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Commentaire de vidéo : archive « Le Corbusier expose son plan d’urbanisme pour Paris »_

Charles Edouard Jeanneret, dit Le Corbusier (1887-1965), est un homme de génie et le plus influent du XXème siècle. Suisse puis naturalisé français en 1930, il est le premier architecte à pratiquer son métier à l’échelle mondiale. C’est un homme qui a « dérangé par le passé et qui dérange même encore après sa mort ». Nous lui devons pour beaucoup dans ses théories et ses recherches, notamment dans le milieu de l’architecture : inventeur du Modulor ou encore de l’ « unité d’habitation », il est aussi sculpteur et peintre. Architecte et urbaniste, il est avant tout un homme moderne qui est porté par des idées révolutionnaires voire utopiques et surréalistes. Que signifie exactement le projet d’urbanisme pour Paris tel que présenté par Le Corbusier ? Il s’agit d’un projet qui porte le nom de « Plan Voisin » et qu’il présente lors de l’interview de Jean-Marie DROT, classé aux archives de l’Institut National de l’Audiovisuel (INA). Ce projet, imaginé épisodiquement entre 1922 et 1940 pour Paris, comprend la création de deux éléments : une cité d’affaire (sur deux-cent quarante hectares) qui sera par la suite appelée « métropole des échanges » comptant pas moins de dix-huit tours et une cité de résidence. Concernant la cité des affaires, les plans de 1922 et 1925 prévoient de l’établir à la place des quartiers qui s’étendent au sud des hauteurs de Montmartre et des Buttes-Chaumont. Un ultime projet verra le jour et réduira le nombre de gratte-ciel à quatre. On ne trouve d’ailleurs aucune information qui atteste de ce choix. Ces quatre tours de deux cent mètres de haut et espacées de quatre-cent mètres, chacune laissent place à douze mille mètres carrés de parcs. Plus précisément, les grands axes originels sont conservés, les autres sont travaillés de telle sorte à former une « croisée d’axes » dont le plus important est l’axe Est-Ouest qui permet de renforcer l’unité de la ville de Paris contrairement au projet Haussmannien qui l’avait selon lui détruit. Le Corbusier affirme que « l’automobile a tué la grande ville, l’automobile doit la sauver ». Quelque soit son projet urbain, on voit émerger des structures qui allient monumentalité, méga-structures et collectivités. Ainsi, dans sa ville moderne, Le Corbusier travaille avec une forte imbrication de l’habitat et du trafic routier. Voies et habitats sont traités comme un système unique intégré au site. Le passé historique est conservé (Cathédrales, Eglises, etc.) tandis que les quartiers du « Marais », des « Archives » et du « Temple » seraient détruits. A travers le « Plan voisin », Le Corbusier souhaite transformer l’espace architectural de la ville. Cette ville, qui nait près d’un fleuve : la Seine, s’étend au temps des carrosses et à l’ère machiniste. Elle développe aussi des cités industrielles et par la suite des cités ouvrières ; tout cela par « ceintures successives » jusqu’à former une « ville tentaculaire », ce qui n’est pas pour lui la vision d’une ville idéale. De 1914 à 1922, Charles Edouard Jeanneret se nourrit de différents mouvements (futurisme, constructivisme, etc.) pour imaginer des gratte-ciel. C’est une réponse cohérente avec les enjeux de l’époque. En effet, cette idée de gratte-ciel, (« unité urbanistique » qui tue l’isolement), à la forme cruciforme, joue en terme d’économie d’espace au sol dans un temps. Puis dans un second temps, les immeubles dressés sur pilotis dégagent un espace pour pouvoir créer à leurs pieds une « ville verte » arborée d’arbres. Il affirme que « En pleine cité d’affaires, là où peuvent s’élever des gratte-ciel, la ville pourtant reste verte, les arbres sont rois ; les hommes, sous leur couvert, vivent sous l’égide de la proportion : le rapport nature-homme est rétabli ». Il prend aussi en considération les afflux massifs de circulation aussi bien piétons que routiers. Le Corbusier travaille aussi sur des plans annexes, utopiques, théoriques, sans lieu, comme la « Ville Radieuse » de 1930, ou encore la « Ville contemporaine de trois millions d’habitants » de 1922. Le projet final du « Plan Voisin » de 1925 pourrait être une transposition du schéma de la « Ville contemporaine de trois millions d’habitants » dessiné en 1922. On y retrouve ses idées de tours cruciformes, ses idées d’axes de circulation tant Nord-Sud qu’Est-Ouest qui établissent une percée dans la ville à la manière Haussmannienne pour former en son coeur une centralité de projet. Comme ses contemporains et particulièrement le Bauhaus, l’architecte Suisse pense l’aménagement du milieu urbain comme un « continum de son architecture et de son oeuvre plastique » : « Architecture et urbanisme sont solidaires, indissociables » Finalement, Le Corbusier ne fait qu’appuyer son plan sur des éléments dont on a déjà connaissance : la rationalité et l’hygiène. On parle de rationalité à l’usine avec la méthode de travail du Taylorisme avec la division des tâches. Ici, la ville est divisée par fonctions : Affaires, habitations, manufactures, grandes industries, etc.


Il s’appuie notamment sur le principe hygiéniste, apparu à la fin du XIXème siècle par l'urbaniste britannique Ebenezer Howard qui théorise le mouvement de « cité-jardin ». Le projet de Le Corbusier est simplement de donner lieu à un nouveau Paris : lutter contre l’insalubrité et contre le développement « tentaculaire » de la ville, à l’allure d’une « nappe géante » et apporter à son projet la verticalité. A l’époque où Le Corbusier s’essaie sur ses théories urbaines, nous sommes dans les années 1920. En 1923 et pas avant, on prend réellement conscience avec l’engouement des médias que la discipline de l’urbanisme est une activité récente et une question vitale pour les villes. Cette prise de conscience de l’importance de l’urbanisme ne se serait pas réalisée sans l’intervention des médias. En effet, la publication de ses projets aux travers des livres et des expositions ne donnaient suite. Puis dans les années 1930, les projets sont abondants, notamment les plans successifs pour la ville de Paris, qu’il s’attache à produire pendant plus d’une trentaine d’années. Il propose une dizaine d’interventions sur la ville de Paris dont témoignent des livres tels que « Destin de Paris », ou encore « Les Plans de Paris, 1956-1922 » dans un climat de crise économique et avec la préparation de l’Exposition internationale de 1937. De plus, à travers les travaux des Congrès Internationaux d'Architecture Moderne (CIAM), sur la ville rationnelle émerge quatre grands principes portant sur « habiter, se recréer, travailler, circuler ». Ce sont des points mis en exergue avec conviction dans chacun de ses projets urbains, Rio de Janeiro, le « Plan Obus » d’Alger, mais encore dans le « Plan Voisin » de Paris. Après avoir oeuvré dans un contexte sans doute marqué par de nouvelles théories urbaines et les climats de 1929 et de 1937, Le Corbusier était motivé par d’autres facteurs qui déterminent sont acharnement pour ses dessins du nouveau Paris. En effet, « Le centre de Paris, actuellement menacé de mort, menacé d’exode, est en réalité une mine de diamants.[…] Limiter le programme de l’urbanisme de Paris à la route Triomphale et abandonner à son sort le centre de Paris, c’est déserter devant l’ennemi ». Il considère l’espace où s’inscrit son projet comme un espace vétuste et malsain de Paris, notamment les quartiers les plus infects aux rues étriquées. Dans un contexte d’urgence, il a une volonté de marquer les esprits, par sa posture politique « fascisante ». Pour conclure, durant le XXème siècle, le concept de planification est réellement présent. On fait face à l'urbanisation massive, à l'accroissement des populations et au phénomène de l'industrialisation. Cette planification fait face aux contraintes, aux attentes de l'industrialisation et se caractérise par quatre phases : on propose des solutions aux problèmes de la ville ancienne en faisant l'extension de la ville hors de la ville (1898 : Ebenezer Howard cité-jardin). On souhaite raser la ville traditionnelle, c’est le Mouvement moderne et la ville contre la ville. Il faut des villes nouvelles pour l'Homme nouveau (XXème siècle : Le Corbusier). Il est contre le principe d’Ebenzer Howard qui, pour lui, est un danger de « désurbanisation » : les cités jardins ne sont qu’une fausse solution et conduisent à « un isolement stérile de l’individu qu’elles maintiennent dans un esclavage organisé par la société capitaliste ». Il proposera donc des tours verticales, opposées aux cités jardins horizontales, cellesci dévoreuses d’espace. Ensuite, on souhaite un retour à l'urbain avec la ville sur la ville, travail de réhabilitation/ rénovation dans les années 1970-1980 : Fernand Pouillon, etc. Enfin, on souhaite la ville territoire avec la facilité des mobilités, faite de juxtaposition de choses hétérogènes pour construire des polarisations. Le Corbusier a beaucoup écrit et on assiste à une réorganisation de la société. Il veut faire table rase de la ville ancienne, considérée comme sale. Il souhaite construire la ville nouvelle, avec des Hommes qui font du sport (« concept d’ordre, santé, air, soleil et nature »). Il propose un milieu bâti en tenant compte de la révolution chimique et de l’ère machiniste : ses esquisses se positionnent comme une tentative de solution hygiéniste avant-gardiste même si ses projets urbains resteront sans succès et connaîtront de nombreux refus. Le Corbusier, dans sa vision prospective de l’architecture, s’adonne sans cesse à esquisser des idées théoriques pour un Paris, une ville meilleure. Enfin, son travail est essentiel mais il n’en reste pas moins aujourd’hui qu’un projet de référence. Ses théories amèneraient à être transposées dans un contexte du XXIème siècle, avec des considérations, des enjeux et des aboutissants différents que ceux qui l’encourageaient. « La révolution urbanistique seule instaurera les conditions d’une révolution de l’art et du logement ». ​


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