Friture Mag N°16

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n°16 été 2012

Les cueillettes

de l’utopie

26 De Toulouse à

friches industrielles

Bordeaux

34 Le couple viticulture

Bourguignon dans le Lot

42 Les coulisses portfolio

du Museum de Toulouse

24 75 L’été des LE DOSSIER

Illustration Herbot

possibles

5€


ed to

Y’a plus qu’à ! Et bien non, décidément, nous ne connaîtrons jamais le « Grand soir ». Quelques « Petits matins », à la rigueur, et nous l’espérons. La crise nous colle aux chaussettes. Inventée parfois, amplifiée sans doute, mais bien réelle. C’est pas la joie en France, et encore, estimons-nous heureux lorsque l’on a la curiosité de se pencher par dessus les frontières. Mais qu’est ce qui cloche vraiment ? La finance, le travail, l’économie libérale, de marché ? Avons-nous tant atteints nos rêves et espoirs des luttes passées que l’on n’arrive toujours pas à se sortir de ce marasme ambiant, toujours instisfaits. Que sont devenues nos utopies,? Oh, le vilain mot que voilà encore relancé. L’équation politique vient de changer en France. De nombreux espoirs naissent, mais le vocabulaire reste quasi-identique : «croissance, relance, progrès...». Beaucoup de choses vont certainement évoluer, dans l’éducation donc, le travail, la morale, la solidarité, la tolérance, la finance... Mais avons-nous encore des territoires imaginaires à conquérir, des mondes meilleurs à bâtir ? Elle sont où ces fameuses utopies ? En « aucun lieu », comme le veut l’origine grecque du mot ? Et donc nulle part ? Et pourquoi pas ici, tout près de chez nous, dans le champ du voisin, le projet de l’asso du quartier, le rêve fou ou bien réel d’un collectif d’habitants, d’artistes, de paysans, d’ouvriers.

Nous sommes donc partis à la rencontre de celles et ceux qui cultivent leurs « champs du possible » dans un large dossier qui leur est consacré. De gros trucs totalement fous et des petits machins qui comblent tous ceux qui croient encore à leur petit lopin de bonheur idéal, ou idéalisé. Heureusement, ils sont encore nombreux. De notre côté, nous cultivons également notre parcelle d’utopie. Comme nous l’annoncions dans notre dernier numéro, l’assocation Friture Editions est en cours de transformation en SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif ). Un an après cette nouvelle formule, nous avons rencontré un lectorat qui grandit, sur le site www.frituremag.info, qui compte près de 1000 visiteurs uniques par jour. Et ici-même, sur la formule papier qui est diffusée désormais dans plus de 70 points sur tout le Grand Sud de la France. Démocratie, partage, responsabilité, sont les mots-clés de cette forme d’entreprise coopérative. Trois collèges : rédacteus, lecteurs et toute autre personne morale ou physique, peut entrer dans le capital de la Scic Friture Editions, qui sera constituée d’ici la fin de l’année. Nous avons besoin de vous pour garantir notre indépendance, développer nos projets et publications, consolider l’assise financière du site et du magazine. Si nous inventions ensemble un circuit-court d’infos de proximité, débarassés des intrants publicitaires et spéculatifs ? Chiche

Friture Mag est édité par Friture Editions 9, rue de l’Etoile 31000 Toulouse Contact rédaction : friturelemag@friture.net Responsable de la publication : Philippe Gagnebet Ont participé à ce numéro : Christian Bonrepaux, Christophe Abramovsky, Christophe Pélaprat, Marie-Pierre Buttigieg, Maylis Jean-Préau, Thomas Belet, Philippe Serpault, Katia Broussy, Mathieu Arnal, Nicolas Mathé, Philippe Gagnebet, Armelle Parion, Philippe Bertrand, Grégoire Souchay. Retrouvez tous nos chroniqueurs et journalistes sur www.frituremag.info Photographe : Emmanuel Grimault, Guillaume Rivière Dessins : Pierre Samson, Cécile M. Conception graphique et direction artistique : Sandrine Lucas Mise en page : Alice Bousquet Webmaster site internet : Ludovic Pierquet Imprimé chez Techni Print Imprimerie, Z.I. Albasud - Avenue de Suède - 82000 MONTAUBAN - Tél : 05 63 20 17 18 - Fax : 05 63 20 17 22 sur papier PEFC - N°ISSN 1951-1558 - Commission paritaire 0510G89540

n°15 mars 2012

Éducation Nationale

où va

l’école ?

10 Un souffle nouveau scoP vENt DEbout

12 16

sur l’ Éducation Populaire INcIsIvEs

Qui veut acheter son platane GRAND ANGLE

Gers : rififi chez les poulets

70 demandez le PoLItIquE

Photo Emmanue Grimault

programme !

4,50€


Retrouvez tous nos articles sur www.frituremag.info

sommaire Pages 4 et 5 : AVANT-PROPOS par Emmanuel Grimault Pages 6 à 9 : INITIATIVES – Les choix de Friture Mag Pages 10 à 14 : INCISIVES – A Bugarach, c’est vraiment pas la fin du monde Pages 16 et 17 : GRAND ANGLE - Mettre les barres vers la culture Pages 18 et 19 : MEMOIRE – Les gantiers seront les premiers Pages 20 et 21 : ACTU – La vie après Molex

dossier

Page 22: IDéES RECUES – La misère au soleil

Page 24 :

DOSSIER : l’été de tous les possibles

Pages 26 ET 27 : FRICHES – Le garage moderne à Bordeaux Pages 28 et 29 : FRICHES – La reconversion démocratique de Job Pages 30 et 31 : FRICHES – Hollywood à Francazal Pages 34 et 35 : AGRICULTURE – Lydia et Claude Bourguignon dans le Lot Pages 36 ET 37 : AGRICULTURE – PROMMATA : L’attraction animale Page 38 : AGRICULTURE – Coupes franches à l’ONF Pages 40 ET 41 : SOCIETE –Habitat coopératif sur le canal Page 42 : PORTFOLIO : LES COULISSES DU MUSEUM DE TOULOUSE par Guillaume Rivière Page 59: CULTURE – Arnaud Bernard, place à la culture Page 61 : CULTURE – Les voies des champs de la Talvera Page 62 : CULTURE – A Foix, un festival en résistances Pages 66 ET 67 : BIODIVERSITE – Les signes de l’ours PageS 68 ET 69 : BIODIVERSITE – Vols de ruches PageS 70 ET 71 : SOCIETE – La révolte numérique avance masquée PageS 72 ET 73 : SOCIETE – Pour un revenu minimum d’existence Page 74 : SOCIETE – Marions-nous Gayment

Page 75 : L’ETE DE SAMSON PageS 76 ET 77 : NOUVELLE – Les cigales par Laurent Roustan PageS 78 ET 79 : LIVRES – Les choix de Friture Mag

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avant propos

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– par emmanuel grimault –

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initiatives - les choix de friture Média des possibles dans le Grand Sud

– par nicolas mathé –

La rumeur est bel et bien arrivée jusqu’au

LES NUITS & LES JOURS DE QUERBES

petit village de Querbes. Ces mots de colère, partis de la place Tahrir, de la Puerta del Sol ou du pied des immeubles de Wall Street ont visiblement porté jusqu’à ce hameau perdu entre Lot et Aveyron et émoustillé les organisateurs des Nuits & des Jours.« Avis de grand soir ! », voici donc le thème de cette 15ème édition. Il faut dire qu’à Querbes, on n’a pas découvert l’engagement en 2012 mais après avoir consacré la précédente aux reconduites à la frontière, le temps est à l’optimisme. Pour situer ces trois jours et trois nuits de festoiement dans le paysage des festivals, il faut plutôt regarder du côté des ovnis. Jazz, littérature, performances…Dit comme ça, cela peut paraître austère, mais des concerts qui repoussent les limites du jazz dans des granges, des rencontres avec des écrivains, des débats et des textes lus par des comédiens dans des anciennes étables, ça sent plus la paille, l’odeur de viande grillée, le vin rouge…la convivialité quoi !

Du 9 au 12.08, Querbes, Capdenac-Gare, Capdeville, Figeac (Aveyron), www.querbes.fr, 05 65 64 69 56

Ecaussystème

Gignac est une bourgade rurale qui présente l’étonnante particularité de se situer au carrefour de trois départements (Lot, Corrèze et Dordogne) mais aussi de trois régions (MidiPyrénées, Limousin, Aquitaine). Rien que pour cela, ça vaudrait le coup d’y faire un saut mais il se trouve que le village accueille depuis 10 ans un festival atypique qui mérite le détour. A la base d’Ecaussystème ; quatre potes fous de musiques actuelles, tous engagés dans des mouvements alternatifs, qui décident de secouer leur petit village du Quercy. Des débuts à l’arrache, une sauce qui prend peu à peu, le festival s’enracine et prend de l’ampleur sans toutefois rêver de grandeurs. Car ici on préfère la qualité à la quantité. Les progs d’Ecaussystème sont toujours des subtils mix de bon son et d’artistes engagés. Cette année Zebda, Shaka Ponk, Jimmy Cliff ou Groundation, virtuoses du reggae biberonnés au jazz, sont de la partie. Basé, comme son nom l’indique, sur l’écocitoyenneté, le festival y consacre toute une journée avec un marché éthique, un forum associatif et des conférences sur les enjeux de la transition énergétique. 3 et 4.08, Gignac (Lot), www.ecaussysteme.com

L’Eté

Photographique

de Lectoure

Des mythes fondateurs de l’Amérique Latine version kitsch, desportraitsdefemmesincarcérées en Argentine, des témoignages poétiques de la Pologne sous le régime communiste…Autant d’images et bien plus encore que l’on pourra croiser cet été en flânant du côté de Lectoure. Depuis plus de vingt ans, la cité gasconne regarde en effet le monde à travers les yeux des photographes invités chaque année pour son Eté Photographique.Un festival conçu telle une promenade artistique au cœur même du centre historique et des lieux de patrimoine qui accueillent les expositions. Point d’orgue du travail de fond réalisé par le centre tout au long de l’année, la dizaine d’expositions présentées pour cette nouvelle édition regroupe comme d’habitude des pointures internationalement reconnues comme des jeunes artistes. Les images d’Ananias Leki Dago, considéré comme le photographe ivoirien le plus doué de sa génération, du Polonais Jerzy Lewczynski ou encore celles d’Arnold Odermatt, découvertes bien après sa retraite, côtoieront par exemple le travail de Claudia Imbert, récemment auréolée du prix Arcimboldo 2012. Un joli panorama de la photo contemporaine. Du 21.07 au 26.08, Lectoure (Gers), www. centre-photo-lectoure.fr

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Les 24 heures du swing

FESTIVAL EMMAÜS LESCAR PAU

Prenez un village d’Aquitaine, bastide typique du sud-ouest fondée au XIIIème siècle et imaginez que durant tout un week-end, des notes de jazz s’infiltrent partout, de la halle à la Grande Place en passant par le foyer des jeunes, les arcades, les terrasses de café et les restaurants. Et bien vous avez les 24 heures du swing de Monségur, le festival qui a décidé de casser l’image élitiste du jazz. Un événement à la fois festif, pédagogique et citoyen imaginé par l’Office Monségurais de la Culture et des Loisirs. Créé par une bande de copains en 1982, l’OMCL a démarré en sauvant le cinéma du village avant de grandir et d’entraîner tout le village dans son aventure. Autant dire que la chaleur humaine signifie quelque chose à Monségur et le festival s’est en effet donner pour mission de cultiver la proximité entre les festivaliers et le public. De par sa qualité et sa variété, la liste des artistes passés par Monségur donne, elle, le tournis. Et ce n’est pas près de s’arrêter puisque Fred Wesley, ex directeur musical de James Brown, Craig Adams, neveu de Fats Domino ou Riccardo Del Fra sont présents cette année.

Osons risquer l’utopie, 30 ans que ça dure. Trente ans que la communauté Emmaüs Lescar Pau est à la pointe de la lutte contre toutes formes d’exclusion en développant des projets (accueil inconditionnel, village en éco-habitat, ferme alternative...) qui ont pour but de remettre l’humain au centre des débats. Et pour fêter dignement cet anniversaire, les compagnons ont concocté un festival coloré et interculturel articulé autour de trois temps forts. Un grand Forum Mondial de la Pauvreté avec des intervenants de « renom » comme Gus Massiah, Jean Ziegler, Samir Amin, Paul Ariès et bien d’autres, des animations de rue et enfin une scène internationale de haut vol savamment métissée. Calle 13, les enragés portoricains, chantres de l’unité latino-américaine, Gogol Bordello et leur punk tzigane, l’héritier de l’afrobeat, Femi Kuti ou encore Massilia Sound System, Alborosie, Asian Dub Foundation…Tous sont là pour montrer que lutte et réflexion ne sont pas incompatibles. Ou le parfait reflet d’un festival totalement indépendant puisque ne recevant aucune subventions.

6 au 8.07, Monségur (Gironde), www.swing-monsegur.com, 05 56 61 89 40

Du 24 au 26.07, Communauté Emmaüs Lescar-Pau (Pyréneés-Atlantique), www.emmaus-lescar-pau.com, 05 59 81 17 82

Les Guitares Vertes Qui a dit qu’il ne se passait plus rien dans nos campagnes ? Voici encore un exemple d’initiative visant à ramener la culture en milieu rural. Cela se passe dans le Périgord Vert, ainsi nommé par Jules Vernes, il faut le savoir. Et le meilleur moyen pour découvrir cette partie de territoire de la Dordogne, c’est encore de suivre le programme préparé par l’équipe de travailleurs sociaux qui est à la base des Guitares Vertes. Cela commence par un grand repas suivi d’un cabaret participatif à Saint-Jory de Chalais, avant des concerts à Jumilhac (Debademba),

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Lanouaille (Mbata Kongo) et à Thiviers avec le groupe Gnawa Diffusion qui après 5 ans d’absence revient revigoré par les colères des pays arabes. Le tout entrecoupé de ciné-concerts et de « griot-ciné » dans d’autres communes voisines. On l’aura compris, Les Guitares Vertes est un festival ouvert tant sur son territoire que sur des horizons lointains mais aussi sur l’humain. L’équipe technique accueille ainsi depuis deux ans des toxicomanes en cure afin de les revaloriser par le travail. Du 5 au 21.07, Saint-Jory de Chalais, Jumilhac, Thiviers et Lanouaille (Dordogne), www.guitaresvertes.fr, 05 53 52 55 43


initiatives - les choix de friture Média des possibles dans le Grand Sud

Terre de

Couleurs

Festival de Langlade Rencontre au jardin

A des années lumières des festivals rouleaux compresseurs qui empilent sur leurs affiches les noms de groupes à la mode et bien souvent éphémères, voici Terre de Couleurs. Peut-être le festival qui en terme de musique se montre le plus original, le plus aventureux et le plus éclectique. D’ailleurs, pour les oreilles esthètes en quêtes de sonorités venues d’ailleurs, traditionnelles ou actuelles, Terre de Couleurs est devenu un label, un festival ou l’on se rend sans même regarder l’affiche. Un petit coup d’œil tout de même pour observer que cette année les possibles trouvailles viennent d’Algérie, de la Réunion, du Sénégal ou de Lettonie. Une grande place est faite à la chanson française alternative ainsi qu’aux groupes locaux. Seul nom « ronflant » et temps fort pour le moins excitant, celui de Balkan Beat Box, fanfare punk survitaminée qui mêle musiciens arabes et israéliens, ryhtmes orientaux et d’Europe de l’est. Un hymne en soi à l’abolition des frontières, comme ce festival enraciné dans un écrin de verdure et qui de surcroit ne se gêne pas pour dire ce qu’il pense de ce monde via des débats et des animations autour de l’économie sociale et solidaire.

Voici un évènement imaginé avant tout par besoin d’aventure collective et désir de créer du lien social. Avant même la dimension culturelle et artistique. Organisé par le foyer rural de Langlade Brenoux, ce festival qui a lieu tous les deux ans est entièrement conçu autour du lien entre l’homme et son environnement. Et durant quatre jours, la petite commune de Langlade en Lozère se transforme ainsi en véritable fourmilière alternative. La journée, c’est tout le village, des lieux de patrimoine aux jardins ou même chez l’habitant, qui grouille d’activités. Randonnées, conférences, expos, créations collectives et ateliers innombrables (jardinage bio, sophrologie, vannerie…), il y en a pour tous les gouts. Les soirées, elles, sont consacrées aux concerts, à la danse, au cirque et au théâtre. Bref, un festival qui ressemble à un joyeux fourre-tout un brin bordélique mais qui rassemble de fait tous les ingrédients qui permettent de mieux vivre ensemble. Du 27.08 au 1er.09, Langlade, Brenoux (Lozère), www.festival.foyer-langlade.fr, 04 66 48 00 19

Les Nuits

Du 20 au 22.07, Daumazan-sur-Arize, Ariège, www.terredecouleurs.asso.fr

Les rencontres

cinema de Gindou

de Sel

La danse contemporaine n’est certes pas la plus populaire des disciplines artistiques. Mais l’avantage des Nuits de Sel, c’est que l’on soit amateur éclairé, sceptique ou bien tout simplement ignorant, la perspective d’ajouter la féérie du décor à la beauté des mouvements de corps est le gage d’une expérience visuelle unique. Profitant des atouts naturels de la Camargue, la scène de ce festival créé en 2002 est en effet située dans un cadre exceptionnel, au pied des remparts d’Aigues-Mortes, entre les camelles de sel des Salins du Midi et la cité médiévale. Pas étonnant qu’un tel site ait accueilli les grands noms de la danse contemporaine comme Mathilde Monnier, la compagnie Kâfig, Rafael Campallo ou encore le Ballet Royal du Danemark. Cette année, la compagnie Anne Marie Porras, installée à Montpellier, débarque en voisine avec son spectacle Zadir et le dimanche, place au Victor Ullate Ballet, du nom de son fondateur, repéré par un certain Maurice Béjart en 1965. 7 et 8.07, Aigues-Mortes, Gard, www.ot-aiguesmortes.fr

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Et si on regardait le cinéma autrement ? C’est le crédo des Rencontres Cinéma de Gindou, petite commune lotoise qui résiste à l’industrie du prémâché et voit depuis 1985, date de la création du festival, affluer un public de plus en plus nombreux chaque année à la fin du mois d’aout. Pendant une semaine, ce sont plus de 100 films qui sont proposés pour une véritable orgie de 7ème art. Les œuvres sont réparties en trois sélection s : une rétrospective des films d’un auteur, qui devient le parrain de l’édition, les Vagabondages Cinématographiques (des courts et longs métrages, de fiction ou documentaires, tous récents et certains inédits) et des films du patrimoine proposés par La Cinémathèque de Toulouse. Alors certes Gindou n’a pas le glamour de Cannes, mais ici on compense l’absence de robes de soirées par la proximité entre festivaliers et invités via des « tchatches » quotidiennes ou des apéro-concerts. Et enfin, cerise sur le gâteau, depuis 2007 les projections du soir, gratuites et en plein air se déroulent dans le cinéma de verdure, 700 places sous le ciel étoilé de Gindou. Un lieu unique en Europe. Du 18 au 25.08, Gindou, Lot, www.gindoucinema.org


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grand angle

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Bugarach, C’est vraiment pas la fin du monde – Par Philippe Serpault –

Les Mayas ont bouleversé malgré eux la vie de ce petit village des Corbières, abrité par un pech qui alimente depuis des siècles les légendes. C’est ici, qu’au mois de décembre 2012, devrait survenir la fin du monde selon le calendrier de nos amis disparus. Sur place, on aime bien se positionner en irréductibles Audois. Contre vents et légendes.

«

« Et quel chemin de l’enfer, mieux que cela, des Corbières ! » Ainsi s’exprimait, au milieu du XIXe siècle, un maître d’hôtel de Carcassonne à l’adresse de deux voyageurs intrépides qui souhaitaient se rendre dans les Corbières (1), siège de tous les fantasmes. Le point culminant de ce massif pré-pyrénéen porte en lui une particularité à la fois géologique et géographique. Sans compter les légendes qui s’y accrochent aussi facilement que les nuages poussés par le Cers. Le pech de Bugarach est couramment appelé la montagne inversée, ce qui lui donne déjà une touche ésotérique supplémentaire pour exciter les fantasmes. Ce massif sédimentaire qui fut immergé jusqu’au retrait des océans, se vit bousculer par la formation des Pyrénées, laissant apparaître les roches métamorphiques en sa partie supérieure. Ce phénomène de basculement s’observe régulièrement en lisière de la faille nord-pyrénéenne. La situation géographique du pech a fait de cette éminence le point de concours d’une triple influence climatique -méditerranéenne, atlantique et montagnarde- qui se traduit par une diversité remarquable de la flore et de la faune. D’autre part, d’aucuns ont cru déceler en ce lieu des courants telluriques singuliers. De quoi alimenter un des levains de l’ésotérisme ambiant, faisant du village le siège de stages de magnétisme.

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grand angle Un village ordinaire Sur la commune, six agriculteurs exploitent les terres et pratiquent l’élevage, une école maternelle, issue d’un regroupement pédagogique intercommunal, et une agence postale complètent un quotidien de village de montagne. Une maison de la randonnée accueille les randonneurs du “sentier cathare” en gîte et un restaurant régale les visiteurs de passage comme les habitants. Bugarach ressemble à un village tout à fait ordinaire où des panneaux “à vendre” fleurissent sur les maisons ; cependant, l’un d’eux, portant la mention « curieux s’abstenir », en dit long sur l’état d’esprit des habitants. Bugarach vit son quotidien comme d’habitude avec toutefois une inquiétude qui ne dit pas son nom. L’année 2011 a fait crouler sous le rouleau compresseur médiatique ce village où, déjà, les légendes faisaient leur terreau. Au Relais de Bugarach, on peut trouver du vin de la cuvée “Bugarach 2012”, produit dans la vallée des Fenouillèdes. Ici, on ne donne pas plus de crédit que cela à cette histoire de fin du Monde : « Cette histoire donne une image fausse, les visiteurs sont surpris de voir un village normal », constate Corine Leblanc qui a ouvert son échoppe voici deux ans. Au restaurant, Cathy Vies juge que ces annonces intempestives ne sont pas une bonne opération : « Les randonneurs n’ont pas envie de voir des gens qui font des prières en cercle au sommet du pech. » Cependant, le pech de Bugarach a régulièrement fait travailler les imaginations, et l’annonce que la fin du Monde, supposée prévue pour le solstice d’hiver 2012, épargnerait Bugarach, n’a pas vraiment étonné le maire de la commune. « Il y a toujours eu des phénomènes comme cela, cette montagne dominante par rapport à toute la région attire de nombreux visiteurs en recherche de divagations », JeanPierre Delord préside aux destinées de la commune depuis

trente-cinq ans. Malgré ses récurrences, cette fin du Monde-là a quelque peu inquiété le premier magistrat voici un an, quand l‘affaire a pris de l’ampleur sur Internet : « Jusque-là, ça ne dérangeait personne, mais il ne faudrait pas être submergé par un flot de population ». Alertée, la préfecture a pris acte et conseillé de ne pas en rajouter. Sauf que l’édile a fait le buzz dans la presse : « Ç’aurait été une erreur de ne pas en parler, il a fallu faire des mises au point », se justifie le maire. Cela étant, le nombre de visiteurs sur le sentier conduisant au sommet du pech depuis le col de Linas a doublé en une année pour atteindre vingt mille personnes en 2011 : « On a dû nettoyer le pech de symboles divers », confirme Jean-Pierre Delord. Au sujet du marché de l’immobilier, celui-ci est en augmentation constante dans le département depuis quinze ans et Bugarach n’a pas échappé à ce phénomène qui ne doit rien aux Mayas. En vertu de l’adage « puisque ces événements nous dépassent, feignons d’en être les organisateurs », le maire souhaite engager une étude sur la faisabilité d’un centre de mythoethnologie qui aurait l’avantage de canaliser le flux éventuel. Dans le village règne un sentiment partagé d’affliction et de lassitude. Derrière sa longue-vue, Thierry Rutkowski scrute un point précis dans la montagne : « J’ai pris la nature dans la gueule en arrivant ici », il s’est installé à Bugarach à la faveur d’un emploi à l’Office National des Forêts dans les années quatre-vingt.

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La lassitude des habitants Aujourd’hui à la retraite, il préside la section audoise de la Ligue de Protection des Oiseaux : « Quand on arrive comme naturaliste, on est parfois considéré comme un illuminé, jumelles et longue-vue interrogent les gens », mais contrairement aux villages environnants, Bugarach a plutôt reçu moins de « peluts », les chevelus en langage local. Selon Thierry Rutkowski, les germes de cette histoire de fin du Monde reposent sur la proximité de Rennes le Château, où sévit naguère un étrange curé monarchiste à la fin du XIXe siècle. Dans la « carriéra dal fons dal vilatge », deux cousins natifs de Bugarach pensent en occitan. Gilbert et Claude Cros cachent mal leur agacement face à ceux qui viennent leur parler de la fin du Monde : « J’ai pris le parti de ne plus rien dire, le message n’était pas retranscrit », Gilbert aspire à la tranquillité. Cela tombe bien, nous sommes là pour parler d’autre chose, la vie du village par exemple : « Nous sommes les derniers des Mohicans », confie Claude avec humour. Son cousin est une des chevilles ouvrières de la Marche du Sel qui réunit chaque année une bonne centaine de personnes dans une randonnée conduisant aux sources salées situées de l’autre côté du serre de Lace : « Nous veillons à ce que l’accueil soit raisonné et rationnel, il faut respecter la montagne. » Mais la montagne elle-même semble s’y mettre, sur le pignon Sud du pech de Bugarach, beaucoup distinguent l’effigie du Bouddha, il n’en a pas fallu plus pour rajouter une pièce au puzzle de l’imagination délirante. Près de la mairie, trois personnes viennent de faire le tour du village, parmi celles-ci, Anne-Catherine Lavocat est étudiante en master anthropologie et prépare un mémoire sur le buzz Internet : « J’ai l’impression que c’est une pure création Internet », commente-t-elle. Son guide de la journée acquiesce : « Il y a une similitude avec ce qui s’est passé à Rennes le Château en 1988, on parlait déjà du calendrier Maya, c’est le même processus de manipulation », ajoute Uranie Teillaud, qui vit à Rennes le Château depuis cette époque.

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grand angle

Dans l’atelier municipal, Bernard Cros, le frère de Gilbert rencontré plus tôt, a capté l’opportunité d’un emploi dans la commune où il est né : « On a été éduqué pour partir, la vie est difficile ici », sa fonction lui permet de bien connaître la population de la commune. Quand il évoque le 21 décembre prochain, le bon sens paysan prend le dessus : « Je ne sais pas où l’on va les parquer », se demande-t-il avec un sourire. Au bord du chemin qui mène à l’étang, la Dame à la Licorne ne décolère pas contre les journalistes, lesquels auraient déformé ses propos. Janine Bladanet se déclare égyptologue et passionnée d’ufologie, et son intérêt pour le tellurisme l’a conduite à Bugarach voici seize ans. Cela dit, elle s’inscrit en faux contre « les mascarades ésotériques actuelles », et réfute toute affabulation à ce sujet : « Ce que l’on dit de la relation entre le Bugarach et l’ufologie est parfaitement faux et relève de la mythomanie. » Cependant, notre égyptologue ne résiste pas à établir des parallèles : « Je constate que, depuis une dizaine d’années, nous avons un contexte politique, économique et humain décadent, identique à celui de l’époque de la fin des pharaons ». Le pharaon qui préside aux destinées de la France appréciera. Celui qui préside aux destinées de la commune se heurte encore à quelques désagréments, le maire a récemment déposé une plainte et obtenu la fermeture d’un site Internet qui proposait des pierres de Bugarach à la vente. Des collectionneurs subtilisent même les panneaux annonçant le village. En dépit des rumeurs, Bugarach attend sans s‘émouvoir la fin de l’année, qui ne sera certainement pas celle du Monde, mais le maire a ouvert le parapluie : « S’il y a un afflux de personnes, le préfet devra prendre des mesures », il paraît que les hébergements affichent complet pour le 20 décembre prochain et Jean-Pierre Delord glisse avec ironie : « Je crois qu’il y aura plus de journalistes que d’illuminés », voilà qui nous rassure quant à l’idée que le maire se fait de la profession. (1) “L’Aude traversière”, Jean-Michel Deveau, ed. Atelier du Gué

La légende du Bugarach L’Aude était autrefois une plaine immense et fertile sur laquelle veillaient des fées et des lutins. Parmi ceux-ci, la déesse Nore et les lutins Bug et Arach étaient les plus honorés, tandis que Cers, fils d’Eole, voyait son temple abandonné par les paysans qui l’accusaient de ravager les récoltes. Un jour que la tempête avait fait rage plus que de coutume, la fée Nore se résolut à implorer Jupiter. Touché de cette audace, le maître du tonnerre promit à la déesse de calmer les colères de Cers et de veiller sur la contrée qu’elle aimait. Encouragés par l’exemple de Nore, les lutins Bug et Arach se décident de supplier Jupiter pour qu’il délivre le pays qu’ils habitent des colères malfaisantes du dieu Cers. Pour ce faire, Bug grimpe sur les épaules d’Arach et fait sa prière à Jupiter qui se laisse fléchir et dresse un promontoire protecteur, fait du même mont sur lequel s’étaient placés les deux lutins pour l’implorer. À l’abri de ce nouveau rempart, qui portera désormais le nom de Bugarach, le Roussillon et les Corbières ne craindront plus les colères désastreuses de Cers. Extrait de “Folklore, revue d’ethnographie méridionale”, n° 113-1964 Légendes audoises «les esprits familiers».

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dans l’actu

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– Par Thomas Belet –

Au pied des tours du quartier de Bagatelle, la médiathèque du grand M est flambant neuve. Un peu plus loin, la future Maison de l’image verra le jour à l’horizon 2014 sur le quartier de la Reynerie. A Toulouse, les équipements culturels sur les quartiers populaires tendent à se développer dans un souci d’urbanisme indéniable. Mais pour l’heure, les édifices publics manquent. La réhabilitation est nécessaire, l’action culturelle indissociable. Dès sa création en 2001, le Couac (Collectif d’urgence d’acteurs culturels) s’est positionné en contre-pouvoir des politiques culturelles traditionnelles. Autour des Motivés, du groupe Zebda ou encore du collectif d’artistes Mix’Art Myrys qui occupait alors les locaux de l’ancienne préfecture, 25000 personnes se retrouvent dans les rues de Toulouse pour « la grande mascarade du Couac ». Aucune autorisation n’avait été demandée. Le Couac prend officiellement forme pour allier une réflexion sur les politiques

Mettre

les barres vers la culture

« Nous n’avons pas le choix, si nous arrivons au pouvoir, de rater notre rendez-vous avec les quartiers ». Rendez-vous est pris. Les mots sont de Pierre Cohen, maire de Toulouse, lancés pendant les Initiatives quartiers populaires que le Couac a mené en plein cœur du quartier du Grand Mirail de Toulouse à la fin du mois d’avril.

et les actions culturelles. Pour agir, mais avant tout pour réfléchir. La culture n’est pas qu’arts et lettres qui seraient réservés à une élite instruite, lettrée et cultivée. Elle ne se limite pas non plus au Raï, à la danse orientale ou au hip-hop, souvent vues comme seules émanations culturelles des quartiers populaires. « Ce sont les seules choses que l’on nous propose dans le quartier, que ce soit pour les activités des enfants ou pour la fête de la musique. J’attends de voir le jour où l’orchestre du Capitole viendra jouer en plein cœur des quartiers populaires », regrette Christine, habitante de la Reynerie pendant 14 ans.

Réflexion, action ! La culture est aussi outil de transformation sociale, vecteur d’émancipation individuelle et collective. Dès le départ, le Couac agit dans les quartiers dits populaires par le biais de ses membres, près d’une trentaine d’associations et de collectifs. « On traitait déjà la question de la culture, mais on voulait quelque chose de plus important tant la situation devient de plus en plus préoccupante, voire même grave », ajoute Mélanie. « La culture et l’art ne sont pas quelque chose de gentil, ils ont une véritable fonction sociale. Ils sont aussi là pour questionner, même violemment, comme outil de prise de

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conscience ». En juillet 2010, une commission est créée, spécifique aux quartiers populaires. L’idée fait son chemin. Quelle forme donner à cette réflexion sur les quartiers ? Aux côtés de quatre collectifs, l’Agit (compagnie de théâtre itinérant), le Takticollectif, Dell’Arte (association de développement culturel et d’insertion sociale sur le quartier du Mirail) et Mix’Art Myrys, une décision est prise. Il faut organiser une réflexion commune sur les quartiers : « A la fin du festival Dell’Arte 2011, une dizaine de personnes ont débarqué encagoulés et ont tiré en l’air. Une véritable scène de film, sans qu’il n’y ait de réactions directes de la part de la mairie ou des médias. Cet événement a précipité notre volonté de faire naître un temps fort autour du traitement politique et médiatique des quartiers populaires ».

Couac, qu’on fasse L’initiative ne doit plus être du seul ressort d’intervenants et de politiques extérieurs, mais doit prendre racine en son sein, par les acteurs et habitants. L’initiative quartiers populaires est née. « Cette initiative n’est qu’une première pierre. Nous espérons que les différents acteurs des quartiers vont se réapproprier la question... Nous verrons bien sous quelle forme se déclinera l’épisode 2 », commente Fred Ortuno, le second salarié du Couac. Pendant un jour et demi, quatre tables rondes sont organisées à l’ancienne bibliothèque de la Reynerie, centre névralgique du quartier du Grand Mirail, au beau milieu des immeubles de béton qui abritent plus de 20 000 habitants. L’équivalent de Muret, sous-préfecture du département de la Haute-Garonne. Habitants d’aujourd’hui et acteurs des mobilisations du passé se réunissent ensemble, un fait rare. Dehors, aucune voiture ne brûle et les médias sont quasiment absents de ces rencontres, comme souvent. Les habitants du quartier ne sont pas nombreux à s’être déplacés, « c’est toujours les mêmes têtes, on ne voit personne qui vient d’ici », peste cet habitant du Mirail. Les acteurs du tissu associatif des quartiers sont venus de toute la France, de Vaulxen-Velin, de Lyon, de Montpellier, de la région parisienne... Tous veulent que la question des quartiers soit traitée de front, sur le fond. « Ce n’est pas à la faveur de simples travaux d’urbanisme, bien qu’ils soient nécessaires, que nous réglerons les problèmes inhérents aux quartiers

populaires. L’emploi, l’accès à l’éducation, à la culture, sont indissociables de cette problématique, mais nous faire croire que de changer le cadre de vie va modifier les problèmes sociaux est une aberration », dénonce ce militant, qui se réclame de « la gauche sociale ». L’accès à la culture est en toile de fond, toujours.

Des promesses, toujours des promesses...

alternatives concrètes évoquées. L’idée de créer un parti politique issu des quartiers est évoquée par certains. « La commande publique doit être le fruit d’une conciliation préalable entre les acteurs de terrain et les institutions, elle ne doit pas seulement servir un projet politique fixe qui est déjà fixée en amont », commente cet autre acteur culturel des quartiers. Dans le cadre du Grand projet de ville, 727 millions d’euros ont été alloués aux Zones urbaines sensibles (ZUS) de Toulouse. On y parle surtout d’urbanisme et d’aménagement de l’espace urbain, « pas assez de questions sociales ou de rôle de la culture », regrette cette éducatrice spécialisée. Dès le mois d’octobre 2012, la municipalité lance aussi ses Assises de la politique de la ville : « Elles définiront nos ambitions, avec les associations, dans le fil du projet urbain travaillé dans le cadre de la Fabrique », avait déclaré le maire au mois de février. Divers acteurs du Couac devraient y prendre part, notamment dans le cadre des ateliers sur le thème de la culture et de son rôle à jouer dans les quartiers. Certains regrettent déjà que seules les associations subventionnées par la mairie aient été conviées. La réponse est à chercher du côté politique, comme bien souvent. Note : Une étude sociologique effectuée par une élève de Mas-

Tous sont conscients de la difficulté de l’action politique et de la complexité de la mise en place, mais nombreux veulent agir en totale indépendance des politiques publiques, « trop dirigistes et pas assez à l’écoute des réalités du terrain ». La réflexion est poussée, mais rares sont les

ter a été réalisée au début de l’année 2011 sur commande du Couac. Après la création de la commission Culture et quartiers populaires, ils ont ainsi pu identifier certains manques et besoins auxquels il fallait remédier. Détails sur le site de Friture Mag ou sur le site du Couac (www.couac.org, rubrique Travaux universitaires).

Une offre limitée qui tend à se développer Avec la récente inauguration de la médiathèque du Grand M dans le quartier du Mirail, la municipalité agit pour le développement des infrastructures culturelles dans les quartiers populaires. Au delà des bibliothèques et médiathèques (celle d’Empalot pour exemple), les salles de concert, de théâtre ou de cinéma viennent à manquer sur les quartiers. La prochaine Maison de l’image est attendue courant 2014, mais plusieurs associations s’inquiètent de voir la question de l’urbanisme prendre le

pas sur la question de fond, le projet culturel qui y sera attaché. Elue en charge de la culture, Vicentella De Comarmond s’explique sur la question du manque d’infrastructures dans les quartiers populaires de Toulouse : « Cela a été le constat que nous avons fait lorsque nous sommes arrivés au pouvoir en 2008 : à l’exception des bibliothèques de quartier et des centres socioculturels, aucun équipement culturel n’était implanté dans les quartiers », sans oublier de tacler la municipalité précédente : « C’est

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particulièrement révélateur de la conception politique de nos prédécesseurs ». Elle ajoute : « En décidant de décentraliser les trois équipements culturels majeurs du mandat, la Maison de l’Image à la Reynerie, la Salle de musiques actuelles à Borderouge, et la Halle de La Machine à Montaudran, Pierre Cohen a simplement voulu dire aux habitants des différents quartiers de Toulouse : il n’y a aucune raison que les grands équipements soient réservés aux habitants du centre-ville. ».


Mémo res

– par grégoire souchay –

Les premiers seront

«

« On ne rentrait dans aucune usine sans carte syndicale » raconte René Pons, ancien gantier. A la base, il y a toujours le syndicat, ultra majoritaire (plus de 80% dans certains ateliers). L’Union Syndicale des ouvriers et ouvrières en ganterie est fondée en 1881, trois ans avant la loi autorisant l’activité syndicale (loi Waldeck-Rousseau, 1884). En 1909, l’union syndicale est rattachée à la CGT. Avec pour fief la Bourse du Travail, c’est elle qui va organiser les luttes et l’action des gantiers dans toute la ville. Il faut d’abord dire que ces gantiers ne sont pas prolos ordinaires. Dès le Moyen Âge, les fabricants de gants avaient le droit de porter l’épée, réservée aux nobles. Et ce statut privilégié va se maintenir jusqu’au XXe siècle. La ganterie, croisement de l’art, l’artisanat et l’industrie, va être souvent perçue comme une caste à part, notamment par les mégissiers, ceux qui préparaient les peaux. Ainsi, Aimé Teyssedre et Henri Fressenges*, anciens coupeurs gantiers, témoignent : « Entre gantiers et mégissiers, on se mélangeait peu. Le gantier s’est toujours trouvé supérieur. (...) La différence n’était peut être pas si grande ». Des gantiers, qui lorsqu’ils devenaient très bons, pouvaient s’installer à leur compte et devenir à leur tour patron. Mais cette mobilité sociale relative ne les a pas empêché de réclamer certains droits et se donner les moyens de les obtenir.

rection contre le coup d’État de LouisNapoléon Bonaparte. S’ajoutent à cela une ville prospère depuis le début du XIXe siècle et une région qui fourmille de protestants suffisamment actifs pour bousculer l’ordre social. N’y manquaient plus que des gantiers organisés et déterminés pour faire de la ville un laboratoire d’expériences sociales. Elles débutent très tôt, en 1828, avec la création du « bureau de bienfaisance » des gantiers de Millau (un embr yon de mutuelle), complété plus tard, en 1903, par une pharmacie mutualiste. « La solidarité existait, témoigne M. Bernat, ancien maire de Creissels, village de la banlieue de Millau. Quand un mutualiste était malade, d’autres étaient désignés pour aller le veiller. Cela ressemblait au secours mutuel, c’était le début d’un esprit socialiste ». Dès 1909, un salaire minimum à la journée est fixé. Les gantiers organisent l’apprentissage, sous l’égide du syndicat, avec des conventions collectives rémunérant l’apprenti dans les années 20. La protection sociale n’est pas en reste avec la mise en place des allocations familiales en 1922. Et quand une loi met en place les assurances chômage, en 1930, les gantiers obtiennent une hausse suffisante des salaires pour qu’ils n’aient rien à débourser en plus.

Millau : laboratoire social

Pour gagner tout cela, un moyen simple : la grève, continuellement utilisée, tantôt localisée et ponctuelle, tantôt générale, coupant parfois Millau du reste du pays, comme en 1909 ou 1911. Et à la fin, presque toujours la victoire. Comme en ce début

Mais il y a plus. Peut-être ce fameux «esprit frondeur », un peu rebelle, libertaire même, des habitants de Millau, qui, en 1851, déclenchèrent une éphémère insur-

Et vinrent les congés payés

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un homme de cette trempe là Il en a fallu des caractères bien trempés pour réclamer ce qui semblait pourtant alors impossible ailleurs. Hippolyte Victor Chauzy, simple fils de charpentier, né à Millau, est le premier gantier de sa famille. Syndicaliste, il s’illustre dans les grèves générales de 1909 et 1911 et se pose en tribun hors pair. Conscient de la nécessité de la diffusion des savoirs, il participera en octobre 1910 à la fondation de la « coopérative des idées » une université populaire et syndicale où l’on débattra du sens de l’anarchie, des rapports entre l’école et la famille, de l’idéalisme, etc ... Et déjà à l’époque, il pensait à l’avenir, en consignant, avec les autres secrétaires de l’époque, tous les débats et les rapports de l’Union Syndicale des Ouvriers et Ouvrières Gantières de Millau, de 1905 à 1911, dans «Le Grand Livre de la Société», qui nous permet de ne pas l’oublier aujourd’hui.


« Millau : la cité du gant ». Qui, dans la sous-préfecture de l’Aveyron n’a pas un parent qui n’aie vécu du travail du cuir et de la peau. Les rues de la ville regorgent de ce passé industrieux : « Rue de la mégisserie », « Quai de la tannerie », « Boulevard des gantières ». Mais, peu de traces de l’une des histoires sociales les plus riches du début du XXe siècle et de celle des congés payés.

les gantiers,

histoire des congés payés novembre 1923 où ils sont près de trois mille dans les rues de Millau. En cinq jours, Le patronat cède et, comme le rapporte le souspréfet, accorde aux coupeurs gantiers le 10 novembre 1923, « en plus d’une hausse de salaire, douze jours de congé annuel payés ». Ce n’était pas suffisant. L’idée fait son chemin durant deux ans. Puis, le 21 septembre 1925, et sans même de conflit social, patrons et salariés concluent une « convention intersyndicale des congés payés » qui généralise l’acquis social à tout le personnel des industries des cuirs et peaux à Millau. Pour la première fois en France, les congés payés s’appliquent à l’ensemble d’une branche d’industrie. Et c’est cette « convention » qui se diffusera comme exemple dans toutes les fédérations de la CGT pour en arriver dix ans plus tard aux quinze jours de congés payés pour tous les salariés. Simone Lacroix, dans sa thèse de 1945, résume: « La ganterie millavoise reflète l’évolution du syndicalisme en France, avec un temps d’avance sur la loi ».

Un temps d’avance aussi en arrière Sauf que, paradoxe de l’Histoire, en 1936, pendant les grandes grèves, à Millau on travaille dur. Pourquoi ? Dès 1930, le patronat se réorganise et s’unit. La CFTC, syndicat chrétien plus modéré, prend de l’ampleur. En juillet 1934, la banque des gantiers, la banque Villa, met la clef sous la porte. C’est la crise. Les patrons réclament en chœur une baisse de 33% des salaires, soit un retour à la situation de 1927. Les salariés refusent tout net. La grève durera cinq mois. Plus dure encore que toutes les autres. Elle se terminera cette fois sur une défaite cuisante, dont les gantiers ne se relève-

ront pas, et les forcera à travailler en 1936 pour avoir de quoi vivre. La suite, plus connue, c’est celle de beaucoup d’industries en crise. De 15 000 dans les années 30, le nombre de travailleurs de ganterie passe à 5 000 en 1957. Ceux qui s’en sortent se reconvertissent, du gant pour tous on passe au gant de travail, pour les employés de Michelin, jusqu’à ce que là-bas aussi on licencie. Aujourd’hui, il reste une petite centaine de travailleurs du gant à Millau. Une dizaine d’entreprises ont survécu. Seules deux d’entre elles fabriquent encore à Millau. Les autres importent la matière première de l’autre bout du monde ou délocalisent les ateliers. L’on ne fait plus que du luxe voire du « super-luxe », du gant qui se vend sur les Champs Elysées,

estampillé Dior, Channel, pour la très haute bourgeoisie. Du passé table rase, ou presque. Car une petite dizaine de coupeurs et couturières ont été formé dans les années 80 par la Maison de la peau et du gant, une tentative de sauver ce qui pouvait encore l’être. Et ce sont encore une fois des syndicalistes, des ouvriers et militants qui mirent un point d’honneur à conserver ce savoir-faire et cette histoire populaire pour que s’affiche encore aujourd’hui fièrement, au musée de la ville de Millau, deux pancartes rappelant simplement que ces gantier là étaient « à la pointe des avancées sociales ». * source des citations : paroles ouvrières, paroles gantières, ADAMM, 2011

les gantières, l’autre face du gant C’est un des angles morts de l’histoire sociale millavoise. Les femmes, couturières et employées, n’eurent pas la chance des ouvriers gantiers. Claire Deruy, dans un mémoire de 1984 explique : « les gantières étaient rarement syndiquées. Elles ne connaissaient parfois même pas le nom de leur patron ». Pour les gantières vivant en ville, la situation était relativement supportable, comparativement aux couturières en zone rurale, même si le salaire féminin restait partout inférieur de moitié à celui des hommes. Mais surtout, concentrées à Millau, les avancées sociales eurent peu d’effet ailleurs. Certaines victoires millavoises seront même accompagnées de diminution de salaires à l’extérieur, en contrepartie, les femmes étant encore une fois les premières touchées. Et c’est le Front Populaire qui étendra les droits sociaux à toutes les gantières. Et pourtant, les femmes ont toujours eu un rôle clef dans l’histoire millavoise. Par leur nombre d’abord, elles représentaient plus de 60% de la main d’œuvre urbaine. Présentes sur un grand nombre de conflits sociaux, ce sont elles qui organisèrent concrètement les soupes communistes, firent fonctionner les coopératives pendant les grèves générales. Et l’on n’oubliera pas non plus ces syndicats exclusivement composés de femmes, même si très peu d’informations subsistent aujourd’hui à ce sujet.

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Mémo res Le 23 octobre 2008, malgré des bénéfices s’élevant à 1,2 millions d’euros, la société américaine Molex annonçait la fermeture de son site de Villemur-sur-Tarn, spécialisé dans la connectique automobile. S’il a fortement et durablement marqué la région, le conflit exemplaire déclenché dans la foulée par les salariés a permis une prise de conscience générale de la violence du monde de la finance. Presque trois ans après l’annonce du plan social, le combat de ces hommes et de ces femmes pour la dignité continue. Retour sur un gâchis industriel et un drame humain. – par Nicolas Mathé –

La vie après

«

« Il y a une guerre des classes, c’est un fait, mais c’est ma classe, celle des riches, qui mène cette guerre et nous sommes en train de la gagner ». Depuis cette célèbre sentence proférée en 2005 par le milliardaire Warren Buffet, le réalisateur José Alcala cherchait un moyen d’illustrer cette guerre. C’est en entendant parler d’ouvriers campant devant leur usine pour protéger leurs outils de travail qu’il a commencé à s’intéresser aux Molex. Son film « Les Molex, des gens debout » retrace un an de combat, un an de violence, sourde et aveugle, qui s’est abattue sur ces 283 salariés. Molex. Le nom a retenti durant des mois dans les médias et aurait pu tomber dans l’oubli comme celui de nombreuses usines alors dans la même situation. Pourtant Molex occupe une place particulière dans les consciences. Pour Patrick Frégolent, ancien salarié et président de l’association Solidarité Molex, c’est lié à la nature du combat : « On a dit d’emblée qu’on ne voulait pas entendre parler d’argent, ce qu’on voulait, c’était garder notre boulot ». Plus encore, Molex fut un symbole. Un exemple concret de ce monde dans lequel une usine située en milieu rural, faites de traditions familiales, où les salariés travaillent en moyenne depuis trente ans, se retrouve subitement confrontée aux pires aspects de la mondialisation.

le pillage d’une usine familiale à la pointe de la technologie En arrivant à Villemur, avant même le clocher de l’église, c’est la cheminée en briques de l’usine que l’on aperçoit au loin. Sur place, tout rappelle l’imaginaire suranné du monde ouvrier. La sirène, la cité joux-

molex tant l’usine et un terrain de foot abandonné témoignent d’une vie passée articulée autour du site. Dans les années 70, la connectique représentait 1400 emplois à Villemur. Alain Armengol, embauché en 1978, se souvient de l’ambiance familiale : « Tous les ans, le jour de la fête de Villemur, à la Saint-Michel, l’usine fermait. Il y a toujours eu un attachement très fort ». Audelà de l’image d’Épinal, cet attachement des salariés à leur usine provient du sentiment de posséder un savoir-faire à la pointe de la technologie. « L’usine s’est forgée avec des directeurs compétents, tout était inventé ici, du moule au produit fini » explique le père Philippe Bachet, soutien

précieux des salariés pendant le conflit. De l’autre côté du Tarn, au local de l’association, Patrick Frégolent enrage encore : « Molex nous a volé un produit qui est devenu une référence mondiale ». Il faut dire aussi que le groupe américain n’a jamais fait dans la dentelle. En 2004, dès les premiers contacts avec la Snecma, ancien propriétaire du site, Molex rechigne à garder les salariés et finit par accepter moyennant une ristourne. Mais les premiers soupçons se font vite sentir. « D’entrée, des choses n’étaient pas logique, il n’y avait pas de projets, pas d’investissements. Ce qui les intéressaient c’était de copier les brevets, les plans des moules et tout rapa-

Molex en quelques dates : Années 40 : Pierre Compte, qui a créé la SGE (Société Générale d’Équi pement) dans les années 20, s’installe en zone libre dans une scierie désaffectée de Villemur. 1991 : l’usine devient Labinal-Villemur 1992 : l’activité connectique automobile devient Connectiques Cinch 2000 : la Snecma rachète les activités automobiles de Labinal 2004 : la Snecma cède l’activité de Cinch à Molex, malgré un avis

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défavorable du CE. 23 octobre 2008 : Molex annonce la fermeture du site de Villemur. 14 septembre 2009 : Molex accepte un repreneur, le fonds de pension HIG 24 septembre 2010 : 188 salariés saisissent les Prud’hommes pour contester le caractère économique de leur licenciement. Octobre 2010 : Molex menace de ne pas honorer le plan social, si les salariés ne renoncent pas à leur recours aux Prud’hommes.


en bref Légumes bio en vente directe … mais automatisée

trier aux États-Unis, raconte Patrick. Il ont tout fait pour qu’on ne soit pas rentable ». Comble de l’immoralité, en juillet 2008, quatre mois avant l’annonce de la fermeture, Molex réunit tous les salariés pour les féliciter. François Roselli, 31 ans d’ancienneté, s’en souvient ; « on nous a passé la main dans le dos, nous disant qu’on était les meilleurs. On nous a aussi demandé de faire 6 mois de stock parce qu’une société allait promouvoir nos produits. C’était juste pour anticiper le blocage ». Pour le père Bachet : « l’Homme a été considéré comme un objet ».

« C’était ma vie, ma vigueur, ma jeunesse » Le 15 septembre 2009, malgré quatre décisions de justice en leur faveur, les salariés, soumis à un ultimatum de Molex, autorisent leurs représentants syndicaux à se prononcer sur le plan social. Le moment le plus douloureux pour beaucoup. « Des gens qu’on avait pas vu du conflit se sont pointés ce jour-là, regrette Ousseynou Diouf, 7 ans d’ancienneté. Au moment du vote, la sirène a retentit, ça m’a glacé ». « On avait le couteau sous la gorge, poursuit Alain Armengol, soit on acceptait, soit on continuait la lutte avec la peur de partir sans rien. C’était la soirée la plus tragique, des gens pleuraient ». Les premières lettres de licenciement tombent le 1er octobre. Aujourd’hui, près de trois ans après, le bilan n’est pas réjouissant. L’association Solidarité Molex estime que seulement 120 salariés ont retrouvé un CDI. Le reste est en emploi précaire ou n’a absolument rien. C’est le cas d’Alain Armengol : « J’ai commencé à 17 ans, c’était ma vie, ma jeunesse, ma vigueur. J’en ai 51, je n’ai qu’un CAP et

pas grand-chose ne se présente, je me fais du souci ». Ses droits chômage prennent fin en septembre. Ousseynou Diouf, lui, fait de l’intérim et se dit « dans la merde » avec les traites de sa maison à payer. Quant à François Roselli, il est en CDD chez Labinal, l’entreprise de connectique aéronautique restée dans le giron de la SNECMA (aujourd’hui Safran). « Je suis dans la précarité, je passe quelques nuits sans dormir, surtout quand je pense que mon ancien travail aurait pu être pérenne ». Reste que malgré le sentiment d’impuissance face à l’ogre américain, la lutte n’a pas été vaine. Elle aura permis la reprise partielle de l’activité sous l’appellation VMI et la sauvegarde de 46 emplois. Surtout, l’affaire Molex a engendré une prise de conscience des collectivités. Menacée de délocalisation au Maroc, Labinal est resté à Villemur dans un site flambant neuf et une nouvelle zone industrielle est en train de voir le jour. Ou comment les Molex, forts d’une vision dépassant largement leurs situations personnelles, ont mis sur la table le thème de la réindustrialisation. Bien avant qu’il ne devienne un sujet majeur de la présidentielle. Ils n’ont pas été entendus et aujourd’hui Peugeot fait venir ses boîtiers de Chine ou des États-Unis. C’est pour cela que l’Association Solidarité Molex continue le combat, cultivant la mémoire de la lutte. Et tandis que 188 anciens salariés contestent encore leur licenciement économique devant les prud’hommes, l’association se soucie aussi du sort des Industries Alimentaires de Villemur, anciennement Brusson, fabriquant des célèbres cheveux d’anges. « C’est Brusson qui a donné l’électricité à Villemur, avant même qu’elle soit installée à Toulouse » ra co n te Pat r i c k . Aujourd’hui, il n’y reste que sept salariés.

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Insérez une pièce, sélectionnez un légume, récupérez la monnaie. Le symbole de la malbouffe, le distributeur automatique, devient un outil pour consommer sain. Ce concept provient de l’imagination de deux agriculteurs associés, Sonia Coron et Sébastien Lasportes. Producteurs à la ferme biologique de Mesples, à Castéra-Verduzan (Gers), ils ont inauguré en juillet 2011 le premier distributeur de légumes du Sud-Ouest, dans le garage de Sonia, au coeur de la commune. Le système existait déjà pour les yaourts et le lait (à Bordeaux par exemple), mais pas encore pour les carottes, les courgettes et autres salades. Deux fois par jour, ils viennent approvisionner les 36 casiers de la machine, avec des produits de saison cueillis le matin et lavés. Accessible de 8 h à 21 h non stop, le distributeur s’avère pratique pour le consommateur débordé, et évite au producteur d’avoir à attendre ses clients. Mais le contact humain et la pédagogie, que véhiculent pourtant les Jardins de Mesple au travers de ses deux AMAP, ont ici disparu. La ferme fournit aussi des cantines scolaires et des supermarchés. http://www. biogis.fr/les-jardins-de-mesplesmaraichage-bio/


dans l’actu

Il paraît que la misère serait moins pénible au soleil ? Bien sûr ! En été, tous les SDF se baladent avec une serviette de plage sur l’épaule, des tongs et sirotent des boissons fraîches, les doigts de pied en éventail sur Toulouse Plage ! Petite provoc’... pour refroidir quelques idées reçues qui mènent la vie dure aux personnes à la rue, qui aimeraient bien trouver autre chose que du sable sous les pavés toulousains et son cagnasse estival.

– par M.-P. Buttigieg –

Idées reçues

p

La misère au soleil

Pour Sylvain, 23 ans, la question paraît un peu bizarre. En 2 ans de rue, pas de doute, c’est quand même mieux en été. « On se tracasse moins pour chercher un endroit où dormir. On peut rester dehors à la belle étoile. En hiver, on se déplace plus souvent d’une structure à l’autre. Et puis, le sac à dos est plus lourd entre le duvet et les vêtements chauds, c’est la galère. Fatigué ou pas, il faut toujours bouger, chercher un endroit où se mettre à l’abri. Et on tombe malade, comme tout le monde, la grippe, les angines ». Ce qui est certain, confirme Brice, 40 ans, c’est que les gens sont plus généreux : «en hiver, ils ont pitié de nous voir dehors, ils nous donnent plus d’argent quand on fait la manche. En été, non. On perd la moitié de notre recette ». A Toulouse comme ailleurs, les habitués partent en vacances et les touristes ne sont pas là pour donner une petite pièce aux SDF. La recette est en chute libre pour Sylvain et Brice qui travaillent à leur façon sur un bout de trottoir. «Quand on me dit, va travailler ! Je réponds : mais tu crois que je fais quoi là ! La manche, c’est un job. On ne vit pas aux crochets de la société. Ce n’est pas l’état qui nous aide mais surtout les associations. On nous a dit d’étudier et voilà où j’en suis », lance Brice avec ses 10 années de rue sur le dos et ses diplômes en friche. «On a chacun nos heures pour la manche», reprend Sylvain. « Moi, j’y suis de 10h à 13h et de 16h à 20h. C’est à ce

moment-là qu’il y a le plus de passage. C’est une nécessité pour survivre. On essaie d’avoir de bonnes relations avec les commerçants et les gens du quartier qui nous connaissent. En échange d’une pièce, je donne toujours un bracelet ou une statuette que je fabrique, je me sens plus à l’aise. Mais en été, il y a moins de monde, on est plus

d’août. La ville se vide et plonge dans une torpeur angoissante pour les personnes à la rue. «Même les flics s’ennuient en août, alors ils nous contrôlent davantage, ça les occupe. Pourtant, ils nous voient du matin au soir au même endroit. Ils nous verbalisent, vident nos canettes dans le caniveau. Comme il fait trop chaud, on

« En été, pour se laver, on attend la pluie comme dans la pub du gel douche ! » seuls. Finalement, la manche, c’est un lien social pour tout le monde. Il y a des gens qui sont isolés et qui ne sont pas SDF. Ils viennent discuter avec nous, apportent des croquettes pour les chiens. Ils nous racontent un peu leur vie et savent qu’on ne va pas les juger. Ca leur fait du bien de parler avec nous et ça nous fait du bien à nous aussi ».

Au mois d’août, c’est le vide associatif Les Toulousains ne sont pas les seuls à faire la pause estivale. Les associations, elles aussi, ferment boutique au mois

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marche un peu moins et contrairement à ce que les gens pourraient penser, on boit beaucoup moins », raconte Sylvain. Les risques de déshydratation sont plus élevés et certaines associations distribuent des bouteilles d’eau quand elles sont encore là. «Finalement, en hiver, tu ne meurs pas de faim. Tu peux mourir d’autre chose, c’est sûr mais les associations sont là. Les Restos du Coeur font la distribution de repas jusqu’au début du printemps, après la nourriture devient un problème. Il faut se débrouiller pour manger. En été, c’est encore pire, surtout au mois d’août. La plupart des associations sont fermées. Les gens se sentent abandonnés, c’est encore plus vrai pour ceux qui


L a tournée C iné -G uinGuette 2012

"Il était une fois..."

Le soir à 21h : Vendredi 15 juin Toulouse
 Au jardin Michelet Samedi 23 juin Roquefort Des Corbières (Aude) Vendredi 29 juin Fonbeauzard (H. Garonne) Vendredi 13 juillet Thoux (Gers) Samedi 14 juillet Beaufort (H. Garonne) Lundi 16 juillet Echevis (Drôme) Mardi 24 juillet Minerve (Hérault) * Jeudi 26 juillet Maurs (Cantal) Mardi 31 juillet Donzac (Lot et Garonne) Vendredi 3 août Eauze (Gers) Vendredi 4 août Clermont (Ariège) * Jeudi 9 août Rivières (Tarn) Samedi 25 août Vieussan (Hérault) * Samedi 1er septembre L’île à Vieillevigne * (H. Garonne) Samedi 15 septembre Flourens (H. Garonne) Samedi 8 septembre Saint-Antonin-Noble-Val (Tarn-et-Garonne) Samedi 6 octobre L’Isle-Jourdain (Gers)

Les dates marquées * sont payantes
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ont l’habitude de fréquenter les structures». Mais pour Brice, le plus dur, c’est certainement l’hygiène : « en été, on se pourrit vite les pieds à force de marcher avec nos grosses chaussures fermées. On n’est pas en tongs ! On fait des kilomètres à pied et on ne peut pas changer nos chaussettes tous les jours. C’est parfait pour choper des trucs. Les lieux où on peut prendre une douche sont fermés. On ne peut pas laver les duvets et plus personne n’en distribue dès les beaux jours. C’est vraiment très dur. On attend la pluie comme dans la pub du gel douche ! Non je plaisante bien sûr !». Il y a aussi d’autres solutions, hormis les bains municipaux payants, pour ceux qui décident de mettre les voiles, de partir à la mer, histoire de changer d’air, de casser la solitude pesante et de maintenir une manche décente. « Parfois, certains quittent Toulouse en été pour les plages. C’est l’occasion de profiter des douches des campings la nuit et de se faire un peu de sous... On a tous notre petit coin sur la côte », poursuit Brice qui envisage un séjour estival. Finalement, à chaque saison, sa galère. Qu’il neige ou qu’il vente, que le beau temps soit de la partie, la misère, elle, n’en est pas moins pénible même avec quelques coups de soleil pour faire plus joli.


Doss er

L’été de TOUs « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait ».

respectant la terre, ou construire de toutes pièces des studios

La citation de Mark Twain pourrait coller à celles et ceux que

de cinéma sur un terrain abandonné, ils ont tricoté leur chimère

nous avons rencontrés tout au long de ce dossier. Car pour accé-

pas à pas, jour après jour.

der à une certaine forme de rêve, ou parvenir à concrétiser ses

C’est la leçon que nous avons tirée de ces discussions et de ces

convictions, ce sont les mêmes ingrédients qui ressortent tou-

expériences. C’est cela que nous voulons raconter au fil des pages

jours : un brin de folie, un zeste d’inconscience, une louche de

de ce dossier consacré à «L’été des possibles ».

motivation, beaucoup de talent et de persévérance, et puis du

Et puis, surtout, et fidèles à notre ligne éditoriale, nous avons

temps, du temps, du temps. Qu’ils soient agrologues, acteurs

voulu démontrer qu’il n’était pas besoin d’aller chercher au bout

culturels, entrepreneurs, ou bien même Anonymous, les « Fai-

du monde des fruits qui se récoltent au coin de la rue.

seurs de possibles » labourent leurs terres idéales avec patience

Quelle meilleure saison que pour les récolter, si ce n’est cet été,

et passion.

que nous dédions à celles et ceux qui cultivent vent debout leur

Que ce soit pour faire revivre une usine désaffectée, changer la

parcelle idéale.

face d’un quartier, revenir à de vieilles méthodes agricoles en

Bonnes cueillettes sur les terres fertiles des utopies !

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Illustration Cécile M.

– par frituremag –

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frIches industrielles

à Bordeaux, une voie de garage riche d’avenir

L

Le Garage Moderne accueille voitures en souffrance, motos fatiguées, vélos victimes des accidents de la vie. La mécanique se fait vectrice d’utopie dans un lieu où l’exercice du travail est inséparable de la relation personnelle et d’une certaine vision sociale. Un projet où les rapports humains comptent autant que ceux de la boite à vitesse. Aujourd’hui, ce sont plus de 4 000 adhérents qui viennent réparer leurs voitures, leurs vélos et, depuis peu, leurs deux-roues à moteur. Tous membres de l’association, ils utilisent le lieu soit de façon classique en confiant leur véhicule le temps de la réparation, soit en travaillant eux-mêmes, assistés des interventions d’un des mécanos permanents. Solidement ancré dans Bordeaux et sa banlieue, le Garage Moderne est né d’une rencontre, celle de Béatrice Aspart et de Boufeldja Labri. La première avait trouvé un chaton qui avait échappé au second. De discussions en discussions, ils envisagent la création d’un garage dont les principes de fonctionnement s’inspireraient du C.R.I.M.E., haut lieu alternatif de la

mécanique toulousaine, ville dont Béatrice est originaire, qui fonctionna pendant une vingtaine d’années jusqu’au début du XXIe siècle. Le choix est fait de louer la friche industrielle du 1, rue des étrangers. Construit aux alentours de 1850, un temps huilerie coloniale de la maison Vezia, le bâtiment appartient alors à un propriétaire privé. Le loyer, élevé, frôle les 4000 euros mensuels. Les activités démarrent au début du siècle, en l’an 2000. « Le projet initial était de faire de la mécanique auto autrement, explique MarieLine Chaumet, une des permanentes en charge du secteur vélo et du développement des activités culturelles. Mais dès le départ, il est apparu évident que le lieu devait aussi être vecteur de culture. Il s’est ouvert aux expositions d’arts plastiques, aux concerts, à la danse... De mars à novembre, le spectacle vivant demeure une part importante de l’activité du lieu ». Au fil des années, d’autres activités sont venues se greffer à la mécanique auto. Dès 2005, les portes monumentales du hangar se sont ouvertes à la réparation des

Photos Emmanuel Grimault

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– Par Christian Bonrepaux –

vélos de particuliers.... et à la vente : « nous récupérons les vélos réformés de la poste ou de la police. Avec deux ou trois vélos cassés, nous en faisons un neuf », souligne Marie-Line. L’obtention du marché d’entretien du parc des 4000 vélos de la ville de Bordeaux a permis de greffer sur le projet un atelier d’insertion... Bref, au Garage, à l’heure actuelle, le moral de la vingtaine de salariés est au beau fixe... Pas sans lutte ni mobilisation des énergies.

Cathédrale post-industrielle Le garage Moderne est implanté non loin de la Garonne, au cœur du quartier Bacalan. Une implantation logique, voire symbolique, quand le projet économique se veut porteur de valeurs sociétales. Bacalan, c’est un ancien quartier industriel qui prospéra aux très riches heures du port de Bordeaux et du négoce colonial. « Le quartier comportait des aciéries, des usines aéronautiques, automobiles, des lieux de stockage pour diverses marchandises, explique Didier Periz, imprimeur, éditeur et historien de Bacalan(1). Les activités portuaires lui assuraient un grand dynamisme: dès le XIXe siècle, deux grands bassins, les bassins à flots, furent creusés : ils permettaient aux bateaux, à l’abri des fluctuations des marées, très sensibles à cet endroit de la Garonne, de charger et décharger les marchandises, et de subir les travaux d’entretien. Toutes ces activités attiraient une nombreuse population émigrée. Le


Bordeaux, quartier Bacalan. La rue des étrangers, droite comme un i, est tout sauf chaleureuse : des deux côtés de la rue, elle est balisée de terrains en friche où règnent les herbes sauvages et les hangars désaffectés. Désaffectés ? Pas tous. Au n° 1 de la rue, à partir de 9h le matin, chaque jour, un imposant hangar de bois et de briques, magnifiquement fatigué, est le lieu d’une activité soutenue.

quartier connut ses heures de gloire dans l’entredeux guerres avant de décliner inexorablement jusqu’aux années 2000 ». Jusqu’à tomber en déshérence à la fin des années 80. Le désintérêt des Bordelais pour Bacalan présenta l’avantage de permettre à Béatrice, Boufeldja et les autres de loger leurs activités associatives et mécaniques dans une superbe cathédrale post-industrielle... avec pour corollaire, à court terme, de plonger le projet dans une grande incertitude. Dès la fin des années 90, la mairie de Bordeaux et la communauté urbaine envisagent la renaissance de Bacalan. Il s’agit, autour du magnifique patrimoine historique que constituent les bassins à flots, de créer des ensembles d’habitation, d’implanter des services collectifs et des activités de service, le tout dynamisé par la mise en service, fin 2012, du nouveau pont levant Bacalan Bastide sur la Garonne... avec pour conséquence de tirer à la hausse le prix du foncier. Le propriétaire du hangar abritant le Garage Moderne est prêt à vendre son bien. Le projet serait alors condamné. Le maire de Bordeaux fait alors voter à l’unanimité, gauche et droite confondues, l’achat des murs ; c’est chose faite en 2011.

Garder le lieu ouvert Le changement de propriétaire produit d’heureuses conséquences sur le Garage Moderne. Le projet bénéficie d’un bail emphytéotique de

dix-huit ans, ce qui le sécurise juridiquement. Le loyer chute de 4000 euros mensuel à 2500. Enfin, la mairie incite le Garage à entamer des travaux de mise au norme et de modernisation en le guidant dans l’obtention des crédits nécessaires, environ 1 million d’euros, pour les réaliser. C’est l’architecte bordelaise Céline Pétreau qui en a la responsabilité. « Je ne suis pas arrivé sur ce chantier par hasard. J’étais venue au Garage à plusieurs reprises et avais discuté, sans arrièrepensée, avec les uns et les autres. Ils savaient que j’étais architecte, ils connaissaient ma façon de travailler, mon attention aux besoins des usagers. Quand l’opportunité des travaux est venue, ils m’ont dit très simplement que je serai leur architecte. » Son travail se veut respectueux de l’esprit du lieu et de celui des gens qui l’animent : « je veux garder ce magnifique espace aussi ouvert qu’il l’est actuellement. Dans certains recoins, la lumière extérieure s’infiltre par des interstices ; cela est à prendre en considération, bien sûr avec la contrainte des réglementations en vigueur. Ce travail est tout à fait passionnant parce que, dans le cadre de l’opération d’urbanisme de Bacalan, le Garage Moderne sera une des rares friches industrielles à être préservées. Il va se retrouver entouré d’immeubles d’habitation. Extérieurement, il va perdre de sa dimension monumentale. Raison de plus pour en préserver le volume intérieur ». (1) auteur de plusieurs ouvrages dans sa maison d’édition PleinePage, dont Bacalan story, la saga d’un quartier de Bordeaux de 1900 à nos jours.

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garages solidaires à toulouse

Il existe à Toulouse deux garages dont le fonctionnement présente de grandes similitudes avec le Garage Moderne bordelais. L’un, Mobilités, est situé au 28 allée de Bellefontaine. Garage pour tous étend ses 800 m2 dans le quartier des Minimes, au 40bis, chemin du Prat Long. Les deux projets ont été accompagnés par le dispositif IRLIS, initiative régionale et locale d’investissement, mis en place par la mairie de Toulouse, et s’inscrivent dans l’économie solidaire. « Garage pour tous est une structure associative ouverte à tous, explique le porteur de projet, Raymond Gleyses. On peut venir y réparer sa voiture avec un de nos mécanos ou nous la confier, comme dans un garage ordinaire. Notre inscription dans l’économie solidaire nous contraint à ne pas réaliser un chiffre d’affaire supérieur de 30% à nos salaires et nos charges. Les réparations sont assurées par des mécanos professionnels secondés par les membres d’un atelier d’insertion. Le samedi matin, tous les quinze jours, nous organisons des cours de mécanique ouverts à tous les adhérents ».

Pour toute information sur le garage moderne : www.legaragemoderne.org 05 56 50 91 33


– Par christophe abramovsky –

L’expérience JOB raisonne encore et toujours dans l’agglomération toulousaine. Le bâtiment « amiral » est aujourd’hui l’emblème du combat collectif où les habitants du territoire des sept-deniers se mêlent aux travailleurs sans emploi de l’usine JOB, embarquant à leur côté de nombreuses associations. De cette énergie collective, de cette utopie, est née une nouvelle pratique de la démocratie.

J

JOB:

Photo Christophe Abramovsky

frIches industrielles

Jackie André habite aux Sept-Deniers depuis toujours. Elle est un peu la mémoire du lieu. « Ma mère, mes grands parents et moi-même, sommes nés dans le quartier. Alors, JOB, c’est notre histoire ». Aujourd’hui, sa mère sourit quand elle ouvre ses fenêtres et voit se dresser le bâtiment « amiral » JOB réhabilité. Fleuron de l’industrie papetière, JOB a régné sur le quartier pendant près de 70 ans, faisant vrombir ses machines et rythmant la vie des travailleurs et des habitants. « Toute notre vie a été bercée par le ronronnement de l’usine. Quand elle s’est arrêtée, ma mère a eu l’impression que quelqu’un était mort », se souvient Jackie. Elle se rappelle aussi des premières réunions au PMU du coin, avec tous les habitants et les salariés de JOB. Comme beaucoup, elle a participé aux actions pour la défense de l’emploi d’abord et la survie du bâtiment ensuite. « On a toujours été avec eux. Quand ils faisaient grève, on leur apportait à manger. Normal, c’est la famille ! » L’histoire de JOB commence en 1830 à Perpignan avec l’activité de façonnage du papier à cigarette. Elle s’étend ensuite près de Saint-Girons avec la production de papier couché. À Toulouse, l’usine ouvre en 1903 à proximité de la basilique Saint-Sernin. L’usine des Sept-Deniers, dessinée par l’architecte Pierre Thuriès dans le style « paquebot », est construite entre 1929 et 1931. En 1960, l’usine se modernise pour se spécialiser dans la fabrication des papiers couchés classiques.

Lutte sociale et 28


Une Histoire JOB Petite histoire : le sigle JOB vient du nom de son fondateur, Jean Bardou, dont les initiales étaient J.B. Le point entre les deux lettres est devenu avec le temps un O. Le collectif JOB : Ce sont trois associations résidentes : la MJC des amidonniers, l’association 7 animés et l’association Music’Halle, école des musiques vivaces. Mais, c’est aussi d’autres associations engagées dans la dynamique collective : les Amis de l’imprimerie et de JOB (anciens salariés JOB), le comité de quartier des 7 Deniers, l’association de Sauvegarde Brienne Bazacle Amidonniers, les parents d’élèves de l’école primaire des 7 deniers, les parents d’élèves du collège, Alliances et Cultures, Les productions du vendredi, la compagnie « la Baraque », et le Mouvement des chrétiens retraités. Outre les trois associations résidentes, le bâtiment abrite aussi une piscine municipale et une salle de spectacles.

En 1986, le groupe Bolloré reprend JOB et supprime 100 emplois. Le rachat par le groupe Gecco France, puis par le papetier allemand Scehfelen, amorce une série de restructurations et de démantèlements qui conduiront à la fermeture définitive en 2001. En 2002, le bâtiment est racheté par des promoteurs immobiliers qui souhaitent le détruire pour construire sur le site 650 logements, sans pour autant adapter les équipements publics à cet afflux de population. À partir de 2002, les habitants, les associations et les anciens salariés de JOB demandent le classement du bâtiment « amiral » et sa sauvegarde. Après moult combats, manifestations, blocages de rues, en 2006, la municipalité de Toulouse rachète le bâtiment et le réhabilite pour en faire un équipement public. En octobre 2011, c’est l’ouverture au public du bâtiment « amiral » JOB, enfin sauvé…

« Le bâtiment, c’est nous » « Le bâtiment, c’est nous », clame Bernard Margras, ancien ouvrier de JOB, syndicaliste et batailleur de la première heure. Plus qu’un bâtiment, « l’amiral » est le symbole des luttes ouvrières pour de meilleures conditions de travail, pour l’emploi et contre le démantèlement de l’outil de production. Au fil du temps, les travailleurs ont appris à s’organiser contre les plans sociaux et les malversations pour la reprise de l’usine. Une expérience bien utile au collectif JOB. « Après la fermeture de l’usine, raconte Bernard Margras, nous voulions faire un livre sur notre histoire ouvrière, pour garder tout cela en mémoire. C’est grâce à une personne de la DRAC que nous avons pris conscience de l’intérêt architectural du bâtiment et de son aspect emblématique quant à l’histoire industrielle de Toulouse ». Pour Bernard et ses camarades de lutte, c’est un nouveau combat qui s’annonce, un combat où toute la population des Sept-Deniers, ainsi que les associations vont adhérer. Plus qu’un bâtiment, « l’amiral » est un esprit frondeur, un tempérament déterminé qui affirme que rien n’est impossible dès lors qu’on le veut vraiment. Car c’est bien là que réside la marque de JOB : sa subversion assumée et ne jamais rien lâcher, même quand les politiques ou les promoteurs affirment que tout est joué.

Education populaire et démocratie participative Anne Péré, aujourd’hui présidente du collectif JOB, ne lâche rien, elle non plus. Architecte et urbaniste, elle sait que le paquebot vaut le coup d’être conservé. En femme de conviction, elle

affirme que « lorsqu’on résiste mollement, alors on est écrasé ». Du coup, il faut affirmer par les actes son point de vue. C’est dans cette conviction chevillée au corps que la bataille s’est menée pendant près de 10 ans. « On a appris avec les travailleurs de JOB qu’il faut faire de la lutte sociale et de la médiatisation », rappelle l’architecte-urbaniste. La rencontre avec Philippe Metz, président de l’association Music’Halle marque un tournant. « Phillippe cherchait un lieu pour élargir ses activités trop à l’étroit dans le quartier Arnaud Bernard. Nous, nous cherchions un porteur de projet culturel proche de nos convictions ». Le directeur de l’association des « musiques vivaces» a alors rencontré ce qui n’était pas encore le collectif JOB. « Je savais qu’il y avait ici une usine, et un côté militant qui rejoignait mes préoccupations autour de l’éducation populaire et autour d’un travail de démocratie culturelle, c’est-à-dire au plus près des gens », précise Philippe Metz. Ensemble, ils vont créer le rapport de force nécessaire contre l’ancienne municipalité de Toulouse. « On s’est mis à créer une dynamique et de l’intelligence collective. Chaque proposition, chaque idée était confrontée à la population. En permanence, il y avait un va-et-vient entre le collectif et les populations ». Anne Péré n’est pas en reste : « Aujourd’hui, on est dans le mélange des genres, dans une éducation populaire vivante. On tente d’animer des espaces de convivialité dans et autour de ce bâtiment ». Le 1er octobre 2011, l’espace JOB est inauguré et s’affranchissant des autorisations, dans l’esprit des luttes précédentes, le collectif organise un marché de plein vent sur la place, s’appropriant ainsi l’espace public. « Notre conception de la gouvernance de ce lieu, c’est la co-responsabilité entre la ville, propriétaire du bâtiment, et le collectif d’associations qui représente les initiatives des habitants. On veut pouvoir faire des propositions dans un rapport égalitaire », rappelle Anne Péré. Aujourd’hui, JOB et son bâtiment « amiral » entament un nouveau chapitre. « Nous vivons une expérimentation démocratique. Le fait que les murs restent debout, c’est peut-être le symbole d’une résistance où chaque citoyen se tient, lui aussi debout face à tous les pouvoirs en place », conclue l’architecte.

Pour toute information sur le collectif job : http://www.job-collectif.com Music’Halle - L’école des musiques vivaces : www.music-halle.com Association 7Animés : www.7animes.fr

démocratie culturelle 29


frIches industrielles

Francazal goes to

Depuis que l’architecte Bruno Granja a lancé l’idée d’installer des studios de cinéma de Raleigh, le premier exploitant de studios de cinéma indépendants aux Etats-Unis, sur l’ex-base aérienne de Francazal (Cugnaux) il y a environ un an, les acteurs du monde politique et du cinéma s’agitent, et les Toulousains se sont mis à rêver. Ce projet, chiffré à environ 120 millions d’euros laisse présager la création de nombreux emplois dans la région. Il offre aussi l’opportunité de développer des activités en dehors de l’aéronautique. Zoom sur un scénario qui comporte encore des zones d’ombres.

Hollywood – Par armelle parion –

SYNOPSIS

L’idée de faire venir le géant hollywoodien Raleigh sur la partie sud de l’ancienne base militaire de Francazal, à 15 Km de Toulouse, a tout de suite séduit le grand public. Après un an de tractations en coulisses, l’Elysée a accordé son feu vert le 12 avril dernier. Quelques jours plus tard, l’Etat signait un décret pour céder 25 hectares (sur les 300 de la base) sans y intégrer les hangars convoités par les porteurs de l’opération. Ils imaginent 16 000 m² de plateaux et des ateliers de construction et de peinture sur le site. D’après eux, l’implantation de ces studios créerait d’ici trois ans 5000 emplois directs et 5000 emplois indirects, notamment dans les services. Deux appels d’offre sont lancés courant juin pour l’acquisition de cette zone et de la piste d’atterrissage attenante. Aucun plan de financement n’est arrêté et le dénouement du scénario reste incertain. Mais on connaît ses acteurs, leurs intérêts, leurs réseaux, et leurs implications.

RÔLE PRINCIPAUX Bruno Granja, le cerveau de l’opération L’architecte, la trentaine, est défini par ses proches comme un homme plutôt introverti mais pas timide. Il aurait toujours été fasciné par le cinéma, un milieu qu’il connaît bien. C’est en passant tous les jours devant Francazal pour aller travailler qu’il a eu l’idée d’y implanter des studios américains. Grâce à sa bonne maîtrise de l’anglais, il enchaîne depuis les rendez-vous professionnels en France et aux Etats-Unis, déléguant très peu à ses partenaires. Bruno Granja affirme être le seul à pouvoir parler de la genèse et des coulisses du projet. Mais il refuse la plupart du temps de répondre aux medias. « Ce n’est pas le moment d’en parler. L’affaire est en cours », a-t-il assuré à FritureMag, tout en admettant qu’il y avait « beaucoup de fabulations sur le dossier ». « Il a eu du culot et de l’intelligence, et Raleigh a mordu en premier à l’hameçon » résume son avocat Jacques Lavergne. Selon des proches du dossier, l’architecte a suivi de très près la campagne présidentielle et aborde avec aisance les personnalités du cinéma comme les politiques. Mais ces mêmes proches reconnaissent que sa stratégie de communication manque de logique. Avec son projet, Bruno Granja a éveillé des jalousies et essuyé plusieurs tentatives de coups bas. Selon lui, les travaux pourraient débuter en 2013 et les premiers tournages auraient lieu en 2014.

Jacques Lavergne, le bras droit juridique

L’avocat choisi par Bruno Granja pour accompagner le projet a plaidé sa cause auprès de la préfecture. « Le projet m’a vite plu, d’autant que j’ai servi à Francazal. Pour moi, le point commun entre une base militaire et des studios est qu’il s’agit dans les deux cas d’une ville en réduction où l’on pratique plusieurs métiers ». L’avocat s’est d’abord employé au lobbying pendant 4 mois. « J’ai fait marcher tous mes réseaux pour mettre le projet sur orbite. Le reste est une histoire de professionnels et de techniciens », raconte-t-il. Il a même reçu l’équipe de François Hollande pendant la campagne. Mais selon Me Lavergne, le projet, dont la superficie a été revue à la baisse, est « figé » depuis avril. « Granja me demande de lui faire confiance, mais j’aimerais m’appuyer sur du concret ». L’avocat est engagé pour réaliser le montage des structures juridiques du projet. Il devait partir en week-end en mai avec Michael Moore, le patron de Raleigh.

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Philippe Pangrazzi, la « caution » technique Le vice-président de l’association Midi Films fait partie d’un réseau de solidarité de professionnels du cinéma, qui regroupe environ 250 techniciens de la région. L’association a été contactée par Bruno Granja dès février 2011. « On souffre du manque de tournages ici (ndlr : 2% des longs métrages et des téléfilms français sont tournés en Midi-Pyrénées) et d’un déficit d’images de la région, à cause de la centralisation de la production à Paris. Pourtant, nous avons les capacités d’assurer deux équipes à Toulouse », explique l’assistant réalisateur. Invitée il y a quelques mois à une rencontre avec le patron de Raleigh, l’association a fait l’état des lieux des compétences dont elle dispose. Philippe Pangrazzi voit dans l’installation de Raleigh la fourniture d’outils, de bureaux, d’ateliers, de matériel, et de tous les moyens nécessaires à la post-production. Il se demande néanmoins si le modèle des productions américaines va s’adapter aux productions françaises, moins habituées aux tournages en studio. « Nous avons les pieds sur terre, et la tête dans les étoiles ». Rassuré par l’expérience réussie de Raleigh à Budapest, qui a rapporté 10 000 emplois, Philippe Pangrazzi demeure « prudent sur la faisabilité du projet » et sur les intentions des Américains.

Jean-Louis Chauzy, le médiateur à l’Elysée

Le président du CESER a informé dès juin 2011 le bureau de son assemblée, des enjeux du projet Raleigh. « Nous avons deux raisons de le soutenir : il engendrerait une diversification des activités et créerait des emplois accessibles à tous. Il obligerait aussi à déporter des activités de sous-traitance aéronautique à Auch et à Tarbes ». Mais JeanLouis Chauzy ne s’est pas cantonné à son rôle consultatif. Il a obtenu en personne la réunion interministérielle du 12 avril, à l’issue de laquelle l’Elysée a déclassé la zone militaire en zone commerciale et spécifié la vocation culturelle du site. « Granja m’a demandé d’utiliser mon carnet d’adresses pour solliciter l’arbitrage de l’Etat. Il se trouve que je connais bien Christian Frémont, l’ex- directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy. Mon implication dans le dossier m’a valu quelques apostrophes. On m’a soupçonné de rouler pour l’ancien président ». Jean-Louis Chauzy reçoit tous les jours des demandes de rendez-vous de la part d’étudiants, de professionnels de la culture, de responsables universitaires, mais aussi de grands investisseurs potentiels comme Vinci.

La FICAM, le contradicteur La Fédération des industries du cinéma, de l’audiovisuel et du multimédia a exprimé ses réserves sur le projet de studios à Francazal. Cette position peut s’expliquer par l’amitié que son président Thierry de Segonzac entretient avec Luc Besson, qui finalise en ce moment le montage d’un projet de studios en Seine-Saint-Denis. Mais le projet toulousain, selon ses porteurs, ne concurrencerait en rien celui des studios de Luc Besson. Ces derniers ne comporteront ni zone de tournage extérieure, ni plateaux d’aussi grandes dimensions.

Le collectif Francazal, le lobby L’association se bat depuis deux ans pour empêcher la création d’un aéroport d’affaires sur la base de Francazal, qu’elle estime non rentable et vecteur de nuisances pour les riverains. Le collectif soutient « tout autre projet de reconversion du site, au premier rang desquels celui des studios », mais il s’oppose à l’utilisation de la piste d’atterrissage par les studios Raleigh, pourtant convoitée par Bruno Granja. « C’est du délire. Aucun grand studio de cinéma n’est situé à proximité d’une piste car c’est gênant à cause du bruit et des ondes », argumente Bernard Gineste, le président du collectif. Il juge les plans de Raleigh encore trop flous. « Avec les informations contradictoires qu’on lit, on se demande ce que ça va donner. Il faut que Granja sorte du bois et dévoile son plan de financement », assure Bernard Gineste. Le collectif maintient la pression pour stopper toute activité aérienne sur l’ancienne base. Les vols de nuit y sont autorisés depuis début avril, et Atlantic Air Industrie, spécialiste de la maintenance aéronautique déjà installé sur le site, prévoit de renforcer ses effectifs.

La Dépêche du Midi, réalisateur officiel du feuilleton Tournage d’un clip sur l’ancienne base

Le quotidien diffuse un nouvel épisode à chaque déclaration relative au sujet, même futile, et accumule les unes tapageuses. C’est pourtant le seul média à qui Bruno Granja accepte de parler. Et pour cause : c’est la publication d’un article dans le quotidien régional, qui, au printemps 2011, a fait réagir la préfecture, silencieuse depuis près d’un mois. Ce détail pourrait expliquer que le quotidien, qui multiplie les effets d’annonce et brode sur le sujet depuis un an, cherche à garder l’exclusivité sur l’information.

SECONDS RÔLES La Région, wait and pay Elle serait un des principaux financeurs des studios, aux côtés de Raleigh, notamment en termes d’aménagement du territoire. Martin Malvy, son président, a déclaré le 2 mai dans un communiqué qu’il « était normal que soit confirmée la décision de vente des terrains. (…) Reste maintenant aux promoteurs d’un projet dont chacun se félicitera s’il aboutit, à le préciser et à démentir l’Industrie française du cinéma qui lui oppose celui de Luc Besson en Seine-Saint-Denis ».

Le Grand Toulouse, le dossier à Cugnaux L’agglomération de Toulouse défend le projet, même si son président, le maire de Toulouse, Pierre Cohen, reste discret, voire absent sur ce front. Philippe Guérin, le maire de Cugnaux et 5ème vice-président du Grand Toulouse, recherche des soutiens au niveau national pour une perspective qu’il juge passionnante car porteuse d’emplois et de richesses pour l’agglomération. A l’issue de son grand meeting à Toulouse, quelques jours avant son élection à la présidence, François Hollande a promis qu’il aiderait à conclure l’opération.

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PAGEs OUVERTEs

SOcIALES — par Rémy Roux —

Les entreprises sociales au service

d’une nouvelle économie

Nous avions envie de faire quelque chose ensemble ?...

L

a crise mondiale que nous traversons remet en cause un système capitaliste basé sur quoi ? Le profit, et l’individualisme. Si vous lisez ce magazine, c’est que vous l’avez déjà compris ! Et que comme nous, vous aspirez à un monde basé sur des valeurs, et non pas uniquement sur la quantité du pognon qu’on amasse. Quand nous avons créé Ethiquable en 2003, avec mes amis Christophe et Stéphane, nous ne savions pas que nous étions en train de devenir des «Entrepreneurs Sociaux». Nous étions au virage de la quarantaine, avec une envie de travailler autrement, et de réussir quelque chose qui ait du sens.

Photo Guillaume Rivière

Rémy ROUX : Cofondateur de la Scop ETHIQUABLE, et du Mouvement des Entrepreneurs Sociaux (MOUVES)

Ce système qui nous fatigue est basé sur le profit maximal ?

Hé bien faisons autrement !... Le commerce équitable est une initiative qui permet de mieux répartir la richesse en optimisant la rémunération des producteurs du Sud. C’est une très bonne idée, il faut la mettre en action et prouver que ça marche. Et si nous utilisions les moyens de l’économie de marché pour développer ce commerce plus juste ? C’est ce que nous avons choisi de faire en lançant ETHIQUABLE en grande distribution. Le supermarché : la force de frappe de notre économie actuelle !... Mettre des produits du commerce équitable dans ses rayons, c’est un peu comme le judoka qui utilise le poids du mec d’en face, non ?...

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Créer l’entreprise en SCOP (Société Coopérative et Participative), c’est aussi une réponse à l’individualisme du système capitaliste... Dans une coopérative, il y a la démocratie : une personne = 1 voix. Mais aussi une plus juste répartition des excédents. En plus on partage l’aventure à plusieurs : les joies, les peines, les risques, les décisions … au lieu de courir tout seul. Et puis cela a aussi l’avantage de multiplier les compétences. Moi qui suis nul en compta, je n’aurais jamais su faire le montage financier dont Stéphane s’est occupé. Je n’avais aucune expérience des petits producteurs et de l’agronomie tropicale. Ça tombe bien, l’appui au développement de l’agriculture paysanne dans les pays du Sud, c’était le métier de Christophe depuis 15 ans. Par contre ces deux-là, faut pas les envoyer voir un client. C’était ce que je savais faire moi. En résumé : l’union fait la force, et c’est le premier enseignement que j’ai retenu de l’apprentissage en Scop. Plus on fera ensemble, dans tous les métiers, plus on sera efficace pour faire bouger les choses.

Notre projet s’est développé,

et sa réussite a prouvé qu’on pouvait fonctionner autrement tout en prenant notre place dans une économie conventionnelle. C’est là qu’on m’a dit un jour que j’étais un « entrepreneur social ». Chouette me suis-je dit, ça va faire plaisir à ma Maman !... Oui mais c’est quoi au fait un entrepreneur social ? C’est un chef d’entreprise, ou un dirigeant d’association qui se bat pour remettre l’homme et son travail au centre des valeurs. Et il y en a plein en France. Dans tous les secteurs de l’économie. Il faudra que ces entreprises sociales se développent et qu’elles continuent à prouver leur efficacité, pour « prendre des parts de marché ». Cela entraînera peut être les entreprises conventionnelles à se poser de bonnes questions et à faire évoluer leur fonctionnement, vous ne croyez pas ?…



agriculture rencontre

Lydia et Claude Bourguignon :

du vignoble

les archéologues

On vous connaît en tant que microbiologistes de renom, mais comment peut-on vous définir, qu’est-ce qui caractérise votre démarche ? Lydia Bourguignon : Nous sommes agrologues, nous faisons de l’agrologie – pas de l’agronomie. L’agros logos, c’est la connaissance du sol. Claude Bourguignon : On pourrait dire aussi biologistes des sols. On n’impose pas notre loi au champ, on regarde surtout l’aspect biologique du sol, notre but est de montrer aux agriculteurs que, si l’activité biologique est bonne (encore faut-il qu’elle existe), ils peuvent réduire considérablement leurs apports. L.B. : Notre approche consiste à leur faire comprendre qu’ils ont un capital qu’ils ne connaissent pas et qu’ils gèrent mal, ce qui accroît leur dépendance aux intrants et aux semences. Quand on connaît son capital, on le place mieux. Mieux connaître son sol peut aller jusqu’à un changement de culture.

S’ils ne sont pas vignerons, la terre est leur métier. Aux portes de Cahors, Claude et Lydia Bourguignon, experts en microbiologie, recréent le vignoble disparu qui fit la gloire de ces coteaux aujourd’hui oubliés, à contresens de la viticulture moderne. Un plaidoyer pour une autre façon de cultiver, qui se traduit aussi par une véritable passion pour l’histoire de ce vignoble au passé tourmenté. Entretien.

À l’INRA de Dijon en 1990, les idées et les recherches ne correspondaient pas à ce qu’on voulait : il y a 20 ans, l’écologie, l’environnement, on n’en parlait pas beaucoup. Cela nous a amenés à quitter l’institut pour créer un laboratoire de consulting pour, ou plutôt au service des agriculteurs et des vignerons. C.B. : Nous sommes le seul laboratoire d’analyse microbiologique des sols. Ailleurs, ce sont plutôt des analyses physico-chimiques qui sont faites, à la faveur des produits vendus aux agriculteurs. L.B. : On a rendu les agriculteurs dans une ignorance qui nous a stupéfaits, on leur a enlevé tout esprit critique sur les produits et leur utilisation. Les multinationales les aliènent complètement, c’est un véritable carcan. Il n’y a aucune liberté de l’agriculture. La profession resterait soumise à une certaine « culture agricole » ? C.B. : Complètement, on peut même parler d’une propagande stalinienne ! Le dernier refuge du Stalinisme, c’est l’agriculture : on nous affirme que « sans engrais, ça ne poussera pas », que sans Monsanto et les OGM, on va tous mourir de faim. Alors que les OGM sont une catastrophe écologique, leur arrivée en Argentine a fait multiplier par quatre les doses de pesticides, les sols sont complètement morts... Et, pour l’instant, les OGM n’ont pas répondu aux attentes.

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L.B. : La plupart des vignerons n’en veulent pas. On veut faire travailler des chercheurs sur les OGM de la vigne alors que la profession ne le demande pas. C’est de la fausse démocratie. C.B. : Dans un organisme comme l’INRA, 400 millions sont consacrés à la manipulation génétique et seulement 200 000 € à l’agriculture biologique qui marche plutôt bien, permet à des gens de vivre, a une clientèle… On nous dit: vous

Nous prévoyons d’aménager notre laboratoire ici êtes des criminels en préconisant l’agriculture biologique, vous allez faire mourir la moitié de la planète. Mais malgré la révolution verte qu’on a connu, il n’y a jamais eu autant d’hommes qui souffrent de la faim. On nous accuse de vouloir affamer la planète alors qu’elle l’est déjà ! L.B. : Il y a aussi la facture publique de la maladie, les cancers, le mauvais état sanitaire. Beaucoup réalisent que leurs grand-parents, malgré une alimentation moins diversifiée, se portaient mieux que nous. Dire que l’espérance de vie s’allonge, c’est un véritable mensonge médiatique, on n’a pas le droit de dire ça.


Propos recueillis par Christophe Pélaprat

certainement une qualité médiocre du vin, mais peu de cadurciens veulent l’entendre. C.B. : Ils ont perdu ce savoir viticole, qu’on a décidé de retrouver. Il faut aller chercher des vieux pieds de Malbec, retisser un tissu oublié… C’est comme de l’archéologie.

Pourquoi devenir vigneron dans le Lot ? L.B. : En 93, Mr Belmont, maire de Goujounac, a fait appel à nous pour replanter de la vigne. Une étude lui préconisait de tout détruire, de défoncer les sols, à un coût important. D’une âme paysanne, il supportait mal d’entendre que son sol n’était pas bon avant même d’y avoir touché. Nos analyses lui ont notamment conseillé de faire du blanc, plutôt rare sur le Cahors. C’est actuellement le plus côté de ses vins. Après cette expérience et être venus plusieurs fois dans la région, on s’est aperçu que cette zone de Cahors avait des terroirs fabuleux, mais complètement abandonnés. Cela nous a amenés à lire ce territoire. C.B. : On a découvert le drame de l’effondrement de ce vignoble, qui a été le deuxième de France avant le phylloxéra. Selon les écrits, entre 60 000 et 80 000 hectares de vigne ont été réduits jusqu’à 200 ou 400 ha en 1950. Ce fut la plus importante catastrophe viticole française, ça nous a assez impressionnés. Bien plus tard, à la création de l’AOC Cahors, dans les années 70, le vignoble en pleine mécanisation ne reprendra pas les grandes cultures d’autrefois sur les coteaux. L.B. : Ils replanteront 25 000 ha mais beaucoup dans les premières terrasses de la vallée, autrefois utilisées pour le maraîchage. D’où

C’est l’occasion de mettre en pratique les méthodes que vous préconisez… L.B. : On travaillait déjà avec beaucoup de vignerons et on s’est dit qu’ici pourrait être la vitrine de tout ce qu’on fait au laboratoire. Nos clients n’appliquent pas toujours tous nos conseils, ils restent libres de leurs choix, là nous pourrons faire tout ce que les autres ne veulent pas faire. Ici, on ne défoncera pas le terrain, on mettra le porte-greffe qu’il faut, on mettra les blancs où il faut, on choisira la taille… On a mis six ans à réunir les terrains, principalement des friches. On a simplement déssouché, on y a mis des céréales pendant deux ans, et l’on a appliqué la technique du bois raméal fragmenté (BRF) pour revaloriser des sols quasiment désertiques. Les rameaux des arbres enlevés, mais aussi des déchets de taille venus de la déchetterie de Catus, ont été épandus : 4 cm de BRF sur 7 ha, sans labourer. C’était plus qu’innovant, ici ils ont cru qu’on avait utilisé des OGM et des produits. C.B. : Ils voyaient le causse devenir tout vert, ils ne comprenaient plus, alors qu’on n’avait fait que relancer l’activité biologique. Au bout de 6 mois, on obtenait l’équivalent d’un sol forestier, dans lequel on a planté la vigne. L’autre innovation, c’est de travailler comme les anciens. Plutôt que des greffiers soudés, on plante d’abord des porte-greffes ; cette pratique séculaire permet à la plante de mieux s’enraciner et de résister au sec. Autrefois, ils n’avaient pas les moyens de les arroser, surtout sur des coteaux comme ça. La greffe se fait ensuite au champ.

L.B. : Les gens nous disaient de pousser tous les murets, de ne pas nous embêter avec ces vestiges… Mais ce n’est pas comme ça que fonctionne la vie, la notion du beau, des énergies, c’est très important dans un projet, il n’y a pas que l’argent. C.B. : Nous sommes un peu les Mérimée viticoles ; comme beaucoup de monuments au 19e siècle, on détruit aujourd’hui le patrimoine viticole, avec des conséquences sur les vins qui n’ont plus la même tenue. Ici, avec un bulldozer, on peut anéantir 2000 ans de travail humain sans aucune considération ; il y a quelque chose de très violent, un non-respect de tous ceux qui, à la main, ont créé toute cette organisation remarquable de l’espace, cette logique paysanne, ce terroir fait de main d’homme. L.B. : La toute puissance des machines, c’est une violation de la terre, ce que ne comprennent pas beaucoup d’agriculteurs. Les gens considèrent que la machine fait mieux que tout, mais la nature dans beaucoup d’aspects fait beaucoup mieux que la machine. Tant qu’on ne reviendra pas au fondamental du sol, de la vie qu’il renferme, on polluera l’eau et l’air. C.B. : On utilise ici un petit chenillard pour ne pas compacter les sols, des outils adaptés… Si notre expérience fonctionne, si on arrive à produire deux bons vins ici, un rouge et un blanc, ça changera complètement le regard sur ces coteaux abandonnés, dénigrés. On peut faire de ces friches un endroit où des hommes vivent, c’est ce qui nous passionne dans cette expérience, c’est aussi un projet de développement local. Nous prévoyons à terme de venir ici et d’y déménager notre laboratoire ; une terre comme ça, ça attache. 1

Cabanes en pierres sèches typiques du Quercy

Nous sommes un peu les Mérimée viticoles

Vous vous êtes pris de passion pour l’histoire de ce terroir… C.B. : Oui, il s’agit de recréer ce qu’était le vignoble de Cahors. On a gardé tous les murets en pierres sèches et restauré une petite maison de vigneron, il y en a encore deux autres avec des caselles … On a racheté dans le village de Larroque-desArcs un vieux chai à l’abandon depuis 150 ans. Avant, les anciens avaient la vigne sur les coteaux et les vins étaient faits au bord du Lot dans la fraîcheur de la vallée, on va essayer de recréer cette histoire cadurcienne, de restaurer ce patrimoine paysan.

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agriculture

L’association PROMMATA a remis la traction animale au goût du jour. En développant des outils modernes, cultiver sans mécanisation n’est pas une utopie. Cette pratique séduit les petits paysans soucieux de leur autonomie et d’une agriculture durable à taille humaine mais aussi les particuliers souhaitant cultiver un potager aux côtés de leur mule, âne ou cheval de trait.

PROMMATA

– Par Marie-Pierre Buttigieg –

La traction animale,

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un


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« Durant les années d’après-guerre, la recherche en matière de traction animale a été abandonnée au profit de la mécanisation. Seul Jean Nolle a continué une activité de recherche et développement de ces outils. Il a mis ses travaux au service des petits producteurs. En 1991, des paysans ariégeois passionnés de traction animale l’ont sollicité. Ensemble, ils ont fondé PROMMATA2-Ariège et ont mis au point trois inventions : le Kanol, le Polynol et l’Ariana», explique Antonin Cancino, chargé de communication de l’association Prommata. A sa disparition, en 1993, l’inventeur du concept Mamata (Matériel Agricole Moderne A Traction

Animale) a légué ses plans, ses prototypes et son outillage à l’association qui poursuit son action. Depuis son installation dans l’ancienne gare de Rimont en Ariège, Prommata a créé deux nouveaux porte-outils : la kassine pour le maraîchage et les cultures sur petites surfaces, (porte-outil à multi-usages qui permet de labourer, billonner, sarcler...) et le matavigne pour la viticulture (porte-outils qui permet de travailler dans les vignes à partir d’1m30, avec un cheval de trait. Pour le moment, il est utilisé pour travailler le sol). « Ils permettent d’avoir un sol aéré, de bonne qualité, idéal pour les producteurs bio qui n’utilisent pas de produits chimiques. Un

La traction animale permet de réduire le recours à l’emprunt, de ne plus dépendre du carburant et entraîne une limitation des investissements.

retour au galop Appel à soutien ! Rejoignez le sillon creusé par PROMMATA qui connaît actuellement une situation financière difficile. « Nous sommes 7 salariés sans compter les formateurs qui interviennent de façon ponctuelle et les bénévoles. Mais nous n’avons plus de contrats aidés et l’association ne perçoit aucune subvention. La vente des outils ne finance qu’une partie. Nous sommes donc à la recherche de partenaires, de soutien pour pouvoir traverser cette période de tempête. Nous voulons continuer à répondre aux besoins des petits producteurs ».

motoculteur déstructure le sol tandis qu’un tracteur le compacte. La kassine évite l’effet dameuse car il n’y a pas de vibration. On entre progressivement en profondeur. On ne peut pas concurrencer de gros producteurs mais sur de petites surfaces, la traction animale est très intéressante. Depuis 15 ans, la demande est croissante », précise Antonin Cancino, soulignant qu’un motoculteur ne dépasse pas les 1km/h alors qu’une kassine tractée par un animal atteint les 5km/h.

« La relation entre l’homme et l’animal est très importante » Chaque année, plus de 500 kassines sortent de cet atelier ariégeois où elles sont fabriquées. L’équipe de recherche optimise ces outils, les modifie en fonction des retours du terrain et des usagers qui reçoivent sur leur exploitation une formation dès l’achat. Les formateurs interviennent partout en France et testent de nouveaux outils. A la demande, l’association soutient des projets de traction animale à l’étranger notamment au Burkina Faso où un atelier de fabrication a été mis en place mais aussi à Madagascar, au Niger ou en Algérie. Promotion, recherche, fabrication et formation sont les activités de cette association à but non lucratif, dont l’objectif est d’aider les personnes qui travaillent, ou souhaitent travailler, avec des animaux de trait. Elle compte aujourd’hui environ 350 adhérents en France et dans plusieurs pays européens ainsi qu’au Canada. Tous ne sont pas producteurs agricoles. «Pour acheter un porte-outils, il faut adhérer à l’association.

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Nous incitons à la transmission d’une pratique. La relation entre l’homme et l’animal est très importante. Certains ont parfois un vaste potager et un âne pour le plaisir avec lequel ils ont envie de travailler. Il n’est pas uniquement question de rentabilité, c’est aussi une façon de vivre. Pour les professionnels, la traction animale peut être complémentaire pour finir la préparation du sol et l’entretien des cultures». Pour Prommata, ce concept moderne revitalise l’espace rural. C’est une composante d’un développement agricole intelligent et durable. La traction animale permet de réduire le recours à l’emprunt, de ne plus dépendre du carburant qui a un impact sur le coût des cultures et entraîne une limitation des investissements. C’est la liberté retrouvée pour le modeste paysan ou celui dont le projet est de monter une petite exploitation. C’est produire sans créer de pollution, en harmonie avec les animaux de trait, ânes, mules, vaches et chevaux, qui s’attèlent à une nouvelle agriculture, celle de demain.

Association PROMMATA 09420 Rimont - Tel 05 61 96 36 60 – www.prommata.org


agriculture

Coupes – par Christophe Pélaprat –

à blanc

à l’Office National

des Forêts

– Par christophe pélaprat –

«

« Gestionnaire de forêts et d’espaces naturels, l’ONF est acteur du développement durable », peut-on lire en en-tête du site officiel de l’Office National des Forêts. Une vocation de service public honorable pour cet organisme issu de la prestigieuse Administration des Eaux et Forêts créée à la fin du 19e siècle, devenu EPIC (Établissement public à caractère industriel et commercial) en 1964. Mais si le développement durable s’affiche en filigrane à toutes les pages, la durabilité des missions de l’ONF semble de plus en plus contestée par ses agents. Le 19 mars à Toulouse, comme dans quatre autres grandes villes de France, des ouvriers forestiers manifestaient pour dénoncer leurs conditions de travail et la suppression de nombreux postes. Le dernier contrat de plan pour les quatre ans à venir prévoit une réduction de 700 emplois, soit 1,5 % par an, qui se traduit par de plus en plus de postes vacants. « D’ici cinq ans, l’ONF n’existera plus, prévient Dominique Dallarmi, responsable de secteur à St-Gaudens. En 2016, l’Office aura moins de personnel qu’à sa création. » Il est vrai qu’avec 725 personnes dans le Sud-Ouest (Aquitaine et Midi-Pyrénées réunis) pour plus de 500 000 ha de superficie gérée, l’ONF peine à assurer ses missions « régaliennes » de gestion et de surveillance. Mais n’est-ce pas le but avoué d’une perpétuelle réforme des services en cours depuis dix ans ? « Nous passons d’une logique d’aménagement et de « gardiennage » à un recentrage sur la production de bois », explique Philippe Berger, secrétaire national du SNUPFEN. Pour nous, une gestion forestière durable implique une approche globale et pluri-fonctionnelle,

aujourd’hui on ne nous permet plus d’assurer les missions confiées par les codes forestiers et de l’environnement. Nous devenons le bras armé de la filière bois ». « La production est maximisée au détriment des fonctions sociales et environnementales de la forêt, confirme Dominique Dallarmi. Tout ce qui peut être favorable à la commercialisation du bois est bien vu, même au mépris de la réglementation. » Lots exploités trop tôt, procès-verbaux pour vol de bois étouffés, volumes bradés, larges concessions à de gros exploitants… Les exemples de dérives se multiplient.

une vision à court terme Agent de terrain sur l’arrondissement de Millau, Frank Saigne vit au quotidien cette surenchère à la production, soumis au nouveau management d’objectifs. « On prélève plus que ce que la forêt produit, on n’a plus les moyens de la gérer sereinement. Les coupes à blanc se font sans régénération du sol, il n’y a pas de budget pour replanter derrière… ». Les plans de gestion qui orientent sur quinze ans l’aménagement de chaque forêt se réduisent en terme de mètres cubes et d’euros. De plus en plus simplifiés, ils privilégient le court terme au mépris des échelles de temps séculaires de certaines essences, comme ces anciennes chênaies de St-Gaudens qui, une fois surexploitées, mettront très longtemps à se recomposer. Les forêts publiques, bien que ne représentant qu’un tiers des espaces boisés en France (18 % dans le

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Sud-Ouest), recèlent de vieux boisements importants en termes de biodiversité. Seule la forêt de Bouconne, en périphérie de Toulouse, semble avoir été épargnée, sa situation périurbaine lui valant un statut de protection. Bien que, là encore, un œil averti relèvera le déficit de travaux touristiques en retard, du fait de la désorganisation des services. Car l’ONF s’est scindé en agences spécialisées, chacune en charge de missions spécifiques. Etudes, travaux, commercialisation, elles remplacent les agences territoriales qui coordonnaient l’ensemble des missions. Tandis que ces dernières, dépossédées de leurs missions, fusionnent en services de plus en plus centralisés, au détriment du maillage territorial, ce cloisonnement en prestations favorise la concurrence entre les différentes équipes. Deux agences de l’ONF peuvent candidater sur la même prestation et la désinformation entre collègues est de mise. « On peut ne pas être prévenus des travaux, qui se font parfois sur des parcelles non prévues, raconte Frank Saigne. Mais surtout, nos missions de base sont occultées au profit de prestations plus rémunératrices. De s agents de l’ONF se retrouvent à relever des lignes électriques en milieu urbain, sous contrat avec EDF ! » Dépossédés de leur métier et de leur forêt, beaucoup vivent très mal ces changements. L’ONF a connu 25 suicides en France en cinq ans, dont quatre dans le Sud-Ouest l’an passé. Ces drames, compte tenu des effectifs de l’ONF, sont tout de même proportionnellement cinq fois plus importants que ceux de France Telecom. « Nous ne sommes pas passéistes, les forestiers sont prêts à évoluer, assure Philippe Berger. Mais à condition de revenir à une vision globale de la forêt, pourquoi pas en collaborant avec le privé pour un grand service public. » Syndicat National Unifié des Personnels des Forêts et de l’Espace Naturel

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Biocoop Mirabelle FOIX 20 Rue Saint Vincent 09000 FOIX Tél : 05.61.03.66.57 Fax : 05.61.03.84.99 Biocoop L’Union 2 Rue d’Ariane 31240 L’Union Tél : 05.62.30.33.60 Fax : 05.61.61.26.20 Biocoop Bio Balma 12 Chemin de Ribaute 31130 Quint Fonsegrives Tél : 05.62.47.08.31 Fax : 05.61.20.61.52 Biocoop Grandeur Nature Labège Route de Baziège 31670 Labège Tél : 05.61.52.00.10 Fax : 05.61.52.00.10 Biocoop Grandeur Nature Toulouse 21 des Ecoles Jules Julien 31000 Toulouse Tél : 05.61.53.95.63 Fax : 05.61.32.89.44 Biocoop L’Oustal 22 rue de la cité Saint Gobain 31150 Fenouillet Tél : 05.61.37.01.17 Biocoop Les jardins d’Augusta 52 du 8 mai 32000 Auch Tél : 05.65.21.83.70 Biocoop Tarbes Ouest-Tarbes Sud Rue de la Garainere 65000 Tarbes Tél : 05.62.46.35 Fax : 05.62.51.28.34


société

Un habitat groupé s’élève aux abords du Canal

Contact hgcanal@gmail.com https://sites.google.com/ site/habitatgroupeducanal/

L’habitat groupé du canal de Ramonville St-Agne, à quelques encablures du Canal du Midi, sort enfin de terre. Huit foyers associés au sein d’une SCIA (société civile immobilière d’attribution) et voici le premier habitat participatif de la région depuis 25 ans. Un pari utopique qui dépasse la simple question du logement et trace une nouvelle voie du vivre ensemble.

– par Christophe Abramovsky –

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Ce qui rassemble ces habitants étranges, c’est d’abord l’envie de ne pas vivre replié sur soi, caché de son voisin, c’est la volonté de construire du lien, dans un lieu pensé dans le respect de l’environnement et de l’humain. Partage et convivialité sont les maîtres mots de ce paradis en construction. Au cœur d’un quartier résidentiel de Ramonville, juste à côté du hameau de Mange-Pommes, un habitat groupé pionnier qui fête ses 26 bougies, ce sont quatre duplex et quatre simplex qui vont bientôt accueillir les treize adultes et sept enfants.

un projet écologique

Le projet reste très largement influencé par une recherche permanente d’écologie. Le bâtiment orienté au sud est construit selon les normes BBC (bâtiment basse consommation), le bois abattu sur le terrain est réutilisé pour la fabrication de mobilier, les déchets verts sont évacués vers les jardins partagés de la maison de l’économie sociale à deux pas du site, le chauffe-eau solaire couvre les besoins des quatre simplex, l’isolation est en laine de bois, les murs extérieurs sont en bardage bois non traité, l’eau pluviale est bien sûr récupérée, le chauffage est assuré par un poêle à bois dans chaque logement… « On a essayé d’interroger les matériaux par rapport à la gestion environnementale. C’est donc un compromis ancré dans le réel », confesse Roland Bréfel, qui porte ce projet depuis de nombreuses années. Mathieu Hazard et sa femme Marieke sont les derniers arrivés. « L’aspect économique est important : la mitoyenneté permet d’économiser de l’énergie et aussi l’emprise au sol. Mais ce qui nous a convaincu, c’est d’abord l’idée du partage ».

Le projet joue aussi sur la mixité générationnelle. Chaque futur habitant a mûrement réfléchi ce choix. Car en plus des logements privatifs, de nombreux espaces sont conçus pour être partagés. Le terrain est ouvert à tous : pas de grillage ou de hautes haies pour délimiter les parcelles. Une salle commune est prévue pour les réunions, les festivités et les associations du quartier, une buanderie et des ateliers seront aussi mutualisés. Et quand des amis viendront, ils pourront bénéficier d’une chambre, commune à tous les foyers. Mais attention, il ne s’agit pas là d’une communauté de baba cool. L’habitat participatif est une démarche où le collectif est déterminant, mais où la place de chacun et l’intimité comptent tout autant.

mixité et sociocratie « Au départ, nous voulions un terrain plus grand, afin de construire une vingtaine de logements, en intégrant aussi des logements sociaux. L’idée étant de réfléchir au vivre ensemble, avec ses différences, permettant à tous de trouver à se loger selon des normes environnementales et qualitatives élevées », précise Roland. En effet, l’habitat participatif est aussi un projet social, où l’enjeu est de faire cohabiter des familles aux revenus disparates et des personnes à mobilité réduite. Le projet joue aussi sur la mixité générationnelle. Yveline Pinvidic, future habitante de l’habitat groupé est enthousiaste à l’idée de vivre cette aventure : « Dans ce projet, nous réfléchissons

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à l’idée de vieillir ensemble, un peu comme les Babayagas, ce groupe de femmes qui ont décidé de s’entraider en partageant un même lieu de vie ». Quand on l’interroge sur la vie en communauté, Yveline est sans ambiguïté : « chacun est chez soi et possède son appartement, mais nous voulons surtout travailler les liens entre nous, mettre en commun autant nos savoirs, savoir-faire et expériences que des lieux collectifs ». D’ailleurs, l’habitat groupé du canal n’aurait pas vu le jour sans l’investissement de chacun, les heures de réunion et la mise en mouvement des compétences existantes au sein de ce collectif. « On a été assez complémentaire dans nos compétences, de l’administratif à l’informatique en passant par le juridique, la maîtrise d’œuvre ou le suivi du chantier, chacun a donné de son temps selon ses possibilités, et ce n’est pas fini ! » rappelle Yveline. Mais, là comme ailleurs, les conflits peuvent naître. Ils sont souvent à l’origine des échecs dans ce genre d’aventurecollective. Aussi, pour se prémunir de tels risques, les associés ont fait appel à un intervenant extérieur spécialiste en communication non violente et accompagnateur en relations humaines, formé à la sociocratie. La répartition des logements entre les futurs habitants a ainsi pu se passer au mieux. Le premier bâtiment n’est pas encore sorti de terre et déjà l’habitat participatif remplit sa fonction : redéfinir les relations entre les habitants, en privilégiant l’entraide sur l’individualisme, l’échange sur l’enfermement, le respect de l’environnement sur le «toujours plus» consumériste. Et pour faire partager cette expérience, en août, un chantier participatif devrait pouvoir accueillir toutes les bonnes volontés. Objectif : construire les espaces communs à ossature bois. Alors, rien de tel pour découvrir l’habitat groupé du canal que de mettre la main à la pâte, avec le sourire bien évidemment…


porTfol o


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Si par essence le musée est un lieu ouvert au public, les visiteurs ne voient pour autant que la face émergée d’un iceberg. Les coulisses du Muséum de Toulouse n’échappent pas à cette règle. C’est même là que se déroule le travail de la majeure partie de l’équipe. Lieux secrets, recoins cachés, sont le siège d’une activité foisonnante qui gravite pour une grande partie autour des collections patrimoniales dont l’établissement a la charge. Pour l’équipe de conservation, le cœur de l’activité se situe dans les réserves, grands couloirs austères donnant sur des salles dépourvues de lumière naturelle. Là, tel un inventaire à la Prévert, des centaines de milliers d’objets sont pris en charge : oiseaux en peau, masques africains, armes océaniennes, animaux naturalisés, fossiles, roches, œufs, plantes séchées dans les herbiers, boîtes remplies de milliers d’insectes, ossements, outils préhistoriques, ouvrages anciens ou modernes… Nettoyés, restaurés, marqués, catalogués, numérisés, inventoriés dans des bases de données informatiques, stérilisés, précieusement et méthodiquement rangés dans des locaux parfaitement adaptés à leur conservation, avec une température et une hygrométrie

surveillées comme le lait sur le feu, ils sont l’objet de soins attentifs et rigoureux tout au long de l’année, tant pour les objets que pour les ouvrages. Tous sont le reflet d’une partie de l’histoire du Muséum qui plonge ses racines à la fin du 18ème siècle, juste après la révolution française. Ils nous racontent les explorations naturalistes des mers du sud, les conquêtes souvent sanglantes de l’époque coloniale qui ont lancé à l’assaut des différents continents explorateurs, aventuriers, missionnaires et militaires. Certains sont connus comme le Maréchal Galliéni, d’autres plus anonymes, mais tous ont ramené de leurs voyages des objets qui se sont accumulés dans les collections du Muséum. Curieusement, les collections nous dévoilent aussi les « dadas » des conservateurs comme ces milliers de plaques photographiques sur verre qui ont fait dire d’Eugène Trutat que la photographie était sa « tyrannique maîtresse ». Un autre lieu secret exerce souvent une sorte de fascination morbide. C’est l’atelier de taxidermie. Depuis près de 150 ans, le muséum s’est fait une spécialité de cet art difficile qui consiste à redonner vie à une dépouille d’animal. Après avoir dépecé l’animal, le taxidermiste récupère la peau, la plonge dans des bains de tannage à la composition souvent mystérieuse tant chacun a ses petits secrets. Pendant ce temps, il reconstitue un mannequin aux dimensions exactes de l’animal à l’aide de divers matériaux. Il lui choisit une position, modèle chaque muscle, puis l’habille enfin avec la peau qu’il recoud minutieusement avant de lui don-

– PAR FRANCIS DURANTHON DIRECTEUR DU MUSEUM DE TOULOUSE —

ner finalement son expression en lui rendant le regard avec des yeux en verre… Si le travail du taxidermiste est très visible, celui de son collègue socleur est d’autant plus réussi qu’on ne le perçoit pas. C’est lui qui réalise à l’aide de tiges métalliques tous les supports, toutes les accroches de tous les objets qui s’exposent aux yeux du public. Le socle doit être léger, gracieux, élégant, il doit s’effacer pour mettre en valeur l’objet, même si sa réalisation a demandé des dizaines d’heures de travail. Le soclage, où l’art de se faire oublier… Enfin, il y a le reste, tout le reste, des espaces de stockage et de frigos du restaurant, aux ateliers de maintenance où l’on réceptionne, distribue, oriente les livraisons, où l’on fabrique les caisses pour les envois au bout du monde en passant par les bureaux variés, de ceux des chercheurs à ceux des administratifs où ceux ou se préparent toutes les activités du Muséum : exposition, conférences, spectacles, débats. C’est une activité vibrionnante qui se déroule dans ces lieux secrets du Muséum où toute une équipe a à cœur de remplir sa mission de service public et de faire en sorte que, conformément aux statuts du Conseil International des Musées (ICOM), l’établissement soit pour le public un lieu d’éducation et de délectation. Bonne visite...

DANS LES coulisses Du MUSEUM

GUILLAUME RIVIERE, photographe indépendant, travaille essentiellement pour la presse et les agences de communication. Il a toujours été attiré par les petites bêtes et les a longuement observées... Depuis son plus jeune âge. Aujourd’hui, vivant à Toulouse, il court moins souvent dans les champs. Et pour combler ce manque, il s’est plongé dans les coulisses du Muséum, pour Friture Mag. Son site : www.guillaumeriviere.com


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PAGEs OUVERTEs

par Dick Annegarn

peuple PEUPLE?

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a criseJe suis chanteur de variété, depuis 40 ans. Varier les plaisirs, comme les jongleurs, danseurs, musiciens et poètes des pays méditerranéens, est mon commerce, ma chance. Je visite les villes qui m’invitent. Comme un explorateur. Autant de communes, autant d’actions culturelles, de programmes, d’états d’esprit à observer. Autant d’expériences. Tous les politiques s’octroient une mission culturelle quasi éducative du public. Pourtant peu d’entre eux ont réussi à animer à la hauteur de leur mission. Art populaire, arts de la rue, chanson engagée, culture dissidente, démocratie participative. Qu’est-ce qu’ils n’ont pas inventé pour séduire le peuple ? Le front populaire a créé les congés payés et les Maisons de la Culture. Mai ’68 a créé la culture dissidente et politique. Mais les taureaux s’ennuient toujours le dimanche. Parce que le lien social ne s’est toujours pas fait entre peuple et culture. La culture c’est pour les bourgeois. Le peuple a ses loisirs. Pops. Manger, le sport, les mots croisés, la télé, facebook… La musique amplifiée, le rap, le slam, la BD, les arts numériques sont relégués à quelques temples contemporains et à quelques festivals prestigieux. Le peuple s’ennuie. Devant l’écran.

Et la littérature orale ?

Les contes, épopées, chants et autres pastorales réservés aux peuplologues diplômés ? Et les palabres, proverbes, discours, prêches, tensons, disputationes et tous ces amusements verbaux des mushairas pakistanais, des helkas berbères, des Hide-Park Corners londoniens, des places Jmaa Nfna marocains, des places Beaubourg parisiens ? Et toutes ces manifestations politiques à joutes oratoires prolixes, ces plaidoyers devant des tribunaux pleins à craquer, ces salles de spectacles où des humoristes s’en donnent à cœur joie de mal-parler. Cela ne serait que de la sous-culture ? Il n’y aurait que les one-man-shows de psychanalysé(e)s qui mériteraient les résidences d’artistes en Avignon ? Et les festivals de lectures sinistres pour enseignants de « gôche », les subventions? Le rendez-vous de ces dernières années de créations institutionnelles a été raté. La crise n’autorisera plus cette complaisance « classiste » et généreuse, sans susciter la réprobation d’une population frustrée. Supposons que la littérature exista depuis 24h00. Ça ferait 23 heures qu’on se parle, joute, raconte, chante. Cela ne fait qu’une heure qu’on s’écrit. Au départ littérature se comprenait orale, populaire, mythologique et religieuse par les épopées, les odes et les chants. N’étaient écrit que ce que les églises et les académies voulaient bien transcrire. La littérature s’est définitivement embourgeoisée depuis que Flaubert a mis l’intrigue adultère au centre de ses romans. L’Art est réservé à une élite instruite. Le théâtre, la chorégraphie, les arts plastiques et récemment les « instâllâtions »

seraient ainsi l’expression de l’excellence. Mais cet artiste autiste résulte d’une aliénation occidentale individualiste. Dans d’autres sociétés l’artiste représente la collectivité. Mariages, fêtes, cérémonies et célébrations transforment les êtres en artistes occasionnels. Dans la société poétique et gasconne les amis du verbe ont leur place. Depuis 2002 notre association existe bon an mal an. L’Académie des arts floraux, la poésie des troubadours, la pratique des tensons, l’histoire des radicaux, le mouvement occitan, le forum des langues, la profusion de chanteurs toulousains, tout corrobore pour que cette capitale régionale soit la capitale nationale de la littérature orale. Et de la chanson.

Photo Guillaume Rivière

tu parles !

Nos matches de tchatche et de slam à Toulouse,

nos concours de poèmes tous les ans, nos sentiers du verbe, nos stèles, nos manifestations poétiques, nos excursions scolaires, notre présence sur le web, nos Festivals du Verbe, nos repas à thèmes, attirent un public populaire de plus en plus nombreux. Je dis populaire puisqu’en milieu rural, même si on peut être cultivateur et cultivé, les intellectuels sont rares. Je dis populaire, puisque les intellectuels urbains fréquentent de préférence les théâtres, les Marathons des Mots, les Printemps des Poètes, et autres hauts lieux de la littérature écrite, donc minoritaire. La chanson et les joutes (rap, slam, tchatche) se dégustent seulement dans quelque centre culturel, friche alternative ou cave alcoolisée. Les smartphones, la radio, la télé relayent le besoin vulgaire : Grosses Têtes, Chevaliers du Fiel, N’oubliez pas les Paroles, The Voice et autres karaokés animent les masses. Les tribuns et les humoristes pullulent.

Les Amis du Verbe, association citoyenne, posent leur alternative culturelle depuis 10

ans. Le siège de l’association est en Comminges, arrière-pays de la Haute Garonne en quasi abandon culturel. Paysans et néo-ruraux s’y côtoient depuis que la désertification est inversée. Nombreux élus de cette région, mâles blancs et sexagénaires, ignorent les nouvelles aspirations de leur population. Ils sont domiciliés dans des terroirs qu’ils n’habitent plus. A eux les territoires ancestraux. Les autres, les jeunes, les femmes et les étrangers n’ont pas à participer à la gestion de leur pays. La vie associative va pourtant bon train dans l’arrière-pays. Associations de parents d’élèves, sportives, de défense de la nature, comités de fêtes, et autres clubs de cheveux d’argent n’attendent pas l’aval de leurs élus pour organiser omelettes pascales, vides greniers, sorties, bals musettes et autres lotos et fêtes du village. La population y est plus que mélangée. Unie dans le besoin. C’est comme ça que j’ai pu intégrer activement mon village d’adoption, fort de leur expérience d’organisateurs et de mon expérience culturelle.

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Dick Annegarn : Dick Annegarn est auteur-compositeur-interprète néerlandais, auteur de chansons en français, mais aussi en anglais, voire en néerlandais. Il réside dans le Sud-Ouest de la France, à LaffiteToupière (31) où il organise chaque année le Festival du Verbe.


culture

Arnaud

bernard place AU SPECTACLE – par Katia Broussy –

N

Non, Arnaud Bernard n’est pas qu’un quartier où l’on peut acheter des cigarettes, du cannabis et autres drogues. Ce n’est pas qu’un quartier où les kebabs et commerces de restauration rapide poussent comme des champignons. Ce n’est pas qu’un chemin de ronde pour policiers en quête de dealers, de clandestins ou de jeunes en train de consommer de l’alcool sur la voie publique. Certes, ont y trouve tout cela, mais beaucoup plus encore. Arnaud Bernard est un quartier populaire où les cultures se mélangent, d’autant plus depuis que des initiatives, associatives ou commerciales, y diffusent de la culture, sous toutes ses formes, et font se rencontrer les gens, qu’ils soient du quartier ou d’ailleurs, français ou étrangers. Un dynamisme culturel qui s’est encore accru avec l’ouverture, il y a quelques mois, de deux nouveaux cafés associatifs, et que tous s’accordent à trouver « extrêmement positif », même si certains bémols au sujet des nuisances sonores la nuit s’expriment

Au fil des ans, Arnaud Bernard a vu apparaître de plus en plus de structures proposant des événements culturels. Associations, théâtre ou bars, tous apportent leur pierre à la diffusion de la culture dans ce quartier populaire.

parfois. Petit tour d’horizon de ces structures qui font vivre la culture au cœur de ce quartier historique de la Ville rose.

Escambiar en musique Créée en 1981, Escambiar est une des plus anciennes associations culturelles du quartier. Son action est tournée vers la musique, en particulier du monde ou occitane. Cela passe notamment par l’accompagnement de groupes et de musiciens (les Fabulous Troubadours, Bombes 2 Bal, Nouveaux Cantadors…) ou l’organisation d’ateliers danse, accordéon et la Chorale civique. Tous les ans en octobre, elle organise à la Cinémathèque et à la Cave Poésie le festival « Peuples et musiques au cinéma », qui vise à faire découvrir les musiques du monde à travers des films, spectacles ou concerts de groupes amateurs. Escambiar participe également

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à des manifestations en partenariat avec d’autres structures, comme par exemple le Forum des langues du Carrefour Culturel. Enfin, dernièrement, elle a travaillé à la création d’un conte-spectacle musical, « L’aventure de l’aéropostale », et offre un accès libre, dans ses locaux, à un centre de ressources rassemblant des livres, disques ou DVD sur ses actions et les musiques du monde.

Langues et échanges au Carrefour culturel Langues et échanges au Carrefour culturel Le Carrefour culturel existe depuis 1991, mais ses premières Conversations socratiques, organisées en extérieur, sur les places publiques du quartier, remontent à 1989. Souvent prolongement de questions évoquées en Comité de quartier, celles-ci visent à rassembler les « concitoyens » afin de réfléchir et


Photos Katia Broussy

en bref Les 20 ans de Groland à Toulouse en septembre

échanger sur l’art de vivre ensemble et le « civique ». L’association a également été créée pour mettre en œuvre le Forum des langues et encourager les Repas de quartiers. Le premier, qui se déroule tous les ans, fin mai, sur la place du Capitole, a pour objectif de présenter la pluralité des langues du monde (environ 250 représentées) en faisant participer une centaine d’associations linguisitico-culturelles, mais aussi de lancer la réflexion sur ce que sont les langues et le langage. Quant aux Repas de quartier, ils ont pour but de rassembler les habitants tout en faisant d’eux les acteurs de ces rencontres. Organisation, installation, préparation, rangement… tout le monde y est hôte dans les deux sens du terme.

Le Fil à plomb, théâtre militant Caché au fond de la cours derrière le Breughel, le théâtre du Fil à Plomb est une des institutions culturelles du quartier Arnaud Bernard. Fondé par Badradine Reguieg en 1999 et parrainé par Virginie Lemoine, sa programmation est clairement tournée vers l’humour, mais avec un fond social et politique omniprésent. « La promotion et la diffusion d’un théâtre populaire de qualité mais pas élitiste, avec une politique tarifaire accessible à tous », voilà l’ambition affichée par son fondateur. Mais également « l’envie de faire des choses », d’être un « laboratoire » en soutenant la création artistique et les auteurs locaux. Bref, « être un espace de création et de résistance artistique dans un esprit de culture militante ». Son installation à Arnaud Bernard ne doit donc rien au hasard : « c’était le quartier de prédilection, avec culturellement un terreau associatif fort au côté duquel nous travaillons régulièrement ».

Concerts et expos dans les Bar-Bars Initiative d’origine nantaise, la création du Collectif Bar-Bars à Toulouse date de 2008. Ce dernier rassemble tous les bars, cafés et restaurants qui revendiquent le titre de « cafés culturels » en organisant des concerts, expositions, prestations théâtrales, etc. Comme une preuve supplémentaire de son dynamisme culturel, le quartier Arnaud Bernard compte à lui seul sept établissements membres de ce collectif : cinq bars (l’Autan, Breughel l’ancien, le Communard, La Dernière chance et le Txus) et deux restaurants (l’Esquinade et La Gaîté), qui sans même s’être concertés, se sont installés dans une certaine complémentarité avec une programmation diversifiée. Pour les concerts par exemple, tous ne proposent pas le même style de musique et ne sont pas programmés les mêmes soirs ou aux mêmes horaires.

LES DEUX « PETITS DERNIERS » Maison Blanche, scène de rencontres Ouvert il y a quelques mois, le nom du café culturel associatif Maison Blanche (sans le « la » !) fait référence à l’aéroport d’Alger, donc à l’Algérie, pays d’origine de son créateur, Rachid Belallaoua, personnage bien connu dans le quartier, notamment grâce aux « Lundis populaires » de la Kasbah. Pour autant, hors de question de verser dans le communautarisme. Oui, on y joue de la musique originaire du Maghreb, mais pas seulement : cultures occitane, espagnole, portugaise et bien d’autres encore sont de la partie lors des concerts des vendredis et samedis soirs. Maison Blanche est donc un lieu ouvert, multiculturel, qui se veut représentatif de ce quartier haut en couleurs qu’est Arnaud Bernard. Sa création est aussi le fruit d’un constat : « il nous fallait un lieu pour se retrouver », en particulier en journée. En effet, si le quartier ne manque pas d’animation en soirée et la nuit, il connaît effectivement une certaine pénurie de lieux de convivialité avant 17 heures.

Comme Chez ta mère Là encore la nature fait bien les choses. Sans concertation aucune, un second café culturel associatif a ouvert ses portes quelques semaines plus tard et à quelques foulées à peine de Maison Blanche : le « Chez ta mère ». Mais il n’est pas question de concurrence entre les deux puisque leur programmation et leur style, tout en restant dans un état d’esprit commun d’échanges multiculturels et de rencontres, sont radicalement différents. Naturellement plus tourné vers le théâtre, milieu d’où viennent ses créateurs, Chez ta mère propose également de la musique, des expositions et des débats mais s’inscrit plus dans une tradition de textes et de langue française, sans pour autant se fermer au reste du monde. Les créateurs de Chez ta mère n’ont d’ailleurs pas choisi Arnaud Bernard par hasard. « C’est un quartier festif, aux multiples visages et qui porte une identité et des valeurs de fraternité qui correspondaient à ce que nous recherchions. »

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Après cinq éditions du festival du film grolandais de Quend, cet évènement culturel cinématographique débarque à Toulouse. Dès 2011, l’association « À côté » a décidé d’organiser, en 2012, le 1er Festival International du Film Grolandais de Toulouse, avec en bonus cette année les 20 ans de Groland. Du 17 au 23 septembre prochain, au sein des structures de cinéma d’art et d’essais toulousaines, le festival s’articulera autour de la projection de films en compétition ainsi qu’une rétrospective de films au goût Groland, dont les primés des cinq éditions du festival de Quend. La Cinémathèque de Toulouse présentera cinq gro-films sortis des oubliettes. Les courts métrages et les documentaires ne sont pas oubliés, des petits bijoux à la clé, et la présence de toute l’équipe de l’émission plus que décalée... http://groland31.wordpress.com/


culture

La Talvera – par Maylis Jean-Préau –

Rendez-vous à Cordes sur ciel entre les murs de la Talvera. Dans ce centre occitan on fait de la musique et des recherches ethnographiques en milieu rural. Pas pour conserver cette culture mais pour la renouveler et la partager.

L

La culture dans les villages, ça se traduit souvent par thé dansant, spectacle des jeunes de la MJC et soirée diaporama du club du troisième âge. Parfois, c’est l’évènement, un groupe folklorique débarque ou encore une troupe de la ville se fait payer le déplacement. Sans oublier la fête du village, flonflon d’un côté, disco-mobile de l’autre. C’est déjà pas mal. Ces événements ont le mérite de faire vivre le monde rural. Il n’empêche, il y a tout de même un vide culturel. Il y a trente ans, Daniel Loddo parlait même de « désert ». A cette époque, Daniel avait une vingtaine d’années, il habitait à Gaillac et était l’un des premiers aveugles sur les bancs de la fac de droit de Toulouse. Il jouait de la guitare, traînait dans les courants alternatifs et portait un jean troué: « Avec mes copains on voyait ce qui se faisait dans les fêtes de villages et ça ne nous plaisait pas. On voulait apporter du renouveau! Au début on a eu l’idée de faire venir des choses d’ailleurs, de balancer du rock progressif! Et puis on s’est dit qu’il était aussi possible de changer la culture en apprenant aux gens ce qui vient d’ici ». En 1979, Daniel Loddo et ses compères du gaillacois montent une association, la Talvera, avec le pari fou de faire revivre cette culture rurale et occitane agonisante. « Nous sommes allés dans les villages pour rencontrer les gens et qu’ils nous transmettent cette culture. Mon père était maçon et connaissait de nombreux paysans du coin, c’est avec eux que tout a commencé », raconte Daniel Loddo, se remémorant avec amusement leur

venue dans les fermes en moto et tee shirts aux symboles anarchistes. La Talvera commence ainsi un immense travail de collectage dans toute cette Occitanie où il y a tant de zones blanches à explorer. Ce sont des récits de vies ordinaires, des histoires racontées, des légendes, des croyances populaires, des chansons, des savoir-faire... Des choses qui se perdent : « Nous avons rapidement enregistré des cassettes audio brutes afin de redonner aux gens cette culture, de la valoriser. Au début ils ne comprenaient pas pourquoi on s’intéressait à eux, à leur culture de péquenaud pensaient-ils. » Peu à peu, ce travail qui n’intéressait personne, effectué en prime par de pernicieux libertaires, a suscité l’intérêt du public, des collectivités territoriales, des écoles... Désormais installée à Cordes sur ciel, la Talvera édite de nombreux livres, organise des colloques et promène ses expositions sur les légendes ou les traditions maraichères dans les salles de classe. Entre temps, pour financer ses recherches et faire vivre le collectage, la Talvera a créé un groupe de musique. Ses chansons sont en occitan mais ses influences viennent du monde entier. La musique occitane se trouve ainsi renouvelée dans des compositions vivantes et engagées. Loin du folklore passéiste. Devenu professionnel dans les années 90, le groupe a enregistré 17 albums et propose un peu partout une nouvelle façon de faire la fête grâce à ses danses ouvertes à tous. Des villages tarnais à Rio, les musiciens de la TALVERA font vivre leur culture et l’enrichissent. Pour eux, rien n’est figé et les apports des autres cultures sont bienvenus. Même esprit pour le collectage. En enregistrant des récits d’immigrés de la région, Daniel Loddo a eu envie de partir chez eux: « Nous avons agrandi notre Occitanie en collectant au Portugal, au Brésil et en Italie. Ça nous permet de mieux comprendre notre culture. » Avec le succès, la Talvera n’a pas pris la grosse tête. « C’est plus important de jouer dans des petits villages que dans de gros festivals. La culture doit aller

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ravive la culture du monde rural dans les villages! Mais ce n’est pas à sens unique. Nous discutons avec les gens, il y a des choses qui remontent. C’est un véritable échange. Même si parfois nos propos peuvent bousculer, comme quand dans un village de la montagne noire on lance un hymne sur un prisonnier politique et qu’on dédie la chanson à Colonna et aux gens de Tarnac » sourit Daniel Loddo. Tout cet été d’ailleurs, le groupe va tourner dans les villages et les festivals. On retrouvera même la Talvera en compagnie du musicien brésilien Silvério Pessoa avec lequel elle vient de sortir son dernier album, ForrOccitània.

Les dates du groupe : 22 06 Bal à Clermont l’Hérault (34)

23 06 Bal à Sérignan (34)

30 06 Concert-bal à Piègut Pluviers (24)

02 07 Bal à Castres (81)

17 07 Concert-bal à Villeneuve Lès Minervois (11)

21 07 Concert-bal à Ségur (12)

28 07 Concert ForrOccitània à Parthenay (79)

29 07 Concert ForrOccitània à Frontignan (34)

10 08 Concert ForrOccitània à Mirandol (81)


culture

Le Phénix

Résistances – par Philippe Serpault –

Un lieu de rencontres et d’utopies

A

Aux portes de la Haute-Ariège, le festival Résistances s’est très vite affirmé comme un lieu de rencontre entre le septième Art et la politique, abordant des thèmes pas toujours appréciés des pouvoirs locaux. Au bout de dix ans d’existence, le festival s’est heurté à l’écueil de son objectif : la liberté de parole. Le débat sur la biodiversité, lors de la dixième édition, avait fortement indisposé le président du Conseil général de l’Ariège qui décidait de supprimer la subvention annuelle accordée jusqu’alors à une manifestation jugée politiquement incorrecte au regard des maîtres de ce département. Après l’autodissolution de l’association organisatrice, prononcée par le créateur du festival Marc Saracino, un collectif regroupant les associations Regard Nomade, les Amis du Festival, ainsi que le GIE Les Films de la Castagne, s’est positionné afin de poursuivre l’aventure : « Le festival reste indispensable par ses thèmatiques largement débattues au plan civique, mais il ne doit pas rester un simple rendez-vous autour du seul cinéma », indiquait alors Gérard Bérail, président des Amis du Festival, soucieux de tourner la page tout en restant fidèle à l’esprit de la décennie passée. Depuis 2008, une région du monde est mise à l’honneur dans la programmation, ce sera l’Afrique cette année. En 2012, Regard Nomade devient une association collégiale et le collectif de Résistances se compose de sept comités de programmation qui déterminent les quatre thèmes de la nouvelle édition dès le mois d’octobre, la sélection de films projetés lors du festival s’étend

Fondé en 1997 à Foix, le festival s’est inscrit dans un esprit de résistance et s’est donné comme objectif de promouvoir un cinéma engagé, rarement diffusé, et de proposer un nouveau regard sur le monde.

alors sur plusieurs mois.« Nous travaillons sur des films qui proposent des alternatives », précise Valérie Guillaudot, co-coordinatrice d’un festival qui est devenu un réel moment de rencontres. Ainsi, autour des traditionnelles séances suivies de débats sur les quatre thématiques, environnementale, sociale, culturelle et démocratique, des animations et autres apéro-spectacles seront servis face à l’Estive et sous la Halle Saint-Volusien. Le festival s’est élargi dans l’espace urbain jusque dans les quartiers périphériques de la ville de Foix par un travail en réseau effectué avec le secteur jeunesse de la ville : « On apprend aux ados à programmer des films dans le cadre du festival », les choix de ces ados sont projetés dans les quartiers du Courbet et de Capitany, l’équipe de Résistances a estimé avoir réussi son pari à la vue du premier embouteillage à la sortie de la projection, le public du festival venait enfin dans les quartiers. Depuis 2009, le festival a établi un partenariat avec la maison d’arrêt de Foix et organise un jury de détenus. Pour l’édition 2012, Jean-Pierre Thorn (Oser lutter, oser vaincre ; Le dos au mur ; Faire kiffer les anges ; 93, la belle rebelle), Gilles Perret (Trois frères pour une vie ; T.I.RToi du Mont-Blanc ; Ma mondialisation ; Ça chauffe sur les Alpes ; Walter, retour en résistance ; De Mémoires d’Ouvriers) et Anna Soldevila (Balanç de Praga ; La pachama es nuestra ; Espui) sont les réalisateurs présents au festival. Résistances aura réussi sa renaissance : « On ne s’est jamais interdit un thème par rapport aux institutions locales », affirme Valérie Guillaudot. Félicitons-nous qu’un espace de liberté a encore droit de cité en Ariège. Programme sur le site festival-resistances.fr/

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Le village d’Espui (Catalogne) auquel est consacré le documentaire d’Anna Soldevila, invitée au festival


saison

2012 - 2013

, GUIDE DE L ETE

Festivals et Tourisme en Midi-Pyrénées

GUIDE GRATUIT DE LA RÉGION MIDI-PYRÉNÉES Disponible en librairies, offices de tourisme, boulangeries, supérettes, sites culturels et de loisirs, Maison Midi-Pyrénées à Toulouse.

www.guide-ete.midipyrenees.fr


ème ème 3535 ANNIVERSAIRE ANNIVERSAIRE

S 04/08 S 04/08

Melody Melody Gardot Gardot Bobby Bobby McFerrin McFerrin & The & The Yellowjackets Yellowjackets

Angélique Angélique Kidjo Kidjo Wynton Wynton Marsalis Marsalis Quintet Quintet with with special special guest guest

Lucky Lucky Peterson Peterson

S 28/07 S 28/07

D 05/08 D 05/08

Esperanza Esperanza Spalding Spalding

Kyle Kyle Eastwood Eastwood Marcus Marcus Miller Miller

“ Radio “ Radio Music Music Society Society “ “

The The Bad Bad Plus Plus

with with special special guest guest

Joshua Joshua Redman Redman

L 06/08 L 06/08

Avishai Avishai Cohen Cohen “John “John Zorn’s Zorn’s Book Book ofof Angels“ Angels“

D 29/07 D 29/07

Sonny Sonny Rollins Rollins

MaMa 07/08 07/08

L 30/07 L 30/07 NUIT NUIT DU BLUES DU BLUES

Tamir Tamir Hendelman Hendelman Trio Trio Harry Harry Connick Connick Jr.Jr.

Eric Eric Bibb Bibb Keith Keith B. B. Brown Brown Keb’ Keb’ Mo’ Mo’

MeMe 08/08 08/08

Youn Youn Sun Sun Nah Nah Quartet Quartet Jazz Jazz AtAt Lincoln Lincoln Center Center Orchestra Orchestra with with Wynton Wynton Marsalis Marsalis avec avec l’Orchestre l’Orchestre National National dudu Capitole Capitole dede Toulouse Toulouse “Swing “Swing Symphony“ Symphony“

J 09/08 J 09/08

Eddie Eddie Palmieri Palmieri & His & His Salsa Salsa Orchestra Orchestra Rubén Rubén Blades Blades & The & The Roberto Roberto Delgado Delgado Orchestra Orchestra from from Panama Panama

Gregory Gregory Porter Porter Dianne Dianne Reeves Reeves & l’Orchestre & l’Orchestre National National Bordeaux Bordeaux Aquitaine Aquitaine

“Cantos “Cantos y Cuentes y Cuentes Urbano” Urbano”

V 10/08 V 10/08

J 02/08 J 02/08

Kenny Kenny Barron, Barron, Mulgrew Mulgrew Miller, Miller, Gerald Gerald Clayton, Clayton, Eric Eric Reed Reed

Roberto Roberto Fonseca Fonseca “YO”“YO”

Orquesta Orquesta Buena Buena Vista Vista Social Social Club Club

“Mostly “Mostly Monk“ Monk“

featuring featuring

Kurt Kurt Elling Elling & The & The Barcelona Barcelona Jazz Jazz Orchestra Orchestra

V 03/08 V 03/08

Nicolas Nicolas Folmer Folmer & Daniel & Daniel Humair Humair Project Project avec avec l’Orchestre l’Orchestre dudu Conservatoire Conservatoire à Rayonnement à Rayonnement Régional Régional dede Toulouse Toulouse Biréli Biréli Lagrène Lagrène Quartet Quartet Ibrahim Ibrahim Maalouf Maalouf

(0,34€/MIN)

0892 0892690 690277 277

S 11/08 S 11/08

LeLe Trio Trio Rosenberg Rosenberg invite invite Sanseverino Sanseverino Caravan Caravan Palace Palace

(0,34€/MIN)

Omara Omara Portuondo Portuondo

Jazz in Marciac, entrepreneur de spectacle - licences 1003209/1003210 - Siret 349 621 185

Stacey Stacey Kent Kent Manu Manu Katché Katché Quartet Quartet featuring featuring Richard Richard Bona, Bona, Stefano Stefano Di Di Battista, Battista, Eric Eric Legnini Legnini

“75th “75th Birthday Birthday Celebration Celebration TourTour “ “

MeMe 01/08 01/08

Jazz in Marciac, entrepreneur de spectacle - licences 1003209/1003210 - Siret 349 621 185

CONCERTS CONCERTS ÀÀ L’ASTRADA L’ASTRADA MaMa 31/07 31/07

Luis Luis Salinas Salinas Quartet Quartet MeMe 01/08 01/08

Anthony Anthony Strong Strong J 02/08 J 02/08

Claudia Claudia Solal Solal / / Benjamin Benjamin Moussay Moussay V 03/08 V 03/08

MaMa 31/07 31/07

jazzinmarciac.com jazzinmarciac.com FNAC-CARREFOUR-GÉANT-MAGASINS FNAC-CARREFOUR-GÉANT-MAGASINS U U VIRGIN-LECLERC-AUCHAN-CORA-CULTURA VIRGIN-LECLERC-AUCHAN-CORA-CULTURA LESLES MÉCÈNES MÉCÈNES DE JAZZ DE JAZZ IN MARCIAC IN MARCIAC

2012

V 27/07 V 27/07

2012

27 27JUILLET JUILLET 15 15AOÛT AOÛT

CONCERTS CONCERTS SOUS SOUS CHAPITEAU CHAPITEAU

Bojan Bojan Z Z

J 09/08 J 09/08

L’Orchestre L’Orchestre dede JIM JIM ie en Région Région &C &ieCen Jesse Jesse Davis Davis & The & The Charlie Charlie Parker Parker Legacy Legacy Band Band V 10/08 V 10/08

Edmar Edmar Castañeda Castañeda S 11/08 S 11/08

Jacques Jacques Schwarz-Bart Schwarz-Bart “The “The Art of ArtDreaming“ of Dreaming“

S 04/08 S 04/08

D 12/08 D 12/08

plays plays ColeCole Porter Porter

L 13/08 L 13/08

Philip Philip Catherine Catherine Organ Organ Trio Trio D 05/08 D 05/08

Leïla Leïla Martial Martial Group Group Duo Duo Bernard Bernard Lubat Lubat / / Michel Michel Portal Portal

Dena Dena DeRose DeRose Trio Trio A Three A Three Bass Bass Hit Hit MaMa 14/08 14/08

L 06/08 L 06/08

Jazz Jazz et et Harmonies Harmonies avec avec L’Orchestre L’Orchestre d’harmonie d’harmonie dede Muret Muret LPT LPT 3 3

MaMa 07/08 07/08

FESTIVAL FESTIVAL BIS BIS

“imProvista“ “imProvista“

Paolo Paolo Fresu Fresu / Omar / Omar Sosa Sosa China China Moses Moses & Raphaël & Raphaël Lemonnier Lemonnier Quartet Quartet MeMe 08/08 08/08

Carte Carte blanche blanche à Emile à Emile Parisien Parisien

DuDu 27/07 27/07 au au 15/08 15/08 Concerts Concerts gratuits gratuits de de 10h30 10h30 à 19h45 à 19h45


PAGEs OUVERTEs — par Thierry Rutkowski —

AUDE

L’Aude, à tire-d’aile

L’

Du littoral aux crêtes du Madres

(2469 m) l’Aude accueille un peu moins de 190 espèces d’oiseaux nicheurs dont 25 de rapaces qui trouvent ici les domaines vitaux indispensables à leur reproduction. Exceptionnel en France ! Des botanistes de toute l’Europe viennent découvrir une flore tout aussi hautement patrimoniale, dont plus de 70 espèces d’orchidées sauvages. Chaque année, à l’heure des migrations, ce sont des dizaines de milliers d’oiseaux qui transitent dans le ciel audois et qui stationnent occasionnellement ou hivernent sur les zones humides, les plateaux et les forêts. Les hommes et l’urbanisation se concentrent sur la frange littorale et quelques pôles urbains qui sont tout de même de plus en plus avide à grignoter les proches espaces agricoles et naturels. Restent encore pour la vie sauvage, de très vastes espaces naturels marqués aussi et depuis longtemps par la déprise agricole et une démographie en berne. Tout irait pour le mieux si cette très faible densité démographique dans les Corbières, la Montagne noire et le pays de Sault n’inspirait pas la convoitise gourmande des développeurs de tous poils. La transition énergétique en faveur des énergies dites nouvelles s’est implantée en terre d’Aude depuis plus de quinze ans. L’Aude : « des déserts presque sans hommes », du vent, du soleil, des municipalités aux budgets souvent anémiés et surtout plus récemment, des schémas de développement énergétique très favorables, bichonnés par les services de l’Etat et la collectivité régionale. Ceux-ci ouvrant très largement la porte au développement à grande échelle de l’éolien et du photovoltaïque en milieu agricole et naturel. Plus récemment un programme d’investigations en vue de recherche de gisements de gaz de schistes dans les Corbières et le Minervois a pointé son nez. « On ne nous dit pas tout !» Répondre à la question de la mutation des productions énergétiques, c’est du bon sens, mais avec une juste appréciation des limites ! Concentrer ces installations sur des espaces méditerranéens à haute valeur environnementale, une absurdité et certainement un massacre annoncé ! Pourquoi ? Les suivis réalisés par la

LPO sur certains parcs attestent de la perturbation occasionnée par les machines sur le cycle de reproduction de l’Aigle royal par exemple. Il est en outre avéré que pour de nombreuses espèces, ces installations sont autant d’amputations de domaines vitaux. Des collisions avec les machines sont constatées. Elles concernent des espèces protégées (Vautour fauve, Faucon crécerelette…) mais aussi de nombreux chiroptères. Ces nuisances viennent s’ajouter aux électrocutions et collisions avec les lignes électriques. L’Aigle de Bonelli en paye un lourd tribu (30 couples tentent de se reproduire sur l’arc méditerranéen français et plus qu’un seul et unique dans l’Aude) malgré les actions engagés par ERDF, avec la contribution de la LPO, pour sécuriser les équipements électriques. Samson

Aude est un écrin au cœur de cette vaste région qu’est le Languedoc-Roussillon. Battu par les vents, arrosé de soleil et épanouie dans un contexte biogéographique alliant les influences atlantiques, méditerranéennes et alpines, on peut affirmer que la « biodiversité » trouve ici tout son sens. Les contrastes paysagers sont ici saisissants et s’inscrivent au sein d’écosystèmes rares et complexes présentant une palette contrastée d’habitats et d’espèces. Quarante pour cent du territoire audois est désigné au titre de Natura 2000 et près de cinquante pour cent en tant qu’espaces naturels sensibles. Dans un pareil contexte, comment les espèces et la nature qui les accueillent réagissent-elles aux ambitions de la modernité ?

La note pour autant n’est pas toujours à la désespérance.

Des programmes européens et autres plan nationaux d’actions, sans négliger un gros travail de bénévolat sur le terrain, permettent d’inverser la courbe de la dynamique de certaines espèces. Le Faucon crécerelette est à nouveau nicheur en basse vallée de l’Aude, le Gypaète barbu et les Vautours fauves, à l’heure où j’écris ces quelques lignes, nourrissent leurs poussins en haute vallée de l’Aude. Reste à inverser les fantasmes de l’imaginaire populaire, encré parfois chez certains éleveurs, sur le stricte et essentiel rôle d’équarisseur de ces oiseaux... Le petit Vautour percnoptère d’Egypte est revenu de migration. Un couple, sur trois nicheurs en haute vallée de l’Aude, manque à l’appel. Trop d’échecs lors de l’incubation et de l’élevage des poussins au cours des dix dernières années. Plusieurs jeunes, parfois à quelques jours de l’envol, sont morts au nid. Deux adultes trouvés morts en bas des falaises. Un adulte de Percnoptère découvert avec trois Vautours fauves et un Milan noir au tapis. Responsable ? Le Carbofuran, une substance de type insecticide, pourtant interdite en France depuis 2008 en raison de sa haute toxicité !

Plutôtquedes’engagerradicalement

dans la replantation des haies détruites par forces remembrements aux lendemains de la dernière guerre, ce qui permettrait de reconstituer des niches pour toute la faune, l’utilisation souvent inconsidérée de rodenticides coagulants comme la Bromadiolone, sert d’outil de limitation des populations de Campagnols terrestre sur les hauts plateaux, entraînant vers la mort les prédateurs de ces animaux intoxiqués. Quelle part la culture paysanne d’aujourd’hui accorde-t-elle à l’intérêt majeur de la protection des prédateurs de ces rongeurs ? Quelle espace libérerons-nous demain sur les plages de l’Aude à la Sterne naine pour y déposer ses œufs à l’endroit même où stationnent nos voitures et pissent nos chiens ? Quand comprendrons-nous enfin que le caractère invasif et intrusif de l’homme démantèle chaque jour un peu plus le bon équilibre de la vie dans son acceptation la plus élémentaire ? Alors que nous fêtons en 2012 son centenaire, je n’ai aucun complexe à affirmer que le combat de la LPO mais aussi de tous les naturalistes engagés est un combat essentiel et légitime.

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Thierry RUTKOWSKI : coprésident de la LPO Aude Contact LPO Aude : 04 68 49 12 12 Ancienne gare de Mandirac 11 100 Narbonne aude@lpo.fr www.lpo.fr


BiodiverSIté

Q

La chronique pyrénéenne se nourrit, d’une façon épisodique, de la recrudescence supposée d’une population ursine que l’on pensait vouée à la disparition et que l’on préparait déjà à la commémoration nostalgique.

Que ce soit dans les Pyrénées ou ailleurs, l’ours a toujours fait l‘objet d’une représentation symbolique auprès de l’homme, celui-ci s’identifiant parfois à l’animal qui était volontiers reçu au sein du panthéon de son bestiaire dans les civilisations pré-chrétiennes. C’est justement l’avènement de la religion monothéiste qui a fait basculé le statut de l’ours de la place de demidieu au rôle peu envié de bouc émissaire. L’historien médiéviste Michel Pastoureau est revenu sur le sujet dans son livre “L’ours, histoire d’un roi déchu”*, où l’on peut découvrir cette relation passionnelle faite d’attirance, d’animosité mais aussi d’une certaine vénération, que l’homme a tissée avec cet animal. L’ours est le seul être vivant, avec l’homme, qui a pu être représenté debout au sein de l’art pariétal, ce qui lui a donné un statut particulier. Le culte de l’ours s’est implanté dans les mythologies gréco-romaines, germaniques et celtiques, et jusqu’à l’occident chrétien antique et médiéval où l’église aura mis près de mille ans pour éradiquer les cultes païens liés à l’ours. Cette même église chrétienne aura contribué à détrôner l’ours, volontiers considéré comme le roi des animaux jusqu’au Moyen-Âge, pour le

remplacer par le lion qui se trouvait alors loin de nos latitudes. Mais les légendes subsistent, on retiendra dans notre région celle de Jean de l’Ours qui serait né de l’accouplement entre un ours et une bergère, et dont seraient issus les Pyrénéens. Mais n’allez pas leur dire une chose pareille car depuis l’acte stupide d’un chasseur béarnais en 2004, supprimant d’un coup la dernière représentante femelle des ours bien de chez nous, il a été décidé d’intégrer, à une population déclinante, cinq immigrés slovènes, donc étrangers à nos pures montagnes. Le glissement sémantique des multiples communiqués anti-ours, repris jusqu’à la nausée par des élus locaux non dénués d’arrières pensées, ne doit pas laisser indifférent : désormais, on ne parle plus d’ours mais de fauve, et celui-ci n’est plus autochtone, mais allogène. Ce rejet d’un animal “étranger”masque de plus en plus mal la volonté de trouver un bouc émissaire pour endosser le déclin structurel d’une activité victime des effets d’une concurrence internationale qui déséquilibre le marché au détriment d’une économie de proximité. Ces élus, qui dénoncent à grands cris la présence de l’ours, lequel demeure génétiquement européen d’une extrémité à l’autre du continent, se révèlent incapables de soutenir la filière ovine comme ils soutiennent à perte les stations de ski et la construction de résidences de vacances. Peutêtre, la profession aurait-elle apprécié quelques pistes ou suggestions pour l’amélioration de la situation des petites unités d’élevage, étouffées par la course à la rentabilité et des réglementations sanitaires toujours plus contraignantes. L’ours parcourt les Pyrénées, apparaît et disparaît en fonction de ses besoins sociaux ou nutritifs ; rien de tel que la présence d’un animal insaisissable pour remettre en selle les fantasmes d’un autre âge. Du statut d’animal, l’ours est passé à celui d’exutoire d’une désespérance, l’être humain a besoin de symboles, quitte à les brûler ensuite.

L’ours – par Philippe Serpault –

*“L’ours, histoire d’un roi déchu”, Michel Pastoureau, Ed. Seuil

Le point sur

la population d’ours dans les Pyrénées.

En 2011, 22 ours ont été détectés dans les Pyrénées où la population d’ours est séparée en deux sous populations. La sous-population occidentale (Béarn-Bigorre-Navarre-Aragon) ne se compose que de 2 ours mâles adultes, tandis que la souspopulation centro-orientale (Val d’Aran-Comminges-AriègeCatalogne) affiche 20 ours, dont 6 femelles adultes, 5 femelles subadultes, 4 mâles adultes, 1 mâle subadulte et 4 oursons de l’année, dont un est mort en juillet 2011. Si le taux de survie des jeunes reste bon et le nombre de femelles parmi les oursons élevé (8 ou 9 sur les 10 derniers oursons), l’association “Pays de l’Ours-ADET” s’inquiète: « la population n’est toujours pas viable à long terme et la situation reste critique à l’Ouest de la chaîne où seuls des lâchers rapides permettraient d’éviter une disparition prochaine de l’espèce. »

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questions à

Farid Benhammou,

docteur en géographie de l’environnement, spécialiste des enjeux territoriaux et politiques relatif à la conservation des grands prédateurs, est co-auteur de “Vivre avec l’ours” avec LouisMarie Préau et Laurent Nédélec paru aux éditions Hesse en septembre 2005, de “L’ours des Pyrénées, les 4 vérités” avec Sophie Bobbé, Jean-Jacques Camarra et Alain Reynes paru aux éditions Privat en septembre 2005, et de l’essai “Ours, lynx et loups : une protection contre nature?” avec Caroline Dangléant paru aux éditions Milan en mai 2009. Friture Mag: L’ours a-t-il un avenir dans les Pyrénées au XXIe siècle? Farid Benhammou: Oui, et pas seulement l’ours. Cet animal pose certes un certain nombre de contraintes réelles, mais surdimensionnées ; néanmoins, à l’échelle d’une exploitation agricole qui n’a pas pris l’ours comme paramètre, c’est une grosse difficulté ; il faut quand même savoir que le pastoralisme est en difficulté partout en France. L’ours peut apporter une valeur ajoutée plus forte et une activité peuplante par la présence de main d’œuvre. Le contexte est difficile, l’ours fonctionne comme un révélateur qui a forcé les pouvoirs publics à s’intéresser à la problématique de l’élevage.

ours dans

FM : Les Pyrénées peuvent-elles se passer de l’ours ? FB : Oui, hélas. Il y a beaucoup de régions qui n’ont pas eu d’ours pendant longtemps, mais les Pyrénées peuvent aussi se passer d’énormément de choses en y perdant leur âme. J’ai connu un berger qui disait que les ours et les bergers allaient disparaître ensemble.

les Pyrénées

FM : Comment sortir de ce climat passionnel ? FB : Ce sera très difficile bien que tout le monde s’accorde pour aller dans le sens d’une nature préservée. Le temps seul pourra apaiser les choses et les gens pourront alors discuter ; qu’ils soient pro ou anti-ours, ils se connaissent et ont parfois été amis. Il faut écouter tout le monde, tous les opposants ne sont pas dans la caricature et la violence, quitte à capturer des ours qui posent problème. De leur côté, les pouvoirs public doivent s’en tenir à une ligne désintéressée, protéger l’ours, c’est aussi protéger tout un milieu et une façon de vivre.

Du roi des animaux au bouc émissaire 67



BiodiverSIté

Les abeilles

surprises

– Par Maylis Jean-Préau –

en plein vols

L’abeille est un animal rare. A grands coups de pesticides, sa mortalité s’est envolée. Et avec, le prix des ruches. 150 à 200 € pour les plus productives. C’est tentant. Une ruche, c’est isolé, facile à voler. Il suffit d’un camion plateau, d’une grue et en deux heures, 80 ruches sont embarquées. 16 000 € dans les poches. Dans le Grand Sud, le phénomène se développe. Mais les apiculteurs n’ont pas dit leur dernier mot.

L

Illustration Cécile M.

La Llagonne, Pyrénées-Orientales, 25 juillet 2011. Une soixantaine d’apiculteurs de Languedoc-Roussillon se pointent devant la mairie, masques de protection apicole sur le nez. Sur les banderoles, des slogans dénonciateurs: « Touche pas mes ruches ! », « Collectif des victimes »... La colère est palpable. Dans ce village, un apiculteur poursuit son activité alors qu’il vient d’être reconnu coupable du vol d’au moins 150 ruches dans la région. L’histoire commence en février 2011. Trois apiculteurs des Pyrénées-Orientales déposent des plaintes auprès de la gendarmerie de Rivesaltes pour des vols de 39, 19 et 92 ruches. Parmi eux, Georges Poux. L’homme a perdu près d’une centaine de ruches et décide de mener l’enquête. Rapidement, il découvre l’invraisemblable : le voleur est un confrère, on le croise sur les marchés, il revend des essaims dans toute la France et organise même des stages d’apiculture ! « L’escroc a été condamné à une peine symbolique et a continué son activité ! C’est pour ça que nous avons manifesté, pour dissuader les voleurs et montrer que nous sommes solidaires » explique Philippe Weibel, apiculteur et co-organisateur de la manifestation à La Llagonne. Résultat des courses, le voleur a plaidé le coup de folie et le procureur de Perpignan a refermé l’enquête. Dans le même temps, de nombreux autres vols, constatés dans la région, n’ont pas été élucidés et les apiculteurs lésés attendent toujours une indemnisation. « L’enquête n’est pas allée assez loin! Cet homme n’a

Dans le même temps, de nombreux vols dans la région n’ont pas été élucidés

Tu me butines, je t’empoisonne

pu agir seul. Pour voler 200 ruches il faut des complices et toute une organisation ! La preuve: aujourd’hui, même si ce voleur a quitté la région, les vols de ruches ont repris en Languedoc-Roussillon » poursuit Philippe Weibel.

MOINS D’ABEILLES, DONC PLUS DE VOLS Pour comprendre l’ampleur de ce phénomène, il suffit de contacter une bonne dizaine d’apiculteurs du Grand Sud. La liste des ruches volées devient vite désagréable à l’oreille. Finis, les petits larcins d’amateurs, désormais les ruches se volent par dizaines, mais aussi les reines de valeur et les récoltes. Du travail de professionnel. Ces vols sont bien sûr liés à l’augmentation de la mortalité des abeilles, atteignant souvent les 30%, voir 40 à 50% en Midi-Pyrénées. Alors, pour reconstituer leur cheptel, des apiculteurs peu consciencieux se servent tout simplement chez leurs voisins. « Il y a un important marché d’achat-vente de ruches. C’est facile de voler des ruches et de les écouler ailleurs » souligne Philippe Rouquette, apiculteur dans l’Hérault. Il y a trois ans, on lui a volé 76 de ses meilleures ruches. Le coupable : le voleur de La Llagonne, une filière roumaine, un réseau profitant de l’Espagne pour faire passer discrètement son butin ? Depuis, Philippe Rouquette s’est équipé de balises spéciales donnant l’alerte en cas de vol. Il existe désormais tout un marché de la surveillance des ruchers. Dans ses bureaux toulousains, Christian Lubat nous présente

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en bref

Oui, les pesticides sont bien les principaux responsables du déclin des pollinisateurs. C’est le très sérieux magazine Science qui le dit. Le monde apicole avait déjà de gros doutes. Il faut dire que depuis 1994 et la mise sur le marché des insecticides neurotoxiques, les colonies d’abeilles avaient commencé à s’effondrer. Un hasard ? Pas vraiment, répondent les chercheurs français Mickaël Henry (INRA) et Axel Decourtye (Acta). Pour le prouver, ils ont collé des micropuces sur 663 abeilles et les ont nourries avec une solution sucrée contenant de faibles doses de thiaméthoxam, principale molécule du Cruiser, insecticide et fongicide utilisé sur le maïs et le colza. Désorientées par la molécule, peu d’abeilles ont pu retrouver le chemin de leur ruche. Le risque de disparition loin du rucher a été multiplié par deux ou trois. Or 84% des espèces cultivées en Europe ont besoin des pollinisateurs. Alors à quand l’interdiction du Cruiser ?

son bébé : Bee Guard, un système de géolocalisation conçu spécifiquement pour les ruches et répondant à la demande d’apiculteurs de la région. « En cas de vol, l’apiculteur est alerté et peut suivre la position de son rucher. Le vol de ruches est toujours difficile à prouver, avec ce système on peut prendre les voleurs en flagrant délit » assure t-il. Des centaines de professionnels se sont équipés de la précieuse balise, en France, au Portugal, en Italie... Mais cela a un coût (237 € la balise, il en faut au moins une par rucher) et tous ne peuvent se permettre cet investissement. Grillages, cadenas, peintures sur les ruches, choix d’emplacements moins risqués... des solutions existent mais restent incertaines et compliquées à mettre en place. Alors, les apiculteurs se serrent les coudes, s’entraident pour surveiller les ruchers en transhumance, éloignés de leur domicile et donc très vulnérables. Ils se mobilisent aussi pour que le vol et son impact soient véritablement pris en compte par la police et la justice, ayant tendance à considérer le vol de ruche comme le vol de poules. Associations et syndicats s’emparent également du problème car il y a urgence. Comme l’explique Vincent Girod de l’Association de développement de l’apiculture professionnelle en Languedoc-Roussillon , « les apiculteurs subissent déjà de plein fouet la dégradation de l’environnement et son impact sur les abeilles, ces vols, c’est la goûte d’eau de trop ».


société

Au mois de juin, dans toute l’Europe, des manifestations sont organisées pour contrer l’ACTA, l’accord qui veut intensifier la lutte contre la circulation des marchandises contrefaites et cherche à harmoniser la législation sur les droits d’auteur et la propriété intellectuelle. Au premier rang de ces défenseurs de la liberté sur la Toile, la Quadrature du Net et les mystérieux Anonymous. Rencontres masquées autour des claviers.

La révolte numérique

qui avance

O

Qui sont les Anonymous ? Pour certains, ce ne sont que des hackers du monde entier, des pirates du XXIe siècle qui partent à l’abordage de sites Internet à grand renfor ts de Ddos, des connexions simultanées qui inondent les sites afin d’empêcher leur fonctionnement. Apparus aux yeux du public en 2008, avec une action d’envergure menée contre l’Eglise de scientologie, les Anonymous se sont surtout fait connaître par les actions menées pour défendre Wikileaks, le site qui a mis sur la place publique des milliers de télégrammes diplomatiques en 2010. Alors, qui se cache sous le masque inquiétant de Guy Fawkes, popularisé par le film V pour Vendetta ? Difficile de les trouver, ils n’arborent pas leur masque toute la journée, n’ont pas de numéro vert ni de chargé de communication. Et quand la rencontre est fixée, ils arrivent à plusieurs, expliquant qu’ils ne parlent pas au nom des Anonymous, mais comme des Anonymous : « Nous sommes souvent perçus comme un mouvement de jeunes qui se battent pour les libertés sur Internet et pour télécharger illégalement, mais ce n’est

pas ça du tout, explique John Smith, l’un d’entre eux. Nous venons de tous les milieux, Il y a des étudiants, des salariés, des ouvriers, des informaticiens, des gens de tous âges, de tous les horizons. Nous venons de partout et de nulle part et nous nous retrouvons sous le même masque et la même idée, pour la défense de la liberté d’expression et surtout contre la censure. »

Un combat commun Activistes d’un genre nouveau, ils utilisent de nouvelles formes de lutte sur le Net, pas toujours légales, certains parmi eux pouvant aussi participer à des actions nationales ou internationales. Ils manifestent sur la toile, réinventent le sitting non-violent en bloquant des sites. A Toulouse, ils ont aussi recours aux bonnes vieilles recettes. Depuis janvier dernier, ils invitent régulièrement à manifester dans les rues contre l’ACTA, le projet de traité anti-contrefaçon (cf. encadré). « Sans des actions concrètes dans les rues, l’ACTA serait certainement passé en Europe. Ce que nous voulons, c’est que nos manifestations ne restent pas uniquement virtuelles. Nous voulons qu’elles prennent de l’ampleur dans la vie réelle. C’est le seul moyen que nous avons pour mobiliser les gens afin qu’ils manifestent contre l’ACTA aujourd’hui, ou l’IPRED (un projet d’accord anti-piratage, NLDR) demain. » Si les Anonymous essayent de sensibiliser le grand public, d’autres organisations ont décidé d’intervenir également auprès des élus, particulièrement les députés européens. Le parlement européen doit se prononcer sur le traité ACTA avant l’automne, après que la Commission européenne l’ait signé en janvier dernier, quelques jours après la fermeture du

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site Megaupload. Fer de lance de la contestation anti-Hadopi, la Quadrature du Net, organisation citoyenne de défense des libertés fondamentales sur Internet, a alerté les eurodéputés dès 2008 après que Wikileaks ait dévoilé un premier brouillon de l’ACTA au grand dam de ses négociateurs. Elle mène depuis son combat à tous les étages de la société, de Bruxelles où elle est présente auprès des parlementaires, faisant face aux lobbies qui reviennent sans arrêt à l’attaque, jusqu’aux aux conférences qu’elle anime pour alerter les citoyens. Des associations qui militent pour les libertés individuelles et numériques ont elles choisi de la faire par la voie des urnes. Pour les législatives de 2012, le Parti Pirate, qui a quelques centaines d’élus en Europe, présente plus de 40 candidats, dont 6 en Midi-Pyrénées, la première région numérique de France, avec 40 000 emplois directs dans les TIC. Pour Raphaël Durand, candidat dans la 9e circonscription de Haute-Garonne : « Même si on se retrouve sur les même combats et sur les même causes, la méthode est différente de celle des Anonymous. » Assez pour convaincre les électeurs ?

ACTA, seulement la lutte contre la contrefaçon ?

Activistes d’un nouveau genre, ils utilisent de nouvelles formes de luttes sur le Net, pas toujours légales

les semences. Cependant, des pays comme la Chine et l’Inde, premiers fournisseurs de produits contrefaits, ne l’ont pas signé. Pour ses détracteurs, l’ACTA est un texte flou qui porte atteinte aux libertés individuelles sur la Toile. En les rendant responsables d’atteintes au droit d’auteur par leurs utilisateurs, l’accord forcerait les fournisseurs d’accès Internet à lutter contre le piratage en filtrant ou supprimant des contenus, se transformant en auxiliaires privés de police et de justice. « Il y a deux poids, deux mesures, explique Laurent Guerby, président de Tetaneutral.net et impliqué depuis longtemps dans les logiciels libres. On met en branle une mécanique énorme de flicage d’aller chercher les gens pour une industrie relativement petite mais on ne jamais rien contre la fraude fiscale. » On se demande pourquoi.

Négocié en dehors des organisations internationales comme l’OMC qui n’en voulait pas, l’ACTA tend à intensifier la lutte contre la circulation des marchandises contrefaites et cherche à harmoniser la législation sur les droits d’auteur et la propriété intellectuelle et industrielle. Outre la musique et les films, l’accord touche également certains produits pharmaceutiques, comme les médicaments génériques, et

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Photo Sandrine Lucas

masquée – par Philippe bertrand –


société

Un revenu

Verser inconditionnellement une allocation, sans justification de ressources, cumulable avec tout autre revenu, à tout individu de sa naissance à sa mort pourrait passer pour une utopie. Pourtant, ce revenu de base qui permettrait de subvenir à chacun à tous ses besoins de base ne fait que rvespecter l’un des principes décrits dans l’article 25 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, édictée en 1948. Frédéric Bosqué est l’un des fers de lance des diverses initiatives locales qui naissent en Midi-Pyrénées afin de promouvoir ce type de projet.

d’existence – Par Mathieu Arnal –

pour vaincre

les pauvretés

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On peut l’appeler revenu d’existence, revenu de base, revenu de citoyenneté, revenu social garanti ou bien encore dividende universel. Ce nouveau type de revenu qui n’est pas lié au travail, ou à une prestation sociale, libérerait la dépendance salariale et donnerait une nouvelle liberté, celle de choisir sa propre vie. Un tabou qui est difficile à lever lorsque l’on sait que le travail appréhendée de façon contrainte, vue comme une souffrance, est intimement lié à la culture judéo-chrétienne et nous renvoie à la célèbre maxime de Saint-Paul « Gagner sa vie à la sueur de son front ». Pour Frédéric Bosqué, coordinateur du Sol Violette, la monnaie solidaire complémentaire toulousaine et co-fondateur de l’antenne tarn-et-garonnaise de l’Association pour l’instauration d’un revenu d’existence (AIRE), il s’agit « d’un outil d’émancipation. Il faut sortir du schéma traditionnel de celui qui travaille, qui apporte à la société par sa production et qui peut subvenir à ses besoins par son sens du devoir, du dévouement, assujetti à une tâche ».

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un nouveau rapport au travail Il ne s’agit pas de nier le travail salarié mais d’y voir une nouvelle relation contractuelle déjà ébauché par de multiples expérimentations. Parmi les plus tangibles, celle initiée par François Plassard. Cet ancien ingénieur agronome et ancien directeur de recherche au CNRS, fondateur du Système d’échange local (SEL) Cocagne à Toulouse, avait initié le partage volontaire du travail avec le « chèque du temps choisi » en Rhône-Alpes entre 1992 et 1996. L’embryon d’un futur chèque de citoyenneté qui servait à créer de l’activité en dehors de l’entreprise. « Les salariés avaient accepté de réduire leur temps de travail à un mi-temps pour se consacrer à la réalisation d’un projet de temps choisi, non lucratif dans la vie associative, et permettre l’embauche d’un chômeur. Ils obtenaient un chèque de temps choisi de 3 700 francs net par mois pendant deux ans, versé par le fond partenarial pour l’emploi, correspondant à l’économie réalisée par la collectivité sur le coût d’un demi-chômeur. » Mais cette vision transformatrice d’une société plus créative a été bloquée par la culture identitaire d’une gauche favorable à un retour hypothétique au plein-emploi et à la progressive instauration de la loi sur les 35 heures.

L’instauration, le montant et le financement du revenu Concrètement, ce revenu inconditionnel et inaliénable passerait par l’instauration d’une caisse du revenu d’existence. Dès sa naissance, chaque citoyen se verrait ouvert par ses parents un compte bancaire d’existence (CBE). Chaque mois ce compte serait crédité d’un revenu d’existence dont le montant global serait garanti sur la capacité de production durable de la nation. Jusqu’à sa majorité, une partie serait utilisée par sa famille pour son éducation pendant que l’autre, épargnée dans le capital d’entreprises locales, qui à l’avenir seraient donc en mesure de servir ses besoins de base, lui génèrerait des intérêts qui feraient grandir le petit capital initial de l’individu jusqu’à sa majorité. Pour les adultes, ce revenu d’existence serait un complément d’un salaire ou d’une prestation sociale. Ce droit garanti serait accompagné de la suppression de nombreuses prestations aujourd’hui versées (myriade de 150 allocations diverses actuelles). Le montant fait encore débat.

Il ne s’agit pas de nier le travail salarié, mais d’y voir une nouvelle relation contractuelle Ainsi, l’économiste Yoland Bresson, le président de l’AIRE et co-fondateur au niveau mondial du Basic Income Earth Network (BIEN), prône une somme de 300 euros pour tous. L’économiste libéral Jacques Marseille, décédé l’an passé, était favorable à une allocation universelle de 750 euros mensuels à tous les Français âgés de plus de 18 ans, la moitié pour les mineurs. De son côté, Christine Boutin, la présidente du Parti chrétien-démocrate souscrit à cette idée mais en ne proposant que 400 euros par adulte et 200 euros par enfant. Enfin, quant au financement, il est généralement lié à deux sources les plus souvent évoquées, par redistribution ou par création monétaire. La première solution proposée par l’universitaire Marc de Bas-

quiat prend la forme d’une réforme de l’impôt sur le revenu qui serait transformé en Impôt Universel de Redistribution des Revenus (IURR). La seconde solution ne coûterait pas plus mais nécessite toutefois la réappropriation par l’Etat de la fonction régalienne de création monétaire.

À télécharger : Film documentaire allemand « Le revenu de base », sur www.revenudebase.org Association nationale de l’AIRE : www.revenudexistence.org

Les expérimentations de l’allocation universelle Dès la fin du XVIIIe siècle, l’intellectuel franco-américain Thomas Paine est l’un des premiers penseurs du revenu de vie dans son ouvrage Agrarian Justice (Justice agraire). Il y évoque l’idée d’une dotation inconditionnelle pour tout individu à l’âge adulte et d’une pension de retraite elle aussi inconditionnelle à partir de 50 ans. L’idée s’est développée et a convaincu notamment aux Etats-Unis où l’Alaska a mis en place dès 1976 le Fonds

Permanent de l’Alaska, une forme particulière d’allocation universelle est basée sur les revenus miniers et pétroliers Ainsi, en 2003, chaque citoyen a reçu une somme d’environ 1 000 euros et 850 euros en 2004. Au Canada, l’Etat de l’Alberta verse, depuis 2006, 400 dollars canadiens à chacun de ses résidents, financés par les licences pétrolières qu’il a accordées. En Europe, le concept est relancé dans les années 1980 par les écono-

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mistes français et belge Yoland Bresson et Philippe Van Parijs. D’autres universitaires, ainsi que des politiques de toutes tendances, des altermondialistes aux libertariens (qui prônent la liberté individuelle absolue dans les rapports sociaux) sont regroupées au niveau mondial au sein de la structure internationale du Basic Income Earth Network (BIEN).


société

C’est l’une des 60 propositions du programme de François Hollande. Aujourd’hui, de nombreuses associations Lesbiennes-GayTrans-Bi (LGTB) attendent du nouveau Président qu’il étende enfin le droit de se marier aux couples de même sexe. Mais tous les homosexuels portent-ils cette revendication ? Il semblerait que la réponse à cette question ne soit pas toujours évidente…

Le mariage, pas forcément très Gay

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Pays-Bas , Belgique, Espagne, Canada, Afrique du Sud, Norvège, Suède, Portugal, Islande, Argentine et Danemark. Déjà onze Etats, dont certains de tradition « très catholique », ont fait le choix de légaliser le mariage entre homosexuels. Mais comme elle l’était pour le droit de vote des femmes, la France semble aujourd’hui relativement en retard sur la question. Au lendemain des élections présidentielles, tous les regards des homosexuels se tournent donc vers François Hollande, qui avait fait du mariage gay l’une de ces propositions phare en direction de la communauté LGBT. Tous ? Non. Car, comme dans n’importe quel milieu, les avis sont partagés chez les homosexuels. D’un côté, il y a ceux pour qui les mots ont une importance capitale, comme Florence Bertocchio, présidente de l’association Arc-en-ciel à Toulouse : « Il ne s’agit pas de créer un mariage homosexuel, mais seulement d’ouvrir le mariage aux couples de même sexe. Car aujourd’hui, les droits attachés au mariage n’existent dans aucune autre forme d’union, même pas le pacs. Le mariage apporte un supplément de droits, notamment concernant les héritages et la filiation. » L’égalité, c’est bien tout ce que demande Ingrid, pacsée et mère de deux enfants : « Dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme, il est bien inscrit que nous sommes tous égaux ? Et bien c’est cette égalité là que je souhaite. Je veux avoir les mêmes droits que tous les citoyens, c’est tout. Pour moi, le mariage véhicule l’idée de famille. Porter le même nom que ma compagne serait plus simple au quotidien. » Une notion de famille d’autant plus importante lorsque les enfants sont là : « Avec le mariage, il n’y a pas besoin d’entamer des démarches juridiques de délégation d’autorité parentale en faveur du parent non-biologique, cela se fait automatiquement. Alors qu’aujourd’hui, nous sommes soumis au bon vouloir d’un juge sur cette question là, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. »

CHERCHER D’AUTRES MODèles D’autres sont plus partagés sur la question, comme Aurélien : « D’un point de vue juridique, je prône bien sûr l’égalité des droits. Mais je ne suis pas persuadé qu’il faille pour cela passer par le mariage qui, pour moi, ne signifie plus grandchose. Dans la société de consommation actuelle, où les divorces sont de plus en plus nombreux, l’idée du mariage qui

– par Katia Broussy –

vise à fonder un foyer pour passer toute sa vie ensemble n’a plus de sens. Je préférerais que l’on trouve un autre modèle d’union, plus souple, dans lequel on pourrait changer de partenaire plus facilement tout en préservant les enfants. » Idem pour Arnaud, pacsé depuis trois ans, pour qui le mariage est tombé en désuétude : « C’est un héritage de culture judéo-chrétienne dans lequel je ne me reconnais pas. Je trouve même dommage d’être obligé d’en passer par là pour pouvoir obtenir une certaine sécurité administrative (impôts, héritages…). Il suffirait simplement que le Pacs offre les mêmes droits. Quant au côté ? folklorique ? de la chose, il n’y a pas forcément besoin de se marier pour faire la fête. » Une fête certes, mais qui, pour Ingrid, n’a pas tout à fait la même force symbolique : « Pour notre Pacs, ma compagne et moi avions mis de belles robes. Nous sommes allées au tribunal d’instance le signer, puis nous avons invité la famille et les amis pour faire la fête. Malgré cela, ça n’a pas la même incidence sur les proches qu’un mariage. » Du coup, la jeune maman salue l’initiative de la municipalité toulousaine (et de quelques autres en France) qui, depuis quelques mois, propose à ses administrés de solenniser leur Pacs avec une cérémonie au Capitole. Comme un vrai mariage, ou presque…

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l’été de samson

Vitibus peliquas iusamus ut occulpa rion

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nouvelle

Les cigale Les cigales

«

Alors t’as compris, mon coco joli ?

Tu me ponds quelque chose comme ton café des Sans-Culottes, mais c’est l’été, tu vois, plus gai, plus léger, tu vois ? Pas du glauque ni du sérieux, fais-moi du saison, c’est pour l’édition d’été. Je veux du soleil, t’as compris ? - D’accord », a dit Victor. Le fumier, a-t-il pensé. Comment faire. Victor n’était pas de ceux qui habitaient sur le littoral. Au sud du Massif Central, il pouvait faire chaud en plein été, mais si on avait le malheur de passer à l’ombre, même s’il faisait 35 degrés en plein soleil, on se mettait à grelotter. L’été ici, il n’y avait guère que des Néerlandais pour trouver ça méridional. Il parait qu’il y avait des millions d’années, les plateaux d’ici avaient les pieds dans la mer, et que du coup, la population vivait dans un profond mutisme, dans un profond dégoût du reste du monde, plongée qu’elle était dans la nostalgie de ces temps bénis qu’historiquement parlant, elle n’avait jamais pu connaître. Il pouffa, puis fit la tête. Enquilla son jaune. «Le fumier, dit-il. Qu’est-ce que je peux faire, Marcel ?» Marcel s’ébroua, fit mine d’essuyer un verre et de tirer sur sa cigarette éteinte. « Je pense qu’il faut que tu demandes sur ta droite», répondit-il. René. « Et toi, reprit Victor, qu’est-ce que tu en penses, René ? » Ce dernier n’avait pas lâché la conversation du regard. Il pointa son index droit vers le spot verdâtre au-dessus du comptoir en disant: « Pour le soleil, va vers où chantent les cigales. » Pauvre René: il avait trop lu les poètes Fellibriges occitans du XVIIIe siècle et croyait encore que la vie était une partie de plaisir. Les cigales... Ici, elles étaient comme les Inuits sur la banquise : au vu de la population de la Côte d’Azur, ça faisait pas grandmonde au kilomètre carré. Victor en avait compté trois ou quatre le long de la route, sur une distance de 20 kilomètres. Sur ce causse, en été, il y avait moins de cigales que d’homosexuels ou de parachutistes. A supposer que ce soit deux espèces différentes. Mais l’angoisse qui le prenait par rapport au sujet imposé par son chef lui fit écouter deux fois plus les

prophéties de René : «Va vers où chantent les cigales». Victor prit sa voiture Google qui se conduisait toute seule et programma sa route vers Sète, option routes touristiques. Par la Lozère, le Gard et bien sûr l’Hérault. En bref, le plus long trajet, avec étapes dans les villages les plus paumés. Mission : traquer du Sans-Culottes dans les bouis-bouis de la France profonde.

Victor croyait en sa philosophie. A savoir que c’est dans la rencontre que naît et perdure l’humanité. Les rencontres se font à divers niveaux, mais les lieux publics par excellence, c’est à dire les lieux qui ne faisaient pas cas de tes goûts ou de tes appartenances, c’étaient les cafés. Du moment que tu consommais, tu pouvais voir et rencontrer du monde. Les clubs, c’était moins vrai, un type n’irait jamais rien foutre dans un club de bridge s’il n’aimait pas le bridge, par exemple. Un café, même si vous étiez un personnage important ou célèbre, ou au contraire le plus insipide des inconnus, vous était toujours ouvert du moment que vous aviez soif et que vous passiez commande. Cela pouvait se faire par choix, mais aussi par hasard. « Le chemin des cigales... » L’été. La chaleur. Les cigales. Dans un café, on pouvait raconter tout ça sans même le voir. Bronzer sans bronzer, en quelque sorte. Pour peu qu’on en parle. Mais il n’était pas tout d’en parler. Il fallait voir du paysage, descendre vers le soleil, se perdre parmi les champs, parmi les routes départementales voire les chemins vicinaux.

Le Gard sentait déjà les queues de taureau. Le soleil et la garrigue. La population méritait un sort meilleur que celui qu’elle se donnait. Les Gardois préféraient voter extrême droite aux élections, alors qu’ils représentaient quelque part la quintessence de la vie que voulaient mener les types d’extrême gauche. Ce «foutez-moi la paix je fais la sieste» salutaire, ce «ne me gonflez pas avec les malheurs de la terre» bienvenu. A Alès, on lézardait déjà aux terrasses, partout il y avait des types qui avaient fuit la jungle les villes pour trouver paix et tranquillité au coeur des rustres terres des campagnes. Fuir les villes, passe encore, personne ne comprenait vraiment, mais fuir les conflits ou la misère, c’était trop déstabilisant quand on vivait dans l’un de ces rares pays de Cocagne.

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es Illustration Michel Julliard

– par Laurent Roustan –

La Lozère, déjà, c’était plus revêche. Pas florissant pour un sou. Mais les cigales y venaient plutôt nombreuses, et ça c’était un signe. Le climat était bon, sans plus. L’hiver rude certes, surtout par le fait de l’isolement, mais l’été, par contre, il chantait. Il avait la place pour. On y voyait de tout. Ces pauvres gars des cités urbaines qui y venaient, fatigués de fomenter des révolutions. Ils trouvaient à coup sûr une vieille bicoque perdue au fond d’une vallée et pouvaient oublier l’agitation, un fourmillement de métal et de béton qui respirait par la clim’, pas par photosynthèse. Une vie qui allait plus vite que le temps. La Google car, elle, filait à quarante à l’heure sur les petites routes du Gard, en descendant la vallée de la Vis. Assis dans son canapé, Victor sirotait un thé froid en humant un air empli d’odeurs de foin fraîchement coupé. La bulle était grande ouverte, le soleil dardait ses rayons, les cigales chantaient. On allait contourner Montpellier et pointer sur Sète. Victor connaissait. Tout d’une ville mais les yeux ouverts sur la mer. Une chance pour le large. Il savait que là, les conversations chantaient à tous les coins de rues. Il trouverait son bonheur, des vieux sans-culottes qui lui conteraient les révolutions anciennes comme celles à venir. Les révolutions quotidiennes, ce monde que l’on refait, sans cesse et sans cesse. Tant que chanteraient ces foutues cigales. Mais il y avait des Sétois, qui eux, déchantaient : « Les cigales ? Mais elles cernent Sète comme si elles allaient la bouffer, oui ! dit cet homme sur la terrasse du café du Port. Ici, on n’a qu’une solution : trouver un bateau, et prendre la mer. Les cigales ne savent pas

nager, et là au moins, elles ne nous chantent pas dessus. » Victor regardait la jetée, les mouettes à moitié endormies qui suivaient distraitement les faits et gestes des clients du café. Il sentait l’iode et l’espace qui se brisait là-bas, vers le phare. Il n’entendait pas c’est vrai le chant des cigales. Et pourtant, c’était l’été, c’était ce que voulait son chef : c’était gai, c’était chaud, c’était le soleil. L’ennui, c’est qu’il n’y avait pas un seul Sans-Culottes à gueuler dans le coin. Comme si toute velléité de révolte s’était dissoute sous la température, comme si la colère devait nécessairement porter des pull-overs, des moufles et des manteaux de fourrure. « Et qu’est-ce que tu me chantes avec tes moufles, tes pullovers et tes passe-montagnes, reprit le gars ? Qu’est-ce que tu me scies la psyché avec tes cigales ? Pour quoi tu veux que je me batte ? Regarde le ciel, regarde la mer, regarde la terre. J’ai tout moi, c’est les autres qui manquent. » Il baissa la tête. « Un peu à moi, c’est vrai. » Ce n’était pas qu’une question d’élément, ou de température. Les cigales chantaient où elles voulaient. Il suffisait qu’il y ait des oreilles pour qu’on les entende. Fort de cette vérité, Victor reprogramma sa voiture pour rentrer chez lui. Il écrirait que les cigales ne chantaient pas qu’à la belle saison : elles ne chantaient que pour qui voulait les entendre. Et, éventuellement, pour copuler. « Je veux du gai, du léger», qu’il disait, l’autre. Il en avait : c’était en été que les cigales contaient fleurette, et les hommes faisaient pareil.

Chez lui, personne toutefois ne l’attendait.

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Laurent Roustan, Journaliste et novéliste, il réside en Aveyron


LIVRES

L VRES Média des possibles dans le Grand Sud

Capitaine Capital

Editions Les Requins-Marteaux

Générations

Ellul

L’immigration vue du 19e arrondissement de Paris Par Viravong

Ousmane, Madame Ly, Khadija, Hillel et Zaïm n’ont à priori rien de commun, sinon de vivre ou travailler dans le même secteur du 19e arrondissement, et d’être bien représentatifs des pittoresques habitants de ce quartier parisien haut en couleur(s). A travers le regard de ses cinq personnages issus d’origines diverses, Viravong dresse ici un portrait de la société française multiculturelle. Il y dénonce le phénomène de gentrification qui pousse à exclure les classes populaires des quartiers à grands coups d’urbanisation, ainsi que les politiques migratoires chères à Brice Hortefeux et Claude Guéant. Fruit d’un travail d’enquête et d’observation de près d’une année en résidence d’artistes, la qualité première de cette BD long-format (172 pages) revient dans ses planches noir et blanc et le trait de crayon qui nous plonge littéralement dans chacune des scènes. L’auteur, récemment installé dans la Ville Rose, livre ici sa troisième BD chez Casterman, sa plus aboutie. On adhère. Blues du Nord, par Viravong, édition Casterman, collection Univers d’auteur, prix 18€. Sortie le 6 juin. Disponible dans toutes les bonnes librairies, informations sur le site internet : www.viravong.com

Soixante héritiers de la pensée de Jacques Ellul Par Frédéric Rognon En 2012, de nombreux hommes et femmes politiques, scientifiques, philosophes, écologistes, journalistes ou théologiens s’inscrivent ouvertement dans la filiation intellectuelle du philosophe protestant français Jacques Ellul, ce que décrit cette anthologie alphabétique de soixante figures essentiellement françaises, mais également coréennes, suisses, américaines et anglaises. De José Bové à JeanClaude Guillebaud en passant par Noël Mamère, Denis Tillinac, Olivier Abel, Dominique Bourg ou Jean Baubérot, ces soixante héritiers de Jacques Ellul se sont confiés à Frédéric Rognon pour expliquer leurs dettes à son égard au moment où l’on célèbre le centième anniversaire de sa naissance en 2012. Leurs témoignages permettent d’entrer de façon percutante dans sa pensée qui éclaire les grands défis contemporains en matière d’écologie, de développement, de communication ou de théologie. Editions Labor et Fides. Frédéric Rognon est professeur en philosophie de la religion à la Faculté de théologie protestante de Strasbourg. Il est notamment l’auteur de « La religion » (Hatier, 1996) et de « Jacques Ellul. Une pensée en dialogue » (Edition Labor et Fides, 2007).

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La tempête fait rage sur les marchés. Heureusement, le capitaine, fidèle au poste, agrippé à son micro, continue de nous raconter des histoires belges. De Lindingre, on connaît surtout les personnages flanqués d’un groin de cochon, piliers de comptoir et habitués de Fluide Glacial. Cette fois, ce sont des leçons péremptoires, réclames pour des placements miracles, histoires de winners toutes catégories qu’il nous raconte. Ce nouveau recueil, à l’instar de Short Scories (paru en 2009 aux Requins Marteaux) a tout de l’album hors-piste totalement débridé. Captain Capital est une sélection de bandes dessinées, de strips et de cartoons pré-publiés dans l’Écho des Savanes, Siné Mensuel, Siné Hebdo et Fluide Glacial. C’est l’ouvrage idéal à offrir à votre beau-frère manager boursicotteur que vous ne pouvez pas encadrer. L’auteur : Dessinateur de presse, de bande dessinée et scénariste, enseignant aux Beaux Arts de Metz, Yan Lindingre a d’abord travaillé dans le graphisme et l’économie solidaire. Il collabore à l’Echo des Savanes, Fluide Glacial, Spirou et Siné Hebdo. Auteur de plusieurs séries chez Fluide Glacial, il signe également les dialogues de Chez Francisque. De multiples collaborations le confirment comme scénariste. Au départ, son univers est imprégné de culture populaire, mais sa série L’Affaire des affaires (version didactique de «L’Affaire Clearstream» dessinée par Laurent Astier) l’oriente vers des travaux plus politiques. Sans Collection . 15 x 20,5cm . Souple . 48 pages . Couleur . ISBN 978-2-84961-125-8 . 16€ Disponible en librairie le 16/05/12.

Cuisinière Pyrénéenne Née de la nécessité de nour­rir la maison, la bonne cui­sine d’autre­fois est l’œuvre de femmes créatives et ingénieu­ ses qui accom­ mo­ daient de leur mieux tout ce qu’elles pou­vaient avoir sous la main. Ainsi chaque région des Pyrénées est liée à une cou­leur, une odeur, un vin, un fro­ mage et nous offre, en abon­dance, toute une gamme de pro­duits de grande qualité : vous pour­rez ainsi déguster une pipe­rade au Pays Basque, une gar­bure dans le Béarn et la Bigorre, le tet­ta­ram des Hauts de Garonne, l’azinat en Ariège et la bul­li­nada des Catalans. En par­cou­rant les Pyrénées, d’ouest en est, c’est donc une extra­or­di­naire variété de saveurs et de plats que l’on peut découvrir dans ce superbe carnet, illustré de vielles cartes postales jaunies accompagnant les recettes rédigées à la main. Par Sonia Ezgulian - Editions Stéphane Bachès 16, 50 euros


LIVRES Relents de Franquisme ... Au début des années 80 en Espagne, une avocate s’aperçoit qu’un inspecteur de police qu’elle a fait envoyer en prison pour bavures est peut-être victime d’une machination... La tristesse du Samouraï commence par une erreur judiciaire. Une entame très banale pour un roman policier. La suite ne l’est pas du tout. Victor Del Arbol met en résonance l’histoire la plus contemporaine de l’Espagne avec la période noire du Franquisme. Avec ingéniosité, il tisse les fils qui relient les personnages d’aujourd’hui à leurs parents. D’une histoire torturée et très sombre, il tire la leçon que le silence n’efface rien, qu’on ne construit ni sur l’oubli ni sur la négation et pose la question de la responsabilité des enfants face aux fautes de leurs géniteurs. Ce roman policier très politique a fait beaucoup de bruit en Espagne. Il porte le fer dans la plaie. La tristesse du Samouraï, 351 pages, édition Actes Sud, 22,50 euros.

Le reporter ne sait où fixer l’œil de sa caméra. Fébrile, excité par le spectacle affriolant, il chasse chaque stand de l’exposition annuelle du palais des congrès et les achats si singuliers du concierge… Entre anticipation sociale et contre utopie, Frédérique Martin nous entraîne dans un monde futuriste inquiétant, où le cheptel exposé fait tressaillir de désir le reporter. Le lecteur n’est pas en reste, entre dégoût et tentation, il vacille à chaque mouvement de caméra. La verdeur des propos n’a d’égal que la précision des sensations. Les corps vibrent, transpirent et la révolte gronde. Tout n’est qu’ambivalence, entre fièvre sexuelle et violence sociale. Après la lecture de cette nouvelle érotique, vous ne regarderez plus les blondes d’Aquitaine ou les Normandes de la même manière. Et qui sait si votre bas-ventre ne brûlera pas à la simple évocation d’un reportage sur les maquignons du sud-ouest ? Eros – 4 histoires brèves et intenses (coffret de 4 nouvelles érotiques) – Les Editions de l’Atelier In8 – Collection Porte à côté. Les filles d’Eve – Frédérique Martin Le comparse – Jacques Abeille Monde Profond – Eric Pessan La féticheuse – Emmanuel Pierrat

LES FILLES D’ÈVE de Frédérique Martin

Jean Dieuzaide, la photographie d’abord Journaliste à La Dépêche du Midi et responsable des pages Culture du quotidien régional, Jean-Marc Le Scouarnec publie une biographie sur le photographe toulousain Jean Dieuzaide. Le photographe né en 1921 et décédé en 2003 est considéré comme l’un des plus grands photographes humanistes français. C’est lui qui a photographié la libération de Toulouse en 1944 et le général de Gaulle, ou encore Dali sortant de l’eau avec ses moustaches en papillotes. Jean Dieuzaide est co-fondateur des rencontres photographiques d’Arles, premier photographe à avoir obtenu les prix Niepce

et Nadar et initiateur de la première galerie publique d’art entièrement dédiée à la photographie, la galerie du Château d’eau de Toulouse. Dans son ouvrage, Jean-Marc Le Scouranec retrace la vie du photographe toulousain à travers témoignages, lettres inédites, et le concours de sa veuve Jacqueline Dieuzaide. Aujourd’hui encore, elle se bat pour la création d’un lieu dédié aux photographies de son époux, qui a laissé plus d’un million de clichés derrière lui.

Jean Dieuzaide, La photographie d’abord, Jean-Marc Le Scouarnec, éditions Contrejour, prix conseillé 18€.

SEMEZ POUR RÉSISTER ! L’art et la pratique des bombes à graines. Qu’est-ce qu’une bombe à graines ? D’abord, ce n’est pas un explosif, ni un produit comestible ! Une bombe à graines est une petite boule composée d’un mélange de terreau, d’argile et de graines. Le lancer de bombes à graines, ou Seedbombs, fait partie du mouvement de guérilla jardinière né dans les années 90 chez les Anglo-saxons. Cet acte militant nous incite à

mieux connaître es plantes et à semer des graines de façon ludique et engagée. Si le lancer de graines permet d’embellir certains endroits désolés, il permet aussi de se réapproprier l’espace public et de l’investir de façon positive. Ce livre propose un petit historique du mouvement de lancer de graines, mais également les portraits de 41 plantes communes à semer.

Et après la théorie, la pratique ! Dix recettes de bombes à graines sont détaillées ; certaines pour attirer les papillons, pour nourrir les oiseaux, d’autres pour avoir des fleurs colorées ou encore des plantes à parfum.De quoi devenir un adepte du lancer de bombes à graines ! Editions Plume de carotte Format : 15,6 x 20,9 cm, 128 pages, 18 euros

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par Josie Jeffery


Planète Terre


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