophistiqué. Certaines poutres principales en U permettent ainsi de dissimuler de manière ingénieuse les volets roulants, l’interstice entre les solives est parfois vitré afin d’apporter plus de légèreté à une structure largement affirmée à l’intérieur.
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L’ossature de l’édifice est totalement assumée et constitue de ce fait l’élément majeur de la décoration intérieure. Le remplissage de cette ossature s’effectue à l’aide de lambris de bois disposés à la verticale pour les murs intérieurs et extérieurs et de panneaux en aggloméré pour les plafonds. Le traitement du socle en béton de l’édifice témoigne également d’une grande attention. Au
Coupe de détails sur la façade de la maison Lajus montrant les volets roulants pris en sandwich dans l’ossature bois en haut et les radiateurs encastrés dans le sol en bas. Tecnologia y Arquitectura, n°15-16, décembre 1991.
droit des baies vitrées, des niches de profondeurs variables ont été réservées dès le coulage pour permettre tantôt d’y insérer les appareils de chauffage à l’intérieur ou de réserver un emplacement pour le paillasson à l’extérieur.
Photo de la cuisine avant l’incendie de 1976. Architecture à Vivre, Hors-série décembre 2007 (réédition en mars 2012).
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Photo du salon avant l’incendie de 1976. L’immense cheminée fédère le salon tout en servant d’opacité avec la zone d’entrée située dérière. Architecture à Vivre, Hors-série décembre 2007 (réédition en mars 2012).
Photo de la chambre de Pierre Lajus. Une frise anime les portes du dressing qui s’étend sur 5,80 m de long. Architecture à Vivre, Hors-série décembre 2007 (réédition en mars 2012).
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La toiture courbe d’inspiration japonaise du CPIE du Teich. Photo : Pierre Lajus.
Tout semble ici rapporter à la maison Girolle. Le principe constructif de poteau-poutre, le remplissage en lambris, les larges ouvertures vers l’extérieur, la disposition régulière des pannes qui rythme l’espace intérieur… Ainsi la construction de cette maison montre à quel point l’architecte est convaincu par la pertinence des grands principes de la maison Girolle. Une conviction qui ne cessera dès lors de le suivre. L’interprétation libre du système Girolle par l’architecte donne également à voir de manière évidente d’autres influences. L’influence japonaise semble ici irréfutable. Tout renvoi à un rapport privilégié avec la nature : Les espaces intérieurs sont constamment prolongés à travers des continuités de sol et de toiture, la logique d’empilement qui gouverne la structure en bois est mise en exergue, le foyer de la cheminée réalisé à l’aide d’énormes blocs de granit. Un hommage qui sera d’autant plus révélateur quand Pierre Lajus dessinera le centre permanent d’initiation à l’environnement au Teich. La construction sur pilotis, entièrement en bois, est recouverte d’un toit courbe à double pente directement inspirée par la couverture si caractéristique des temples japonais (un élément qui peut également être assimilé à une reprise des esquisses préparatoires d’Utzon pour l’opéra de Sydney). Une poésie du geste qui se retrouvera alors tout au long de la carrière de l’architecte avec un travail toujours élaboré sur la structure et les détails. Car c’est bien vers cette direction que vont tendre désormais les constructions de Pierre Lajus, dont on peut aussi bien évoquer l’ouverture sur l’horizon de la maison Marsan (1974), la forme primitive de sa propre paillote construite près du lac du Moutchic (1979) ou encore le dédale de petites ruelles qui court à travers le groupement d’habitations de la Villa Morton (1979).
La piscine de la maison Marsan, sur les hauteurs de Biscarosse, s’ouvre sur l’horizon. Photo : Arnaud Saint-Germès.
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Le toit de chaume de la paillote à la marina Talaris près de Lacanau. Photo : Arnaud Saint-Germès.
Ruelle et perspective de la Villa Morton à Bordeaux.
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Pierre Lajus et Maison Phénix Fondé en 1946, le groupe Maison Phénix est un groupe de dimension internationale dont la vocation est la construction de maisons individuelles. C’est une entreprise industrielle avant tout : une entreprise basée à la fois sur l’utilisation de composants industriels et sur une méthode de construction industrielle permettant la répétitivité des gestes. Le chantier d’une maison Phénix doit pouvoir être réalisé, en un minimum de temps, par seulement deux ou trois hommes, sans avoir recours à la moindre machine. Ainsi son expérience industrielle et son procédé de construction, à sec par assemblage de composants, lui permettent d’assurer des délais rapides de mise en œuvre, une bonne maîtrise des coûts et des financements privilégiés. Des qualités qui font que l’entreprise est, en 1980, l’un des plus importants constructeurs de maisons individuelles au monde (13 000 maisons construites rien qu’en France pour la seule année 1977).
En 1974, Pierre Lajus devient architecte conseil du Ministère de l’Équipement pour le compte du département des Pyrénées-Atlantiques. C’est au cours de cette mission de conseiller qu’il va rencontrer des représentants de Maison Phénix. Au fil de ses rencontres avec les représentants du groupe, une relation de connivence s’installe. Pierre Lajus ne cache pas que l’expérience des maisons Girolle l’a beaucoup marquée. En travaillant sur un habitat économique pour le plus grand nombre, l’architecte porte désormais un regard neuf sur le travail des constructeurs. Ainsi, à l’occasion d’une opération d’information des services de l’Équipement auprès des constructeurs de maisons individuelles, le dialogue s’engage et, de rencontre en rencontre, s’enrichit, jusqu’à cette réunion de 1978 à laquelle Gérard Rongeat, directeur général de Phénix, convie des responsables de sa société, des architectes et des représentants de la direction de l’architecture pour définir une structure permanente de travail et de dialogue. C’est dans ce cadre que Pierre Lajus développe des idées qui ne devaient pas laisser la direction générale indifférente. Certes, explique alors l’architecte, l’amélioration de la qualité architecturale passe par la consultation des hommes de l’art, mais ce n’est pas suffisant : elle doit aussi être une préoccupation constante à tous les niveaux du processus de
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Publicité Maison Phénix de 1980, année où Pierre Lajus commence à travailler en collaboration avec Maison Phénix. Fonds Lajus, départementales Gironde.
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construction, du topographe au vendeur ! L’idée lancée, il suffisait de l’appliquer. C’est ce que Gérard Rongeat demanda alors à Pierre Lajus. Le groupe de réflexions Racine et la maison Phébus Pierre Lajus fonde donc le groupe RACINE (recherche architecturale pour la construction industrielle dans un nouvel environnement), un groupe de réflexions et de recherche au sein de l’entreprise en vue de l’amélioration de la qualité de ses interventions dans le domaine de l’architecture et de l’urbanisme. La démarche n’était alors, comme le souligne Jean-François Bellon, « pas exempte de risque et devait s’effectuer quasi clandestinement, tant était forte l’opprobre du milieu architectural envers ceux qui trahissaient54» .
Organisé autour d’une dizaine de professionnels confirmés issue de différents métiers55 (ingénieurs, architectes, paysagistes, sociologues…), le groupe RACINE s’est fixé trois objectifs principaux : stimuler la recherche et lui donner une cohérence, promouvoir la qualité architecturale, donner sa pleine dimension à la maîtrise d’œuvre.
Concrètement, le groupe propose plusieurs colloques et réunions permettant d’aborder différents thèmes d’études et d’instaurer un dialogue entre les différents intervenants de la société Maison Phénix. Ces interventions dégagent ensuite des pistes de travail qui peuvent se matérialiser à travers des réalisations expérimentales. Cette étroite collaboration avec le constructeur prend un nouveau tournant quand, en 1980, l’architecte et Maison Phénix s’associent pour répondre au concours des 5000 maisons solaires, organisé par le Ministère de l’Urbanisme et du Logement.
Logo du groupe RACINE. Fonds Lajus, départementales Gironde.
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54/J.F. Bellon, « L’expérience du groupe Racine », Techniques et Architecture, n°338, octobre 1981, p.74.
55/Pierre Lajus, Jean François Bellon, Piotr Sobotta, Jean Michel Roux, Gérard Bauer, Gildas Baudez, Alain Liebard, Jean Luc Massot, Lucien Kroll, Philippe Guibout, Georges et Jeanne-Marie Alexandroff.
Élaborée dans le droit fil des réflexions issues du groupe de travail RACINE, la maison Phébus étudie les possibilités d’évolution d’un habitat industrialisé lorsqu’on désire y introduire les préoccupations en matière d’économie d’énergie. Il s’agissait en quelque sorte d’évaluer si la prise en compte de données climatiques pouvait constituer un facteur d’innovation déterminant pour un habitat individuel de masse. Conçu selon les principes techniques habituels du constructeur Maison Phénix, le projet n’en modifie pas moins les caractéristiques
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Vue perspective de la maison Phébus. Une maison bioclimatique qui récupère la chaleur accumulée dans la serre pour la redistribuer à l’intérieur du logment. Fonds Lajus, archives départementales de la Gironde.
traditionnelles du plan et de l’enveloppe. Destinée à être construite dans le Sud-Ouest, la maison s’inscrit dans un volume simple sans références régionalistes anecdotiques. L’élément important du projet repose sur l’insertion d’une serre directement intégrée au volume de base. De dimensions généreuses (6 x 6 m), la serre offre un espace de vie supplémentaire qui enrichit la vie de la maison suivant le rythme des saisons. Le projet propose trois dimensions possibles : 122 m2 pour 4 pièces, 130 m2 pour 5 pièces et 138 m2 pour six pièces. Le plan en L, favorisé par le principe de charpentes sans points d’appui intérieurs, permet une grande liberté de distribution selon la demande des occupants. L’orientation privilégiée des pièces principales vers la serre autorise en périphérie des possibilités d’adjonction d’annexes ou d’extensions de la maison. Ainsi, au gré des implantations, le volume de la maison peut s’enrichir d’un garage, d’un sas et escaliers d’entrée ou encore d’écrans et de murs de clôture qui accompagne la maison. Mais outre le fait d’apporter une solution originale, la serre remplit une fonction thermique très poussée. Ainsi deux murs contigus à la serre sont traités comme de véritables capteurs à air. Bâtis en
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éléments préfabriqués de briques perforés, ces murs permettent de récupérer la chaleur accumulée dans le volume de la serre pour la redistribuer ensuite à l’intérieur du logement. Ce système s’appuie sur un vaste réseau technique et complexe, dissimulé à l’intérieur du faux plafond. Lauréat du concours, ce projet permet à Pierre Lajus d’asseoir ses
responsabilités auprès du groupe Maison Phénix. Dès lors, l’entreprise va lui confier la charge de faire évoluer l’ensemble de ses gammes de maisons à travers toute la France. C’est ainsi qu’en 1983 Pierre Lajus se joint à un groupe de travail pour élaborer un nouveau prototype de maison individuelle : le projet R5.
Shémas expliquant comment la chaleur est redistribuée. Fonds Lajus, archives départementales de la Gironde.
Axonométrie de la maison Phébus avec les canalisations des flux d’air expliquées. Fonds Lajus, archives départementales de la Gironde.
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La maison R5 C’était l’époque où Renault sortait la voiture du même nom et qui pour les conseillers en marketing du constructeur était un produit polysémique par excellence. Ainsi des gens différents pouvaient se l’approprier pour des raisons différentes bien que ce soit le même produit. Ce projet fut donc élaboré dans la même perspective. Pierre Lajus va proposer quelques innovations pour répondre aux ambitions du projet. Il agrandit tout d’abord la trame classique des
travées employées par l’industriel, la faisant passer de 1,20 mètres à 2,40 mètres de large. Ce choix permet ainsi de créer un volume sous rampant pour le séjour et rend possible l’aménagement d’un volume
en mezzanine au-dessus des chambres. Cette modification de la trame permet également de diversifier le jeu des ouvertures. Les fenêtres classiques de 1,20 mètre de large sont ainsi remplacées par de grandes baies vitrées de 2,40 mètres pour le séjour et des fenêtres de 90 centimètres de large pour les chambres. Toujours afin d’animer les façades, l’architecte remplace les volets à battants par des volets coulissants. L’autre proposition, intégrée au projet, consiste à implanter à l’intérieur du plan une travée libre dont la fonction peut être très variée (aire de jeux pour enfant, garage, serre). Ainsi le projet R5 montre une réelle souplesse d’adaptation permettant de répondre aux souhaits les plus divers.
Affiche dessinée par Pierre Lajus pour la promotion du projet R5. Fonds Lajus, archives départementales de la Gironde.
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La partition du plan (composé par addition de quatre travées de 2,40 mètres de large et de 8,60 mètres de long) se fait de façon assez classique. Une travée avec plafond plat est dédiée aux chambres, à la salle de bains et aux sanitaires. Deux travées, liées dans un même volume, sont dédiées au séjour, au salon et à la cuisine. Enfin, une dernière travée est réservée au cellier et à un espace extérieur qui peut être raccordé ultérieurement à l’espace intérieur. La construction de la maison repose sur des matériaux mixtes. Deux boîtes, disposées de part et d’autre du plan, sont composées à partir d’une ossature métallique fortement triangulée afin d’absorber tous les efforts horizontaux de la structure. À partir de ces deux volumes, le reste de la maison se construit à l’aide d’une ossature métallique pour les façades et d’une charpente en bois dont l’inclinaison des pentes peut varier suivant les régions. Le concept de ce modèle, composé à partir de deux points durs dont on vient remplir l’interstice par une structure plus légère, rappelle beaucoup celui qui régit la construction des maisons Girolles. Cependant, le projet R5 doit répondre à des exigences commerciales très restrictives. Ainsi pour une surface utile ne devant pas excéder les 75m2 et un budget très limité (250 000 francs), Pierre Lajus arrive néanmoins à aboutir à une solution bénéficiant de qualités spatiales certaines, avec des cloisonnements limités et des ouvertures plus franches.
Dessin axonométrique expliquant les «innovations» de la maison R5. Fonds Lajus, archives départementales de la Gironde.
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Shémas expliquant les différentes phases de montage du projet R5. Seul trois hommes et une échelle suffisent pour construire la maison. Fonds Lajus, archives départementales de la Gironde.
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Malgré toute une panoplie d’innovations, néanmoins limitées, le projet de maison R5 ne sera jamais réalisé, pas plus d’ailleurs que le modèle de maison Phébus, pourtant lauréat du concours des 5000 maisons solaires. Néanmoins, ces expériences permettent à Pierre Lajus d’observer au plus près le fonctionnement d’un des plus grands groupes industriels du bâtiment56 . À travers la conception de modèles de maisons pavillonnaires, l’architecte relève toutes les compétences qui sont impliquées dès le lancement d’un nouveau projet. Il prend ainsi progressivement conscience des enjeux qui régissent le secteur du bâtiment. La place de l’architecte dans l’acte de bâtir se transforme, sa responsabilité sociale et urbaine doit s’accompagner d’une plus grande connaissance technique et économique. Un bouleversement de la profession auquel la formation académique des Beaux Arts n’avait pas forcement préparé ses élèves.
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56/En devenant le premier actionnaire de U.S. Homes, Phénix devient, en 1980, le plus important constructeur de maisons individuelles au monde.
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CONCLUSION
Formés à l’école régionale d’architecture de Bordeaux, sous la tutelle de Claude Ferret, Yves Salier, Adrien Courtois, Pierre Lajus et Michel Sadirac vont commencer par s’ouvrir à l’architecture à travers le dessin académique. Ils apprennent alors à dessiner suivant une logique de composition et de critères esthétiques dont ils seront très tôt percevoir les limites. Ainsi, comme beaucoup d’architectes de l’époque, ils chercheront à puiser leurs influences à travers la lecture de revues d’architectures.
Un rejet de l’académisme qui s’explique peut-être également par l’échelle et le type de programme dont ils vont se faire une prédilection : la maison individuelle. Bien que confrontée dès ses débuts à la grande échelle, c’est bien avec la construction de maison individuelle que l’équipe, réunit en 1962, va expérimenter de nouvelles formes d’habitats. Une recherche joyeuse et optimiste qui puisera alors ses sources à travers différentes réalisations venues notamment d’outre-Atlantique. Insuffler de nouvelles manières d’habiter et de construire était alors loin de faire l’unanimité. Plus enclin à accepter un mode de vie décontracté dans leurs résidences secondaires, les commanditaires vont ainsi lentement découvrir et adopter de nouvelles façons de vivre. C’est donc par le biais de ce programme bien précis que les architectes bordelais commenceront par introduire une vision moderne de l’habitat. Mais progressivement, ce qui était l’apanage des plus fortunés, va se démocratiser et très vite, un nouveau genre de commanditaire apparaît. Les règles changent, et l’architecte doit désormais faire face à la mercantilisation de la maison individuelle. Ce programme suscite rapidement la convoitise de nombreux acteurs qui veulent en faire un marché. Ils emboîtent alors le pas à une profession qui n’était que peu préparée aux lois implacables de l’offre et de la demande. Élaboré en réaction des maisons industrielles des pavillonneurs, le projet de maison Girolle voit donc le jour en 1966. Elle se veut comme une réponse architecturale à un contexte économique, politique et social contraignant et tente alors de résoudre de multiples paradoxes.
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Rationnelle dans son plan et sa structure, elle se veut comme une réponse sensible. Penser comme un produit industriel, elle sera construite par un artisan. Élaborée de manière standard, elle sait faire preuve de souplesse et d’évolutivité. Conçue en bois, elle prend l’apparence d’une maison en maçonnerie. Destinée à la villégiature, elle est adoptée comme habitat périurbain. Fondue dans la masse bâtie, elle se révèle profondément différente. La maison va rencontrer un succès inespéré en Bordelais pour une structure aussi modeste que celle mise en place par l’agence et l’entreprise d’Alain Guirmand. Plus de 800 maisons sont ainsi construites à travers toute l’Aquitaine. Un succès d’autant plus rare qu’il fait face à une concurrence féroce et à des acteurs aux moyens autrement plus conséquents. Cette expérience va donc marquer durablement le travail de ces architectes. Ce constat se fait sans peine, à la vue des productions ultérieures au projet, quand les architectes se sépareront en 1974. Yves Salier, Adrien Courtois et Patrick Fouquet (fraîchement associés) vont ainsi continuer à proposer des solutions d’habitats pavillonnaires quand Pierre Lajus tentera de jeter un pont entre le milieu architectural et celui des grands groupes de constructeurs, à travers son association avec maison Phénix.
57/Lajus, Pierre ; Ragot, Gilles, L’architecture absente de la maison individuelle : Conditions d’intervention de l’architecte sur la conception de maisons individuelles, étude du Puca/ministère du logement, juin 1997.
Conclusion
La réussite de la maison Girolle suscite donc de multiples interrogations. Dans quelles mesures un architecte peut-il produire un modèle de maison à l’architecture forte dans un processus économiquement fiable ? Ou encore, de manière plus générale, comme l’a soulevé Pierre Lajus et Gilles Ragot en 1997 dans un rapport rédigé pour le compte du PUCA57 : pourquoi l’architecture est-elle absente du secteur de l’habitat individuel ?
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Bibliographie
La bibliographie est classée suivant les différents thèmes abordés dans cet ouvrage. Pour chaque thème, elle est classée en deux catégories, périodiques et ouvrages. L’ordre ensuite retenu est alphabétique par nom ou nom d’auteur, puis chronologique.
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155
/ Ouvrages Crouzet,
Alix ; Saboya, Marc (sous la dir.de) Les maisons à ossature bois, deux exemples de réalisations en Aquitaine : la villa Morton & Villabois, mémoire de maîtrise Bordeaux, université Michel de Montaigne, UFR histoire de l’art, 2004. Gauzin-Müller, Dominique (sous la dir. de) Habiter écologique, quelle architecture pour une ville durable ?, catalogue de l’exposition de la Cité de l’architecture et du patrimoine, éditions Acte Sud, Arles (Paris) 2009. Grèzes, D. ; Charon, J.P. Industrialisation ouverte : recherche et expérimentation 1971-1983, rapport pour le Plan Construction et habitat, Paris, 1983. Prelozzo, Claude ; Rouillard, Dominique (sous la dir. de) Échelles & dimensions, Paris, édition de l’Harmattan, 2003.
156
La Girolle
158
La Girolle
Annexes
Annexes
159
Yves Salier
Né le 25 août 1918 à Bègles (Gironde).
Yves Salier entre à l’École régionale d’architecture de Bordeaux en 1937 où il est élève de Pierre Ferret puis de Claude Ferret en 1942 et diplômable en 1944. Il s’inscrit comme architecte en 1945 et s’installe dans un grenier, 3 rue de Lyon à Bordeaux. Il débute en réalisant des travaux d’aménagement et de transformations d’habitations. En 1949, il est chargé, sur proposition de Claude Ferret, de la reconstruction à Royan de l’immeuble des Ponts et Chaussées. De 1951 à 1955, il construit des maisons particulières à Bordeaux et en Gironde ainsi que l’ilot 50 à Royan. En association avec Claude Ferret et Adrien Courtois, il réalise la caserne des sapeurs-pompiers de la rive droite à Bordeaux (1951-1954). Il s’associe avec Adrien Courtois en 1955 pour créer l’agence Salier Courtois, transforme l’immeuble au 3 rue de Lyon en agence, et construit sa maison personnelle sur la parcelle voisine. Au tournant des années 1960, Yves Salier Adrien Courtois et Michel Sadirac construisent plusieurs maisons individuelles remarquables (Legroux, Eyquem, A. Salier) qui contribuent à faire connaître l’agence. Entre 1961 et 1963, Yves Salier et Adrien Courtois s’associent avec Francisque Perrier pour quelques projets. Pierre Lajus est responsable de cette agence commune. En 1964, se crée l’Atelier d’architecture Salier-Courtois-Lajus-Sadirac. La même année, ils exposent leurs projets et réalisations au salon de l’Arche à la galerie des beaux-arts de Bordeaux. Les architectes construisent leur nouvelle agence à Mérignac en 1966. En 1970, Yves Salier construit une nouvelle habitation personnelle au Bouscat. C’est dans les années 1970 que sont réalisés les maisons Février à L’Herbe, Leehmans à Sain-Jean-Pied-de-Port, Renaudin à Villefranque, Saudout au Cap-Ferret… L’Atelier d’architecture Salier-Courtois-Lajus-Fouquet est chargé en 1971, par la Mission interministérielle de l’aménagement n°5, bassin d’Arcachon Nord. Après le départ de Pierre Lajus en 1974 et le décès d’Adrien Courtois en 1980, Yves Salier travaille avec Patrick Fouquet jusqu’en 1985, date à partir de laquelle il poursuivra seul son activité. Architecte-conseil du ministère de l’Équipement et du Logement pour les départements des Landes et des Pyrénées-Atlantiques. Auditeur de la section des bâtiments civils du Conseil général des bâtiments de France. Professeur d’architecture à l’unité pédagogique d’architecture de Bordeaux de 1970 à 1974. Médaille d’architecture prix Dejean en 1975. Médaille d’honneur de l’académie d’architecture en 1986. Conseiller de rédaction de la revue L’architecture d’aujourd’hui de 1961 à1974.
160
La Girolle
Adrien Courtois
Né le 16 avril 1921 à Pessac (Gironde), décédé le 12 août 1980 à Bordeaux. Adrien Courtois entre à l’École régionale d’architecture de Bordeaux en 1942, où il est élève de Claude Ferret. Diplômé en 1948, il s’inscrit à l’Ordre des architectes la même année. Chef d’agence chez Claude Ferret, il participe à la reconstruction de la ville de Royan (palais des congrès, 1954-1957 ; casino municipal, 1954-1960). En association avec Claude Ferret et Yves Salier il réalise la caserne des sapeurs-pompiers de la rive droite à Bordeaux (19511954). En 1953 et 1954, il réalise plusieurs maisons d’habitations, dont la maison Querandeau à Saint-Jean-d’Illac et des groupes d’habitations H.L.M. à Pessac et Langon. C’est en 1955 qu’il s’associe avec Yves Salier pour créer l’agence Salier-Courtois puis l’Atelier d’architecture Salier-Courtois-Lajus-Sadirac en 1964. En 1964, il construit sa maison personnelle à Bordeaux-Caudéran, et en 1970 s’aménage une grange à Saint-Lary dans les Pyrénées. Entre 1970 et 1980, en association avec Yves Salier, Pierre Lajus et Patrick Fouquet, il réalise notamment le cimetière de Pessac, la mairie de Cestas, de nombreux entrepôts (CFO, Courbu…), des écoles à Cestas, un ensemble d’habitations à Saint-Estèphe et participe à des concours (préfecture de la Gironde, école pour travailleurs sociaux à Bordeaux). Membre du conseil régional de l’Ordre des architectes de Bordeaux en 1960. Vice-président du bureau du Cercle d’études architecturales à Paris en 1972. Président du conseil régional de l’Ordre des architectes de Bordeaux entre 1975 et 1976. Médaille d’architecture prix Dejean en 1975.
Annexes
161
Pierre Lajus
Né le 4 août 1930 à Bordeaux.
Diplômé de l’École régionale d’architecture de Bordeaux en 1956, Pierre Lajus poursuit sa formation à l’Institut d’urbanisme de l’université de Paris et auprès de Michel Ecochard. En 1961, il rejoint sa ville natale et est responsable pendant deux ans de l’atelier d’architecture mis en place par Yves Salier, Adrien Courtois et Francisque Perrier, rue du Palais de l’Ombrière à Bordeaux. C’est à cette époque qu’il participe avec Salier, Courtois et Sadirac au concours pour la Zup du Mirail à Toulouse. En 1964, il rejoint la rue de Lyon et fait partie de l’Atelier d’architecture Salier-Courtois-Lajus-Sadirac. En 1965, l’atelier est lauréat du concours de maisons individuelles du Centre technique du bois, et c’est cette technique du bois que développera particulièrement Pierre Lajus. Il se construit en 1966 un chalet à ossature bois Fouquet en 1974 à Barèges, dans les Pyrénées. Il quitte l’Atelier d’architecture Salier-Courtois-Fouquet et crée sa propre agence à Mérignac. Il continue à construire des maisons individuelles, souvent en bois, comme celle qu’il habite et qui abrite également son agence (construit en 1973 et reconstruite en 1976 après incendie). Il consacre une grande part de son activité au logement social, avec plusieurs programmes réalisés par le groupe CILG. Professeur d’urbanisme à l’École régionale d’architecture de Bordeaux de 1967 à 1970. Architecte-conseil du ministère du Logement et de l’Urbanisme depuis 1981. Médaille d’argent d’architecture de l’académie d’architecture en 1981. Directeur adjoint de l’architecture auprès de Jean-Pierre Duport, au ministère de l’Urbanisme et du Logement, de 1984 à 1987.
162
La Girolle
Michel Sadirac
Né le 16 juin 1933 à Bordeaux, décédé en 1999 à Bordeaux.
Michel Sadirac obtient le brevet de commis architecte en 1949. Engagé en 1955 comme dessinateur par Yves Salier, il devient collaborateur puis chef de l’agence Salier-Courtois qui se crée la même année. En 1964, il est associé à l’Atelier d’architecture Salier-Courtois-Lajus-Sadirac. Il construit sa maison personnelle à Bordeaux-Caudérac, en 1964, sur la parcelle voisine de la maison d’Adrien Courtois. À la suite de la présentation, en 1967, d’un dossier de réalisations personnelles, il obtient en 1968 un avis favorable de la commission siégeant au ministère des Affaires culturelles pour la dispense de production de diplôme, en vue de l’inscription à l’Ordre des architectes et le port du titre. Il quitte l’Atelier d’architecture Salier-Courtois-Lajus en 1969 et participe durant six mois à des études d’urbanisme chez André Gomis à Paris. Il revient à Bordeaux et crée l’agence d’architecture Michel Sadirac. En 1972, il enseigne un an à l’École d’architecture de Bordeaux. Michel Sadirac a signé de nombreuses réalisations dans le domaine de l’habitat individuel et de l’habitat collectif, et est l’auteur de plusieurs études d’urbanisme. Lauréat Interach’ 87 lors de la biennale mondiale de l’architecture à Sofia, Bulgarie (maison sur la dune). Chevalier dans l’Ordre national de la Légion d’honneur en 1988 au titre de l’architecture. Grande médaille d’argent décernée par l’Académie d’architecture en 1991. Architecte-conseil du ministère de l’Équipement depuis 1985.
Annexes
163
Patrick Fouquet
Né le 18 janvier 1940 à Bordeaux.
Patrick Fouquet entre à l’École d’architecture de Bordeaux en 1961 où il est élève de Claude Ferret. Il travaille à l’agence Salier-Courtois en 1961-1962, travaille à l’agence Hervouet Caris à La Rochelle entre 1962 et 1964 et à l’atelier Salier-Courtois-Lajus-Sadirac de 1964 à 1974. Patrick Fouquet construit sa maison personnelle à Bordeaux-Caudéran en 1970, et sa maison de vacances au Cap-Ferret en 1975. Membre de la Commission régionale des opérations immobilières, il est associé à Salier-Courtois de 1974 à 1980, puis à Salier de 1980 à 1985. Patrick Fouquet travaille seul depuis 1985. Il a réalisé divers bâtiments et aménagements d’usines (SNPE à Saint-Médard, IBM à Cestas) et a réaménagé les bureaux et le hall d’entrée de l’établissement monétaire de Pessac.
164
La Girolle
RECUEIL DE PLANS DE MAISONS GIROLLES
166
La Girolle
Annexes
167
168
La Girolle
Annexes
169
170
La Girolle
Annexes
171
172
La Girolle
Annexes
173
174
La Girolle
CHRONOLOGIE, ADRESSE ET CARTOGRAPHIE DES PROJETS SALIER-COURTOIS-LAJUS-SADIRAC-FOUQUET ATELIER D’ARCHITECTURE (1951-1971)
ANNÉES
N°
COMMANDITAIRES
ARCHITECTES
1951
01
Immeubles des Ponts et Chaussée
Salier
02
Mme Ganiayre
Salier
03
Îlot 50
Salier
04
M. Counil
Salier
05
M. Jacques Holier
Salier
06
M. Jean Lagarde
Salier
07
M. Pierre Burdin
Salier
08
M. Cherbonneau
Salier
09
M. Boyé
Courtois
10
Caserne des Pompiers
Ferret-Salier-Courtois
11
M. Querandeau
Courtois
12
M. Granet
Salier
13
M. Jean Maurin
Salier-Courtois
14
M. Jacques Hollier
Salier-Courtois
15
L’Habitat girondin (société coopérative d’HLM)
Bessagnet-Courtois-Mayoux
16
M. Pierre Ferrière
Salier
17
M. Galinou
Salier
18
M. Pierre Hardy
Courtois
19
M. Yves Salier
Salier
20
Mme Touche
Salier-Courtois
21
M. Clicheroux
Salier-Courtois
22
L’ Habitat girondin
Courtois
23
M. Robert Castro
Salier-Courtois
24
M. Brunet
Salier-Courtois
25
M. André Souarn
Salier-Courtois
26
Mme Legroux (L’Habitat girondin)
Salier-Courtois
1952
1953
1954
1955
1956
1957
N°
TYPES
01
IB
avenue de la Grande Conche et rue de la Marine, Royan
02
HI
67 rue de Maître Jean, Bordeaux
03
CH
boulevard de la Grandière, rue de la République et rue de la Marine, Royan
04
CH
Îlot 50, Royan
05
HI
262 avenue Thiers, Bordeaux
06
HV
allée Émile Pereire, Arcachon
07
HV
rue de Maître Jean, Bordeaux
08
HI
rue Pasteur, Bruges
09
HI
Galgon
10
ADRESSES
quai Deschamps, Bordeaux
11
HI
avenue du Duc de Lorge, Saint-Jean-d’Illac
12
HI
198 route de Thouars, Talence
13
HI
20 rue Etchenique, Bordeaux
14
HI
avenue de La forêt, Andernos-les-Bains
15
GH
parc de Ladonne, Pessac
16
HV
66 avenue de la Pointe aux chevaux, Grand Piquey, Lège-Cap-Ferret
17
HI
3 rue André Messager, Talence
18
HI
route de Libourne, Galgon
19
HI
3 rue de Lyon, Bordeaux
20
HV
(démolie) avenue des Mimosas, Hendaye-Plage
21
HI
2 place du Montaut, Carcans
22
GH
Langon
23
HI
15 bis rue du Lavoir, Bordeaux
24
HI
69 rue Henri IV, Bordeaux
25
HI
rue Noviciat, Bordeaux
26
HI
53 avenue Techeney, Artigues
HI = Habitaton individuelle, HV = Habitation de vacance, GH = Groupement d’habitations, CH = Collectif d’habitations IB = Immeuble de bureaux, BI = Bâtiment industriel, RC = Équipement religieux ou culturel, ES = Équipement scolaire
ANNÉES 1957
1958
1959
1960
1961
1962
N°
COMMANDITAIRES
ARCHITECTES
27
M. Jean Martin
Salier-Courtois
28
M. Adrien Martin
Salier-Courtois
29
Pavillons de vieillards
Salier-Courtois
30
L’Habitat girondin (Cité Béchade)
Salier-Courtois
31
M. Etchenausia
Salier-Courtois
32
M. Faye
Salier-Courtois
33
M. Jean Salier
Salier-Gombeaud-Touzin
34
M. Desport
Salier-Gombeaud
35
M. Marc Salier
Salier
36
Foyer coopératif de la Gironde
Salier-Courtois
37
Lycée Magendie
Courtois-Gillet-Hourtic
38
M. René Eyquem
Salier-Courtois
39
Bureaux Marie-Brizard et Roger
Salier-Courtois
40
M. Thiberville
Salier-Courtois
41
M. Couderc
Salier-Courtois
42
Bureaux de l’Ordre des architectes
Salier-Courtois
43
M. Faustin Gimenez
Salier-Courtois
44
La Poste
Salier-Courtois
45
M. René Cornillier (résidence «L’Ermitage Calypso»)
Salier-Courtois-Perrier
46
M. Raoul Anfray
Salier-Courtois
47
Groupe Scolaire
Salier-Courtois
48
M. Armand Salier
Salier-Courtois
49
M. Germain Viala
Salier-Courtois
50
M. André Souarn
Salier-Courtois-Sadirac
51
M. Bonadei («les arbousiers»)
Salier-Courtois-Sadirac
52
Château d’eau
Salier-Courtois-Sadirac
N°
TYPES
27
HV
5 allée des Lilas, Piraillan, Lège-Cap-Ferret
28
HI
11 rue Émile Roux, Talence
29
GH
(démolis) Place Lopès, Bordeaux
30
GH
avenue Pasteur, Le Haillan
31
HI
18 rue du 11 Novembre, Hendaye
32
HI
(lotissement Pontac-Monplaisir) 15 rue Maurice Utrillo?, Villenave d’Ornon
33
HI
214 rue des Quatre-Castéra, Bègles
34
HI
101 rue Etchenique, Bordeaux-Caudéran
35
HV
15 rue du Littoral, Port du piraillan, Lège-Cap-Ferret
36
GH
route de Bordeaux, Saint Jean-d’Illac
37
ES
10 rue des Treuils, Bordeaux
38
HI
21 rue Roger-Robert, Villenave d’Ornon
39
IB
128 rue Fondaudège, Bordeaux
40
HI
16 rue du maréchal Foch, Pessac
41
HI
(démolis) Saint-Symphorien
42
IB
place Jean-Jaurès, Bordeaux
43
HI
1006 avenue de Bordeaux, Saint-Jean-d’Illac
44
IB+HI
avenue du Las, Saint-Jean-d’Illac
45
CH
174 impasse de l’Ermitage, Le Bouscat
46
HV
2 rue des Dattiers, Lège-Cap-Ferret
47
ES
avenue du Las, Saint-Jean-d’Illac
48
HI
188 rue des Quatre-Castéra, Bègles
49
HV
Piraillan-Forêt, Lège-Cap-Ferret
50
HV
avenue des Chênes, La Teste-de-Buch
51
GH
avenue de la Vigne, Lège-Cap-Ferret
52
ADRESSES
(démolis) route départementale n°3, Lège-Cap-Ferret
HI = Habitaton individuelle, HV = Habitation de vacance, GH = Groupement d’habitations, CH = Collectif d’habitations IB = Immeuble de bureaux, BI = Bâtiment industriel, RC = Équipement religieux ou culturel, ES = Équipement scolaire
ANNÉES
N°
COMMANDITAIRES
ARCHITECTES
1962
53
Foyer coopératif de la Gironde
Salier-Courtois
54
M. Jean-Claude Laporte
Salier-Courtois-Sadirac
55
M. Teulé
Salier-Courtois-Sadirac
56
M. Brunet
Salier-Courtois-Sadirac
57
Résidence «Saint-Bris»(90 logements)
Salier-Courtois-Lajus-Sadirac
58
M. Cazade
Salier-Courtois-Sadirac
59
M. Georges Cami
Salier-Courtois-Sadirac
60
M. Cangardel
Salier-Courtois-Sadirac
61
Chapelle de l’ école Sainte-Marie Grand-Lebrun
Lajus
62
M. Marcel Pistre
Salier-Courtois-Sadirac
63
M. Hubert Darrenougue
Salier-Courtois
64
M. Jacques Gerondeau
Salier-Courtois-Sadirac
65
Entrepôt SAPA
Salier-Courtois-Lajus-Sadirac
66
M. Dupeux
Salier-Courtois-Sadirac
67
Pierre Burdin & M. Curvale (Studio de photograghie)
Salier-Courtois-Sadirac
68
C.I.L.G. (Cité HLM «Les Sablons»)
Lajus
69
M. Pinson
Salier-Courtois-Lajus-Sadirac
70
M. Puyo
Salier-Courtois-Lajus-Sadirac
71
SODIMA (garage Renault)
Salier-Courtois-Lajus-Sadirac
72
M. Trémouille
Salier-Courtois-Lajus-Sadirac
73
Joseph Serrano
Salier-Courtois-Sadirac
74
Église Saint-Delphin
Salier-Courtois-Lajus-Sadirac
75
Cave coopérative Marquis de Saint-Estèphe
Salier-Courtois-Lajus-Sadirac
76
M. Bouesseau
Salier-Courtois-Lajus-Sadirac
77
Michel Sadirac & Adrien Courtois
Courtois-Sadirac
78
Chapelle des Dominicaines de Béthanie
Salier-Courtois-Lajus-Sadirac
1963
1964
1965
N°
TYPES
53
GH
Martignas-sur-Jalles
54
HV
52 avenue Merlot, La Vigne, Lège-Cap-Ferret
55
HI
5 avenue de la Libération, Mérignac
56
ADRESSES
(Charcuterie) 52 rue Élie Gintrac, Bordeaux
57
CH
rue Roger-Robert, Villenave d’Ornon
58
HI
avenue du Las, Saint-Jean-d’Illac
59
HI
5 rue Esmangard, Bordeaux
60
HV
Domaine des tourterelles, La Vigne, Lège-Cap-Ferret
61
RC
164 avenue Charles de Gaulle, Bordeaux-Caudéran
62
HI
chemin Bouchet, Pompignac
63
HI
12 avenue Derby, Grand-Caillou, Eysines
64
HV
18 avenue de la Pointe aux chevaux, Grand-Piquey, Lège-Cap-Ferret
65
BI
453 route de Toulouse, Villenave d’Ornon
66
HV
6 rue Voltaire, Lacanau
67
BI
87 avenue John Fitzgerald Kennedy, Mérignac
68
GH
rue des Sablons, Saint-Médard-en-Jalles
69
HV
17 avenue Piquepoul, La Vigne, Lège-Cap-Ferret
70
HI
ancienne avenue de la Victoire, Cenon
71
BI
zone industrielle, Libourne
72
HV
9 avenue des Oeillets, Anglet
73
HI
3 rue des Rosiers, Hendaye-Plage
74
RC
455 route de Toulouse, Villenave-d’Ornon
75
BI
rue du Médoc, Saint-Estèphe
76
HV
68 avenue du Merlot, La Vigne, Lège-Cap-Ferret
77
HI
9-11 allée de Montesquieu, Bordeaux-Caudéran
78
RC
163 Fournié-Ouest, Saint-Morillon
HI = Habitaton individuelle, HV = Habitation de vacance, GH = Groupement d’habitations, CH = Collectif d’habitations IB = Immeuble de bureaux, BI = Bâtiment industriel, RC = Équipement religieux ou culturel, ES = Équipement scolaire
ANNÉES
N°
COMMANDITAIRES
ARCHITECTES
1965
79
M. Tropis
Salier-Courtois
1966
80
«Arcachon Marines» (460 logements)
Salier-Courtois-Sadirac
81
Résidence du Parc de Capeyron (800 logements)
Salier-Courtois-Sadirac
82
Résidence Saint Bris
Salier-Courtois-Sadirac
83
M. Cazenave
Salier-Courtois-Lajus-Sadirac
84
M. Claude Petit Brisson
Salier-Courtois-Sadirac
85
Chapelle Saint-Amand
Salier-Courtois-Sadirac
86
Résidence des Primevères (9 appartements)
Salier-Courtois-Sadirac
87
M. Pierre Lajus
Lajus
88
M. Jacques Salier
Salier-Courtois-Sadirac
89
Église Saint-Esprit
Salier-Courtois
90
Bureaux du C.I.L.G.
Salier-Courtois-Sadirac
91
Chapelle Notre-Dame de la Forêt
Salier-Courtois-Lajus-Sadirac
92
Usine Colora
Salier-Courtois-Sadirac
93
M. Jarach
Salier-Courtois-Sadirac
94
M. René Geneste
Salier-Courtois-Lajus-Sadirac
95
M. Panouse
Salier-Courtois-Lajus-Sadirac
96
M. Poutou
Salier-Courtois-Lajus-Sadirac
97
Bureaux de L’agence
Salier-Courtois-Lajus-Sadirac
98
Bureaux du Crédit Agricole
Salier-Courtois-Lajus-Sadirac
99
M. Jean-Claude Martineau
Salier-Courtois-Sadirac
100
M. Treptow
Salier-Courtois-Lajus-Sadirac
101
Résidence de Compostelle (500 logements)
Salier-Courtois-Lajus-Sadirac
102
Hameau de Roubaneyres (80 logements)
Salier-Courtois-Lajus-Sadirac
103
Groupe d’habitations «Le Bourgailh»
Courtois-Sadirac
104
M. Bourdet
Salier-Courtois-Lajus-Sadirac
1967
1968
N°
TYPES
ADRESSES
79
HI
Gradignan
80
GH
avenue du Général Leclerc, Arcachon
81
CH
avenue des frères Robinson, Mérignac
82
GH
rue Roger Robert, Villenave d’Ornon
83
HV
avenue Muscadelle, La Vigne, Lège-Cap-Ferret
84
HV
7 avenue du Muscla, L’Herbe, Lège-Cap-Ferret
85
RC
171 avenue Louis-Barthou, Bordeaux-Caudéran
86
CH
12 rue Jean Cocteau, Bordaux-Caudéran
87
HV
quartier Pourtazous, Barèges
88
HV
10 chemin Sonney, Latresnes
89
RC
rue Jacques Thibaud, cité carriet, Lormont
90
IB
122 rue Croix de Seguey, Bordeaux
91
RC
3 allée de la Chapelle, Lège-Cap-Ferret
92
BI
Zone industrielle du phare, Mérignac
93
HI
avenue d’Eysines, Bordeaux-Caudéran
94
HV
29 avenue louis-Gaume, Pyla-Plage, La-Teste-de-Buch
95
HI
Camblanes
96
HV
La pointe aux Chevaux, Lège-Cap-Ferret
97
83 avenue John Fitzgerald Kennedy, Mérignac
98
IB
122 boulevard Carnot, Agen
99
HV
Piraillan-Forêt, Lège-Cap-Ferret
100
HV
29 rue Léon-Dominique, Lacanau
101
CH
rue de compostelle, Pessac
102
GH
route de Roubaneyre, Saint-Estèphe
103
GH
Bourgailh, Pessac
104
HI
20 Chemin du Foin, Saint-Aubin-de-Médoc
HI = Habitaton individuelle, HV = Habitation de vacance, GH = Groupement d’habitations, CH = Collectif d’habitations IB = Immeuble de bureaux, BI = Bâtiment industriel, RC = Équipement religieux ou culturel, ES = Équipement scolaire
ANNÉES 1968
1969
1970
1971
N°
COMMANDITAIRES
ARCHITECTES
105
M. Gazeau
Salier-Courtois-Lajus-Sadirac
106
«Le Hameau de Noailles» (190 logements)
Salier-Courtois-Lajus-Sadirac
107
«Les Jardins de Gambetta» (128 logements)
Salier-Courtois-Lajus-Fouquet
108
M. Germain Viala
Salier-Courtois-Lajus
109
M. Pouyanne
Salier-Courtois-Lajus-Fouquet
110
M. Guy Ferrière
Salier-Courtois-Lajus
111
M. Philippe Anfray
Salier-Courtois-Lajus-Sadirac
112
M. Patoiseau
Salier-Courtois-Lajus-Fouquet
113
M. Caron
Fouquet
114
Centre social de Capeyron
Salier-Courtois-Lajus-Sadirac
115
Résidence «Viala Turenne» (30 logements)
Salier-Courtois-Lajus
116
M. Guirmand
Salier-Courtois-Lajus
117
M. Jacques Garrigue
Salier-Courtois-Lajus
118
Établissement monétaire de Pessac
Salier-Courtois-Lajus-Fouquet
119
M. Yves Salier
Salier
120
M. Jean Boisseau
Salier-Courtois-Lajus-Sadirac
121
Pavillon du CIVB
Salier-Courtois-Lajus-Fouquet
122
M. Leblanc
Salier-Courtois-Lajus-Fouquet
123
Bureaux Desse (Vilquin SA)
Salier-Courtois-Lajus-Fouquet
124
M. Adrien Courtois
Courtois
125
Centre Jasmin
Salier-Courtois-Lajus
126
M. Patrick Fouquet
Fouquet
127
Mme Holier
Salier-Courtois-Lajus-Fouquet
128
Clinique psychiatrique des pins
Salier-Courtois-Lajus
129
M. Francis Manoux
Salier-Courtois-Lajus-Fouquet
130
Comptoir français d’outillage
Salier-Courtois-Lajus-Fouquet
N°
TYPES
ADRESSES
105
HI
374 Canteloup, Baurech
106
CH
rue de la Vieille-Tour, Talence
107
CH
rue Georges Bonnac, quartier Mériadeck, Bordeaux
108
HV
4 impasse de la pointe aux chevaux, Le Canon, Lège-Cap-Ferret
109
HV
13 avenue Bernet, L’Herbe, Lège-Cap-Ferret
110
HI
12 avenue des Tabernottes, Yvrac
111
HI
4 chemin de Lagune-Plate, Le Taillan-Médoc
112
HI
22 avenue du Pineau, l’Herbe, Lège-Cap-Ferret
113
HI
15 rue des Girolles, Saint-Jean-d’Illac
114
RC
rue Jean Giono, Mérignac
115
CH
275 rue Turenne, Bordeaux
116
HV
rue Léon Dominique, Lacanau
117
HI
chemin de mounède, Bayonne
118
BI
voie romaine, parc industriel Bersol, Pessac
119
HI
376 avenue de la Libération Charles de Gaulle, Le Bouscat
120
HI
9 Chemin de Calonne, Carignan-de-Bordeaux
121
IB
Parc des expositions, Bordeaux-Lac
122
HI
avenue de Magudas, Mérignac
123
IB
chemin Richelieu, Floirac
124
HV
Soulan Saint-Lary
125
RC
rue du Docteur Roux, Bordeaux
126
HI
5 place de Leyre, Bordeaux-Caudéran
127
HV
avenue Bernet, L’Herbe, Lège-Cap-Ferret
128
rue du Blayais, Pessac
129
HV
22 avenue du Chasselas, Lège-Cap-Ferret
130
BI
2 rue René Magné, Bordeaux
HI = Habitaton individuelle, HV = Habitation de vacance, GH = Groupement d’habitations, CH = Collectif d’habitations IB = Immeuble de bureaux, BI = Bâtiment industriel, RC = Équipement religieux ou culturel, ES = Équipement scolaire
01
04 03
RN 1
0
ROYAN
SAINT ESTÈPHE 100 75 LACANAU 116 21 D 106 66
RN
GALGON 09
71
102
89
18
LIBOURNE
BORDEAUX BAURECH 78 105
SAINT MORILLON
N
R
22
11 3
41
BAYONNE
98
AGEN
TOULOUSE RN 117
TARBES
87
BARÈGES
124
SAINT LARY
MEDOC
LACANAU SAINT AUBIN DU MEDOC
LE TAILLAN MEDOC
104 111
08
EYSINES
LE HAILLAN
MAGUDAS 68
122
93
30 92
97 67
28
81
114
29 55
MÉRIGNAC
34
77 86
11
47
113 43 58
SAINT JEAN D’ILLAC
103
40
PESSAC
15
128
ARCACHON
126 47
CAU
LE CAP-FERRET 44
85
118
GRADIGNAN
PARIS
121
BRUGES
89
130
YVRAC
08
LORMONT
110
LIBOURNE
119 93
LES QUATRE PAVILLONS 70
45 77
85
125
126 36 86 47 4 13
AN
115 90 39 23 19
61
05
BORDEAUX 107
CENON
26
62
BERGERAC
10
42
CAUDÉRAN
FLOIRAC
02
07
37
24
56 25 59
123
CARIGNAN
48 33 53
106
TALENCE
BÈGLES 17
101 12
79
120
82
38
65 57
LA TRESNE
74
VILLENAVE D’ORNON
BAYONNE
88
15
TOULOUSE
CAMBLANES 95
64 16 108
96
LE PIQUEY
81 91
49 129
35 PIRAILLAN
LE CANON 52 84 112
127 109 98 L’HERBE
60
54
76 69
LA VIGNE
83 51
L
46
LE CAP-FERRET
LÈGE 27
ARÈS 36
ANDERNOS 14
ARCACHON 06
LE CAP-FERRET
50
94
80
PILAT PLAGE
SAINT JEAN DE LUZ 73
HENDAYE
20
31
RN RN 10 10
ANGLET ANGLET
AD AO DU OR UR
7171
BIARRITZ BIARRITZ
BAYONNE BAYONNE 117117
Z
CAMBO CAMBO