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RENCONTRE I « On ne peut pas réhabiliter sans comprendre ce patrimoine ».
from Cosy Mountain #53
ARCHITECTURE VERNACULAIRE
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Passionnée d’architecture vernaculaire, Elsa Martin-Hernandez, architecte du patrimoine, architecte-conseillère du Caue74, intervient pour le compte des 22 communes de la communauté de communes du Pays d’Évian et de la Vallée d’Abondance. Elle rencontre et éclaire tous ceux qui ont un projet de construction, rénovation, réhabilitation sur ce territoire.
RECUEILLIS PAR PATRICIA PARQUET. CROQUIS D’ELSA MARTIN-HERNANDEZ
Les anciennes fermes participent à l’identité et au charme de la Vallée d’Abondance. En quoi sont-elles uniques ? Ce sont des fermes doubles qui hébergent deux familles, avec deux écuries, deux granges... tout est en double. La taille des façades est impressionnante et reste unique en son genre : 30 mètres de large alors qu’une ferme classique dans les Alpes mesure 15 mètres environ.
Est-ce un patrimoine menacé, en voie de disparition ou très recherché ? Les fermes traditionnelles sont rares à la vente. Parfois abandonnées, certaines se sont écroulées. Ce n’est pas fréquent car les habitants savent qu’elles ont de la valeur. Ce qui pose problème, c’est la banalisation des interventions sur ce style de patrimoine ou le non-respect de cette symétrie des demi-fermes mitoyennes qui en fait le caractère.
Infos pratiques
• Elsa Martin-Hernandez reçoit sur rendez-vous toutes personnes ayant un projet, 2 jours par mois dans les locaux de la CCPEVA à Publier, pour les 22 communes de la Communauté de communes du Pays d’Evian-Vallée d’Abondance, labellisées ensemble Ville et Pays d’art et d’histoire. Sur rendez-vous : tél. 04 58 57 03 00.
• L’architecte-conseillère a rédigé un cahier de recommandations consultable en ligne gratuitement ; il concerne aussi d’autres typologies de bâtiment. Il est conseillé aux personnes qui ont des projets de le consulter avant de venir aux permanences de conseil du CAUE afin de mieux préparer le rendez-vous. À retrouver sur : www.cc-peva.fr
ARCHITECTURE VERNACULAIRE
Que trouvez-vous de plus intéressant dans cette architecture vernaculaire ?
Sa capacité à évoluer est intéressante, car les fermes gardent leurs particularités même si elles ont été adaptées au goût du jour, au fil du temps ; certaines existent depuis le XVIIIe siècle. Cette architecture est remarquable par son adaptation à la pente. Sa conception est très fonctionnelle : avec la partie habitation maçonnée, orientée au soleil et à l’arrière la grange avec un accès de plain-pied. Autre point caractéristique : un grand toit à deux pans qui abrite tout y compris les galeries et leurs garde-corps ouvragés en bois qui racontent tous, une histoire différente. Cela m’attriste de voir les mêmes garde-corps partout dans les Alpes car cela banalise le patrimoine.
Diriez-vous que bien connaître ces fermes aide à mieux les restaurer ? On ne peut pas réhabiliter sans comprendre. Il faut prendre le temps de dessiner la ferme, la photographier et la comparer avec d’autres fermes anciennes à proximité avant d’envisager des modifications. Concrètement, dans la partie maçonnée, il existe des ouvertures régulières, on ne peut pas changer les percements. Tout doit être pensé sur-mesure avec autant d’intelligence et de bons sens que les anciens.
Comment réhabiliter ce patrimoine ? Commencer par effectuer un relevé et un diagnostic. Il faudra conserver l’aspect de la ferme avec la régularité et les proportions des percements anciens dans la partie maçonnée. Dans les façades en bois, les ouvertures doivent respecter les éléments de structure. Il s’agit aussi de préserver les teintes de bois brun ou grisé qui s’insèrent avec harmonie dans le paysage. Les dérives à éviter lors d’une réhabilitation ?
Le pire consiste à ne pas tenir compte de la demi-ferme mitoyenne et d’ignorer les caractéristiques architecturales des fermes. Il faut éviter de créer des logements dans le fenil sans tenir compte de l’architecture, d’utiliser les fenêtres standardisées, de rehausser la toiture, de lui rajouter des lucarnes et des faîtages secondaires. Il faut être vigilant par rapport à la structure qui est commune aux deux demi-fermes…
Sur le plan de la réglementation, ce qu’il ne faut pas oublier ? Dès qu’il y a un projet de modification sur l’extérieur, il faut déposer un dossier de demande d’autorisation de travaux avant d’engager les travaux. Les façades de la demi-ferme mitoyenne doivent aussi figurer dans le dossier. 6