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L’hybride résidentiel en partage Concevoir l’espace commun au coeur d’opérations résidentielles à programme mixte


TERMINOLOGIE La mixité programmatique

Ce terme désigne, dans le cadre de cette recherche, toute opération associant différents programmes (logements, bureaux, équipements...) au sein d’un même ensemble construit sans induire d’échelle d’imbrication particulière.

Ensemble résidentiel à programme mixte

Ce terme désigne une opération faisant cohabiter dans un même ensemble -ilôt, parcelle ou bâtiment- des logements avec des programmes de nature différente (bureaux, équipements...).

Hybride résidentiel

Ce terme «d’hybride résidentiel», métaphore issue des sciences biologiques, renvoit à la même notion décrite plus haut, tout en insistant sur un aspect fondamental: le croisement d’«éléments disparates» (ou programmes) donnant lieu à l’émergence d’objets nouveaux, qui ne sauraient se réduire à la simple addition des fonctions qui les composent. >> Cette notion, ainsi que celles soulevées plus haut de «mixité programmatique» et d’«ensemble résidentiel à programme mixte» seront longuement explicitées dans la partie «I/A/La mixité programmatique».

Espaces mutualisés

Ce terme intègre la notion de mise en commun d’espaces dont l’appartenance ne relève pas d’un seul et même propriétaire (ou groupement de co-propriétaires), mais de plusieurs. Largement employé par les concepteurs (architectes et urbanistes en premier lieu, mais aussi édiles, promoteurs et aménageurs) pour décrire ce principe de partage d’espaces rattachés à différents programmes au coeur d’ «hybrides résidentiels», il rejoint très sensiblement cette notion «d’espace commun» sans toutefois présupposer la même considération liée aux usages (on pourra parler, par exemple, de mutualisation d’espace de services», plutôt résiduels)

Espace commun

Dans le cadre de cette recherche, renvoit à tout espace rattaché à différents programmes en coeur d’hybride résidentiel. Comparable à la notion technique et principalement foncière d’«espace mutualisé», ce terme s’en distingue toutefois par sa dimension d’usage valorisé. Si le terme «mutualisation» peut ne renvoyer qu’à une mise en commun de ressources pratiques en vue d’améliorer le fonctionnement d’une opération, un espace est dit «commun» lorsqu’il est investi par différents usagers, «commun» encore parce qu’associé par chacun d’entre eux à une idée d’appartenance (idéalement). L’indétermination de cette notion est à la base même de la grande diversité des phénomènes auxquels elle est associée; renvoyant tantôt à des considérations sociales, tantôt à des dispositifs spatiaux, elle ne présuppose pas non plus du caractère public ou privé de l’espace considéré. Dans le cas présent, celle-ci ne saurait être comprise sans un rapprochement avec une notion plus large dont elle est semble finalement l’héritière: celle d’espace intermédiaire.

Espace intermédiaire

Espace d’entre-deux entre la ville et le logement. Celui-ci, évoquant tout à la fois des relations sociales et spatiales, peut être foncièrement public ou privé. Son statut particulièrement indéfini en fait une notion floue, qui tient pourtant depuis un demi-siècle une place fondamental dans la production des travaux d‘architectes, urbanistes et sociologues autour de la question de l’habitat. >> Ce terme, ainsi que les deux notions auxquelles son évocation renvoit directement (celles d’espace de transition et d’espace fédérateur) seront longuement explicitées plus loin dans la partie «I/B/L’espace intermédiaire».


13/01/2015 Gabriel Verret n°étudiant: 10216

L’hybride résidentiel en partage Concevoir l’espace commun au coeur d’opérations résidentielles à programme mixte

Mémoire de recherche Seminaire semestre 9 Architecture, Projet Urbain et Société 1


SOMMAIRE

Introduction (p4-9) A. Présentation du sujet (p4-7) Description et rapport personnel / Problématique B. Méthodologie (p8-9)

Partie I/ Se représenter l’espace commun en coeur d’hybride résidentiel (p10-66) A. La mixité programmatique/fonctionnelle (p10-34) 1. Émergence de la notion considérée 2. La valorisation actuelle de cette notion par les «concepteurs» et élus 3. Le scepticisme des «réalisateurs» envers cette notion 4. Modes de résolution: la recherche d’un urbanisme négocié B. L’espace intermédiaire (p35-57) 1. Émergence de la notion considérée 2. Regard contemporain porté sur la notion et discours divergents 3. Modes de résolution: de la nécessaire implication de l’instance publique? C. L’espace commun en coeur d’hybride résidentiel (p58-66) 1. Plébiscite et réticence: les positions divergentes des différents acteurs confortées par la rencontre de ces deux notions «conflictuelles» 2. Les modes de résolution d’une équation complexe: la part du politique et le macrolot

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Partie II/ Réaliser l’espace commun en coeur d’hybride résidentiel (p67-121) A. Terrain général (p67-84) Regard porté sur la production française contemporaine d’hybrides résidentiels 1. Une catégorie à écarter d’emblée: les «condensateurs sociaux» 2. Le cas le plus répandu: «l’hybride résidentiel fragmenté» 3. Penser l’espace commun: «l’hybride résidentiel communautaire» 4. Prolonger l’espace public: «l’hybride résidentiel ouvert» B. Études de cas (p85-121) 1. Le Macrolot B2, du Trapèze de Boulogne-Billancourt 2. Le «jardin sur le toit», du quartier Vignoles-Est

Partie III/ Saisir l’espace commun en coeur d’hybride résidentiel (p122-140) A. Maîtriser l’espace commun (p122-129) B. S’approprier l’espace commun (p130-140)

Conclusion (p141-142) Annexes (p142-182) Notes / Illustrations / Bibliographie

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INTRODUCTION A/PRESENTATION DU SUJET 1) Description du sujet Les ensembles résidentiels à programme mixte portent en mon sens l’intérêt majeur d’être en mesure de provoquer des situations de cohabitation de pratiques rattachés à des structures traditionnellement circonscrites à l’espace public (restaurants, écoles, commerces, parcs, etc...) avec des pratiques domestiques propres à l’appropriation par l’habitant de son espace privé. Cette recherche porte sur les lieux du contact entre ces pratiques au sein de ces opérations: les espaces communs mutualisés.

2) Rapport personnel au sujet L’observation faite à Tokyo à l’occasion d’un échange universitaire de situations fascinantes, où des pratiques privées se retrouvaient intrinsèquement mélées à la vie publique m’a incité à mon retour à Paris à rechercher des cas comparables «d’espaces intermédiaires», au sein desquels se développent des situations tenant à la fois du domaine public et de la sphère privée. La cour d’immeuble parisien dans les quartiers de faubourg - parfois ouverte sur la rue toute la journée et pouvant accueillir un grand nombre d’activités traditionnellement observables dans l’espace public (restaurant, atelier, magasin...) en plus des logements qui en constituent le contour, m’est apparue comme une situation particulièrement riche d’«espace partagé», mélant le «chez soi» au «vivre ensemble». C’est cette même fascination pour cet «exemple vernaculaire» qui m’a incité à m’interroger sur la manière dont dans la production contemporaine du logement en France abordait cette question de l’espace partagé, à l’heure où celle-ci semble intègrer de plus en plus souvent en son coeur d’autres types d’activités (bureaux, commerces, etc...).

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Ill.1: Au 25 rue d’Hauteville à Paris, plusieurs agences ont investi la cour d’immeuble ouverte sur la rue comme leur espace propre, et y ont aménagé des terrasses, etc... Le week-end, ce sont les riverains qui investissent cet «espace fédérateur», en y laissant librement jouer leurs enfants.

22- Introduction Introduction

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3) Problématique (a) Questions soulevées par le sujet Comment les différents acteurs de l’aménagement urbain se représentent-ils aujourd’hui l’espace commun en coeur d’hybride résidentiel? De quoi parle-t-on lorsqu’on évoque de tels espaces partagés entre différents programmes? À quelles notions parentes se réfère-t-on? Quelles représentations de cet espace pourrait-on associer aux différents champs professionnels impliqués dans la production du cadre bâti? Ces espaces partagés entre différents programmes sont-ils valorisés ou dépréciés par tous? Quel positionnement des différents acteurs de l’aménagement urbain (architectes et urbanistes, mais aussi politiques, aménageurs, promoteurs...) pourrait-on associer à ces représentations fiverses? Comment se réalise un espace commun au sein d’un ensemble résidentiel à programme mixte? Quelle importance est-elle donnée à ce genre d’espace partagé dans la production contemporaine d’«hybrides résidentiels» ? Quelles difficultés (ou facilités) sont-elles rencontrées dans le développement de ces espaces? Un soin leur est-il apporté dans la conception d’ensembles résidentiels à programme mixte, ou bien sont-ils traités comme des espaces résiduels voir indésirables?Quelle relation entre la ville («l’espace public») et les logements («l’espace privatif») est-il en mesure de développer? Comment la conception architecturale favorise-t-elle -ou non- l’articulation des usages au sein de ce genre d’espace intermédiaire? (Des questionnements à rapprocher des sciences de la conception) Comment l’«espace commun en coeur d’hybride résidentiel» est-il saisi par ses différents occupants (habitants, usagers, visiteurs)? De quelle manière ces espaces sont-ils investis et appropriés par ceux-ci? Comment les destinataires participent-ils à la transformation du projet, après l’avoir investi? Quels rapports sociaux ce partage d’un même espace privé induit-il entre des individus amenés à y développer des usages différents? (Des questionnements à rapprocher des sciences sociales) Tout au long de ce mémoire d’étape, on cherchera à aborder progressivement l’ensemble de ces questions sous l’angle de l’interrogation suivante, tenant lieu dans le cadre de cette recherche de question principale:

QUESTION PRINCIPALE:

Comment l’espace commun est-il conçu -représenté, réalisé et saisi- dans la production contemporaine d’ensemble résidentiels à programme mixte en France?

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(b) Hypothèses Les premières lectures et observations sommaires d’opérations mixtes réalisées affirmant ce principe de partage d’espaces communs m’ont amené dans les premiers temps de cette recherche à formuler quatre hypothèses, que les travaux réalisés depuis et présentés plus loin me permettront de questionner: (1) L’apparente omniprésence d’ensembles résidentiels à programme mixte (ou «hybrides résidentiels) dans la production contemporaine hexagonale serait d’abord le fait d’un large consensus entre l’ensembles des acteurs impliqués dans l’aménagement urbain, chacun valorisant le recours à une forme de mixité programmatique dans les opérations qu’il est amené à développer. (2) Comme imprégnée d’une idéologie du partage et de l’ouverture, une grande majorité de «concepteurs» (architectes et urbanistes en première ligne) de ces opérations sembleraient valoriser le partage d’«espaces communs» au coeur d’ensembles résidentiels à programme mixte; voir à revendiquer leur ouverture sur la ville et accessibilité depuis l’espace public lorsque ceux-ci sont effectivement développés dans la conception d’«hybrides résidentiels» (plutôt que d’en réserver spontanément l’usage à ses seuls occupants) (3) Le processus de production effective de ces espaces porterait en germe une forme d’ambyvalence, une dichotomie entre la posture initiale affichée par les concepteurs (laquelle tendrait ainsi vers un désir d’espaces ouverts et partagés par tous), et l’espace finalement réalisé qu’on constate le plus souvent cloturé. Ma seconde hypothèse tendrait à expliquer cette tendance à la «résidentialisation» (notion qui sera explicitée dans la partie «I/B/L’espace intermédiaire») par l’opposition de la quasi-totalité des autres acteurs concernés par la production de ces espaces à ce principe de partage et d’ouverture prétendument valorisé par les architectes et urbanistes. Sont alors supposés: - Un désir d’appropriation et de sécurité des occupants? - Une méfiance de l’édile, qui craindrait les résultats imprévisibles d’opérations encore expérimentales, ainsi que le mécontentement de ces électeurs potentiels; et redouterait enfin d’avoir à prendre en charge une partie de l’entretien des espaces considérés si ceux-ci deviennent accessibles à tout concitoyen. - Une volonté des aménageurs et promoteurs d’éviter, dans un même ordre d’idée, des expériences incertaines et surtout des montages complexes. (4) L’espace clôturé ou le plus souvent «aseptysé»et relativement peu approprié par ses potentiels occupants que les toutes premières observations des réalisations d’opérations de ce genre m’ont permis de constater serait le résultat d’échecs successifs liés à cette mésentente entre les différentes parties mobilisées dans le cadre de la production de ces espaces. En tant que tel, ces incohérences pourraient potentiellement être évitées.

HYPOTHÈSE PRINCIPALE:

Un décalage entre les désirs des «concepteurs» (architectes et urbanistes) et ceux de l’ensemble des autres acteurs concernés (allant des promoteurs aux élus, en passant par les futurs occupants de ces opérations) explique la rareté de ce genre d’espaces communs dans la production contemporaine en France d’ «hybrides résidentiels», voir leur manque de qualité lorsque ceux-ci sont effectivement réalisés. 7


B/ MÉTHODOLOGIE La présente recherche est le fruit d’un ensemble de travaux menés depuis septembre 2013 jusqu’au mois de décembre 2014, lesquels ont été abordés comme suit:

1) Établissement d’un état des connaissances Consultation d’ouvrages et de revues Le premier travail mené dans le cadre de cette recherche, engagé en septembre 2013, a consisté à approfondir mes connaissances autour de l’identification des représentations communes marquant la production des «espaces communs» au coeur d’ensemble résidentiels à programme mixte. Il s’est alors agit de consulter de nombreux ouvrages -référencés dans la bibliographie en annexe- en vue d’établir un état des connaissances à même de permettre la caractérisation de cette notion d’«espace commun», que l’on a dès lors associé au croisement de deux autres notions particulièrement présentes dans les discours des différents acteurs de l’aménagement urbain («concepteurs», «réalisateurs» et élus): celles de «mixité programmatique» et d’»espace intermédiaire». Les enseignements tirés de cette première méthode de recherche (s’étant finalement poursuivie jusqu’à la rédaction même du présent mémoire) seront présentés dans la partie «I/Se représenter l’espace commun en coeur d’hybride résidentiel».

2) Observation distancée d’un terrain général Consultation d’ouvrages, de revues et observations passives in situ En parallèle de cette première approche du sujet a donc été mené un long travail d’identification d’exemples pouvant servir de référence pour cette recherche. Cette observation superficielle et générale d’un terrain étendu, défini comme l’ensemble des «réalisations contemporaines françaises d’ensemble résidentiels à programme mixte, dont la conception originelle valorisait le développement d’espaces communs à leurs différents programmes» (tel que ce dernier a été défini au mois de Janvier 2014) a d’abord donné lieu à une observation globale et distancée de cette production contemporaine, laquelle m’a permis d’identifier plusieurs familles d’«hybrides résidentiels» semblant caractériser la production contemporaine de ces opérations en France. Les enseignements tirés de cette observation distancée sont présentés dans la partie «II/A/Terrain général».

3) Identification d’exemples de référence/ études de cas Consultation d’ouvrages, de revues, observations passives in situ et réalisation d’entretiens Cette focale large adoptée dans un premier temps m’a permis d’identifier deux exemples de références représentant chacun à leur manière une façon très particulière d’aborder la question de l’«espace commun aux différents programmes» d’«hybrides résidentiels». (1) Le Macrolot B2 du Trapèze de Boulogne (2) L’opération dite du «Jardin sur le toit», située à Paris dans le XXe arrondissement 8


Ces deux exemples ont alors fait l’objet d’études de cas approfondies. Le travail mené dès lors a consisté à augmenter sensiblement la connaissance des opérations par la consultation d’ouvrages, identifier les acteurs-clés de chacune et réaliser des entretiens auprès d’un maximum d’entre eux (avec plus ou moins de réussite, notamment dans le cas du Macrolot B2). Les enseignements tirés de ces analyses plus poussées sont présentés dans la partie «II/B/Études de cas».

4) Premiers relevés habités au sein des «espaces communs» pré-cités Observations passives in situ Enfin, l’ensemble des enseignements tirés de cette recherche m’ont incité -au mois d’octobre 2014- à envisager d’engager pour cette recherche de nouvelles pistes de réflexions pour cette recherche, pouvant à mes yeux servir de bases pour un approfondissement de ce travail dans les mois à venir. Il s’agit depuis lors d’interroger la manière dont les «espaces communs» des deux opérations identifiées plus haut sont investis par leurs différents occupants (habitants, usagers et visiteurs). Les apports -surtout en terme de questions nouvelles- de cette embryon de recherche complémentaire sont présenter dans la partie «III/ Saisir l’espace commun...».

Enjeux de cette recherche Si la part des «hybrides résidentiels» (ou ensembles résidentiels à programme mixte) paraît si importante dans la production contemporaine du cadre bâti en France, quel impact ce nouveau paradigme pourrait-il avoir sur le dessin des «espaces intermédiaires» entre logements et ville? Il s’agit avant tout dans cette recherche de questionner la manière dont le développement d‘«espaces communs» entre leurs différents programmes -au sein desquels s’orchestreraient le contact entre leurs différents occupants (résidents, usagers, visiteurs) - pourrait s’inscrire dans une forme de renouveau de cette pensée de l’espace partagé entre différentes populations. De plus, il s’agit par cette étude de chercher à comprendre les processus à l’origine de la production de ces «espaces voulus partagés» qui ne parviennent pas à le devenir. Le désir des architectes s’oppose-t-il toujours fondamentalement à la volonté des habitants, des aménageurs, des promoteurs, des élus? Comment ces «espaces manqués» sont-ils produits et comment pourrait-on -à terme- les éviter?

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Partie I

SE REPRÉSENTER

l’espace commun en coeur d’hybride résidentiel A/ La mixité programmatique Enjeux: Comprendre les origines de la profusion «d’opérations résidentielles à programme mixte» dans la production contemporaine architecturale et urbaine, et interroger les représentations des différents «acteurs concernés» autour de la notion de «mixité programmatique». NB: Avant d’engager cette partie, il semble nécessaire d’apporter deux précisions. D’abord, il convient ici d’indiquer que ce passage traite essentiellement de la notion de «mixité programmatique» lorsque celle-ci est associée à la question du logement, cette recherche s’intéressant avant tout à l’étude de ce que nous nommons «hybride résidentiel», ou «ensemble résidentiel à programme mixte». Ainsi ne seront pas abordés dans cette partie les cas de «mixité programmatique» n’intégrant pas cette dimension résidentielle (à l’image, par exemple, d’opérations associant uniquement bureaux et commerces). Ensuite, il semble important de souligner que le terme de «mixité programmatique» introduit ici désigne toute opération associant différents programmes au sein d’un même ensemble bâti, et par conséquent n’implique pas d’emblée d’échelle d’imbrication particulière. En effet, l’acceptation courante faisant état d’une «mixité programmatique» désignant plutôt une mixité «à l’îlot» ou «à la parcelle» (les différents programmes étant alors disposés au sein de constructions autonomes) et d’une «mixité fonctionnelle» «au bâtiment» (les programmes distincts étant alors imbriqués au sein d’une même construction), relativement mal définie, ne sera développée en ces termes sans précision préalable. Avant de se questionner sur la manière dont cette notion est aujourd’hui perçue par l’ensemble des acteurs de l’aménagement urbain en France (et d’interroger notamment cette hypothèse d’un consensus général permettant la prolifération actuelle de ce genre d’opérations), il convient de se pencher sur les conditions d’émergence de cette dernière.

1. Conditions d’émergence de la notion considérée Si un indéniable regain d’intérêt s’exprime depuis plusieurs décennies autour de cette notion de mixité programmatique, notamment au sein de la profession architecturale et des instances politiques en charge de l’aménagement urbain (nous y reviendrons), l’objet auquel cette dernière renvoit n’a en soi rien de nouveau et semble pour ainsi dire exister depuis fort longtemps au coeur de la «ville ancienne occidentale»(1). La consécration de cette notion floue(2) associée à celle de «mixité sociale» sous le terme particulièrement ambigü de «mixité urbaine» au tournant des années 70 intervient au moment où ce phénomène semble le plus absent de la production architecturale, alors marquée par la prolifération d’ensembles monofonctionnels résidentiels ou tertiaires (inspirés de la Chartes d’Athènes et de son principe de «zonage»). 10


En réalité, c’est du rejet de ces mêmes conceptions Modernistes que le principe de mixité programmatique, aujourd’hui érigé au rang de doctrine urbaine, semble tirer toute sa force, comme nous allons maintenant nous attacher à le démontrer.

1) Avant les Modernes: l’idéal d’une mixité programmatique vernaculaire (a) La mixité programmatique, essence de la ville occidentale? Si elle ne s’est pas nécessairement posée de la même manière à chaque époque, la question de l’imbrication au sein d’un même ensemble résidentiel de programmes divers au coeur de la ville européenne a pu donner lieu à de nombreuses configurations bien avant que n’émerge la notion de «mixité programmatique». Ainsi dans l’Antiquité, les romains n’hésitaient pas à superposer appartements et bains publics; tout comme il était courant pour un marchand au Moyen-âge d’aménager un logis au-dessus de son commerce(3).

(b) La mixité programmatique au début de l’ère industrielle De même, l’immeuble de rapport parisien dès le XVIIIe siècle et jusque dans ses formes les plus «abouties» répandues par Haussmann dans la 2nde moitié du XIXe siècle, ou encore les réalisations exceptionnelles de la même époque telles que le Familistère de Guise, sont autant d’opérations que nous pourrions qualifier d’«hybrides résidentiels» avant la lettre; en ce qu’elles combinaient déjà sans complexe des logements à d’autres activités (commerces, bureaux, ateliers et industries).(4)(5) Cette «mixité programmatique vernaculaire», actuellement portée au pinnacle par nombre de «concepteurs» (architectes et urbanistes) et politiques en charge de l’aménagement urbain semblent aujourd’hui constituer un véritable mythe -ainsi qu’un idéal à atteindre- dans les représentations de ces derniers; ce que N.Michelin (architecte-urbaniste) exprime lorsqu’il affirme avec force que «la mixité programmatique [...] est l’essence même de la ville européenne»(6). C’est cette même imbrication fine des fonctions en ville au sein de constructions uniques -si ce n’est des mêmes quartiers- qui est visée par la politique urbaine d’après-guerre inspirée de la Chartes d’Athènes; ce qui constitue sans doute une première justification du rejet exprimé par une grande majorité de ces deux catégories d’acteurs envers les grands principes urbains prescrits par ce texte (défendues par les tenants du Mouvement Moderne) que nous allons maintenant nous attacher à décrire.

2) «Séparer les fonctions urbaines» ou l’application simplificatrice des principes de la Chartes d’Athènes? «Autrefois, le logis et l’atelier, unis par des liens étroits et permanents, étaient situés l’un près de l’autre. L’expansion inattendue du machinisme a rompu ces conditions d’harmonie; en moins d’un siècle, elle a transformé la physionomie des villes, brisé les traditions séculaires de l’artisanat et donné naissance à une nouvelle main d’oeuvre anonyme et mouvante.» Le Corbusier dans La Chartes d’Athènes, 1941(7)

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Si à Athènes Le Corbusier et ses compagnons des CIAM (Congrès Internationaux d’Architecture Moderne) établissent en 1933 les principes d’une charte appelant de leurs voeux un urbanisme nouveau, c’est avant tout afin de redonner une cohérence au tracé des villes issues de l’ère industrielle (ou «civilisation machiniste»), lesquelles s’étaient jusqu’alors aux yeux des Modernes installées «dans le désordre, l’improvisation, les décombres...»(8). La distinction des lieux d’habitation et de travail -ce dernier étant alors associé principalement à l’usine et ses désagréements- devient ainsi primordiale de leur point de vue.

(a) Le «zonage», ou la ségrégation Moderne des usages «Le zonage est l’opération faite sur un plan de ville dans le but d’attribuer à chaque fonction sa juste place. Il a pour base la discrimination nécessaire entre les diverses activités humaines réclamant chacune leur espace particulier: locaux d’habitation, centres industriels ou commerciaux, salles ou terrains destinés aux loisirs» Le Corbusier dans La Chartes d’Athènes, 1941(9) Ainsi donc, ce texte paru en 1941 en France et dont les tenants de l’«urbanisme fonctionnaliste» -majoritaires au lendemain de la seconde guerre mondiale- firent leur «emblème» marquait une rupture avec l’ancien temps. Aux fonctions «commerciale, politique ou religieuse» ayant jusqu’ici été, aux yeux des historiens et sociologues, déterminantes pour la constitution des villes, la Charte d’Athènes substituait quatres fonctions fondamentales: «travailler, habiter, circule, se divertir»(10).

(b) Modernisme et «densité urbaine»: une relation ambigüe

Ill.1: Le «Plan Voisin» de 1927 (Le Corbusier), ou l’expression de ce principe: «Implanter des constructions hautes à grande distance l’une de l’autre. 12


«Dans les secteurs urbains comprimés, les conditions d’habitation sont néfastes faute d’espace suffisant attribué au logis, faute de surfaces vertes disponibles» Le Corbusier dans La Chartes d’Athènes, 1941(11) Il convient sans doute ici de préciser que la question de la «densité urbaine» -si elle n’est pas évoquée en ces termes par la Charte- constitue un aspect particulièrement important de l’urbanisme Moderne visant une forme de «desserrement urbain» (une dynamique engagée dès le XIXe siècle par une série de politiques hygiénistes critiquant l’insalubrité causée par la promiscuité et l’entassement des populations(12), et se poursuivant tout au long de la première moitié du XXe siècle(13). La réponse apportée par la Charte d’Athènes à ce principe de dessèrement -suggérant notamment d’implanter aux endroits qui le permettent des constructions hautes «à grande distance l’une de l’autre» afin de «libérer le sol en faveur de larges surfaces vertes»(14) ouvrit la porte à une autre forme de densification qui devint un «outil règlementaire»(15): c’est ainsi que, par la prolifération de constructions hautes (barres et plots) inspirées de la Charte d’Athènes, l’urbanisme Moderne devint paradoxalement l’expression d’une nouvelle «surdensité verticale» , bien qu’engagé à l’origine dans une lutte contre la promiscuité.

(c) L’adoption du zonage par les politiques en charge de l’aménagement urbain Au principe de «zonage», ou «rationalisation du développement urbain» donnant à chaque activité humaine sa «juste place», furent associés au tournant des années 50 des textes lui conférant une dimension règlementaire, et lui permettant ainsi de devenir la nouvelle norme pour l’organisation du territoire hexagonal(16). Les «unités d’habitations, de travail, de loisirs et de circulation, toutes séparées dans l’espace» se sont ainsi mises à couvrir le pays, le lien entre ces différentes «zones» étant en principe assuré par le développement de l’automobile(17). Le Corbusier étant une figure relativement controversée à l’époque(18), on est en droit de se demander ce qui a permis à ce texte d’avoir un tel écho après-guerre, notamment au sein des milieux politiques chargés de l’aménagement urbain. Il faut pour cela préciser que le premier avantage de cette généralisation du «zonage» était économique: ainsi permettait-il d’abord «aux élus locaux d’éviter les dépenses inutiles» ou encore de «contrecarrer la spéculation foncière en laissant aux municipalités la possibilité d’acquérir des terrains à des prix plus avantageux, avant qu’ils ne soient déclarés constructibles». À cela s’ajoute que la ville développée par ce biais était aussi «plus facile à construire» et conforme aux modes d’organisations propre à l’administration française (19). Enfin, il est admis aujourd’hui que ce principe a «permis aux villes de se doter d’équipements nécessaires à leur développement» et «rendu possible une augmentation très importante du niveau de vie de leurs habitants.»(20).

(d) Une lecture simplificatrice de la Charte d’Athènes à l’origine de son rejet contemporain? «Le logis abrite la famille, fonction constituant à elle seule tout un programme [...]. Mais, en dehors du logis et à proximité, la famille réclame encore la présence d’institutions collectives qui soient de véritables prolongements. Ce sont: centres de ravitaillement, services médicaux, crèches, maternelles, écoles, auxquels on ajoutera les organisations intellectuelles et sportives destinées à fournir aux adolescents l’occasion de travaux ou de jeux propres à combler les aspirations particulières de cet âge et, pour compléter les «équipements santé», les terrains propres à la culture physique et au sport quotidien de chacun.» Le Corbusier dans La Chartes d’Athènes, 1941(21)

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Avant de clore ce chapitre, il convient d’apporter une ultime précision. Si la représentation commune conduit à penser que ce texte ne prescrit autre chose que l’application du principe de «zonage» tel qu’il a été observé en France au cours des années 50 -à savoir une ségrégation totale des fonctions laissant des ensembles résidentiels entiers comme orphelins au milieu de «vides spatiaux et sociaux [...] sans équipements entre les barres» (22), cette dernière ne saurait être comprise comme tout à fait exacte: la Charte préconisant en effet, tout comme Le Corbusier, profusion d’équipements de proximité -ou «prolongement du logis» (23)- autour de ces ensembles résidentiels nouveaux, lesquels ne virent pratiquement pas le jour dans la production frénétique de cette période.

3) Premiers requestionnements de «l’urbanisme Moderniste» et réalisations expérimentales (a) Le constat du dysfonctionnement des grands ensembles monofonctionnels La plurialité des termes désignant ce que nous qualifions dans cette recherche de mixité programmatique («mixité fonctionnelle», «mixité urbaine», «diversité des fonctions», «mixité des usages») émergent dans le discours des acteurs de l’aménagement urbain au tournant des années 60 à mesure que se développe une «critique du zonage»(24) et de l’urbanisme fonctionnaliste(25). Si comme on l’a indiqué plus haut le manque d’équipements au pied des grands ensembles est déjà pointé du doigt, ce sont un «déséquilibre accentué entre l’habitat et l’emploi» dans les quartiers de grands ensembles, et surtout les dangers d’une «spécialisation résidentielle» privant les habitants de ces zones des «attributs communs à l’urbanité»(26) (un terme ambigü sur lequel on reviendra) qui sont alors mis en cause.

b) Les travaux du Team X, ou l’expression d’un premier rejet de l’urbanisme Moderne Tout comme pour la notion d’«espaces intermédiaire» que l’on élucidera plus loin, les travaux du Team X -groupe formé au cours du CIAM IX de 1956 à Dubrovnik- auxquels on attribue une grande part de responsabilité dans le «schisme» du Mouvement Moderne daté en 1959 à l’occasion du dernier Congrès International d’Architecture Moderne (et dont l’organisation fut prise en charge par cette même équipe)- auront profondément contribué à l’émergence de cette considération pour ce que nous nommons «mixité programmatique», notamment en parvenant à mettre un terme à cette acceptation commune du «zonage» comme principe urbanistique incontestable(27). Il semble intéressant d’ajouter ici que c’est au même moment que le regard porté sur la ville ancienne dans sa dimension programmatique change. La petite ville médiévale d’«Urbino», à l’Est de l’Italie, devient ainsi à cette période partie intégrante de l’imaginaire collectif à la faveur des travaux de Giancarlo de Carlo (aussi membre du Team X) (28).

c) Développement au cours des années 60-70 d’opérations expérimentales en région parisienne: mégastructures multifonctionnelles et villes nouvelles «In the 50’s, cities core began to thrive, growing clusters of buildings and flowering bunches of blocks, which contained programmes that were more varied, with strong mixes in use, with ground floors dedicated to work space, parking, storage, community centers and shops» a+t Research Group dans This is Hybrid(29) Ce premier rejet de la dimension monofonctionnelle induite par la prolifération des grands ensembles, s’il ne remet pas en cause l’ampleur des constructions engagées (barres et tours hautes en tête), amène les acteurs de l’aménagement urbain à proposer de nouvelles opérations s’appliquant cette fois à imbriquer des programmes hétérogènes au sein d’une même construction: c’est l’avènement des «mégastructures multifonctionnelles» et de «l’urbanisme sur dalle»(30). 14


Ill.2 - Michel Holley, architecte. «Proposition de zoning vertical: Habiter - Travailler - Circuler».

Ill.3 - Maquette projectuelle du quartier du Pont de Sèvres, 1972. Des tours de bureaux et des barres de logements posées sur un épais socle de parkings en infrastructure constituent cet archétype de «mégastructure multifonctionnelle» des années 70. 15


Ne remettant pas pour autant en cause les distinctions opérées par le principe du «zonage» en terme de fonctions urbaines («habiter, circuler, travailler, se divertir»), ces «hybrides résidentiels» colossaux cherchent à les superposer au sein d’un seule et même macro-bâtiment (à l’image des quartiers du Front de Seine à Paris (commencé en 1967), des Olympiades (initié en 1969) ou encore du quartier du Pont de Sèvres à Boulogne-Billancourt (commencé en 1973)). En parallèle de ces projets, l’État français -toujours «en réaction à la charte d’Athènes et à l’urbanisme fonctionnaliste des années 60»- s’attacha à développer à l’orée des années 70 neuf villes nouvelles (dont cinq en région parisienne, au nombre desquels on compte notamment Marne-La-Vallée) en insistant sur la «nécessaire coexistence» dans ces nouveaux quartiers «des différentes fonctions qui constituent la ville», le tout marqué par l’avénement d’une notion encore assez floue: la mixité «urbaine»(31). Tout un arsenal règlementaire est alors mis en place pour valoriser ce principe nouveau. Ainsi, si le SDAURP (Schéma d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Parisienne, devenu depuis SDRIF, Schéma Directeur de la Région Ile-de-France) conçu par Paul Delouvrier et adopté en 1965 décide de la création de ces villes nouvelles, leur mise en oeuvre est facilitée par l’adoption conjointe de la «LOF (Loi d’Orientation Foncière) de 1967» et la «loi relative à la création des agglomérations nouvelles de 1970» laquelle «préconise l’équilibre par la diversité des fonctions»(32). Ce «mille-feuille règlementaire» en faveur de la «mixité urbaine» qui se met alors progressivement en place ne cesse depuis lors de s’épaissir, à la faveur de nouvelles législations encourageant l’introduction de programmes variés au sein d’opérations résidentielles de différentes échelles. Cet engouement récent pour une notion comme on l’a vu relativement floue -allant même jusqu’à osciller entre mixité sociale et programmatique- va maintenant être questionné à l’orée d’une question simple: la mixité urbaine est-elle devenue aujourd’hui une doctrine de l’aménagement urbain?

4) La «mixité urbaine»: une doctrine contemporaine de l’aménagement urbain? «La ville est un mode qui réunit une variété infinie d’activités économiques, sociales et culturelles, qui coexistent et interagissent. C’est aussi une superposition historique de différents systèmes dont il reste toujours des couches plus ou moins apparentes. Et c’est l’équilibre entre toutes ces activités, parfois contradictoires, qui détermine la qualité de vie.» Michel Huet, dans Les équilibres des fonctions dans la ville: pour une meilleure qualité de vie.(33) Cette injonction au développement d’une forme de mixité programmatique dans le renouvellement des villes -puisant son origine comme on a pu le voir dans une contestation des politiques urbaines issues d’une interprétation de la Charte d’Athènes au crépuscule des Trentes Glorieuses- exprimée par Michel Huet en 1993 devant le Conseil Économique et Social illustre une chose: dans le discours contemporain, ce principe de «mélange des fonctions» ne saurait être évoqué sans qu’on lui associe une dimension sociale («l’équilibre entre toutes ces activités [déterminant] la qualité de vie»). Cet aspect caractéristique de la formule de «mixité urbaine» introduite plus tôt semble à l’origine de l’indéfinition relative de cette notion -entre mixité programmatique et sociale- laquelle n’a pas empêché qu’on lui associe dans l’aménagement urbain contemporain une dimension règlementaire; faisant de ce principe l’équivalent d’une nouvelle doctrine urbaine.

a) La prolifération de textes de loi en faveur de la «mixité urbaine» depuis la fin des années 60 Comme nous l’évoquions plus haut, la période qui s’engage à la fin des Trentes Glorieuses est marquée par la multiplication des textes à valeur règlementaire imposant l’intégration d’une «mixité urbaine» (laquelle induit une forme de mixité programmatique) dans le dessin de quartiers nouveaux comme dans la rénovation des plus anciens (et dépréciés, à l’image des grands ensembles). 16


Ainsi, si la LOF asseoit dès 1967 le principe d’aménagement en ZAC (Zone d’Aménagement Concerté; outil de planification urbaine sur lequel on reviendra), ce dernier ayant permis le développement de nombreuses opérations à programmes mixtes depuis lors (et ce jusqu’à aujourd’hui(34), comme s’attache à le démontrer l’illustration ci-contre, explicitant le cas de huit opérations de ZAC réalisées dans les Hautsde-Seine au cours des quarante dernières années), d’autres textes ne tardent pas, à l’image de la loi de 1970 d’ors et déjà cité, à inciter à leur tour au développement d’une «mixité urbaine». C’est ainsi que la «circulaire Habitat et Vie Sociale du 4 août 1980» porte l’attention sur les «cadres et conditions de vie, d’emploi et de formation dans les grands ensembles»(35), tandis que la «loi du 7 janvier 1983 [...] confirmée et amplifiée par la LOV de 1991, consacre la notion [de mixité urbaine]» (36) . La loi sur la Solidarité et le Renouvellement Urbain (2000) fait à son tour de la mixité urbaine «son point central» (37) en suggérant que ce principe aboutisse «à la multi-fonctionnalité des espaces, et non plus à leur juxtaposition»(38). Ce sont ces textes successifs qui donnent à la notion de mixité urbaine -et programmatique notamment (les deux ne devant pas être confondues, comme on s’attachera à le préciser)une nouvelle dimension règlementaire en France jusqu’à la rendre pratiquement indiscutable(39), bien que mal définie.

ZAC du Pont de Sèvres, Boulogne-Billancourt (1971)

ZAC Rodin-Plateau-Égalité, Issy-Les-Moulineaux (1972)

ZAC du Parc, Boulogne-Billancourt (1987)

ZAC Multisite Mairie d’Issy, Issy-Les-Moulineaux (1996)

ZAC Centre-Ville, Boulogne-Billancourt (1998)

ZAC Seguin-Rives de Seine, Boulogne-Billancourt (2003)

ZAC des Bergères, Puteaux (2004)

ZAC du Pont d’Issy, Issy-Les-Moulineaux (2008)

Ill.4 - 8 opérations en ZAC dans les Hauts-de-Seine, initiées entre 1971 et 2008. Toutes s’attachent à combiner différents programmes à des ensembles résidentiels (à chaque couleur est associé un programme différent). 17


Dans les années 90, cette dynamique en faveur de la mixité programmatique et sociale devient européeenne; avec l’adoption au Danemark de la Charte d’Aalborg (27 mai 1994), perçue par certains comme une «Anti-Charte d’Athènes» en ce qu’elle «prône une densité et une mixité des fonctions urbaines» (41). La Charte d’Aalborg+10 (juin 2004) suggérant d’«assurer une utilisation mixte des constructions et des zones aménagées, et un bon équilibre entre emplois, logements et services» ainsi que les accords de Bristol (décembre 2005) encourageant à l’élaboration de «quartiers durables [offrant] la possibilité du développement d’une mixité des usages»(42) suivirent, marquant l’avènement de la «mixité urbaine» à l’échelle du continent. Ces politiques urbaines successives en faveur de cette forme ambyvalente de mixité ont marqué nombre d’opérations d’aménagement hexagonales (comme le montre l’illustration précédente) jusqu’aux plus récentes, à l’image de celles que l’on nomme aujourd’hui «écoquartiers»(43), projets pour lesquels le respect d’une forme de «mixité urbaine» serait en mesure de produire des «quartiers durables»(44). Ainsi, ces derniers suggèrent-ils «d’établir un espace multifonctions, réunissant évidemment du logement, mais aussi des entreprises diverses, des services à la personnes et commerces de proximité [...], des équipements publics et de loisirs, ainsi que de nombreux espaces végétalisés et/ou à usage agricole»(45). Il convient sans doute de préciser ici que cette multiplication de textes règlementaires visant à promouvoir ce principe de «mixité urbaine» s’applique également au domaine de la rénovation urbaine en île-de-France, comme le démontre l’implication de l’ANRU (Agence Nationale de Rénovation Urbaine) de cette région en terme de développement d’une «mixité urbaine». L’idée est d’apporter des réponses aux «dysfonctionnements sociaux et urbains constatés»(46) dans les quartiers monofonctionnels (principalement résidentiels), afin de «réduire les inégalités territoriales [par l’insertion] de nouvelles fonctions (équipements, services ou commerces) [ou la rénovation de] certains lieux existants»(47). Cet engouement exprimé par l’ANRU pour la mixité urbainenotamment exprime une fois encore un rejet des «logiques de zonage fonctionnel» imputées à l’application des principes de la Charte d’Athènes(48). L’adoption d’une telle quantité de textes règlementaires s’appuyant sur un principe aussi ambigü que la «mixité urbaine» pose une question: ce dernier est-il suffisamment défini pour constituer une base sur laquelle rédiger de telles loies urbanistiques? Ou bien renvoit-il indistinctement à plusieurs notions abordées de concert par les différents acteurs de l’aménagement urbain bien que fondamentalement opposées?

b) La «mixité urbaine»: mixité sociale ou programmatique? Comme nous l’indiquions plus haut, la «mixité urbaine» telle que définie par les nombreux textes de lois l’évoquant peut renvoyer indistinctement à deux notions: celle de «mixité programmatique» à laquelle est consacrée une grande part de cette recherche, et celle de «mixité sociale», qui bien qu’elle ne soit pas notre sujet semble le plus souvent traitée de concert avec notre notion par nombre de textes règlementaires adoptés au cours des dernières décennies. Ainsi, si la loi LOV de 1991 «consacre la notion» de mixité urbaine en l’associant à celle de mixité programmatique (cette première n’ayant «pas encore pris le sens de mixité sociale qu’elle a de nos jours»)(49), la loi SRU de 2000 faisant mention «à trois reprises» de la notion de mixité urbaine(50) fixe quant à elle par ce principe ««la diversité des fonctions urbaines et la mixité sociale dans l’habitat urbain [et rural]» comme objectif des politiques urbaines à prendre en compte dans tous les documents d’urbanisme»(51). De même, la valorisation d’une mixité urbaine par les projets d’Écoquartiers (comme on a pu le voir) tend à «promouvoir des quartiers durables caractérisés» entre autres par «une mixité sociale et fonctionnelle»(52). 18


L’indéfinition relative qui entoure ce terme particulièrement flou -évoquant une mixité tantôt programmatique, tantôt sociale, et parfois les deux simultanément- semble pour autant ne pas avoir empêché ce dernier d’être pris comme base pour les textes de lois successifs ayant contribué à façonné notre paysage contemporain. Cela incite à se poser la question suivante: la «mixité urbaine», portée aux nues jusque dans les textes de lois depuis plus de quarante ans sans n’avoir souffert de requestionnement majeur, pourrait-elle être perçue comme une doctrine contemporaine de la ville?

c) La «mixité urbaine»: une doctrine contemporaine de la ville? Ainsi, il semblerait que le rejet de l’urbanisme fonctionnaliste basé sur une lecture simpliste de la Charte d’Athènes ait contribué à la «redécouverte de la mixité» dans les années 80. «Aujourd’hui, le principe a été tellement acté que la question ne se pose plus», souligne Véronique Biau (directrice du centre de recherche sur l’habitat)(53). La «mixité urbaine» comme indissociation des deux notions qui lui sont afférentes semble ainsi profiter de l’engouement suscité indépendemment par celles-ci. Car si la «mixité sociale» représente pour beaucoup l’une des «multiples tendances récentes de la pensée urbanistiques», en tant que «crédo majeur dans le discours urbain»(54) en France depuis l’après-guerre (celle-ci permettant de «se raccrocher à un ordre social et spatial perdu»(55), aux dires de D.Béhar), la «mixité programmatique» -notion indissociable de cette recherche et autre composante de cette «mixité urbaine» communément perçue- n’est pas en reste pour autant. Comme l’indique Catherine Sabbah dans la revue Archicree, «en quelques années, la doxe urbaine s’est inversée, avec les abus que suppose tout changement brutal de direction». À la conception Moderniste de ségrégation des fonctions en ville s’est donc substitué un désir de rapprochement des programmes, «jusqu’à l’emboîtement à l’échelle d’un même immeuble parfois, de toutes les fonctions de la ville»(56). Dans la même revue, celle-ci avance par ailleurs l’hypothèse suivante: «Pourquoi la mixité [programmatique] serait-elle la solution? Pourquoi devient-elle une doxa urbaine et une idéologie politique? Parce qu’elle répond à bien des questions financières, écologiques, sociales et que la technique, comme l’intendance, peut suivre.»(57) Comme nous allons maintenant nous attacher à le démontrer, nombres d’élus et de «concepteurs» (architectes et urbanistes) en charge de l’aménagement urbain partagent aujourd’hui ce point de vue. Percevant le recours à la mixité programmatique comme une «évidence»(58) (à l’image des dix équipes d’architectes mobilisés pour la consultation du «Grand pari de l’agglomération parisienne», ayant chacune intégré ce principe à leur proposition (59)), ceux-ci se font actuellement les plus ardents défenseurs de cette notion. Ainsi, nous allons maintenant nous attacher à interroger les différents arguments avancés par ces derniers, afin de mieux comprendre les représentations contemporaines à l’oeuvre au sein de ces champs professionnels ayant tendance à valoriser le recours à ce principe de «mixité programmatique».

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2. La valorisation actuelle de cette notion par les «concepteurs» et élus en charge de l’aménagement urbain L’ensemble des recherches menées dans le cadre de l’élaboration de ce mémoire m’ont permis d’identifier deux catégories d’acteurs relativement bien définies ayant tendance à valoriser -dans les discours et dans les actes- le recours à une forme de mixité programmatique: ceux que nous nommons les «concepteurs» (comprendre, les architectes et urbanistes en charge de développer les projets considérés à différentes échelles) et les élus ou membres d’une instance politique, la plus souvent municipale. Si l’engouement pour cette notion ne saurait évidemment être associé à l’ensemble des professionnels composant ces deux catégories d’acteurs (comme nous aurons l’occasion de le démontrer dans un second temps), il semble pour autant raisonnable d’avancer que les arguments présentés ci-après -développés par les plus vindicatifs des représentants de ces deux champs professionnels- se font l’expression d’un discours contemporain général tendantiel chez ces derniers et s’employant à encenser la mixité programmatique.

1) Encensement contemporain de la mixité programmatique «Nous sommes nous-mêmes convaincus que la question de la mixité morphologique et fonctionnelle en lien avec celle de la mixité sociale constitue un élément essentiel de la réussite d’un projet urbain à dominante résidentielle» C.Devillers(1)

(a) Une réponse aux questions urbaines d’aujourd’hui Les premiers arguments les plus couramment avancés pour démontrer la qualité inhérente de l’intégration d’une dose de mixité programmatique dans un projet d’architecture ou d’urbanisme tendent à faire de ce principe une résolution possible des problèmes posés par la ville contemporaine(2). Sont mises en avant trois qualités supposées: sociale, économique et environnementale. Ainsi, le premier avantage de la mixité programmatique serait son aspect social, comme le laisse penser la déclaration suivante de M.Devisgne et F.Grether: «un quartier réalisé dans une démarche de développement durable est un quartier qui offre à ses habitants la possibilité de bénéficier des services de proximité: pour limiter les déplacements et créer une vie de quartier riche de profils variés (habitants, travailleurs, promeneurs...)»(3). Ainsi, l’implantation dans un quartier d’une forme de mixité programmatique pourrait selon eux avoir pour effet de produire un «brassage des populations» participant de fait à l’intégration d’une forme de «mixité sociale» dans ce dernier, peut-être moins directive que celle déjà tant sujette à polémique. En outre, l’introduction de nouveaux programmes (salles de sport, cinémas, bibliothèques...) au sein de quartiers uniquement résidentiels- permettrait de «résoudre l’exclusion sociale» causée par leur développement(4) en rendant ces derniers attractifs pour ceux qui n’y vivent pas (et qui «viendront de temps en temps alors qu’ils n’ont pas à le faire», selon Alain Bourdin, sociologue-urbaniste(5)). Le second argument le plus fréquemment employé concerne l’avantage économique de telles réalisations. Celui-ci pourrait être tiré de plusieurs aspects: d’abord, par la rentabilisation immédiate d’un sol, sur lequel on ne se limiterait plus à implanter une fonction prédéfinie mais que l’on viendrait «saturer» de programmes pensés spécifiquement pour sa configuration particulière (une situation favorisée selon J.Frenton par la montée en flèche du prix du foncier(6), ainsi que par sa rareté(7)). 20


C’est d’une certaine manière ce à que suggère Y.Tsukamoto (architecte), lorsqu’il déplore l’absence de possibilité de «penser un lieu unique dans sa totalité» dans le cas d’une opération monofonctionnelle(8). Ensuite, ce principe de «mixité programmatique» pourrait générer une certaine activité économique(9) dans quelques secteurs dévalorisés, par exemple par l’implantation «de petites entités tertiaires qui correspondent à une vraie demande [...] proches des gares notamment» aux dires de l’architecte-urbaniste N.Michelin(10). Enfin, ce genre d’opérations semble à leurs yeux présenter l’intérêt de développer une réelle flexibilité d’implantation de programmes variés que ne permet pas par exemple «la linéarité hausmannienne»(11), aux dires de Gilles de Montmarin (directeur délégué de la SEMAPA, aménageur de la ZAC Paris Rive-Gauche dont le maire du XIIIe arrondissement est le président). Cette souplesse permise par la mixité programmatique permettrait notamment d’inciter des investisseurs à s’associer à ce genre de projet aux dires de C.Moley (architecte et docteur en anthropologie urbaine)(12), ce qui asseoirait d’une certaine manière la qualité économique présentée par un tel principe. Le troisième argument avancé par ces deux catégories d’acteurs -et pas des moindres- insiste sur l’intérêt environnemental que représenterait le recours à cette mixité programmatique dans l’aménagement urbain. «Tout faire au même endroit, pour consommer moins de ressources, qu’il s’agisse d’énergie ou d’espaces naturels, semble aujourd’hui le mode de vie le plus économe et le plus agréable. Pourquoi toutes les villes n’ont-elles pas été conçues sur ce modèle «évident»?»(13) Par ces mots exprimés dans la revue ArchiCree, Catherine Sabbah résume bien les deux dimensions «écologiques» que sait revêtir -aux yeux des «concepteurs» et instance politique- la notion afférente à notre recherche. La première concernerait les potentielles économies liées à la mutualisation «des dépenses énergétiques» (que permettrait, selon N.Michelin, le «mélange des fonctions»(14)) Ainsi la mixité programmatique permettrait le «partage des moyens» (l’énergie récupérée dans les bureaux -telle que la chaleur dégagée par les ordinateurs (15)- pouvant servir à chauffer des logements, dans le cas d’une mixité habitat/activité tertiaire(16)). Cette «vertu» de la mixité programmatique induite par une nouveau regard porté sur la densité (on y reviendra) est aussi admise par nombre d’élus, à l’image de F.Giboudeaux (élue écologiste du XXe arrondissement en charge de l’urbanisme (17)). La seconde verrait dans la mixité programmatique l’outil requis pour le développement d’une «ville des courtes distances» faite de «quartiers compacts et mixte», proposée par le Ministère de l’Écologie et du développement durable comme une «alternative à l’étalement urbain et fonctionnel et un remède à ses effets secondaires désastreux»(18). Comme nous l’avons vu plus haut avec l’injonction de M.Devisgne et F.Grether, c’est ici l’idéalisation de quartiers durables limitant les déplacements par l’introduction de «services de proximité»(cf.3) qui est en jeu, avec en ligne de mire la volonté défendue de longue date par les écologistes de réduire la place démesurée prise par la voiture en ville au cours des dernières décennies. Comme l’indique F.Miallet (architecte) dans un article du PUCA, cette «lutte contre l’étalement urbain» porte elle aussi en germe une «revalorisation de la densité»(19) accompagnée d’un désir de ce que d’aucun nomme «l’intensité urbaine»; un aspect sur lequel nous allons maintenant nous attarder.

(b) Désir d’«intensité urbaine» et revalorisation de la «ville dense» «Je suis assis dans mon appartement de Manhattan, occupé à dessiner, lorsque le téléphone sonne. C’est Vishaan. «J’ai quelque chose à te montrer me dit-il, allons prendre un café». Il me faut un quart d’heure pour prendre l’ascenseur et me diriger vers Madison Avenue, à quelques patés de maison. Nous avons rendez-vous à Sant-Ambroesus, l’endroit parfait où retrouver des amis. Vishaan est déjà là. Il a déposé son fils à l’école puis pris le métro depuis Union Square où il habite. [...] Maintenant, imaginez que cette scène se déroule à Los Angeles ou à Détroit. Nous aurions tout deux sauté dans nos voitures, direction l’autoroute. L’un d’entre nous aurait forcément été coincé dans des bouchons, notre trajet de 15 minutes aurait pris une heure, plus l’énervement.» N.Foster(20) 21


Cet encensement par Norman Foster du rapprochement des fonctions en ville est avant tout l’expression d’une dynamique contemporaine, qui consiste à voir dans le recours à la mixité programmatique le potentiel d’un développement de «villes vivantes». C’est ainsi que le terme d’«intensité urbaine» (désignant des opérations d’aménagement ou de rénovation de quartiers voulus attractifs par l’introduction d’opérations mixtes) se répand progressivement dans les discours d’instances politiques en charge de l’aménagement urbain, à l’image du maire de Groningen (Pays-Bas)(21). On perçoit ainsi le recours à cette forme de mixité comme un moyen efficace de vitaliser des quartiers mono-fonctionnels (un constat partagé par les architectes N.Michelin, qui y voit le moyen d’éviter la «désertification nocturne des immeubles tertiaires»(22), et J.Frenton, lequel théorise la «revitalisation des coeurs de villes» américaines par la réintroduction d’activitiés(23) et voyant dans les opérations à mixité programmatique un potentiel non négligeable de «bâtiment fonctionnant à plein temps»(24)). Cette idée que la mixité programmatique peut contribuer dans une certaine mesure à «insuffler dans la ville de l’animation et de l’activité»(25) exprime une autre dynamique: celle d’une revalorisation de la notion de «densité urbaine», issue comme nous le verrons plus tard d’un rejet de l’urbanisme fonctionnaliste. Ainsi, si comme nous l’avons vu cette notion semble particulièrement dévaluée dans les discours liés à l’urbanisme de la fin du XIXe siècle jusqu’à celui plus récent inspiré de la Charte d’Athènes, il semblerait que depuis les années 90 s’opère une requalification de cette dernière, aujourd’hui «positivement perçue» dans la politique urbaine, en ce qu’elle permettrait «d’améliorer le cadre et la qualité de vie»(26), associée à une idée de développement durable (la lutte contre l’étalement urbain permettant notamment -comme on l’a vu- de réduire l’importance de la voiture en ville). On retrouve cette même dynamique dans le discours de F.Giboudeaux, lorsque celle-ci affirme qu’«il faut travailler dans une ville dense sur la mutlifonctionnalité», les villes de demain étant «amenées à être de plus en plus dense»(27). Comme nous l’évoquions plus haut, ce renversement du regard porté sur la notion de «densité» associée à celle de mixité programmatique ayant pour objet l’émergence d’une «ville intense» s’oppose d’une certaine manière à la vision Moderne faisant loi au lendemain de la seconde guerre mondiale. En réalité, il semblerait que l’engouement contemporain pour cette notion de mixité programmatique s’inscrive dans un discours plus large et critique: celui d’un rejet profond des principes urbanistiques modernistes.

(c) Le rejet de l’urbanisme Moderne Ce constat semble s’avérer assez fondamental dans le cadre de cette recherche. En effet, la ville issue des préceptes urbains Modernistes ayant «montré ses limites» (un point de vue largement partagé tendrait par ailleurs à lui imputer toutes les misères de la ville contemporaine: de la ségrégation spatiale -«et donc sociale»- à l’étalement urbain...(28)), on observe aujourd’hui l’expression d’un désir de retour à une forme de mixité programmatique que les quatre fonctions urbaines issues de la Chartes d’Athènes -le travail, l’habitat, la circulation, les loisirsauraient contribué à faire disparaître du champs de la production architecturale et urbaine de la seconde moitié du XXe siècle. En cela, il est intéressant de rappeler que d’aucuns voient en la Charte d’Aalborg signée le 27 mai 1994 l’équivalent d’une anti-Chartes d’Athènes(29). Cette évolution perçue par N.Seraji comme une «volonté de sortir de la monofonctionnalité si chère des années 60»(30) contribuerait ainsi à encourager l’introduction d’une dose de mixité programmatique au sein même des immeubles d’habitations. 22


Pour M.Conus (étudiante en architecture à l’EPFL), ces villes inspirées des principes modernistes sont inaptes à «créer un environnement agréable à vivre» (31) et c’est bien par la «mise en pratique de la mixité» qu’on s’attend à «régler les différents problèmes de zoning, ségrégation et exclusion sociale apparus par la séparation des fonctions dans la ville». Les nombreuses politiques en faveur de la mixité programmatique -marquées comme on l’a vu par l’adoption de multiples textes de lois- engagées depuis plusieurs décennies seraient pour ainsi dire l’expression simple du «rejet dans les années 70» de «l’urbanisme fonctionnaliste (ou de «zoning») des années 1950-60(32). À ce rejet des conceptions urbaines des Modernistes -que P.Gontier compare de son côté au Taylorisme industriel(33)s’associe le plus souvent une valorisation de réalisations architecturales -voir de conception urbanistiques- que l’on qualifiera de pré-Modernes, si ce n’est pré-industrielles: la revue AMC valorisant dès lors les formes urbaines héritées du Moyen-Age(34)), le Research group de la revue a+t la ville médiévale d’Urbino(35) et l’étudiante M.Conus l’immeuble de rapport haussmannien et le Familistère de Guise(36). Dans ce registre de dévaluation d’un modèle (moderniste) accompagné de la survalorisation d’un autre (l’ensemble résidentiel à programme mixte «vernaculaire» exprimant une «nostalgie de la ville ancienne»(37)), une citation fait date, exprimant mieux que toute autre le discours ambiant d’une grande partie des concepteurs de la ville (architectes et urbanistes) tenu envers leurs ainés: «Avant les CIAM, les villes historiques conjuguaient harmonieusement logements, théatres, cafés et bureaux sur une simple parcelle; mais cette vitalité désordonnée a bien failli être détruite [...] Avec cette infamante intelligentsia architecturale, il n’était pas facile de lutter contre le virus de la ségrégation fonctionnelle propagé par la Charte d’Athènes» groupe de Recherche a+t dans la revue «This is Hybrid» (38) (Traduit de l’anglais) Dans un registre moins offensif, on relèvera également la position de N.Michelin décrivant la manière dont son agence aborde la question de la mixité programmatique «en réaction au mouvement moderne»: «La mixité fonctionnelle et programmatique, permettant de réunir dans un même édifice commerces, bureaux et logements, est l’essence même de la ville européenne.»(39) «Mixité: l’attitude générale consiste [...] à rechercher dans les nouvelles constructions une mixité de programmes, gage d’urbanité, en réaction à la séparation des fonctions -habiter, travailler, se divertir- issue du mouvement moderne.»(40)

(d) Un potentiel d’invention illimité valorisé par les «concepteurs» de la ville? De fait, architectes et urbanistes semblent aujourd’hui se montrer de plus en plus enclins à valoriser ce type d’opérations résidentielles à programme mixte, lesquels représentent pour eux une fantastique source d’invention et de «création» architecturale et urbaine. Cette survalorisation d’un principe de composition semble ainsi pousser certains concepteurs à présenter dans cette notion un impact sans doute un peu démesuré, forçant pour ainsi dire ce discours que nous élucidions plus tôt mettant en avant la présentation de ce principe comme «réponse aux questions urbaines d’aujourd’hui». Il est en effet assez rare de relever des retenues de la part des concepteurs à l’encontre de la mixité programmatique.

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Si certains expriment aujourd’hui leurs doûtes, à la manière de J.Lucan ou de S.Maupin (auxquels on reviendra plus tard), il est raisonnable d’affirmer qu’une grande majorité de la profession semble aujourd’hui appeler de ses voeux l’introduction d’une part de mixité programmatique dans le développement d’opérations résidentielles (à l’image de l’acte de foi de C. Devillers cité plus haut, «convaincus que la question de la mixité fonctionnelle [...] constitue un élément essentiel de la réussite d’un projet urbain à dominante résidentielle»(cf.1) et de N.Michelin, déclarant non sens emphase que «réussir l’urbanisme, c’est d’abord programmer la mixité» (41)) Je vais donc m’attacher ici à présenter deux hypothèses visant à expliciter ce plébiscite frôlant l’hégémonie: D’abord, la première serait de supposer que ces opérations soient perçues par une grande part de la profession comme profondément modernes et conformes aux problématiques du temps présents, à la manière de S.Holl qui les qualifie de «fruits de la modernité»; modernes, car s’étant «développées le plus rapidement au cours du XXe siècle»(42), modernes car permises uniquement par l’apport des dernières technologies (l’ascenseur, etc...)(43) et modernes surtout en ce qu’elles permettent de développer des solutions nouvelles, présentées comme particulièrement adaptées aux problèmes posés par le monde contemporain. Ainsi, au-delà des avantages sociaux, économiques et écologiques évoqués plus haut (en grande partie avancés par des architectes et urbanistes, il faut le rappeler), la mixité programmatique semble aux dires des «concepteurs» pouvoir régler un nombre significatif de situations: de la plus anodine (répondre à l’évolution des modes de travail en introduisant de «petites entités de bureaux» dans des immeubles mixtes habitat/activités tertiaires, comme plébiscité par l’architecte-ingénieur P.Lefebvre(44)), aux plus spectaculaires (au-delà de nos frontières, S.Holl y voit le potentiel d’une réponse adapté à l’exode rurale colossale vécue par la Chine(45)). Ces qualités phénoménales que l’on prête à la mixité programmatique en terme de résolution de problèmes contemporains paraissant quelque peu exagérérées, il conviendrait de s’interroger plus sérieusement sur les autres raisons qui pourraient mener à ce plébiscite observé au sein de la profession architecturale envers cette notion. Mais d’abord, il s’agit de clarifier une notion d’ors et déjà évoquée dans la partie «Terminologie» et introduite par S.Holl pour qualifier ces «fruits de la modernité», : celle d’«hybride» architectural. Le premier à avoir proposé de théoriser cette notion issue de la biologie en l’associant au domaine de l’architecture pour décrire une opération à programme mixte est J.Frenton en 1985: ce dernier considérant que «tout comme les plantes ou les animaux», l’architecture pouvait aussi opérer des «croisements» à la faveur de l’imbrication de différents programmes au sein d’une même opération(46). Reprenant cette notion avancée près de trente ans plus tôt et l’adaptant pour théoriser une catégorie bien particulière d’«hybride» en lien direct avec cette recherche, le research group de la revue a+t méthaphorise dès lors par la notion d’«hybride résidentiel» ce que nous qualifions jusqu’ici d’ensemble résidentiel à programme mixte. Bien loin de ne constituer qu’un simple potentiel de résolution de problèmes contemporains, ce groupe de recherche voit dans «l’hybride résidentiel» (si ce n’est dans l’hybride architectural) un potentiel de création inépuisable, évoquant à leurs yeux la «mort des typologies» connues (47)(48)(49). Ainsi avancerai-je une seconde hypothèse qui à mes yeux pourrait justifier la valorisation sans équivoque des «hybrides résidentiels» par la profession architecturale que l’on observe aujourd’hui: c’est avant tout l’occasion pour tout concepteur, avec ce genre de projets et au vu des combinaisons infinies de programmes potentiels qu’ils présupposent(50), de faire face à des contraintes inhabituelles sollicitant très directement sa capacité d’invention(51) et rejetant par principe toute réponse «générique», forcément inadaptée dans ce cadre d’opérations profondément contextuelles. Il y a trente ans, J.Frenton qualifiait en cela les «bâtiments hybrides» de «triomphe de l’ingéniosité et de l’audace»(52); un constat partagé aujourd’hui par N.Michelin(53) et G.de Montmarin(54). 24


Ainsi donc cette apologie de la notion de «mixité programmatique» par une grande majorité des «concepteurs» et instances politiques en charge de l’aménagement urbain que nous évoquions en introduction de cette partie semble-t-elle devoir être précisée: la valorisation de cette notion par le champs professionnel regroupant architectes et urbanistes semblant somme toute la plus forte et pouvant -aux vues des dernières hypothèses avancées- être quelque peu conditionnée par d’autres considérations que le seul intérêt général mobilisant les élus. Car si la «mixité programmatique» en temps que principe général semble promue largement par de nombreux représentants de ces deux catégories d’acteurs, il n’est pas moins vrai que certains de ses aspects n’y font aujourd’hui pas l’unanimité, comme nous allons maintenant le démontrer. [NB: il ne sera pas question encore dans cette partie de la critique générale de cette notion exprimée par une autre catégorie professionnelle: celle des «réalisateurs» de l’aménagement urbain, entendre les promoteurs et bailleurs sociaux; laquelle sera longuement abordée dans une partie ultérieure.] 2) Un plébiscite? Apports divergents: les critiques exprimées à l’égard de cette notion par certains «concepteurs» et élus (a) «Mixité programmatique» ou «mixité fonctionnelle» «Man, he was an architect. I got a set of plans and specifications at home for what he called a communal building... Seventy-five stories high stepped back in terraces with a sort of hanging garden on every floor, hotels, theaters, Turkish baths, swimming pools, department stores, heating plant, refrigeration and market space all in the same building.» «Did he eat coke?» John Dos Passos, Manhattan Transfer. (55) Quel degré d’imbrication pour les différents programmes développés dans un «hybride résidentiel»? Il s’agit ici d’un premier aspect marquant une dissonance dans le soutien général envers cette notion perçu dans le discours de nombreux «concepteurs» et élus. Avant de se pencher sur cette question, il convient de distinguer deux notions auxquelles notre définition de «mixité programmatique» telle qu’employée jusqu’ici peut renvoyer. Ainsi, si notre définition de cette notion n’implique pas a priori de degré d’imbrication particulier des programmes, certains termes peuvent parfois induire cet aspect (une tentative relativement hasardeuse et imprécise qu’on a préféré éviter de reproduire dans cette recherche). Il y aurait ainsi une «mixité fonctionnelle» renvoyant à l’imbrication au sein d’un même bâtiment de différents programmes et une «mixité programmatique» renvoyant quant à elle à l’implantation de programmes variés en plots isolés au sein d’un même îlot (ou d’une même parcelle) Ainsi, l’extrait du film Manhattan Transfer cité par J.Frenton (dans son article de 1985 Hybrid buildings) montre bien l’engouement majeur porté par une grande part de la profession architecturale pour cette «mixité fonctionnelle» à l’immeuble, ce que confirme J.Lucan lorsqu’il évoque le «fantasme contemporain de l’immeuble à trois programmes, commerces-bureaux-logements»(56).

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Ill.5 - «Mixité programmatique»:Réunir dans un même ensemble (îlot/parcelle) des programmes circonscrits dans des constructions autonomes.

Ill.6 - «Mixité fonctionnelle»: Imbriquer dans une même construction des programmes différents.

Pour autant, si comme on a pu le voir une majorité d’élus reconnaissent de nombreuses qualités dans la mixité programmatique au quartier voir à l’îlot ou à la parcelle, ils sont bien moins nombreux à valoriser l’imbrication des fonctions à l’échelle de l’immeuble; considérant qu’«il n’est pas fondamental d’imbriquer ces programmes dans une même opération»(57). Ainsi donc, le PUCA (Plan Urbanisme Construction et Architecture, centre de recherche missionné par des instances ministérielles) regrette que cette «injonction à la mixité fonctionnelle se présente comme une évidence par les urbanistes «sans que [ne] soient développées des arguments [quant à] l’échelle spatiale de la proximité géographique de ces fonctions diversifiées et les conditions de cette proximité spatiale»(58). D’une manière assez intéressante, il semblerait que les quelques élus s’exprimant en faveur de la «mixité fonctionnelle» au bâtiment se situent plutôt à gauche de l’échiquier politique; à l’image de F.Giboudeaux, écologiste (valorisant au cour d’un entretien le recours dans le XXe arrondissement à ce genre de mixité dans les opérations récentes, en opposition avec celles de l’administration précédente -de droite- ayant plutôt décidé d’avoir recours à une «mixité programmatique» au quartier(59)) ou encore A.Hidalgo, actuelle maire de Paris (PS)(60). Pour autant, comme l’indiquent M.Guarnay et D.Albrecht dans leur ouvrage La ville en Négociation, cette mixité «malgré un discours idéologique bruyamment favorable, se limite souvent à juxtaposer des immeubles de bureaux, de logements et des centres commerciaux dans des opérations d’aménagement» et «les immeubles réellement mixtes [...] y sont beaucoup moins fréquents» (61). Et si l’on en croit F.Miallet (architecte), plus le degré d’imbrication entre les différents programmes est important, «plus la volonté politique doit être forte pour l’obtenir»(62). La relative rareté dans le paysage français de ce genre de réalisation est donc bien la preuve que l’instance politique -dans sa grande hétérogénéïté- ne valorise pas toujours ce recours à la «mixité fonctionnelle» au bâtiment, loin s’en faut. 26


Ce rejet de la «mixité fonctionnelle» potentielle source de «retard et de surcoût»(63), est cependant bien plus présent chez une autre catégorie d’acteurs: ceux que nous nommons les «réalisateurs» de l’aménagement urbain, avec en tête promoteurs privés et bailleurs sociaux. Nous y reviendrons, après avoir avoir explicité les autres critiques émises par les «concepteurs» et élus envers la mixité programmatique. [NB: Cette distinction entre «mixité fonctionnelle» et «mixité programmatique» ne sera pas abordé en ces termes dans la suite de cette recherche. Sauf précision., on parlera simplement de mixité programmatique, sans induire aucun degré d’imbrication des programmes.]

(b) Un manque de «retour sur expérience» dommageable? Depuis quelques années commencent à émerger quelques interrogations quant à cette acceptation quasi-univoque de la mixité programmatique, sans que n’ait été mené de retour-critique sérieux sur la production d’«hybrides résidentiels» en France au cours des dernières décennies. Ainsi, par la voix du PUCA, quelques instances ministérielles commencent à s’interroger sur «l’efficacité réelle de la mixité fonctionnelle pour favoriser la mixité sociale», laquelle ne serait «pas plus démontrée que ne l’est la réduction des déplacements habitat/emploi ou habitation/commerce» pourtant invoquée pour justifier l’intérêt environnementale de cette notion(64). Ce constat est partagé par S.Lorefice (étudiante en architecture à l’ENSAPLV), lorsque celle-ci déplore que «rien ne prouve que le discours positif et ambitieux prôné dans la théorie fonctionne en pratique»(65), les acteurs valorisant cette mixité ne prenant pas la peine d’expérimenter suffisamment avant d’inciter à la production d’ensembles résidentiels à programme mixte. «En France, la promotion par l’État d’une politique de mixité fonctionnelle ne s’accompagne ni d’un travail de définition, ni de la construction d’indices qui permettraient aux collectivités territoriales de se fixer des objectis précis à atteindre» pourrait conclure l’IAU (Institut d’Architecture et d’Urbanisme)(66). De même, une mixité poussant à intégrer dans un même ensemble résidentiel des programmes qui ne lui sont pas nécessairement compatibles semble valorisée par nombre d’élus sans enquête préalable. Un tort que la revue ArchiCree résume par la question suivante: «Vous qui vivez au-dessus d’un bar ou d’une boîte de nuit, avez-vous porté plainte ou envisagez-vous de le faire?»(67).

(c) Des limites de la «mixité programmatique» Enfin, il semblerait que l’un des aspects exposant le plus cette notion à la critique serait les limites que l’on prête à la production contemporaine d’ensembles résidentielles à programme mixte; des limites imputées d’une part au flou chronique de la notion de mixité programmatique dont on peine à saisir l’enjeu et les effets (comme nous l’avons déjà évoqué) et d’autres part aux réalisations mêmes d’«hybrides résidentiels» jugées par beaucoup décevantes. Ainsi reproche-t-on d’abord à la notion de mixité programmatique sa trop grande imprécision. Oscillant selon les textes et les discours entre «mixité fonctionnelle, programmatique et urbaine», elle est susceptible de renvoyer à toute échelle d’imbrication quant elle n’évoque pas directement la mixité sociale, dont elle est supposée se dissocier tout à fait. C ’est ainsi que le PUCA exhorte ses équipes de recherche à un «exercice d’explicitation de la notion» en donnant la «priorité à l’analyse de ce qui la justifie»(68). L’enjeu est ainsi pour cet organe de recherche de redonner une légitimité et un sens à ce «thème très galvaudé, mais mobilisateur au PUCA»(69), aux dires de F.Miallet. 27


C’est en grande partie à cette imprécision qu’est associé le manque d’enthousiasme relevé chez certains à l’égard des réalisations contemporaines d’«hybrides résidentiels» en France. Ainsi, beaucoup voient dans les opérations hexagonales des tentatives bien timides en comparaison des «immeubles réellement mixtes contenant à la fois des commerces, des bureaux et des logements» beaucoup plus fréquents dans d’autre pays (Angleterre, Japon...)(70); ce qui amène J.Lucan à déclarer que «la superposition à laquelle on pense, à savoir commerces, bureaux, logements, on ne la voit nulle part. Le fantasme de l’immeuble avec trois programmes réalisé par un seul maître d’ouvrage, propriétaire et gestionnaire, n’existe pas en France, et reste très rare à l’étranger»(71). Enfin, est à mettre au compte de ces apports divergents une position relativement rare au sein de la profession architecturale, et qui trouve par la voix de l’architecte Stephane Maupin un avocat inattendu: la valorisation de la mono-fonctionnalité. «Le mille-feuille a-t-il du goût? Certainement ! Mais le plaisir de l’Ispahan est bouleversant... La mixité programmatique est un thème à la mode, comme le couple «stratification/accumulation» l’était pendant les dix dernières années. Le mélange des étages d’habitations, bureaux, restaurants, etc. serait ce truc pour faire monter la sauce durable? Bof... Multicouches et multi-machins ne me paraissent pas porter les germes de la grande révolution durable. Je ne me lasse pas de Brasilia, où cette ville est pensée comme l’anti-mixité. Chaque type d’activité est circonscrite à un quartier, sans mixité aucune, et encore moins d’interfaces pour les relier.»(72) Il est particulièrement intéressant de relever que derrière ce discours pointe une même volonté de légitimer une prise de position par le recours à des «modèles vernaculaires»; la référence citée étant ici Brasilia, une réalisation profondément Moderniste en tant qu’application stricte des principes de la Chartes d’Athènes (que les partisans de la mixité programmatique n’ont eu de cesse de dévaluer, comme on a pu le constater en amont). L’attrait contemporain pour la mixité fonctionnelle (à l’échelle du bâtiment) ne serait donc à ses yeux qu’un «effet de mode», ne s’inscrivant aucunément dans une logique de développement durable comme on veut bien le laisser entendre; un parti pris intéressant, qui n’est pas a priori contrarié par les partisans d’une mixité programmatique à l’échelle du quartier. Malgré ces quelques voies dissonantes qui s’élèvent chez certains «concepteurs» (architectes et urbanistes) et élus, on pourrait au vu des différents discours relevés jusqu’ici être amené à penser que l’appel au développement d’opérations résidentielles à programme mixte reste aujourd’hui majoritaire auprès de l’ensemble des acteurs impliqués dans la production du cadre bâti en France. Il convient de revenir ici sérieusement sur cette hypothèse: car si ce plébiscite semble bien l’apanage d’une majorité des représentants de ces deux catégories de professionnels, il ne pourrait résumer à lui seul la posture de la totalité des acteurs concernés, loin s’en faut; car une réticence forte face à ce genre d’opération, nourrie de discours critiques et d’intérêts divergents, est en réalité monnaie courante au sein d’un autre champs professionnel majeur: celui des «réalisateurs» de l’aménagement urbain, à savoir les promoteurs et bailleurs.

3. Le scepticisme des «réalisateurs» envers cette notion «La mixité, tout le monde en veut, personne n’en fait !»(1)

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Le monde plaide-t-il en faveur de la mixité programmatique, comme le laisse croire cette injonction de C.Sabbah dans la revue Archicree? Rien n’est moins sur. Car s’il a été démontré dans la partie précédente qu’une grande part des «concepteurs» et élus en charge de l’aménagement urbain se prononce en faveur d’une certaine dose de mixité programmatique, d’autres acteurs -en particulier les promoteurs privés et bailleurs sociaux- ne courent pas après(2) et sont pour ainsi dire plus enclins à la critique à l’égard de cette notion; comme nous allons maintenant l’illustrer. Dans un second temps, nous nous intéresserons à ces «réalisateurs» qui -sous certaines conditions- semblent toutefois valoriser le développement d’ensembles résidentiels à programme mixte.

1) Critiques contemporaines de la mixité programmatique par les promoteurs et bailleurs Les arguments avancés par la majorité de cette catégorie d’acteurs insiste sur les inconvénients économiques et règlementaires liés à de telles opérations. On notera que, d’une manière intéressante, l’avantage économique est aussi invoqué par les acteurs valorisant la réalisation d’«hybrides résidentiels», bien que ces derniers soient vraisemblablement moins au fait du véritable gain potentiel représenté par de telles opérations (l’économie d’une opération les concernant en principe moins que les investisseurs avec lesquels traitent directement les promoteurs, par exemple).

(a) De l’écueil économique représenté par de telles réalisations Le premier -et le plus impérieux- des arguments employés par cette catégorie d’acteurs rejetant le recours à la mixité programmatique est l’inconvénient économique qui leur est prêté. Si l’on s’accorde avec la définition avancée par C.Topalov d’un promoteur immobilier, à savoir un «agent social qui assure la gestion d’un capital immobilier de circulation dans sa phase de transformation en marchandise logement»(3) (ou plus simplement avec S.Lorefice, qui en fait un «vendeur d’espaces construits ou en construction» (dans le cas d’une VEFA notamment, ou Vente en État Futur d’Achèvement) dont l’objectif n’est autre que de «vendre au plus vite l’opération immobilière ou de la louer à un bailleur»(4), on comprend mieux pourquoi ces derniers font de cet argument économique un point central de leurs réflexions. Ainsi donc le promoteur -tout comme le bailleur et certains aménageurs- s’inquiète tout d’abord de la «complexité technique»(5) liée au développement de ce genre d’opération: on pense notamment à la superposition des logements, des bureaux et des locaux commerciaux, laquelle «conduit à multiplier les gaines dont les circuits ne répondent pas au même principe de conception selon les programmes», ce qui a pour effet «d’augmenter sensiblement le coût des opérations»(6). À moins que les différents promoteurs (le plus souvent, un par programme) ne parviennent à s’entendre suffisamment pour mutualiser les servitudes (un aspect sur lequel on reviendra plus tard), la mixité programmatique induit aussi une autonomisation des accès pour chaque programme, ce qui a un coût(7). De plus, cette superposition implique en outre une autre forme de difficulté, à savoir la «complexité structurelle»: le renforcement requis de la structure entre les différents programmes serait ainsi le «facteur de surcoût le plus important»(8). Car si l’on aura tendance à valoriser des grands plateaux pour les locaux commerciaux et de bureaux, le promoteur privilégiera des murs séparatifs en béton pour la partie logement, et ce pour des raisons acoustiques. Les planchers de transfert de charge, seuls à même de permettre la superposition des programmes, s’avèrent alors particulièrement honéreux («Si à l’inverse, locaux commerciaux et bureaux étaient implantés au-dessus des logements, il n’y aurait aucun problème de structure» indique pour autant F.Miallet(9))

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Un autre problème qui se pose en terme économique est celui de l’écart de temporalité entre les programmes lorsqu’ils sont réalisés par différents promoteurs. Ainsi, si certains programmes commerciaux peuvent demander huit à dix ans pour se développer, ce n’est pas le cas de logements qui peuvent être construits en deux ans(10). Une manière de répondre à cette question est selon G.de Montmarin de privilégier un «opérateur unique, qui cède ensuite des lots aux autres utilisateurs en Vefa ou CPI»(11). Se pose alors un autre problème: la VEFA laissant peu de place pour l’expérimentation (en ce qu’elle se doit d’intégrer l’innovation «dès le choix du contrat», puisqu’il s’agit de convenir à l’avance d’un prix pour l’opération)(12). La «gestion des modifications» n’est ainsi pas chose aisée avec ce principe, ce qui implique que la majorité des décisions importantes pour le projet doivent être prises très en amont. Tout ceci a pour effet la multiplication des «études de marché» et «analyses juridiques nécessaires» au préalable, provoquant inexorablement un allongement des délais à l’origine de nouvelles augmentations du coût des opérations(13)(14). Il semble ainsi important de préciser que la spécialisation de ces corps de métier en France («qui fait du bureau ne fait pas de logement», dira Labrunye dans la revue Criticat) est ce qui implique cette multiplication des acteurs -et notamment des promoteurs- dans le cas du développement d’un ensemble résidentiel à programme mixte; cette dernière étant ainsi génératrice d’une complexité comme on l’a vu à l’origine de surcoûts.(15) Enfin, c’est aussi cette même spécialisation des promoteurs -habitués à ne commercialiser que des programmes spécifiques»(16) ou «produits calibrés pour correspondre aux critères de rentabilité»(17)- qui explique leurs profondes réticences à l’idée de réaliser des «hybrides résidentiels», opérations comme on l’a vu plus haut fondamentalement originales et complexes. «Chacun doit sortir des recettes habituelles», ce qui «rend plus difficile la commercialisation» de ces opérations(18) (un aspect pouvant sans mal être considéré comme un nouvel inconvénient économique lié à ce genre de réalisation).

(b) Des difficultés règlementaires liées au développement d’«hybrides résidentiels» L’aspect règlementaire, s’il semble à l’origine de moins de difficultés dans le développement d’«hybrides résidentiels», est souvent présenté comme inadapté par cette catégorie d’acteurs pour une réalisation optimale d’ensembles résidentiels à programme mixte. Si cet aspect nous apparaît assez curieux, étant donnée la quantité de textes de lois valorisant ce recours à la mixité programmatique (comme on a pu le voir); mais ne semble pour autant pas dénue dé cohérence aux vues des exemples que l’on va maintenant s’attacher à développer. Ainsi, la règlementation en France serait considérée comme «pesante» dans ce cas de figure, au point de transformer «la construction d’un [ensemble résidentiel à programme mixte] en course d’obstacles» (19). Puisque le «bâtiment mixte doit se conformer au règlement le plus contraignant des programmes qu’il réunit»: ainsi, dans le cas de la règlementation incendie par exemple, «le fait d’associer quelques m2 de bureaux seulement à des logement peut pénaliser sur le plan financier des opérations à fort gabarit»(20). De même, la règlementation IGH interdit de superposer un socle de bureau à des logements au-delà d’une certaine hauteur(21). Pour autant, tout comme l’étude des discours des «concepteurs» et élus sur la question de la mixité programmatique nous a permis de mettre en évidence un positionnement pas entièrement homogène autour de cette notion, il semblerait que quelques promoteurs et bailleurs s’accordent malgré toutes ses difficultés à valoriser la réalisation d’ensembles résidentiels à programme mixte, sous des conditions très précises, sur lesquelles nous allons maintenant nous attarder. 30


2) Un rejet total? Apports divergents: l’acceptation du principe de mixité programmatique par les promoteurs et bailleurs «sous certaines conditions» Est-ce que la prolifération contemporaine d’ensembles résidentiels à programmes mixtes en France serait uniquement du fait des collectivités territoriales, imposant ce principe de mixité programmatique aux professionnels, comme certains le laissent entendre(22)(23)? Ou bien ces mêmes acteurs seraient-ils enclins à valoriser la réalisation d’ensembles résidentiels à programme mixte «sous certaines conditions»? Comme nous allons maintenant le voir, un certain nombre d’arguments nous poussent à privilégier la seconde option.

(a) De l’intérêt d’associer des programmes complémentaires au sein d’une même opération «Autre évolution lente, mais progressive: l’introduction de bureaux, d’ateliers, d’équipements ou de commerces dans les immeubles d’habitation. [...] Malgré la complexité de montage des opérations, certains maitres d’ouvrage sont aujourd’hui conscients de l’intérêt de ces fonctions et services complémentaires.» Nasrine Seraji, dans Logement, matière de nos villes(24) Nonobstant les difficultés évoquées plus haut, il semblerait que la mixité programmatique soit relativement bien acceptée par certains promoteurs et bailleurs dans le cas de programmes que l’on pourrait qualifiés de «complémentaires», dont l’imbrication avec des logements s’avère relativement consensuelle. C’est le cas notamment de nombreux petits équipements publics, tels que des «résidences de personnes agées de type EHPAD» ou des «crèches» et «écoles», des activités plus bruyantes -à l’image d’activités artisanales- étant quant à elles généralement perçues comme plus difficiles à intégrer à un ensemble résidentiel(25). Aux dires de P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, «il est très fréquent pour un bailleur social public de réaliser pour le compte de la ville des équipements en adjonction à nos constructions d’immeubles de logements»(26). Ainsi ont-ils pu réaliser des crèches, haltes-garderies, PMI, centres sociaux, maisons médicales, gymnase... sans que cela ne cause le moindre émoi. Aux dires de Frédérique Monjanel, directeur du développement immobilier chez ADIM, il est primordial de «bien doser ces mixités programmatiques» afin d’éviter les traditionnels surcoûts et dysfonctionnement indiqués plus haut, en insistant sur la nécessité pour chaque programme de «valoriser l’autre»(27). Pour autant, il convient ici de préciser qu’à l’image de certains élus et aux vues des nombreuses difficultés supplémentaires qu’elle implique, la plupart des promoteurs et bailleurs auront tendance à rejeter avec plus de force le principe que nous qualifions de «mixité fonctionnelle» au bâtiment que celui de «mixité programmatique» au quartier, à l’îlot ou à la parcelle; une affirmation que confrime J-L Poidevin, directeur général adjoint de Nexity, lorsque ce dernier affirme que «la mixité dans le quartier s’impose comme une évidence, à l’îlot elle se justifie le plus souvent, à l’immeuble elle est rarement pertinente, en tout cas pas nécessaire»(28).

(b) L’avantage économique reconnu de certains «hybrides résidentiels» Le second argument consiste à revenir sur le prétendu écueil économique que semble représenter la réalisation d’un ensemble résidentiel à programmes mixtes pour la grande majorité des promoteurs pour lui opposer un contre-argument; sous certaines conditions, l’«hybride résidentiel» pouvant effectivement représenter un gain significatif (un aspect déterminant, expliquant sans doute pourquoi ce genre de réalisations semble en réalité omniprésent dans la production contemporaine du logement en France). 31


Ainsi, le premier avantage économique que lui reconnaissent certains promoteurs et bailleurs vient conforter l’argument avancé par les «concepteurs» et élus: il s’agit de la potentielle économie du foncier que permet ce genre d’opération, notamment par la rentabilisation d’un sol sous-employé(29) (aux yeux de F.Monjanel, l’un des rares promoteurs comme on l’a vu plus haut acquis à la cause de l’«hybride résidentiel»). C’est à cette même logique que se plie Remy Ferdj, directeur des achats, de l’immobilier et de la logistique de la RATP, lorsque ce dernier affirme «il n’y a pas de place au sol, il faut monter»(30). Ainsi, dans un milieu urbain constitué, la mixité programmatique permettrait une forme de densification particulière. Afin de conserver ses emplacements stratégiques en ville, la RATP n’a d’autres choix que de «vendre à d’autres acteurs les mètres carrés [de logements ou de bureaux] ainsi gagnés pour financer [ses] propres travaux»(31). Le second avantage économique propre à la réalisation d’ensembles résidentiels à programme mixte n’est valable que dans le cas d’«hybrides résidentiels» dépassant une certaine «taille critique». Au-delà de ce seuil relativement difficile à définir, les qualités que l’on prête à ce genre de réalisation deviennent particulièrement nombreuses. Ainsi, au-delà d’une certaine dimension, l’«hybride résidentiel» semblerait en mesure d’atteindre une forme d’«équilibre financier»(32). Partant du principe que «la mixité permet d’équilibrer les risques entre les fonctions» (aux dires de F.Monjane(33)), ce genre d’opérations est avant tout valorisée pour sa qualité de montage «sans risque et très rentable»(34). Aussi, certains promoteurs ont tendance à valoriser ce genre d’opérations lorsque leur dimension est suffisante pour que soient intégrés des programmes s’appuyant sur un marché plus stable que le logement, tels que des locaux commerciaux(35). Cette démarche est valorisée notamment par ING Real Estate (promoteur), qui la nomme «retail-led mix use», ce qui signifie «la mixité programmatique tirée par le commerce»(36). Par ce principe, l’entreprise espère participer -par le développement d’«hybrides résidentiels»- à la revalorisation d’un quartier(37). C’est là encore un des arguments avancés par certains tenants de la promotion immobilière pour valoriser le développement de ce genre d’opération: se servir de l’implantation d’importants ensembles résidentiels à programme mixte dans un quartier pour le redynamiser. C’est cette même logique qui a conduit le promoteur Emin Iskenderov à valoriser un recours à la mixité programmatique dans la réalisation de nouvelles tours à la Défense(38). Selon Hervé Jobbé-Duval (ancien directeur général délégué aux stratégies immobilières et marketing de Nexity), les entreprises cherchent aujourd’hui plutôt à s’implanter dans des «quartiers vivants [...] où l’on trouvent des restaurants ou des services»(39). D’une manière amusante, ce dernier donne par ailleurs une mesure de la «taille critique» requise pour qu’un «hybride résidentiel» soit en mesure de redynamiser un quartier. Ainsi lui faut-il «au minimum 50 000m2 de SHON pour garantir de nouveaux équipements publics et entre 400 et 600 nouveaux logements pour pouvoir y développer les services de proximité»(40). Enfin, le dernier argument économique en faveur de la réalisation de ce genre d’ensembles résidentiels mixtes de grande taille serait celui de leur «médiatisation» potentielle: celle-ci permettrait ainsi d’attirer plus facilement les «grands investisseurs, ce qui rend possible leur financement». Celle-ci serait donc «à la fois une stratégie de communication et une stratégie de marketing en vue d’une commercialisation du projet»(41). Ainsi donc, si le discours général porté par la promotion immobilière et les bailleurs sociaux semble tendre vers un scepticisme profond envers la notion de «mixité programmatique» (et plus particulièrement, comme on a pu le voir, celle de «mixité fonctionnelle au bâtiment»), certains de ces «réalisateurs» de l’aménagement urbain semblent aujourd’hui trouver tout leur intérêt dans le développement d’hybrides résidentiels. 32


Aussi, au lieu d’avoir pour résultat l’abandon pur et simple de ce type d’opération, cette divergence initiale des intérêts et dichotomie des discours entre «concepteurs»/élus et «réalisateurs» -si elle n’est pas totale et systématique comme on a pu l’observer- se traduirait aujourd’hui par une valorisation profonde de la négociation et du dialogue entre tous les acteurs de la ville, suivant une volonté marquée de concilier les intérêts de chacun afin de permettre in fine la réalisation d’ensembles résidentiels à programme mixte.

4. Modes de résolution: la recherche d’un urbanisme négocié? Cet engouement pour la concertation, particulièrement valorisée dans les discours contemporains de l’ensemble des acteurs identifiés jusqu’ici sera d’abord explicité dans cette partie. On s’attachera ensuite à décrire les nombreux outils d’aménagement urbain favorisant la prolifération actuelle d’«hybrides résidentiels» en France et issus justement de cette quête contemporaine d’un «urbanisme négocié».

1) Apologie du consensus: la valorisation contemporaine de la négociation et du dialogue «La négociation est la seule façon de faire une ville, complexe, pleine de surprise.» N.Michelin(1) En effet, s’il est vrai que l’«hybride résidentiel» paraît révéler les différentes cultures de la construction propres à chacun des acteurs impliqués(2), allant jusqu’à mettre à nu cette opposition claire entre une majorité de «concepteurs» et de «réalisateurs» autour de la notion de «mixité programmatique», on observe toutefois une certaine dynamique que l’on pourrait qualifier d’«apologie du consensus» dans les discours contemporains des tenants de l’aménagement urbain, la conciliation des intérêts divergents de chaque intervenant apparaissant comme la démarche la plus appropriée pour développer ce genre d’opérations. C’est ainsi que F.Monjanel insiste sur le fait que «la ville se fait à plusieurs», et tout particulièrement dans le cas de projets mixtes (conviction qu’il partage avec ING Real Estate)(3). Il rejoint en cela Y.Tsukamoto (architecte), celui-ci déplorant «l’effet désastreux sur l’environnement [bâti] que peut encore représenter le cumul d’idées non coordonnées et provenant de champs différents»(4). Dans un même ordre d’idée, S.Nivet insiste sur les «apports réciproques» que peuvent constituer pour un maître d’ouvrage la «créativité de l’architecte» lui apportant souvent «le recul nécessaire» pour éviter les produits trop figés, tandis que le «concepteur» peut bénéficier de la clarté des choix du «réalisateurs» «en terme de clientèles et de programme»(5). Car si comme nous l’avons démontré, le soutien du politique à ce principe de mixité programmatique a pu grandement jouer en la faveur du développement d’«hybrides résidentiels» en France dans les dernières décennies, ce dernier ne semble pouvoir simplement «imposer ses vues» à tous les intervenants comme le suggèrent C.Sabbah et S.Lorefice(6); en réalité, il semble bien que même pour développer les «hybrides résidentiels» les plus élémentaires (tels que ceux «mariant commerces, bureaux et logements»), «toute la volonté des acteurs qu’ils mobilisent» s’avère indispensable(7).

2) Développer de nouveaux outils règlementaires incitatifs? Accompagnant cette exhortation à la conciliation et au dialogue entre les différents acteurs de la production d’«hybrides résidentiels» en France, plusieurs outils d’aménagement basés sur la concertation ont pu être développés au cours des dernières décennies et permis -comme on s’attachera à le démontrer- le développement d’ensembles résidentiels à programme mixte. 33


Il y eut d’abord le procédé de ZAC (Zone d’Aménagement Concerté), d’ors et déjà évoqué dans la partie «I/A/1) Émergence de la notion». Marqué par l’importance prise par les PPP (Partenariat Public/Privé) prenant la forme de SEM (Sociétés à Économie Mixte, le plus souvent dirigées par des entreprises privées et présidées par des municipalités), cet outil particulièrement employé dans l’aménagement urbain en France intègrant la notion de concertation jusque dans son appelation courante, a permis le développement de nombreux «hybrides résidentiels» depuis sa création par la LOF en 1967(Cf. Illustration 4). Puis vint son pendant contemporain, caractérisé par la nouvelle importance prise par la maîtrise d’ouvrage privée(7): le macrolot, ou «îlot constitué de plusieurs programmes tous coordonnés tant du point de vue de la maîtrise d’ouvrage que de la maîtrise d’oeuvre»(8) (les modalités précises de cette coordination, ainsi que les caractéristiques, avantages et inconvénients associés à ce principe de macrolot seront développées dans la partie «I/C/L’espace commun en coeur d’hybride résidentiel»). L’opération du Trapèze(2003), longuement étudiée dans la partie «II/B/Étude de cas», est par ailleurs considérée par J.Lucan comme pionnière dans l’introduction du principe de macrolot. Depuis quelques années, N.Michelin plaide pour de nouvelles «procédures d’urbanisme négocié» (telles que celles élaborées par ses soins sur les secteurs des Bassins à Flots à Bordeaux), qu’il décrit comme «très favorables à la mixité», en ce qu’elles permettent de «négocier en amont avec le promoteur, d’intervenir sur le règlement [et] de rééquilibrer les programmes»(9). Enfin, certains urbanistes à l’image de François Ascher encouragent eux aussi cette exhortation à la conciliation des intérêts de chacun et, se mettant à la place des promoteurs, suggèrent de développer de nouvelles «règlementations urbaines incitatives, en particulier des coefficients des sols, c’est-à-dire différents selon les fonctions» pour favoriser le recours à la mixité programmatique et ainsi faciliter l’émergence de nouveaux «hybrides résidentiels»(10).

Conclusion: Ainsi, si une première certitude énoncée plus haut m’incitant à penser la prolifération contemporaine d’ensembles résidentiels à programme mixte dans la production du cadre bâti semble s’être ici partiellement confirmée, une autre -celle d’un appel hégémonique de l’ensemble des acteurs impliqués vers cette mixité- a pour sa part été relativement contrariée. Si on a pu relever une propension concrète chez les «concepteurs» de l’aménagement urbain (architectes et urbanistes) et de nombreux élus à valoriser les ensembles résidentiels à programme mixte, on ne peut pour autant ignorer les voies discordantes qui s’élèvent aujourd’hui dans les discours de l’ensemble des «réalisateurs» de la ville (promoteurs et bailleurs), rejetant pour la plupart ce genre d’opérations. Cette dichotomie observée dans les discours des différents acteurs (avec deux camps identifiables: «concepteurs»/élus et «réalisateurs») conduirait donc à invalider la première hypothèse supposant un «large consensus entre l’ensembles des acteurs impliqués dans l’aménagement urbain, chacun valorisant le recours à une forme de mixité programmatique dans les opérations qu’il est amené à développer». Le principe d’«urbanisme négocié» avancé par N.Michelin, conforté comme on va le voir par le développement des «macrolots»- semble pour autant permettre à ces contradictions et divergences internes d’être dépassées pour trouver aujourd’hui une forme de résolution. Comment ces différentes prises de position se traduisent-elles lorsque la question de la mutualisation d’espace commun entre les différents programmes de ces«hybrides résidentiels» est mise sur la table? Cette question, que l’on abordera plus en amont dans la partie «I/C/L’espace commun...» ne saurait être traitée sans l’explicitation au préalable d’un terme fondamental dans la compréhension de cette notion d’«espace commun» que l’on va maintenant s’attacher à expliciter : celui d’«espace intermédiaire». 34


B/ L’espace intermédiaire Enjeux: Décrire les conditions d’émergence de cette notion aujourd’hui largement employée par les concepteurs dans sa relation étroite avec la notion d’ «espace commun» mise en avant dans cette recherche. Expliciter les objets auxquelles elle fait référence -espace fédérateur ou espace de transition- et questionner la position à la fois des «concepteurs», «réalisateurs» et élus de la ville vis-a-vis de cette notion dans le cadre du développement d’ensembles résidentiels (strictement, pour l’instant). NB: la notion d’espace intermédiaire ne sera abordée dans cette partie qu’associée à des ensembles strictement résidentiel. Le déplacement de cette notion, lorsque celle-ci est considérée au coeur d’ensemble résidentiel à programme mixte, sera longuement abordé plus loin dans la partie «I/C/Espace commun en coeur d’hybride résidentiel».

1. Conditions d’émergence de la notion considérée 1) Premier emploi de la notion d’espace intermédiaire (a) Années 70: nommer l’espace intermédiaire pour conjurer sa disparition? S’il parait a priori impossible de dater précisément l’émergence des premiers dispositifs spatiaux et situations sociales auxquelles la notion d’«espace intermédiaire» se réfère, il semble plus aisé d’en situer le contexte d’émergence. Défini simplement par l’architecte et docteur en anthropologie Christian Moley comme l’«espace situé entre la sphère privative du logement et le domaine public»(1), cette notion relativement abstraite se développe tout particulièrement autour de 1970, précisément «au moment où de tels espaces sont les plus absents du cadre bâti»(2). Tout comme la notion évoquée plus haut de mixité programmatique, elle est le fruit d’un procès des conceptions modernistes et plus particulièrement des «grands ensembles et de leur vide urbain imputé à l’application de la Chartes d’Athènes»(2), entre l’habitation et la ville. Ayant consacré l’entièreté de son ouvrage Les abords de chez soi à cette question, C.Moley associe l’émergence de cette notion à la «prise de conscience [...] qu’habiter ne se limite pas à utiliser fonctionnellement l’intérieur d’une «cellule», mais induit une acceptation plus large, l’espace d’habitation étant à considérer hors de son enceinte», au tournant des années 70(3). Pouvant être associée à la notion d’«espace de transition» ou à celle d’«espace fédérateur» (deux termes que l’on s’attachera à expliciter longuement en amont), la notion d’«espace intermédiaire» encore très largement utilisée dans le milieu architectural contemporain serait un «terme générique flou»(4), se référant autant à l’espace architecturé qu’à l’espace pratiqué. L’apparition de ce terme «recouvrant à la fois la spatialité et la pratique» n’a en réalité rien d’anodin, et s’opère justement à l’occasion d’un rapprochement entre l’architecture et les sciences humaines, «au moment-même où ce croisement, en germe de longue date, tend à se réaliser»(5).

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(b) Un terme flou, issue d’un rapprochement entre les sciences sociales et l’architecture Ainsi, si ce genre d’espace entre le logis et la ville semble avoir toujours existé sans qu’il y ait besoin de leur donner un nom(6), la volonté d’instaurer un terme savant dans l’intention d’en définir les contours serait, aux dires de C.Moley, l’expression-même d’un rapprochement entre les domaines de l’architecture, de l’urbanisme et des sciences humaines(7). Orchestré dès le début du XXe siècle à la faveur des travaux sur l’«Habitat» réalisés par l’Ecole de Chicago, ce rapprochement s’est développé jusqu’aux événements de Mai-68 associant les étudiants en sociologie de Nanterre et les apprentis-architectes de l’école des Beaux-Arts, dont l’une des conséquences notables fut l’intégration d’un enseignement de la sociologie aux programmes des Unités Pédagogiques nouvellement créées(8). De son point de vue, ce rapprochement opéré trouverait son point d’orgue dans le rejet commun exprimé par les deux champs professionnels à l’égard de la production moderniste des Trentes glorieuses(9)(10). Selon lui en effet, «l’une des raisons de l’ouverture de l’architecture aux sciences humaines tenait à la volonté de sortir du fonctionnalisme fondé sur une représentation généraliste et simplificatrice des besoins de l’homme»(11), ainsi que sur une «vision trop réductrice des savoirs»(12). Dans un même temps, la conception urbaine voit aussi son champs de compétence investi par des considérations sociologiques, et est exhortée à ne plus se représenter «l’espace urbain en tant qu’espace physique ou étendue relativement homogène et simple», mais en tant qu’«espace social, complexe et hétérogène, qui n’est autre que la projection de toute société sur la proportion de l’étendue qu’elle occupe»(13). Cet engouement pour la conciliation et le rapprochement des compétences dont les effets se font toujours sentir aujourd’hui (comme on a pu le constater en amont avec la notion de mixité programmatique) est revendiqué autant par les architectes que par les sociologues, à la manière d’Henri Lefebvre qui énonce à la fin des années 50 les principes de la sociologie urbaine comme la «possibilité de multiplier et croiser les regards»(notamment par «un juste équilibre entre point de vue théorique et observation du terrain»(14)) pour accéder à une compréhension des faits urbains. Cette notion d’«espace intermédiaire», volontairement abstraite en ce qu’elle tend par essence à exprimer dans un même temps deux familles de phénomènes distincts -sociaux et spatiaux(15)- sans préciser le statut foncier de l’espace auquel elle se réfère (public ou privé(16)), a été utilisée au fil de son histoire pour décrire indistinctement deux catégorie d’espaces «entre le logement et l’espace public» aux caractéristiques fondamentalement différentes qu’il va s’agir maintenant d’identifier et d’expliciter: l’«espace fédérateur» et l’«espace de transition».

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2) L’espace fédérateur

Ill.7 - «L’espace intermédiaire fédérateur»

Souvent associé à l’idée d’ «espace micro-communautaires» ou d’«espace de sociabilité», la notion d’«espace fédérateur» au coeur d’ensemble résidentiel -comprendre un espace capable de fédérer les habitants divers d’une même opération au sein d’un même espace partagé par la qualité d’usage qu’il offre- porte en germe, aux dires de C.Moley, un seul et même idéal: celui de retrouver dans l’habitat collectif «une spatialité communautaire»(17).

(a) Le déplacement progressif des espaces fédérateurs en France au tournant du XIXe siècle Si ce type d’espace partagé par l’ensemble des habitants d’un ensemble résidentiel au sein duquel se mélaîent les activités diverses des résidents était monnaie courante dans l’habitat collectif ouvrier au début de l’ère industrielle, à la manière des courées d’immeuble où l’on descendait par exemple chercher de l’eau(18), on observe en France à la fin du XIXe siècle une tendance à l’aseptysation progressive de ces espaces, menant dans un certain sens à leur disparition pure et simple. Le cas de la cour d’immeuble parisien est en cela à retenir: mise en cause par son insalubrité et le danger politique que pouvaient représenter les réunions répétées de la classe ouvrière à l’abri des regards(19), celle-ci est progressivement «vidée [...] de ses pratiques sociales», que l’on souhaite ainsi déplacer vers la rue et les grands parcs, qui deviennent par lamême des équivalents d’«espace fédérateur», au statut public cette fois(20). Ce constat s’applique de la même manière aux opérations d’HBM développées en périphérie au début du XXe siècle, et dont «la cour centrale [est] évacuée dans tous les sens du terme»(21) ainsi qu’à d’autres réalisations que l’on pourrait qualifier d’expérimentales -à l’image du Familistère de Godin à Guise- dont le «modèle concentrationnaire [...] d’un habitat autour d’un espace collectif interne privilégiant la vie entre résidents sera majoritairement rejeté»(22). Aux dires de C.Moley, cet «empêchement des relations sociales» dans les parties communes - ôtant de fait à ces lieux leur qualité «d’espace fédérateur»- est à mettre au compte de «l’apprentissage de la société bourgeoise par le biais de l’habitat»(23), souhaité pour la classe ouvrière au début du XXe siècle. 37


En parallèle de cette aseptisation volontaire des espaces partagés en coeurs d’îlots, s’opère ainsi une valorisation «d’espaces libres publics» (rues et parcs)(24), en accord avec les volontés du Musée Social (organe politique visant une «moralisation» par l’habitat des masses populaires(25)). À l’inverse de cette tendance au déplacement des «espaces fédérateurs» en France du coeur des opérations résidentielles vers l’espace public, on observe aux Etats-Unis la prolifération d’opérations revendiquant un procédé inverse et développant une notion particulièrement liée à l’objet de cette recherche: l’Unité de voisinage.

(b) Le «superblock» américain et l’émergence de la notion d’Unité de voisinage

Ill.8 - «Proposition pour un superblock new-yorkais (1919), Clarence Stein Le principe du «superblock» émergeant au début du XXe siècle au États-Unis est simple: il s’agit «pour les opérations sociales de grande taille» d’implanter des bâtiments composés «d’appartements-jardins» «en bloc périmétrique créant un vaste espace central [...] avec l’idée que la verdure d’un parc ainsi que des terrains de jeux comme de sport pourraient fonder un sentiment de communauté résidentielle»(26). Ce principe d’aménagement trouve une forme de référence dans une opération emblématique réalisée à New York en 1890 : Riverside buildings(27). Parallèlement à ces opérations intégrant des espaces fédérateurs associant aux dispositif spatiaux des qualités sociales -comme c’est souvent le cas lorsqu’il est question d’«espace intermédiaire»- on notera l’importance essentielle prise par les travaux de l’Ecole de Chicago qui, s’appuyant sur le superblock, développe au début du siècle une notion fondamentale dans le cadre de cette recherche: celle d’«unité de voisinage»(28). Cette notion, reprise aujourd’hui par certains concepteurs soucieux de redévelopper au coeur d’opérations résidentielles des formes d’«espaces fédérateurs» (on y reviendra) est fondée sur l’hypothèse de l’«existence éventuelle, en ville, de nouvelles formes de communautés», en réaction à «la disparition des communautés propres à la société rurale» qu’implique l’ère industriel associée aux déplacements des ouvriers depuis les campagnes jusqu’aux villes pour servir de maind’oeuvre à l’industrie(29). 38


Cette notion de voisinage, définie en 1909 par Kellog comme «un groupe intermédiaire entre la famille et la ville»(30) et enrichie par les travaux de Park en 1915 mettant en évidence «la façon dont les communautés et les groupes se distribuent dans l’espace de la ville, selon leurs appartenances sociales et culturelles»(31), trouve ainsi dans le superblock une forme de traduction spatiale implantée géographiquement au sein d’«unités résidentielles»(32). Cette expression particulière de l’«Unité de voisinage» prolifère avec d’autant plus de vigueur qu’elle permet le développement d’espaces preservés du danger représenté par l’automobile, particulièrement grand dans l’Amérique des années 20(33). Il convient ici de préciser l’importance prise par le principe de co-propriété dans la réalisation d’«espaces fédérateurs» comme ceux observés au sein des superblocks, d’ors et déjà instauré aux Etats-Unis à cette période et permettant la matérialisation d’«espaces privés mis en commun» et partagés par l’ensemble des habitants copropriétaires(34). L’absence de ce système en France au début du XXe siècle justifie-t-il l’absence de réalisation comparable d’«espaces fédérateurs» privés, auxquels on préfère alors l’espace public? Tout porte à le croire, tant les Modernistes profiteront de l’instauration de ce principe pour développer au coeur de leurs propres Unités de nouvelles formes d’«espace fédérateurs».

(c) L’apport des Modernes: l’espace fédérateur introverti au coeur des «condensateurs sociaux» Afin de comprendre l’apport des architectes du mouvement Moderne à la notion afférente d’«espace fédérateur», il convient de se pencher sur le cas révélateur de l’oeuvre de Le Corbusier. Ainsi au cours de l’année 1922, ce dernier présente-t-il au Salon d’Automne de Paris son projet initial d’immeuble-villas visant à concilier les qualités de l’habitat individuel avec celles du collectif, en destinant l’opération à ce statut nouvellement instauré de copropriété(35). Pensé par l’architecte en vue de constituer «une communauté de copropriétaires», ce projet développe un ensemble de cellules-logements groupées «autour d’un espace vert pourvu de services communs»(36); un système largement inspiré des réalisations américaines évoquées plus haut. Dans les évolutions progressives du projet jusqu’aux «Unités d’habitation» dont la première sera réalisée à Marseille en 1952, ce statut restera et permettra une évolution sensible des «espaces fédérateurs», réintroduits dès lors au coeur des bâtiments, sous la forme d’«équipements collectifs»et de «services»(37), et non plus d’espaces libres à l’usage indéfini à la manière d’une cour d’immeuble. Inspirés principalement par le «modèle hotellier du paquebôt», ces équipements fédérateurs témoignent selon C.Moley d’une «vision autarcique de la communauté des habitants»(38). D’une certaine manière, ces «prolongements du logis» ou équipements ordinaires répondant aux besoins quotidiens des habitants (prescrits par la Charte d’Athènes au plus près de l’habitat, comme on l’a vu dans la partie «I/A/La mixité programmatique») sont ainsi développés par Le Corbusier au sein même de ces «Unités d’habitation»(39). Le terme de «condensateurs sociaux», employé par certains pour définir ce genre d’opération, sera questionné plus loin. Pour l’heure, il convient de voir en ces réalisations ayant inspiré l’ensemble de la mouvance Moderne(40) l’expression d’un nouveau déplacement: quittant la rue que les modernistes n’ont eu de cesse de combattre, les espaces fédérateurs se retrouvent à nouveau, après en avoir été extirpés au début du XXe siècle, au coeur de l’opération résidentielle.

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(d) L’exigence post-moderne d’une «architecture urbaine»: le déplacement, à nouveau, de l’espace fédérateur vers la rue Si après-guerre «l’habitation était encore imaginée dans un lien de complémentarité avec des services communs extérieurs», c’était, aux dires de C.Moley, uniquement en réponse à la nécessité «dans une période de difficultés économiques, de trouver des solutions pour assurer le confort à tous, plus que d’un encouragement aux pratiques communautaires»(41). Ainsi, la conception de l’«espace fédérateur» par les Modernistes telle qu’on a pu la décrire plus haut n’aurait été que l’expression d’un besoin plutôt que d’une volonté clairement exprimée de «faire renaître le sens de la communauté» disparu avec l’avénement d’un âge industriel urbain et individualiste. À l’occasion d’un profond requestionnement des conceptions Modernistes opéré dans la continuité de la sécession du groupe Team X au cours du CIAM (Congrès International d’Architecture Moderne) de 1956, on observe l’émergence d’un désir de revalorisation de la rue tant onnie par les Modernes, laquelle se verra à nouveau confier le rôle «d’espace fédérateur» en ville à la faveur d’un énième déplacement, opéré cette fois comme au début du XXe siècle du coeur des opérations résidentielles vers l’espace public(42) (dans des formes parfois relativement nouvelles, à l’image des «rues en l’air» proposée par les Smithsons dans leur projet Golden Lane Housing(43)).

Ill.9 - Une «street in the air» du projet Golden Lane Housing, Alison & Peter Smithson Une décennie plus tard, l’avénement d’une notion , «l’architecture urbaine» (devant beaucoup dans sa large diffusion à l’ouvrage d’Aldo Rossi de 1966, L’architecture de la ville (44)), va de pair, aux dires de C.Moley, «avec le retour à l’alignement et, plus encore, à la rue. [...] Dans ces conditions, la rue elle-même représenterait alors à nouveau le lieu de la sociabilité de proximité entre l’immeuble et le quartier, mais en relevant bien sur du domaine public»(45). Cette dépréciation des conceptions Modernistes s’accompagnant d’une revalorisation de la ville ancienne initiée par les tenants du Team X marque une première ouverture de l’architecture au champs des sciences humaines, ces derniers invitant à «saisir «l’habitat globalement, comme un «environnement» physique et social» (46) (à l’image d’un Candilis valorisant la prise en compte de l’«aspect ethnologique»(47) dans le développement de projets résidentiels). Ce rapprochement, comme on l’a vu indissociable de l’émergence de cette notion d’«espace intermédiaire», pourrait paradoxalement être perçu comme à l’origine d’un effondrement du mythe fondateur de l’«espace fédérateur», comme nous allons maintenant nous attacher à le démontrer. 40


(e) Faire renaître des situations communautaires par l’espace fédérateur? Gloire et déclin d’une mythe fondateur. Ce nouveau déclin significatif de la notion d’«espace fédérateur» en coeur d’ensemble résidentiel est à mettre au compte d’une désillusion. Valorisé en tant qu’espace de convivialité portant en germe des qualités sociales qu’il n’a jamais été en mesure de prouver, l’espace fédérateur a avant tout été touché de plein fouet par l’effondrement du mythe fondateur teinté d’une forme de déterminisme spatial qui l’avait porté au pinacle: celui évoqué plus haut d’un espace en mesure de redévelopper une «spatialité communautaire». Ainsi l’émergence d’une forme de considération des espaces fédérateurs au sein d’opérations résidentielles s’opère-t-elle au XIXe siècle dans un contexte précis: celui d’une transition, particulièrement violente, entre un âge médiéval profondément rural et un âge industriel dominé par l’urbain. Ainsi pour Durkheim, «la désintégration des communautés, l’atomisation sociale ou l’«anomie» [...]sont à mettre aussi au compte du développement de la société industrielle et du déplacement de la main-d’oeuvre rurale vers les villes.»(un constat partagé par la profession, comme l’indiquent les écrits de Camillo Sitte et d’Agache au début du XXe siècle(48)(49)(50)). Ce constat globalement partagé de la disparition des communautés agraires provoqué par l’exode rural et l’inculcation à la classe ouvrière de codes bourgeois (comme on l’a vu plus haut) s’est traduit à cette période par une volonté de nombreux concepteurs de chercher à retrouver ce sens communautaire par l’«espace fédérateur», en conciliant «les avantages du milieu rural et du milieu urbain» au sein de projets permettant la «création d’un milieu équilibré» (pour reprendre les propos d’Auzelle, en 1939(51)). Comme on a pu le voir plus haut, les superblocks américains perçus comme illustration des «Unités de voisinage» décrites par l’Ecole de Chicago portaient en germe ce principe d’«espace fédérateur» jugé capable de «fonder un sentiment de communauté résidentielle.»(52) Si cette notion avait été relativement passée sous silence en France au début du XXe siècle, elle trouve à partir de la période d’après-guerre et de la Reconstruction un regain profond d’intérêt dans l’hexagone en raison de nouvelles «attentes humanistes»(53) ainsi qu’à la faveur «d’expériences issues de Mai-68 [...] «valorisant la convivialité» et «tentant différentes formes de communautés dans lesquelles étaient aussi sous-jacente l’idée d’espace fédérateur»(54). On notera que l’évolution du cadre légal français autorise à partir de 1965 le principe de co-propriété -fondamental dans le cadre du développement de ces notions d’ «espace fédérateur» et d’«Unités de voisinage» comme on a pu le voir- à englober les parties extérieures de l’immeuble; permettant ainsi la constitution d’«espaces fédérateurs» privés et extérieurs(55); un aspect justifiant sans doute aussi ce regain d’intérêt majeur observé à l’époque pour celles-ci. Cet enthousiasme -sans doute un peu candide- autour de la notion d’«espace fédérateur» au coeur d’opérations résidentielles trouve cependant dans le rapprochement orchestré entre les domaines de l’architecture et de la sociologie les bases de son effondrement, par la profonde remise en question de ce mythe fondateur d’«espace communautaire» qualifié par C.Moley d’«hypothèse naïve»(56). Mis à mal par les travaux de sociologues révélant la dimension conflictuelle que pouvait intégrér ces espaces partagés au tournant des années 1970, les architectes prennent alors conscience par l’intermédiaire de leur nouveaux confrères que la «distance sociale» entre les individus ne saurait être réduite par le «rapprochement spatial» que pourrait constituer le développement au coeur du résidentiel d’espaces dits «fédérateur»(57 (58)).

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Cette foi en l’espace partagé et en son potentiel social, teintée il est vrai d’une forme conséquente de «déterminisme spatial» (hypothèse selon laquelle l’espace influerait sur le comportement des individus) est ainsi profondément atteinte dans les années 70, là où les sociologues n’auront eu qu’à rappeler un fait: «un ensemble de copropriétaire ne constitue en fait qu’une fausse communauté»(59), ne partageant nécessairement en définitive que leur seule «solvabilité», et le désir de vivre au même endroit, individuellement. Malgré ce coup fatal porté à la notion d’«espace fédérateur» au tournant des années 1970, on constate aujourd’hui un regain d’intérêt pour celle-ci par les «concepteurs» de la ville (architectes et urbanistes) et élus en charge de l’aménagement urbain. Avant d’aborder les raisons de cette revalorisation, il convient d’expliciter la deuxième notion que l’on associe fréquemment à celle d’espace intermédiaire: «l’espace de transition».

3) L’espace de transition

Ill.10 - «L’espace intermédiaire de transition» Associée, au contraire de l’«espace fédérateur», à l’idée de liaison entre deux espaces antagoniques (souvent évoqué au coeur du dessin du logement lorsqu’il s’agit d’articuler «l’espace public» à «l’espace privé», voir au «privatif»), cette notion d’«espace de transition» a connu, au cours du XXe siècle, de profonds alternoiements dus notamment à l’impact des conceptions Modernistes sur le dessin des espaces intermédiaires et au rejet profond que celles-ci ont eu à déplorer, en particulier à la faveur des travaux du Team X. La question de la privatisation et de l’individualisation progressive de ces espaces depuis lors, par la considération des «prolongements individuels» aux logements et le phénomène récent de «résidentialisation», seront aussi évoqués dans ce cadre.

(a) Emergence de considération d’un «espace-tampon» entre la rue et l’habitation Avant d’aborder la question de l’appauvrissement conséquent de cette notion d’espace intermédiaire organisant la transition du logement à la ville par l’impact de la production Modernistes, on considérera l’importance relative prise par ces «espaces de transition» au début du XXe siècle entre l’habitation et la rue à l’occasion d’une dévalorisation certaine de cette dernière observée au cour de cette période.(60) 42


En effet, si la rue avait d’abord été largement valorisée du milieu jusqu’à la fin du XIXe siècle, notamment à l’occasion des travaux d’embellissement de Paris d’Haussmann ayant donné lieu aux fameux «boulevards urbains», l’avénement de l’automobile au début du XXe siècle a pour coréllaire une première dépréciation de la «voie publique», perçue alors de plus en plus fréquemment, comme l’indique C.Moley, comme une «source de nuisance»(61). Il est à ce propos intéressant de noter que l’étage noble qu’il est valorisant d’occuper se déplace justement au cours cette période du second à l’attique; une évolution permise par la généralisation d’une invention nouvelle, l’ascenseur, et qui illustre bien cette dévalorisation relative de la voirie que l’on cherche dès lors à éloigner de soi. Jusque dans les années 1940, de nombreux projets (d’HBM notamment) développent cette idée d’«espace de transition» entre la rue et le logement avec en filigrane ce principe de mise à distance, allant des cours ouvertes sur rue des projets de «boulevard à redans» d’Hénard(62) jusqu’aux composition en «îlot ouvert» développant, à la manière du projet d’Auzelle de 1939, «une bande de terrain entre la voie publique et la façade de chacun des immeubles»(63). Tous ces principes d’articulation fine entre l’espace public de la rue et l’espace privé des logements induits par ces questionnement autour de la notion d’«espace de transition» seront mis à mal, comme on va maintenant s’attacher à le décrire, par l’instauration d’une nouvelle logique: celle de la production de masse des grands ensembles issus des conceptions Modernistes, qui supplanteront dès les années 1950 ces projets d’îlots ouverts que l’on aurait aujourd’hui tendance à revaloriser(64).

Ill.11 - Eugène Hénard, le «Boulevard à Redans» ou le principe de cour ouverte sur la rue 43


(b) Les réalisations modernistes, et l’appauvrissement de la relation public-privé au coeur de l’habitat

Ill.12 - Schéma préparatoire de Le Corbusier pour l’Unité d’Habitation (1941) Dans cette idée d’identifier l’impact des conceptions Modernistes sur le dessin des «espaces de transition» associés à la question du logement, l’étude des travaux de Le Corbusier, et plus particulièrement de l’évolution de ses projets d’habitats collectifs depuis «l’immeuble-villas» présenté en 1922 jusqu’à l’«Unité d’Habitation» réalisée en 1953, se révèle une nouvelle fois particulièrement parlante. Ainsi, aux dires de C.Moley, «[Les immeubles-villas de 1922 et 1925 de Le Corbusier] évoluent vers l’abstraction fonctionnaliste, avec perte de l’articulation des échelles et des espaces formant parcours jusqu’au logement» (65), à mesure que sa conception s’oriente vers l’Unité d’habitation. Cette abstraction, mise au compte de l’application des principes ségrégationnistes de la Charte d’Athènes de 1933, a ainsi pour corollaire «une coupure réelle et symbolique entre l’objet-bâtiment industrialisé et le contexte foncier, dont la dimension parcellaire et la distinction public/privé sont totalement évacuées»(65). S’il ne disparaît pas tout à fait, l’«espace de transition» se retrouve ainsi à la Reconstruction profondément appauvri, à la faveur de nouveaux impératifs de production de masse rejetant par essence tout principe de contextualité et d’articulation fine. Ce dernier est toujours présent dans les «Unités d’habitation», profondément intériorisé et privatisé au sein de «rues en l’air» génériques, qui ne sauraient être perçues comme autres choses que des simples couloirs de desserte aveugles permettant l’accès aux logements. C’est, indique C.Moley, la conséquence d’une pensée fonctionnaliste qui aura «contribué à voir négliger, sinon évacuer, toute réflexion sur les chevauchements, interpénétrations, articulations, relations consubstantielles aux notions d’espace intermédiaire»(66). 44


Dans cette déconsidération de la notion d’«espace de transition», on retrouvera une autre notion chère aux Modernes et particulièrement abstraite, à laquelle on reviendra plus loin: celle d’«espace libre» entre le logement et la rue, pensée comme le groupement des «deux types d’espaces intermédiaires qui s’affirment historiquement [«fédérateur» et «de transition»], au sein d’un seul et même espace»(67), et permis notamment par l’implantation libre des barres et plots Modernes sur des terrains libérés des «anciens tracés de villes depuis longtemps impropres à contenir la population actuelle»(68). D’une certaine manière, on serait tenté d’expliquer l’appauvrissement de cette notion d’«espace de transition» par le biais d’un autre affaiblissement: celui de la rue, durement combattue par les Modernes. La reconsidération des «espaces de transitions» vers la fin des années 1950, initiée par les membres du Team X, ne saurait être abordée sans prendre en compte ce facteur post-moderne essentiel: la revalorisation de la rue.

(c) Rejet des Modernes et théorisation de l’espace de transition: l’apport fondamental du Team X

Ill.13 - Projet de «Terraced Houses» (1953) d’Alison et Peter Smithson Officialisée au CIAM de Dubrovnik en 1956, la sécession d’un groupe d’architectes -le Team X- porte avant tout la marque d’une profonde «rupture avec les principes du fonctionnalisme urbanistique issus de la Charte d’Athènes de 1933»(69) et au rejet des «quatre fonctions urbaines[...] (habiter, travailler, se détendre, circuler)»(70) auxquelles sont alors substituées par ce même groupe «quatre échelles successives [...]: l’habitation, la rue, le quartier et la ville»(71). Aux principes fonctionnalistes Modernes sont ainsi substitués des échelles urbaines, que les architectes du Team X vont chercher à lier par une reconsidération de l’idée d’«espace de transition». 45


Si cette notion est alors investie par la majorité des architectes de ce mouvement sous différents vocables (dont on relévera notamment les termes de doorstep initié par les Smithson(72) ou encore de «seuil» avancé par Hertzbergger(73) et Candilis(74)), on retiendra avant tout la notion fondamentale d’«entre-deux» théorisée par Van Eyck pour qualifier cette catégorie d’espace intermédiaire de nouveau valorisée. Explicitée par ce dernier en 1956, cette notion représente ainsi à ses yeux le «symbole de ce que signifie l’architecture et de ce qu’elle peut accomplir. Établir l’in-between [«l’entre-deux»], c’est réconcilier les polarités en conflit. Instituez le lieu où elles peuvent s’interpénétrer et vous rétablirez le phénomène double originel.»(75). Cette glorification enthousiaste de l’«espace intermédiaire» compris comme «espace de transition» est ainsi à lier très directement à ce rejet des Modernes, avec leur «maladie de la continuité spatiale, [et leur] tendance à effacer toute articulation entre les espaces»(75). Par ailleurs, le fait que les propos de Van Eyck soientdirectement repris par R.Venturi -figure incontournable de la contestation du mouvement Moderne- dans son ouvrage De l’ambiguïté en architecture paru en 1972 montre bien combien les travaux du Team X ont pu influencer les fondements théoriques de la production architecturale post-moderne(76). Ainsi réaffirmé à la faveur de la sensibilisation des architectes à la notion d’«espace péricorporel» (compris comme un «espace labile et complexe se contruisant à partir de l’individu»(77)), l’«espace de transition» entre ville et logement articulant finement les espaces publics et privés se montre ainsi jusqu’au tournant des années 1970 en plein essor théorique, que viendra contrarier l’avénement post-Mai-68 d’une nouvelle logique: celle d’une volonté d’«urbanité», portant en germe les phénomènes actuels d’individualisation et de privatisation de l’«espace intermédiaire».

(d) L’urbanité, où le retour à l’alignement sur rue «L’alignement des habitations au long des voies de communication doit être interdit.» Article 27 de la Charte d’Athènes(78) À partir de 1973, on observe une revalorisation progressive de l’espace public, que l’on considère comme le grand délaissé des conceptions Modernistes. Un désir d’«urbanité» associée à l’idée d’«architecture urbaine» (déjà évoquée plus haut) se fait sentir à cette période, au cours de laquelle aux dires de C.Moley «la ville [prime] désormais sur le logement»(79). Ce phénomène, comme de nombreux autres explicités en amont, peut ainsi être considéré comme une forme de rejet des conceptions urbanistiques modernistes, donnant lieu dans le cas présent à une revalorisation des «formes hérités de la ville traditionnelle»(80), portée alors aux nues par les écrits d’Aldo Rossi(81). Ces considérations autour de l’idée d’une «morphologie urbaine [...] appréhendée à partir de la ville ancienne» entraîne une stigmatisation des conséquences des règlements d’urbanisme ayant contribué à sa transformation. C’est dans ce contexte qu’est particulièrement attaqué le décrêt de 1961, autorisant de «construire haut et en retrait des voies» et provoquant «surtout des ruptures d’alignement» plutôt que des «espaces de transition» valorisés (82). Le retour à cet alignement est donc prôné par les défenseurs d’une «architecture urbaine» désireux de redonner à la «rue», forme urbaine méprisée des Modernes, toute son importance; lesquels trouvent gain de cause à Paris avec la réintroduction en 1977 de POS (Plan d’Occupation des Sols) rendant ce dernier obligatoire.

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Ce retour à l’alignement, à prendre justement comme l’expression directe d’une revalorisation de la rue (pensée à ce moment, comme on l’a vu plus haut, comme le nouveau lieu des «espaces fédérateurs») provoque de fait une introversion, voir une disparition, de nombreux «espaces de transition», «les immeubles ne [pouvant dès lors] interposer un espace entre eux et [la ville]»(83). Cet affaiblissement de la notion d’«espace intermédiaire de transition» au coeur d’ensembles résidentiels engagé au milieu des années 70 à l’occasion d’une réévaluation de la «ville traditionnelle» (une «tendance lourde» de la pensée urbanistique toujours active aujourd’hui(84)) n’a semble-t-il cessé dès lors de s’intensifier, avec pour principaux marqueurs un phénomène d’individualisation progressif de ces espaces accompagnés d’une tendance à la «résidentialisation»; une hypothèse que l’on va maintenant s’attacher à expliciter.

(e) La privatisation progressive de l’espace de transition: prolongement privatif (terrasse) et «résidentialisation» «La notion d’«espace intermédiaire» désigne ici, en 1975, au moment de sa large diffusion, une terrasse privative.» C.Moley dans Les Abords de Chez Soi (85) Par ces mots, C.Moley entérine l’existence d’une tendance initiée dès la fin des années 50 et caractérisée par un basculement de la notion d’«espace de transition» vers l’idée de simple prolongement du logis (ce que les Smithson ont contribué à asseoir par la notion de doorstep, ou «pas-de-porte»), sans que cette notion ne privilégie a priori de dimension collective(86). La production des grands ensembles, bien qu’ayant été la cible comme on l’a vu de nombreuses critiques à l’égard du traitement qu’elle réservait aux «espaces de transition collectif», a cependant trouvé dans sa considération des «prolongements individuels aux logements (par le biais de terrasses et loggias) perçus comme «espaces de transition individuel» les bases d’un consensus. D’une certaine manière, on pourrait affirmer que cette évolution semblait inéluctable, dans la mesure où la quête d’«espace intermédiaire», traduisant pour beaucoup un désir de transposition des qualités de la maison individuelle à l’habitat collectif, menait à valoriser outre mesure la terrasse privative comme alternative au «jardin»(87). On notera également que le thème de la «façade épaisse» appliqué au logement, intégrant l’ensemble des «espaces de transition» allant du public au privé et favorisée comme on l’a vu par un retour des bâtiments d’habitation à l’alignement sur rue, est à mettre au compte également de cette évolution progressive vers des «espaces de transition privatif», directement intégrés à la cellule du logement(88). Dans le cadre de cette recherche et de l’intérêt qu’il convient de porter à la notion d’«espace commun» associée ici à celle d’«espace intermédiaire», on ne saurait ici que rejoindre C.Moley lorsque ce dernier affirme que «l’habitat en terrasses n’a a priori rien à voir avec les espaces intermédiaires» et qu’il en représenterait plutôt une «négation» par sa dimension individuelle(89). L’autre grande tendance observée quant aux développement d’«espace de transition» dans l’habitat contemporain -le phénomène dit de «résidentialisation»- tendrait également à représenter une forme d’affaiblissement de cette notion.

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Ill.14 - L’exemple d’une opération de «résidentialisation» de grands ensemble. Aulney sous-Bois, Les Merisiers, travaux de requalification en cours depuis 1996. Ce terme, apparu en France vers 1995, exprime une volonté de «donner des statuts juridiquement clairs, public ou privé, aux espaces extérieurs, en intégrant désormais leur maîtrise foncière et en procédant à des découpages qui réorganisent la domanialité»(90). En accord avec la tendance des Trentes glorieuses consacrant comme on l’a vu «la montée de la satisfaction des exigences individuelles», on observe ainsi depuis lors un accroissement de l’exigence de privatisation et de contrôle de l’autre»(91) dans un «souci aussi gestionnaire que sécuritaire»(92), allant jusqu’à déboucher aujourd’hui sur une forme de «sécurisation visible des espaces [...] l’espace public étant ainsi restreint et privatisé le plus possible» aux dires de M.Guanay et D.Albrecht (économistes)(93). On notera par ailleurs que la privatisation des «espaces de transition» orchestrée par ce phénomène de résidentialisation n’entraîne pas pour autant leur disparition pure et simple; ceux-ci voyant seulement leur statut «simplifié» (donc appauvri, l’essence-même de l’espace de transition étant, comme on l’a vu plus haut, d’articuler subtilement l’espace privé avec l’espace public, et non avec la brutalité que ce genre d’opération semble impliquer(94)). C’est depuis lors l’avénement d’une autre catégorie d’espace qui s’affirme: l’espace privé collectif, entre le public et le privatif, devenant aujourd’hui la norme. Ainsi, il semblerait que les deux familles d’espaces intermédiaires explicitées jusqu’ici tendent aujourd’hui vers une forme d’appauvrissement mutuel: «l’espace fédérateur» ayant du faire face à sa démystification et «l’espace de transition» se voyant limité à un seul statut d’espace privé collectif. Le diagnostic relativement sombre porté ici pose alors une nouvelle question, que l’on va s’attacher à traiter dans la partie suivante: comment les différents acteurs de la ville abordent-ils aujourd’hui cette notion dans le cadre de la production contemporaine du logement?

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2. Regard contemporain porté sur la notion et discours divergents L’intérêt majeur que porte dans le cadre de cette recherche l’étude des discours contemporains à l’égard de cette notion d’«espace intermédiaire» tient, comme on va s’attacher à le démontrer, dans la constatation d’une nouvelle dichotomie entre le regard particulièrement valorisant porté sur cette dernière par les «concepteurs» (architectes et urbanistes) en charge de l’aménagement urbain et un scepticisme très clair exprimé du côté de leurs «réalisateurs» (promoteurs en tête) -comme ce fut le cas avec la question des «hybrides résidentiels» abordée plus haut, la figure de l’élu arborant cette fois une posture plus ambigüe.

1) La valorisation sans équivoque des «concepteurs» Tout comme pour la notion de mixité programmatique, une majorité d’architectes et urbanistes semblent s’accorder sur la nécessité de réintroduire dans la production contemporaine du logement des espaces intermédiaires valorisés. Ce regard valorisant -a priori en contradiction avec les conclusions provisoires de la partie «émergence de la notion» dressant un état des lieux contemporain peu enviable pour cette notion- s’exprime ainsi de deux manières: d’abord par la valorisation de réalisations vernaculaires et étrangères perçues comme illustrant des exemples concrêts d’«espaces intermédiaires réussis» pouvant servir de références, ensuite par l’expression d’un diagnostic favorable à la résurgence de ces «espaces communs» dans la production contemporaine, qu’il soit «fédérateur» ou «de transition»

(a) Encensement de «réalisations de référence», vernaculaires et internationales Le cas de Magali Conus est dans ce cas intéressant à étudier, en ce qu’il révèle la manière dont la valorisation d’exemples de réalisations vernaculaires est à même de produire chez les concepteurs une forme de légitimation pour des projets à venir. Étudiante en architecture à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, cette dernière a basé l’entièreté de son mémoire de recherche sur la place des espaces intermédiaires à faire, selon elle, dans la conception d’opérations résidentielles (à plus forte raison, lorsque celles-ci intègrent une dose de mixité; on aura l’occasion d’y revenir). Le premier exemple qu’elle cite pour appuyer son argumentation est celui de la cour haussmannienne, «lieu d’intimité et de sociabilité» qu’elle décrit entre espace fédérateur (tables, plantes, etc...) et de transition («frontière entre la rue et l’intime»)(1). Cette valorisation de la cour parisienne en coeur d’îlot comme idéal d’«espace intermédiaire» qu’il s’agirait d’intégrer au coeur d’opérations contemporaines semble ainsi particulièrement répandue, comme le montre l’enthousiasme de M.Eleb exprimé par ces mots: «[Ce qui fascine avec le coeur d’îlot, c’est avant tout] ce prodigieux enchevêtrement d’activités et de bâtiments établis loin des regards, à l’abri du rideau de façades des immeubles de la rue. Là semble battre le poul de la ville. Ainsi, dans le tissu ancien, la quête de l’îlot, c’est l’exaltation de ces qualités; dans les nouvelles ZAC (Bercy, Reuilly...), c’est la recherche d’organisations capables de les retrouver.»(2). Ces qualités d’«espace commun partagé en coeur d’îlot», N.Michelin les voit jusque dans les quartiers de Shanghai voués à la disparition(3), représentant à ses yeux des «modèles passionnants de vie sociale» qu’il entendrait, par une juste configuration spatiale, «mettre en oeuvre dans nos quartiers». Dans un même ordre d’idée, ce même architecte voit-il dans les opérations de rénovation de coeurs d’îlots orchestrées au Danemark un potentiel exemple pour la réhabilitation des «coeurs d’îlots parisiens», qu’il souhaiterait «rendre communes et végétaliser»(4).

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Il est important de noter combien l’on sent poindre, derrière ces discours valorisants portés par certains concepteurs autour de ces réalisations, une forme de légitimation de projets futurs comme nous l’évoquions plus haut. Il importe ainsi d’indiquer que le discours actuel des architectes et urbanistes autour de cette notion d’«espace intermédiaire» ne saurait se limiter à une simple glorification de réalisations vernaculaires ou étrangères; mais qu’il est associé, le plus fréquemment, à un diagnostic favorable à la résurgence de ce type d’espaces, qu’il soit «fédérateur» ou de «transition», dans la production contemporaine d’ensembles résidentiels.

(b) Un diagnostic favorable à la résurgence d’«espaces intermédiaire» dans la production contemporaine d’ensembles résidentiels Ainsi, de nombreux architectes et urbanistes expriment-ils aujourd’hui la nécessité de réintroduire ce genre d’espace dans la production contemporaine du cadre bâti en s’appuyant sur des diagnostics qui, s’ils apparaîssent le plus souvent raisonnables, semblent pour autant difficiles à vérifier; ce qui aux yeux de ces mêmes concepteurs ne semble en rien entacher leur capacité à «légitimer» les projets auxquels ils sont associés. C’est ainsi que S.Chermayeff annonce qu’«après le grand retour de l’individualisme, il apparait une volonté de retrouver un peu de vie en communauté dans les habitations»(5), exhortant par là à l’insertion entre les lieux de l’«intimité» et de la «vie communautaire» des «éléments physiques entièrement nouveaux» (que l’on peut sans mal qualifier d’«espaces intermédiaires»). Il n’est ainsi pas rare de voir certains «concepteurs» invoquer un «souhait des habitants» supposé pour légitimer la réintroduction de ce genre d’espaces au sein de l’habitat, à l’image d’un Nicolas Michelin évoquant dans son ouvrage La Ville et ses Possibles l’«engouement pour les pique-niques de quartier, les apéritifs ou brunchs entre voisins» comme «autant d’éléments symptomatiques d’une volonté de créer ou de stimuler des formes de sociabilité à l’échelle du quartier, de l’îlot ou de l’immeuble»(6) ainsi que l’existence d’un «désir d’échange» chez les habitants («les expériences de jardins partagés» en témoignant(7)). Cette entreprise de légitimation de projets architecturaux et urbains recourant au soutien d’acteurs moins «conventionnels» de l’aménagement urbain ne se limite ainsi pas aux habitants; dans le cas de R.Magrou (architecte et journaliste), ce sont les travaux d’«ethnologues et sociologues, attentifs à ce qui se passe dans ces entre-deux [...] où se jouent les rapports à soi et aux autres» qui devraient inciter les maîtrises d’ouvrage publique comme privée à «rompre avec des programmes et des budgets qui délaissent les espaces communs» (8), eu égard au «regain d’intérêt pour une vie à partager en centre urbain». Il est intéressant de constater que, contrairement aux arguments avancés pour valoriser la production d’«hybrides résidentiels» explicités en amont par cette même catégorie d’acteur, ceux visant à mettre en lumière un climat propice à la résurgence de ces «espaces intermédiaires» ne reposent pas sur des données «quantifiables» (à l’image par exemple d’un intérêt économique potentiel de cette notion). Ils s’avèrent ainsi relativement indémontrables, ce qui incite à penser que ces «concepteurs» chercheraient plus à persuader qu’à convaincre du bien-fondé de cette notion.

(c) Réintroduire l’espace intermédiaire dans ses deux composantes: «fédérateur» et «de transition» Ainsi donc cette exhortation des «concepteurs» de la ville à reconsidérer l’introduction d’«espaces intermédiaires» dans la production contemporaine d’ensembles résidentiels esquisse-t-elle un désir de requalifier le développement d’espaces «fédérateurs» comme «de transition» au sein de l’habitat. 50


Pour ce qui est du premier cas de figure, il s’agit finalement d’un retour au mythe fondateur de cette notion explicitée plus haut, consistant à voir dans le développement d’espaces «microsociaux» un potentiel pour «rétablir l’existence d’une communauté de résidents»(9). C’est ainsi par exemple que J-P Vassal (architecte) se voit imposé par la situation actuelle la «nécessité d’espaces intermédiaires, d’espaces de service de grande proximité, d’espaces de rencontre»(10). Pour ce qui est du second, c’est un désir de retour à une forme de «gradation et de progressivité dans le passage du plus intime au plus public» qui est souhaitée par l’architecte, dont l’absence favoriserait «l’impression de brutalité que l’habitant ressent vis-à-vis de l’extérieur, du reste de la ville»(10). Il s’agit ainsi de rééxplorer «la richesse d’échanges et des combinatoires plurielles» que permettent la réintroduction de ces «entre-deux communs» en ville(11). Cette incitation à la redécouverte des espaces intermédiaires s’inscrit en réalité -comme on a pu le voir- dans un contexte de privatisation prononcée des espaces compris au coeur d’opérations résidentielles. nous allons maintenant nous attacher à montrer la manière dont les «concepteurs» valorisant cette notion expriment un rejet profond de cette «mode de la résidentialisation»(12).

(d) Combattre la «résidentialisation» par l’ouverture de l’espace intermédiaire sur l’espace public? «Deux mondes opposés, sans transition. L’individuel d’un côté, le collectif de l’autre. Entre les deux, la société dresse généralement beaucoup de barrières.» Aldo Van Eyck (13) Ainsi, si à l’image de Van Eyck nombre de concepteurs incitent à redévelopper les espaces intermédiaires au sein de l’habitat en l’ouvrant sur l’espace public, c’est avant tout pour combattre ces «frontières armées de digicodes» qui tendraient à constituer aux yeux de J.Lucan l’essentiel du paysage urbain contemporain en France(14). Arguant qu’un espace intercalaire pourrait fournir «le terrain commun grâce auquel des extrêmes incompatibles peuvent encore devenir des phénomènes jumeaux»(15), ces «concepteurs» avancent ainsi l’idée qu’un espace intermédiaire bien dessiné serait en quelque sorte en mesure de «remplacer la clôture» délimitant les espaces public et privé, jugée disgracieuse. On pourrait ici émettre l’hypothèse que cette croyance serait fondée sur deux aspects de la pensé architecturale contemporaine: le premier exprimant une forme d’«idéologie de l’ouverture» propre à ce champs professionnel (que nous supposions dans la formulation d’une première hypothèse en introduction), la seconde l’acceptation par ces «concepteurs» (et quelques élus, plutôt à gauche de l’échiquier politique) d’une certaine conception de ce qui fonde la «sécurité» d’un lieu. Ainsi, l’architecte-urbaniste N.Michelin se révèle-t-il l’une des références les plus fortes dans la mise en évidence de cette propension des concepteurs à valoriser l’ouverture sur l’espace public des espaces qu’il façonne, ce dernier insistant dans son ouvrage La Ville et ses Possibles sur cette «envie d’espace, d’ouverture, de vert [...] ressentie par chaque citadin lorsqu’il réalise qu’on peut bien vivre en ville»(16). Selon lui, cette «logique de limite franche sur le modèle haussmannien» visible à Paris tendrait à «rendre la ville hermétique». Il déplôre ainsi les clôtures et barrières comme autant de «fermetures et protections regrettables», en tant qu’elles «aseptysent la ville, la rendent dure et sans mystère»(17). En cela, il est rejoint par E.Girard (architecte), laquelle juge que la «suppression de la dimension poreuse de la ville conduit à un monde cloisonné»(18), invitant ainsi à ouvrir les cours d’immeuble sur la rue afin d’en offrir la jouissance à tout concitoyen. Comme on l’évoquait plus haut, cette apologie de l’espace intermédiaire ouvert sur la rue s’inscrit dans une considération relativement subjective de ce qui rend un lieu «sur». 51


Ainsi, si la réponse première apportée à cette question serait la clôture ou la barrière (afin de développer des «espaces protégés»), il est courant de voir chez les «concepteurs» ainsi que chez certains élus une propension à valoriser une autre conception de la «sécurité», s’appuyant sur ce que N.Michelin nomme «les ambiances urbaines» («un parc habité sera plus sur qu’un parc coupé de l’espace public»). L’’idée sous-jacente est que le «partage de l’espace, contrairement à sa clôture, est gage de sécurité»(19). Il est intéressant de voir que ce point de vue est ainsi partagé par F.Giboudeaux (élue EELV), laquelle déplorant la «période sécuritaire» dans laquelle on se trouve insiste sur l’aspect «sécurisant»pour les enfants et personnes agées d’emprunter des traverses en coeur d’îlots résidentiels plutôt que de contourner ces derniers par la rue(20). Si cette valorisation de l’ouverture opposée au phénomène actuel de «résidentialisation» peut sembler plus ancrée dans des considérations liées aux «espaces de transitions», elle s’applique en réalité tout autant aux «espaces fédérateurs» développés au coeur de l’habitat; certains voyant même dans l’ouverture sur la rue de ces derniers de nouveaux espaces publics potentiels, «de proximité» plutôt que de représentations, à l’image de M.Sabard (architecte)(21)). Pour autant, cet appel quasi-systématique à l’ouverture sur la rue des espaces intermédiaires (allant jusqu’à marquer profondément, comme on aura l’occasion de le démontrer, la production contemporaine d’«hybrides résidentiels») ne semble pas non plus faire l’unanimité au sein même de la profession architecturale et urbanistique, le même mettant en garde contre un effacement mutuel des caractères propres au coeur d’îlot et à l’espace public porté en germe par la valorisation de cette continuité(22). Ainsi donc, si cet ensencement contemporain de l’espace intermédiaire semble sans équivoque dans le milieu des professions architecturale et urbanistique (ainsi que chez certains élus de gauche), on ne saurait toutefois manquer d’aborder la manière dont cette catégorie d’espace est aujourd’hui perçue par le champs des «réalisateurs» identifiés en amont (maîtres d’ouvrages et promoteurs en tête), chez lesquels on observe, plus encore que ce ne fut le cas avec la notion de «mixité programmatique», une réticence à développer toute forme d’«espace fédérateur» ou «de transition» dans leurs opérations.

3) Le rejet contemporain de l’espace intermédiaire Si cet engouement pour les espaces intermédiaires n’est aujourd’hui pas partagé par tous, il convient ici d’identifier quels en sont les opposants les plus virulents, ainsi que les raisons qui poussent ces derniers à refuser le développement de tels espaces au sein d’opérations résidentielles. Si le milieu de la maîtrise d’ouvrage, et notamment de la promotion privée, semble particulièrement réfractaire à l’égard de cette notion, un autre aspect -le «désir des habitants»- pourtant évoqué plus haut comme en adéquation avec celui des «concepteurs» semble en réalité poser ici à nouveau question.

(a) Des «réalisateurs» rejetant l’espace intermédiaire «En construction neuve, nombre de maîtres d’ouvrages entendent aujourd’hui limiter, voire supprimer les parties communes d’immeuble, en multipliant les accès individuels aux logements. En outre, quand les réalisations comportent un espace en coeur d’îlot, ils n’en développent pas particulièrement les qualités de cour ou de jardin incitant à y rester entre voisin ou à y jouer.» C.Moley dans Les Abords du Chez Soi (23) Cette tendance à la diminution et à l’aseptysation des espaces partagés en coeur d’opération résidentielle semble effectivement marquer la production contemporaine du logement en France. 52


Mais là où l’architecte, animé comme on a pu le voir par un «discours plutôt nostalgique»(24), tend à valoriser le développement de tels espaces par l’évocation d’arguments plutôt liés à un procédé de «persuasion» (par la mention de données non quantifiables, telles que le «souhait des habitants», particulièrement ambigü comme on va s’attacher à le démontrer), ceux avancés par les tenants de la maîtrise d’ouvrage ou de la promotion immobilière s’avèrent bien plus solides et vérifiables, à l’image de celui concernant l’économie générale des projets qu’elle entend réaliser (un aspect comme on l’a vu tout à fait déterminant pour cette catégorie d’acteurs). Ainsi les «promoteurs privés, programmistes et maîtres d’ouvrages», recherchant avant tout des projets «rentables», tendent-ils vers une «diminution de la surface de lieux [...] considérés comme inutiles [tels que ces] espaces de transition entre la rue et le l’appartement»(25) (le rapport SHON (Surfaces Hors-Oeuvre Net, intégrant dans son calcul les parties communes) / SU (Surfaces Utiles, ne décomptant que les m2 associés aux logements) devant ainsi être le plus proche de 1). La distinction franche du statut des espaces -privés (privatif/commun) ou public (communal)- est aussi pour les maîtres d’ouvrages et gestionnaires requis le plus souvent pour des soucis de gestion (26)(27). «Qui entretien, qui paie?» est, aux dires de N.Michelin, la première question que se pose un aménageur confronté à ce genre d’espaces(28). On notera ici que ce souci exprimé par ces «réalisateurs» de l’espace urbain n’a en soi rien d’illégitime, la vertu d’un plan directeur d’urbanisme étant en principe de «fixer des îlots, des parcelles, et toutes sortes de limites entre l’espace public à la charge de la Ville et l’espace dit privé à la charge du propriétaire, du bailleur social, du promoteur ou encore de l’affectataire en tant que responsable d’un équipement public»(29). C’est le «concepteur», lorsque celui-ci propose un espace au statut peu défini, qui pose certaines questions difficiles à résoudre en terme d’économie générale des projets qu’il entend développer. Un autre argument important avancé notamment par cette catégorie d’acteurs valorisant la séparation franche avec l’espace public des espaces privés collectifs (mais pas uniquement) est celui de la sécurité, aspect donnant lieu à différentes interprétations comme on l’a vu plus tôt. Se faisant, ils expriment l’idée que la notion de «barrière» n’est pas fondamentalement mauvaise, emboîtant ainsi le pas à Jean-Bernard Pontalis, déclarant: «L’image de la clôture est aussi bien celle de la prison que du paradis, du dénuement que de la manne. Tout est là, tout manque, c’est selon.»(30) L’«urbanisme sécuritaire» aujourd’hui supposé à l’oeuvre ne se limiterait ainsi pas au seuls «réalisateurs» de la ville, mais irait jusqu’à marquer «l’ensemble des acteurs qui font la ville»(31) (hormis ses «concepteurs»(32)), influençant jusqu’au positionnement de certains élus en charge de l’aménagement urbain(33). Ainsi, si l’on était parvenu à mettre en évidence en amont l’existence d’une «idéologie de l’ouverture» marquant le discours de nombreux architectes, d’autres voient ici à l’oeuvre l’avénement d’une «idéologie sécuritaire [dépassant] largement le cadre du développement urbain»(comme nous l’évoquions plus haut)(34), ne laissant guère plus aux concepteurs désireux d’offrir la jouissance d’un coeur d’îlot au domaine public que la possibilité d’établir des «continuités visuelles» entre ces deux réalités urbaines(35).

(b) Quel «désir des habitants»? Dans cette analyse du positionnement des différents acteurs de l’aménagement urbain en France autour de cette notion d’«espace intermédiaire», il convient d’évoquer ici le cas particulièrement ambigü des «habitants» des-dîtes opérations résidentielles, dont le prétendu «souhait» est invoqué tantôt pour légitimer le développement d’espaces partagés au coeur de l’habitat, tantôt pour en justifier la suppression. Ainsi, si l’on a pu constater que certains «concepteurs» révèlent une tendance de la profession à s’inscrire dans ce premier cas de figure, la volonté supposée des «gens» de retrouver ce genre d’espace n’a en soi rien d’évident. 53


Il est ainsi intéressant d’évoquer le cas de N.Michelin, architecte jusqu’ici beaucoup cité, lequel reconnaît dans son ouvrage La Ville et ses Possibles que les «clôtures» et les «haies [marquant] bien les limites d’usage privé» ont été, dans le cas de la ZAC Paris-Rive-Gauche de C.de Portzamparc, légitimement demandées par les habitants pour leur quiétude»(36). Cet «a-priori défavorable pour tout ce qui a trait aux fronts communs» qu’observe de la même manière R.Magrou(37) semble ainsi démontrer que «l’habitant», loin d’apporter un soutien inconditionnel à cette notion d’espace intermédiaire, est capable de la rejeter de la même manière que nombre de «réalisateurs» de la ville. Il est pour autant riche de relever que ce rejet -lorsqu’il est acté par des acteurs plutôt portés vers la valorisation de ces derniers, à l’image de F.Giboudeaux (élue EELV)- ne remet aucunément en cause le bien-fondé de la volonté d’introduire de tels espaces dans la production contemporaine d’ensembles résidentiels, ce dernier étant imputé à une éducation à parfaire plutôt qu’à un réel manque de qualité des-dîts espaces. Il semblerait ainsi que le «désir des habitants» reste un facteur difficile à appréhender pour les «concepteurs» et élus en charge de l’aménagement urbain, autant que pour les «réalisateurs» de la ville (ce qui n’empêche en rien, comme on a pu le constater, l’évocation systématique de cet aspect par l’ensemble des acteurs dont nous traitons dans le présent papier).

(c) Des promoteurs acceptant le développement d’espaces intermédiaires? Au même titre que certains «réalisateurs» semblent enclins -malgré les difficultés- à réaliser des «hybrides résidentiels» sous certaines conditions, il semblerait que quelques-uns s’accordent également à accepter dans quelques opérations d’ensembles résidentiels l’intégration d’espaces partagés valorisés que l’on pourrait qualifier d’«espaces intermédiaires». Pour autant, on notera que cette propension à faire des concessions de la part des promoteurs privés s’exprime avec bien moins de force dans le cas des «espaces intermédiaires» qu’avec la notion développée plus haut de «mixité programmatique»; un constat justifiant sans doute la grande rareté des opérations développant des «espaces fédérateurs» ou «de transition» dans la production contemporaine du logement en France. Ainsi, si «certains promoteurs de logements imaginent dans leurs immeubles des studios aménagés en chambres d’amis gérés par la copropriété» et des «salles communes» aux habitants d’une même opération(39), c’est avant tout le développement de «terrasses à partager» qui semble aujourd’hui le plus valorisé par ces derniers(40), celui-ci occasionnant le moins de difficulté (le rapport SHON/SU évoqué plus haut par N.Michelin n’ayant pas à pâtir de l’augmentation de la surface dédiée aux espaces extérieurs, et leur réalisation coûtant en principe moins cher que celle d’espaces dits «clôts et couverts»(41)). Cette dynamique visant à valoriser l’espace extérieur -notamment lorsque l’espace intérieur individuel vient à manquer est par ailleurs caractéristique de l’évolution récente de la question du logement social, et rejoint la pensée d’Auzelle, déclarant en 1962: «plus le logement est petit, plus les prolongements du logis [individuels et collectifs] devront être importants et onéreux»(42). Ainsi donc, si la question de la «mixité programmatique semblait porter en germe les bases de sa résolution (les intérêts divergents des différents acteurs impliqués pouvant trouver, aux dires mêmes des plus réfractaires d’entre eux, une forme de réconciliation expliquant sans doute la prolifération contemporaine d’«hybrides résidentiels»), la notion d’«espace intermédiaire» s’avère aujourd’hui bien plus conflictuelle et irrésolue: les «concepteurs» semblant s’orienter vers une apologie sans concession de tels espaces et les «réalisateurs» ne trouvant finalement que peu de raisons de leur emboîter le pas. Si la figure publique de l’élu selon son orientation politique semble plus ou moins enclin à valoriser cette notion, son soutien s’avère dans tous les cas absolument déterminant dans le développement potentiel de tels espaces au coeur d’opérations résidentielles, comme nous allons maintenant nous attacher à le démontrer. 54


3. Modes de résolution: de la nécessaire implication du politique? Si cette dichotomie des discours et divergences de positionnement des différents acteurs de l’aménagement urbain semblent ainsi être à l’origine d’un statut quo particulièrement défavorable aux développements d’espaces intermédiaires dans la production contemporaine du logement en France, on relèvera cependant que l’implication forte de représentants du champs politique peut dans certains cas contribuer à débloquer la situation et permettre la réalisation d’opérations valorisant cette notion. Seront ainsi évoqués dans cette partie deux aspects déterminants pour ce qu’il conviendrait d’appeler les «modes de résolution possible» permettant de réintroduire l’espace intermédiaire dans l’habitat hexagonal: l’existence d’un cadre règlementaire potentiellement adapté au développement d’espaces intermédiaires en France (à la condition d’une implication forte d’une instance publique), et l’évocation des pistes aujourd’hui esquissées pour favoriser demain la prolifération de ces derniers au sein de la production d’ensembles résidentiels.

1) Un cadre règlementaire adapté au développement d’espaces intermédiaires? Il convient ici de s’attarder sur les travaux réalisés par deux avocats, M.Huet et A.Blandin, invités par N.Michelin à interroger l’aspect juridique et règlementaire permettant aujourd’hui de développer ce qu’ils nomment «espaces privés communautaires», décrivant par ce terme «tout espace dont le titre (de propriété) ou l’usage (locatif, jouissance) permet à plusieurs personnes d’en disposer»(1) (une définition comme on peut le voir proche de celle que nous nommons «espace intermédiaire»). Comme nous l’évoquions plus haut, le régime de copropriété «devenu, dans les grandes agglomérations, la norme»(2) s’avère absolument déterminant dans le développement d’espaces partagés valorisés par l’ensemble des habitants d’une opération résidentielle. Selon les deux avocats, c’est de ce même mode de propriété immobilière bien installé en France(3) (répartissant entre plusieurs propriétaires une «quote part des parties communes»(4)) que peut venir le développement d’espaces intermédiaires aux caractéristiques très variées. C’est ainsi que ce principe serait à même de permettre: - la valorisation et l’ouverture des parties communes existantes à tous les habitants de l’ensemble résidentiel(5) (par «l’aménagement de la terrasse de l’immeuble ou de sa cour»(6), par exemple) - La réunion de plusieurs parties communes appartenant à différentes copropriétés (à l’image de cours d’immeubles mitoyennes) pour «créer de nouveaux espaces communs» privés, eux aussi potentiellement aménageables («comme lieu de passage, de jeux, de détente»(7)) - L’ouverture de ces «espaces privés communautaire» au public, «réalisable sous réserve d’une volonté commune des propriétaires et de la ville, par le biais d’une convention organisant les modalités de cette jouissance, par le public, d’un espace privé»(8). Ceux-ci ajoutent qu’«à défaut de volonté» des propriétaires, l’instance publique peut «dans le cadre d’une politique urbaine, introduire le public au coeur d’espaces privés», notamment par l’implantation d’un équipement public «au sein d’un ensemble immobilier privé»(9). Ainsi donc, l’argumentaire des deux avocats nous permet-il de confirmer l’apport fondamental que peut représenter le soutien de l’élu pour tout architecte ou urbaniste cherchant à développer des «espaces intermédiaires» valorisés en coeur d’opération résidentielle: la «montée en puissance du droit de jouissance au détriment du droit de copropriété»(10) (privant les copropriétaires de la jouissance exclusive de certaines de leurs parties communes par l’instauration d’une servitude de passage public) permettant ainsi à ces «concepteurs» de concrétiser nombres de leurs souhaits explicités en amont (tels 55


que «réaliser des espaces partagés valorisés voulus fédérateurs» ou encore «développer de nouveaux espaces publics de proximité» en ouvrant l’espace commun privé à tout concitoyen...). On notera ici que les contreparties que la Ville se doit d’accepter envers les copropriétaires dans le cas de l’instauration d’une servitude de passage public sur une propriété privée (la contraignant à participer aux charges de nettoyage et d’éclairage» de celle-ci(11)), ainsi que les plaintes potentielles des propriétaires (le «désir des habitants» étant comme on l’a vu relativement mal assuré...) sont autant de facteurs mettant en lumière la volonté dont doit faire preuve l’instance politique qui décide de s’engager dans un tel projet. Comme l’indique N.Michelin, le développement de tels espaces nécessite ainsi une «politique locale très développée, basée sur une démocratie participative»(12).

2) Des pistes pour développer de nouveaux espaces intermédiaires «Je veux favoriser de nouvelles façons d’habiter, créer des espaces partagés dans les immeubles. Aujourd’hui sont partagés des buanderies, des jardins et, dans certaines résidences, des chambres d’amis. Pour mutualiser des espaces et permettre la construction de logements plus nombreux dans un immeuble, nous voulons proposer la mise à disposition et le partage d’autres pièces (bureaux, salle de jeu...). Ces configurations ne sont pas adaptées à tous les types de logements mais elles offrent des solutions pour «posséder moins, individuellement» et pouvoir «utiliser plus, collectivement» Anne Hidalgo, dans Paris Qui Ose, Mon projet pour Paris 2014-2020(13) Comme nous venons de le démontrer, si le cadre légal parait aujourd’hui permettre en France le développement d’espaces intermédiaires valorisés en coeur d’opérations résidentielles, l’implication d’une instance politique peut s’avérer déterminante pour convaincre les plus réfractaires des opposants à cette notion («réalisateurs» et habitants, parfois?). Et si l’on considère l’énergie avec laquelle l’actuelle maire de Paris semble défendre celle-ci, on peut s’attendre à une évolution positive du statu quo entourant aujourd’hui cette notion. Plusieurs pistes sont aujourd’hui étudiées par le champs des «concepteurs» de la ville ainsi que de quelques élus acquis à cette cause pour proposer des solutions aux problèmes évoqués plus haut, au nombre desquels «l’abandon du parcellaire» porté en germe par les opérations récentes dites de «macrolot» et le principe d’«habitat participatif», que l’on va maintenant s’attacher à expliciter. Ainsi, le principe du découpage parcellaire délimitant des propriétés privés au sein d’un même îlot (et segmentant des «cours» et «jardins privés» parfois à l’intérieur d’un même ensemble résidentiel) est-il aujourd’hui questionné par certains architectes, y voyant un outil «qui divise et régente le partage de l’espace parfois de façon absurde». Pour éviter cette situation et encourager la réalisation d’espaces partagés à même de réinvestir la notion d’«unité de voisinage» (comme on l’a vu, indissociable de celle d’«espace fédérateur»), N.Michelin invite à repenser les opérations résidentielles non plus à l’échelle de la parcelle, mais «plus largement à celle de l’îlot»(14). Ce plaidoyer a cela d’intéressant qu’il s’inscrit plus ou moins volontairement dans la valorisation d’un outil d’aménagement devenu aujourd’hui la norme au coeur des ZAC françaises: le macrolot. Défini par C.Sabbah comme une «unité d’opération qui efface la parcelle»(15), ce mode opératoire sera plus longuement défini et questionné dans la partie «I/C/ Les espaces communs au coeur d’hybrides résidentiels/mode de résolution».

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Enfin, certains discours récents esquissent un nouveau mode d’aménagement potentiellement favorable au développement d’«espaces intermédiaires» en coeur d’opération résidentielle: l’habitat participatif. Pensé comme un «regroupement d’individus ayant les mêmes valeurs»(16), ce procédé suggère de faciliter l’accession à la copropriété de personnes ayant décidé de vivre ensemble au préalable au sein d’un même ensemble résidentiel valorisant les services communs (tels que des salons, cuisines communes, etc...). Ce système nouveau a cela d’intéressant qu’il induit ainsi le développement d’«espaces fédérateurs réalistes», qui, à l’inverse des opérations plus ordinaires visant idylliquement à «diminuer la distance sociale par un rapprochement spatial», proposent simplement la matérialisation de cette «proximité sociale» d’ors et déjà affirmée au sein de ces groupes constitués, par le développement d’espaces communs de qualité. Remarquant toutefois le risque d’enfermement sur soi que peut représenter ce genre d’opérations, F.Giboudeaux insiste sur la nécessité d’éviter l’«entre soi» par l’introduction de quelques logements sociaux au sein de ces opérations(17).

Conclusion: Ainsi donc, nous avons pu mettre en évidence une même divergence des positionnements des «concepteurs» et «réalisateurs» de l’aménagement urbain autour de la notion d’«espace intermédiaire» qu’avec celle de «mixité programmatique». L’exhortation exprimée par une grande majorité d’architectes et d’urbanistes à la réintroduction dans la production contemporaine d’ensembles résidentiels d’espaces partagés «fédérateurs» ou «de transition» hors de la cellule du logement (et potentiellement ouverts sur l’espace public) semble ainsi constituer une première confortation de la seconde hypothèse émise dans la partie «Introduction» et faisant état d’une certaine «idéologie du partage et de l’ouverture» propre à ces catégories professionnelles. Dans un même ordre d’idée, la manière dont les «réalisateurs» de la ville (promoteurs en tête) s’opposent quasi-unanimement à ce principe d’«espaces intermédiaires» jugé inutiles conforterait nôtre troisième hypothèse, estimant l’opposition de «la quasi-totalité des autres acteurs concernés [...] à ce principe de partage et d’ouverture prétendument valorisé par les architectes et urbanistes». La position cette fois plus ambigüe de l’édile autour de cette question n’empêche pas ce dernier d’avoir dans le développement de telles opérations un poids fondamental: son soutien (plutôt observé a priori lorsque ce dernier est situé à gauche de l’échiquier politique), augmenté des leviers règlementaires et financiers que lui seul semble à même de pouvoir actionner, permettant là encore une forme de résolution de ces contradictions amenant au développement d’«espaces intermédiaires» valorisés au coeur d’opérations résidentielles. Maintenant que nous avons introduit les deux notions de «mixité programmatique» et d’«espace intermédiaire» profondément liées à cette recherche, nous allons aborder la manière dont leurs représentations propres à chacune de ces catégories d’acteurs semblent aujourd’hui effectuer un croisement au sein de la notion d’«espace commun en coeur d’hybrides résidentiels», crystallisant de fait autour de celle-ci les antagonismes marquant leurs positionnements respectifs.

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C/ L’espace commun en coeur d’hybride résidentiel Enjeux: Révéler les positionnements des différents acteurs de l’aménagement urbain autour de cette notion issue du croisement entre celles de «mixité programmatique» et d’«espace intermédiaire», et évaluer les outils contemporains susceptibles de permettre le développement d’«espaces communs en coeur d’hybrides résidentiels» dans la production actuelle du cadre bâti. Renvoyant à tout espace commun à différents programmes au sein d’un ensemble résidentiel à programme mixte (comme introduit dans la partie «Terminologie»), cette notion proposée dans le cadre de cette recherche semble trouver son origine dans le croisement récent des deux notions que nous avons pris le temps d’expliciter longuement jusqu’ici. Cette notion, «hybride» elle aussi, est aujourd’hui particulièrement présente dans le discours contemporain des nombreux acteurs de l’aménagement urbain; sans qu’une formulation précise n’ait encore été arrêtée pour la définir, tendant ainsi à exprimer de nouveau sa filiation avec les notions dont elle est issue de «mixité programmatique» et d’«espace intermédiaire». Aux vocables d’«espaces libres mutualisés», d’«espaces neutres», de «vides à partager», d’«espaces mixtes» ou encore d’«espaces partagés» employés tantôt pour évoquer la notion afférente à cette recherche, on préférera ainsi celui d’«espace commun», valorisé et investi par les différents occupants de l’«hybride résidentiel». Ce terme flou renvoyant autant à des dispositifs spatiaux qu’à des considérations sociales (à l’image de la notion d’«espace intermédiaire») semble crystalliser à la fois l’enthousiasme que ces deux notions parentes ont tendance à provoquer chez les «concepteurs», et le scepticisme qu’elles peuvent inspirer aux «réalisateurs» de la ville, comme on s’attachera à le démontrer dans un premier temps. Ensuite, on s’attardera sur le cas d’un principe d’aménagement particulièrement important dans le cadre de cette recherche, le «macrolot», en s’interrogeant sur la dimension que ce dernier (avec d’autres outils moins usités, mais donnant toujours à l’instance publique une place centrale) semble permettre une forme de résolution des antagonismes observés dans les positionnements de ces différents acteurs pour permettre le développement contemporain d’«espace commun en coeur d’hybrides résidentiels» en France.

1. Plébiscite et réticence: les positions divergentes des différents acteurs confortées par la rencontre de ces deux notions «conflictuelles» 1) Le plébiscite des «concepteurs» de l’aménagement urbain Sans surprise, c’est à une véritable apologie de cette notion d’«espace commun» que semble se prêter une part non négligeable de la profession architecturale en France, une catégorie comme on l’a vu particulièrement portée à la valorisation des deux notions qui lui sont proches de «mixité programmatique» et d’«espace intermédiaire». Dans ce discours majoritairement porté sur l’enjeu social représenté par le développement de tels espaces en coeur d’hybrides résidentiels, on sent ainsi poindre l’éclosion des deux mythes fondateurs identifiés plus haut: recréer un lien social entre les usagers des différents programmes par l’élaboration d’un «espace commun» pensé «fédérateur», et permettre l’imbrication fine de programmes contradictoires par l’introduction -entre eux- d’un «espace commun» pensé «de transition». 58


a) «L’espace commun fédérateur»: retrouver un lien social au coeur d’«hybrides résidentiels»? Comme nous l’évoquions en amont, il n’est pas rare aujourd’hui que soient associées à la notion de «mixité programmatique» des qualités sociales dans le discours des «concepteurs», lesquels insistent notamment sur le «brassage des populations» que permettraient l’application de ce principe à l’échelle d’un quartier. Tout porte à croire que lorsque l’échelle de l’opération envisagée s’affine jusqu’à aborder la question d’une mixité programmatique à l’îlot voir au bâtiment, ce même discours évolue progressivement vers une considération du «lien social» que l’on souhaiterait retrouver au coeur même de l’«hybride résidentiel», entre les différents programmes (1). Cette dimension sociale ainsi pensée comme inhérente à la question de la mixité programmatique (en tant qu’elle «suppose tout un questionnement sur le vivre ensemble»(2) était déjà abordée en ces termes par R.Gailhoustet dans l’ouvrage de M.Eleb Urbanité, Sociabilité et Intimité, Des Logements d’Aujourd’hui, exprimant en 1997 l’évident «intérêt social» que peut représenter l’articulation dans un «même ensemble bati» des «habitations avec d’autres programmes: lieux de travail, commerces, équipements»(3). C’est aussi le cas de M.Conus, étudiante en architecture à l’EPFL ayant consacré l’entièreté de son travail de recherche intitulé Favoriser la mixité dans l’habitat par l’espace intermédiaire (2012) à cette question; laquelle affirme qu’«il faut plus qu’une simple diversité de programme pour créer de la mixité», s’interrogeant sur les «échanges possibles entre divers occupants d’un même lieu (de travail, d’habitation, de loisir), n’ayant pas forcément les mêmes intérêts ou buts»(4). Il est ainsi tentant de voir dans ces discours de «concepteurs» une forme de retour à la mythologie de l’«espace intermédiaire pensé fédérateur», appliqué cette fois à ce que nous nommons dans cette recherche «espace commun»: c’est ainsi que Tania Conko (urbaniste) présentant sa proposition pour la rénovation des entrepôts industriels Calberson revendique le dessin d’«espaces communautaires» associant des «habitations de jardins» à des «services de proximité» (tout cela dans une logique de «densification par l’accumulation de programmes»(5)) tandis que la revue ArchiCree voit dans ce type de «mixité programmatique» une potentielle réponse à cette quête par l’habitant d’un espace de sociabilité: «chaque individu -toutes générations confondus -familles éclatées, étudiants isolés, personnes âgées...- [...] de la convivialité du village originel»(6). Cette approche culturaliste s’employant à encenser les formes urbaines anciennes -comme on l’a vu tout à fait emblématique des discours des «concepteurs» autour des notions de mixité programmatique et d’espace intermédiaire- semble ainsi se perpétuer lorsqu’il est question de cette catégorie d’«espace commun fédérateur», certains exemples de références vernaculaires portés aux nues dans les deux cas précédents se voyant ici tout à fait consacrés (à l’image de l’immeuble haussmannien, dont on espère voir naître une «nouvelle version» par le développement d’hybrides résidentiels comprenant des «espaces de rassemblement et d’échanges directement pensés au sein de l’édifice [et impliquant] l’insertion croissante de nouvelles fonctions, qui ne sont plus cantonnées au RDC»(7)). Il convient sans doute ici de relever la manière dont plusieurs des concepteurs cités dans la première partie de ce mémoire et chez lesquels on a pu noter une propension à valoriser conjointement ces deux notions poursuivent cette logique pour se faire les plus ardents défenseurs de cette idée d’«espace commun en coeur d’hybride résidentiel». C’est particulièrement le cas de N.Michelin, lequel voit ainsi dans cette catégorie d’espace un dispositif à intégrer autant dans des projets nouveaux d’écoquartiers(8) que de rénovation urbaine, évoquant ainsi pour les «villes de la 1e couronne» de Paris disposant «d’îlots «inachevés» [le lieu propice à] une densification multifonctionnelle [...] tout en créant un espace intérieur en potentiel social et paysager à la fois important et inexploité»(9). 59


Cette considération d’«espaces communs» renouvelant le thème de l’«espace fédérateur» amène inéluctablement, comme dans le cas évoqué plus haut, à la question de la continuité éventuelle de ceux-ci avec la rue. C’est ainsi que de nombreux «concepteurs» voient dans le procédé d’«ouverture de l’espace commun» (que l’on qualifiera plus loin de propre aux «hybrides résidentiels ouverts») un potentiel pour l’avènement de nouveaux espaces publics. Steven Holl (architecte), par exemple, s’attache ainsi dans l’ouvrage This is Hybrid à décrire l’«hybride résidentiel» comme un lieu se nourissant de la rencontre entre les espaces public (social) et privé (intime)(10). Revendiquéé comme un aspect fondamental de tout ensemble résidentiel à programme mixte, cette porosité souhaitée permettrait ainsi de développer de «nouvelles zones piétonnes» pouvant développer autant «d’activités liées à l’habitat, au travail aux loisirs et à la culture» à même de fonder de «nouvelles communautés» (11). Comme on le montrera dans les parties «II/A/Terrain général» et «II/B/Études de cas», cette tendance à rechercher l’ouverture de l’«espace commun en coeur d’hybride résidentiel» sur l’espace public par les «concepteurs» de l’aménagement urbain est toujours bien active dans la production contemporaine de ce genre d’opérations. S’attachant à réaliser sur l’île de Nantes un projet d’«hybride résidentiel» en tout point comparable à cette définition (et sur lequel on reviendra dans la partie «II/A/4) L’hybride résidentiel ouvert»), U.Napolitano (architecte) emboite le pas à S.Holl en insistant sur la nécessité pour ces nouveaux espaces publics d’intégrer d’autres programmes que le seul habitat, sous peine de ne développer des espaces uniquement «résidentiels» («quand il n’y a que du logement, l’habitant ressent immédiatement comme étranger tout individu extérieur arpentant sa cour»). L’«hybridation» de ces espaces avec des «fonctions plus publiques (du commerce, de la restauration, etc.)» devient importante pour «qu’on sente que cet espace a plusieurs propriétaires, et qu’il perde justement son caractère strictement résidentiel»(12). C’est ainsi l’occasion d’un retournement intéressant, la «mixité programmatique» permettant à «l’espace intermédiaire» de gagner en qualité. Comme on va maintenant s’attacher à le démontrer, c’est ordinairement l’inverse qui est revendiqué dans le cas d’«hybride résidentiel»; le développement d’ «espaces communs pensés de transition» permettant à des programmes antagoniques de s’articuler harmonieusement au sein d’un même ensemble.

b) «L’espace commun de transition»: permettre la coexistence harmonieuse de programmes contradictoires au sein d’un même «hybride résidentiel»? En effet, il est possible de voir poindre dans les discours contemporains autour de la notion d’«espace commun en coeur d’hybride résidentiel» un autre idéal, le même que celui avancé par Van Eyck lorsqu’il exhorte ces confrères à «établir l’in-between pour réconcilier les polarités en conflit»(13): celui de voir par l’introduction d’«espaces communs» finement articulés la concilitation de programmes disparates au sein d’un même «hybride résidentiel». C’est à cet idéal que semble nous amener M.Conus, laquelle affirme que «pour créer une mixité, il faut permettre le contact entre les gens, le rapprochement, tout en gardant suffisamment de distance pour préserver une intimité et pour que la personne garde sa sphère privé»(14). N’oublions pas que ce souci d’une gradation du public à l’intime est partie prenante de nombreux travaux relevés plus haut et développement ce thème de «l’espace de transition», qu’exprime tout à fait cette étudiante en architecture lorsqu’elle s’interroge sur la manière de faire fonctionner «un espace privé donnant sur un espace public» au sein de ce même genre d’opérations(15). C’est fort de ces réflexions qu’elle affirme par la suite que les «espaces intermédiaires peuvent favoriser la mixité dans des bâtiments majoritairement résidentiels»(16). 60


On notera par ailleurs que cette considération d’«espace commun pensé de transition» permettant à différents programmes de s’articuler au sein d’«hybrides résidentiels» a aussi le plus souvent pour objet de faire accepter à ses habitants/occupants une forme de densification urbaine, comme on l’a vu plus haut indissociable de cette notion de mixité programmatique. C’est ainsi que P.Bonnin (directeur de recherche au CNRS) évoque la «densification spatiale et temporelle des rencontres» comme le «paradoxe perpétuel de la ville et de l’immeuble», impliquant de «rendre cet habitat vivable par l’usage de «dispositifs assurant un maximum de séparation possible entre des territoires dévolus à des groupes sociaux différents -principalement des appartements où résident familles et ménages, mais aussi des ateliers et fabriques, des commerces et lieux d’échange, de circulation, des communs et espaces publics»(17). On le voit, on est ici assez loin de la notion d’«espace commun fédérateur développée plus haut. Cette exhortation à la densité s’accompagne ainsi souvent dans le cas d’«hybrides résidentiels» d’une considération de l’espace intercalaire permettant à celle-ci d’être bien vécue par les habitants; indiquant que «le confort urbain passe par la proximité, la mixité programmatique et la qualité de l’espace publique», S.Textier (historien), affirme-t-il ainsi que «la densification d’un tissu urbain constitué passe d’abord par [...] la création de vides à partager»(18). À nouveau, il semble intéressant de relever combien les voix s’élevant du champs professionnel architectural et urbanistique par le biais des revues, ouvrages et publications divers semblent toutes tendre vers une valorisation prononcée de cette notion encore relativement peu assise d’«espace commun en coeur d’hybride résidentiel», sans que la voix de quelques instances politiques de droite comme de gauche ne se fasse entendre dans ce qui semble être un plaidoyer particulièrement vindicatif et exclusif aux «concepteurs» d’ensembles résidentiels à programme mixte. Comme on pouvait le supposer, la position des «réalisateurs» de ce genre d’opération, à l’image de leurs homologues, tend à confirmer celles élucidées en amont concernant les notions parentes de celles d’espace commun; à savoir un rejet profond de ce genre de dispositif dans les projets qu’ils entendent réaliser.

2) L’impossible espace commun entre les différents programmes: la position des «réalisateurs»? Il est intéressant d’observer les arguments avancés par les différents acteurs de la construction à l’égard du développement de ce principe d’«espace commun» à différents programmes en coeur d’hybride résidentiel. Car si des arguments que l’on pourrait qualifier de sociologiques ont été principalement avancés par le milieu des «concepteurs» (un champs qui, s’il concerne très directement la pratique de l’architecte et de l’urbaniste, n’est pas a priori leur domaine de prédilection), sinon incantatoires et relativement difficiles à «quantifier», le milieu des «réalisateurs», plus hostile à cette notion, semble quant à lui plus enclins à avancer des arguments plus «terre-à-terre» et quantifiables (à l’image de l’aspect économique des projets considérés, une constante de la promotion immobilière comme on a pu le démontrer en amont, et un champs faisant d’une certaine manière partie des prérogatives de ce milieu professionnel). Sont ainsi particulièrement mis en avant deux arguments par cette catégorie d’acteurs, que nous allons maintenant nous attacher à développer: d’abord, celui d’un besoin de clarifier la propriété des espaces développés au sein d’hybrides résidentiels (pour des questions d’entretien et de sécurité), ensuite celui de l’intérêt mesuré que peut représenter pour le maître d’ouvrage le développement d’«espaces servants mutualisés» entre différents programmes (qu’il conviendra de dissocier des «espaces communs», comme nous nous attacherons à le démontrer. 61


a) «Rester chez soi»: la volonté d’éviter les espaces partagés pour des soucis de gestion et de sécurité Ainsi donc, le PUCA indique-t-il par la voix de F.Miallet (architecte) dans son dossier Mixité fonctionnelle et flexibilité programmatique la volonté première de chaque investisseur de pouvoir «définir visuellement son volume construit», comprendre être en mesure d’identifier au premier coup d’oeil ce qui lui appartient et ce qui est la propriété de son voisin(1). Cet impératif a pour lui un bien-fondé indiscutable, en ce qu’il lui permet d’évaluer les espaces qu’il aura à sa charge, comprendre dont il devra à terme financer l’entretien. C’est la raison fondamentale pour laquelle «chacun veut être chez soi avec son adresse et le moins possible interférer avec son voisin pour l’entretien des parties communes»(2). Comme on aura l’occasion de le démontrer plus tard, ce souci de clarifier les modalités de gestion au sein des ensembles résidentiels à programme mixte s’avère l’un des facteurs déterminants pour expliquer la grande rareté d‘«espaces communs au coeur d’hybrides résidentiels» ne jouissant pas d’une servitude publique (et ainsi, dont l’entretien n’est pas en partie pris en charge par la municipalité). Un autre argument avancé par les investisseurs dépréciant ce partage d’espace commun par différents programmes en coeur d’hybride résidentiel est celui de la sécurité; ainsi, les propriétaires d’un immeuble de bureaux préfèreront-ils disposer d’une entrée qui leur est propre, avec un «accès par badge règlementé», afin de s’assurer contre les vols ou encore contrôler la présence des individus étrangers à leur service au sein de leurs locaux(2). Le promoteur ayant été défini plus haut comme un «agent social» dont l’intérêt est d’abord la vente des espaces qu’il construit, on comprend que ce dernier s’attache d’abord à proposer aux investisseurs un produit en adéquation avec leurs attentes.

b) Mutualiser des espaces de service? «Je ne sais pas si les habitants sont contents de croiser d’autres occupants, en bref, s’ils réclament la mixité [...]en tout cas les utilisateurs de bureaux aiment bien évoluer dans un univers professionnel et ne pas croiser des poussettes.» Olivier Haye, directeur de la maîtrise d’ouvrage de la foncière Gecina dans l’article «éloge du mélange» de la revue ArchiCree(3) S’il est plutôt rare de constater dans le discours de maîtres d’ouvrages des recours à ces données que l’on pourrait qualifier de «peu quantifiables» (lesquelles recouvrent, comme on a pu l’observer, le discours des «concepteurs» de la ville), l’évocation relevée ici d’un présupposé «souhait des occupants» (de bureaux, plutôt que d’habitants cette fois-ci) montre bien la réticence forte exprimée par les «réalisateurs» d’hybrides résidentiels à l’idée de développer des «espaces communs» valorisés au sein de leurs opérations. Il convient ainsi d’établir une distinction entre deux notions proches l’une de l’autre et recouvrant toutes deux l’idée de «mise en commun» d’espaces associés à différents programmes en coeur d’hybride résidentiel: celles d’«espaces mutualisés» et d’«espace commun» (comme indiqué dans la partie «Terminologie»). Ainsi, si la notion d’«espaces mutualisés» intègre celle de mise en commun d’espaces dont l’appartenance ne relève pas d’un seul et même propriétaire (ou groupement de co-propriétaires) mais de plusieurs, elle ne présupposer comme la notion d’«espace commun» la même considération d’usages valorisés. On parlera ainsi de mutualisation d’espace de services» (plutôt résiduels; le terme «mutualisation» renvoyant à une mise en commun de ressources pratiques en vue d’améliorer le fonctionnement d’une opération). 62


Il semblerait ainsi que la notion d’«espaces mutualisés» soit moins honnie que celle d’«espace commun», certains maîtres d’ouvrage lui reconnaissant même des qualités économiques liées à une forme d’optimisation de l’«hybride résidentiel». C’est ainsi qu’est souvent invoquée, par exemple, l’«opportunité d’optimiser le nombre de places de parking et de rentabiliser un service de gardiennage»(4) (la revue ArchiCree observant un passage «de la théorie à la pratique» dans ce domaine, l’idée étant de «loger sur les mêmes places [...] les voitures des résidents utilisées la journée et celles des occupants des bureaux qui stationnent de 8h à 18h»(5)) L’idée est ainsi de développer des «îlots intelligents, où la mixité autorise le partage des moyens»(6). Ainsi, si à l’inverse de la notion d’«espace commun» un consensus semble plus aisément atteignable entre «concepteurs» et «réalisateurs» de l’aménagement urbain dans le cas d’«espaces mutualisés», la réalité est toute autre; et ce principe de «mutualisation d’espaces servants» s’avère plus difficile à mettre en oeuvre qu’il n’y parait, notamment pour des questions règlementaires. Ainsi, pour Laurent Fuhs (expert en sécurité incendie), il est par exemple impossible de «mélanger les dégagements [ou issues de secours des différents programmes] et cette séparation obligatoire consomme de la surface. C’est aussi le cas des installations techniques qui ne peuvent pas être communes»(7). Les promoteurs fustigent dont une «diminution de la «rentabilité» des surfaces» impliquée par la «distinction obligatoire des gaines techniques, des cages d’’escaliers et des halls d’entrées» comme autant de «parties communes -mais non partagées- qui mangent l’espace utilisable par les bureaux ou par les logements»(8). Pour autant, ces réticences des promoteurs et investisseurs ne sont autres qu’«intellectuelles», et il suffirait pour «mélanger les usages [de] jeter des passerelles entre des règlementations pas toujours cohérentes entre elles»(9). Ainsi donc, même si l’antagonisme des positionnements des différents acteurs de l’aménagement urbain mis en évidence jusqu’ici -«concepteurs» et «réalisateurs»- semblent marquer une opposition assez brutale autour de cette notion d’«espace commun en coeur d’hybrides résidentiels», il n’en reste pas moins qu’une forme de résolution de la situation paraît exister aujourd’hui en la présence d’un outil d’aménagement contemporain particulièrement usité dans la production actuelle d’ensembles résidentiels à programme mixte et réservant à l’instance publique une place non négligeable: le macrolot.

2. Les modes de résolution d’une équation complexe: la part du politique et le macrolot 1) Présentation du principe de macrolot D’ors et déjà introduit dans le cadre de cette recherche et développé plus en amont dans le cadre de l’étude approfondie du cas du «Macrolot B2» du Trapèze de Boulogne-Billancourt, le macrolot est un outil-phare de l’aménagement urbain contemporain dans l’hexagone, allant jusqu’à constituer aux yeux de J.Lucan la «pensée unique de l’urbanisme en France»(1). Défini par ce dernier comme un «îlot constitué de plusieurs programmes (logements en accession à la propriété, logements sociaux, bureaux, équipements) donc de plusieurs maîtres d’ouvrage, programmes conçus par plusieurs architectes»(2), ce dernier représente comme on a pu l’évoquer précédemment un outil fondamental pour favoriser le développement d’«hybrides résidentiels», en tant que sa propension à valoriser la concertation permanente («les programmes 63


étant coordonnés tant du point de vue de la maîtrise d’ouvrage que de la maîtrise d’oeuvre» et «des réunions faisant se retrouver régulièrement tous les acteurs pour les prices de décisions essentielles»(3)) -trouvant ainsi une grande correspondance avec le principe d’«urbanisme négocié» défendu par N.Michelin et évoqué plus haut- et sa capacité à gérer le développement de programmes aux temporalités a priori différentes («les opérations sont toutes réalisées dans la même temporalité[...] afin que la livraison d’un programme ne puisse pâtir du retard d’un autre programme»(4)) étant autant de réponses aux difficultés traditionnellement observée dans l’introduction d’une «mixité programmatique» au coeur d’opérations résidentielles. Avec ce genre d’outil comme dans tout type d’opérations issue d’une ZAC (Zone d’Aménagement Concerté, un procédé lui aussi évoqué plus haut), l’instance publique garde une place prépondérante: elle conserve ainsi son rôle de «maîtrise d’ouvrage urbaine [...] via les SEM d’aménagement» (ou Société d’Économie Mixte, issue de Partenariat Public-Privé ou PPP), lui donnant le dernier mot sur l’élaboration d’un «plan d’ensemble, l’affectation des terrains, la définition des équipements et des espaces publiques, etc.»(5). On notera cependant que, comme l’indique J.Lucan dans son ouvrage Où va la ville aujourd’hui (2012), que le poids des maîtres d’ouvrage privés devient aujourd’hui prépondérant(6) (un aspect sur lequel on reviendra dans le cas du Trapèze de Boulogne). On notera également que ce procédé facilite la mutualisation d’espaces servants comme celui du développement d’«espaces communs» (le dépôt de permis de construire «groupés» permettant de «regrouper des lots de construction sur une entité foncière -sous la forme d’une Société civile immobilière- [permettant ainsi] une mutualisation plus facile du stationnement automobile en sous-sol et des espaces libres intérieurs à l’îlot»(7), notamment en en facilitant la gestion). Ce développement d’espace commun aux différents programmes que J.Lucan nomme «espaces libres mutualisés» est rendu possible par un autre aspect du macrolot: «l’unité d’opération étant l’îlot» implique une forme d’abandon progressif du découpage parcellaire(8) (les méga-îlots du Trapèze oscillant ainsi entre deux et quatres parcelles par îlots, soit très peu); un aspect comme on l’a vu particulièrement bénéfique au développement d’«espaces intermédiaires de transition» (et revendiqué là encore, par N.Michelin). Ainsi donc, le macrolot semblerait en mesure de permettre le développement d’espaces communs valorisés -à la fois «fédérateur» et de «transition» en coeur d’hybrides résidentiels; justifiant ainsi qu’on s’attarde plus longuement en partie «II/B/ Études de cas» sur l’exemple du Macrolot B2 du Trapèze de Boulogne-Billancourt. Pour autant, ce principe d’aménagement urbain particulièrement répandu aujourd’hui en France ne fait pas l’unanimité, et fait l’objet de critiques de plus en plus nombreuses jusqu’au sein même des discours de celui qu’on pourrait qualifier de «plus grand théoricien»: Jacques Lucan.

2) Critique contemporaine de ce principe d’aménagement Ayant grandement contribué à asseoir la large acceptation du principe de «macrolot» et de son énoncé dans l’ensemble des milieux touchant à la production du cadre bâti par la publication de l’ouvrage évoqué plus haut(comme l’exprime l’emploi de ce terme aujourd’hui par une grande majorité des «concepteurs», «réalisateurs» et élus en charge de l’aménagement urbain), Jacques Lucan s’en est aussi fait depuis lors l’opposant le plus vindicatif. Sont ainsi remis en cause par ce dernier la relative pauvreté des «espaces communs» comme des «espaces mutualisés» développés en coeur d’hybrides résidentiels par le biais de cet outil, la surimbrication infondée des programmes en milieu peu dense, les problèmes de gestion liés à la réalisation de telles opérations et surtout l’inertie encore sous-évaluée du macrolot, auquel il impute un manque dramatique d’évolutivité. 64


Le premier argument avancé est donc celui de la dévalorisation de ces «espaces libres mutualisés» (un vocable employé par Lucan et recouvrant les deux notions distinguées dans cette recherche: «espace commun» et «espaces mutualisés». Ainsi celui-ci exhorte-t-il à réinterroger «le mot de mutualisation», eu égard à la pauvreté, à la tristesse et à la dimension inappropriable des espaces communs aux différents programmes développés dans les-dits macrolots(9)(10). Pour ce qui est de la mutualisation d’espaces servants, par exemple dans le cas des parkings, celui-ci indique qu’«on peut à la rigueur trouver une rampe commune mais ensuite chacun à son parking particulier»(11). Ce dernier déplore ainsi le fait que «ce qui avait été imaginé comme espace partagé est [...] souvent moins ambitieux au moment de sa réalisation(12), regrettant que l’usage de ces «espaces libres mutualisés» soit «loin d’être déterminés de façon assurée», certains dispositifs étant «d’ors et déjà relégués au rang de voeux pieux» (13). L’architecte R.Labrunye déplore lui aussi dans la revue Criticat l’aseptysation de ces espaces partagés, la «coordination» valorisée ne permettant aucunément de concrétiser l’«intensité», les «rencontres audacieuses» ou les «synergies entre les différentes activités» que serait en principe à même de produire ces macrolots(14). Les exemples nombreux auxquels ces propos sauraient être rapportés -tels que le Monolithe de Lyon ou l’îlot B3C3 de la ZAC de l’Amphithéâtre de Metz, seront explicités et développés dans la partie «II/A/Terrain général». Le second argument avancé par J.Lucan dans sa stratégie de démystification du macrolot tient dans la dimension absurde que revêt à ses yeux la surimbrication des programmes à l’oeuvre -même «dans des quartiers peu denses»- dans le développement d’«hybrides résidentiels» par l’emploi de cet outil. Ainsi, dans son «objectif d’intégrer toutes les fonctions urbaines», ce dernier contribuerait-il -par une application trop zélée du principe de «mixité fonctionnelle au bâtiment», notamment- à produire de «véritables usines à gaz» selon les mots de Lucan(15), ce dernier allant jusqu’à les comparer aux «mégastructures sur dalle» multifonctionnelles réalisées dans les années 1960-70 (telles que le «quartier des Olympiades à Paris XIII ou le front de Seine dans le 15e» (16)), des références comme on l’a vu plus haut particulièrement controversée et honnies d’une bonne part des «réalisateurs» et élus de la ville, même si le regard de certains «concepteurs» vis-à-vis de ces exemples semble évoluer positivement ces dernières années (à l’image du research group de la revue d’architecture a+t, voyant dans l’«hybride architectural le caractère [...] des mégastructures, ces «monstres urbains d’une espèce nouvelle et généreuse»(17)). Il n’y a en soi rien d’étonnant à ce que «réalisateurs» et élus en charge de l’aménagement urbain excècrent ces réalisations; ces dernières ayant été mise en cause pour les fantastisques problèmes d’entretien des parties communes liés aux propriétés ingérables qui y étaient développées(16). C’est ainsi les mêmes difficultées que semblent poser ces «hybrides résidentiels» issus de macrolot: «chaque morceau [y étant] une partie du tout»(18), l’entretien de l’espace commun devant le plus souvent être prise en charge par une copropriété rassemblant quantité de gestionnaires différents (en général, un par programme). Ce que l’on craint alors, c’est que comme ce fut souvent le cas pou leurs ainés mégastructurels, les «espaces partagés [deviennent au fil du temps] des charges insupportables pour les copropriétés [jusqu’à être finalement] transférés à la collectivité qui en finance l’entretien»(19) (comme nous aurons l’occasion de le démontrer dans la partie «II/B/Étude de cas», l’implication dès l’origine du projet d’une instance publique peut faciliter de facto cette contrainte, la prise en charge de certains coûts de gestion de ces espaces étant dès lors prévu assez tôt par l’établissement d’une convention entre les différents acteurs). Enfin, le dernier argument avancé par J.Lucan s’inscrit dans la continuité du second; l’imbrication trop prononcée des programmes ayant pour effet selon lui de produire une forme d’inertie inhérente au macrolot; ce manque d’évolutivité mis en cause étant d’abord imputé à l’abandon du découpage parcellaire (cela impliquant qu’«en cas de problème avec l’un des 65


immeubles , toutes l’opération serait concernée», le problème se posant dès lors à l’échelle de l’îlot(20)) ainsi qu’au modèle structurel valorisé dans ce genre d’opérations (à savoir, les structures en «voiles de béton» porteurs(21), intégrant difficilement -comme on peut l’imaginer- toute évolution ultérieure des programmes, les trames développées étant suffisamment rigide pour définir une sorte de partition inavomible des espaces construits). Pour y remédire, Lucan suggère à la fois de reconsidérer la question du découpage parcellaire (ne constituant pas à ses yeux une «régression», mais ayant sans doute pour effet de compliquer le développement d’«espaces communs» au coeur d’hybrides résidentiels...(22)) et de réévaluer le recours au système structurel dit «poteaux-poutres» (d’acier, notamment) permettant une flexibilité au bâtiment (les partitions internes de l’espace, en cloisons plus légères, pouvant ainsi évoluer avec le temps).

Conclusion de la partie «I/ Se représenter l’espace commun en coeur d’hybride résidentiel»: Ainsi semblerait-il que les positionnements antagoniques des différents acteurs de l’aménagement urbain («concepteurs» et «réalisateurs») observés autour des notions de «mixité programmatique» et d’«espace intermédiaire» tendent à se confirmer lorsque celles-ci opèrent un croisement théorique au sein de la notion d’«espace commun en coeur d’hybride résidentiel». Si les uns encensent le recours à de tels dispositifs spatiaux (et sociaux !) et les autres expriment envers eux une réticence profonde (évoquant principalement des arguments économiques, techniques et règlementaires), tous semblent trouver une forme de conciliation possible dans l’outil d’aménagement contemporain dit de «macrolot» -marqué par une profonde implication de l’instance publique et notamment municipale (comme on l’a vu parfois portée à valoriser les deux notions parentes à celle d’«espace commun») - ce dernier procédé ne s’avère pas exempt de critiques et semble ainsi reconnu jusque par certains concepteurs comme une forme d’erreur contemporaine que l’ensemble des acteurs impliqués seraient in fine amenés à regretter. Les enseignements tirés de cette première partie s’intéressant aux représentations propres à chaque catégorie d’acteurs impliqués dans l’aménagement urbain en France semblent donc à la fois conforter et infirmer la troisième hypothèse énoncée dans la partie «Introduction» de cette recherche. Car si nous avons bien mis en évidence l’opposition des «réalisateurs» à ce principe d’«espace commun» (et la «volonté des aménageurs et promoteurs d’éviter [...] des expériences incertaines et surtout des montages complexes»), nous avons aussi profondément relativisé la «méfiance de l’édile» supposée vis-à-vis de ces espaces partagés entre les différents programmes d’un «hybride résidentiel». L’on serait même tenté d’émettre ici l’hypothèse que le soutien du politique (et l’emploi des moyens que ce dernier est à même de mettre en oeuvre: règlementaires, économiques...) constituerait en fin de compte l’apport fondamental permettant le développement d’«espaces communs en coeur d’hybride résidentiel», permettant ainsi de dépasser tous les antagonismes observés entre les postures des «concepteurs» et «réalisateurs» de la ville. Nous allons maintenant nous attacher à tester cette hypothèse: d’abord par l’observation superficielle d’un «terrain général» que constituerait l’ensemble de la production contemporaine d’«hybrides résidentiels» en France dans une partie «II/A/Terrain général», ensuite en nous focalisant sur deux réalisations que nous qualifions de références -le Macrolot B2 (considéré par Lucan comme l’un des «archétypes» des opérations issues de cet outil d’aménagement) et le «Jardin sur le toit» (développé à partir d’un autre outil d’aménagement, le «secteur de plan-masse»; opération que F.Giboudeaux qualifie d’«entièrement publique», avec ce que ça suppose d’avantages et d’inconvénients quant aux développement de ces «espaces communs»), dans une partie «II/B/Études de cas». 66


Partie II

RÉALISER

l’espace commun en coeur d’hybride résidentiel A/ Terrain général Regard porté sur la production contemporaine d’ensembles résidentiels à programme mixte Enjeux: Avant d’opérer un resserrement de la focale sur les deux études de cas évoquées plus haut et nécessitant dans le cadre de cette recherche une analyse approfondie, porter un regard relativement distant sur l’ensemble de la production contemporaine d’«hybrides résidentiel» en France pour être mieux à même d’évaluer certaines des logiques gouvernant l’émergence contemporaine de ces ensembles résidentiels à programme mixte dans l’hexagone, intégrant ou non cette notion longuement explicitée d’«espace commun» aux différents programmes. Cette observation distancée a permis d’identifier trois «familles» d’hybride résidentiel, définies tour à tour comme «fragmenté», «communautaire» et «ouvert»; ainsi que d’isoler une quatrième catégorie qui, si elle pourrait prêter à confusion par son apparente proximité avec les ensembles résidentiels à programme mixte dont il est ici question, s’en écarte finalement suffisamment pour être considérée hors de propos dans le cadre de cette recherche.

1. Une catégorie à écarter d’emblée: les «condensateurs sociaux» 1) Définition Notion avancée par le research group de la revue a+t pour désigner un ensemble strictement résidentiel enrichi de programmes à l’usage exclusif de ses habitants, le «condensateur social» ne peut être réellement perçu comme un «hybride résidentiel» ou ensemble résidentiel à programme mixte, dans la mesure où la priorité donnée à l’habitation relègue l’ensemble des autres fonctions développées au rang de programmes secondaires, destinés uniquement à enrichir le programme résidentiel.

2) Caractéristiques Ainsi, il convient maintenant d’aborder brièvement le cas de cette catégorie d’opérations qui semblent partager plusieurs aspects communs avec les «hybrides résidentiels», de manière à éviter, par leur identification précise, toute confusion avec ce dernier type d’opération à programme mixte sur laquelle portent exclusivement cette recherche. 67


«Condensateur social» ≠ «Hybride résidentiel» a+t research group dans l’ouvrage Hybrid tome III(1) Diffusée autour de 2010 par le groupe de recherche de la revue a+t pour nommer les opérations résidentielles qui, à l’instar des Unités d’habitations de Le Corbusier proposaient de fonder des «unités de voisinage» au sein de structures résidentielles par le développement en leur coeur de «services communs» pensés «fédérateurs», cette notion de «condensateur social» n’est pourtant pas nouvelle. Déplacé de son origine constructiviste soviétique remontant au tournant des années 30 sans perdre son évocation d’une forme de déterminisme spatial, ce terme est par ailleurs employé par C.Moley dans un sens proche de celui suggéré par le research group pour décrire le projet de Phalanstère de Fourier, accordant au même titre que l’Unité Corbuséenne une importance fondamentale à la notion d’«espace fédérateur» (comme on a déjà pu le relever en amont) au coeur de l’habitat collectif(2). Ainsi peut-on opérer une première distinction entre les notions d’«hybrides résidentiels» et de «condensateurs sociaux». Ce dernier, à l’inverse des ensembles résidentiels à programme mixte, est exclusivement tourné vers la question du logement et n’est à ce titre occupé que par une catégorie d’usagers: ses «résidents». Si l’on peut dès lors trouver dans ces deux types d’opérations des programmes comparables (ateliers d’artistes et locaux d’activités en tête), ces derniers ne seront dans le cas des «condensateurs» investis profondément que par ces mêmes habitants, amenés ainsi à fonder une «communauté résidentielle» (à l’inverse de l’«hybride résidentiel», qui par l’imbrication de programmes relativement autonomes avec de l’habitat collectif sera nécessairement investi par des non-résidents: employés de bureaux, visiteurs, et autres occupants)(3). À l’homogénéïté du statut des occupants de ce genre d’opération s’associe par ailleurs le plus souvent un seul et même promoteur/bailleur, à l’inverse une nouvelle fois des «hybrides résidentiels»(4). S’il peut paraître anecdotique, cet aspect est pourtant loin d’être négligeable en ce que la multiplication de cette catégorie d’acteur dans le cas d’ensemble résidentiel à programme mixte peut -comme on a eu l’occasion de le démontrer- être à l’origine des grandes difficultés rencontrées dans le développement d’«espaces communs» au coeur d«hybrides résidentiels». On pourrait même aller jusqu’à émettre l’hypothèse que l’ambition élevée portée vers ces «condensateurs» à l’égard de leurs «espaces fédérateurs» enrichis de«services communs»(allant dans le cas de l’Unité d’habitation du hall hôtellier au solarium, en passant par le gymnase et la piscine(5)) serait à mettre au compte de la facilité d’entretien induite par cette unicité du gestionnaire. [Placer là les deux illustrations (1 et 2) ci-dessous] Ainsi qualifiera-t-on également certaines réalisations contemporaines de «condensateurs sociaux», dans la mesure où elles affichent cette même volonté d’enrichir un programme résidentiel par l’intégration de «programmes communs fédérateurs» avant tout destinés à l’usage des habitants. C’est notamment le cas de la réalisation de S.Maupin dite du «Pink Flamingo» dans le quartier Massena, associant au programme premier de résidence étudiante un terrain de basket. On notera cependant une évolution sensible de cette idée d’«ensemble résidentiel enrichi» portée par la notion de condensateur social, entre les réalisations Modernistes et la production contemporaine. Car si dans le premier cas, les «services commun» témoignent d’une «vision autarcique de la communauté des habitants» (6), dans le second, «l’espace fédérateur» tend au contraire vers une forme d’ouverture sur l’autre et sur la ville (avec, dans le cas du «Pink Flamingo», un partage possible du terrain sportif avec les «associations de quartier» (7)).

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Ill.1 - Un «condensateur social» vernaculaire: L’Unité d’habitation de Le Corbusier, Marseille (1952)

Ill.2 - Un «condensateur social» contemporain: Le «Pink Flamingo» de S.Maupin, Paris (2012) 69


2. Le cas le plus répandu: l‘«hybride résidentiel fragmenté» 1) Définition Associant à la notion d’«hybride résidentiel» avancée par le research group de la revue a+t à partir des travaux de J.Frenton et S.Holl le principe d’une dissociation des programmes, l’«hybride résidentiel fragmenté» désigne tout ensemble résidentiel à programme mixte dont les fonctions tendent à s’autonomiser les unes des autres. Ces phénomènes se distinguent par une volonté affirmée de réduire au maximum les parties communes entre les différents programmes, chacun disposant de son accès propre et valorisant un fonctionnement indépendant.

2) Caractéristiques Famille d’exemples la plus souvent relevée dans le cadre de cette observation distancée des ensembles résidentiels à programme mixte notamment lorsqu’il est question de «mixité fonctionnelle appliquée au bâtiment», l’«hybride résidentiel fragmenté» semble conforter par sa proportion-même dans la production contemporaine française les conclusions évoquées dans les parties précédentes, faisant état d’une dévalorisation significative, en dehors du champs de la profession architecturale et urbanistique (et de certains élus) de la notion d’«espace commun» en coeur d’hybrides résidentiels. Aussi, loin d’être le résultat d’une tentative de conciliation de ces deux notions, cette catégorie d’opérations semble au contraire en affirmer une forme de négation - la considération d’un «espace commun» valorisé entre les différents programmes en étant de fait évacuée et l’imbrication des fonctions au sein d’un même bâtiment semblant se faire à contrecoeur, à défaut de pouvoir être parfaitement autonomes.

(a) Le résultat d’une cohabitation inconfortable de programmes voulus autonomes? «Pour un bâtiment hybride, les programmes peuvent prendrent plusieurs formes. [...] Des combinaisons disparates permettront à des parties distinctes d’exister dans le cadre d’une association mutuelle et inconfortable, mettant ainsi en lumière le caractère fragmentée, sinon la schizophrénie, de notre société contemporaine» J.Frenton, 1985(1) (Traduit de l’anglais) Par cette formulation, le principal initiateur de cette notion d’«hybride résidentiel» semble anticiper ce qu’une imbrication trop prononcée au sein d’une même structure de programmes que l’on aurait préféré indépendants les uns des autres peut provoquer en terme de forme bâtie. Cette propension vers la dissociation spatiale des fonctions au sein d’un bâtiment semble même s’intensifier lorsque certains des programmes considérés s’avèrent résidentiels. En effet, le rapprochement mal vécu de programmes traditionnellement circonscrits à l’espace public (bureaux, commerces, équipements...) avec ces derniers voulus intimes et privatifs au sein d’une même structure semblent significativement s’aggraver par l’évacuation de la question de l’«espace intermédiaire» de ces structures, et tout particulièrement d’«espaces de transition» entre les différents programmes. Un constat qu’Aldo Van Eyck, principal théoricien de cette notion d’«entre-deux», semble lui aussi anticiper au tournant des années 1960, en déclarant: «Deux mondes opposés, sans transition. L’individuel d’un côté, le collectif de l’autre. Entre les deux, la société dresse généralement beaucoup de barrières»(2). Cette propension à la fragmentation de l’«hybride résidentiel» semblerait pouvoir s’expliquer de deux manières. La première se rapporterait comme on vient de le suggérer à un désir conjoint d’intimité et de sécurité des habitants du programme résidentiel(3). 70


Cette première hypothèse, si elle semble relativement plausible, semble pour autant difficile à vérifier (comme tout «désir des habitants», un aspect non quantifiable comme nous avons déjà eu l’occasion de l’évoquer dans cette recherche); et si elle pourrait éventuellement expliquer une dissociation «a posteriori» des programmes, une fois l’«hybride résidentiel» investi par ses occupants, elle aurait bien du mal à justifier la manière dont cette distinction s’opère le plus souvent en amont des projets considérés, au coeur de leur phase de conception. La seconde, bien plus convaincante, porterait ainsi à voir dans ce désir de dissociation millimétrique des surfaces attribuées à chaque programme à l’oeuvre dans cette forme d’«hybride» l’expression des grandes différentes difficultés évoquées dans la partie «I/C/Espace commun...», dans laquelle nous avons mis en évidence la forte réticence exprimée par les «réalisateurs» de ces «hybrides résidentiels» à développer ce genre d’espaces partagés entre les différents programmes; et ce pour des raisons économiques, règlementaires et techniques. Si dans la plupart des cas, cette imbrication fine est ressentie comme une contrainte majeure par une grande majorité des «réalisateurs» de ces opérations, le rejet de l’espace commun impliquant comme on l’a vu «une multiplication des circulations et des réseaux»(4), nous amène à émettre l’hypothèse suivante: l’«hybride résidentiel fragmenté» serait-il le résultat à déplorer d’une «mixité programmatique subie» par l’ensemble des acteurs impliqués? Il convient pour tester cette hypothèse de s’attarder sur le cas particulièrement emblématique (et publié) de l’îlot M9C réalisé en 2012 au sein de la ZAC Massena et conçu par BP Architecture. Présenté par la revue EK comme l’exemple d’une «mixité parfaite»(5), cet îlot groupant une école, un théâtre et des logements et coordonné par la SEMAPA se constituerait ainsi de programmes «étanches» les uns par rapport aux autres, chacun disposant de «son accès indépendants depuis la rue»(6). Aux dires de sa maîtrise d’ouvrage: «Cette superposition de programmes» répondrait avant tout «aux nécessités de densité urbaine.[À l’origine,] ces éléments n’étaient pas voués à être réunis»(7); cette opération résultant ainsi plutôt de la convergence entre une «volonté programmatique» et une «situation géographique» plutôt que par un désir réel de développer ici un «hybride résidentiel» valorisé. Ce que vient d’une certaine manière confirmer la revue AMC lorsqu’elle affime que sur la ZAC Paris-Rive-Gauche, on recourt à la mixité à l’échelle de l’immeuble lorsqu’accoler les programmes est impossibles»(8). L’hypothèse émise plus haut d’une cohabitation inconfortable des programmes causée par une forme de mixité subie au sein de ce genre d’opérations semble ainsi trouver avec cet exemple une première confortation. On pourra également citer, afin d’illustrer ce principe de dissociation des programmes à l’oeuvre dans tout «hybride résidentiel fragmenté», l’exemple de l’opération de l’Atelier Phileas, réalisée en 2013 sur la ZAC Clichy-Batignoles. Avec ce second exemple groupant une école maternelle et élémentaire, une résidence étudiante et une cuisine centrale, aux dires des architectes, «la dissociation des usages s’imposait» du fait même de la nature des fonctions imbriquées(9) (rejoignant ainsi l’injonction des «réalisateurs»appelant comme on l’a vu à rejeter l’imbrication au sein d’une même opération de programmes jugés contradictoires). Cependant, si le désir des «concepteurs» souhaitant développer des «espaces communs» entre les différents programmes semble particulièrement mis à mal par cette catégorie d’«hybride résidentiel fragmenté», certains «réalisateurs» paraissent aujourd’hui enclins à accepter le développement d’«espaces mutualisés» entre les différents programmes, issus comme on a pu le relever plus haut d’une idée de mise en commun d’«espaces servants».

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Ill.3 - Un premier «hybride résidentiel fragmenté: Îlot M9C de BP Architectes, ZAC Massena (2012)

Ill.4 - Un second «hybride résidentiel fragmenté: l’opération de l’Atelier Philéas, ZAC CLichy Batignolles (2013)

(b) Un partage d’espace concédé «dans la douleur»? Le cas des «mutualisations utilitaires» En effet, si le principe même de l’«hybride résidentiel fragmenté» est de tendre vers une diminution maximale des parties communes entre les différents programmes, on notera tout de même dans plusieurs de ces opérations une propension à concéder des mutualisations très ciblées d’espaces que l’on pourrait qualifier de «servants», sans qu’à celles-ci ne soit associée de qualité d’usage particulière ou de considération afférant au développement d’«espaces intermédiaires» valorisés entre ces différentes parties. On parlera alors volontier dans ces cas d’«hybrides fragmentés» de «mutualisation utilitaires», que l’on distinguera des «mutualisations d’espaces communs» auxquels on cherchera à associer des qualités sociales notamment d’«espaces fédérateurs» ou de «transition»(une notion explicitée plus haut dans la partie «I/C/ Espace commun...»). Elle désigne alors bien souvent la mutualisation de locaux de services (local poubelle, entretien...), de parkings ou encore, dans le cas de l’îlot M9C décrit plus haut, d’issues de secours(10). Ainsi, dans le cas d’une réalisation mixte de l’architecte F.Azzi sur la ZAC Clichy-Batignolles, au sein de laquelle la distinction spatiale des trois programmes s’y implantant (crèche, commerces et logements) est assumée, on observe tout de même une mise en commun des locaux poubelles. 72


Ill.5 - Un troisième «hybride résidentiel fragmenté: l’opération de F.Azzi, ZAC CLichy Batignolles(2014) Pour autant, on rappelera que si l’avantage certain d’«optimisation des ressources» et de «potentielles économies» impliquée par ce genre de mutualisation semble faire aujourd’hui consensus jusque chez les promoteurs privés, elle ne va pour autant pas de soi; les difficultés évoquées plus haut (économiques, règlementaires et techniques) s’appliquant tout autant sur «ces espaces servants mutualisés» que sur les «espaces communs» valorisés par les concepteurs pour leur intérêt social supposé. Il arrive ainsi assez fréquemment que ces mutualisations utilitaires, pensées en amont de projets d’«hybrides résidentiels», ne voit finalement pas le jour en raison même de cette complexité; c’est le cas notamment des parkings pensés communs dans le nouveau quartier la ZAC de l’Amphithéâtre coordonné par N.Michelin, et dont la mutualisation s’est réduite, à l’heure de sa réalisation, à la seule mise en commun des rampes d’accès (11)). Il semble intéressant ici de souligner que si les nombreux plaidoyers en faveur d’«espace commun en coeur d’hybrides résidentiels» peuplant le discours des «concepteurs» semblent trouver lettre morte auprès des «réalisateurs» lorsque les arguments avancés sont d’un ordre social et anthropologique (à l’inverse des élus de tous bords, qui paraissent plus enclins à y prêter une oreille attentive), l’évocation d’arguments tels que la «rentabilisaté» ou «l’optimisation» des opérations potentiellement liés au développement d’«espaces mutualisés» (s’inscrivant ainsi dans un champs économique) semblent emporter bien plus aisément l’adhésion de cette catégorie professionnelle regroupant les promoteurs et autres bailleurs. Ce type de mutualisation, que le procédé de «macrolot» décrit en amont semble favoriser, ne saurait se réduire dans l’ensemble des réalisations constituant la production contemporaine française d’«hybrides résidentiels» à cette seule dimension utilitaire. Il arrive ainsi qu’on lui associe une dimension d’«espaces intermédiaires fédérateur» ou «de transition», entre les différents programmes; aspect caractéristique d’une famille d’«hybrides résidentiels» que l’on qualifiera de «communautaires» et que l’on va maintenant s’attacher à identifier. 73


3. Introduire l’espace commun: «l’hybride résidentiel communautaire» 1) Définition Associant à la notion d’«hybride résidentiel» avancée par le research group de la revue a+t à partir des travaux de J.Frenton et S.Holl l’idée d’espaces partagés entre les différents programmes, l’«hybride résidentiel communautaire» désigne tout ensemble résidentiel à programme mixte offrant à ces occupants la jouissance «d’espaces communs» valorisés. Cette notion se distinguent ainsi de celle d’«hybride résidentiel fragmenté» par une considération toute particulière à l’encontre des parties communes aux différents programmes de l’ensemble, développées comme de véritables «espaces fédérateurs» ou «de transition» en opposition avec la notion précédente qui y voyait plutôt des «espaces servants» résiduels. L’usage de ces espaces partagés est toutefois strictement réservé à ses seuls occupants (résidents, travailleurs, étudiants...), sans qu’une volonté d’en offrir la jouissance à d’éventuels visiteurs ne soit clairement revendiquée.

2) Caractéristiques (a) De la rareté de cette famille d’«hybrides résidentiels» dans la production contemporaine en France Pensée comme la conciliation des notions d’«espaces intermédiaires» et de «mixité programmatique», toutes deux comme on a pu le voir largement plébiscitées par la profession architecturale (et tout autant redoutée par bon nombre des autres acteurs de la production contemporaine du logement en France), l’«hybride résidentiel communautaire» semble concentrer dans une seule et même catégorie d’opération à la fois l’enthousiasme que ces deux notions ont tendance à provoquer chez les «concepteurs», et le scepticisme qu’elles peuvent inspirer aux «réalisateurs» de la ville (comme on a pu l’observer en amont dans la partie «I/C/ Espace commun...») Il convient ici d’établir un constat: si cette catégorie d’«hybrides résidentiels» semble particulièrement présente et ambitieuse à l’étranger (en témoignent les nombreux exemples de réalisations internationales présentés dans les trois ouvrages du research group de la revue a+t (1)), la propension en France à développer et réaliser ce genre de projet semble bien plus tempérée. Dans ce cadre, deux projets d’un même architecte, D.Perrault, développés et réalisés en même temps paraissent à même d’illustrer d’une manière particulièrement forte cette hypothèse faisant état d’un décalage entre la production nationale et extra-nationale d’«hybrides résidentiels communautaire»: «Le Vérose», réalisé sur la ZAC Euralille 2 de Lille entre 2010 et 2013, et «La Liberté», réalisé à Groningen aux Pays Bas entre 2006 et 2011. Ainsi ces deux projets ont-ils en commun de combiner tout deux des activités tertiaires avec des logements, et de chercher à développer des espaces communs valorisés pouvant jouer le rôle d’«espaces fédérateurs» pour les occupants des différents programmes. Mais là où le cas hollandais s’illustre par la place considérable donnée à cet «espace communautaire», mêlant une passerelle monumentale liant les deux tours constitutives de l’opération à des espaces communs intérieurs, la réalisation française, plus timide se contente de proposer une terrasse commune aux deux programmes. Aux dires de l’architecte, ce décalage serait avant tout du à une attitude criticable des maîtres d’ouvrage et bailleurs français, lesquels se contenteraient d’appliquer les règlements à la lettre (ces derniers étant, comme on a pu l’observer, particulièrement préjudiciables au développement d’«espaces communs en coeur d’hybrides résidentiels») là où «le maitre d’ouvrage hollandais raisonne, est actif» et pèse de tout son poids pour infléchir des textes de lois jugés trop contraignant par un «débat ouvert»(2). 74


sont habillés de verre teinté, avec un traitement émaillé. La partie supérieure de la façade accueille sur huit niveaux, l'espace dédié aux habitations. Revêtue jusqu'à son point de rencontre avec le ciel, d'un manteau de verre sérigraphié, jouant de décors végétaux et de motifs floraux, dans des tonalités de vert et de rose, elle se fond naturellement dans son environnement verdoyant.

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Le Vérose se compose de trois résidences indépendantes, chacune desservie par un hall d'entrée privatif et dispose de parkings en sous-sol. L'aspect graphique de l'enveloppe revient aussi au rez-de-chaussée pour marquer les entrées des programmes qui se succèdent le long de l’avenue. Pour l’entrée des trois cages d’habitation, on a choisi de faire un rappel de la sérigraphie d’inspiration botanique de la vêture. Les entrées des bureaux jouent sur un registre à la fois plus sobre et plus architectural.

Ill.6 - «La Liberté», Groningen (2006-2011)

© DPA / Adagp Résidence Vérose à Lille Architecte : Dominique Perrau Ill.7- «Le Vérose», Lille, (2010-2013)

Côté Quartier du Bois Habité, à l’arrière, on rentre dans chaque plot par un patio qui rend relativement indépendants d’accès les 4 logements sociaux qu’il contient. Une coursive crée un échange entre les duplex de ces villas urbaines et les bureaux de l’immeuble principal, et

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Aux vues des différentes réflexions menées depuis le début de cette recherche, il semblerait que cette inadéquation soit plutôt le résultat d’un antagonisme des discours propres à chaque milieu professionnel, les uns opposant aux autres des arguments de nature différente (les «concepteurs» insistant sur l’aspect social bénéfique des dispositifs souhaités, auxquels les «réalisateurs» répondent par des arguments économiques défavorables...) menant ainsi à une impossible résolution du problème posé. Cela impliquerait-il qu’il est illusoire pour D.Perrault d’attendre des maîtres d’ouvrages français une évolution dans leur manière de faire? Il semblerait en tout cas qu’en posant la question en ces termes (les maîtres d’ouvrage français faisant surtout montre d’un «défaut de raisonnement»), l’architecte s’inscrit dans un registre d’opposition franche en totale contradiction -a priori- avec l’impératif de conciliation des intérêts que semble recquérir l’«hybride résidentiel» pour être en mesure de développer des «espaces communs» valorisés.

(b) Des difficultés évidentes de réalisation Il convient ici d’insister sur le fait que le milieu des «concepteurs» français ne manque pas d’idées concernant ces «hybrides résidentiels communautaires» ardemment désirés par la profession, ainsi que par quelques élus de gauche. En attestent les nombreux projets actuels d’«immeubles pluriels», terme introduit par F.Giboudeaux (élue EELV) pour désigner un «même édifice comprenant à la fois des logements, des bureaux, des jardins communs en toiture, de l’habitat social, participatif, en accession...» pour lequel on peine toutefois à trouver des financements(3): peuvent ainsi être cités pêle-mêle dans ce cadre les travaux de l’agence UAPS pour un «immeuble à programme mixte à Rennes [développant justement] des espaces communs aux différents programmes à l’intérieur de l’immeuble»(4), ainsi que ceux d’A.Démians, R.Ricciotti, F.Soler, LIN(5), Groupe-6(6) ou encore N.Michelin, S.Beel, P.Gazeau... Alors pourquoi observe-t-on une telle rareté dans la réalisation de telles opérations? C’est qu’au-delà du discours, les nombreuses difficultés liées à la mise en commun d’espaces partagés menant la majorité des projets d’«hybrides résidentiels» à s’orienter en France vers la configuration la moins sujette à controverse d’«hybride résidentiel fragmenté» se présentent avec la même complexité dans le cas d’«hybrides résidentiels communautaires», menant ainsi à une relative absence d’exemples indiscutables de ce genre d’opération «communautaire». Aussi, la propension des «macrolots» à faciliter potentiellement le développement de ce genre d’«espace commun en coeur d’hybrides résidentiels» à elle aussi été sérieusement questionnée en amont, J.Lucan et Labrunye interrogeant notamment sur la qualité d’usage réelle à accorder à de tels «espaces libres mutualisés», comme on l’a vu plus haut. Pour autant, la relation ambigüe avec l’espace public que cet outil d’aménagement semble dans certains cas en mesure de donner à ces «espaces communs», loin en réalité de ne se limiter qu’à de simples relations visuelles, se doit à présent d’être interrogée par l’introduction d’une dernière catégorie d’ensembles résidentiels à programme mixte que cette observation distancée aura permis d’identifier: l’«hybride résidentiel ouvert».

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4. Prolonger l’espace public: «l’hybride résidentiel ouvert» 1) Définition de la notion avancée Associant à la notion d’«hybride résidentiel communautaire» énoncée plus haut une dimension d’ouverture sur l’espace public, l’«hybride résidentiel ouvert» désigne tout ensemble résidentiel à programme mixte offrant -périodiquement ou en continu- la jouissance de ces espaces communs à tout concitoyen. Ainsi, si cette notion affiche une grande proximité avec celle développée dans la partie précédente (notamment en ce qui concerne les «espaces intermédiaires valorisés» qu’elle entend développer), elle s’en distingue toutefois en rendant tout ou partie de ses espaces communs accessible à tous (du résident au visiteur), le plus souvent selon des modalités précises (respect de certaines règles de comportement, d’horaires prédéfinis...). Bien que le plus souvent définies sur un sol foncièrement privé, ces «espaces partagés ouverts» peuvent dans une certaine mesure être considérés comme des formes de prolongement de l’espace public.

2) Caractéristiques (a) Renouveler le thème des «espaces fédérateurs et de transition»? Cette catégorie d’«hybride résidentiel», étrangement plus répandue en France dans la production contemporaine d’ensembles résidentiels à programme mixte que n’a semblé l’être la famille précédente (notamment en raison de l’importance prise dans son développement par l’implication d’une instance publique, comme on s’attachera à le démontrer) s’inscrit dans le prolongement direct de ce renouveau aujourd’hui orchestré par les concepteurs de la ville -architectes et urbanistes- de la réflexion autour des «espaces intermédiaires». Si certaines opérations semblent promouvoir par ce biais un renouvellement de la réflexion autour de la notion d’«espace de transition» (comme on aura l’occasion de l’illustrer plus loin, avec l’étude approfondie d’un exemple d’«hybride résidentiel ouvert»: l’opération dîte du «Jardin sur le toit», de l’agence TOA), c’est avant tout lorsqu’elle est associée à l’idée d’«espace fédérateur» que cette notion trouve avec l’«hybride résidentiel ouvert» un nouveau terrain d’expérimentation particulièrement valorisé par ces mêmes concepteurs pour développer de «nouveaux espaces publics de proximité» (comme évoqué dans la partie «I/C/Espace commun...») Ainsi, l’«espace fédérateur» de l’habitat collectif, constamment déplacé comme on a pu le voir selon les époques du coeur des résidences vers l’espace public et inversement, se voit après la revalorisation post-moderne de la rue à la faveur des principes d’urbanité à nouveau réintroduit au coeur d’opérations résidentielles intégrant cette fois une dimension de mixité programmatique. Cette observation pose toutefois de nombreuses questions, ce nouveau déplacement s’opérant a priori sans que la rue ne perde réellement à nouveau son statut d’«espace de sociabilité» comme ce fut le cas à l’heure des grandes réalisations modernistes (les commerces, par exemple, «ne devant jamais lui tourner le dos»(1)). Cette ambyvalence entre désir d’«urbanité» marqué par une valorisation de la rue et volonté d’«espace fédérateurs microsociaux» en coeur d’îlot résidentiel sera plus longuement abordée dans le cadre de l’analyse approfondie du Macrolot B2 du Trapèze de Boulogne, dans la partie «II/B/Etudes de cas». Enfin, on notera que cette propension à valoriser les qualités d’«espaces fédérateurs» que porteraient en germe les «espaces communs» des «hybrides résidentiels ouverts» peut, dans certaines conditions, mener des concepteurs vers une forme de déconsidération de leur qualité d’«espace de transition» allant parfois même jusqu’à entériner leur pure et simple négation. C’est le cas, notamment, dans le cas d’opérations résidentielles à programme mixte revendiquant une continuité totale (physique) et continue (non délimitée dans le temps) entre l’espace public et l’espace partagé de l’«hybride résidentiel», comme l’opération dite de «l’Îlot Brossette» développée par LAN à Nantes. 77


(b) Redécouvrir l’«espace libre»? Exemple du projet de LAN pour l’îlot Brossette de Nantes Ce projet développé depuis 2012 par LAN semble ainsi posséder toutes les qualités d’un «hybride résidentiel ouvert». Proposant l’implantation de programmes hétérogènes (logements, résidences étudiantes, bureaux, école, hôtel, café, restaurant) sur le site des anciennes usines Brossette, l’agence suggère ainsi de lier l’intégralité de ces programmes entre eux par des «espaces publics», en réalité privés au moment de leur conception, et amenés à être réalisés dans l’opération puis rétrocédés à la ville.

Ill.8 - Modélisation du projet et rendu de concours

Ill.9 - À chaque couleur correspond un programme différent.Le bleu est associé aux programmes résidentiels (sociaux et en accession). 78

Ill.10 - Les «espaces publics» développés au coeur de la parcelle: jardins et places minérales sont offerts à la jouissance collective


L’aménagement choisi de l’opération -«en plots et barres»- ayant pour conséquence la libération au sol de vastes étendues d’espaces libres impliquait aux yeux d’U.Napolitano (architecte-associé de LAN) un traitement similaire pour les espaces privés amenés à devenir publics (cf.la Place et la Cour Brossette) et les espaces privés collectifs pensés pour le rester, l’agence revendiquant ainsi une indifférenciation totale entre ces différents «espaces communs» voulus «fédérateurs» et de «transition» (rejoignant dès lors l’exhortation de certains Modernistes, à l’image d’Antoinette Prieur à «confondre les deux types d’espaces intermédiaires qui s’affirment historiquement dans un seul et même «espace libre»»(2)(3)). Si ce premier aspect semble constituer un cas assez exceptionnel en France d’instance publique (ou issue d’un partenariat public-privé, comme la SAMOA) faisant appel à la promotion privée pour dessiner un espace public, la proposition de LAN de profiter de l’occasion pour donner un caractère public à l’intégralité des espaces extérieurs développés sur l’îlot Brossette apparaît aujourd’hui elle aussi comme tout à fait inédite, notamment dans le cas de l’étude des «hybrides résidentiels ouverts». Afin de donner à ces «espaces communs ouverts» des qualités d’espace public, LAN propose trois intentions: D’abord, établir une «continuité totale avec la rue» (en n’ayant «ni clôture, ni protection autour du site, mais en arrivant par un système formel à définir le degré d’intimité entre ce qui est public, privé et collectif»; une considération comme on peut le voir très proche de celles valorisant le développement d’«espaces communs de transition» entre les différents programmes, évoqué plus haut) jusqu’à parvenir à une indistinction totale «entre sols privé et public» une fois cette opération réalisée. Ensuite, associer à ces espaces les qualités d’un espace public valorisé: «du soleil, de l’ombre, une protection aux vents, de belles proportions d’espace et de belles architectures...». Enfin, donner à ces «espaces partagés» une animation que l’on aurait tendance à associer à l’idée d’«espaces fédérateurs» par la répartition fine des programmes autour de ces espaces communs, de sorte à «générer une vraie vie publique». Ces «espaces microsociaux» pensés «fédérateurs» ont également pour objectif de permettre la rencontre des habitants actuels du quartier et des nouveaux occupants qui seront amenés à investir l’opération une fois celle-ci réalisée.» On notera à cette occasion la propension d’U.Napolitano à rejoindre le discours ambiant des concepteurs autour des notions de «clôtures», porté à associer la sécurité réelle d’un lieu à son niveau de fréquentation; une conception, comme on l’a vu, particulièrement favorable au dessin d’«espaces intermédiaires». Aux dires d’U.Napolitano, le relatif succès jusqu’à présent de cette opération (dans la mesure où, bien qu’encore non réalisée, elle est parvenue en deux années de développement à conserver ses intentions de bases), s’expliquerait par l’argument avancé par LAN que les «espaces communs privés» voulus publics, largement minéralisés, n’aurait pas besoin de beaucoup d’entretien (emportant ainsi l’adhésion du promoteur, Kaufmann & Broad). Aux dires d’U.Napolitano, l’implication constante de la SAMOA, représentant en quelque sorte l’instance politique et la ville au sein du projet(qui siège notamment au sein de son bureau d’administration, comme dans la plupart des SEM), aura également joué un rôle majeur dans l’acceptation par tous les intervenants de ce principe «d’espace public continu». On peut déplorer que ce projet ambitieux ne soit encore réalisé, tant il aurait été riche pour cette recherche d’en étudier la concrétisation. 79


Ill.11 - La «Cour Brossette», espace commun rendu public

Ill.12 - Le «Jardin étudiant», un espace commun ouvert à tous bien que foncièrement privé 80


(c) Briser l’«effet de dalle» en prolongeant l’espace public en coeur d’hybride résidentiel?

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Cette configuration coupant de fait ces «espaces fédérateurs» de l’espace public tendent à évoquer la résurgence d’une figure honnie, comme on l’a vu, par l’ensemble des acteurs identifiés jusqu’ici (si ce n’est quelques «concepteurs» isolés): les mégastructures multifonctionnelles, produits de l’«Urbanisme sur dalle» des années 60 et issues comme on l’a démontré d’une premier requestionnement des préceptes de la Chartes d’Athènes. La crainte d’un retour aux «isolats résidentiels» et autres «condensateurs sociaux» semble ainsi pousser de nombreux architectes à définir ces «espaces fédérateurs sur dalle» comme autant de «prolongement d’espace public», les souhaitant accessibles à tous et s’attachant -non sans une certaine difficulté- à les lier physiquement à l’espace public de la rue. C’est notamment le cas des opérations dîtes de la Mantilla de J.Ferrier(5), du Monolithe de Lyon et du Tripode de Nantes(6) (autant de noms qui, d’une manière paradoxale, tendent à donner à ces larges opérations urbaines un caractère d’Unité propre à l’image des mégastructures...).

Mixité fonctionnelle et flexibilité programmatique

Dans un tout autre cas de figure, on observe aujourd’hui une propension chez certains concepteurs à promouvoir le développement d’espaces pensés publics en coeur d’«hybrides résidentiels à socle» dans un seul et unique but, plus ou moins affirmé: celui d’éviter l’»effet de dalle». En effet, la nécessaire intégration dans de nombreux projets d’«hybrides résidentiels» d’imposantes surfaces de parking pousse les concepteurs, lorsque les moyens ne sont pas suffisant pour © ING/ATEMI creuser un parking enterré, à développer les «espaces Vue du passage public. Au premier partagés» de ces opérations «sur dalle», comprendre plan, la tranche sur le toit du volume développé en superstructure et ECDM destiné à accueillir les-dîtes surfaces de parking (autour duquel s’implanteront les différents programmes).

mètre carré sur lesquels ils pouvaient s'engager. ING RED et Atemi savaient donc à peu près qui achèterait et à quels coûts. Les promoteurs avaient déjà un carcan, un cadre dans lequel pouvoir naviguer. Il leur a fallu monter les bilans autour de ces contraintes qui rendaient l'opération un peu compliquée. L'opération est découpée en « tranches » étanches entre elles, ce qui imposait des combinaisons de programmes ad hoc. Pour les maîtres d'ouvrage, il fallait partir d'éléments fiables, afin de ne pas avoir à percer les murs de refend... Mais quand ils ont été enfin en mesure de connaître les ultimes évolutions du programme, ce découpage était déjà formalisé et ne pouvait plus coller à toutes les demandes des acquéreurs. Comment trouver des logements en plus, même quand ce supplément se réduit seulement à deux, dans un programme de trente ? Pour ce faire, il a fallu mordre parfois dans un des volumes mitoyens du demandeur. L'OPAC du Rhône qui manquait par exemple de quatre logements pour son foyer handicapés, a trouvé un accord avec un de ses voisins. Alliade lui a réservé dans son volume le lot demandé, mais sans accepter pour autant de lui vendre. L'OPAC Grand Lyon Habitat a pu obtenir aussi quelques logements dans un immeuble mitoyen et il a pu quant à lui les acquérir. Quoi qu’il en soit, il est rare de voir ce type d'ajustement dans l'architecture de promotion immobilière.

Ill.13 - La «Mantilla» de Montpellier (J.Ferrier)

Ill.14 - Le «Monolithe» de Lyon (MVRDV, M.Gautrand, ECDM...) Ce sont des configurations définitives. Le volume de l'OPAC de Grand Lyon Habitat conservera toujours la petite extension qu'il a récupérée dans un volume mitoyen. Le double mur de refend a été percé à cet effet. L'arrangement entre l'OPAC du Rhône et Alliade n'est pas provisoire non plus, en dépit du fait que le second reste propriétaire des quatre logements dont bénéficie le premier – certes pour une période illimitée. Mais il y a quand même le risque pour l'OPAC du Rhône de les perdre à l'occasion d'un départ éventuel d'Alliade du Monolithe, lors d'une transaction en bloc de son volume.

_Mixité architecturale Le maître d'ouvrage a choisi une organisation collégiale du travail de conception. Les architectes ont été invités à se rencontrer plusieurs fois sous la forme d'atelier. Certains d'entre eux ont été chargés d'orchestrer le travail : MVRDV pour la coordination architecturale, Manuelle Gautrand pour la cohérence du soubassement et des parkings... 273

Ill.15 - Le «Tripôde» de Nantes (C.de Portzamparc 81


(d) Des difficultés inhérentes à la réalisation d’«hybrides résidentiels ouverts»? Comme on pouvait le supposer à la lumière des observations faites dans les parties précédentes, un certain nombre de freins au développement de ces espaces fédérateurs pensés comme «prolongement de l’espace public» sont à relever. Ainsi, si les «hybrides résidentiels ouverts» rencontrent les mêmes difficultés de mutualisation d’espaces communs aux différents programmes que les «hybrides résidentiels communautaires», les obstacles semblent encore plus nombreux et délicats à franchir dans le cadre d’«espaces communs» pensés comme potentiellement ouvert à tous. En effet, les problèmes de gestion des espaces partagés dans ce genre d’opération tenant à la multiplication des promoteurs et gestionnaires se voient ainsi aggravés de façon exponentielle, à la faveur de l’«indéfinition foncière» portée en germe par l’ouverture à la jouissance publique d’espaces privés. Si cette même indéfinition semble provoquer suffisamment de complications pour occasionner la fermeture d’îlots strictement résidentiels pensés à l’origine comme ouverts dans le cadre d’opérations de «résidentialisation» (que N.Michelin résumait par la simple injonction «Qui entretient, qui paie?»(7)), alors même que ces ensembles ne sont en général gérés que par une seule et même copropriété relativement homogène, on comprend combien cette multiplication d’acteurs peut tendre à complexifier au-delà du raisonnable la question de la gestion des espaces considérés dans les cas d’«hybride résidentiel ouvert». Ainsi cette complexité de gestion semble-t-elle à l’origine d’un appauvrissement conséquent de nombres d’opérations considérées; lesquelles voient bien souvent leur «espace fédérateur» progressivement aseptysés, si ce n’est tout simplement clôturés(8). Ce phénomène de «résidentialisation» appliqué aux «hybrides résidentiels» est en cela particulièrement intéressant qu’il provoque un déplacement pour ces opérations des familles d’«hybrides résidentiels ouverts» à celle d’«hybrides résidentiels communautaire», la jouissance de leurs espaces partagés n’étant alors plus permises que par les seuls occupants des différents programmes les composant (une situation observée par exemple avec le macrolot A3 du quartier du Trapèze, à Boulogne).

Ill.16 - Macro-lot A3, ZAC du Trapèze, Boulogne Billancourt, Louis Paillard, Joseph Lluis Mateo (2010),119 logements Médiatèque- bureaux. De «l’hybride résidentiel ouvert»... 82

Ill.17 - ... à «l’hybride résidentiel communautaire»


(e) «L’hybride résidentiel ouvert» plus répandu que le «communautaire» en France: de l’importance de l’édile? Au fil de cette recherche il a semblé bien plus aisé de récolter des informations sur de nombreux exemples d’«hybrides résidentiels ouverts» que d’«hybrides résidentiels communautaires» réalisés en France. Si ce constat peut paraître profondément paradoxal, on serait toutefois tenté de l’expliquer par l’hypothèse suivante, constituant pour notre recherche un aspect fondamental: l’implication forte de l’instance publique -comme on l’a constaté nécessaire au développement d’«espaces communs en coeur d’hybride résidentiel»- semble ici à même d’expliquer une tendance générale à privilégier la réalisation d’«espaces communs ouverts» sur l’espace public -et donc accessibles à tous- plutôt que d’espaces partagés entre les occupants des différents programmes uniquement (et donc, fermés sur la rue). Deux arguments semblent pouvoir constituer une première confortation de cette hypothèse. Le premier fait état d’une tendance toute aussi forte à éviter le développement d’espaces partagés entre les différents programmes au sein des «hybrides résidentiels ouverts» -hormis ceux pensés «publics»- qu’au sein d’«hybrides résidentiels fragmentés». Ainsi, Le Monolithe de Lyon s’évertue-t-il à développer pour chaque programme «son accès propre, ses propres sorties de secours, ses propres colonnes et gaines techniques»(9) (en dehors du large espace commun, pensé comme prolongement de l’espace public, au coeur de l’opération). De même, C. de Portzamparc insiste-t-il sur l’«accès principal [aux logements du Tripode de Nantes] se faisant par des halls directement connectés à l’espace public(10)». Il semble ainsi difficile de voir dans ces réalisations d’«hybrides résidentiels ouverts» un plébiscite de l’espace commun entre les différents programmes, ceux-ci étant simplement évités lorsqu’il ne leur est pas associée une dimension publique. Le second argument expliquerait le premier par l’explicitation du mode de gestion privilégié dans les-dites opérations d’«hybrides résidentiels ouverts» le plus souvent issue de macrolots: celui dit des «copropriétés en volumes». En effet, celui-ci ne permettrait que deux cas de figure: «l’inexistence de parties communes entre les «lots»»(programmes) ou la «coexistence d’espaces publics et privés dans un même ensemble»(11). L’implication de l’instance publique (notamment économique, en contribuant par l’établissement d’une convention au financement de l’entretien de ces espaces partagés faisant intégrant dès lors le «domaine public») semblant le plus souvent l’argument majeur en mesure de convaincre les «réalisateurs» réticents à l’idée de perdre de l’argent par l’intégration de tels «espaces communs» dans leurs opérations d’«hybrides résidentiels». Serait-il pour autant possible de développer des «espaces communs» non liés à l’espace public par le recours à un autre mode de gestion? Il est vraisemblable que les «réalisateurs» ne s’embarassent pas de cette question, tant ces derniers ont tendance comme on a pu le relever à déprécier le recours à de tels dispositifs. Il semblerait donc bien, aux vues des deux arguments avancés plus haut, que l’implication majeure du politique dans ce genre de réalisations (par le biais des SEM, notamment) justifient de leur plus grande diffusion dans la production contemporaine d’«hybrides résidentiels» en France.

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Conclusion: L’importance majeure prise dans la production contemporaine d’ensembles résidentiels à programme mixte d’«hybrides résidentiels fragmentés», caractérisés par l’absence en leur sein d’«espaces communs» valorisés entre leurs programmes divers, serait donc le résultat-même de cette divergence des intérêts propres aux différentes catégorie d’acteurs impliqués dans la production du cadre bâti (que nous qualifions de «concepteurs» et «réalisateurs» de l’aménagement urbain). Ainsi, cette observation distante pourrait-elle être perçue comme une confirmation de l’hypothèse principale de cette recherche énoncée dans la partie «Introduction», faisant état d’un «décalage entre les désirs des «concepteurs» (architectes et urbanistes) et ceux de l’ensemble des autres acteurs concernés» [pour expliquer] la rareté de ce genre d’espaces communs dans la production contemporaine en France d’ «hybrides résidentiels»». Pour autant, la constatation en parallèle d’une tendance réelle à la réalisation d’«hybrides résidentiels ouverts» développant ce genre d’«espaces communs» et suggérant une implication profonde de l’instance publique tend à infimer du même coup cette hypothèse: les «désirs des concepteurs» étant dès lors rejoint par cette autre catégorie d’acteurs en charge de l’aménagement urbain. Afin de tester cette nouvelle hypothèse et d’interroger la manière dont d’autres procédés d’aménagement contemporains semblent participer aujourd’hui à la réalisation d’«espaces communs au coeur d’ensembles résidentiels à programme mixte», nous allons maintenant nous attacher à analyser plus précisément deux opérations que l’on pourrait qualifier d’«hybrides résidentiels ouvert»-le macrolot B2 du Trapèze de Boulogne et le «jardin sur le toit».

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B/ Études de cas Resserrement de la focale Enjeux: Après avoir révélé l’importance prise dans la production contemporaine d’«espaces communs» au sein d’ensemble résidentiel à programme mixte par l’«hybride résidentiel ouvert» induisant une implication fondamentale de l’édile, il convient d’identifier plus précisément les processus ayant menés à la production de deux d’entre eux: le Macrolot B2 et l’opération dite du «jardin sur le toit» Ce resserrement de la focale a ainsi permis d’identifier deux modèles d’aménagements urbains -le premier impliquant une combinaison d’acteurs privés et publics que l’on nomme «macrolot» (déjà explicité en partie «I/C/Espace commun...» et dont le Macrolot B2 représente une forme d’«archétype») et le second, se différenciant par sa dimension «entièrement publique», appelé «secteur de plan masse» (un outil encore peu traité dans cette recherche et ayant contribué à produire l’opération dite du «jardin sur le toit»). Il va maintenant s’agir, dans le cadre d’une analyse approfondie de ces deux opérations de référence, de questionner les potentiels et limites induits par chacun de ces outils d’aménagement dans le cadre du développement d’«espaces communs en coeur d’hybride résidentiel».

1. Le macrolot B2 (Quartier du Trapèze, Boulogne-Billancourt) Logements - Bureaux - Commerces - Écoles - Gymnase (2005-2012)

Ill.18 - Le Trapèze de Boulogne-Billancourt (en 2011) Le Macrolot B2 fait face au nouveau parc et à la tour de J.Nouvel, à gauche de l’image. 85


L’intérêt d’aborder en premier le cas du macrolot B2 dans le cadre de cette analyse approfondie d’exemples de référence semble tout à fait avéré, dans la mesure où cette attention nouvelle portée à un cas particulier permet de reprendre plus directement certains questionnements émis plus haut et laissés jusqu’ici sans réponse: comment la démarche de macrolot favorise-t-elle concrêtement le développement d’un hybride résidentiel? Comment le processus de production d’objets précis -les réalisations d’architecture et d’urbanisme- se voient-elles en définitive tout à fait conditionnées par les discours divergents et situations ambyvalentes élucidées plus haut? Finalement, de quelle manière se traduit le passage d’une représentation d’un «espace commun en coeur d’hybride résidentiel» à sa «réalisation»?

1) La situation initiale et le contexte d’émergence du projet

Ill.19 - Délimitation du Trapèze et plan d’aménagement (2011) «Le Trapèze est devenu un modèle pour des aménageurs qui s’inspirent explicitement de la manière par laquelle la planification s’est effectuée.» Jacques Lucan dans son ouvrage Où va la Ville Aujourd’hui?(1) Dans un premier temps, il convient ainsi de s’attarder sur le contexte initial préfigurant ce projet d’«hybride résidentiel» que l’on nomme Macrolot B2 -à savoir celui de la ZAC Seguin Rives de Seine et plus précisément du nouveau quartier dit du Trapèze de Boulogne-Billancourt, en s’interrogeant sur ce qui fonde cette réflexion de Lucan tendant à faire de cette opération un «modèle d’aménagement urbain». Celui-ci semble s’appuyer sur trois aspects: le caractère exceptionnel de l’opération dite du «Trapèze de Boulogne-Billancourt», l’approbation générale rencontrée par le plan de référence de Chavannes (esquissant par ce dernier le principe aujourd’hui incontournable de «macrolot») et l’expression la plus aboutie de ce que nous nommions dans la partie «I/A/ La mixité programmatique» l’urbanisme négocié, allant parfois jusqu’à pousser très loin ce principe de concertation aujourd’hui tant valorisé, comme on a pu le démontrer. 86


(a) Le caractère exceptionnel de l’opération dite du «Trapèze de Boulogne-Billancourt»

Ill.20 - Emprise du Macrolot B2 sur le site des anciennes usines Renault (en orange) Quels sont les aspects donnant à cette opération d’aménagement son caractère exceptionnel?

à la suite de l’abandon par Renault usines de Billancourt en 1992 après une centaine d’années d’occupaLE CInitiéeMACROLOT B –de ses BOULOGNE BILLANCOURT

tion de ce site, la libération d’une telle emprise foncière (70 hectares au total) proche du centre de Boulogne incite l’innstruction de 43 du logements à Boulogne Billancourt, Zac Seguin tercommunalité Val-de-Seine a constituer par l’élaboration d’un Plan Programme en 1998 Rive le cadrede d’unSeine projet d’aménagement(2). L’ambition alors exprimée par la ville de «créer, sur ce site, le 8e quartier de Boulogne-Billancourt» étant à

l’époque avec la classification des terrains POS en vigueur (ou Plan d’Occupation des Sols, ce dernier Concours 2005 incompatible – Projet Lauréat – Livraison 2010 -au Habitat et EnvironnementCerqual Profil A leur attribuant toujours en 1989 une vocation industrielle(3)) incite la municipalité à prendre deux décisions, fondamentales pour la compréhension de cette opération.

ulogne Parc B2 - Nexity m2 ShonLa première concerne la modification de ce POS, révisé alors en PLU, lequel définit ainsi une nouvelle classification de ces territoires zone U assurant une mixité logements, bureaux, activités et équipements sur la base du plan de réféM Euro H.T. - 1139 «en /m2 shon rence approuvé par la commune en juin 2002»(4) (soit le plan de P.Chavannes, sur lequel on reviendra). La seconde induit ments libres la création d’une ZAC, «permettant le projet d’aménagement dans les meilleures conditions juridiques, administratives et venue du Parc ettout Grande Traverse, Zac Seguin Riveprojet de Seine, Boulogne Billancourt financières, en garantissant la cohérence d’un grand urbain»(5), marquant ainsi la naissance en 2003 de la ZAC Seguin Rives-de-Seine.

Anne Mie Depuydt & Erik Van Dael Thierry Kandjee et Sebastien Penforis ut corps d’état et maître d’œuvre d’exécution

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Il convient ici d’indiquer que la création de cette Zone d’Aménagement Concerté n’a a priori rien d’anodin: et si le dossier de création de la ZAC justifie le recours à ce mode d’aménagement pour «éviter les approches morcelées et s’assurer d’une qualité homogène des traitement des espaces publics»(6), il semblerait en réalité que l’objectif soit tout autre. En effet, le PUCA indique qu’aucune ZAC n’était prévu à l’origine, la municipalité peinant déjà à l’époque à sortir d’une opération compliquée (la ZAC du Centre-Ville). En outre, les «droits de construire sur les terrains Renault avaient déjà été acquis depuis 2000 par le consortium DBS (ou groupements de promoteurs, auxquels on reviendra). La création d’une ZAC à cet endroit semble ainsi exprimer avant tout la volonté de la municipalité de «transformer une opération immobilière d’envergure en projet d’aménagement urbain»(7), la ville reprenant ainsi les rênes de l’opération engagée par la création en 2003 d’une SEM (ou Société d’Économie Mixte): la SAEM-Val-de-Seine(8). Ainsi donc la réalisation de l’opération d’aménagement est-elle confiée cette même année «par une convention public d’aménagement» à cette Société Anonyme d’Économie Mixte alors dirigée par J.L.Subileau(9) (urbaniste). La manière dont cet organisme a permis à la ville de «contrôler toutes les étapes de l’opération» (aux dires de Raphael Labrunye, conseiller délégué de Boulogne-Billancourt et administrateur de la SAEM Val de Seine) sera développée plus loin(10). Pour l’heure, il convient de souligner l’importance accordée par cette municipalité à cette notion de «mixité programmatique», exprimée comme le premier enjeu à développer pour faire de ce site industriel le «8e quartier de Boulogne». Ainsi donc le même dossier de création de la ZAC Seguin-Rive de Seine élaboré en 2003 retient-il un programme cherchant à «assurer une véritable mixité urbaine [...] composé: pour moitié de logements de toutes catégories (accession, locatifs, résidences hôtelières, résidences étudiantes et artistes, résidences personnes agées) [...] pour moitié de bureaux, activités et équipements»(11). Est ainsi réaffirmée dans ce texte amené à devenir règlementaire (par son inscription au PLU de 2004) la notion particulièrement floue de «mixité urbaine» (introduite dans la partie «I/A/La mixité programmatique»), confondant comme on peut à nouveau le vérifier les notions de «mixité programmatique» et de «mixité sociale». On peut même aller jusqu’à constater dans ce dossier une forme d’apologie de la notion seule de «mixité programmatique» (comme on l’a vu, courante dans les représentations des instances publiques), bien que le terme ne soit pas directement employée; ce dernier indiquant que sur les 720 000m2 HON développés sur le Trapèze et les îlots épars, «50% à 60% seront réservés à l’habitat. La présence d’équipements publics exceptionnels et de proximité, de services, d’activités commerciales et de bureaux, répartis de manière équilibrée, [garantissant] la mixité indispensable à la vie urbaine, dans une ville «parc», à la fois résidentielle et active»(12). Il est aussi riche de relever qu’en définissant comme préambule à cette opération d’aménagement le développement d’une forme de mixité programmatique, la ville s’inscrit en totale adéquation avec les prescriptions imposées par la Région(13) (par le biais du SDRIF, ou Schéma Directeur de la Région Île-de-France) et par l’intercommunalité du Val-de-Seine (14) (ayant également inclus la nécessaire «mixité programmatique» à introduire dans ce site dans l’énoncé de son Schéma Directeur). Ainsi, la constatation de la pregnance de cet encensement de la «mixité programmatique» chez nombres d’acteurs politiques démontrée dans la partie «I/A/La mixité programmatique» trouve ici une nouvelle confirmation, l’engouement autour de cette notion que nous qualifions alors de «doctrine urbaine» semblant monter marquer les fondements de l’opération d’aménagement du Trapèze sur laquelle nous portons à présent notre attention. Qu’en est-il pour autant de la question des «espaces intermédiaires», plus conflictuelle? Si elle n’est pas abordée avec la même énergie que la notion précédente, elle semble trouver dans le dossier de création évoqué plus haut une première considération par la valorisation des «jardins intérieurs ménagés au coeur du bâti» perçu comme «premier facteur d’agrément pour les habitants et les usagers du nouveau quartier» (15). 88


Comme on va maintenant s’attacher à le démontrer, l’injonction au développement d’«espaces intermédiaires» valorisés dans les «hybrides résidentiels» porté en germe par les prémices de ce projet d’aménagement s’avère bien plus vive dans les intentions exprimées par le plan de référence de P.Chavannes, pris comme base pour la réalisation du Trapèze.

(b) Le plan d’aménagement de P.Chavannes

Ill.21 - Plan de référence pour l’aménagement des terrains Renault du Trapèze (P.Chavannes, 2003). Les traverses en coeur d’îlot y sont déjà dessinées. En 2002, la SAEM Val-de-Seine lance un concours dont l’objet est de dessiner un plan d’ensemble pour l’aménagement du site des anciennes usines Renault, le plan lauréat devenant ainsi la référence pour la réalisation de ce nouveau quartier du Trapèze de Boulogne-Billancourt. La proposition retenue est celle de Patrick Chavannes, et avance un certain nombres de principes amenés à constituer la référence contemporaine en terme d’aménagement urbain (pour reprendre les termes avancés par J.Lucan). Le rôle dévolu à Chavannes par la SAEM -en tant que «maître d’oeuvre urbain»- devient ainsi d’élaborer ces plans d’ensembles(16): lui incombe ainsi dans un premier temps la tâche de dessiner les différents espaces publics, pour lesquels il développe -en dehors du grand «parc de Billancourt»- un système de voiries hiérarchisées répondant à la logique suivante: - à l’échelle territoriale, la RN10, la RD1 et la RD7 permettant «l’accès au nouveau quartier [en tant qu’]axes structurants de l’Ouest parisien» - à l’échelle du quartier, la mis en place d’un «réseau principal» de voies carrossables (cours de l’Ile Seguin, Avenue du Parc, rue Yves Kermin et rue Nationale comme autant de «boulevards urbains») - à l’échelle du groupement d’îlots, une desserte assurée par des «voies secondaires [complétant] le maillage du réseau» (ou mailles plantés pour le cheminement des piétons uniquement) - à l’échelle de l’îlot, la desserte de son coeur organisée par des «système de passage» (sur lesquels on reviendra)(17) 89


Aux dires du dossier de création de la ZAC Seguin Rives-de-Seine publié par la mairie, c’est ce même principe d’une «partition d’axes majeurs dans le prolongement des rues existante, de voies de desserte, de chemins de traverse et d’espaces domestiques plus intimes» qui auraient contribué, par sa clarté, à faire du projet de P.Chavannes le lauréat du concours lancé par la SAEM à cette période(18). Ces trois découpages majeurs (en excluant pour l’instant les traverses en coeur d’îlots) auraient ainsi eu pour coréllaire de découper des lots de très grande taille -ainsi dénommés «macro-lots», pour lesquels Chavanne impose un front bâti sur rue (avec un alignement à 70% des constructions à venir sur les voies ainsi constituées, permettant aux architectes de lot de ménager quelques failles entre les bâtiments pour travailler une continuité visuelle -voir physique- entre les coeurs d’îlots et l’espace public(19)). Ce retour à une forme d’«architecture urbaine» marqué par la revalorisation de la rue correspond -comme on a pu le mettre en évidence dans la partie «I/Se représenter l’espace commun...»- une tendance lourde de la production contemporaine du câdre bâti. Aux dires du PUCA, ce serait la dimension même de ces «macro-lots» ou grands îlots («200 à 400m de long sur 200 à 150m de profondeur, soit un espace d’un seul tenant de 3 à 6ha, supportant un programme de construction de 30 000 à 50 000m2 de SHON» ), déterminée par ce «réseau de cours et de rue» pensé pour limiter le nombre de voies qui aurait amené P.Chavannes à imposer dans son plan de référence que « les coeurs d’îlots soient ouverts à tous»(20). Ainsi donc un système de «traverses piétonnes» est-il attendu au sein même de chacun des macrolots ainsi constitués. Ce principe d’ouverture sur la rue de coeurs d’îlots privés a plusieurs fois été relevé au cours de cette recherche. Il participe, comme on a pu le souligner, à la mythologie contemporaine de l’«espace intermédiaire» pensé comme prolongement potentiel de l’espace public (ainsi aux dires de B. Vanhaesebrouck de l’agence UAPS, «l’idée de Chavannes était que les coeurs d’îlots soient vraiment ouverts, que les gens puissent s’y promener. Il n’y avait pas de clôture» (21)). Il est par ailleurs intéressant de noter ici que le PUCA associe à l’élaboration de ce «réseau de traverses secondaires» l’image de réalisations vernaculaires (les «passages intérieurs d’îlot des coeurs de villes anciens (traboules, passages)»(22), une constante comme on a pu souvent le relever dans l’entreprise de légitimation de ces «nouveaux espaces intermédiaires» appelés par l’ensemble de la profession architecturale et urbanistique). Ce système de «sentes piétonnes» est ainsi visible sur le plan de référence délivré en 2002 par AAUPC (l’agence de P.Chavannes) et ayant emporté l’adhésion de la SAEM. On le voit, ce principe d’«ouverture des coeurs d’îlots» combiné à celui d’une «mixité programmatique» à l’échelle du macrolot imposée comme pré-requis par les instances publiques (comme on l’a vu plus haut, le plan de Chavannes respectant à la lettre ce principe(23)) semble ainsi induire dès l’élaboration des fondements de cette opération d’aménagement la mise en oeuvre d’«espaces communs» aux différents programmes au coeur même des «hybrides résidentiels» amenés à être développés sur le site du trapèze de Boulogne-Billancourt. Ce sont ces prérogatives qui deviennent bientôt règlementaires (s’imposant ainsi à tous) par l’intégration de ces «grandes orientations définies dans le cadre du projet urbain (Plan de référence) [au] PLU approuvé le 8 avril 2004»(24). Comme on vient de le démontrer, le principe de «macrolots» impliquant une forme de «mixité programmatique à l’îlot» ainsi qu’une considération des «espaces intermédiaires» entre les espaces public et privé (ainsi qu’entre les différents programmes) étaient ainsi fixé comme un pré-requis s’imposant à l’ensemble de l’opération dite du Trapèze de Boulogne-Billancourt. Nous allons maintenant souligner la manière dont la ville a su gérer la complexité générée par la multiplication des acteurs impliqués sur ce projet d’aménagement (autant «concepteurs» que «réalisateurs») par l’instauration d’un principe d’«urbanisme négocié» particulièrement développé, lui permettant ainsi de conserver le contrôle de l’ensemble de cette opération du Trapèze (aspect ayant aussi largement contribué à faire de cette dernière une «référence» en terme d’aménagement urbain. 90


(c) Un exemple de référence d’«urbanisme négocié»? D’abord, il s’agit de convenir d’un fait: la complexité induite par le plan de Chavannes, associée à la volonté de la ville de garder une maîtrise totale de cette opération d’aménagement, a contribué à multiplier les acteurs impliqués sur cette opération. Aux «décideurs» d’ors et déjà identifiés (la SAEM Val-de-Seine, mais aussi, par son biais, la municipalité de Boulogne-Billancourt) s’ajoute aux dires de J.Lucan au moins trois rôles différents pour les seuls «concepteurs» (architectes et urbanistes) amenés à participer au développement du Trapèze: 1 - Celui, déjà identifié en la personne de P.Chavannes, de «maître d’oeuvre urbain» 2 - Celui de «maître d’oeuvre coordonnateur» d’un macrolot (dont les prérogatives seront précisées par l’étude du cas d’UAPS, agence d’architecture chargée de l’aménagement du macrolot B2 qui nous intéresse) 3 - Celui de «maître d’oeuvre» classique, auquel «est confié un programme architectural particulier»(25) À chacun d’entre eux sont aussi associés des maîtres d’ouvrages. Il y a donc: 1 - Un «maître d’ouvrage urbain» constituée par le groupement de promoteur DBS (Nexity-Icade-Vincy Immobilier), interlocuteur direct de Renault (propriétaire des terrains), de la SAEM et du «maître d’oeuvre urbain» s’attachant à financer les espaces publics et partie des équipements municipaux (la SAEM prenant à sa charge la préparer les «macrolots» amenés à être réalisés par les «maîtres d’ouvrage leaders» dont le rôle est défini plus bas). 2 - Des «maîtres d’ouvrages leaders» ou «coordonnateur», impliqués comme leurs homologues maîtres d’oeuvre dans l’aménagement de macrolots spécifiques (dans le cas du Macrolot B2, un groupement Nexity-Icade). 3 - Des «maîtres d’ouvrages spécifiques» concernés uniquement par la réalisation des projets architecturaux, cèdent par la suite à des investisseurs ou bailleurs (nommés «utilisateurs»)(26). Ainsi donc, la multiplication des acteurs induites par la complexité de l’aménagement du site des anciennes usines Renault a-t-elle amenée la ville à valoriser outre-mesure la concertation avec chacun d’entre eux au cours de cette opération, et ce afin de lui permettre de garder la main-mise sur l’ensemble du développement du Trapèze, comme on va maintenant s’attacher à le démontrer. Ainsi donc le PUCA renseigne-t-il sur ce «mode de gouvernance fondé sur le partenariat» mis en place par la SAEM en le présentant comme un «protocole de travail rigoureux permettant la négociation entre le vendeur (Renault), la Ville, la SAEM (porteuse des projets de développement durable de la Ville) et le consortium de promoteurs DBS» mis en place avant tout pour lui permettre de «gérer cet important chantier»(27). En mettant en place ce «protocole de négociation permanente», la ville par le biais de la SAEM entend atteindre un premier objectif: le financement de l’espace public et des équipements municipaux par les promoteurs de DBS (évoqué en amont). Ainsi donc «l’octroi du permis de construire» n’a-t-il été accordé à ces «réalisateurs» qu’à la seule condition qu’ils acceptent d’assumer la «charge de viabilisation des terrains et une participation [...] aux équipements», la SAEM se voyant ainsi rétrocédés les terrains concernés par Renault pour «1 euro symbolique» (qu’elle devra ensuite aménager ou construire, comme on l’a souligné plus haut)(28). Hormis cette habilité de montage permettant à la ville d’aménager son territoire sans recours aux deniers publics, l’objectif de cette «négociation permanente» est d’impliquer plus directement les promoteurs aux projets qu’ils réalisent, cherchant presque à faire d’eux des «concepteurs» plutôt que de simples «réalisateurs». 91


C’est ainsi qu’est souhaité par ce procédé que «les promoteurs s’approprient le projet d’ensemble» en formant «avec l’architecte coordonnateur, la ville et la SAEM, une équipe consciente de construire un projet en commun»(29). On espère ainsi que la participation des promoteurs à ce projet représente pour eux «des aspects techniques, commerciaux, programmatiques et humains enrichissants». On le voit, l’objectif est ici de sortir des mésententes traditionnelles observées dans le développement d’«hybrides résidentiels» (le dialogue n’étant «pas toujours facile notamment lors du chiffrage des opérations»; un aspect déjà évoqué plus haut dans la partie «I/A/La mixité programmatique»). Ce principe de concertation en continu initié par la SAEM et la ville se retrouve dans le mode de désignation des différents maîtres d’oeuvre impliqués sur cette opération. Ainsi, les «maîtres d’oeuvre coordonnateur» sont-ils désignés à la suite de consultations d’urbanisme pour chaque macro-lot organisées par la SAEM et «auxquelles participent les promoteurs, la Ville, les urbanistes-coordonateur de chaque secteur, P.Chavannes et C.Devillers et la SAEM». Renault participent aussi au jury final. Ces derniers sont alors «d’expliciter sur ce site [...] les principes de composition urbaine et paysagère, en cohérence avec le CPAUP de la ZAC et en accord avec l’urbaniste coordonnateur du Trapèze». Ensuite, les architectes des lots définis au coeur du macrolot par ce maître d’oeuvre coordonnateur sont «choisis après accord de la SAEM, de la ville et de DBS»(31). Poussant ce principe de conciliation général des intérêts de chacun au bout de sa logique, la SAEM revendique dans le dossier de création de la ZAC Seguin Rives-de-Seine une «concertation menée avec tous les habitants, élus et partenaires impliqués dans la vie boulonnaise [allant] bien au-delà de la concertation strictement règlementaire» par le biais de nombreuses réunions et expositions publiques, ainsi que l’envoi d’un questionnaire à «42 000 foyers boulonnais»(32). Ce «dispositif de concertation renforcé» comme va jusqu’à le nommer le PUCA impliquerait aussi directement «16 associations du quartier reconnues par la Ville» (33). Cette opération semble ainsi se faire la nouvelle expression de l’apologie contemporaine du consensus que nous évoquions dans la partie «I/A/La mixité programmatique». Ainsi, c’est ce même aspect qui semble faire du Trapèze une référence de ce procédé d’«urbanisme négocié» (34) défendu par N.Michelin pour favoriser le développement de la mixité programmatique dans l’aménagement urbain. La surconcertation alors observée semble avoir pour objectif de trouver avec les maîtres d’ouvrages privés (comme on l’a vu, les plus réticents à cette notion) le plus rapidement possible la base d’un consensus permettant ainsi le «mélange» effectif des programmes en ville (la «rapidité d’exécution d’une opération représentant également un avantage pour ces derniers(35)). ««La taille des terrains à aménager (des dizaines d’hectares), la complexité et la densité programmatique (induites par la situation exceptionnelle des terrains) expliquent certainement cette organisation scientifiquement hiérarchisée, qui permet à la SEM de contrôler toutes les étapes de l’opération.» R.Labrunye, dans la revue Criticat (36) En fin de compte, il semblerait bien que ce principe de «négociation continue» entre les nombreux acteurs impliqués dans le développement du Trapèze de Boulogne-Billancourt ait été instauré par la SAEM dans un souci d’encadrement strict de l’ensemble de l’opération par la ville (la société étant ainsi présidée par Mr Baguet, député-maire de Boulogne-Billancourt(37)) plutôt que de réelle concertation. C’est par ce même «suivi perpétuel» des opérations (ce dernier se profilant tout au long de la réalisation de ce nouveau quartier et allant jusqu’à l’examen minutieux des «détails d’architecture», aux dires de B.Vanhoesbrouck d’UAPS(38)) que la municipalité entend concrétiser les ambitions qu’elle porte vers ce nouveau quartier, notamment en terme de mixité programmatique.

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2) Le Macrolot B2 et le projet d’UAPS en phase concours

Ill.22 - Maquette du Macrolot B2 présentée au concours par UAPS/Stéphane Beel Après avoir introduit le contexte général et les prérequis constituant le cadre d’émergence du macrolot B2, nous allons maintenant chercher à expliciter les caractéristiques de ce projet au moment du concours, et ce afin de mieux comprendre les intentions originelles ayant guidé le dessin général de cet «hybride résidentiel» ainsi que celui de son «espace commun» aux différents programmes. Pour cela, il convient d’abord d’interroger le rôle fondamental du «maître-d’oeuvre coordonnateur» à l’origine de cette première esquisse: l’agence UAPS, associée pour l’occasion à l’architecte S.Beel.

IECES

LES PRINCIPES DE L’ILOT

(a) UAPS: un «maître-d’oeuvre coordonnateur»

Composée d’architectes et d’urbanistes, cette agence remporte le concours lancé en 2005 par la SAEM Val-de-Seine pour le dessin du macrolot B2, premier d’une longue série amenée à être réalisée sur le site du Trapèze de Boulogne et devient ainsi «maître d’oeuvre coordonnateur» du macrolot (les caractéristiques du projet seront présentées plus loin). Le rôle dévolu par UAPS est donc -une fois sa proposition d’aménagement du macrolot B2 du Trapèze acceptée- de définir des «prescriptions urbaines» spécifiques pour l’îlot lesquelles, s’ajoutant à celle impliquées par le plan de référence du Trapèze dessiné par P.Chavannes, s’imposeront aux architectes amenés à concevoir les différents «lots» composant ce macrolot (dont le dessin revient également à UAPS). Ces prescriptions touchent au positionnement dans l’îlot des différents programmes, des entrées, de la matérialité des constructions... et définissent avec la plus grande attention «tout ce qui a une influence sur l’espace public et l’espace ouvert en coeur d’îlot», aux dires de Bruno Vanhoesbrouck (chef de projet chez UAPS). Il s’agit selon lui de «définir les règles avec lesquelles les architectes doivent travailler». L’idée est ainsi de garantir une «cohérence générale» pour l’ensemble du macrolot. 93


Dans le cadre de cette mission, UAPS est associé à un «maître d’ouvrage coordonnateur» formé par la combinaison des promoteurs Nexity et Icade. Ces deux acteurs participent aux jurys d’architecture lancés pour ce macrolot (auxquelles participent également, commme on l’a vu, la SAEM, la ville et DBS), suivent l’évolution de la conception des projets ainsi que leur réalisation. C’est donc à la fois à un travail de conception des «espaces communs» entre les différents programmes et de coordonnation des différents acteurs que se consacre UAPS(1) au fil de cette mission d’aménagement du macrolot B2; un aspect donnant ainsi toute son importance à l’étude des travaux développés par l’agence dans le cadre de cette recherche.

(b) L’organisation générale du macrolot

Ill.23 - Plan de RDC du Macrolot B2 (en phase concours) Des logements locatifs, en accession et sociaux. Des bureaux. Des commerces. Deux écoles (maternelle et primaire) et un gymnase. Tels sont les programmes composant cet «hybride résidentiel». Avant de nous interroger sur les intentions premières exprimées par UAPS dans le dessin de l’«espace commun» entre ces différents programmes intéressant tout particulièrement notre recherche, il convient de mettre en lumière les prescriptions établies par l’agence concernant l’organisation générale du macrolot et sa répartition programmatique. Ainsi, aux dires de B.Vanhoesbrouck, le travail a-t-il surtout porté sur une «décomposition de la forme urbaine» induite par l’alignement sur rue à 70% imposé par P.Chavannes. Tout en conservant cette disposition en «ruban continu faisant clairement la distinction entre l’espace public et l’espace collectif en coeur d’îlot», tout un travail a été mené sur la «porosité et les vues entre l’extérieur et l’intérieur du macrolot» permise par des «failles interrompant les fronts bâtis»(2). Ce dispositif en «îlot ouvert» n’est pas sans rappelé les nombreuses opérations françaises du début du siècle (telles que les HBM) et inspirées par la notion d’«Unité de voisinage» avancée outre-Atlantique par l’École de Chicago un peu plus tôt. 94


Ill.24 - Intentions premières d’UAPS: constitution d’un front bâti travaillant une porosité entre espace public et coeur d’îlot Il apparaît ici très intéressant de relever de grandes similitudes entre la définition que donne Perry (architecte et urbaniste américain) de cette notion en 1929 et le macrolot B2. Aux yeux de ce dernier, six critères fixent ainsi l’Unité de Voisinage: «1- Nombre d’habitants [750 à 1500 familles] 2 - Délimitation de l’unité par les voies de circulations en pourtour 3 - Répartition sur l’ensemble de l’unité d’un espace libre [>40% de sa surface totale, avec la voirie] 4 - Hiérarchisation des voies à l’intérieur de l’unité 5 - Implantation centrale de l’école [...] et des équipements publics 6 - Implantation des commerces répondant aux besoins quotidiens en périphérie»(3) Ainsi donc, si UAPS recommande non pas une implantation centrale de l’école et des équipements publics (préférant les placer à l’angle Nord-Est de l’îlot), on peut constater que l’ensemble des autres critères avancés par Perry se retrouvent dans le projet lauréat du macrolot B2: commerces implantés en périphérie, délimitation du lot par des voies de circulation en pourtour, hierarchisation des voies à l’intérieur de l’unité par le dessin des «traverses» impliquées par le plan de Chavannes... et l’aspect le plus important dans le cadre de cette recherche, la réparition sur l’ensemble de l’unité d’un «espace libre», ici au centre de l’opération. Comme on l’a démontré en amont dans la partie «I/B/L’espace intermédiaire», cette notion d’«Unité de voisinage» s’avère fondamentale dans la mythologie de l’«espace fédérateur» pensé à même de fonder une spatialité communautaire. Cela suffit-il à associer à l’«espace commun aux différents programmes» développé au coeur de l’opération du macrolot B2 une tentative d’«espace fédérateur»? S’il semble que cette notion n’est jamais invoquée en ces termes dans les discours de l’agence, quelques aspects nous incite pourtant à émettre l’hypothèse qu’il y a bien dans le dessin de cet «espace commun» une volonté d’espace «micro-communautaire».

(c) Le dessin de l’«espace commun» en phase concours. Un espace fédérateur? Quelles sont ainsi les intentions d’UAPS concernant l’espace central en coeur d’îlot? Comme on l’a évoqué plus haut, le projet de l’agence était d’abord conditionné par les prérequis du plan de Chavannes. Aux dires de B.Vanhoesbrouck, il a ainsi d’abord été question d’interpréter ces règles de base (impliquant, comme on l’a vu, une mixité programmatique à l’îlot et un «espace intermédiaire» pensé comme un prolongement de l’espace public permettant la traversée de l’ensemble). 95


N

ES

L’ILOT FERME VERSUS L’ILOT OUVERT ET TRAVERSANT

LES 4 PIECES QUI CONSTITUENT LES VUES L’ILOT

LES PASSAGES

LES 4 PIECES QUI CONSTITUENT L’ILOT

LES CARACTERISTIQUES DES PIECES

Ill.25 - Intentions premières d’UAPS: le dessin de l’espace commun

UAPS a ainsi proposé de «découper» l’espace libre en coeur d’îlot à l’aide d’une «croix distinguant quatre lots différents avec chacun leur spécificité». Ainsi, chaque programme se plaçant dans un angle se voyait associé à un «espace ouvert» lui étant propre et orienté vers le coeur d’îlot: - Aux bureaux (Nord-Ouest), un jardin en pente, pensé comme lieu de détente pour les employés - Aux écoles et gymnase (Nord-Est), une cour de récréation - Aux logements (Sud-Est), un jardin collectif pour les résidents TIMENTS AVEC LEUR ENVIRONNEMENT PROCHE ET LES QUALITES DES PIECES - Aux logements (Sud-Ouest), une cour minérale pensée commeSPATIALES prolongement direct de cette «croix» constituée par les traverses. LES PRINCIPES DE L’ILOT Il convientLES iciCARACTERISTIQUES de préciser queDES si ces sous-espaces ont été pensés comme propre à chaque programme (malgré la cour PIECES minérale des logements, pensée commune à tous), la nature de la limite entre ces différents sols n’était pas encore déterminée en phase concours. Ainsi, aux dires de B.Vanhoesbrouck (arrivé chez UAPS en 2010, soit au moment de la réalisation du projet), il est très probable que cette distinction ait d’abord été dessinée comme «quelque chose de fluide, sans limite, où tout était ouvert et tout le monde pouvait aller partout» (ce que semblent également montrer les perspectives de concours présentées à l’époque par UAPS). Si l’on s’accorde avec cette hypothèse, le projet de concours se serait ainsi inscrit dans la continuité directe du projet de Chavannes, exhortant à ce que les coeurs d’îlots soient «vraiment ouverts» et «sans clôtures»(4). Ainsi donc, cette hypothèse suggérant dans la proposition d’UAPS une tentative d’«espace commun pensé fédérateur» au coeur de cet hybride résidentiel -si elle ne peut encore être vérifiée- semble en tout cas acceptable, et relativement confortée deux aspects: LES par PRINCIPES DE L’ILOT - d’abord, par la manière dont les espaces collectifs à usage valorisé propres à chaque programme (cour de récréation, jardin en pente, jardin collectif et cour minérale) sont directement intégrés à l’«espace commun», par leur position au coeur de l’îlot et l’absence supposée de séparation physique entre chacun d’entre eux. - Ensuite, par les images diffusées par l’agence pour promouvoir le projet (en phase concours et après sa réalisation) montrant cet espace commun comme investi par ses différents occupants et des jeux d’enfants (une constante dans la pensée des «espaces fédérateurs»).

IALES DES PIECES

Cette question de la limite entre les sols dévolus aux différents programmes, fondamentale dans le dessin de cet «espace commun», va ainsi constituer un aspect central dans le développement du projet après sa phase concours; comme nous allons maintenant nous attacher à le démontrer. 96


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€?Ăœ¤Ăœ Ăœ Ăœ Ăœ Ăœ MaĂŽtres d’ouvrage : SAEM Val de Seine AmĂŠnagement, OPDH 92 Concepteur : GaĂŤlle Peneau Architectes AssociĂŠs

DE L’AVENUE DU PARC VERS LE CŒUR D’ILOT

LA GRANDE TRA

Ill.26 - Perspectives de concours

€@Ăœ¨Ăœ Ăœ Ăœ • Ăœ Ăœ¤Ăœ Ăœ Ăœ Ăœ Â–Ăœ

MaÎtre d’ouvrage : Icade / Concepteur : StÊphane Beel

LE PAYSAGE

LA RUE NOUVEL

LES

Ill.27 - Photographie contemporaine du coeur d’Îlot 97


3) L’évolution du projet en phase études Comme nous l’évoquions plus haut, c’est avant tout la question du dessin de cette limite entre les différents programmes, au coeur de l’îlot, qui va poser question au cours du développement du projet. Avant d’aborder cette question, il convient sans doute de traiter de l’évolution générale du projet une fois le concours de maîtrise d’oeuvre remporté par UAPS.

(a) Évolutions générales du projet

Ill.28 - Plan de toiture final du Macrolot B2 (encerclé en orange, l’opération architecturale conçue par UAPS) Ainsi, si le choix du projet proposé par UAPS par l’ensemble des acteurs impliqués (la SAEM, la ville, DBS, P.Chavannes...) peut constituer une preuve indéniable du soutien apporté aux intentions générales exprimées par l’agence dans le cadre du dessin du macrolot B2, il ne saurait être compris comme une adhésion totale et inconditionnelle à ces dernières. Comme le veut l’usage, tout projet est ainsi sujet à quelques réglages une fois le concours remporté, qu’il est riche d’analyser afin de mieux saisir SITUATION la manière dont les différents acteurs participent par leur implication au redessin de la proposition initiale (faite, comme on peut l’imaginer, par ces seuls «concepteurs»). Il convient ici de rappeler la mission particulière d’UAPS dans le cadre de l’aménagement du Macrolot B2: en tant que «coordonnateur de lot», il lui incombe la tâche de «découper des lots et de définir les directives urbaines à l’intention des architectes de lots» amenés à être désignés pour chaque projet(1). Ainsi se doit-il d’abord de choisir -avec l’accord de la SAEM, de la ville, de DBS et du maître d’ouvrage coordonnateur (ici, l’association Nexity/Icade)- les maîtres d’oeuvres spécifiques amenés à constituer son «équipe[avec laquelle ce dernier] développe ses propres méthodes de travail»(2). 98

FAC


Ainsi, l’évolution la plus conséquente du projet une fois le concours remporté a-t-elle été impliquée par la désignation de ces architectes et la précision des projets amenés à être réalisés sur le macrolot. Dans le cas du macrolot B2, ce furent: - Carlos Ferrater pour les bureaux - UAPS, S.Beel et Virgily pour les logements au Sud de l’îlot (les «maîtres d’oeuvres coordonnateur de macrolot» étant chacun autorisés à construire un des lots de leur opération) - GPAA/Gaelle Péneau pour l’ensemble écoles/gymnase/logements sociaux Cette dernière opération a cela d’intéressant qu’elle représente le seul exemple de «mixité fonctionnelle au bâtiment» mis en oeuvre sur le macrolot B2, le principe d’une «mixité programmatique à l’îlot» ayant été plutôt privilégié sur ce site (comprendre, «un programme par bâtiment»). Cette imbrication fine des programmes, «imposée par l’économie du foncier», serait à l’origine d’un dispositif assez exceptionnel, consistant à laisser au sol la cour de l’école maternelle tout en nichant en toiture -au niveaux du deuxième étagecelle de l’école élémentaire(3). Cette première précision du projet initial du macrolot B2 en phase d’études -concernant principalement le cadre bâti de l’opération- en a amené une autre: celle du vide libéré en coeur d’îlot et semblant constituer, comme nous l’évoquions plus haut, une tentative d’«espace commun fédérateur en coeur d’hybride résidentiel», partagé par les usagers des différents programmes.

(b) Évolution de l’«espace commun»: le dessin progressif des limites entre les différents programmes «Je pense que le dessin des limites entre les sols dévolus aux différents programmes a évolué dans le temps» Bruno Vanhoesbrouck, chef de projet chez UAPS(4) Comme nous l’avons montré plus haut, le dessin des limites en phase concours semblait relativement peu définies, la nature de ces distinctions n’étant pas encore déterminée. Le découpage des sols en coeur d’îlot -chacun se voyant associer à un programme et un dispositif spatial différent- dès la phase concours pourrait ainsi s’expliquer simplement par l’obligation imposée au «maître d’oeuvre coordonnateur» de dissocier des lots au sein du macrolot B2, afin que ceux-ci puissent être conçus distinctement par l’architecte désigné ultérieurement à cet effet (ainsi que la maîtrise d’ouvrage amenée à le réaliser). Cette hypothèse amènerait donc à penser qu’une distinction physique n’était pas pensée à l’origine par UAPS. Une autre hypothèse consisterait à l’inverse à voir dans ce dessin d’un «espace commun» aux différents programmes potentiellement fragmenté l’anticipation -par l’agence- de cette concrétisation du dessin des clôtures entre les différents sols, présentée par B.Vanhoesbrouck comme la «première évolution du projet en phase de développement». Ainsi, ce que ce dernier nomme la «confrontation à la réalité» -si ce n’est à celle des promoteurs- aurait induite l’introduction de limites physiques, bien que légères, entre les différents programmes ainsi qu’entre le coeur d’îlot et l’espace public. Ce dernier indique: «Les promoteurs laissent une grande liberté pour le dessin de cette limite. Pour eux, le plus important, c’est que la distinction soit claire entre ce qui leur appartient ou non»; soit entre les différents programmes, et entre les espaces privés -qu’il leur revient d’aménager- et les espaces publics. Le raisonnement invoqué par ces derniers est économique, par exemple dans le cas des bureaux: «si ce jardin en pente est leur propriété privée, ils doivent en payer l’aménagement et l’entretien». 99


C’est pourquoi il est extrêmement important pour eux de connaître précisément la surface qu’il leur revient de financer. Et pour éviter des surcoûts d’entretien liés à une «mauvaise utilisation» de son sol, ce dernier préfère contrôler strictement la présence des individus s’y trouvant, justifiant ainsi la matérialisation de la limite par une clôture. Ainsi donc le dessin de l’«espace commun» a-t-il évolué en ce sens. Le jardin en pente, la cour d’école, les jardins collectifs (devenus dans l’intervalle privatifs, découpé en tronçon chacun lié à un seul logement) se sont progressivement isolés physiquement (bien que sur le papier, le projet du macrolot B2 n’en étant pas encore à sa phase de réalisation) par le dessin de barrières voulues légères (on y reviendra). Des grilles d’entrées ont aussi été rajoutées à l’extrémité des traverses piétonnes, afin de permettre un contrôle des entrées et sorties de l’îlot (selon qu’on soit le jour ou la nuit, par exemple). Aux dires de B.Vanhoesbrouck, si ces distinctions physiques entre les espaces dévolus aux différents programmes sont exigées par les promoteurs, ceux-ci n’ont rien contre le développement de continuités visuelles entre ces derniers et l’«espace commun». C’est ainsi que l’agence s’est attaché à développer au maximum une forme de porosité et de transparences entre ces différents espaces internes à l’îlot, afin de «conserver à l’intérieur cette idée de collectivité» (une notion proche de celle de «communauté»?)(5). Ainsi, d’un prolongement d’espace public pensé comme la rencontre des espaces collectifs valorisés des différents programmes (que suggérait le dessin certes abstrait du projet en phase concours par UAPS), l’«espace commun» en coeur d’îlot s’est-il retrouvé progressivement privé de certaines de ces composantes, jusqu’à n’être plus constitué que de la «croix» dessinée par les traverses «périodiquement rendues publiques» et la cour minérale des logements situés à l’angle Sud-Ouest de l’îlot, les deux se confondant finalement dans un seul et même «espace intermédiaire» n’entretenant plus avec les autres programmes que des relations visuelles.

Ill.29 - Une grille d’entrée du Macrolot B2, ou l’expression du travail d’UAPS sur la porosité visuelle des limites imposées 100

Ill.30 - La barrière requise entre la cour minérale des logements et le jardin en pente des bureaux est elle aussi voulue la moins visible possible: basse (1m de haut) et relativement «transparente».


4) Réalisation: les derniers réglages en phase chantier? (a) De nouvelles transformations de l’espace commun Cette atteinte au principe d’«espace commun en coeur d’hybride résidentiel» observé au cours de la phase études doit-il être imputé uniquement à la logique des promoteurs? Si cette catégorie d’acteurs semblent la mieux à même de la séparation des espaces associés à différents programmes (comme nous avons eu plusieurs fois l’occasion de le démontrer dans ce papier), il semblerait que d’autres facteurs puissent rentrer en jeu pour occasionner cette ségrégation, tel que celui des règlementations en vigueur. En cela, il semble particulièrement intéressant de se pencher sur le cas d’une limite particulière, dont le dessin a pu évoluer jusqu’au terme de la phase de réalisation du macrolot B2: celle dissociant l’«espace commun» de la cour de récréation des maternelles. Ainsi, la clôture impérative entre ces deux espaces ne serait-elle pas due au souhait du maître d’ouvrage spécifique en charge de cette opération (le bailleur social OPDH92), mais bien issue de loies urbaines imposant qu’une distance soit établie entre une cour d’école et une «servitude de passage publique» (constituée par la traverse longeant l’équipement scolaire en coeur d’îlot). Il est d’ailleurs possible de constater sur les perspectives de concours d’UAPS que la question d’une barrière à cet endroit est déjà abordée, par le dessin d’une haie basse; là où les sols extérieurs dévolus aux bureaux par exemple ne sont pas coupés physiquement de l’«espace commun» central. C’est ainsi que, pour des raisons toutes différentes, ce travail sur la «transparence» des clôtures initié par UAPS en réponse aux promoteurs (et à leur impératif de dissociation physiques des sols dévolus aux différents programmes) un nouveau champs d’application au cours de la phase chantier. De nombreuses discussions entre UAPS et Gaelle Péneau (l’architecte du lot) ont ainsi mené à retravailler cette limite jusque très tard dans la réalisation du projet, les premiers désirant une transparence prononcée de cette limite que la seconde redoutait. C’est finalement un système de haies comprises dans une maille qui a emporté l’adhésion des deux concepteurs, la grande épaisseur de cette limite (plus d’un mètre) permettant ainsi d’éviter une barrière trop haute, qui aurait porté atteinte à cette image d’un «grand espace commun» en coeur d’îlot, souhaitée par UAPS(1).

Ill.31 - La limite entre la cour d’école et l’«espace commun»: un nouvel exemple de ce travail sur la transparence des limites physiques généralisé par UAPS sur l’ensemble du Macrolot B2

(b) Retour sur expérience: repenser cette dessin des découpages de l’espace commun? Ainsi donc, B.Vanhoesbrouck indique-t-il que s’il fallait repenser aujourd’hui le projet du macrolot B2, UAPS traiterait certainement différemment cette question des limites entre les différents programmes à l’intérieur de l’îlot. À ses yeux, l’acceptation de cet impératif des promoteurs de dissocier physiquement ce qui leur appartient ou non devrait être mieux pris en compte dès l’origine du projet, ce dernier reconnaissant toutefois la difficulté d’un tel dessin a priori 101


(«Si le détail des limites est trop dessiné, le projet risque de trop mettre en valeur la complexité de cette mixité programmatique et personne ne le choisira»). Il doit s’agir de mieux travailler en amont «toute la question des limites, en se demandant comment faire pour avoir quelque chose de qualitatif en terme d’architecture et d’espace, tout en opérant une distinction claire entre ce qui est public et privé»; ce que ne permet pas réellement le principe de macrolot, impliquant une arrivée assez tardive des «architectes de lot» dans le développement de l’opération(2).

Conclusion: Ainsi, le macrolot B2 semble se faire l’expression particulièrement forte des divergences profondes qui caractérisent les représentations respectives des différents acteurs en charge de l’aménagement urbain autour de cette notion d’«espace commun en coeur d’hybride résidentiel» (mis en évidence tout au long de la partie «I/Se représenter...» et conforté par la partie «II/A/Terrain général»). Si l’instance politique -par le biais de la SAEM- s’attache à imposer conjointement les principes de «mixité programmatique» et d’«espace intermédiaire» par le choix du plan de Chavannes comme préalables au projet d’aménagement, cette dernière se révèle ainsi particulièrement suivie par les «concepteurs» tels qu’UAPS proposant de combiner ces deux notions par l’instauration d’un seul et même «espace commun» aux différents programmes du Macrolot B2. Pour autant, la «confrontation avec la réalité» et les impératifs des «réalisateurs» (économiques,règlementaires...) semblent pour autant avoir raison de ces prérogatives pour ne plus produire là qu’un «espace commun en coeur d’hybride résidentiel» relativement simplifié si ce n’est appauvri. Coupé physiquement des programmes non résidentiels de l’opération, il n’entretient plus avec eux que des relations visuelles; et si ce traitement des limites physiques par la transparence, travaillé par l’ensemble des «concepteurs» et encouragé par les promoteurs, s’avère certes remarquable, il paraît en réalité trahir un seul regret: celui de n’avoir pu conserver là le principe d’un «espace commun» physiquement partagé par les différents occupants du Macrolot B2. Peut-on encore parler d’«espace commun» lorsque les relations que ce dernier entretient avec les programmes non-résidentiels de l’opération ne sont que visuelles? L’ouverture périodique au public de cet espace finalement résidentiel (seuls les logements continuent d’avoir sur ce dernier un accès direct) n’en fait-il pas là un simple «espace intermédiaire» pensé comme un prolongement d’espace public? Finalement, il semble que ces questions en amènent d’autres, évoquées de la manière suivante par B.Vanhoesbrouck: «Je ne sais pas comment ces espaces communs vivent aujourd’hui. Après la vision du projet, il y a la vie qui s’installe: comment les gens le vivent-ils? Est-ce que les gens trouvent cet endroit intéressant, est-ce qu’ils utilisent le passage dans leur quotidien, ou est-ce qu’ils font toujours le tour par l’extérieur? Toutes les intentions que je viens de défendre correspondent-elles finalement à la réalité?»(3) Cette exhortation à s’interroger sur l’appropriation -et l’acceptation?- réelle des «espaces communs en coeur d’hybride résidentiel» par ses occupants (résidents, employés de bureaux, écoliers, professeurs, sportifs, promeneurs...) semble ainsi s’avérer tout à fait fondamentale dans la compréhension de la manière dont ces espaces sont conçus aujourd’hui, sans se limiter aux seuls acteurs de l’aménagement urbain, comme nous l’avons fait jusqu’ici. Avant d’esquisser dans une troisième partie de ce mémoire la forme que pourrait prendre cette nouvelle étape de la présente recherche, nous allons maintenant nous pencher sur le cas d’une seconde opération se distinguant du macrolot B2 notamment par l’absence de cette figure tant redoutée du promoteur: le «jardin sur le toit». 102


2. Le «Jardin sur le toit» (Quartier Vignoles-Est, Paris XXe) Logements - Gymnase - Jardin associatif (2006-2008)

Ill.32 - Vue du projet réalisé depuis la rue des Haies «L’évolution récente dans l’aménagement urbain mène à distinguer deux marchés de la construction: un premier marché (national) où sont impliqués les grands acteurs évoqués précédemment [Nexity, Icade...] et un second marché (local) d’opérations plus modestes réalisées par les filiales des acteurs immobiliers du premier marché ou par des sociétés indépendantes, dont ceux des bailleurs sociaux qui sont encore constructeurs.» J.Lucan, dans l’ouvrage Où va la ville (1) Avant d’engager l’analyse approfondie de cette seconde opération dite du «Jardin sur le toit» (2006-2008), il convient de souligner ici la distinction fondamentale à opérer entre les deux études de cas développées dans cette partie. Si le Macrolot B2 du Trapèze, en tant que fruit de l’initiative d’une SEM (Société d’Économie Mixte, donc issue d’un Partenariat Public-Privé) impliquait quantité d’acteurs publics et privés, la seconde se distingue nettement de la première en tant qu’opération entièrement publique, n’impliquant en définitive que des instance politiques et bailleurs sociaux prenant le rôle d’aménageur. La considération -comme l’évoque Lucan- d’une tendance contemporaine de l’aménagement urbain à ne plus se constituer que de ces deux catégories d’opérations (si l’on écarte les opérations d’iniative uniquement privée, qui comme on peut s’en douter au vu des enseignements tirés jusqu’ici, a peu de chance de faire le moindre cas de la notion d’espace partagé entre différents programmes) nous a amené à faire de l’analyse de cette réalisation du «Jardin sur le toit» une étape nécessaire dans cette tentative de comprendre aux mieux la manière dont sont réalisés aujourd’hui ces «espaces communs en coeur d’hybride résidentiel». 103


[NB: Dans cette partie, les appellations d’OPAC (ou Office Public d’Aménagement et de Construction de Paris) ou Paris Habitat OPH renvoit tout deux à la maîtrise d’ouvrage du projet considéré; celle-ci ayant changé de nom en 2008, soit avant la fin de la réalisation du «Jardin sur le toit»]

1) La situation initiale et le contexte d’émergence du projet (a) Contexte général: La restructuration de l’îlot Vignoles Est L’«hybride résidentiel» dont il est ici question trouve son origine dans la restructuration de l’ensemble du quartier de la Réunion, dans le XX arrondissement de Paris, initiée par la création à la fin des années 80 de la ZAC de la Réunion, accompagnée de plusieurs opérations ponctuelles au sein d’un procédé d’aménagement dit «secteur de plan masse» instauré en 2001 par la ville (outil dont on élucidera plus tard les caractéristiques). Le secteur en question était, aux yeux de P.Sandevoir (alors directeur de la construction à l’OPAC ou Office Public d’Aménagement de Paris -aujourd’hui Paris Habitat OPH - bailleur social et maître d’oeuvre du projet considéré) «un ancien secteur d’activité, avec beaucoup d’ateliers, de petites constructions de mauvaises qualités, un bâti très dégradé» et «un lieu d’insécurité et d’insalubrité très important»(2). De nombreuses petites venelles entre les différentes rues impliquait un «parcellaire en lanière», assez éclaté, dans lequel venait ainsi s’inscrire l’opération dite de l’îlot Vignoles Est. Cet îlot, ainsi que deux autres dans le même quartier, n’avaient pas été inclus dans la ZAC de la Réunion «parce qu’ils étaient considérés comme trop compliqués»(3), aux dires de F.Giboudeaux (élue EELV du XXe arrondissement en charge de l’urbanisme, à l’époque comme aujourd’hui): «il y avait trop de multipropriétés, de logements insalubres, de difficultés à traiter ces îlots dans le cadre d’une large opération d’aménagement telle qu’une ZAC». Ressentant «l’urgence d’intervenir» et une grosse attente des habitants et des associations, la municipalité a ainsi décidée de réinvestir ces délaissés à partir de 2001.

(b) Un «secteur de plan-masse» plutôt qu’une ZAC Prenant ainsi la décision de réhabiliter ces îlots éparpillés laissés à l’abandon, la ville décide -par le biais de son bailleur, l’OPAC- d’y développer une «opération publique» dans le cadre d’un «secteur de plan-masse» plutôt que de ZAC. Pour quelles raisons la municipalité s’est-elle portée sur cet outil d’aménagement plutôt que sur celui, bien plus répandu, en Zones d’Aménagement Concerté? Aux dires de P.Sandevoir, c’est d’abord la dimension de l’opération -seulement quelques îlots à réhabiliter- qui est en cause, «trop légère» pour y développer de tels moyens. C’est aussi, selon lui, le fait que l’opération considérée soit «entièrement publique» -c’est-à-dire amenée à être développée sur des terrains détenus par la ville avec des programmes publics (logements, équipements...)- qui justifierait difficilement le recours au procédé de ZAC, souvent mal vu dans ces conditions (en ce qu’il permettait de «mettre le POS entre parenthèse», donc de contourner les règles urbaines, d’une certaine manière)(4). Il semblerait pour autant que la volonté exprimée par la ville de ne pas recourir à ce procédé de ZAC soit d’une toute autre origine, comme nous allons maintenant nous attacher à le démontrer. Ainsi, si «ne pas rentrer dans la ZAC a pu être perçu comme une malchance à l’époque [...] puisque cela voulait dire que rien ne bougeait», F.Giboudeaux invite-t-elle à y voir plutôt une «chance»: celle de pouvoir «penser à un autre urbanisme, moins dur que celui de la ZAC de la Réunion»(5). 104


C’est ainsi que le recours à un autre outil d’aménagement -le «secteur de plan masse»- représente pour cette élue en charge de l’urbanisme l’occasion d’une intervention moins brutale que celle développée auparavant dans le quartier, «en repartant de l’existant» et en travaillant plus finement. Celle-ci déplore par ces mots la manière dont les aménageurs de la ZAC regroupaient les parcelles afin de permettre la construction de grandes opérations, en «supprimant les passages» constituant pourtant à ses yeux la «richesse» de ce quartier. On serait ainsi tenté de voir dans cette valorisation d’une intervention plus fine et mesurée une forme de culturalisme fondée sur une valorisation de l’existant (hypothèse que l’on s’attachera à tester plus loin). Cette dévalorisation de l’opération du Quartier de la Réunion nous permet d’identifier un nouvel aspect intéressant dans le cadre de cette recherche: celui d’une grande valorisation par cette élue d’un principe de «mixité fonctionnelle au bâtiment», qu’elle souhaite dès l’origine développer au coeur de l’opération Vignoles Est, qu’elle oppose à celui de «mixité programmatique à l’îlot», qu’elle déplore en l’associant aux réalisations de la ZAC («Certes, la ZAC était multifonctionnelle; mais à l’échelle du grand quartier de la Réunion. Ils ont mis 30 000m2 d’activité dans un bâtiment rue d’Avron, puis plus rien [...] il faut travailler la multifonctionnalité à une plus petite échelle. La trame viaire de ce quartier est propice à ça, à ce travail dans la dentelle»(6)). Ainsi, celle-ci va même jusqu’à affirmer que «l’imbrication fine de programmes différents est l’intérêt urbain de cette opération». Cette introduction du principe de «mixité fonctionnelle au bâtiment», comme on l’a vu honnie par les promoteurs, semble ainsi facilitée dans ce quartier justement par le caractère public de l’opération Vignoles Est -une hypothèse confirmée par l’élue(7). Cette apologie du principe de la «mixité fonctionnelle au bâtiment» perçu dans les discours de cette instance politique (celle-ci allant jusqu’à considérer comme «indispensable» le recours à ce dernier dans une opération d’aménagement(8)) semble d’une manière assez surprenante trouver une sorte d’écho dans le discours de la maîtrise d’ouvrage, certes plus pondérée, laquelle affirme par la voix de P.Sandevoir «réaliser très souvent pour le compte de la ville ce genre d’opérations». Cela étant, ce dernier semble suggérer que cette mixité fonctionnelle est le plus souvent souhaitée par la ville et consentie par le bailleur, ce dernier «s’efforçant d’intégrer [l’équipement demandé par la ville] en complément de [leur] programme de logements pour parvenir à une commande passée à l’architecte qui soit cohérente»(9). Enfin, il est intéressant de relever que cette élue semble se faire l’avocat d’une autre notion afférente à notre recherche -celle d’«espace intermédiaire» voir d’«espace commun en coeur d’hybride résidentiel»- en évoquant la manière dont ce travail de l’urbanisme à une échelle fine pourrait permettre de faire en sorte que «les gens se croisent [et] aient des choses à faire ensemble» au sein d’ensembles résidentiels à programme mixte(10).

(c) Définition et retour sur les prescriptions du secteur de plan masse Ainsi donc, la décision de fixer pour ce site intégrant l’îlot Vignoles Est un «secteur de plan masse» s’est-elle concrétisée en 2001 à la suite d’une étude urbaine menée par l’APUR. Le principe de ce document était de fixer des prescriptions urbaines, architecturales et règlementaires qui, à l’inverse d’une révision du POS (Plan d’Occupation des Sols) par un PAZ (Plan d’Aménagement de Zone), ajoutait des contraintes additionnelles aux règlements d’urbanisme en vigueur(11). Celui-ci imposait notamment de «conserver des petites venelles de 3m de large en construisant de part et d’autres, [...] avec des épannelages correspondant à l’ancien bâti»; des prescriptions comme on peut le voir alors marquées par cette approche culturaliste constatée dans le discours de la Ville de l’époque, incitant à repartir de l’existant. 105


Aux dires de P.Sandevoir, ces nouvelles contraintes étaient relativement mal définies et préjudiciables à l’aménagement des terrains concernés, dont l’OPAC étaient propriétaire. Il convient ici d’indiquer que le rachat des terrains privés et morcelés constituant ce site avait été engagé de longue date par le bailleur: en tant que «délégataire du droit de préemption de la ville», celui-ci avait ainsi procédé aux différentes évictions et relogements de l’ensemble des locataires de ces sites délabrés depuis près de 15 ans («ce qui est souvent le cas, lorsqu’on a une multitude de petits propriétaires difficiles à identifier, et des imbrications de parcelles épouvantables comme c’était le cas ici»(13)), et achevait justement en 2001 le rachat des derniers terrains pour le compte de la ville. Ainsi l’OPAC lança-t-il un premier concours en 2002 sur la base du «secteur de plan-masse» défini par l’APUR, pour un programme de 35 logements combinés à un gymnase (une forme embryonnaire de l’«hybride résidentiel» dont il est question dans cette étude de cas), lequel aboutit sur un «résultat assez catastrophique», l’implantation d’un gymnase -nécessairement de grande dimension- ne permettant pas le respect des contraintes nouvellement fixées (P.Sandevoir évoquant une «incompatibilité totale entre le programme et le secteur de plan masse», le respect de l’un induisant l’infléchissement de l’autre(14)). Finalement, le bailleur trouva gain de cause en convaincant la Ville de revenir sur les prérogatives trop strictes de ce procédé d’aménagement, pour ne plus conserver comme prescriptions urbaines que les «règles générales» suivantes: - Conserver la trame de petites venelles qui vont de la rue des Haies à la rue des Vignoles - Conserver le tissu au maximum et conserver une partie du bâti» pouvant être restauré (15) - Conserver un front bâti sur rue ainsi que les exigences en terme de gabarit, couleurs, formes de fenêtres, etc... ne génant pas le développement cohérent du projet(16).

(d) Lancement d’un nouveau concours (2006) et «jardin solidaire»: émergence d’une nouvelle contrainte Une fois le règles urbaines amenées à déterminer l’aménagement de l’îlot Vignoles Est clairement définies, le programme de l’opération souhaitée a pu être plus finement précisée: se devaient ainsi être 35 logements neufs associés à un gymnase comme dans le cas du concours précédent, auxquels venaient s’ajouter 25 autres logements en réhabilitation «par petits bouts dans d’autres secteurs»(17). C’est sur cette base que l’OPAC lance un nouveau concours en 2006 en tant que maître d’ouvrage unique de l’opération pour la réalisation de ce programme «sur une parcelle exigüe, très contraintes de par ses formes, par l’étroitesse de la rue des Haies et par son imbrication au coeur d’un quartier faubourien très resserré»(18). Il convient ici de souligner l’apparition d’une contrainte supplémentaire dans le contexte d’émergence de ce projet dit du «jardin sur le toit», absolument fondamentale pour comprendre le succès théorique et pratique de cet «hybride résidentiel»: celle de l’installation quelques années auparavant, sur ce même site, d’un «jardin solidaire». Ainsi P.Sandevoir indique-t-il que le temps très long pris par l’opération pour se monter (et les années de débat entre 2002 et 2006 ayant été requise à l’OPAC pour convaincre la Ville de revenir sur les trop strictes contraintes fixées par son «secteur de plan-masse» n’ayant pas aidé) induisait une «démolition au fur et à mesure» des «constructions dangeureuses» présentes sur les terrains qu’ils avaient racheté petit à petit pour le compte de la ville. «On s’est donc retrouvé avec un grand terrain vague» au coeur de l’îlot Vignoles Est (le site du projet), lequel a été progressivement approprié de façon informelle par les gens du quartier, encouragés par la Ville (par la signature d’une convention d’occupation précaire avec un collectif associatif, le «Jardin Solidaire»). 106


C’est ainsi développé à cet endroit un «jardin partagé» où s’organisaient des fêtes, des réunions... devenu rapidement un «lieu de socialisation important du quartier» (20)(à la manière d’un «espace fédérateur», tel qu’introduit dans la partie «I/B/L’espace intermédiaire»?). Pour autant, ce jardin se trouvait à l’emplacement exact où devait être construit le gymnase; et la présence d’un tel lieu «favorisant le vivre-ensemble» aux dires de F.Giboudeaux ne pouvait faire oublier le besoin réel exprimé par le quartier d’un tel équipement sportif (requis par un collège notamment). Par ailleurs, la réalisation de ce dernier par la municipalité représentait un engagement politique du maire d’arrondissement, «compris dans le contrat de la mandature». Ne parvenant pas à trouver d’autre emplacement pour sa réalisation, la mairie décida de maintenir le gymnase à cet endroit au lancement du concours en 2006, déclenchant par là-même une série de pétitions, réunions de quartiers, etc... controntant les défenseurs aux opposants du projet(21). Il convient ainsi de se représenter le climat de cette période -reconnu comme particulièrement dur par l’élue EELV et le bailleur- pour mesurer l’engouement généré par le projet de l’agence TOA pour l’îlot Vignoles Est, un aspect que l’on serait tenté de considérer comme à l’origine même du succès relatif de cette opération qualifiée dans cette recherche d’«hybride résidentiel». Ainsi, avant de se pencher sur la réception de ce projet par les différents acteurs identifiés jusqu’ici, il convient de présenter les grandes intentions exprimées par celui-ci à l’heure du-dit concours.

2) Le «Jardin sur le toit», et le projet de TOA en phase concours (a) Trois fonctions au lieu de deux? Le dessin général du projet L’aspect exceptionnel du projet de TOA (agence d’architecture) présenté en 2006 en réponse au concours lancé par l’OPAC est en réalité assez simple: là où la commande d’origine émise par le bailleur imposait -comme on a pu le préciser plus haut- simplement de combiner deux programmes (des logements à un gymnase scolaire), la proposition de l’agence fut la seule à proposer le développement d’un troisième, à savoir un jardin, sur le toit de l’équipement sportif. Sur les quatres équipes invitées à participer au concours, la maîtrise d’ouvrage aurait ainsi reçue «trois réponses très traditionnelles» selon les mots de P.Sandevoir; proposant généralement de placer le gymnase au milieu de la parcelle et de disposer tout autour les logements («en croûte[...] un peu pour le cacher»). Le projet de TOA suggérait plutôt l’inverse, cherchant à «utiliser le gymnase comme le pivot du projet d’ensemble»(1). Ainsi donc, C.Besseyre (architecte-associée de l’agence TOA) décrit-elle leur approche projectuelle comme suit: le gabarit étant très contraint, le gymnase a d’abord été «naturellement placé au coeur de la parcelle», avant que ne soient placés à ses extrémités les logements, sur la rue des Haies et sur le fond de parcelle (une dent creuse venant donner du jour à ces derniers). La place importante prise par le gymnase au milieu de la parcelle a amené l’agence à développer des coursives à l’arrière, ce dispositifs permettant de «desservir un maximum de logements tout en mettant à distance le voile aveugle du gymnase» (dont on se sert tout de même comme d’un appui), permettant ainsi de réaliser à cet endroit des appartements traversants. C’est ensuite posée la question du toit de l’équipement sportif, sur lequel il était impossible de construire des logements en raison d’un POS trop contraignant(2). «C’est à ce moment que «l’histoire du lieu a influé sur notre choix»(Cf. C.Besseyre): la solution trouvée par l’agence pour aménager cette toiture étant alors de proposer une réinterprétation de ce «Jardin Solidaire»(3), dont nous allons nous attacher à expliciter le dessin en phase concours, après avoir établi l’hypothèse d’une volonté de la part de l’agence de développer -dès cette étape de la conception- des «espaces communs pensés fédérateur et de transition» entre les différents programmes. 107


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Ill.33 - Plan du RDC (en phase concours)

Ill.34 - Plan de toiture (en phase concours)

Ill.35 - Coupe AA’ dans le gymnase (en phase concours)

Ill.36 - Coupe BB’ dans l’impasse Satan (en phase concours)

108


(b) Le dessin des «espaces communs» en phase concours

Ill.37 & 38 - L’impasse Satan, un «espace commun de transition» de jour comme de nuit? 109


Nous serions ainsi tenté de voir en l’«impasse Satan», venelle piétonne longeant le gymnase et donnant accès aux logements de fond de parcelle ainsi qu’au «jardin sur le toit» par l’intermédiaire un escalier extérieur, un «espace commun» aux différents programmes composant cette opération (le gymnase donnant aussi sur ce dernier par le biais d’une issue de secours). La présentation par C.Besseyre de cet espace comme le lieu «potentiel d’un partage des espaces de transition entre les différents programmes», ainsi que comme un «lieu de transition entre l’espace public et l’espace privé» (aspect sur lequel on reviendra) nous incite ainsi à émettre l’hypothèse d’une volonté exprimée dès le concours par TOA d’esquisser là un potentiel «espace commun de transition»(4).

110

Paris Habitat OPH N

Ill.39 - Plan du «jardin partagé» en phase concours: des parcelles locatives à l’usage de personnes extérieures à «l’hybride résidentiel»

maître d’ouvrage

Il convient pour autant de préciser que le dessin en phase concours de ce «jardin partagé» diffère grandement de celui qui sera finalement réalisé. Ainsi, à l’origine, les architectes proposaient-ils des «lots de jardins destinés à être loués par parcelle aux gens du quartier tout autour», alors qualifiés de «jardins familiaux». Les références invoquées par ceuxci sont celles des jardins ouvriers d’Orly -une vision reconnue comme «un peu idéaliste» par C.Besseyre(6).

mission

dans le cadre d’un renouvellement urbain conduit par Dedu même, la première esquisse des valeurs quartier faubourien. Motivée par du jardin sur le toit du gymnase aitée de l’équipement sportif implanté en cœur d’îlot, -présenté par l’agence comme une gymnase, envisagée comme un "jardin suspendu", est réinterprétation du «Jardin Solidaire», din associatif. façade laquelle s'ouvrent lequelCinquième avait à leurs yeuxsur l’intérêt la surplombent et espace partagé investi majeur de «développer une vraie de vie pratiques rdin constitue une respiration l'échelle quartier. de quartier» ainsi queà de «créerdu des ces modestes, au programme, liens conformément entre les riverains»(5) semble les germe une volonté cient tousporter d'uneen double orientation. Lesdeétages développer à cet endroit une forme t sobrement dans l’identité des façades du quartier. d’«espace fédérateur» (comme gements inscrivent l’opération dans le skyline parisien. défini dans la partie «I/B/L’espace intermédiaire»), bien que sa dimene / Démarche Environnementale & Certi cation HPE 2000 sion d’«espace commun» entre les différents programmes de l’opération reste encore à démontrer.

Etude & Réalisation

Ainsi ce projet présenté par TOA en 2006 à l’OPAC intéresse-t-il tout particulièrement cette recherche, en ce qu’il semble introduire dès la phase concours deux dispositifs que l’on pourrait qualifier de tentatives d’«espaces communs en coeur d’hybride résidentiel».


3) L’évolution du projet en phase études (a) Position des différents acteurs autour du projet de concours Au vu de la situation particulièrement tendue au moment du concours (telle que nous l’a décrit F.Giboudeaux), il semble raisonnable de croire C.Besseyre lorsque celle-ci affirme que la proposition de TOA a immédiatement emportée l’adhésion de la ville de Paris et le maître douvrage. Si comme nous l’avons évoqué plus haut avec le cas du Macrolot B2, le choix d’un projet en phase concours par un jury n’implique en définitive qu’une approbation générale des intentions exprimées, l’engouement exprimé à la fois par l’OPAC et surtout la municipalité semble à lui seul en mesure d’expliquer le succès relatif de cet opération, malgré sa grande complexité (nous y reviendrons). Aux dires de P.sandevoir, deux arguments auront permis à ce projet d’être sélectionné par l’OPAC. D’abord, sa «qualité globale». Ensuite, cette idée de faire un retour sur le jardin spontané et solidaire qui avait été créé en réoffrant quelque chose qui soit un espace de convivialité aux gens du coins»(1). Il est par ailleurs très intéressant -et rare- de relever dans le discours d’un «réalisateur» une telle adhésion à l’idée de développer de tels «espaces pensés fédérateurs» en coeur d’hybride résidentiel. D’une certaine manière, F.Giboudeaux semble faire le même constat lorsqu’elle évoque ce qui l’avait à l’époque paraissait assez inédit: ce «grand portage de l’OPAC, le chef de projet [ayant] vraiment envie de le faire»(2) et allant jusqu’à évoquer des «arguments d’intérêt général du quartier, pas seulement de leurs opérations immobilières»(3). Une situation, on le concèdera, assez exceptionnelle au vue des enseignements tirées jusqu’ici de cette recherche et ayant plutôt tendance à faire état d’une opposition récurrente entre «concepteurs» et «réalisateurs». Ainsi F.Giboudeaux ayant participé au choix du projet-lauréat, en tant qu’élue du XXe arrondissement chargée de l’urbanisme décrit-elle un soutien général de cette opération et «un partage politique très fort dès le moment du jury». Ce plébiscite aurait ainsi eu l’effet important d’emporter l’adhésion fondamentale d’un troisième acteur: Pascal Cherki, adjoint au sport de la Ville. Ce dernier «connaissant l’histoire et la situation particulière du quartier» aurait ainsi lui aussi soutenu le projet, particulièrement important étant donné le coût supplémentaire non négligeable qu’impliquait par rapport au projet d’origine l’aménagement d’un jardin sur le toit d’un gymnase (les «deux millions d’euros de surcoûts» évoqués par P.Sandevoir(4) menant à des «délibérations avec un avenant» pour déterminer la manière dont ces dépenses nouvelles seraient financées)(5). «On avait donc avec ce projet un architecte très motivé, des élus qui pensaient que c’était un moyen de trouver un compromis, de sortir de cette histoire un peu difficile pour nous, pour montrer qu’on avait fait une proposition au quartier, et l’OPAC, qui y voyait sans doute aussi une forme d’innovation.» F.Giboudeaux(6) Ainsi C.Besseyre insiste-t-elle sur le fait que ce large consensus a entrainé une «absence de conflit» assez remarquable dans le développement de ce projet en phase étude(7). Ce qui n’a pas empêché l’expression de certaines inquiétudes aux dires de F.Giboudeaux, dues notamment à la «complexité associée à la multifonctionnalité» de l’opération, comprendre la «mixité fonctionnelle au bâtiment» de cet hybride résidentiel. Ainsi donc, la DJS (Direction de la Jeunesse et des Sports), intéressée dès l’origine par ce projet en tant que future propriétaire du gymnase, a-t-elle soulevé quelques questions problématiques de son point de vue («n’allons-nous pas avoir des fuites dans le gymnase?», avec cette superposition jardin/ équipement sportif) de même que la DEV (Direction des Espaces Verts de la Ville de Paris), future propriétaire du jardin, s’est interrogée sur la manière de gérer cet espace à terme(8). Cependant, C.Besseyre n’y voit-là que des «questionnements légitimes» ne remettant aucunément en cause l’adhésion relative au projet de ces deux organismes publiques(9), arrivés plus tard sur le projet. 111


Comme nous l’évoquions plus haut, nous pourrions émettre l’hypothèse que ce soutien fort de l’ensemble des acteurs concernés au projet (et tout particulièrement, de ses trois acteurs-clés: Ville, maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’oeuvre) pourrait être considéré comme à l’origine de la «réussite» imputée à ce projet, comme on l’a vu extrêmement complexe. Ainsi, si aux-dires mêmes de C.Besseyre le développement de cette «mixité fonctionnelle au bâtiment» incluant des «espaces communs» génère «des difficultés» demandant ainsi «beaucoup de réflexion», l’essentiel est que ce genre de réalisation «soit cadré, de façon à ce que ça soit fait le mieux possible»(10). Ainsi, il est intéressant de retrouver dans cette opération une forme d’«urbanisme négocié», comme celui que nous avons pu observer dans le cas du Macrolot B2, l’OPAC assurant la «coordination» de l’ensemble. P.Sandevoir insiste ainsi sur les concertations nombreuses entre le bailleur et la Ville («c’est notre quotidien»), la DJS, la DEV... «C’est un travail qui s’est fait pinctuellement avec chacun des acteurs concernés», des réunions publiques étant même organisées pour présenter le projet aux habitants du quartier(11). De même, C.Besseyre décrit-elle l’OPAC comme leur «interlocuteur principal», la DJS et la DEV participant également assez souvents à ces réunions(12). Toutefois, ce procédé d’aménagement semble bien plus facile à mettre en place dans le cas de cette opération du «Jardin sur le Toit» que dans celle du Macrolot B2; constat que nous serions tenté d’associer à trois aspects distinguant cette seconde réalisation de la première: - D’abord, la dimension relativement faible de l’opération comparé à la première étude de cas. - Ensuite, la quantité réduite d’acteurs impliqués dans l’opération, bien moins nombreux que dans le cas du Macrolot B2 caractérisé par une multiplication importante des intervenants. Ainsi dans cette opération, il n’y a guère que trois intervenants majeurs: l’architecte, la Ville, la maîtrise d’ouvrage (jouant aussi le rôle de constructeur de l’ensemble, et de gestionnaire à terme des seuls logements (13)) auxquels s’ajoutent la DJS et la DEV, intéressés par le projet en tant que futurs propriétaires du gymnase et du jardin respectivement. - Enfin, l’homogénéïté relative du statut de ces différents intervenants: ces organismes étant tous «public», hormis la maîtrise d’oeuvre (deux catégories d’acteurs comme on l’a vu souvent favorable au développement d’«espace commun en coeur d’hybride résidentiel»). Il semblerait donc bien que la résolution de cette équation «éminemment complexe» («je rappelle le sandwich: le jardin, le gymnase, les logements»(14) et les parkings amenés à être construits en dessous, imbriqués dans un seul et même bâtiment, lequel développe également des «espaces communs» entre les différents programmes...) trouve dans la situation générale du projet une configuration idéale pour être développé dans les meilleures conditions. Afin de tester cette hypothèse, nous allons maintenant nous attacher à décrire les évolutions successives ayant marquées le développement de ce projet, une fois ce dernier investi par d’autres acteurs que ses seuls «concepteurs».

(b) Évolutions générales du projet Comme nous l’avions indiqué plus haut, l’adhésion concrête des différents acteurs à ce projet d’«hybride résidentiel» n’a pas empêché certaines inquiétudes d’émerger. Cependant, il convient de souligner que l’évolution générale du projet -considéré par les différents acteurs comme bien conçu dès la proposition de concours- se sera plus caractérisée par une forme de précision du dessin d’origine que d’un réel bouleversement des intentions premières (si ce n’est dans le cas du dessin du jardin partagé, qu’on élucidera dans un second temps). 112


Ainsi, l’une des grandes habiletés du projet dans sa forme initiale de concours tenait -aux dires de P.Sandevoir- à un «redécoupage en volume des différents programmes» très cohérent, sur lequel il n’a pas été nécessaire de revenir en phase d’études(15). Ainsi, la distinction entre les différentes entités amenées à être construites par l’OPAC, puis vendues en partie à la Ville (la DJS récupérant le gymnase et la DEV le jardin au démarrage des travaux, le bailleur restant propriétaires des logements et du parking en dessous) est-elle «bien définie par le projet» dès le départ(16) (par exemple, «la DJS et son gymnase [n’ayant] en définitive guère de rapport avec la DEV et son jardin, 20cm de béton les séparant»(17)). Aux dires de C.Besseyre, la manière dont TOA a procédé au découpage en volume de l’opération pourrait être vu comme une façon de «cloisonner ensemble»: les programmes étant conçus dès le concours comme «nécessairement indépendants [...] les uns des autres», la situation «en ville dense» du projet impliquant que certaines limites soient fixées au préalable (et ce, afin de «prévenir certaines choses»(18); faut-il y voir une anticipation des inévitables clôtures?). Consciente d’un «désir d’intimité des logements», l’agence avait aussi suggéré un «travail de plantation plus dense en périphérie du jardin» ainsi qu’une «différence altimétrique de 60cm» afin de dissocier clairement les programmes résidentiel du «jardin partagé»(19). Selon l’architecte-associée de TOA, cette autonomie des fonctions (toute relative, en raison du dessin de cet «espace commun» aux différents programmes constitué comme on l’a vu par l’impasse Satan) était induite par la nature-même de la proposition faite en réponse au concours. En effet, l’agence avait à l’époque proposé deux options à l’OPAC et la Ville: l’une respectant la commande initial (logements+gymnase), et l’autre ajoutant un programme supplémentaire: le jardin sur le toit. Il convenait donc de proposer un projet «cloisonné» fait de «programmes indépendants» afin de permettre l’ajout -ou le retrait- de cet «espace en plus» sans trop nuire à la qualité globale du projet (au cas où le financement d’un tel jardin ne puisse par exemple être assuré)(20). Pour autant, on serait tenté de voir autre chose dans ce principe de relative segrégation des programmes mis en oeuvre très tôt par l’agence dans son processus de conception: celui d’une anticipation -voir d’une compréhension assez fine- des impératifs rencontrés par le promoteur dans le développement d’un «hybride résidentiel» aux programmes si imbriqués. Ainsi C.Besseyre présente-t-elle comme une évidence cette indépendance des différents programmes pour permettre de «limiter la propriété», un aspect comme on l’a vu souvent perçu comme fondamental par les «réalisateurs»: maîtres d’ouvrage privés (promoteurs) et publics (bailleurs) confondus. Les arguments invoqués sont de l’ordre de la gestion et de la sécurité («pour éviter les intrusions»); des thèmes auxquels ces acteurs se montrent en général très réceptif, comme on l’a plusieurs fois souligné en amont(21). Il semble ainsi raisonnable de voir en ce «découpage en volume» des différents programmes précisément dessiné en phase concours une raison supplémentaire justifiant l’accueil particulièrement positif reçu à l’époque par cette proposition. Pourrait-on aussi y voir l’expression d’une réponse à ce que B.Vanhoesbrouck regrettait dans le Macrolot B2, à savoir une définition trop tardive des limites induite par la complexité et la multiplication des acteurs indissociables de son procédé d’aménagement en «macrolot»? On reviendra plus tard sur cette hypothèse. En définitive, l’essentiel du développement de ce projet en phase d’études a consisté à préciser -par la concertation avec les différents acteurs impliqués et la prise en compte de leurs impératifs- le dessin général du projet, sans revenir sur aucun de ses fondements. On citera en exemple le cas des discussions entre l’OPAC, TOA et la ville, ayant donné lieu tout au long de cette phase à un réglage minutieux de cette relation entre gymnase et logements(22). La seule modification conséquente du projet d’origine concernait la nature du jardin pensé par l’agence sur le toit du gymnase, laquelle rentrait dans un travail de redéfinition des «espaces communs» au coeur de cet «hybride résidentiel» que nous allons maintenant nous attacher à expliciter. 113


(c) Évolution du dessin des «espaces communs»: l’impasse Satan Avant de nous pencher sur le cas du jardin partagé, il convient de décrire l’évolution observée dans la conception de l’impasse Satan (qui, à l’inverse du premier, présente indéniablement les caractéristiques d’un «espace commun en coeur d’hybride résidentiel»). Ainsi, si le dessin de cet espace n’a pas été sensiblement modifié au cours de la phase d’études (en attestent les grandes similitudes entre les plans de concours présentées par TOA et les photos de l’opération réalisée), un aspect important a été en revanche de clarifier -assez tôt- le statut foncier que devait avoir cet espace permettant l’accès à la fois aux logements, au jardin et, secondairement, au gymnase. Aux dires de P.Sandevoir, ce travail s’est fait avec un impératif requis par le bailleur: «éviter [le plus possible] ces espaces collectifs privés communs entre nos différents programmes»(23). Ce dernier justifie cette déclaration -paradoxale au vu du caractère de cette impasse- par la complexité relative du mode de gestion permettant ce partage: celui évoqué plus haut de «copropriété en volume» sans parties commune. Le principe ainsi mis en place avant le début des travaux(24) est le suivant: L’impasse Satan, cédée à l’OPAC, devient une allée privée de desserte des bâtiments de logement. Cette dernière permettant d’accéder au jardin (devenu propriété de la DEV) et indirectement au gymnase (détenu par la DJS) induit la création de «servitudes réciproques» (ou droits de passage); en réalité, la DJS et la DEV étant des organismes publiques rattachées à la Ville, il s’agit là d’une seule et même «servitude publique». Cela implique l’établissement d’une convention, un acte de vente «précisant les conditions dans lesquelles le partage des dépenses ultérieures va être fait» entre les différents usagers de «l’espace commun» (soit la Ville, dans le cas des occupants du gymnase et du jardin sur le toit; et l’OPAC pour les résidents des logements). Ainsi, bien qu’aux yeux de P.Sandevoir «ces servitudes n’induisent pas de coût», la relative complexité que sont susceptibles de représenter à terme ces modes de gestion suffisent à provoquer une réticence de l’OPAC; un scepticisme on le voit assez mesuré, ces derniers ayant accepté dans le cas présent l’établissement d’un tel procédé(25). Pour autant, il convient de souligner que si ce partage de l’impasse par l’ensemble des occupants de cette opération semble ici résolu par la clarification du statut de cet «espace commun», d’autres espaces partagés entre différents programmes -moins fondamentaux et dont on n’a pas jugé nécessaire de clarifier la propriété- se retrouvent aujourd’hui le lieu privilégié de conflits d’usages importants. C’est le cas notamment de l’escalier permettant d’accéder au jardin, et dont ce dernier partage l’emprise avec le gymnase(26). Cet exemple d’«espace commun» conflictuel sera plus longuement traité dans la partie «III/B/ Investir l’espace commun...». On notera qu’au cours de cette phase d’études, il n’aura pas encore été décidé de la fermeture par une grille de l’impasse Satan que l’on constate aujourd’hui, notamment en raison de l’opposition très forte à ce principe exprimée par F.Giboudeaux. La question de la clarification physique du statut «privé» de cet espace, intervenant au cours de la réalisation de l’opération par le bailleur, sera abordée plus loin. Ainsi donc, il semblerait que l’évolution ténue de cet «espace commun» en phase études -que l’on associerait plus volontier à une simple clarification de son statut foncier- permette à ce dernier de conserver à ce stade les intentions qu’on lui prêtait en phase concours: l’articulation fine des différents programmes semblant permise au sein de cet «espace de transition» par l’établissement d’une convention le rendant en quelque sorte «commun» à l’ensemble des occupants à venir de cet «hybride résidentiel» (bien que possédé au sens strict du terme par l’OPAC). 114


(d) Évolution du dessin des «espaces communs»: le «jardin sur le toit» Nous évoquions plus haut la manière dont le dessin de cet «espace voulu fédérateur» en coeur d’«hybride résidentiel» avait pu évoluer au cours de la phase de développement du projet suivant l’étude. En réalité, il semblerait que la transformation nette du dessin d’origine de ce jardin se soit opérée assez rapidement après le concours, selon le souhait de F.Giboudeaux: «À l’origine, l’agence TOA proposait plutôt des petites parcelles plantées où chaque occupant disposait d’un lopin de terre. Présente au jury, j’ai encouragé l’idée d’un jardin, tout en proposant qu’on le fasse [plutôt] comme un jardin collectif puisqu’il y avait ce besoin dans le quartier.»(27) Ainsi C.Besseyre reconnait-elle que l’»idée de jardin partagé [à la parcelle] n’était pas la bonne». La Ville aurait donc, aussi pour «des raisons de gestions», proposé de faire à cet endroit un «jardin d’insertion» géré par une association s’occupant déjà d’autres jardins du quartier et dont l’objet serait l’accueil de personnes fragiles(28). L’association gérant auparavant le «Jardin Solidaire» ayant refusé d’en devenir le gestionnaire (bien qu’il leur ait été proposé), ce fut l’association «Lafayette Accueil» qui accepta finalement de tenir ce rôle(29). Le redessin de ce «jardin associatif» se fit donc «très tôt dans les études», en concertation avec l’association pour intégrer d’emblée l’ensemble des contraintes que pouvaient générer l’implantation d’un jardin partagé d’une telle dimension sur le toit d’un gymnase («le plus grand de cet ampleur dans la ville de Paris). Il a fallu redessiner des issues de secours et desserte PMR (Personnes à Mobilité Réduite, notamment par l’ajout d’un ascenseur indépendant permettant de monter au jardin), intégrer un local (obtenu en supprimant un logement au niveau du jardin, avec l’accord de l’OPAC), dessiner un portail pour accéder au jardin de puis l’impasse (lequel n’existait pas au moment du concours)...(30) Aux dires de F.Giboudeaux, les inquiétudes exprimées par la DJS,craignant par exemple que des fuites ne viennent dégrader son équipements, furent toutes considérées au cours de cette phase de développement. Pour répondre au problème évoqué, il fut installé un «système de bacs modulaires pouvant s’enlever [permettant ainsi de colmater] la fuite où qu’elle soit sans avoir à retourner tout le jardin». Ainsi donc les problèmes de gestion potentiellement causés par l’imbrication fine des programmes furent-ils assez bien anticipé à ses yeux, au cours des études(31). La question de la clarification du statut foncier de ce jardin fut aussi abordée, non sans certaines difficultés. «La DJS ne voulait pas le gérer»indique l’élue EELV, «ça n’était pas son métier». Il a donc fallu «partager les volumes» par des actes notariaux entre la DJS et la DEV. La question de sa destination foncière -public ou privé?- de cet «espace fédérateur» en coeur d’«hybride résidentiel» (en tant que seul «jardin d’insertion»?), ne sera traitée finalement qu’au moment de la réalisation de l’opération. Il semblerait ainsi que l’évolution sensible du dessin de ce jardin au cours de cette phase de développement ait contribué à le déplacer progressivement d’un espace plus ou moins partagé par des locataires amenés à occuper leur propre parcelle à celui d’un véritable «espace fédérateur» en coeur d’hybride résidentiel, pensé pour redonner une forme de lien social et une activité à des personnes en difficulté. La dynamique perçue avec ce jardin -d’un espace partagé s’affirmant petit à petit comme fédérateur avant d’être considéré par certains comme «commun» aux différents programmes de cet hybride résidentiel- sera questionnée en amont.

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Ill.40 et 41 - Le «Jardin associatif» ouvert à tous remplace le jardin partagé parcellisé après le concours 116


4) Réalisation: les derniers réglages en phase chantier? (a) De nouvelles transformations des espaces communs? Ainsi donc le temps de la réalisation de cette opération dite du «Jardin sur le toit» (initié en 2008) fut-il marqué par quelques nouvelles évolutions notables dans le dessin des deux «espaces communs» identifiés au coeur de cet hybride résidentiel. Concernant l’impasse Satan, il s’est d’abord agit d’une clarification physique de son statut privé (distingué plus haut), une grille ayant ainsi été placée à l’entrée par le souhait revendiqué de l’OPAC en tant que «gestionnaire de ce passage»(1) (dont le rôle, majeur dans le cadre de la caractérisation post-réalisation de cet «espace commun», sera abordé dans la partie «III/A/ Règlementer et entretenir»). Cette grille d’entrée devait ainsi être ouverte et fermée à intervalle régulier, afin de permettre un accès au jardin pour les non-résidents. Il est important ici de préciser que cette intention de marquer physiquement la limite entre espaces public et privé défendue par le bailleur a été critiquée par la Ville, laquelle voulait que l’impasse reste tout à fait ouverte. Cette divergence des positionnements entre élus et bailleur autour de cette question de la limite, que nous avons eu plus souvent l’occasion de constater entre «concepteurs» et «réalisateurs» de l’aménagement urbain, peut d’une certaine manière être considéré comme à l’origine de la modalité très particulière d’accès au coeur de parcelle observée aujourd’hui sur ce site (sur laquelle on reviendra également dans la partie «III/A/...») Il convient pour autant de relever ici un fait particulièrement marquant: la manière dont C.Besseyre, en tant que «concepteur» de cette opération, semble intégrer le positionnement des clôtures dans le dessin de l’«espace commun de transition» qu’elle entend développer au coeur de cet hybride résidentiel. Ainsi, passer la première grille d’entrée permettrait de passer de l’espace public de la rue à un espace plus intime (l’impasse Satan), bien que collectif et partagé avec les occupants des autres programmes. Les deux autres grilles, celle qu’il s’agit de dépasser pour monter au jardin (un «lieu à part») et celle qu’il convient de traverser pour rejoindre son logement (les coursives représentant alors un milieu plus «domestique» et appropriable), participeraient ainsi à concrétiser ce désir de «transition» du public au privé, d’articulation d’un programme à l’autre(2). Concernant le jardin associatif, nous évoquions plus tôt la question qui s’est posée à la fin du chantier, eu égard à la destination de ce dernier. Ayant été intégré aux équipements de proximité de la DEV du XXe arrondissement, ce dernier a perdu la légitimité de sa seule destination de «jardin d’insertion» pour gagner celle de «jardin pédagogique», ouvert au public. Cette nouvelle considération a impliqué que ce jardin se voit attribué un statut «public par destination»(3). N’associant plus à son occupation une catégorie d’usagers spécifiques (auparavant, les «personnes fragiles»), ce jardin est ainsi pensé dès lors comme à même d’accueillir «des habitants [et] des écoles» aux dires de F.Giboudeau. Cette invitation s’adressant autant aux habitants du quartier qu’aux résidents de cette opération et aux occupants du gymnase (des classes d’école) nous incite ainsi à voir dans la phase de réalisation l’acquisition par cet «espace pensé fédérateur» d’une qualité d’«espace commun en coeur d’hybride résidentiel». Pour autant, la présence d’un tel «espace public» (le jardin associatif) enclavé au coeur d’une parcelle privée, et dont l’accès se fait par un «espace privé jouissant d’une servitude de passage publique» (l’impasse Satan) n’est pas sans provoquer certaines situations paradoxales, que nous ne manquerons pas d’évoquer dans la partie «III/B/Investir l’espace commun...». 117


(b) Retour sur expérience: une réussite théorique? Aux dires des différents acteurs interrogés dans le cadre de cette recherche (faisant parti de la maîtrise d’oeuvre, d’ouvrage et de la Ville), la réalisation de l’opération du «Jardin sur le toit» a été une réussite. Pour autant, quelques déceptions n’ont pas manqué d’être évoqués au cours des entretiens menés, qu’il est intéressant ici de relever. Il y eu d’abord le regret exprimé par l’OPAC d’avoir perdu un temps précieux par l’instauration de ce trop strict «secteur de plan-masse» par la Ville et l’APUR en 2002. Il est ainsi intéressant de voir combien cet épisode exprime la propension d’une instance publique à faire loi de ses représentations: l’approche culturaliste de la Ville portée vers une survalorisation de l’existant ayant mené à l’établissement de prescriptions urbaines trop strictes pour être applicables, et sur lesquelles il a fallu revenir in fine(5). Pour C.Besseyre de l’agence TOA, il semble que ça soit une nouvelle fois cette question des limites entre les différents programmes qui n’ai su trouver toujours une réponse satisfaisante. Réévoquant le cas de cet «espace commun» conflictuel entre le gymnase et le jardin au pied de l’escalier, elle exprime bien la manière dont cette notion de l’«espace commun» ne saurait trouver de traduction spatiale convaincante sans être au préalable finement dessiné, comme cela a été le cas avec les deux autres plus valorisés: l’impasse Satan et le jardin associatif(6). Enfin, F.Giboudeaux regrette-t-elle finalement la fermeture de l’Impasse Satan par une clôture, quand bien même celleci s’ouvrirait à intervalle régulier pour laisser entrer les habitants et occupants du jardin. Cette «apologie de l’ouverture» (observée chez les «concepteurs» et certains élus de gauche dans la partie «I/B/L’espace intermédiaire») se traduirait ainsi dans l’action de cette élue en charge de l’urbanisme par la mise en oeuvre de nouveaux outils d’aménagement, tirant les leçons de l’opération du «Jardin sur le toit» et testés par cette dernière sur une autre opération du quartier: l’îlot Fréquel Fontarabie. Dans cet îlot comprenant des équipements publics, des logements, une crèche et un jardin, l’élue s’est ainsi appuyée sur la participation des habitants pour proposer l’acquisition par la ville des passages privés traversant l’îlot afin de les rendre tout à fait public. Cette méthode lui a ainsi permis d’éviter la fermeture de ces passages, (les bailleurs sociaux ne se souciant pas des espaces qui ne sont pas à leur charge). Par ce biais, on voit combien l’adhésion d’une instance publique à ce principe d’«hybride résidentiel ouvert» peut mener à de nouvelles formes d’«espace commun» aux différents programmes, celui-ci n’étant plus simplement pensé comme un «prolongement d’espace public», mais comme une partie intégrante de ce domaine foncier.

Conclusion: Aux vues des enseignements tirés de cette analyse approfondie, considérer que la tentative de réaliser des «espace commun fédérateur et de transition en coeur d’hybride résidentiel» rencontre dans le développement de cette opération un succès relatif semble ici tout à fait raisonnable. Parvenant au fil du développement du projet à conserver (si ce n’est enrichir) les intentions initiales exprimées par l’agence, cette réalisation semble ainsi présenter toutes les qualités que l’on entend associer à cette notion : - L’impasse Satan étant bien in fine un «espace commun» aux différents programmes de cet «hybride résidentiel», nécessairement partagé par ses différents occupants et semblant toujours arborer une fois constitué les qualités d’articulation (entre les différents programmes, entre l’espace public et privatif) propre à tout «espace commun de transition». 118


- Le jardin associatif mettant quant à lui tout en oeuvre pour proposer, au coeur de l’hybride résidentiel, un «espace commun fédérateur» offrant par son usage valorisé un lieu privilégié pour encourager la rencontre des différents occupants de cet ensemble résidentiel à programme mixte et allant jusqu’à constituer -par son statut foncier même- un prolongement de l’espace public en coeur d’«hybride résidentiel».

Conclusion de la partie «II/B/ Études de cas»: L’étude de ces deux opérations que tout semble opposer - le Macrolot B2 et le Jardin sur le toit- a cela d’intéressant qu’elle permet de mettre en lumière un premier enseignement fondamental: si l’«espace commun aux différents programmes» de la première opération semble progressivement s’appauvrir depuis les premières intentions exprimées au concours jusqu’à sa réalisation, ceux de la seconde paraissent au contraire se préciser et s’enrichir au cours de son développement. Aux vues de leur différence fondamentale élucidées en amont -le Macrolot B2 étant le fruit d’une ample opération d’aménagement en Partenariat Public-Privé et le «jardin sur le toit» émergeant finalement d’une modeste opération d’aménagement entièrement publique- il paraît difficile a priori d’établir un parallèle entre les deux. Pour autant, il semblerait que l’observation conjointe de ces deux cas particuliers permette justement -par leur grande différence- d’émettre quelques hypothèses à même d’expliquer ce décalage observé dans le développement d’«espaces communs» au coeur de ces deux «hybrides résidentiels» respectifs. Saurait-on par exemple associer le «succès théorique» de la seconde opération au caractère entièrement public de l’opération? Si l’implication de la municipalité n’aurait pu a priori être plus forte, on a constaté que la maîtrise d’ouvrage, bien que publique, s’est montrée tout à fait disposée à s’opposer aux prérogatives de la Ville lorsque cela lui semblait nécessaire (en atteste le rejet des prescriptions du «premier secteur de plan-masse» ou encore la décision finale de fermer l’împasse Satan par une clôture). Ça n’est donc pas, a priori, une sorte de toute puissance institutionnelle accordée à l’instance politique qui aurait permis le succès de cette opération. Nou serions ainsi tenté d’expliquer le succès relatif des espaces communs aux différents programmes développés dans l’opération du «Jardin sur le toit» par deux aspects la différenciant tout particulièrement du Macrolot B2. Le premier inviterait à considérer l’opposition moins violente exprimée par sa maîtrise d’ouvrage (l’OPAC) aux principes de «mixité programmatique» (le «jardin sur le toit» allant jusqu’à développer une «mixité fonctionnelle au bâtiment») et d’«espaces intermédiaires», acceptant de fait que les occupants des trois programmes occupent un même «espace commun», l’impasse Satan, malgré leur intention première d’éviter les «parties communes» entre les différentes fonctions. En cela, cette opération se distingue grandement de celle du Macrolot B2: ses maîtres d’ouvrage (l’association de promoteurs Nexity/Icade) ayant imposé comme pré-requis au développement du projet la ségrégation des sols dévolues aux différents programmes. Le second inciterait à voir dans cette «réussite» l’expression de la relative «simplicité de montage» de cette opération, permettant d’atténuer tout antagonisme des positionnements entre les différents acteurs impliqués (lesquels sont, comme on vient de le souligner, particulièrement timide dans le cas du «Jardin sur le toit»).

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Cette simplicité serait ainsi due à trois facteurs déterminants: - L’implication et l’adhésion fortes des acteurs majeurs du projet considéré (dans le cas du «Jardin sur le toit»: la Ville, la Maîtrise d’ouvrage (l’OPAC) et la Maîtrise d’oeuvre(TOA)) - Le nombre réduit des intervenants (ceux cités plus haut, auxquels s’ajoutent seulement la DJS et la DEV) - La dimension modeste de l’opération Trois aspects qui opposent finalement le «jardin sur le toit» au Macrolot B2, plutôt caractérisé par une multiplication d’acteurs aux intérêts divergents, au sein d’un «macro-lot» dont la seule appellation évoque la démesure. Aussi, il semblerait que cette «simplicité de montage» induise une maîtrise réelle de cette opération du «Jardin sur le toit» par les différents acteurs impliqués, permettant ainsi ce développement d’«espaces communs» convaincants: par la grande précision, dès le concours, du dessin des limites entre les différents programmes par l’architecte (ce à quoi aspirait B.Vanhoesbrouck pour le projet d’UAPS, et que le principe-même du macrolot ne semblait pas permettre) ainsi que par la discussion fréquente et sereine de l’ensemble des acteurs amenés à faire plus simplement un pas vers l’autre (la Ville acceptant finalement la clôture de l’impasse Satan, par exemple; le bailleur valorisant l’«intérêt général» plutôt que le simple aspect financier...). Au contraire, il semblerait que la profusion d’acteurs impliqués dans le développement du Macrolot B2, ses enjeux économiques trop grands et les impératifs trop marqués de ses promoteurs -en un mot, sa complexité de montage- aient eu raison des potentielles concilitations de ces intérêts divergents. Ainsi, son «espace commun en coeur d’hybride résidentiel», privé de fait d’un potentiel contact entre les occupants des différents programmes, ne laisse guère plus à ces «concepteurs» que le loisir de travailler des connections visuelles entre ses diverses parties.

Conclusion de la partie «II/ Réaliser l’espace commun en coeur d’hybride résidentiel»: Dans une certaine mesure, il semblerait que nous soyons maintenant capable d’apporter une réponse à l’hypothèse principale avancée dans la partie «Introduction», voyant dans la rareté d’«espaces communs en coeur d’hybrides résidentiels» convaincants dans la production contemporaine du cadre bâti (confirmée dans la partie «II/A/Terrain général» par la constatation de l’importance prise par l’«hybride résidentiel fragmenté» dans cette dernière) le résultat d’un «décalage entre les désirs des «concepteurs» (architectes et urbanistes) et ceux de l’ensemble des autres acteurs concernés». Car si un antagonisme avéré dans les positionnements des différents acteurs (maître d’oeuvre et d’ouvrage en tête) dans le cas du Macrolot B2 semble bien à l’origine des difficultés rencontrées à développer un»espace commun» aux différents programmes, l’on pourrait supposer qu’une moins grande complexité de montage -induite par exemple par une moins grande quantité d’acteurs impliqués- aurait pu permettre un meilleur dessin de l’espace partagé en coeur d’îlot que l’on constate aujourd’hui relativement pauvre; comme l’indique B.Vanhoesbrouck d’UAPS, l’impératif de ségrégation physique des sols dévolus aux différents programmes invoqué par le promoteur aurait ainsi pu trouver, dans un dessin anticipé des limites par les «concepteurs» qu’aurait pu induire un montage plus «direct»- une forme de résolution plus convaincante que celle observée aujourd’hui. Dans un même ordre d’idée, le rejet certes moins prononcé mais bien réel du «réalisateur» du «Jardin sur le toit» (son maître d’ouvrage, l’OPAC) n’a en aucun cas empêché le développement d’«espaces communs» aux différents programmes valorisés au coeur de cet «hybride résidentiel». 120


Ainsi donc, il semblerait que si cette rareté d’«espaces communs en coeur d’hybrides résidentiels» qualifiés dans l’aménagement urbain contemporain pourrait être en partie impûtée à la divergence des intérêts exprimés par les différents acteurs de la Ville (les «concepteurs» ne se retrouvant pas pour autant seuls à les défendre, comme nous l’avons montré dans la partie «I/Se représenter...»), elle ne saurait l’expliquer à elle seule (comme le suggèrait pourtant l’hypothèse principale); une plus grande simplicité de montage semblant ainsi permettre dans certains cas de réaliser ce genre d’espaces partagés de manière tout à fait convaincante (ce qui conforte finalement notre quatrième hypothèse, supposant que «ces incohérences pourraient potentiellement être évitées»).

Transition: Ce qui pourrait constituer la conclusion du présent mémoire semble pour autant soulever de nouvelles questions: à quoi reconnait-on la «qualité» d’un «espace commun en coeur d’hybride résidentiel»? La «réussite théorique» que nous percevions dans la réalisation de ces espaces partagés au sein de l’opération du «Jardin sur le toit» s’accompagne-t-elle d’une quelconque «réussite pratique»? En d’autres termes, peut-on parler d’«espace commun» qualifié sans en interroger l’emploi concrêt par ses occupants, un fois celui-ci «livré», après le chantier? Aussi, il convient maintenant d’aborder la troisième partie de ce mémoire de recherche, exprimant pour l’essentiel des questionnements «en gestation» autour de la valeur d’usage réelle de ces «espaces pensés communs» en coeur d’hybrides résidentiels.

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Partie III

SAISIR

l’espace commun en coeur d’hybride résidentiel Quel jugement saurait-on porter sur les deux réalisations analysées dans la partie précédente, sans considérer avec la plus grande attention la manière dont les «espaces communs» aux différents programmes sont perçus par leurs occupants? Comment ces espaces sont-ils investis par ces personnes ne découvrant ces lieux qu’a posteriori, bien qu’en étant les principaux destinataires? Y associent-ils les qualités d’«espace fédérateur» ou «de transition» que leurs concepteurs ont paru défendre, s’y développe-t-il in fine les situations espérées par les différents acteurs de l’aménagement urbain identifiés en amont? Ces questions nouvelles auxquelles ont pu me mener les différents enseignements tirés de cette recherche m’ont incité à esquisser une troisième partie pour le présent mémoire, autour d’une nouvelle interrogation fondamentale: comment «l’espace commun en coeur d’hybride résidentiel est-il conçu au sens large du terme une fois réalisé: comment est-il saisi par ses occupants (habitants, usagers, visiteurs)? Cette question, que je ne saurai qu’aborder dans la présente partie et qu’il conviendrait certainement de traiter avec le plus grand soin dans le cadre d’un prolongement de cette recherche, semble mener à deux aspects essentiels de cette action menée «a posteriori» sur l’espace commun: la recherche d’une maîtrise de l’espace considéré par ces propriétaires et gestionnaires, et l’action de ses habitants menant à des formes d’appropriation -sociale et spatiale- de l’espace commun.

A/ Maîtriser l’espace commun

Règlementer et entretenir: la gestion «venue d’en haut»? Enjeux: Comprendre la manière dont les propriétaires et gestionnaires des «espaces communs en coeur d’hybride résidentiel» identifiés dans la partie précédente recherchent une maîtrise des situations amenées à se développer au sein de ces derniers. Dans cette première partie, nous allons ainsi nous intéresser aux différents outils mis en place par cette catégorie d’acteurs pour cadrer les comportements, anticiper les difficultés et prévenir les risques qu’ils associent aux espaces considérés. Cet «encadrement de l’espace commun» semble ainsi s’opérer de deux manières: D’un côté, par la mise en place par ses propriétaires et/ou gestionnaires de «modalités d’entretien» et de règlements propres. De l’autre, par un nouveau travail sur les limites de cet espace particulier, ayant pour enjeux un contrôle de l’accès à ce dernier.

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1. Modalités d’entretien des opérations considérées 1) Propriétaire(s) et gestionnaire(s) de l’espace commun Afin de comprendre les modalités de gestion développés au sein des «espaces communs en coeur d’hybride résidentiel» analysés plus haut, il convient d’éclaircir un aspect capital: l’identité du ou des propriétaires/gestionnaires de l’espace considéré.

(a) Macrolot B2: Une assemblée de copropriétaire/gestionnaires Ainsi dans le cas de l’opération d’UAPS, l’«espace commun» en coeur d’îlot, en tant qu’espace privé collectif, est possédé par une copropriété assez spéciale, réunissant les représentants de l’ensemble des copropriétés propres à chacun des programmes (logements, bureaux, écoles, gymnase et commerces) constituant ce macrolot. Ainsi regroupées en AFUL (Association Foncière Urbaine Libre), ces derniers tiennent à la fois le rôle de (co)propriétaires de l’espace commun en coeur d’îlot (chaque propriétaire, par exemple l’un des résidents possédant un logement dans ce macrolot- en possédant ainsi un tantième) et de gestionnaires, par le biais d’un syndicat mis en place à cet effet(1)(2). Il est intéressant de relever ici que, si ce mode de propriété ne semble pas a priori le plus approprié pour développer à cet endroit un «espace fédérateur» (comme on s’attachera à le démontrer), il constitue tout de même une sorte de «confirmation foncière» du statut d’espace commun souhaité pour ce coeur d’îlot; celui-ci étant effectivement la propriété commune de chacun des habitants de ce macrolot (et ce qu’il soit résident, chef d’entreprise, propriétaire d’un commerce en rez-dechaussée...).

(b) «Jardin sur le toit» Dans la partie «II/B/ Etude de cas»», nous avons identifié deux potentiels «espaces communs en coeur d’hybride résidentiel» majeurs au sein de l’opération dite du «Jardin sur le toit»: l’impasse Satan, et le jardin associatif sur le toit du gymnase.

(b.1) L’impasse Satan Il convient d’abord d’indiquer que cette réalisation a fait l’objet d’une «division en volume» plutôt que d’un acte de copropriété. C’est-à-dire qu’on a distingué foncièrement les «volumes» bâtis propres aux différents programmes afin que «chacun soit propriétaire de son volume» (la DJS et son gymnase, l’OPAC/Paris Habitat et ses logements, la DEV et son jardin). Avec ce tel système, il n’y a pas en principe de parties communes (c’est la raison pour laquelle on le retrouve dans un grand nombre de réalisations contemporaines d’«hybrides résidentiels fragmentés», définis dans la partie «II/A/Terrain général»)(3). Mais comme nous avons pu l’indiquer en amont, l’impasse Satan est un espace utilisé comme accès par l’ensemble des occupants de cette opération, bien qu’étant la propriété de l’OPAC; et ce grâce à l’instauration d’une servitude de passage public permettant notamment de rejoindre le jardin, lui aussi public. Aux dires de P.Sandevoir, c’est donc une sorte de «copropriété bizarre», l’impasse Satan pouvant parfaitement être considérée ainsi comme une partie commune à l’ensemble de cette réalisation. 123


Ainsi donc, il est intéressant de relever que, si à l’inverse du cas précédent, cet «espace commun» n’a qu’un seul propriétaire/gestionnaire concrêt (l’OPAC; bien que la ville participe en partie à son financement), il représente pourtant bien un lieu partagé par les différents occupants de l’opération (aussi au contraire du coeur du Macrolot B2).

(b.2) Le jardin associatif Le cas du jardin associatif sur le toit du gymnase est un peu différent. Possédé comme on l’a vu par la ville et la DEV (Direction des Espaces Verts) en tant qu’espace public, ce dernier a en réalité un gestionnaire différent: l’association Lafayette-Accueil. Ayant identifiés les différents propriétaires et gestionnaires de ces trois «espaces communs» au coeur de ces deux hybrides résidentiels, nous allons maintenant questionner les différents modes de gestion mis en place par ces derniers pour s’assurer d’une maîtrise de l’évolution de ces derniers (par l’entretien et l’application d’un règlement).

2) Des modes de gestions différents (a) Macrolot B2 Le coeur du Macrolot B2 étant comme on a pu le voir possédé par l’ensemble de ses occupants (résidents et usagers) regroupés au sein d’une association foncière (AFUL), c’est cette dernière qui est chargée de financer l’entretien de l’«espace commun» aux différents programmes en coeur d’îlot, sans que la ville ne participe à cette même gestion malgré l’ouverture périodique de ce dernier à tout usager extérieur. La répartition de ces coûts supplémentaires d’entretien et des assurances en responsabilité civile requises sont ainsi pris en charge par ces mêmes copropriétaires(4). Bien que le montant de ce financement soit avant tout calculé en fonction de la surface de l’emprise au sol de chaque programme, B.Vanhoesbrouck (d’UAPS) m’a indiqué que les propriétaires des bureaux participaient davantage que ceux des logements, en raison des moyens plus grands dont ces derniers disposent. Aux vues de cette méthode de gestion basant d’abord ses coûts pour chaque catégorie d’occupants sur les surfaces de «son» programme, on comprend mieux l’importance accordée par les promoteurs à la délimitation stricte de ces derniers; cela leur permettant certainement d’évaluer les coûts d’entretien du «produit construit» qu’ils entendent vendre à des investisseurs ou bailleurs.

(b.1) «Jardin sur le toit»: Impasse Satan. Pour ce qui est de l’impasse Satan, P.Sandevoir (directeur de la construction à l’OPAC devenu directeur de la réhabilitation chez Paris Habitat) indique que l’entretien se fait avant tout de manière indépendante, bien qu’il y ait des discussions entre les différents intervenants (et notamment, la Ville) lorsque c’est nécessaire. Par exemple, lorsque le portail est cassé, les frais sont partagés avec la DJS et la DEV (donc, la Ville) suivant les modalités fixés par l’acte de vente associé à l’établissement de la servitude de passage public (établi avant la mise en oeuvre de l’opération). C’est l’OPAC/Paris Habitat prend l’initiative de la réparation en tant que «gestionnaire général». Aux dires du gestionnaire, ce mode de gestion ne pose ainsi aucune difficulté particulière(6).

(b.2) «Jardin sur le toit»: jardin associatif En tant que représentante de l’association Lafayette Accueil, l’animatrice du jardin -une certaine Françoise- assurerait pour le compte de cette dernière la gestion de cet espace au quotidien (entretien du jardin, du local associatif, etc.). 124


L’ensemble de ces premières observations semblent mener à un constat paradoxal: la multiplication des propriétaires/gestionnaires d’un même espace semble en compliquer la gestion. Cette hypothèse, si elle se vérifiait, induirait une situation étonnante: le développement d’un «espace commun» aux différents programmes d’un hybride résidentiel étant ainsi facilité par un propriétaire/gestionnaire unique?

3) L’élaboration d’un règlement (a) Macrolot B2 [N.B.: Si l’étude du «règlement intérieur» fixé par le gestionnaire de l’opération considérée pour l’«espace commun» aux différents programmes du macrolot B2 nous semble absolument essentielle dans le cadre de ce nouvel aspect de la recherche, ce dernier n’a pu être consulté avant la rédaction du présent papier. Il conviendra d’y porter la plus grande attention dans le cadre éventuel d’un approfondissement de cette recherche.]

(b) «Jardin sur le toit» «À partir du moment où vous avez franchi la 1e grille du passage Satan, vous êtes dans nôtre immeuble. Le règlement de Paris Habitat s’applique et il est effectivement affiché.»P.Sandevoir(8) De l’avis du gestionnaire de cette opération, il est tout à fait légitime qu’un règlement intérieur soit appliqué au sein de l’ensemble de cet «hybride résidentiel»; des règlements supplémentaires (ceux des «équipements» de l’opération: gymnase et jardin) venant d’ailleurs s’y ajouter lorsqu’on pénètre leur enceinte, à la manière de tout jardin public. Comme l’observation in situ de cette «espace commun» m’a permis de relever, ce règlement peut ainsi s’avérer particulièrement sévère et contraignant; à l’image de cette pancarte «Interdiction de jouer et de stationner», affichée à l’entrée de l’Impasse Satan. Nous questionnerons plus loin la manière dont l’instauration de ce règlement semble mener à une forme délibérée d’«aseptysation» de l’«espace commun».

Ill.1 - «Interdiction de jouer et de stationner», ou l’affichage d’un règlement intérieur dès l’entrée dans l’impasse Satan 125


L’argument invoqué par le propriétaire/gestionnaire est sans appel: à partir du moment où nous avons pénétré cet «espace commun», nous ne sommes plus dans l’espace public; et il devient tout à fait normal qu’un règlement spécifique soit alors appliqué. Comme nous allons maintenant nous attacher à le démontrer, cette distinction fondamentale de l’«espace commun» de tout espace au statut foncier différent -à l’image de l’espace public- semble une stratégie valorisée par ces mêmes gestionnaires, afin d’asseoir leur maîtrise sur celui-ci.

2. Clôre ou ouvrir l’espace commun? La question du contrôle de l’accès 1) Le choix de la clôture. Quel «responsable»? Si dans la partie «II/B/Études de cas» nous avons pu développer cette question de la clôture des trois «espaces communs» considérés par une grille (et du «moment» auquel a été pris cette décision), il semble ici intéressant d’y revenir afin d’apporter quelques précisions sur les enjeux réels ayant impliqués cette relative fermeture de l’espace commun en coeur d’hybride résidentiel (les trois espaces considérés développant des modalités d’ouverture au public très spécifiques bien que clôturés, comme on l’indiquera dans un second temps)

(a) Macrolot B2 Ainsi dans la partie «II/B/1) Macrolot B2», nous avions imputé cette fermeture à la volonté des promoteurs impliqués dans le développement de cette opération (l’association Nexity/Icade). Nous y avions associé des arguments économiques, pratiques et sécuritaires, supposant chez ces derniers une crainte d’espaces mal définis foncièrement, difficiles à gérer et peu surs. Il convient ici de revenir en partie sur cette hypothèse. Car si l’injonction à clôturer l’«espace commun» en coeur de macrolot B2 -à la fois sur l’espace public et sur les différents programmes non-résidentiels (tels que les bureaux; une demande on l’a vu à l’effet particulièrement important pour la caractérisation de l’«espace commun» en question) -est bien venue des promoteurs, il semble en définitive qu’elle n’ait été due qu’à un a-priori: celui de supposer chez les potentiels acquéreurs ou clients des-dits programmes une hostilité vis-à-vis de ces espaces ouverts(1). Ainsi, il semble ici qu’il conviendrait de voir dans cet impératif de distinction physique imposé par les promoteurs entre les différents programmes -plutôt qu’une «idéologie sécuritaire» ou autre chose- la simple volonté exprimée par ces derniers d’adapter un «produit» (l’hybride résidentiel) à un «marché» (composé justement de ces différents investisseurs). C’est sans doute pour cette même raison que ces promoteurs ont été, aux dires de B.Vanhoesbrouck, particulièrement conciliants lorsqu’il s’est agit de travailler les «transparences» de ces clôtures, à défaut de pouvoir développer une réelle porosité physique(2).

(b) «Jardin sur le toit» Comme nous l’avons indiqué dans la partie «II/B/2)Le «Jardin sur le toit»», la décision de marquer par une grille d’entrée la distinction entre l’espace public de la rue et l’espace privé de l’impasse Satan a été du fait du maître d’ouvrage/propriétaire/gestionnaire principal de l’opération (l’OPAC/Paris Habitat, cette décision provoquant quelques oppositions de la Ville). Il est d’ailleurs intéressant de souligner qu’il s’agit là des mêmes qui ont par la suite mis en place un règlement dans cette enceinte, montrant bien que cette logique de délimitation participe bien -chez Paris Habitat tout du moins- d’une stratégie générale de maîtrise de l’«espace commun»(3). 126


Les raisons invoquées pour justifier cette fermeture concernent la «tranquillité et la sécurité des habitants», associée à l’idée que «rendre une impasse public ne présentait aucun intérêt» en fin de compte. Pour autant, F.Giboudeaux (en tant qu’élue du XXe arrondissement en charge de l’urbanisme très impliquée sur le projet) semblait au contraire indiquer que les habitants interrogés au cours de la concertation était pour l’ouverture, dénonçant chez le bailleur une sorte de réflexe(4). Un autre aspect mérite d’être abordé: celui de la grille à digicode séparant les logements du fond de parcelle de l’impasse Satan. Selon F.Giboudeaux, cette dernière a été rajoutée après la réalisation(5). Aux dires de P.Sandevoir, Paris Habitat aurait effectivement demandé l’installation de cette seconde grille afin de distinguer les parties communes des immeubles de l’impasse dont la grille restait elle ouverte la journée pour permettre aux non-résidents de rejoindre le jardin associatif(6). Si l’ajout de cette grille a posteriori semble contredire l’hypothèse faisant état d’une intégration très anticipée dans la conception par l’architecte de ce dessin des clôtures, la lecture attentive des plans de concours apporte un éclairement certain (voir illustration dans la partie «II/B/2)...»). En effet, le positionnement sur ces derniers des deux grilles d’entrées -celle donnant sur la rue et celle donnant sur l’espace collectif des logements- semble de façon très surprenante confirmer cette anticipation particulièrement précoce des impératifs fixés par le bailleur. Cela vient ainsi souligner un aspect très particulier de ce projet: la propension de l’instance publique à valoriser -plus que n’importe quel autre acteur impliquél’ouverture intégrale à tout concitoyen de cet «espace commun en coeur d’hybride résidentiel».

Ill.2 - La clôture distinguant l’impasse Satan de l’espace public

Ill.3 - La clôture distinguant l’«espace commun» de la partie résidentielle du «Jardin sur le toit» 127


2) Modalités d’ouverture Dans les deux opérations considérées, les espaces communs aux différents programmes ont la singularité d’être soumis à des régimes très particuliers d’ouverture et de fermeture sur l’espace public, par le biais de grilles d’entrées tantôt ouvertes, tantôt fermées. Cette volonté affirmée de contrôler l’accès des visiteurs de ces deux «hybrides résidentiels» nous apparait finalement comme une nouvelle expression de cette recherche de maîtrise de ces «espaces communs» par leurs gestionnaires, dont nous allons maintenant questionner les modalités.

(a) Macrolot B2 «La fermeture au public de ces importants espaces verts de coeur d’îlot, qui constituent l’un des poumons de la ville parc, interrogerait sur la légitimité de réserver autant d’espace à un petit nombre de privilégiés, allant à l’encontre de l’ambition de crééer une ville durable.» Extrait d’un article du PUCA(7) On le rappelle ici, la volonté affichée par plusieurs des acteurs impliquées sur cette plus large opération du Trapèze de Boulogne-Billancourt (dont son maître-d’oeuvre urbain P.Chavannes et son aménageur, la SAEM Val-de-Seine) a d’abord été de proposer l’ouverture périodique de ces coeurs de macrolots à tout promeneur ou visiteur soucieux d’y trouver là un agréement paysager ou simplement de traverser l’ensemble pour en rejoindre plus rapidement l’autre extrémité. À l’heure de la réalisation de ces différentes opérations, il a été décidé de permettre l’accès à ces «espaces communs» le jour, et de l’interdire à la nuit tombée. Si cette intention première semble aujourd’hui respectée par le Macrolot B2 analysé par cette recherche (plusieurs visites du site m’ayant permis de vérifier que la grille restait entrouverte la journée, semaine comme week-end), il semble particulièrement riche ici d’évoquer le cas des autres macrolots du Trapèze, semblant tous répondre à des logiques d’ouverture différente (bien qu’issus -comme on l’a vu- d’un «même principe de base»). Ainsi, le Macrolot B3 voisin garde l’ensemble de ces grilles fermés en permanence. Après m’être renseigné auprès d’une habitante, je comprends qu’il faut appuyer sur un numéro du digicode -le 1- pour que celle-ci s’ouvre automatiquement (une information difficile à deviner). Le soir, ce système est coupé. Le macrolot A2, lui, semble en proie à une réelle schizophrénie: les grilles (4 au total) étant toutes grandes ouvertes pendant la journée, malgré la présence de plaques avertissant les trop curieux de ce tenir à l’écart. Le macrolot A3, enfin, n’ouvre jamais ses grilles aux visiteurs et les prévient même d’une «surveillance» perpétuelle du site. Ayant identifié en amont qu’il revenait à l’ensemble des copropriétaires d’un macrolot de financer les surcoûts occasionnées par ces traverses en coeur d’îlot, il paraît raisonnable de supposer dans cette fermeture définitive l’action de ces mêmes copropriétés. Cela reviendrait-il à voir dans le Macrolot B2 une forme d’adhésion des occupants (habitants et usagers des bureaux, de l’école...) -sinon d’acceptation- de cette dimension traversable de l’îlot? L’«hybride résidentiel ouvert» que nous avons identifié à cet endroit -et cet «espace commun aux différents programmes» en son coeur pensé comme un prolongement de l’espace public- trouveraient-ils ainsi une forme de soutien?

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(b) Le «Jardin sur le toit» Pour ce qui est des deux «espaces communs en coeur d’hybrides résidentiels» identifiés au sein de l’opération du «Jardin sur le toit», les nombreuses observations in situ associées aux discussions entreprises avec certains usagers du jardin m’ont permis d’identifier deux modalités d’ouverture très distinctes.

(b.1) L’impasse Satan Ainsi, il semble que la première grille d’entrée -celle permettant de rejoindre l’impasse Satan depuis la rue- soit ouverte tous les matins et fermée tous les soirs (vers 17h30) par le gardien de l’immeuble, comme cela avait été convenu entre la ville et Paris Habitat.

(b.2) Le jardin associatif Pour autant, les modalités d’ouverture de la grille donnant accès au jardin associatif sur le toit du gymnase s’avère en réalité bien moins régulières que ce que souhaitaient conjointement la Ville, la DEV, l’OPAC et l’architecte. Ainsi, un jardinier volontaire m’indique que «la grille du jardin est ouverte quand Françoise (Cf. la gérante, travaillant pour l’association Lafayette-Accueil) est là, et qu’elle le décide». Cela n’arriverait en réalité pas si souvent, «juste quelques fois par semaine». Cette dernière étant très occupée par son travail associatif, des «associations d’habitants se constitueraient pour ouvrir le jardin au maximum» aux dires de C.Besseyre (architecte-associée de TOA)(8). Cette situation, paradoxale pour un «espace public» comme ce jardin associatif dont les modalités d’accès s’avère finalement très fluctuantes et imprécises, contribue à l’éloigner en pratique de sa référence: les «parcs publics parisien ouverts le jour et fermés la nuit», évoqués dans les trois entretiens menés auprès des acteurs majeurs impliqués dans cette opération (TOA, l’OPAC et la Ville). Ainsi donc, on se retrouve le plus souvent dans cet «hybride résidentiel» face à une situation particulièrement ambigu: l’impasse Satan restant accessible par le biais d’une grille entrouverte toute la journée tandis que la porte permettant d’accéder au jardin reste fermée, bien que la servitude de passage publique ait d’abord été établie pour permettre à tout un chacun de rejoindre ce jardin associatif.

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B/ S’approprier l’espace commun Lieux de référence et transformation

Enjeux: Saisir la manière dont les occupants de ces hybrides résidentiels (habitants, usagers, visiteurs) s’approprient l’espace commun aux différents programmes, en questionnant la manière dont ces derniers se répartissent et interagissent en son sein et en évaluant les actions perpétrées par ceux-ci pour le «faire sien», en engageant sa transformation. Si nous évoquions plus haut la façon dont les propriétaires et gestionnaires s’attachent à «encadrer» les événements qu’ils ne faisaient qu’anticiper au coeur des «espaces communs en coeur d’hybrides résidentiels» à leur charge, il convient maintenant de s’interroger sur les situations concrêtes se développant au sein de ces derniers. On se demandera dans un premier temps- et aux vues des premières observations et discussions entreprises sur place- quels en sont réellement les occupants, comment ces derniers se répartissent dans l’espace commun et de quelles manières leurs comportements semblent s’adapter -ou non- par ce rapprochement spatial, avant de s’interroger sur les transformations de ces «espaces communs en coeur d’hybride résidentiel» entreprises par ces derniers.

1. De la répartition et de l’interaction 1. Une «géographie» des occupants (a) Le Macrolot B2 Comme nous avons pu l’évoquer dans les parties «II/B/1)Le Macrolot B2» et «III/A/2) Clôre ou ouvrir...», la particularité du Macrolot B2 réside dans la distinction physique qu’on a tenu à imposer entre les sols associés aux différents programmes et ceux qu’on a dévolu à l’«espace commun» en coeur d’îlot (à savoir, la seule «cour minérale» rattachée aux logements à l’angle Sud-Ouest du macrolot). Comme on s’est attaché à le démontrer, cette dissociation fondamentale des programmes a incité les architectes désireux de développer à cet endroit un «espace central perçu comme commun à tout l’îlot» à travailler avec le plus grand soin la «transparence» des barrières et autres clôtures, afin qu’à défaut d’avoir une continuité physique entre les différents lots puisse être établi une grande continuité visuelle. Si cette démarche ne manque pas de qualité, elle n’a pu a priori empêcher l’inévitable, à savoir la nécessaire ségrégation des différents occupants au sein de cet «espace commun». C’est ainsi que les employés de bureaux pouvant accéder à leur lieux de travail depuis la rue ne rejoigne ce coeur d’îlot qu’en restant dans l’enceinte de leur jardin privé, dont l’usage leur est tout à fait exclusif. De même, les écoliers ne dépassent-ils jamais les limites de leur cour de récréation. Finalement, il semblerait que cet «espace commun» sur le papier (chacun des copropriétaires associées à ces différents programmes participant à son financement) ne soit finalement arpenté que par les seuls résidents rejoignant leur hall d’entrée, auxquels s’ajoutent quelques promeneurs souhaitant simplement traverser le coeur d’îlot. Si cet espace empêche a priori tout contact entre les occupants de cet «hybride résidentiel», peut-il encore être perçu comme réellement «commun»? Les seules relations visuelles entre ces différents programmes suffisent-elles à établir à cet endroit l’idée d’un partage d’un même lieu de référence? 130


Nous aborderons cette questions dans la partie suivante: quelle perception de l’autre au sein de l’espace commun? Après avoir interrogé de la même manière la répartition des différents occupants au sein des deux «espaces communs» identifiés au sein de la seconde opération dite du «Jardin sur le toit».

(b.1) «Jardin sur le toit»: l’impasse Satan Comme nous avons eu l’occasion de le relever en amont, cet «espace commun en coeur d’hybride résidentiel» constitue l’accès principal à deux programmes de l’opération (les logements en fond de parcelle et le jardin associatif) et l’accès secondaire du troisième (le gymnase). En tant que tel, il est essentiellement arpenté par deux catégories d’occupants -habitants et jardiniers- auxquels peuvent s’ajouter les usagers du gymnase (essentiellement des classes d’écoles -primaire et collège- et leurs professeurs d’éducation sportive) ainsi que quelques promeneurs curieux cherchant à jeter un oeil au jardin. Il semble pour autant important de souligner ici la grande variété de profils que peut représenter cette catégorie de «jardiniers» -ou plus largement d’usagers du jardin- au vu de la destination particulièrement ouverte du jardin associatif; une population que nous allons maintenant tenter d’identifier.

(b.2) «Jardin sur le toit»: le jardin associatif «Par principe, tout individu motivé est le bienvenu» Françoise, de l’association Lafayette-Accueil C’est par ces mots que la gérante m’a résumé, au cours d’une brève conversation, les «conditions d’accès» à ce jardin associatif. En réalité, il semblerait que la diversité réelle de ces «jardiniers volontaires» soit bien moins grande que prévue, comme semble l’indiquer P.Sandevoir, lorsqu’il décrit la population d’usagers de ce jardin pédagogiques comme essentiellement composée de «classes d’école, avec un prof» et des «personnes en difficulté»(la plupart «en insertion» ou «au RSA», certains sortant également d’hôpitaux psychiatriques et se voyant recommander l’endroit par une assistante sociale) dont Françoise s’occupe au quotidien(1). Il semble ainsi confirmer sur ce point les informations avancées par F.Giboudeaux, laquelle m’indiquait également que «la jardinière regrette qu’il n’y ait pas une grosse participation des autres occupants»(2), à savoir les usagers du gymnase et les habitants de cet «hybride résidentiel». Étrangement -et toujours aux dires de F.Giboudeaux- cette situation s’inverserait lors d’occasion spéciales. Ainsi, le weekend de nombreux habitants du quartier (et de l’opération?) se rendraient sur le jardin pour des évenements exceptionnels (des projections de films, et autres...). À d’autres moments, c’est un centre social qui vient(3). Enfin, il fut fait mention plusieurs fois -au cours des différents entretiens réalisés ainsi que des discussions moins formelles- d’usagers moins «légitimes» du jardin associatif, n’hésitant pas à escalader les grilles pour l’occuper «sans permission»; leur intrusion plus ou moins désirée étant à l’origine de nombreux conflits auxquels on reviendra. À présent que nous avons identifié les divers occupants de ces «espaces communs» et la manière dont ceux-ci se répartissent au sein de ces différents espaces partagés, il convient de s’interroger sur les relations que semblent induire a priori le contact -ou son absence- de ces différentes populations au coeur de ces deux «hybrides résidentiels».

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Ill.4 - Le «jardin associatif», investi principalement par des personnes extérieures à cet «hybride résidentiel»? Jardin associatif sur le toit du gymnase.

2. Proximité spatiale = distance sociale? Du contact entre les différents occupants en coeur d’hybride résidentiel Il sera question dans cette partie d’analyser les comportements et situations observées entre les différents occupants de ces «espaces communs en coeur d’hybride résidentiel». Quelles nouvelles règles de «vivre-ensemble»sont-elles inventées pour permettre à ces habitants, usagers et visiteurs de se croiser sans heurts, à leurs pratiques mutuelles de coexister, à certains conflits d’être évités?

(a) Le Macrolot B2 Nous évoquions plus haut la manière dont l’«espace commun» au coeur du macrolot B2 dissociait en réalité physiquement et très distinctement ses différentes catégories d’occupants au sein de ce large «coeur d’îlot», les contenant dans l’enceinte des sols dévolus à leur propre programme (le jardin en pente pour les bureaux, la cour de récréation pour l’école, les jardins privatifs pour les logements à l’angle Sud-Est...). Pour autant, il semblerait que cette dissociation spatiale des populations ne suffise pas à déposséder tout à fait ce coeur d’îlot de sa dimension d’«espace commun». Pour le démontrer, il me semble opportun d’évoquer certains «comportements» associés au programme scolaire (sans doute le plus potentiellement «conflictuel» d’entre tous, ce dernier induisant notamment des nuisances sonores importantes). 132


Ainsi, il y a l’exemple de la sonnerie annonçant le début et la fin de la récréation. Si dans toute école parisienne classique, cette alarme se caractériserait par un son de cloche tout à fait caractéristique (et peu apprécié des résidents...), cette dernière a ici été remplacée par quelques notes de musiques. Doit-on y voir une attention visant à faciliter l’acceptation par les habitants d’un tel équipement au coeur de leur îlot? Un second aspect suggérant une attention spéciale portée à l’idée de ne surtout pas géner «l’autre» au sein de ce coeur d’îlot serait la constatation de professeurs encadrant la récréation des maternelles (laquelle, on le rappelle, s’étend jusqu’au centre du macrolot) et s’appliquant avec un zèle particulier à calmer leurs jeux et leurs cris. Un troisième aspect viendrait cette fois du jardinier des parterres dévolus aux bureaux, soulignant le peu de plaintes des habitants occasionnées par ces bruits d’enfants. Selon lui, ces résidents sont d’ailleurs «bien arrangés de pouvoir déposer là leurs enfants avant de partir au travail». En définitive, il semblerait donc que s’opère au sein de l’«espace commun» de ce Macrolot pris au sens large -le coeur de l’îlot B2- une forme de réglage des comportements des uns comme des autres, afin de nuire le moins possible à autrui. Ainsi, ces situations inciteraient à voir dans ce lieu une forme d’«espace partagé», qui à défaut de développer des qualités réelles d’«espace fédérateur» (par l’empêchement du contact entre ces différents occupants), favoriserait tout de même l’émergence de pratiques de «cohabitation» à même de faire de ce lieu un véritable «espace commun en coeur d’hybride résidentiel».

Ill.5 - La cour d’école au coeur du Macrolot B2, un voisin particulier? 133


(b.1) Le «Jardin sur le toit»: l’Impasse Satan On se salue, on se dit bonjour sans se connaître, ce qu’on ne ferait pas dans un espace public. L’impasse Satan du «Jardin sur le toit»se verrait ainsi le lieu de simples relations cordiales de voisinage entre les différents occupants de cet «hybride résidentiel» amenés à se croiser là par nécessité (une hypothèse corroborée par les propos de P.Sandevoir). Ne développant pas particulièrement de qualité d’«espace fédérateur» (notamment par certains empêchements imposés comme on l’a vu par le règlement intérieur de Paris Habitat), il semble ainsi arborer toutes les qualités d’un «espace commun de transition» ne visant rien d’autre que de permettre un contact apaisé entre ces populations diverses.

(b.2) Le «Jardin sur le toit»: le jardin associatif Nous avons identifié dans la partie précédente les différents usagers de ce jardin comme étant essentiellement des populations extérieures à l’hybride résidentiel considéré, ce dernier n’étant a priori que très peu investi par les autres occupants de cette opération (habitants des logements et autres écoliers et professeurs investissant le gymnase) hormis lors de quelques occasions exceptionnelles, aux dires de F.Giboudeaux. L’observation plus fine du contact entre les différentes groupes amenés à cohabiter dans cette opération semble en réalité aggraver ce diagnostic, allant jusqu’à supposer dans cet espace un lieu de conflit entre ces différents occupants plutôt qu’un lieu de sociabilité que la supposée qualité fédératrice de cet «espace commun» serait supposée développer. C’est ainsi que l’entretien avec cette élue d’arrondissement m’a permis d’identifier quelques habitants particulièrement remontés contre ce jardin associatif -certains regrettant le «jardin solidaire» de la friche aujourd’hui disparue(2), d’autres se plaignant du bruit occasionné par les différents événements organisés le week-end(3) (un argument venant ainsi infléchir celui de F.Giboudeaux, voyant dans ces «fêtes d’après-midi» des occasions valorisées par les habitants). Mais les situations de cohabitation qui semblent poser aujourd’hui les plus grandes difficultés seraient plutôt associées à l’intrusion de ceux que nous nommions «occupants illégitimes» de cette opération, à savoir des «jeunes, qui quand ils étaient enfants allaient sur le jardin en friche, et qui se revendiquent le droit d’aller sur le jardin la nuit» (aux dires de l’élue) (4). Les conflits sont alors nombreux entre ces derniers et les occupants «légitimes» de cet hybride résidentiel (habitants surtout, mais aussi usagers du jardin): certains résidents se faisant parfois insulter, d’autres déplorant la dégradation des mobiliers du jardin... F.Giboudeaux m’indiqua ainsi qu’une médiation semblait requise entre «occupants conventionnels et non-conventionnels», et que c’était Françoise, la responsable du jardin associatif, qui tient aujourd’hui ce rôle, un «métier qui mériterait d’être reconnu» selon elle (5). Au-delà de cette notion de médiation, il semblerait que ce soit tout un apprentissage de nouvelles règles du «vivre-ensemble» qui soient ici requis, dans ces nouvelles configurations induites par l’«espace commun en coeur d’hybride résidentiel». Aux dires de C.Besseyre (TOA), une «cohabitation doit se mettre en place» dans ces lieux nouveaux(6). Elle semble en cela rejoindre les propos de C.Moley lequel, dans son ouvrage Les Abords du Chez Soi, prévient d’une menace de disparition de cette «culture des limites», et des «pratiques de sociabilité dans les espaces aux abords de l’habitation»: «Faire preuve d’urbanité, présenter ses civilités, ne pas se montrer déplacé, approcher quelqu’un, établir des liens, se rassembler, mais aussi mettre des limites et (se) tenir à distance: toutes ces pratiques relèvent de savoir-vivre, dont les codes s’estompent aujourd’hui et engagent l’espace, sans toutefois qu’on soit parvenu à véritablement préciser en quoi et comment des configurations spatiales particulières pourraient favoriser telle ou telle pratique.»(7) 134


2. De la transformation de l’espace par ses occupants «En raison de la densité de l’habitat, le citadin invente et manie un large éventail d’usages, lui permettant de qualifier tout en nuance les différents espaces qui le mènent de la rue jusqu’à son logement.» N.Michelin dans son ouvrage La Ville et ses Possibles(1) Il convient enfin de s’intéresser à un dernier aspect de l’appropriation par ces occupants de «l’espace commun en coeur d’hybride résidentiel», en questionnant d’abord la façon dont ceux-ci s’appliquent à l’adapter à leur convenance lorsque cela est permis, avant d’interroger dans un second temps la manière dont certains de ces espaces développent une forme d’«aseptysation» plus ou moins volontaire, empêchant fondamentalement toute appropriation.

1) Adapter l’«espace commun» (a) Le Macrolot B2 Tout comme nous avons constaté une forme de «repli» des différents occupants de cet hybride résidentiel au sein de leur propres espaces collectifs (les employés de bureaux se cantonnant à leur jardin en pente, les écoliers à leur cour de récréation...), il semblerait que ce soient aussi ces espaces non-partagés qui deviennent les lieux privilégiés d’une heureuse adaptation par leurs occupants. Ainsi donc, des tables et de nombreuses chaises, augmentées de cendriers et de larges pots de fleurs recouvrent-ils la terrasse en contrebas longeant l’immeuble tertiaire et son parterre planté. De même, la cour de récréation des maternelles, de plain pied avec la «cour minérale» tenant lieu d’«espace commun» à tous (en terme foncier, on le rappelle) est remplie de jeux pour enfants en bas age. Le reste de l’«espace commun» est quant à lui particulièrement peu investi; et fait montre d’une certaine aseptysation dont on tentera d’identifier l’origine un peu plus loin.

Ill.6 - La terrasse des bureaux, baignée de soleil et bien aménagée 135


(b.1) «Jardin sur le toit»: l’impasse Satan Cet «espace commun», que le règlement intérieur de Paris Habitat a contribué à rendre particulièrement peu propice à l’adaptation et aux transformations spontanées par ses différents occupants, semble tout comme le précédent rendu à dessin inappropriable. On s’attachera également à en expliciter les raisons dans la partie suivante.

(b.2) «Jardin sur le toit»: le jardin associatif À l’inverse des deux «espaces communs» précédents, celui-ci semble développer une réelle incitation à l’adaptation par ces différents occupants. En plus d’être invité par Françoise à investir une parcelle de terre «même s’il est seul et tant qu’il est prêt à y consacrer suffisamment de temps», tout «individu motivé» peut aussi s’appliquer, par exemple, à construire le mobilier du jardin associatif. Aux dires de C.Besseyre, l’aspect le plus enthousiasmant est la liberté nouvelle donnée par le PLU (et non plus le POS ayant régi le dessin de l’opération à l’époque), permettant ainsi aujourd’hui de construire de petites structures (ou pergolas) sur le toit afin d’apporter de l’ombre aux jardiniers, ce que ne permettait pas l’ancien règlement(2).

2) De l’aseptysation volontaire de l’espace commun? Comme on a pu le constater dans la partie précédente, les deux premiers «espaces communs en coeur d’hybride résidentiel» observés semblent remarquablement peu transformés par leurs occupants, au point de nous inciter à émettre l’hypothèse d’une logique d’aseptysation délibérée; que nous allons maintenant questionner.

(a) Le Macrolot B2

Ill.7 - Un coeur d’îlot volontairement aseptysé? 136


«L’amélioration de la qualité de vie et la réduction des nuisances: La conception générale de l’aménagement, par la générosité des espaces publics plantés qu’elle propose et par les cheminements traversants ou les jardins intérieurs ménagés au coeur du bâti, sera le premier facteur d’agrément pour les habitants et les usagers du nouveau quartier.»(3) D’une manière assez paradoxale, il semble intéressant de relever que si un travail majeur a bien été mené pour rendre les coeurs de macrolots du Trapèze de Boulogne-Billancourt à la fois traversables et accessibles à tous, peu de textes règlementaires n’aient induit pour ces derniers d’autres ambitions que de constituer des simples «jardins d’agréments» (à l’inverse des «concepteurs» -dans notre cas, P.Chavannes et UAPS- lesquels ont semblé particulièrement enclins à y suggérer des qualités d’«espace commun fédérateur», comme démontré dans la partie «II/B/1) Le Macrolot B2») C’est pourquoi il paraît relativement peu risqué de supposer une forme d’aseptysation délibérée de cet «espace commun», si l’on lui ôte les parties rattachées aux différents programmes. C’est finalement ce que semble suggérer Martin Étienne (membre de rédaction de la revue Criticat et architecte), lorsqu’il affirme que «les plates-bandes, parterres et autres aménagements croquignolets saturent le sol et empêchent le séjour et l’appropriation. Ici, on ne tond pas la pelouse, on cultive le trèfle et on plante des «mauvaises herbes».»(4) On pourrait expliquer cette manière de prévenir de l’adaptation par l’occupant de cet espace de deux façons. La première concernerait la question foncière, et semble la plus terre-à-terre: cet «espace commun» en coeur d’îlot étant -comme on a pu le voir- la propriété commune de l’ensemble des très nombreux occupants de ce macrolot (comptant près de 250 logements, auquel s’ajoute 8 000m2 de bureaux, deux écoles et un gymnase...), il est probable qu’il soit d’abord souhaité par tous que cet espace «reste ce qu’il est» (toute modification de cet espace foncièrement commun étant par principe jugée trop complexe, en ce qu’elle devrait être d’abord acceptée par une grande majorité de ses copropriétaires...). La seconde serait plutôt associée ce que nous nommions dans la partie «I/B/L’espace intermédiaire» un «désir d’urbanité post-moderne». Ce retour à une valorisation de la rue comme «vecteur social» disait N.Michelin, incitant à placer à la fois les commerces, les halls d’entrées des bureaux et des logements, ainsi que les accès aux équipements publics (dans notre cas, les deux écoles et le gymnase) aurait ainsi contribué à vider progressivement ces coeurs d’îlot de toute «animation potentielle», lui laissant finalement bien peu de cette qualité d’«espace fédérateur» qu’on entendait lui préter. En ce sens, cet extrait de l’article de la revue d’A touche particulièrement juste: «Comme la desserte des immeubles respecte à peu près partout le principe intouchable des halls d’entrée sur rue (urbanité oblige), les coeur d’îlots, privés de rôle distributif, s’apparentent plutôt à d’immenses arrière-cours[...]. Derrière les portails sur rue, dévérouillés la journée, accessibles sous porche ou par une faille entre pignons, des allées traversantes zigzaguent dans ces vides intérieurs. On circule entre les arbustes, buissons et autres herbes plus ou moins sophistiquées dont les paysagistes ont recouvert les parterres délimités de fait par ces cheminements en dur, tout en s’interrogeant sur les usages que ces espaces végétalisés pourraient bien accueillir au quotidien.»(5)

(b) Le «Jardin sur le toit» Comme on va maintenant s’attacher à le démontrer, le «Jardin sur le toit» s’avère en l’espèce un cas particulièrement ambyvalent: son «espace commun de transition» reconnu dans l’impasse Satan se voyant ainsi l’objet d’une même aseptysation volontaire -sans que cela ne semble nuire à ces qualités attendues- tandis que l’«espace commun fédérateur» perçu dans le «jardin associatif» semble à l’inverse encourager l’adaptation par l’occupant jusqu’en dehors de sa propre emprise. 137


(b.1) L’impasse Satan Ainsi donc, l’aseptysation volontaire par l’instauration d’un règlement par Paris Habitat que nous avons explicitée plus haut (interdisant de «jouer» comme de «stationner») ne semble aucunément retirer à cet espace ces qualités d’«espace commun de transition», bien au contraire: la contrainte imposé par le gestionnaire imposant une certaine neutralité à cet espace semble -dans une certaine mesure- prévenir certains conflits potentiellement dommageables aux «saines relations de voisinages» évoquées en amont. Car si le règlement du bailleur est aujourd’hui affiché en grosses lettres rouges dès l’entrée de l’impasse, c’est vraisemblablement en réponse à des événements passés ayant provoqués l’ire des occupants (interdirait-on ainsi aux enfants de jouer pour prévenir des «jets de caillous» ayant fini par toucher la fenêtre d’un résident, événement déploré par P.Sandevoir (6)?) Il semble qu’il est temps d’évoquer ici le cas que nous abordions plus haut dans la partie «II/B/2) Le «Jardin sur le toit» d’un «manqué clair» (aux dires de F.Giboudeaux) dans le «découpage en volume» de l’opération opéré par TOA dès la phase concours, un aspect qui nous l’avions souligné avait pourtant semblé particulièrement bien traité. Le problème dont il est ici question concerne le massif au pied de l’escalier permettant de monter jusqu’au jardin. Il s’agit là d’un sol dont la propriété a été relativement mal définie; une partie étant gérée par la DJS (Direction de la Jeunesse et des Sports), l’autre par la DEV (Direction des Espaces Verts). L’intention première de la DEV et de Françoise (la jardinière et gestionnaire du jardin associatif) était de cultiver ce massif afin de faire grimper des plantes sur le filet placé à cet effet entre l’impasse Satan et l’escalier. Seulement, la DJS refusait que ce souhait se réalise, craignant que son gymnase perde en luminosité par l’écran que constituerait dès lors ce «mur végétalisé». C’est ainsi que -l’un comme l’autre ne parvenant à s’entendre- Françoise tenta de faire pousser ces plantes grimpantes, lesquelles furent coupées délibérément par les occupants du gymnase (7). On peut donc mesurer combien cette aseptysation volontaire -si elle n’ôte pas a priori à cet «espace commun» ses qualités d’«espace de transition»- s’avère particulièrement poussée dans le cas présent...

(b.2) Le jardin associatif Nous avons traité plus haut de la dimension particulièrement grande qui ait donnée dans cet «espace commun pensé fédérateur» à l’appropriation et à l’adaptation par l’occupant. Il convient enfin ici d’exprimer combien cette qualité propre au jardin associatif semble même dépasser ses propres limites physiques. Ainsi, il existerait au niveau de ce jardin un espace au statut a priori tout aussi mal défini foncièrement par le «découpage en volume» initié par l’agence que celui explicité plus haut, mais qui à l’inverse du précédent n’induirait pas du tout une forme de crystallisation des conflits entre les différents occupants. En effet, l’espace en question serait une bande de terre de 80cm placée entre les logements et le jardin, séparée du premier par la trémie permettant le passage d’un escalier menant à la coursive, ainsi que du second par une clôture haute de 1m80m environ. Ainsi donc, s’il semble difficile de statuer du propriétaire de cet «espace» a priori commun aux logements et au jardin associatif, ce dernier n’en est pas moins investi avec un certain plaisir par les jardiniers sans que les habitants n’y trouvent rien à redire. Aujourd’hui, aucune des plantes poussant dans cette bande de terre n’a été coupées, et certains arbustes atteignent sans mal les deux mètres de haut.

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Ill.8 - Des plantes grimpantes soignées par certains occupants, coupées par d’autres Vue extérieure du gymnase. L’escalier mène au jardin associatif sur le toit.

Ill.9 - Un parterre planté entre logement et «jardin associatif», dont la culture n’engendre aucun conflit Escaliers et coursives des accès aux logements.

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Conclusion provisoire de la partie «III/Saisir l’espace commun en coeur d’hybride résidentiel»: D’une certaine manière, les hypothèses avancées à partir des enseignements de la partie «II/B/Études de cas» semblent à la fois confortées et infléchies par l’esquisse de cette troisième partie, laquelle gagnerait à être approfondie. Ainsi, l’«espace commun» au coeur du Macrolot B2, chez lequel nous avons observé dans les pratiques cette même «ségrégation des populations» que nous laissait supposer l’établissement de barrières physiques entre les différents programmes, semblerait toutefois perçu par ses usagers comme un espace partagé au sein duquel il convient de se comporter en respectant l’autre. Le travail sur les «transparences visuelles» de ses différentes limites engagé par UAPS et encouragé par les promoteurs aurait-il suffi à donner ainsi à cet endroit des qualités réelles d’«espace commun», bien que ce dernier ne permette a priori aucunément le contact entre ses différents occupants? Cette catégorie d’espace finalement ne serait-elle qu’une affaire de «jouissance commune» d’un même sol, ou cette idée d’un «espace commun» aux différents programmes pourrait-elle germer d’autres types de contact, établis par exemple comme dans le cas présent par de forts liens visuels? À l’opposée, l’impasse Satan implique bien -presque par nécessité- le contact entre les différents occupants du «Jardin sur le toit» forcés de s’y croiser pour rejoindre les différents programmes constituant cet «hybride résidentiel». Si l’on pourrait regretter l’aseptysation volontaire observée à cet endroit, lui ôtant par ailleurs toute qualité potentielle d’«espace fédérateur», on ne saurait que trop y voir là un exemple particulièrement réussi d’«espace commun de transition», semblant encourager par sa neutralité des formes de «saines relations de voisinage» entre ses différents usagers. Enfin, le jardin associatif s’avère un cas plus ambigü. Si celui-ci semble effectivement développer toutes les qualités d’un «espace fédérateur en coeur d’hybride résidentiel», se voyant particulièrement valorisé comme lieu de rencontre et de sociabilité entre ses différents «jardiniers», il ne représente pas moins un lieu de conflit majeur entre les différents occupants plus ou moins «légitimes» de cette réalisation, semblant ainsi bien loin d’arborer aujourd’hui les qualités qu’on aimerait lui prêter d’«espace commun» ayant une dimension fédératrice, à même d’encourager la rencontre des résidents, usagers du gymnase et jardiniers occupant ensemble cette opération du «Jardin sur le toit». Il semblerait finalement que cette esquisse de IIIe partie constitue une première approche intéressante de la question des nouveaux modes d’habiter induits par le développement de ces «espaces communs en coeur d’hybride résidentiel»; et pourrait servir de base pour une recherche complémentaire, basée bien davantage sur des relevés habités ces trois «espaces communs en coeur d’hybride résidentiel» identifiés au coeur de ces deux opérations.

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CONCLUSION & OUVERTURE Ainsi avons-nous pu dans le présent papier aborder les trois manières dont semblent aujourd’hui être conçu au sens large l’espace commun en coeur d’hybrides résidentiels: à la fois: - Représenté dans les discours de ses «concepteurs», «réalisateurs» et instances politiques en charge de l’aménagement urbain - Réalisé dans la production contemporaine d’hybrides résidentiels en France (laquelle fut abordée d’abord dans sa globalité, puis «dans le détail» par l’étude approfondie de deux cas de référence: le Macrolot B2 et le «Jardin sur le toit») - Saisi par ses occupants (habitants, usagers et visiteurs) Le développement de ces trois approches nous ont permis de tirer les enseignements suivants: (1) Les représentations propres aux différents champs professionnels impliqués dans la production du cadre bâti autour de cette notion d’«espace commun en coeur d’hybride résidentiel» s’avèrent en totale opposition, traduisant un antagonisme des positionnements relatifs aux «concepteurs» (architectes et urbanistes) et «réalisateurs» (promoteurs et bailleurs) de l’aménagement urbain (un constat identique s’appliquant à ses deux notions parentes: la «mixité programmatique» et l’«espace intermédiaire»). La figure de l’édile -et le poids que lui donne les leviers règlementaire et financier- semble à même d’offrir aujourd’hui les premières pistes d’une concilitation possible entre ces intérêts divergents. Cette première partie constituerait donc à la fois une confortation et un infléchissement des trois premières hypothèses avancées dans le cadre de cette recherche: invalidant la première (suggérant un «large consensus entre l’ensembles des acteurs impliqués dans l’aménagement urbain [autour de la notion de] mixité programmatique»), elle entérine la deuxième (démontrant chez ces «concepteurs» une certaine «idéologie du partage et de l’ouverture»)et révoque la troisième («l’opposition de la totalité des autres acteurs concernés» à ce principe d’«espace commun en coeur d’hybride résidentiel» étant ainsi contredite par le soutien fondamental que peut dans certains cas représenter l’édile). (2) Le regard distant porté sur la production contemporaine française a permis de conforter l’hypothèse donnant à l’instance publique un rôle central dans la résolution de ces antagonismes: «l’hybride résidentiel fragmenté» -soit la catégorie d’ensembles résidentiels à programme mixte la plus répandue aujourd’hui - se faisant toute l’expression des difficultés actuelles à réaliser un tel espace conflictuel. «L’hybride résidentiel ouvert», par sa proportion plus grande que le «communautaire», révèle à son tour l’importance fondamentale que peut prendre l’adhésion de l’instance publique et la levée de ses moyens à ce principe d’«espace commun». L’analyse approfondie de cas de référence révéla toutefois l’insuffisance que peut représenter cette implication face à la grande complexité de montage induite par la réalisation d’un projet tel que le Macrolot B2 pour développer un «espace réellement commun» n’empêchant pas par sa nature tout contact entre ces divers occupants. Pour autant, l’étude du «Jardin sur le toit» fut la preuve qu’un tel espace pouvait être réalisé dans certaines opérations très contextuelles; un montage plus simple accompagné d’un portage concrêt par l’ensemble des acteurs impliqués autorisant le développement d’«espaces communs au coeur d’hybrides résidentiels» aux programmes particulièrement imbriqués jusqu’au sein d’un même bâtiment (et ce malgré les réticences de leurs «réalisateurs» à développer ce genre d’espaces partagés).

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Ainsi cette seconde partie fut-elle l’occasion d’apporter une réponse à l’hypothèse principale expliquant cette rareté d’«espaces communs en coeur d’hybrides résidentiels» convaincants dans l’aménagement urbain contemporain par ce supposé «décalage entre désirs des «concepteurs» (architectes et urbanistes) et ceux de l’ensemble des autres acteurs concernés». Reconnaissant dans la dissonnance avérée des positionnements des différents acteurs l’origine de grandes difficultés rencontrées aujourd’hui pour développer ce genre d’espace partagé entre différents programmes, elle fut aussi à la base de son infléchissement: associant également cette «rareté» à la grande complexité des montages pensés justement pour résoudre ces contradictions (à l’image du principe de macrolot). Pour autant, le grand potentiel de résolution de ces contraires induit par le développement de montages moins complexes, impliquant des acteurs moins nombreux et aux représentations légèrement moins disharmonieuses (à l’image de promoteurs ou de bailleurs enclins à développer ce genre d’espace partagé «sous certaines conditions», tel que Paris Habitat dans le cas du «Jardin sur le toit») semble à même de permettre le développement d’«espaces communs en coeur d’hybrides résidentiels» plus valorisés (et ainsi, à «ces incohérences [que sont les «espaces communs clôturés»] d’être potentiellement évités, confortant dès lors la quatrième hypothèse énoncée dans l’introduction de ce mémoire). (3) Enfin, les premières réflexions autour des usages effectivement développés ont permis à de nouvelles questions d’émerger: l’espace commun ne se limite-t-il qu’à un partage des sols, un contact physique entre ses différents occupants, ou peut-il être induit par l’idée d’une appartenance commune à une même entité? Les espaces que l’on pensait réussis en terme d’«espaces communs» incitent-ils réellement les occupants des opérations considérées à se rencontrer? On pense tout particulièrement à l’«espace fédérateur» du jardin associatif qui semble opposer plutôt qu’unir les différents occupants de cet hybride résidentiel. Somme toute, l’espace commun à différents programmes est-il souhaitable? Ces nouvelles questions mériteraient d’être plus longuement abordées au cours d’une recherche complémentaire, basée plus essentiellement sur des «relevés habités» des «espaces communs» identifiés au coeur des deux «hybrides résidentiels» analysés, sur la multiplication de ces observations passives, ainsi que sur des entretiens non plus réalisés auprès de professionnels de l’aménagement urbain mais d’habitants, d’usagers et de visiteurs de ces opérations. C’est uniquement par l’approfondissement de ce travail mené sur les usages et les situations concrêtes amenés à se développer au coeur de ces «espaces partagés» que ce travail de recherche gagnera une nouvelle dimension réflexive, la seule capable de nous orienter vers de meilleures manières de voir, de faire et de penser l’espace commun en coeur d’hybride résidentiel.

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Annexe

NOTES

Partie I: SE REPRÉSENTER... A/ La mixitÊ programmatique 1. Conditions d’Êmergence de la notion considÊrÊe 1) Avant les Modernes: l’idÊal d’une mixitÊ programmatique vernaculaire

(1) Revue AMC Mars 2014, Article ÂŤMixitĂŠ programmatiqueÂť, p61-71 ÂŤLa mixitĂŠ est inscrite dans la ville ancienne occidentale depuis le Moyen Ă‚ge, avec ses ĂŽlots de commerces surmontĂŠs de logements sur rue et des cours vouĂŠes Ă l’artisanat et au stockage.Âť(p62) (2) MĂŠmoire ÂŤLa question de la mixitĂŠ programmatique dans le dĂŠveloppement urbainÂť (2011-2012), StĂŠphanie Lorefice, tuteur de mĂŠmoire: Jean-Louis Violeau ÂŤEn accord avec d’autres ĂŠtudes menĂŠes sur le thème de la mixitĂŠ fonctionnelle, nous constatons le flou de cette notion. Le terme s’applique en effet Ă des territoires d’Êchelles variĂŠes (ĂŽlot, quartier, agglomĂŠration...) et Ă des situations urbaines diffĂŠrentes (grand ensemble, friches, extension urbaine...). Ce flou de la notion est renforcĂŠ par le fait qu’il n’existe pas Ă ce jour de critère pour mesurer la mixitĂŠ fonctionnelle.Âť(p50) (3) Hybrid buildings, article de Joseph Fenton (1985). TirĂŠ du recueil Pamphlet Architecture 11-20, Edition Princeton Architectural Press, New York, 2011 ÂŤThe combination of multiple functions within a single structure is a strategy which has been repeated throughout history. The house over the store, the apartments above the bridge and the Roman bath are all examples of the tradition of combining two or more functions within the walls of a single structure.Âť(p4) (4) Favoriser la mixitĂŠ dans l’habitat par les espaces intermĂŠdiaires, Magali Conus t W W Ç‘ # Ç‘ "-.+ E ")#& E '#* Â&#x; >=<> >=<? Equipe enseignante: B.Marchand, E.Rey, C.Joud. ÂŤ L’immeuble de rapport (dès 1770) reprĂŠsente dès le XVIIIe siècle une 1e forme de mixitĂŠ fonctionnelle et sociale. Logements et locaux type commerces, bureaux & ateliers, mixitĂŠ lisible en façade. (...) MixitĂŠ des activitĂŠs dans le familistère de Guise: commerciales, industrielles, ĂŠducatives et domestiques (les fonctions d’une ville Ă petite ĂŠchelle). Programmes placĂŠs les uns Ă cĂ´tĂŠ des autres et non imbriquĂŠs comme le prĂŠconisait Fourier.Âť (5) Dossier MixitĂŠ Fonctionnelle, EK 32 (Avril-mai 2013) - VIlles en transition, architectures durables (texte de Charlotte Fauve) ÂŤLa mixitĂŠ, un nouveautĂŠ? DĂŠtrompez-vous ! D’une certaine manière, les bâtiments dits ÂŤmixtesÂť ont mĂŞme toujours existĂŠ: l’immeuble haussmannien, par exemple, n’a cessĂŠ de mĂŞler les fonctions. Il ĂŠtait ainsi courant que son RDC accueille un petit commerce, ĂŠpicerie ou boulangerie, dont les senteurs d’Êpices et de bon pain montaient ensuite agrĂŠablement vers les appartements des ĂŠtages supĂŠrieurs... La mixitĂŠ fonctionnelle devenait aussi sociale, puisqu’il n’Êtait pas rare qu’un ĂŠdifice accueille au fil de ses ĂŠtages artisan, mĂŠdecin et petite entreprise. Cette superposition n’a pas resistĂŠ au XXe siècle.Âť(p59) (6) Revue AMC Mars 2014, Article ÂŤMixitĂŠ programmatiqueÂť, p61-71 Nicolas Michelin, architecte-urbaniste: ÂŤLa mixitĂŠ fonctionnelle et programmatique [...] est l’essence mĂŞme de la ville europĂŠenne.Âť

2) ÂŤSĂŠparer les fonctions urbainesÂť ou l’application simplificatrice des principes de la Chartes d’Athènes?

(7) La Chartes d’Athènes, Le Corbusier, Éd.Points (1957) (p65) (8) La Chartes d’Athènes, Le Corbusier, Éd.Points (1957; 1e publication en 1941) ÂŤUne mutation immense, totale, s’empare du monde: la civilisation machiniste s’installe dans le dĂŠsordre, l’improvisation, les dĂŠcombres...Un siècle que cela dure !Âť(p10) (9) La Chartes d’Athènes, Le Corbusier, Éd.Points (1957; 1e publication en 1941)(p39) (10) Appel Ă propositions de recherche: MixitĂŠ fonctionnelle versus zoning: de nouveaux enjeux?, 21 juin 2011, PUCA Plan Urbanisme Construction Architecture ÂŤL’urbanisme ÂŤfonctionnalisteÂť [...] faisait de la sĂŠparation des fonctions le principe ordonnateur de la ville moderne. Cette vision de la ville dont la Chartes d’Athènes (rĂŠdigĂŠe en 1933 et publiĂŠe en 1943) a ĂŠtĂŠ l’emblème traduisait non seulement un changement de perspective mais aussi une nouvelle attention aux fonctions urbaines essentielles. Si les historiens et les sociologues avaient jusque lĂ privilĂŠgiĂŠ les fonctions commerciale, politique ou religieuse dans leur explication de la constitution des villes, la Charte d’Athènes distinguait quant Ă elle quatre fonctions essentielles Ă l’intĂŠrieur des villes: travailler, habiter, circuler, se divertir. Elle a dĂŠbouche sur un ensemble de règles d’urbanisme avec des unitĂŠs d’habitation, de travail, de loisirs et de circulation, toutes sĂŠparĂŠes dans l’espace.Âť(p4)

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(11) La Chartes d’Athènes, Le Corbusier, Éd.Points (1957; 1e publication en 1941) (p34) (12) Mémoire «La question de la mixité programmatique dans le développement urbain» (2011-2012), Stépha nie Lorefice, tuteur de mémoire: Jean-Louis Violeau «Au XVIIIe siècle, les hygiénistes font de la densité urbaine un enjeu majeur à combattre pour lutter contre l’insalubrité. [...] La notion de densité est utilisée dans les discours publics pour critiquer l’entassement des populations, l’insalubrité, la promiscuité, la prolifération des maladies [...] La faible densité est alors préconisée pour favoriser la circulation de l’air et de la lumière.» (13) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «Alors que la ville du XIXe siècle appréciait, dans la densité, des qualités de vie urbaine, dont le paradigme pourrait tenir au passage couvert selon Walter Benjamin, celle du XXe siècle naissant recherche le desserrement, avec pour idéal mythique et littéralement utopique le contact avec la nature.»(p47) (14) La Chartes d’Athènes, Le Corbusier, Éd.Points (1957; 1e publication en 1941) «Les constructions hautes implantées à grande distance l’une de l’autre, doivent libérer le sol en faveur de large surfaces vertes»(p53) (15) Mémoire «La question de la mixité programmatique dans le développement urbain» (2011-2012), Stépha nie Lorefice, tuteur de mémoire: Jean-Louis Violeau «De 1945 à 1970: la densité urbaine, un outil du fonctionnalisme inscrit dans une forte période d’intervention de l’État [devient dans le contexte de la reconstruction] un outil règlementaire, un moyen de contrôler et de rationnaliser le territoire [associée au zoning]. Pendant cette période et jusqu’à aujourd’hui, la construction progressive des grands ensembles ne fait qu’accentuer l’image négative de cette forte densité.» (16) Architecture Interieur CREE n°366 (Mai-Juin 2014). Article «éloge du mélange», par Catherine Sabbah avec Lionel Blaisse et François Lamarre, p32-45 «Le zonage souligne l’effort de rationalisation du développement urbain en décrétant que chaque activité humaine réclame un espace particulier: local d’habitation, usine, centre commercial, terrain destiné aux loisirs. Il a une fonction majeure d’encadrement et, grâce aux règlements qui lui sont associés, permet d’organiser la ville future.»(p32) (17) Appel à propositions de recherche: Mixité fonctionnelle versus zoning: de nouveaux enjeux?, 21 juin 2011, PUCA Plan Urbanisme Construction Architecture «[La charte d’Athènes] a débouche sur un ensemble de règles d’urbanisme avec des unités d’habitation, de travail, de loisirs et de circulation, toutes séparées dans l’espace, pour répondre à des préoccupations hygiénistes, aux désordres issus de la prolifération d’activités et de l’arrivée massive d’habitants et au développement de l’automobile.»(p4) (18) La Chartes d’Athènes, Le Corbusier, Éd.Points (1957; 1e publication en 1941) «Il fallait [...] trouver en cette époque troublée une forme aussi anonyme que possible pour ne pas compromettre, par un nom réprouvé comme le mien, les objectifs recherchés par cette édition.»(p10) (19) Architecture Interieur CREE n°366 (Mai-Juin 2014). Article «éloge du mélange», par Catherine Sabbah avec Lionel Blaisse et François Lamarre, p32-45 «Le zonage [...] a aussi l’avantage pour les élus locaux d’éviter les dépenses inutiles. L’extension de l’urbanisation par zone permet en effet de répartir dans le temps, les efforts financiers demandés aux collectivités, en matière d’équipement par exemple. Le zonage permet enfin de contrecarrer la spéculation foncière en laissant aux municipalités la possibilité d’acquérir des terrains à des prix plus avantageux, avant qu’ils ne soient déclarés constructibles. Enfin, la ville ex nihilo et bien rangée, flatteuse pour son «créateur» est aussi plus facile à construire et répond finalement aux organisations en silos qui ont longtemps caractérisée l’administration française. Étonnante démonstration. Car énoncés d’une manière à peine différente, les arguments expliquant cette «ville fonctionnelle» permettent tout autant de justifier les choix urbains de ce début de 21e siècle, ayant pour objectif, non plus le zonage, mais à l’opposé, la mixité, non plus la séparation des fonctions, mais au contraire leur mélange.»(p32-33) (20) Architecture = Durable, 30 architectes, 30 projets en Ile-de-France, juin 2008. « Il n’y a en effet qu’un pas entre la division du travail prônée par Taylor et la séparation des fonctions urbaines héritée de l’urbanisme du XXe siècle. Née avec la fascination d’une génération d’architectes et d’urbanistes pour la machine, l’approche issue de cette tendance a dans un premier temps permis aux villes de se doter d’équipements nécessaires à leur développement et a rendu possible une augmentation très importante du niveau de vie de leurs habitants.» Pascal Gontier, architecte urbaniste (21) La Chartes d’Athènes, Le Corbusier, Éd.Points (1957; 1e publication en 1941)(p42) (22) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley - «[Etudes sociologiques] L’observation critique de la vie quotidienne dans les grands ensembles; elle dénonça en particulier le vide spatial et social que constituaient ces vastes espaces sans équipements entre les barres, et contribua ainsi à plaider en faveur d’espaces collectifs présentant des qualités d’échelle plus humaine.»(p8-9) (23) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley - «[Extrait de l’ouvrage de Chombart Famille et habitation, parue en 1959; propos de Wogensky, ancien collaborateur de Le Corbusier:] «À proximité [du logis], on devrait prévoir des écoles maternelles, les écoles primaires pouvant être un peu plus éloignées. À proximité aussi les services commerciaux qui servent quotidiennement, laverie, tabac, peut-être bien le coiffeur. Le Corbusier a dit une chose extrêmement forte: à proximité du logis, il faut mettre ce qui sert quotidiennement aux habitants et éviter d’y prévoir ce qui est intermittent, tel qu’églises, bijoutiers, tailleurs, cinéma... Il faut que cela corresponde à une autre échelle, à un brassage de la population.»(p142)

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3) Premiers requestionnements de «l’urbanisme Moderniste» et réalisations expérimentales: mégastructures multifonctionnelles et villes nouvelles

(24) Appel à propositions de recherche: Mixité fonctionnelle versus zoning: de nouveaux enjeux?, 21 juin 2011, PUCA Plan Urbanisme Construction Architecture «Progressivement, c’est au nom même de l’éfficacité fonctionnelle de la ville que la séparation des fonctions a été remise en cause, donnant lieu à des formules érigées en alternative. Les termes employés varient: mixité fonctionnelle, mixité urbaine, diversité des fonctions, mixité des usages; mais ils témoignent d’une démarche critique du zonage, attibuant un espace autonome pour chaque fonction essentielle.»(p4) (25) Mémoire «La question de la mixité programmatique dans le développement urbain» (2011-2012), Stéphanie Lorefice, tuteur de mémoire: Jean-Louis Violeau «La mixité programmatique s’inscrit dans une critique de ce fonctionnalisme [issu de la Charte d’Athènes]. Elle refait surface à la fin des Trente Glorieuses et a été accentuée par le constat de l’histoire des grands ensembles.»(p35) (26) Appel à propositions de recherche: Mixité fonctionnelle versus zoning: de nouveaux enjeux?, 21 juin 2011, PUCA Plan Urbanisme Construction Architecture «C’est à travers la Politique de la ville, notamment, que l’idée se diffuse: à partir du constat qu’un grand nombre de quartiers de grands ensembles souffrent d’un deséquilibre accentué entre l’habitat et l’emploi, et plus largement d’une spécialisation résidentielle qui les prive des attributs communs à l’urbanité et serait à l’origine de leur dysfonctionnement général.»(p4) (27) This is HYBRID, a+t research group, a selection of the articles and projects published in the Hybrids series of the magazine a+t during 2008 & 2009. «The schism that Team X caused brought the street back to life, now aerial in its reappearance. [...] but its most important victory was in liquidating the division of activities that these ordinances based on zoning and segregation had proclaimed» (p26) (28) This is HYBRID, a+t research group, a selection of the articles and projects published in the Hybrids series of the magazine a+t during 2008 & 2009. «At the same time, the old city and its functional complexity gained a new respect. This coul be seen in Urbino, a small city in eastern central Italy, which became part of the imaginary world of that period. Team X member Giancarlo de Carlo’s methodical almost archaelogical work is to be thanked, as he got through the medieval labyrinth and added clarity to the panorama with intervention that showed the due respect and care that was needed to stand up to the historical city.» (p28) (29) This is HYBRID, a+t research group, a selection of the articles and projects published in the Hybrids series of the magazine a+t during 2008 & 2009.(p28) (30) Où va la ville aujourd’hui, J.Lucan, Edition de La Villette (2012) «Superposer les fonctions, est-ce renouer avec l’urbanisme sur dalle des années 1960-1970? (31) Appel à propositions de recherche: Mixité fonctionnelle versus zoning: de nouveaux enjeux?, 21 juin 2011, PUCA Plan Urbanisme Construction Architecture «Mixité urbaine: En réaction à la charte d’Athènes et à l’urbanisme fonctionnaliste des années 60, cette notion met l’accent sur la nécessaire coexistence dans un quartier des différentes fonctions qui constituent la ville, le maintien et le dvpt d’une offre variée de services et d’équipements urbains qui répondent à l’ensemble des besoins de la population.»(p4) (32) Appel à propositions de recherche: Mixité fonctionnelle versus zoning: de nouveaux enjeux?, 21 juin 2011, PUCA Plan Urbanisme Construction Architecture «On trouve les prémices [du principe de mixité urbaine] dans la Loi d’Orientation Foncière (LOF) de 1967... Par la suite, la loi relative à la création des agglomérations nouvelles de 1970 préconise l’équilibre par la diversité des fonctions.» Diversité de l’habitat, mixité urbaine et planification urbaine. Enquête sur la mise en oeuvre des principes de la Loi d’orientation pour la Ville. Michel Legrand, CETE Lyon, Martine Meunier-Chabert, CERTU, Rapport CERTU, fév.2004, p9 (p4)

4) La «Mixité urbaine»: une doctrine contemporaine de l’aménagement urbain?

(33) Appel à propositions de recherche: Mixité fonctionnelle versus zoning: de nouveaux enjeux?, 21 juin 2011, PUCA Plan Urbanisme Construction Architecture (p3) Rapport présenté par Michel Huet au Conseil Économique et Social, les 12 et 13 octobre 1993. (34) Dossier Mixité Fonctionnelle, EK 32 (Avril-mai 2013) - VIlles en transition, architectures durables (texte de Charlotte Fauve) «Auourd’hui, il n’existe plus de nouvelle ZAC qui ne se targue d’associer bureaux, logements et commerces.»(p59) (35) Appel à propositions de recherche: Mixité fonctionnelle versus zoning: de nouveaux enjeux?, 21 juin 2011, PUCA Plan Urbanisme Construction Architecture « On retrouve ensuite [...] dans la circulaire Habitat et Vie Sociale du 4 août 1980 un souci des cadre et condition de vie, d’emploi et de formation dans les grands ensembles.» Diversité de l’habitat, mixité urbaine et planification urbaine. Enquête sur la mise en oeuvre des principes de la Loi d’orientation pour la Ville. Michel Legrand, CETE Lyon, Martine Meunier-Chabert, CERTU, Rapport CERTU, fév.2004, p9 (p4)

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(36) Appel à propositions de recherche: Mixité fonctionnelle versus zoning: de nouveaux enjeux?, 21 juin 2011, PUCA Plan Urbanisme Construction Architecture « Enfin la loi du 7 janvier 1983 créant les PLH, confirmée et amplifiée par la LOV de 1991, consacre la notion [de mixité urbaine]» Diversité de l’habitat, mixité urbaine et planification urbaine. Enquête sur la mise en oeuvre des principes de la Loi d’orientation pour la Ville. Michel Legrand, CETE Lyon, Martine Meunier-Chabert, CERTU, Rapport CERTU, fév.2004, p9 (p4) (37) Mémoire «La question de la mixité programmatique dans le développement urbain» (2011-2012), Stéphanie Lorefice, tuteur de mémoire: Jean-Louis Violeau «La loi SRU de 2000 fait de la mixité et du principe de la diversité urbaine son point central.»(p6) (38) La mixité fonctionnelle, quelle échelle pour faire cohabiter les usages?, Adrien Mervelet (fév. 2013). Equipe enseignante: J-P Franca, S.Balez, F.Gaubin. - «Loi sur la Solidarité et le Renouvellement Urbain (2000): le principe de mixité urbaine doit aboutir à la multi-fonctionnalité des espaces, et non plus à leur juxtaposition.» (39) Appel à propositions de recherche: Mixité fonctionnelle versus zoning: de nouveaux enjeux?, 21 juin 2011, PUCA Plan Urbanisme Construction Architecture. Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement. «Cette évocation de la mixité fonctionnelle dans des textes de loi réglementaires ou programmatiques agit comme un signal: il ne saurait y avoir de ville sans mixité» fonctionnelle suggérant qu’elle constitue l’état «naturel» de la ville» (41) La mixité fonctionnelle, quelle échelle pour faire cohabiter les usages?, Adrien Mervelet (fév. 2013). Equipe enseignante: J-P Franca, S.Balez, F.Gaubin. «Charte d’Aalborg (27 mai 1994), «anti-chartes d’Athènes» adoptée au Danemark par les participants à la conférence européenne sur les villes durables; prône une densité et une mitxité des fonctions urbaines.» (42) Appel à propositions de recherche: Mixité fonctionnelle versus zoning: de nouveaux enjeux?, 21 juin 2011, PUCA Plan Urbanisme Construction Architecture « On la retrouve [...] plus largement en Europe comme en témoignent les accords de Bristol [Décembre 2005] qui dès 2005 stipulaient que des «quartiers» durables («sustainable communities») devaient offrir la possibilité du développement d’une mixité des usages («mixed-use dvpt) ou la Charte d’Aalborg+10 [Juin 2004] incitant à «...assurer une utilisation mixte des constructions et des zones aménagées, et un bon équilibre entre emplois, logements et services...». (p6) (43) Appel à propositions de recherche: Mixité fonctionnelle versus zoning: de nouveaux enjeux?, 21 juin 2011, PUCA Plan Urbanisme Construction Architecture. Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement. «La mixité fonctionnelle est omniprésente dans les principes de politiques urbaines des dernières décennies, y compris les plus récentes, comme en témoigne par exemple l’objectif 11 de l’appel à projets des Eco-quartiers 2011.» (44) Appel à propositions de recherche: Mixité fonctionnelle versus zoning: de nouveaux enjeux?, 21 juin 2011, PUCA Plan Urbanisme Construction Architecture. Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement. «On la retrouve également dans les projets dits de «quartiers durables»: en France avec l’appel à projet «Ecoquartier»» (45) Appel à propositions de recherche: Mixité fonctionnelle versus zoning: de nouveaux enjeux?, 21 juin 2011, PUCA Plan Urbanisme Construction Architecture «Assurer la mixité fonctionnelle» Appel à projets Ecoquartier 2011, axe «dvpt territorial». (p6) (46) Mémoire «La question de la mixité programmatique dans le développement urbain» (2011-2012), Stéphanie Lorefice, tuteur de mémoire: Jean-Louis Violeau «Le titre 1 du règlement général de l’ANRU (RG), adopté par arrêté du 20 mars 2007, rappelle la nécessité de resituer l’intervention financée par l’Agence dans le projet d’ensemble du quartier et «d’exposer les réponses apportées aux dysfonctionnements sociaux et urbains constatés, notamment en termes de diversification de l’offre de logements et des fonctions urbaines, dans l’objectif de rendre au mieux le site d’intervention homogène et intégré avec le reste de la ville». Extrait de la synthèse de la mixité fonctionnelle des quartiers en rénovation urbaine, document de l’IAU, Octobre 2009 (p50) (47) Mémoire «La question de la mixité programmatique dans le développement urbain» (2011-2012), Stéphanie Lorefice, tuteur de mémoire: Jean-Louis Violeau «L’enjeu majeur de la mixité programmatique de l’ANRU va être de réduire les inégalités territoriales en opérant essentiellement dans les quartiers monofonctionnels: - soit en insérant de nouvelles fonctions (équipements, services ou commerces)... dans ces quartiers - soit en rénovant certains lieux existants dans ces mêmes quartiers (commerces, services, équipements). ...] Ces solutions proposées par l’ANRU viseraient à améliorer la vie des habitants au sein de ces quartiers où la fonction résidentielle est dominante (ZUS, grands ensembles, etc.).» (48) Appel à propositions de recherche: Mixité fonctionnelle versus zoning: de nouveaux enjeux?, 21 juin 2011, PUCA Plan Urbanisme Construction Architecture

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«La formule «mixité fonctionnelle» est reprise dans près de la moitié des conventions ANRU D’ïle-de-France, avec souvent comme motif rien d’autre que sa propre réaffirmation: «rompre avec la monofonctionnalité», «éviter les logiques de zonage fonctionnel», «combattre l’uniformisation des fonctions». [dans l’article Diversification de l’habitat, diversification fonctionnelle, dans les opérations de rénovation urbaine en Ile-de-france, rapporté par Christophe Noé (2009)]»(p5) (49) Appel à propositions de recherche: Mixité fonctionnelle versus zoning: de nouveaux enjeux?, 21 juin 2011, PUCA Plan Urbanisme Construction Architecture « la LOV de 1991, consacre la notion [de mixité urbaine] qui n’a pas encore pris le sens de mixité sociale qu’elle a de nos jours.» Diversité de l’habitat, mixité urbaine et planification urbaine. Enquête sur la mise en oeuvre des principes de la Loi d’orientation pour la Ville. Michel Legrand, CETE Lyon, Martine Meunier-Chabert, CERTU, Rapport CERTU, fév.2004, p9 (p4) (50) Appel à propositions de recherche: Mixité fonctionnelle versus zoning: de nouveaux enjeux?, 21 juin 2011, PUCA Plan Urbanisme Construction Architecture «La notion de mixité urbaine apparaît pour ce motif à trois reprises dans la loi SRU»(p5) (51) Appel à propositions de recherche: Mixité fonctionnelle versus zoning: de nouveaux enjeux?, 21 juin 2011, PUCA Plan Urbanisme Construction Architecture. Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement. «Plusieurs textes de loi (art.1 de la LOV de 1991, art.1 de la loi SRU devenu L121-1 du code de l’urbanisme) fixent «la diversité des fonctions urbaines et la mixité sociale, dans l’habitat urbain et dans l’habitat rural», comme objectif des politiques urbaines à prendre en compte dans tous les documents d’urbanisme. (52) Appel à propositions de recherche: Mixité fonctionnelle versus zoning: de nouveaux enjeux?, 21 juin 2011, PUCA Plan Urbanisme Construction Architecture. Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement. On la retrouve également dans les projets dits de «quartiers durables»: en France avec l’appel à projet «Ecoquartier» visant à «promouvoir des quartiers durables caractérisés» entre autres par «une mixité sociale et fonctionnelle»,» (53) Dossier Mixité Fonctionnelle, EK 32 (Avril-mai 2013) - VIlles en transition, architectures durables (texte de Charlotte Fauve) «À la fin des années 1970, la remise en question violente de ces géants bétonnés et de l’urbanisme fonctionnel entraîne la redécouverte de la mixité: «Dans les années 80, il s’agissait d’un grand débat, explique Véronique Biau, directrice du centre de recherche sur l’habitat. Aujourd’hui, le principe a été tellement acté que la question ne se pose plus.».»(p59) (54) La ville en négociation, une approche stratégique du développement durable, Maurice Guanay/David Albrecht (économistes), Édition L’Harmattan, Villes et Entreprises, 2008 « [Partie] Les multiples tendances récentes de la pensée urbanistique. La mixité sociale est, au moins depuis l’après-guerre, un crédo majeur dans le discours urbain, en France en particulier, malgré les limites patentes de son efficacité et surtout de sa faisabilité. Dans les faits, il s’agit en général d’insérer du logement social (principalement locatif HLM, et de plus en plus privé conventionné) dans les programmes.»(p183-186) »(p183-186) (55) Mémoire «La question de la mixité programmatique dans le développement urbain» (2011-2012), Stéphanie Lorefice, tuteur de mémoire: Jean-Louis Violeau «La mixité permet de se raccrocher à un ordre social et spatial perdu» Extrait p122 des propos de Daniel Béhar du libre La ville à trois vitesses de la revue internationale ESPRIT, n°303. (p32) (56) Architecture Interieur CREE n°366 (Mai-Juin 2014). Article «éloge du mélange», par Catherine Sabbah avec Lionel Blaisse et François Lamarre(p33-34) (57) Architecture Interieur CREE n°366 (Mai-Juin 2014). Article «éloge du mélange», par Catherine Sabbah avec Lionel Blaisse et François Lamarre, p32-45 (p32) (58) Appel à propositions de recherche: Mixité fonctionnelle versus zoning: de nouveaux enjeux?, 21 juin 2011, PUCA Plan Urbanisme Construction Architecture « Cette conception de la mixité fonctionnelle comme évidence et la réaffirmation simultanée de sa nécessité n’est pas nouvelle.»(p3) (59) Appel à propositions de recherche: Mixité fonctionnelle versus zoning: de nouveaux enjeux?, 21 juin 2011, PUCA Plan Urbanisme Construction Architecture On la retrouve notamment dans les projets des dix équipes d’architectes mobilisés pour la consultation internationale de recherche et de dvpt sur le grand pari de l’agglomération parisienne par exemple.»(p5)

2. La valorisation actuelle de cette notion par les «concepteurs» et élus en charge de l’aménagement urbain 1) Apologie contemporaine de la mixité programmatique (1) Où va la ville aujourd’hui, J.Lucan, Edition de La Villette (2012) (2) Appel à propositions de recherche: Mixité fonctionnelle versus zoning: de nouveaux enjeux?, 21 juin 2011, PUCA Plan Urbanisme Construction Architecture «La mixité fonctionnelle se présente aussi désormais comme une réponse aux questions urbaines contemporaines de perte du lien social [notamment]»(p5)

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(3) Extrait de La mixitĂŠ fonctionnelle, quelle ĂŠchelle pour faire cohabiter les usages?, Adrien Mervelet (4) Favoriser la mixitĂŠ dans l’habitat par les espaces intermĂŠdiaires, Magali Conus. ÉnoncĂŠ thĂŠorique de Master en Architecture EPFL – ")#& E '#* Â&#x; >=<> >=<? " Ç‘ K 3 " * & , Ç‘ ÂŤAujourd’hui, pour rĂŠsoudre l’exclusion sociale et le problème des quartiers constituĂŠs uniquement d’un seul type d’activitĂŠ, la mixitĂŠ est envisagĂŠe comme une solution possible.Âť (5) Favoriser la mixitĂŠ dans l’habitat par les espaces intermĂŠdiaires, Magali Conus. ÉnoncĂŠ thĂŠorique de Master en Architecture EPFL – ")#& E '#* Â&#x; >=<> >=<? " Ç‘ K 3 " * & , Ç‘ ÂŤAlain Bourdin, sociologue-urbaniste: ÂŤun quartier ne deviendra attractif pour ses habitants que s’il l’est pour les autres (qui viendront de temps en temps alors qu’ils n’ont pas Ă le faire).Âť (6) This is HYBRID, a+t research group, a selection of the articles and projects published in the Hybrids series of the magazine a+t during 2008 & 2009. - ÂŤIt has been defended from J.Frenton that ÂŤthe hybrid type was a response to the metropolitain pressures of escalating land valuesÂť (p38) (7) Revue AMC Mars 2014, Article ÂŤMixitĂŠ programmatiqueÂť, p61-71 ÂŤ Pour [...] remĂŠdier Ă la raretĂŠ du foncier, la mixitĂŠ fonctionnelle ou programmatique devient un enjeu pour les ĂŠlus et tous les acteurs de la ville qui y voient un facteur de dynamique urbaine, sociale et ĂŠconomique.Âť(p61) (8) Made in Tokyo, Momoyo Kaijima, Junzo Kuroda, Yoshiharu Tsukamoto (2008) ÂŤModern city planning [...] also evidences separations and specialisations. [...] There are many problems stemming from this situation, but the most immediate is the fact that a single location cannot be thought though in its totality.Âť(p22) (9)Architecture IntĂŠrieure CREE, n°349 (dĂŠcembre-janvier 2010-2011) ÂŤSur un autre plan, une opĂŠration mixte est le moyen d’introduire un nombre minima de bureaux dans les villes oĂš les investisseurs ne veulent pas en construire avec pour corollaire de gĂŠnĂŠrer une certaine activitĂŠ ĂŠconomique.Âť(p40-41) (10) Revue AMC Mars 2014, Article ÂŤMixitĂŠ programmatiqueÂť, p61-71 (11) Revue AMC Mars 2014, Article ÂŤMixitĂŠ programmatiqueÂť, p61-71 Gilles de Montmarin, Directeur dĂŠlĂŠguĂŠ de la SEMAPA, amĂŠnageur de la ZAC Paris-Rive Gauche: ÂŤ Au fil de l’avancement des opĂŠrations, la proximitĂŠ entre ĂŠtudes et rĂŠalisations donne une flexibilitĂŠ oĂš la mixitĂŠ programmatique peut intervenir aussi a posteriori: nous parvenons Ă installer dans les RDC -dont nous restons propriĂŠtaires- des activitĂŠs correspondant Ă des demandes indispensables Ă la vitalitĂŠ du quartier. [...]. Une configuration que n’aurait pas permis la linĂŠaritĂŠ haussmannienne.Âť (12) Les abords du Chez Soi, en quĂŞte d’espaces intermĂŠdiaires, C.Moley - ÂŤAttirer dans cette ZAC des promoteurs privĂŠs et mĂŞler dans chaque ĂŽlot leurs opĂŠrations Ă du logement social ou du tertiaire supposait une certaine souplesse. L’ouverture de l’Îlot, mais aussi de ses règles, traduirait alors essentiellement une thĂŠorisation a posteriori, qui rĂŠponde, dans un souci d’adaptation aux ĂŠvolutions du marchĂŠ et de la taille des opĂŠrations, Ă une nĂŠcessitĂŠ de souplesse dans le programme, dans la rĂŠpartition des parcelles et dans l’implantation des immeubles.Âť(p175 (13) (2.2.2) Architecture Interieur CREE n°366 (Mai-Juin 2014). Article ÂŤĂŠloge du mĂŠlangeÂť, par Catherine Sabbah avec Lionel Blaisse et François Lamarre(p32) (14) Revue AMC Mars 2014, Article ÂŤMixitĂŠ programmatiqueÂť, p61-71 N.Michelin: ÂŤLe mĂŠlange des fonctions permet de mutualiser les dĂŠpenses ĂŠnergĂŠtiques.Âť (15) Architecture Interieur CREE n°366 (Mai-Juin 2014). Article ÂŤĂŠloge du mĂŠlangeÂť, par Catherine Sabbah avec Lionel Blaisse et François Lamarre, p32-45 ÂŤDans l’air du temps: le rapprochement des bureaux et des logements qui pourraient ĂŠchanger de la chaleur, les uns en dĂŠgagent via leurs ordinateurs, les autres en consomment.Âť(p35) (16) Revue AMC Hors-sĂŠrie 2011 - Logement/Housing ÂŤN.M.: La mixitĂŠ autorise le partage des moyens: l’Ênergie rĂŠcupĂŠrĂŠe dans les bureaux sert Ă chauffer les logements.Âť (17) Entretien avec F.Giboudeaux de la mairie du XXe arrondissement, 30 octobre 2014 F.G.: Il y a une vertu dans la densitĂŠ, c’est qu’on arrive Ă sortir des ĂŠquipements qui consomment moins d’Ênergie que si on avait plantĂŠ un gymnase tout seul sur une parcelle. (18) La mixitĂŠ fonctionnelle, quelle ĂŠchelle pour faire cohabiter les usages?, Adrien Mervelet (fĂŠv. 2013). Equipe enseignante: J-P Franca, S.Balez, F.Gaubin. (19) Dossier d’analyse BATEX (bâtiments exemplaires) - MixitĂŠ fonctionnelle et flexibilitĂŠ programmatique, F.Miallet (architecte), PUCA (Plan Urbanisme Construction Architecture). ÂŤL’intĂŠrĂŞt des ĂŠlus pour la mixitĂŠ fonctionnelle s’est encore avivĂŠ depuis que la lutte contre l’Êtalement urbain et la revolarisation de la densitĂŠ sont devenues pour eux des prioritĂŠsÂť(p5) (20) Architecture Interieur CREE n°366 (Mai-Juin 2014). Article ÂŤĂŠloge du mĂŠlangeÂť, par Catherine Sabbah avec Lionel Blaisse et François Lamarre, p32 [extrait de la prĂŠface du livre A country of cities, de Vishaa Chakrabarti, rĂŠdigĂŠ par Norman Foster -

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(21) Revue AMC Hors-sĂŠrie 2011 - Logement/Housing ÂŤL’intensitĂŠ urbaine est-elle la meilleure façon de faire accepter la densitĂŠ [veut croire] la mairie de Groningen. DĂŠsireuse de lutter contre l’Êtalement urbain, elle a lancĂŠ en 2004 un programme de construction de logements intitulĂŠ ÂŤVille IntenseÂť proposant une alternative Ă la maison individuelle. Pour ĂŠviter la fuite des habitants dans les pĂŠriphĂŠries, la mairie souhaite avant tout encourager le dĂŠveloppement d’opĂŠrations attractives et d’espaces publics de qualitĂŠ, conduisant Ă ĂŠdifier une ÂŤville vivanteÂť(p134) (21) Revue AMC Hors-sĂŠrie 2011 - Logement/Housing ÂŤLa mixitĂŠ du programme, qui comprend logements et bureaux, est un pas vers cette intensification de la vie urbaine.Âť(p.134) (22) Revue AMC Mars 2014, Article ÂŤMixitĂŠ programmatiqueÂť, p61-71 N.Michelin, architecte-urbaniste: ÂŤLa mixitĂŠ [programmatique] ĂŠvite la dĂŠsertification nocturne des immeubles tertiaires.Âť (23) Hybrid buildings, article de Joseph Fenton (1985) prĂŠfacĂŠ par Steven Holl (1984). TirĂŠ du recueil Pamphlet Architecture 11-20, Edition Princeton Architectural Press, New York, 2011 ÂŤThe dissipated centers of towns, drained of activity, call for revitalization. New concentrations of activities would invigorate the towns socially as well as providing the physical architecture to rebuild common spaces.ÂťS.Holl, preface. (24) This is HYBRID, a+t research group, a selection of the articles and projects published in the Hybrids series of the magazine a+t during 2008 & 2009. ÂŤThe intimacy of private life and the sociability of public life dwell within the hybrid and produce constant activity, making it a building working fulltime.Âť(4e de couverture) (25)Architecture IntĂŠrieure CREE, n°349 (dĂŠcembre-janvier 2010-2011) ÂŤL’urbanisme fonctionnaliste [...] a la peau dure. Depuis son rejet dans les annĂŠes 70, et surtout depuis l’application de la loi SolidaritĂŠ et Renouvellement Urbain, vĂ´tĂŠe en 2000, de considĂŠrables efforts ont pourtant ĂŠtĂŠ dĂŠployĂŠs par les acteurs de la ville pour faire renaĂŽtre en France la mixitĂŠ fonctionnelle ou la maintenir. Ils considèrent qu’elle peut insuffler dans la ville de l’animation et de l’activitĂŠ dès lors que les lieux sont bien desservisÂť(p40). (26) MĂŠmoire ÂŤLa question de la mixitĂŠ programmatique dans le dĂŠveloppement urbainÂť (2011-2012), StĂŠpha nie Lorefice, tuteur de mĂŠmoire: Jean-Louis Violeau ÂŤAutrefois utilisĂŠe dans les discours publics pour critiquer les grands ensembles et bien avant pour ĂŠvoquer l’insalubritĂŠ des villes, la notion de densitĂŠ renouvelle son image dans les discours actuels.[...] La densitĂŠ urbaine est positivement perçue comme faisant partie de la stratĂŠgie de la politique urbaine afin d’amĂŠliorer le cadre et la qualitĂŠ de vie.[...] La recherche de cette qualitĂŠ de vie [...] se retrouve associĂŠe au concept de dĂŠveloppement durable.Âť(p45-46)Âť (27) Entretien avec F.Giboudeaux de la mairie du XXe arrondissement, 30 octobre 2014 (28) Revue AMC Mars 2014 (Article ÂŤMixitĂŠ programmatiqueÂť, p62 ÂŤFace aux limites de la ville sectorisĂŠe, sĂŠgrĂŠgative et consommatrice d’espace de la seconde moitiĂŠ du XXe siècle, des ĂŠlus, des urbanistes et des promoteurs reviennent Ă la mixitĂŠ pour rĂŠintroduire des activitĂŠs en centre-ville et valo- riser la densitĂŠ et la polyvalence des ĂŽlots, voire des immeubles.Âť(p62) (29) (cf.citation (41) de la partie I/A/4) La ÂŤmixitĂŠ urbaineÂť: une doctrine contemporaine...?Âť (30) Logement, matière de nos villes. Chronique europĂŠenne (1900-2007), Nasrine Seraji - ÂŤAutre ĂŠvolution lente, mais progressive: l’introduction de bureaux, d’ateliers, d’Êquipements ou de commerces dans les immeubles d’habitation. Il s’agit ici de sortir de la monofonctionnalitĂŠ si chère aux annĂŠes 1960.Âť (31) Favoriser la mixitĂŠ dans l’habitat par les espaces intermĂŠdiaires, Magali Conus. ÉnoncĂŠ thĂŠorique de Master en Architecture EPFL – ")#& E '#* Â&#x; >=<> >=<? " Ç‘ K 3 " * & , Ç‘ ÂŤRetour Ă la mixitĂŠ en ville après un XXe siècle principalement monofonctionnel. Aujourd’hui, on se rend compte que ces villes ne fonctionnent pas comme on l’espĂŠrait et qu’au final les qualitĂŠs de la ville et la diversitĂŠ de lieux qu’elle regroupe manquent Ă toutes ces zones, qu’elles soient industrielles ou rĂŠsidentielles, pour crĂŠer un environnement agrĂŠable Ă vivre.(...) On s’attend Ă rĂŠgler (par la mise en pratique de la mixitĂŠ) les diffĂŠrents problèmes de zoning, sĂŠgrĂŠgation et exclusion sociale apparus par la sĂŠparation des fonctions dans la ville.Âť (32)Architecture IntĂŠrieure CREE, n°349 (dĂŠcembre-janvier 2010-2011) ÂŤL’urbanisme fonctionnaliste (ou de ÂŤzoningÂť) des annĂŠes 1950-60, qui consiste Ă ĂŠloigner l’activitĂŠ ĂŠconomique des lieux de rĂŠsidence, a la peau dure. Depuis son rejet dans les annĂŠes 70, et surtout depuis l’application de la loi SolidaritĂŠ et Renouvellement Urbain, vĂ´tĂŠe en 2000, de considĂŠrables efforts ont pourtant ĂŠtĂŠ dĂŠployĂŠs par les acteurs de la ville pour faire renaĂŽtre en France la mixitĂŠ fonctionnelle ou la maintenir.Âť(p40) (33) Architecture = Durable, 30 architectes, 30 projets en Ile-de-France, juin 2008. ÂŤ Il n’y a en effet qu’un pas entre la division du travail prĂ´nĂŠe par Taylor et la sĂŠparation des fonctions urbaines hĂŠritĂŠe de l’urbanisme du XXe siècle.Âť (34) Cf. (1) de la partie I/A/4) La ÂŤmixitĂŠ urbaineÂť: une doctrine contemporaine...?Âť (35) Cf. (28) de la partie I/A/4) La ÂŤmixitĂŠ urbaineÂť: une doctrine contemporaine...?Âť (36) Cf. (4) de la partie I/A/4) La ÂŤmixitĂŠ urbaineÂť: une doctrine contemporaine...?Âť (37) Appel Ă propositions de recherche: MixitĂŠ fonctionnelle versus zoning: de nouveaux enjeux?, 21 juin 2011, PUCA Plan Urbanisme Construction Architecture ÂŤCette dĂŠnonciation de la spĂŠcialisation fonctionnelle des espaces urbains par les politiques d’urbanisme s’est certes longtemps appuyĂŠe sur une certaine nostalgie de la ville ancienne qui ferait de la mixitĂŠ la caractĂŠristique de la ville [cf Jacques Pernelle, ÂŤLa mixitĂŠ, principe fondateur de la villeÂť, Revue Diagonal n°102, aoĂťt 1993, p22-23] en opposition Ă l’urbain ÂŤsans qualitĂŠÂť.Âť(p5)

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(38) This is HYBRID, a+t research group, a selection of the articles and projects published in the Hybrids series of the magazine a+t during 2008 & 2009. - «The mixing of uses was considered to be an anathema by the International Congress of Modern Architecture (CIAM). Up to that time, the city block in historic centres had harmoniously conjugated theatres, bars, cafes and businesses on a single square portion of land surrounded by streets. [...] All this disorderly and chaotic vitality was about to be ripped out [...] With this infected architectural intelligentsia, it was hard to fight against the virus of functional segregation that the 1933 Athens Charter propagated.»(p26) (39) Revue AMC Mars 2014, Article «Mixité programmatique», p61-71 (40) Agence Nicolas Michelin et associés, cinq sur cinq, dix projets sur mesure, architecture et urbanisme, Ed. Archibooks+ Sautereau éditeur (2008) (41) Revue AMC Hors-série 2011 - Logement/Housing (42) Hybrid buildings, article de Joseph Fenton (1985) «Hybrid buildings developed most rapidly in the twentieth century.» S.Holl, preface (43) Hybrid buildings, article de Joseph Fenton (1985) préfacé par Steven Holl (1984). Tiré du recueil Pamphlet Architecture 11-20, Edition Princeton Architectural Press, New York, 2011 «Hybrid buildings are undeniably fruits of modernity, being inherently connected to the development of the elevator, steel frame and concrete construction techniques.»S.Holl, preface (44) La Ville et ses possibles, Nicolas Michelin (Ed. du Pavillon de l’Arsenal, Ed. A&J Picard, mars 2005) « Cette attitude [des promoteurs] est regrettable car il est nécessaire d’aller vers ce type d’immeuble mixte [...] pour deux raisons: d’une part les modes de travail évoluent et nous assitons maintenant à la mutliplication de petites entitées de bureaux reliées au siège de l’entreprise via internet, qui permettent aux employés [...] de travailler juste à côté de chez eux.»Pierre Lefebvre, architecte-ingénieur (45) This is HYBRID, a+t research group, a selection of the articles and projects published in the Hybrids series of the magazine a+t during 2008 & 2009. - «[Introduction by S.Holl:] «In the 1st decades of the 21st century, China is experiencing the most radical migration from rural to urban sites in human history. 600 million people are in the process of moving into urban places. Instead of [developpers building], huge bland apartment building, new building types are needed. These new hybrid types can shape public space.»(p7-9) (46) Hybrid buildings, article de Joseph Fenton (1985). Tiré du recueil Pamphlet Architecture 11-20, Edition Princeton Architectural Press, New York, 2011 «Hybridity, as a genetic concept, can be traced back to Aristote and his sophistic conjectures upon the origin of certain animal species as the result of spontaneous cross-breeding.[...] However, it was not until the 18th and 19th centuries, that the great pioneering geneticists, Kölreuter and Mendel, conducted the first experiments on the scientific dynamics underlying the «hybridization» of life-forms, and thus establishing the biological and even mathematical foundations of this process.[...] Buildings, in a sense, have also been «crossed» like plants and animals, to produce Hybrid Architecture.» Kenneth L.Kaplan (47) This is HYBRID, a+t research group, a selection of the articles and projects published in the Hybrids series of the magazine a+t during 2008 & 2009. - «[définition:] The hybrid buildings are cosmopolitan buildings, placed in fragmented forms that does not correspond in volumes based on renmants of previous mixed typologies, where its body fits with more or less fortune»(p43) (48) Hybrid buildings, article de Joseph Fenton (1985) préfacé par Steven Holl (1984). Tiré du recueil Pamphlet Architecture 11-20, Edition Princeton Architectural Press, New York, 2011 «Concentration of many social activities within an architectural form distend and warp a pure building type.»S.Holl (49) This is HYBRID, a+t research group, a selection of the articles and projects published in the Hybrids series of the magazine a+t during 2008 & 2009. -«The hybrid building [..] turns against the combination of the usual programs and bases its whole raison d’être on the unexpected mixing of functions [...] It is an opportunist building, which makes the most out of its multiple skills [...]The Hybrid scheme proposes crossed fertilisation environments, where known genotypes are mixed and new genetic alliances are created.»(4e de couverture) (50) Hybrid buildings, article de Joseph Fenton (1985). Tiré du recueil Pamphlet Architecture 11-20, Edition Princeton Architectural Press, New York, 2011 «The architect’s individual input is evident in the specificity with which each building responds to its program and site. The combinations are limitless.» J.Frenton (51) This is HYBRID, a+t research group, a selection of the articles and projects published in the Hybrids series of the magazine a+t during 2008 & 2009. «Freedom of invention is a particular potential of hybrid buildings. Unprecedented ideas may drive the design of new building types. In certain ways, these new buildings might illuminate the unique character of the site and city they arise in. In summary, hybrid buildings today have the following potentials: [...] (7) Freedom of new concepts. [...] All these aspects characterize the positive path of hybrid types, in the creation of inspiring and active new urban spaces.»[S.Holl, 4th January 2011] (p9). S.Holl

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(52) Hybrid buildings, article de Joseph Fenton (1985). Tiré du recueil Pamphlet Architecture 11-20, Edition Princeton Architectural Press, New York, 2011 «Hybrid buildings are a triumph of the ingenuity and daring of their designers.» (53) Revue AMC Hors-série 2011 - Logement/Housing «N.Michelin: Les programmes mixtes permettent de développer de nombreuses solutions originales [...]. Ils devraient aussi produire une architecture plus intéressante, car issue de contraintes inhabituelles.» (54) Revue AMC Mars 2014, Article «Mixité programmatique», p61-71 Gilles de Montmarin, Directeur délégué de la SEMAPA, aménageur de la ZAC Paris-Rive Gauche: «La mixité programmatique naît souvent de contraintes qui incitent les maîtres d’ouvrage et les maîtres d’oeuvre à trouver des dispositifs novateurs.»

2) Un plébiscite? Apports divergents: les critiques exprimées à l’égard de cette notion par certains «concepteurs» et élus

(55) Hybrid buildings, article de Joseph Fenton (1985). Tiré du recueil Pamphlet Architecture 11-20, Edition Princeton Architectural Press, New York, 2011 (56) Revue AMC Déc. 2012 - Jan. 2013 (Article p.76) (57)Architecture Intérieure CREE, n°349 (décembre-janvier 2010-2011) «Dans les anciens quartiers d’affaires, on trouve des élus favorables à l’introduction mesurée de logements qui rendront l’atmosphère un peu plus humaine -moins de rues désertes le soir et pendant le week-end. Mais il n’est pas fondamental d’imbriquer ces programmes dans une même opération,»(p40-41) (58) Appel à propositions de recherche: Mixité fonctionnelle versus zoning: de nouveaux enjeux?, 21 juin 2011, PUCA Plan Urbanisme Construction Architecture (59) Cf. Entretien avec F.Giboudeaux de la mairie du XXe arrondissement, 30 octobre 2014 (60)«Paris Qui Ose, Mon projet pour Paris 2014-2020», Anne Hidalgo Les 7 priorités - Logement - Le logement pour tous, un droit: ma première priorité.Partie: Soutenir une architecture audacieuse. «Je veux développer des immeubles «logements/bureaux» en rendant possible la construction d’immeubles mixtes de grande hauteur (50 mètres).» (61)Architecture Intérieure CREE, n°349 (décembre-janvier 2010-2011) (p40) (62) Dossier d’analyse BATEX (bâtiments exemplaires) - Mixité fonctionnelle et flexibilité programmatique, F.Miallet (architecte), PUCA (Plan Urbanisme Construction Architecture). «La mixité fonctionnelle peut se mesurer, on l’a déjà évoqué, au degré de proximité et d’imbrication des programmes. L’îlot ou le macro-lot peut mêler les programmes en les ramifiant à l’échelle des immeubles qui le composent. Mais d’après notre enquête, plus le «grain» est fin, plus la volonté politique doit être forte pour l’obtenir.»(p14) (63) Dossier d’analyse BATEX (bâtiments exemplaires) - Mixité fonctionnelle et flexibilité programmatique, F.Miallet (architecte), PUCA (Plan Urbanisme Construction Architecture). «[La mixité fonctionnelle à l’échelle de l’immeuble] C’est aussi à cette échelle, comme on l’a déjà dit, que peuvent se poser des problèmes... sources de retard et de surcoût.»(p15) (64) Appel à propositions de recherche: Mixité fonctionnelle versus zoning: de nouveaux enjeux?, 21 juin 2011, PUCA Plan Urbanisme Construction Architecture (p6) (65) Mémoire «La question de la mixité programmatique dans le développement urbain» (2011-2012), Stéphanie Lorefice, tuteur de mémoire: Jean-Louis Violeau(p37) (66) Mémoire «La question de la mixité programmatique dans le développement urbain» (2011-2012), Stéphanie Lorefice, tuteur de mémoire: Jean-Louis Violeau» Extrait de la synthèse de la mixité fonctionnelle des quartiers en rénovation urbaine, document de l’IAU, Octobre 2009(p50) (67)Architecture Intérieure CREE, n°349 (décembre-janvier 2010-2011)(p41) (68) Appel à propositions de recherche: Mixité fonctionnelle versus zoning: de nouveaux enjeux?, 21 juin 2011, PUCA Plan Urbanisme Construction Architecture «C’est bien à l’épreuve des tensions et contradictions liées aux conceptions que l’on se fait du développement urbain aujourd’hui que la notion de mixité fonctionnelle doit être soumise. «Donner une lisibilité effective aux principes qui sont affichés au travers de cette injonction [à la mixité]... Reformuler le cadre d’évocation de la rhétorique de la mixité [urbaine et sociale]»... C’est à cet exercice d’explicitation de la notion de mixité fonctionnelle que sont invitées les équipes de recherche, avec le souci de donner la priorité à l’analyse de ce qui la justifie, clé de lecture nécessaire à la compréhension des tensions et blocages de sa mise en oeuvre.»(p7-8) (69) Dossier d’analyse BATEX (bâtiments exemplaires) - Mixité fonctionnelle et flexibilité programmatique, F.Miallet (architecte), PUCA (Plan Urbanisme Construction Architecture).(p4) (70) La ville en négociation, une approche stratégique du développement durable, Maurice Guanay/David Albrecht (économistes), Édition L’Harmattan, Villes et Entreprises, 2008 (71) Revue AMC Déc. 2012 - Jan. 2013 (72) Extrait de Architecture=durable, pavillon de l’Arsenal

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3. Le scepticisme des «réalisateurs» envers cette notion 1) Critiques contemporaines de la mixité programmatique par les promoteurs et bailleurs

(1) Architecture Interieur CREE n°366 (Mai-Juin 2014). Article «éloge du mélange», par Catherine Sabbah avec Lionel Blaisse et François Lamarre, p35 (2) Dossier d’analyse BATEX (bâtiments exemplaires) - Mixité fonctionnelle et flexibilité programmatique, F.Miallet (architecte), PUCA (Plan Urbanisme Construction Architecture). «Les meilleures façons de dépasser l’urbanisme fonctionnaliste (ou de «zoning») continuent de faire débat chez les experts qui semblent toujours y croire, alors que les acteurs de l’immobilier sont très rares à proposer aux élus de répondre à leurs projets de mixité fonctionnelle.»(p5) (3) Mémoire «La question de la mixité programmatique dans le développement urbain» (2011-2012), Stéphanie Lorefice, tuteur de mémoire: Jean-Louis Violeau Extrait du livre de Christian Topalov, Les promoteurs Immobiliers, 1974, Éd. Mouton, Paris»(p27) (4) Mémoire «La question de la mixité programmatique dans le développement urbain» (2011-2012), Stéphanie Lorefice, tuteur de mémoire: Jean-Louis Violeau (5) Revue AMC Mars 2014, Article «Mixité programmatique», p61-71 (6) Mémoire «La question de la mixité programmatique dans le développement urbain» (2011-2012), Stéphanie Lorefice, tuteur de mémoire: Jean-Louis Violeau «L’imbrication étroite de bureaux, de logements et d’équipements allonge les délais et augmente de ce fait sensiblement leur coût.[...] .Superposer des logements à des bureaux et des locaux commerciaux conduit à multiplier les gaines dont les circuits ne répondent pas au même principe de conception selon les programmes.» (7) Revue AMC Mars 2014, Article «Mixité programmatique», p61-71 «Outre leur complexité technique (par exemple, pour autonomiser les accès à chaque programme), il faut aussi résoudre les servitudes.»(p62) (8) Mémoire «La question de la mixité programmatique dans le développement urbain» (2011-2012), Stéphanie Lorefice, tuteur de mémoire: Jean-Louis Violeau «Le facteur de surcoût le plus important provient de la nécessité de renforcer la structure.»(p18-20) (9)Architecture Intérieure CREE, n°349 (décembre-janvier 2010-2011). Auteur: F.Miallet «Pour les locaux commerciaux et d’activités comme de bureaux, la clientèle privilégie les grands plateaux. Dans la partie logement, qui se situe généralement au-dessus, les promoteurs prescrivent le plus souvent des murs séparatifs en béton, notamment pour l’acoustique. La superposition des programmes impose dès lors de réaliser des planchers de transfert de charge honéreux.»(p46) (10) Revue AMC Février 2014, Article «Centre Commerciaux», p55 «Des problèmes de temporalité se posent, constate Stéphane Mansion. Entre les différentes phases de projets, d’autorisations administratives et autres, il faut compter 8 à 10 ans, des premières esquisses à l’inauguration du bâtiment. Mais pour des logements commercialisés en VEFA, le temps de la construction est de deux ans. Arriver à boucler l’équation financière et à livrer simultanément l’ensemble des programmes est loin d’être évident». (11) Revue AMC Mars 2014, Article «Mixité programmatique», p61-71 (12) Mémoire «La question de la mixité programmatique dans le développement urbain» (2011-2012), Stéphanie Lorefice, tuteur de mémoire: Jean-Louis Violeau «Dans le cas d’une vente en VEFA, la place pour l’innovation et l’expérimentation dans le logement social paraît peu présente. [...] la possibiltié d’intégrer l’innovation et l’expérimentation se pose dès le choix du contrat. La gestion des modifications qu’elles soient demandées par l’organisme au cours de la conception ou au cours de la réalisation des travaux, sont moins faciles dans le processus VEFA qu’en maîtrise d’ouvrage directe (le prix est convenu à l’avance), ce qui rend difficile l’expérimentation.»(p25) (13)Architecture Intérieure CREE, n°349 (décembre-janvier 2010-2011) « Mais la mixité, quelle qu’elle soit, allonge les délais de réalisation des projets immobiliers, pour des questions de montage financier et de commercialisation.»(p41) (14) Revue AMC Mars 2014, Article «Mixité programmatique», p61-71 «Les études de marché et les analyses juridiques nécessaires peuvent entraîner des lenteurs et surenchérir les coûts, surtout si plusieurs promoteurs sont réunis.» (p62) (15) Mémoire «La question de la mixité programmatique dans le développement urbain» (2011-2012), Stéphanie Lorefice, tuteur de mémoire: Jean-Louis Violeau «D’après Labrunye [dans l’article l’Urbanisme Tupperware, Criticat n°3, mars 2009), «l’innovation typologique et programmatique est, elle aussi, réduite à la partie congrue, essentiellement parce que la structuration des métiers d’aménageurs, de promoteur et d’investisseur se caractérise par la spécialisation de chacun des acteurs. Qui fait du bureau ne fait pas de logement, qui fait du logement libre fait encore moins du logement social». [...] D’où cette complexité dans le montage d’une opération mixte en France. Il faut faire appel à plusieurs promoteurs ou investisseurs quand il est question de mixité programmatique. Cela a des conséquences sur le coût final du projet.»(p24) (16) Revue AMC Hors-série 2011 - Logement/Housing

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«N.M: Un immeuble mixte n’est pas plus complexe qu’un hôpital, mais les promoteurs sont habitués à ne commercialiser que des programmes spécifiques.» (17) Mémoire «La question de la mixité programmatique dans le développement urbain» (2011-2012), Stéphanie Lorefice, tuteur de mémoire: Jean-Louis Violeau «Chaque «produit» est calibré pour correspondre aux critères de rentabilité: un immeuble de logements ne mesurera jamais plus de 10 à 12 mètres d’épaisseur; un immeuble de bureaux sera systématiquement conçu avec des espaces intérieurs séparables de façon à faciliter sa location à différents utilisateurs; les linéaires de façades s’inscriront dans la fourchette qui les rendra performantes et rentables (40 à 100m environ); et aucune surface commerciale ne fera 20 m2, ce qui est pourtant idéal pour un commerce de proximité.»(p25) (18) Mémoire «La question de la mixité programmatique dans le développement urbain» (2011-2012), Stéphanie Lorefice, tuteur de mémoire: Jean-Louis Violeau «Les promoteurs sont réticents vis-à-vis de ces programmes complexes qui intéressent plusieurs types d’investisseurs. il faut les rechercher, ce qui représente beaucoup de travail, et chacun doit sortir des recettes habituelles et argumenter. Le mélange des programmes rend plus difficile la commercialisation alors que les promoteurs ont l’habitude de ne pas se compliquer la vie.»(p20) (19)Architecture Intérieure CREE, n°349 (décembre-janvier 2010-2011). Auteur: F.Miallet«Freins règlementaires et recherches de polyvalence.»(p45) (20)Architecture Intérieure CREE, n°349 (décembre-janvier 2010-2011). Auteur: F.Miallet (p45) (21) Revue AMC Hors-série 2011 - Logement/Housing «N.Michelin: La plus pénalisante est la règlementation IGH, qui ne se contente pas de fixer des hauteurs limites pour le bureau et l’habitation, mais interdit de superposer l’un et l’autre ! Il est donc interdit de faire un immeuble qui comprendrait un socle de bureau jusqu’à 28m et des logements jusqu’à 50m. Pourtant, cette configuration permettrait d’avoir des logements plus agréables, disposant de plus de lumière. C’est un verrou à faire sauter en priorité.»

2) Un rejet total? Apports divergents: l’acceptation du principe de mixité programmatique par les promoteurs et bailleurs «sous certaines conditions».

(22) Architecture Interieur CREE n°366 (Mai-Juin 2014). Article «éloge du mélange», par Catherine Sabbah avec Lionel Blaisse et François Lamarre, p32-45 -«Un signal insufflé par les collectivités locales plus que par les professionnels. [...] Dans les métropoles denses, le modèle «mixte» [...] est apprécié et souvent imposé.»(p35) (23) Architecture Interieur CREE n°366 (Mai-Juin 2014). Article «éloge du mélange», par Catherine Sabbah avec Lionel Blaisse et François Lamarre, p32-45 «Le mélange des fonctions a plutôt comme réputation de compliquer la tâche aux promoteurs, qui, c’est peu dire, ne courent pas après... Mais tout doucement et sous la pression de certains aménageurs et municipalités, les choses changent.»(p35) (24) Logement, matière de nos villes. Chronique européenne (1900-2007), Nasrine Seraji (25)Architecture Intérieure CREE, n°349 (décembre-janvier 2010-2011) «Dans les grandes agglomérations, on associe volontiers aux immeubles de logement -souvent social- un équipement accessible par le RDC. Parmi les programmes les plus souvent choisis, des résidences de personnes agées de type EHPAD, ainsi que des crèches ou des écoles, ces dernières étant pourtant source de bruit pendant la journée. La formule plaît moins lorsqu’il s’agit d’activités artisanales susceptibles de gêner les résidents diurnement.»(p41) (26) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014 (27) Revue AMC Mars 2014, Article «Mixité programmatique», p61-71 Frédérique Monjanel, directeur du développement immobilier, ADIM: «Pour éviter les surcoûts et les dysfonctionnements (différences de réglementation incendie entre bureaux et logements, nuisances des livraisons commerciales, divisions en volume, servitudes de toitures nécessitant des négociations juridiques complexes), il faut bien doser ces mixités de programme» «Pour échapper aux freins économiques et culturels, chaque programme doit valoriser l’autre.» (28) Architecture Interieur CREE n°366 (Mai-Juin 2014). Article «éloge du mélange», par Catherine Sabbah avec Lionel Blaisse et François Lamarre, p39 (29) Revue AMC Mars 2014, Article «Mixité programmatique», p61-71 F.Monjanel: «La mixité programmatique répond à une logique simple: elle permet d’économiser le foncier, de renforcer la densité et donc de limiter l‘étalement urbain en développant des quartiers multipolaires.» (30) Architecture Interieur CREE n°366 (Mai-Juin 2014). Article «éloge du mélange», par Catherine Sabbah avec Lionel Blaisse et François Lamarre, p34 (31) Architecture Interieur CREE n°366 (Mai-Juin 2014). Article «éloge du mélange», par Catherine Sabbah avec Lionel Blaisse et François Lamarre, p34 R.Feredj: Pour les besoins du service, nous devons rester en ville, explique-t-il. Profiter du plan local d’urbanisme (PLU) pour monter et vendre à d’autres acteurs les mètres carrés ainsi gagnés est une manière de financer nos propres travaux». Le principe-même de la rente foncière.» (32)Architecture Intérieure CREE, n°349 (décembre-janvier 2010-2011) «Pour atteindre un équilibre financier, les projets immobiliers mixtes aujourd’hui doivent être de grande taille et bénéficier d’une bonne desserte.»(p41)

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(33) Revue AMC Mars 2014, Article «Mixité programmatique», p61-71 (34) Architecture Interieur CREE n°366 (Mai-Juin 2014). Article «éloge du mélange», par Catherine Sabbah avec Lionel Blaisse et François Lamarre, p32-45 «Évidemment ce type de montage, sans risque et très rentable, n’est possible que sur des terrains amortis.»(p35) (35) Mémoire «La question de la mixité programmatique dans le développement urbain» (2011-2012), Stéphanie Lorefice, tuteur de mémoire: Jean-Louis Violeau «L’idée est de s’appuyer sur le commerce pour conduire la mixité parce que celui-ci repose sur un marché stable. Le terme «retail» comprend beaucoup de choses, il y a du service, des commerces, loisirs, de l’équipement..» (36) Mémoire «La question de la mixité programmatique dans le développement urbain» (2011-2012), Stéphanie Lorefice, tuteur de mémoire: Jean-Louis Violeau «L’implantation de commerces où d’une quelconque autre activité est un attracteur. Ce que les promoteurs de ING Real Estate appellent «retail led mix use» ce qui veut dire «la mixité fonctionnelle tirée par le commerce». (37) Mémoire «La question de la mixité programmatique dans le développement urbain» (2011-2012), Stéphanie Lorefice, tuteur de mémoire: Jean-Louis Violeau. «Le principe est simple: ING Real Estate essaye de réaliser des projets qui ont une masse critique suffisante pour revaloriser un quartier grâce en partie à la richesse programmatique proposée.» (p11) (38) Revue AMC Mars 2014, Article «Mixité programmatique», p61-71 «Convaincu que la Défense se transformera en friche si elle n’intègre pas la mixité et des variations de standards, le promoteur Emin Iskenderov montre l’exemple en lançant dès l’été 2014 le chantier des tours mixtes Hermitage Plaza avec Norman Foster & Partners. Dans cet ensemble de 250 000m2 sur 320m de haut [...], l’espace public pénètre à l’intérieur des tours.» (39) Dossier d’analyse BATEX (bâtiments exemplaires) - Mixité fonctionnelle et flexibilité programmatique, F.Miallet (architecte), PUCA (Plan Urbanisme Construction Architecture). «La notion de «quartier vivant» tend à devenir le moteur d’implantation pour les entreprises. «Les dirigeants, à l’instar de leurs salariés, privilégient des quartiers où l’on trouve des restaurants et des services»(p8) (40) Dossier d’analyse BATEX (bâtiments exemplaires) - Mixité fonctionnelle et flexibilité programmatique, F.Miallet (architecte), PUCA (Plan Urbanisme Construction Architecture)(p8-9) (41) Mémoire «La question de la mixité programmatique dans le développement urbain» (2011-2012), Stéphanie Lorefice, tuteur de mémoire: Jean-Louis Violeau «La médiatisation est un autre outil de la mixité fonctionnelle, qui permet de faire avancer plus vite certaines opérations mixtes (en attirant les grands investisseurs, ce qui rend possible leur financement). La médiatisation est donc à la fois une stratégie de communication et une stratégie de marketing en vue d’une commercialisaiton du projet.»(p21)

4. Modes de résolution: la recherche d’un urbanisme négocié? 1) Apologie du consensus: la valorisation contemporaine de la négociation et du dialogue

(1) Revue AMC Hors-série 2011 - Logement/Housing (2) Entre confort, désir & normes: le logement contemporain(1995-2012), M.Eleb, P.Simon, Ed. Mardaga (2012) - «La mixité des fonctions, pour en finir avec un zoning mal compris, est plus difficile à mettre en oeuvre. Chaque intervenant (...) a en effet une culture de la construction spécifique et doit obéir à des normes particulières, ce qui rend difficile les montages» (3) Revue AMC Mars 2014, Article «Mixité programmatique», p61-71 Frédérique Monjanel, directeur du développement immobilier, ADIM: « Dès le début des années 2000, nous avons développé au sein d’ING Real Estate des projets mixtes et denses en coeur de ville, près des gares et des transports en commun. Notre conviction était que pour fabriquer des espaces publics et des lieux de rencontre, la ville se fait à plusieurs.» (4) Made in Tokyo, Momoyo Kaijima, Junzo Kuroda, Yoshiharu Tsukamoto (2008) «There are countless instances of the environment in fact being aggravated by being fed with uncoordinated ideas from differing fields, let alone monetary wastage.[...] If the categories can be cross-bred, the tools for organising a coordinated environment can suddently increase manifold.»(p22) (5) Mémoire «La question de la mixité programmatique dans le développement urbain» (2011-2012), Stéphanie Lorefice, tuteur de mémoire: Jean-Louis Violeau. Extrait de l’article de Soline Nivet, l’architecture fait vendre ! D’A Magazine n°167, p62-63, Oct.2007 (p29) (6) Mémoire «La question de la mixité programmatique dans le développement urbain» (2011-2012), Stéphanie Lorefice, tuteur de mémoire: Jean-Louis Violeau. (7)Architecture Intérieure CREE, n°349 (décembre-janvier 2010-2011) Pour mener à bien des projets immobiliers mariant commerces, bureaux et logements, ce qui pourrait sembler l’opération multi-programmes la plus élémentaire, il faut toute la volonté des acteurs qu’ils mobilisent.»(p41-42)

2) Développer de nouveaux outils règlementaires incitatifs?

(8) Où va la ville aujourd’hui, J.Lucan, Edition de La Villette (2012) «La ZAC est la procédure la plus habituelle, mais avec un poids des maîtres d’ouvrage privés devenu prépondérant.» (p89)

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(9) Où va la ville aujourd’hui, J.Lucan, Edition de La Villette (2012)(p87) (10) Revue AMC Hors-série 2011 - Logement/Housing «N.Michelin: Les procédures d’urbanisme négocié, telles que nous les avons mises en oeuvre sur le secteur des Bassins à flots, à Bordeaux, sont très favorables à la mixité. Elles permettent de négocier en amont avec le promoteur, d’intervenir sur le règlement, de rééquilibrer les programmes.» (11)Architecture Intérieure CREE, n°349 (décembre-janvier 2010-2011) «Pour les élus bâtisseurs, qui entendent combattre l’uniformité du tissu urbain par la diversité, l’immeuble mixte en soi reste un enjeu intéressant. Dans ce cas, pourquoi ne pas créer un dispositif réglementaire très simple, favorisant l’imbrication de programmes dans un même édifice? De façon plus générale, François Ascher l’envisageait déjà en 2006 à l’échelle du quartier: «Des réglementations urbaines incitatives, en particulier des coefficients des sols alternatifs, c’est-à-dire différents selon les fonctions, peuvent favoriser la mixité fonctionnelle» (Métapolis ou l’Avenir des villes, Éditions Odile Jacob).» (p41)

B/ L’espace intermédiaire 1. Conditions d’émergence de la notion considérée 1) Premier emploi de la notion d’espace intermédiaire (a) Années 70: nommer l’espace intermédiaire pour conjurer sa disparition?

(1) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley (p.5) (2) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «C’est au moment où de tels espaces sont le plus absents du cadre bâti que les termes pour les designer se voient fortement multipliés et utilisés [autour de 1970]. Avoir voulu nommer ce genre d’espace visait sans doute, implicitement, à en conjurer la disparition mise en lumière par le procès des grands ensembles et de leur vide urbain imputé à l’application de la Chartes d’Athènes.»(p8) (3) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley (p9) (4) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley (p162) (5) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley (p157)

(b) Un terme floue, issue d’un rapprochement entre les sciences sociales et l’architecture

(6) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley(p7) (7) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley(p167) (8) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley (p159) (9) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «L’apologie et l’intérêt scientifique récents pour ce qu’on appelle aujourd’hui les «espaces intermédiaires» se comprendraient dans le procès des conséquences urbanistiques des trente glorieuses, partagé tant par l’enseignement nouveau de l’architecture que par la sociologie de l’habitat, alors en rapprochement.»(p11-12) (10) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley(p166) (11) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley(p163) (12) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley(p158) (13) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley(p127) (14) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «Il s’agit pour lui, grâce à un recul suffisant, d’avoir la possibilité de multiplier et croiser les regards [philosophie, sociologie, anthropologie, histoire...].».» (p136-137) (15) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «La multiplicité des références invoquées par les architectes, autour de cette notion en a enrichi leur compréhension tout en la dispersant. C’est surtout l’impossible coïncidence de l’espace architecturé et de l’espace pratiqué, envisagée qui plus est dans un espace mal cerné (dans son statut ni privé, ni public, dans ses pratiques microsociales de voisinage), qui a prédisposé à opter plutôt pour un terme générique flou: «espace intermédiaire».»(p162) (16) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «Avant le futur mot-valise d’«espace intermédiaire», d’autres formulations permettent de ne pas désigner précisément le statut, collectif et/ou public, d’un tel espace [avec notamment la notion vague de «mise en commun»].»(p102)

2) L’espace fédérateur

(17) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «[La mythologie de l’espace fédérateur] a été surtout nourrie par l’utopie sociétaire, modèle rejeté et rémanent seulement auprès des concepteurs à l’idéologie portée à affirmer une spatialité communautaire»(p48)

(a) Le déplacement progressif des espaces fédérateurs en France au tournant du XIXe siècle

(18) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «Le déclin des usages de la cour est à mettre également au compte de la distribution individuelle d’»eau et gaz à tous les étages»» (p26-27)

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(19) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «Rappelons à ce propos que le début du siècle est marqué en France, avec le développement du syndicalisme et du socialisme, par des conflits sociaux et des grèves en décalage avec l’idée de promouvoir une sociabilité paisible dans l’habitat collectif.» (p48) (20) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «[Importance paradoxale prise par la cour au tournant du siècle] Cet espace potentiellement collectif s’est vu vidé non seulement de ses risques d’insalubrité, mais aussi de ses pratiques sociales. Ne résultant plus alors pour l’essentiel que d’un calcul drastique de surface minimale et de l’alignement, tendant même à être supprimée par son ouverture vers la rue, la cour devient moins primordiale. La réflexion qu’elle suscitait se déplace vers la question des «espaces libres» posée à l’échelle de la ville.»(p46) (21) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «Les équipements collectifs, onéreux et moins rentables que les boutiques, finalement préférées, ne seront pas développés dans les HBM [...] Ramenée à un vide sanitaire privé volontairement de pratiques, la question de la cour centrale en tant qu’espace résidentiel est, si j’ose dire, évacuée dans tous les sens du terme. Évacuée, mais aussi déplacée, en l’occurence vers la rue» (p34) (22) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley(p24) (23) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «L’apprentissage de la société bourgeoise par le biais de l’habitat s’est traduit, sans que cela soit paradoxal, par l’empêchement des relations sociales dans ses parties communes intérieures et extérieures.» (p58) (24) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley 4. DE LA COUR À LA RUE: DÉPLACEMENT DE LA QUESTION «[Espace libre pour l’immeuble, ou la ville? Débat du début du XXe siècle]. Le Musée social [...] se prononce d’ailleurs contre le «boulevard à redans» de Hénard et opte pour des espaces libres publics.»(p40) (25) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «Le rapprochement de la sociologie avec la politique de l’habitat, toutes deux naissantes, s’opère plus particulièrement dans le cadre du Musée social [crée en 1894. Mission générale:] l’étude des questions sociales dans une perspective d’intervention réformatrice, avec pour orientation majeure la moralisation. Le terme de «musée indiquait d’ailleurs que celui-ci se voulait le conservatoire des valeurs à perpétuer. Moraliser la vie sociale impliquait deux volets d’action -assainir, puis éduquer- avec l’habitat comme l’un des vecteurs de cette moralisation.»(p57)

(b) Le «superblock» américain et l’émergence de la notion d’Unité de voisinage

(26) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley (p70-71) (27) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley - «L’idée de favoriser les pratiques de voisinage par un parc préservé des rues par l’enceinte protectrice de l’habitat formant un bloc périmétrique n’est pas nouvelle. [Cas d’une opération emblématique à New York, en 1890: Riverside Buildings.] La ville cherchera ensuite à systématiser le block et à l’agrandir, avec une longueur de 100 pieds et environ la moitié en largeur, en envisageant en 1901 de garder la propriété et l’entretien de l’espace vert central, de façon à attirer la promotion privée.»(p67) (28) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «En France, le développement de l’urbanisme, en tant que théorie et pratique, mais également celui de la sociologie urbaine connaissent, dès l’entredeux guerres, mais plus encore à partir de la Reconstruction, une influence américaine, que l’on peut attribuer à l’École de Chicago [laquelle avance] ses notions de «voisinage» (neighborhood), en particulier celle d’«unité de voisinage» (neighborhood unit), adoptée conjointement par les universitaires et les urbanistes.»(p62) (29) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «[Ecole de Chicago] Leurs travaux ont contribué, face à la disparition des communautés propres à la société rurale, à soulever la question de l’existence éventuelle, en ville, de nouvelles formes de communauté»(p.10) (30) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley [Définition de Kellog, en 1909] «Le voisinage est un groupe intermédiaire entre la famille et la ville, dans ces organisations communautaires où les gens vivent par opposition aux organisations à finalité spécifique dans lesquelles ils travaillent.»(p62-63) (31) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley - [Park, en 1915, décrit] la façon dont les communautés et les groupes se distribuent dans l’espace de la ville, selon leurs appartenances sociales et culturelles. Il met en évidence des processus de regroupement, de filtrage et de ségrégation. [La notion d’«unité de voisinage] servirait de cadre aux différentes formes d’enracinement constatées [avec la grande importance du «quartier»].»(p66) (32) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley - «[Maurice Barret et la ville de Radburn] Une nouvelle trame apparaît baptisée par ses auteurs le super-block. C’est l’amorce de l’unité residentielle. La vie domestique s’inscrit dans une unité délivrée du bruit et des dangers de la rue avec, comme élément fédérateur, l’école, les terrains de jeux, la piscine, les espaces verts.» (p66) (33) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley Les États-Unis, dans le contexte de production développée d’automobiles des années 20, définissent «leur unité de voisinage comme a motor-safe unit» (p73)

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(34) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «[Idée de correspondance «entre les idées d’unité sociale résidentielle et celle de copropriété».] Avec l’instauration de celle-ci aux États-Unis, appliquée en particulier aux «appartements-jardin» encadrant un parc commun, le lien entre ce nouveau statut juridique et la promotion de l’unité de voisinage devient effectif, comme on le perçoit même en Europe.»(p72)

(c) L’apport des Modernes: l’espace fédérateur introverti au coeur des «condensateurs sociaux»

(35) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley [Projet initial d’immeuble-villas de LC destiné à ce nouveau statut de copropriété](p72) (36) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «Lors du Salon d’Automne de Paris en 1922, Le Corbusier expose un projet d’«immeubles-villas»[...] [Premier projet d’une lignée qui aboutira à l’»Unité d’habitation»] Le Corbusier présente son projet comme un «système de groupement de cellules [...] en vue de constituer une communauté»[...] idée implicite de communauté de copropriétaires, groupée autour d’un espace vert et pourvue de services communs»(p77-78) (37) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «Dans l’évolution de ce projet initial jusqu’aux «Unités d’habitation», on notera la montée en puissance des équipements collectifs: «la cellule humaine doit donc être prolongée par les services[...] C’est par l’organisation des services communs que s’expliquent les raisons d’être des cités-jardins verticales», conclut Le Corbusier en 1946. [conception des services comme «services hôteliers»: dans le socle, une «usine alimentaire» pour le ravitaillement, ainsi qu’un «hall hôtelier»; et sur le toit, un solarium, une piscine et un gymnase].»(p81-82) (38) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «[Le Corbusier] témoigne d’une vision autarcique de la communauté des habitants avec des «rues» et des équipements incorporés à l’immeuble, comme s’il avait laissé de côté son projet d’alternative à la cité-jardin pour ne plus se référer qu’au modèle hotelier du paquebot.»(p83) (39) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «[Extrait de l’ouvrage de Chombart Famille et habitation, parue en 1959; propos de Wogensky, ancien collaborateur de Le Corbusier:] «Il faut rajouter les besoins collectifs extérieurs au logis qui représentent de véritables besoins, ce que Le Corbusier a appelé si joliment les «prolongements du logis».»(p142) (40) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «De fait, les copropriétés proposées par la mouvance moderne vont souvent de pair avec une offre de services hôteliers.» (p82)

(d) L’exigence post-moderne d’une «architecture urbaine»: le déplacement, à nouveau, de l’espace fédérateur vers la rue

(41) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley (p141) (42) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «L’impossible question de l’espace véritablement collectif proposé à la résidence se voit déplacée, par le Team X cette fois, à nouveau vers la rue.» (p116117) (43) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley - «Ainsi, les relations sociales seraient pour [Van Eyck et les Smithsons] facilitées par la rue, qu’ils incorporent en façade d’immeuble dès le projet du concours Golden Lane Housing (1951-52), sous le terme de streets-in-the-air.» (p118) (44) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «[Émergence également] de l’exigence d’une «architecture urbaine» à même de contribuer à «l’architecture de la ville» [en référence à l’ouvrage d’Aldo Rossi, «alors considéré comme une référence majeure»].(p9) (45) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley (p172) (46) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «[Les base communes du Team X] tiennent à la volonté de saisir l’«habitat» globalement, comme un «environnement» physique et social, c’est-à-dire comme un «établissement humain».(p113) (47) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «George Candilis [...] revendique [au cours du CIAM d’Aix en 1953] la prise en compte de l’ «aspect ethnologique», comme il nomme les modèles sociaux et culturels des habitants [des immeubles Nid d’Abeilles réalisés l’année précédentes aux Carrières centrales, à Casablanca]»(p125)

(e) Faire renaître des situations communautaires par l’espace fédérateur?

(48) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley (p22) (49) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley (p60) (50) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «[Camillo Sitte] admet que la société industrielle «a perdu l’habitude de l’animation de la foule sur les places et dans les rues».» (p95) (51) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «[Préconisation d’Auzelle pour son 1er projet en 1939, afin de favoriser les relations de voisinages:] Il faut pre- mièrement rechercher la création d’un milieu équilibré, possédant les avantages du milieu rural et du milieu urbain, mais en évitant la trop grande dilution sociale et l’isolement campagnard, sans tomber dans l’entassement et la pro- miscuité des agglomérations géantes.» (p104))

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() Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «Des communautés fondées sur le partage des mêmes valeurs ou idéologies peuvent avoir un habitat polarisé sur un espace collectif et/ou des équipements communs [ex. des béguinages, phalanstères...], à la fois condensateur et célébrateur de rapports microsociaux forts au sein de l’unité de résidence. Dans ces conditions, la cour et le coeur d’ilot ont été et restent encore souvent envisagés comme des dispositifs spatiaux présumés avoir ces vertus, alors même que leurs habitants ne sont réunis par aucun lien véritable, autre que celui d’un même niveau de «solvabilité» selon le critère des gestionnaires actuels.» (p13-14) (53) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley - «La notion d’unité de voisinage a eu un impact notable en France, de la Libération jusqu’à la fin des années 1960 essentiellement, dans la mesure où elle pouvait sembler correspondre aux attentes humanistes de l’après-guerre et être aussi perçue comme un exemple convaincant de produit conceptuel de la pluridisciplinarité alors promue.»(p161) (54) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «[...Utopies et expériences issues de mai-68] Perspective d’une «nouvelle société» face à la «société bloquée». Elles ont incité à remettre en cause des barrières, à repenser l’ouverture à l’autre, à valoriser la convivialité et à tenter différentes formes de communauté dans lesquelles était aussi sous-jacente l’idée d’espace fédérateur.»(p.8) (55) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley -«Avec la loi du 10 juillet 1965, la définition de la copropriété englobe désormais toute l’opération sur sa parcelle, ce qui signifie qu’elle est étendue aux espaces extérieurs des immeubles. Chaque copropriétaire possède donc, outre la partie privative de son appartement, des tantièmes virtuels de toutes les parties communes intérieures et extérieures.»(p106-107) (56) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «Au tournant des années 1970, on a donc assisté à une confirmation du déclin de l’idée de voisinage assimilable à une communauté qu’on pourrait associer à une unité de résidence ou de quartier. Le rapprochement des sciences humaines et de l’architecture, à l’occasion de la réforme de son enseignement, a contribué à démystifier cette hypothèse naïve. Les enquêtes sociologiques ont plutôt montré que les parties communes d’immeuble et leurs abords extérieurs immédiats pouvaient se réveler des lieux de territorialisation en conflit.»(p170) (57) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «D’autres analysent les espaces collectifs comme des «espaces partagés» par différents groupes sociaux qui y coexistent en s’appropriant chacun leur territoires et «expriment par le conflit ou l’évitement la distance sociale que leur rapprochement spatial ne saurait, à lui seul, réduire.»[Michel Pinçon, en 1982]»[...] On reconnait l’allusion au fameux article de Chamboredon et Lemaire [Proximité spatiale et distance sociale, 1970], cité par la plupart des sociologues rappelant aux architectes qu’ils ne sauraient escompter un effet direct de rapprochement social par des formes parées de ces vertues supposées. Ce texte, qui a largement contribué à démystifier sur ce plan, auprès des concepteurs, les rues intérieures, placettes, forum ou agora, a pu d’ailleurs favoriser par contrecoup le recours à une définition telle qu’«espace intermédiaire», dont le flou permettait de recouvrir à la fois la dimension architecturale et la dimension sociale, sans les préciser ni aborder la question de leur lien.»(p159-160) (58) Mémoire «La question de la mixité programmatique dans le développement urbain» (2011-2012), Stéphanie Lorefice, tuteur de mémoire: Jean-Louis Violeau «Extrait de La Ville à trois vitesses, p131: «P.Genestier: «La sociabilité ne se décrète pas, «La promixité spatiale ne réduit pas la distance sociale» (la proximité forcée peut même accentuer les clivage, quand elle est ressentie comme une insupportable promiscuité).» (p37) (59) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley (p110)

3) L’espace de transition (a) Emergence de considération d’un «espace-tampon» entre la rue et l’habitation

(60) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «[Importance prise par l’automobile, entrevue par Magne] L’élargissement des trottoirs, complétant les cours sur rue, traduit l’une des premières réfléxions sur la nécessité d’un espace-tampon entre l’habitation et la voie publique source de nuisance.»(p40) (61) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «La dévalorisation de la rue, devenue voie de circulation et source de nuisances, [a] remis en question la relation de l’immeuble à la ville.»(p15) (62) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «[Une disposition de cour radicale ayant les faveurs de Bonnier & Hénard] Passer sur l’avant de l’immeuble sa cour habituellement arrière, pour n’y laisser que la courette, solution particulièrement intéressante pour les parcelles très peu profondes.» (p37) (63) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «[Auzelle propose en 1939] un «îlot» à composition ouverte» combinant les deux principes. Il parvient ainsi à une configuration de plan masse qui comporte à la fois les deux sortes d’espaces intermédiaires déjà avancées: d’une part, une bande de terrain entre la voie publique et la façade de chacun des immeubles [...] d’autres part, un espace collectif central.»(p103)

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(64) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «L’idée d’«îlot ouvert» telle que promue à la fin des années 1940 [théorisée par Auzelle] a eu peu de suites. En locatif HLM, elle sera bien évidemment supplantée, à partir des conditions données par le plan Courant de 1953, par le mode de production des grands ensembles, peu propice aux formes sortant de l’idée de rationalisation industrielle.»(p109)

(b) Les réalisations modernistes, et l’appauvrissement de la relation public-privé au coeur de l’habitat

(65) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «[Pourtant] ses projets d’immeubles évoluent vers l’abstraction fonctionnaliste, avec perte de l’articulation des échelles et des espaces formant parcours jusqu’au logement. La Charte d’Athènes, rédigée en 1933, affirme la séparation des fonctions urbaines, «habiter, travailler, se récréer[...], circuler»[...] «Les maisons n’obstruent pas le sol. Elles sont sur pilotis. Le sol est libre entièrement.» [Cela] traduit surtout une coupure réelle et symbolique entre l’objet-bâtiment industrialisé et le contexte foncier, dont la dimension parcellaire et la distinction public/privé sont totalement évacuées au nom de slogans abstraits tels «espace libre», «air, soleil, lumière» et «Nature».»(p80) (66) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «La pensée fonctionnaliste sous-jacente à la spécialisation et à la séparation de zones, nous intéresse ici dans la mesure où elle a contribué à voir négliger, sinon évacuer, toute réflexion sur les chevauchements, interpénétrations ou articulations, relations consubstantielles aux notions d’espace intermédiaire.»(p75) (67) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «[Antoinette Prieur voudrait confondre] les deux types d’espaces intermédiaires qui s’affirment historiquement [ -fédérateur et de transition-] en moderniste qu’elle est, dans un seul et même «espace libre»»(p107) (68) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «[Prieur:]«Brisant avec des dispositions architecturales commandées par d’anciens tracés de villes depuis longtemps impropres à contenir la population actuelle [...] on arrive à la conception de l’unité de résidence où les formes implantées dans des parcs, munies de services autonomes intérieurs (ravitaillement et entretien), et de prolongements extérieurs («écoles des premiers degrés, jardins d’enfants, instituts culturels), nous semblent être la réalité vers laquelle doit tendre toute construction d’habitation dans les villes d’aujourd’hui.»(p108)

(c) Rejet des Modernes et théorisation de l’espace de transition: l’apport fondamental du Team X

(69) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «[Les CIAM] reprennent en 1947 avec le VIe, jusqu’au Xe congrès, officialisant en 1956 la sécession d’un groupe baptisé Team Ten, puis au dernier, trois ans plus tard, proclamant leur dissolution définitive.»(p111) (70) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «Une nouvelle génération d’architectes se déclare en rupture avec les principes du fonctionnalisme urbanistique issus de la Charte d’Athènes de 1933 dès le CIAM 6 (Bridgewate, 1947). Avec le rejet des quatre fonctions (habiter, travailler, se détendre, circuler) au profit de la recherche des échelles sociales et spatiales constituant la ville à partir de l’habitation, elle rejoint implicitement Bardet, nourrie [par] l’intérêt des sciences sociales.» (p112) (71) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley (p112-113) (72) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «Les Smithson proposent [...] d’appréhender les trois échelles successives à partir de notions impliquant, non pas tant leur caractérisation respective que leur passage de l’une à l’autre: doorstep, stem et web sont ces trois notions voulant signifier la dynamique des relations que doivent engendrer l’habitation, la rue et le quartier. Doorstep, c’est-à-dire le pas-de-porte ou le seuil, invite à penser l’habitation dans ses relations intérieur/extérieur, privé/public et individuel/collectif, en s’attachant [...] à leur dispositif principal: l’entrée.»(p114) (73) Favoriser la mixité dans l’habitat par les espaces intermédiaires, Magali Conus »Le seuil est un espace qui lie deux espaces différents» H.Hertzberger. (74) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «[Candilis, dans un article de 1959] La vie familiale est intégrée dans le milieu social et «collectif» [...] C’est le seuil de son logis qui sépare ou unit ces deux conceptions: le logis (liberté familiale)+milieu social (organisation collective). C’est la plus grande réalité du seuil. [...] L’homme d’aujoud’hui occupe de plus en plus de surface: pour vivre, pour circuler, pour se distraire, pour s’instruire». (p129) (75) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley (p120) (76) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley (p139) (77) «De l’ambiguïté en architecture», Robert Venturi, Ed. Dunod de 2012 (paru en 1972) p84) (78) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «Différents travaux de sciences humaines sensibilisent en effet des architectes à l’espace qui se développe à partir du corps: l’«espace péricorporel» et la «distance critique» que suggère la «proxémique» d’Edward Hall, l’Expérience émotionnelle de l’espace (Pierre Jaufmann) ou l’Image du corps (Paul Schilder) viennent, notamment, après La Phénoménologie de la perception de Maurice Merleau-Ponty, renforcer l’idée d’un espace labile et complexe se construisant à partir de l’individu.»(p140)

(d) L’urbanité, où le retour à l’alignement sur rue

(78) La Charte d’Athènes, Le Corbusier, Ed.Points (1957; 1e édition en 1941)(p51)

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(79) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «À partir de 1973, année du premier choc pétrolier, la nouvelle conjoncture se traduit, en ce qui concerne notre question des espaces intermédiaires, par sa réduction et par une sorte de retournement, la ville primant désormais sur le logement.»(p171) (80) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «Le développement de plus petites réalisations insérées en tissu urbain, dont les qualités patrimoniales et morphologiques sont à nouveau reconnues, va occasionner auprès des architectes une évolution de la question des espaces intermédiaires ou transitionnels, reprise sous l’angle des formes héritées de la ville traditionnelle.»(p171) (81) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «La critique architecturale et urbanistique de la Charte d’Athènes [après celle de Bardet et du Team X] connaît alors de nouvelles références et reformulations théoriques redécouvrant les vertus d’une «architecture urbaine», c’est-à-dire pensée comme partie intégrante de l’«architecture de la ville»[comme l’énonce alors Aldo Rossi] (82) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley(p171) (83) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «L’«architecture urbaine» [...] va de pair, pour beaucoup, avec le retour à l’alignement et, plus encore, à la rue. Alignés directement sur celle-ci, les immeubles ne peuvent voir interposer un espace entre eux et elle.»(p172) (84) La ville en négociation, une approche stratégique du développement durable, Maurice Guanay/David Albrecht (économistes), Édition L’Harmattan, Villes et Entreprises, 2008 « Les multiples tendances récentes de la pensée urbanistique. L’imitation de la ville traditionnelle est une tendance lourde, dont le principe est schématiquement d’aménager la ville en incorporant des caractéristiques attribuées à la ville pré-contemporaine (celle d’avant la seconde, voire la première guerre mondiale). Il s’agit alors de créer ou recréer des rues et îlots avec un front bâti linéaire, et du commerce en RDC, pour retrouver l’ «urbanité perdue».»(p184)

(e) La privatisation progressive de l’espace de transition

(85) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley(p151) (86) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «[Les Smithsons] ont aussi envisagé la notion de doorstep uniquement depuis l’intérieur du logement [...] «chacun a besoin d’un peu d’espace couvert devant sa porte, comme une extension de son habitation.» Ils rejoignent cette tendance à privilégier les besoins en surface privative, problème quantitatif crucial à la fin des années 1950, alors que le baby-boom de l’après-guerre est au plus haut.» (p119) (87) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «c’est surtout le jardin qui a représenté la qualité essentielle à transposer de la maison au collectif. L’«habitat intermédiaire» nous était apparu sous ce jour, en survalorisant les grandes terrasses.»(p168) (88) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «émergence du thème de l’espace de la façade [...] L’impact [de ce dernier] à partir du milieu des années 1960 est l’un des indices d’une exigence croissante de dispositifs de transition entre le logement et l’espace extérieur, de moins en moins rapporté à une idée de communauté.»(p132) (89) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «Dans sa typologie, l’habitat en terrasses n’a a priori rien à voir avec les espaces intermédiaires -il en représenterait plutôt une négation, de pas son absence de rapport des logements à l’espace public-» (p149). (90) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «La «résidentialisation» [terme apparu en France vers 1995. L’objectif est de] donner des statuts juridiquement clairs, public ou privé donc, aux espaces extérieurs, en intégrant désormais leur maîtrise foncière et en procédant à des découpages parcellaires qui réorganisent la domanialité.»(p175-176) (91) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «Alors que, après les deux guerres mondiales, le contexte avait porté à valoriser la solidarité et le lien social, les trente glorieuses consacrent la montée de la satisfaction des exigences individuelles. Corrélativement, le rapport à l’espace collectif change, en voyant s’accroître l’exigence de privatisation et de contrôle du rapport à l’Autre.»(p155) (92) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «Notion de résidentialisation[...] Un découpage parcellaire clarifiant les statuts privés et publics des espaces extérieurs [...] Privatisation de l’espace public [laquelle] renvoie à une idée de mise en retrait, avec protection par un espace-tampon, et de partition nette entre le public et le privé, dans un souci aussi gestionnaire que sécuritaire.»(p.5) (93) La ville en négociation, une approche stratégique du développement durable, Maurice Guanay/David Albrecht (économistes), Édition L’Harmattan, Villes et Entreprises, 2008 « [Partie] Les multiples tendances récentes de la pensée urbanistique. La sécurisation de l’espace et ses avatars.(p183-184) (94) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «Les limites se dissolvent et les démarcations s’effacent, exceptées celles, brutales, omnipotentes et omniprésentes que sont aujourd’hui les frontières armées de digicodes».[J.Lucan, article «Les trois reconquêtes de Paris» dans l’ouvrage de B.Fortier Métamorphoses parisiennes, 1996]»(p178)

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2. Regard contemporain portĂŠ sur la notion et discours divergents 1) La valorisation sans ĂŠquivoque des ÂŤconcepteursÂť (a) Encensement de ÂŤrĂŠalisations de rĂŠfĂŠrenceÂť, vernaculaires et internationales

(1) Favoriser la mixitĂŠ dans l’habitat par les espaces intermĂŠdiaires, Magali Conus t W W Ç‘ # Ç‘ "-.+ E ")#& E '#* Â&#x; >=<> >=<? " Ç‘ K 3 " * & , Ç‘ ÂŤCe 1er passage d’entrĂŠe faisait dĂŠjĂ office de frontière entre l’espace public de la rue et un autre monde plus intime. (...) cette cour [d’immeuble haussmannien]ĂŠtait devenu un lieu d’intimitĂŠ et en mĂŞme temps de sociabilitĂŠ.Âť (2) UrbanitĂŠ, sociabilitĂŠ et intimitĂŠ. Des logements d’aujourd’hui. M.Eleb, A-M Châtelet. Les ĂŠditions de l’Epure, collection ÂŤRecherche d’architectureÂť. Avec le concours du Plan Construction (1997) (3) La Ville et ses possibles, Nicolas Michelin (Ed. du Pavillon de l’Arsenal, Ed. A&J Picard, mars 2005) ÂŤLes quartiers qui disparaissent [Ă Shanghai] reprĂŠsentent Ă nos yeux des modèles passionnants de vie sociale ÂŤĂ l’horizontaleÂť, avec d’abord des espaces communs partagĂŠs Ă l’Êchelle de l’ïlot, puis des cours Ă l’Êchelle de plusieurs familles, enfin des espaces très privatifs. Autant de configurations que nous avons du mal Ă mettre en oeuvre dans nos quartiers oĂš, lĂ aussi, nous avons tendance Ă commencer par dĂŠmolirÂťN.M (4) La Ville et ses possibles, Nicolas Michelin (Ed. du Pavillon de l’Arsenal, Ed. A&J Picard, mars 2005) ÂŤDans les coeurs d’Îlots [parisiens], Ă l’image de certaines rĂŠhabilitations effectuĂŠes Ă Copenhague ou Ă Aalborg, il est possible de rendre commune des cours privĂŠes et de les vĂŠgĂŠtaliserÂťN.M.

(b) Un diagnostic favorable à la rÊsurgence d’espaces intermÊdiaire dans la production contemporaine d’ensembles rÊsidentiels

(5) Favoriser la mixitĂŠ dans l’habitat par les espaces intermĂŠdiaires, Magali Conus t W W Ç‘ # Ç‘ "-.+ E ")#& E '#* Â&#x; >=<> >=<? Equipe enseignante: B.Marchand, E.Rey, C.Joud. ÂŤAprès le grand retour de l’individualisme, il apparait une volontĂŠ de retrouver un peu de vie en communautĂŠ dans les habitations (...) Pour sĂŠparer ÂŤintimitĂŠÂť et ÂŤvie communautaireÂť, il faut insĂŠrer entre eux des ĂŠlĂŠments physiques entièrement nouveaux [les espaces intermĂŠdiaires]. C’est parce que ces nouveaux ĂŠlĂŠments de sĂŠparation deviendront des unitĂŠs vitales et indĂŠpendantes et non plus subordonnĂŠes, qu’un nouvel ordre urbain pourra s’Êlaborer Ă partir de la hierarchie des domaines.Âť S.Ch. (6) La Ville et ses possibles, Nicolas Michelin (Ed. du Pavillon de l’Arsenal, Ed. A&J Picard, mars 2005) - ÂŤ52% des logements parisiens sont occupĂŠs par une personne seule [...] Dans le mĂŞme temps, nous constatons un engouement pour les pique-niques de quartier, les apĂŠritifs ou brunchs entre voisins [...]. Ce sont autant d’ÊlĂŠments symptomatiques d’une volontĂŠ de crĂŠer ou de stimuler des formes de sociabilitĂŠ Ă l’Êchelle du quartier, de la rue, de l’ilĂ´t ou de l’immeuble.Âť N.M (7) La Ville et ses possibles, Nicolas Michelin (Ed. du Pavillon de l’Arsenal, Ed. A&J Picard, mars 2005) - ÂŤĂ€ Paris, les cours, passages et autres volumes libres en RDC offrent des possibilitĂŠs fort intĂŠressantes aux architectes qui souhaitent entreprendre une rĂŠflexion autour de la question de la limite entre privĂŠ et public. Du cĂ´tĂŠ des habitants, le dĂŠsir d’Êchange existe - les expĂŠriences de jardins partagĂŠs en tĂŠmoignent. Il reste alors Ă travailler sur les aspects juridiques et rĂŠglementaires qu’implique cette idĂŠe d’espaces privĂŠ communautaireÂť.ÂťN.M (8) Collectif, nouvelles formes d’habitat collectif en Europe, Collection Arc en RĂŞve centre d’architecture Bordeaux ÂŤTandis que les ethnologues et les sociologues, attentifs Ă ce qui se passe dans ces entre-deux, qui sont Ă la fois lieux de passage et thÊâtre oĂš se confrontent les diffĂŠrentes cultures de l’habiter, analysent de leur cĂ´tĂŠ ces terrains de frottements et de nĂŠgociations quotidiennes oĂš se jouent les rapports Ă soi et aux autres. Si la logique des ÂŤproduitsÂť proposĂŠs par le marchĂŠ du logement rĂŠpondait en son temps Ă la demande, on constate aujourd’hui un dĂŠcalage entre l’offre et des modes de vie qui ont ĂŠvoluĂŠ, avec un regain d’intĂŠrĂŞt pour une vie Ă partager en centre urbain.[...]Il est du rĂ´le de la maĂŽtrise d’ouvrage publique comme privĂŠe de s’emparer de cette ĂŠvolution et de rompre avec des programmes et des budgets qui dĂŠlaissent les espaces communs.Âť La France, un ĂŠtat des lieux, RafaĂŤl Magrou

(c) RÊintroduire l’espace intermÊdiaire dans ses deux composantes: fÊdÊrateur et transition

(9) Revue AMC n°234, Juin-Juillet 2014, Document ÂŤHabitat et expĂŠrimentationÂť p63-71 ÂŤRĂŠtablir l’existence d’une communautĂŠ de rĂŠsidents est aujourd’hui la tendance la plus significative. Une ĂŠvolution qui s’appuie aussi sur le rĂ´le moteur des habitants et qui remet la question fondamentale de l’usage au coeur des dĂŠbats.Âť(p63) (10) La Ville et ses possibles, Nicolas Michelin (Ed. du Pavillon de l’Arsenal, Ed. A&J Picard, mars 2005) - ÂŤLe manque ĂŠvident de gradation et de progressivitĂŠ dans le passage du plus intime au plus public peut accentuer l’impression de brutalitĂŠ que l’habitant ressent vis-Ă -vis de l’extĂŠrieur, du reste de la ville. Face Ă cela, s’impose, me semble-t-il, une nĂŠcessitĂŠ d’espaces intermĂŠdiaires, d’espaces de service de grande proximitĂŠ, d’espaces de rencontre.ÂťJ-P Vassal (11) Collectif, nouvelles formes d’habitat collectif en Europe, Collection Arc en RĂŞve centre d’architecture Bordeaux ÂŤNombre d’architectes ne cessent de revendiquer ce droit Ă rĂŠaliser des dĂŠmarches qui explorent la ÂŤvaleur habitableÂť, sans se limiter Ă l’Êtude de la cellule mais en l’Êtendant Ă la relation Ă l’autre, au voisin, au visiteur, au passant, Ă la rue comme au quartier et par extension Ă l’espace public. [...] Alors, les constructions explorent la richesse d’Êchanges et des combinatoires plurielles, tant sur le plan typologique que sociologique, et installent dans le plan de quartier des entre-deux communs.Âť La France, un ĂŠtat des lieux, RafaĂŤl Magrou

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(12) La ville en négociation, une approche stratégique du développement durable, Maurice Guanay/David Albrecht (économistes), Édition L’Harmattan, Villes et Entreprises, 2008 «On peut [...] citer la mode en France de la «résidentialisation» du logement social. L’espace public est ainsi restreint et privatisé le plus possible.»(p183-184)

(d) Combattre la «résidentialisation»par l’ouverture de l’espace intermédiaire sur l’espace public?

(13) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley (p121) (14) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley(p178) (15) «De l’ambiguïté en architecture», Robert Venturi, Ed. Dunod de 2012 (paru en 1972). Propos de Van Eyck(p84) (16) La Ville et ses possibles, Nicolas Michelin (Ed. du Pavillon de l’Arsenal, Ed. A&J Picard, mars 2005) (17) La Ville et ses possibles, Nicolas Michelin (Ed. du Pavillon de l’Arsenal, Ed. A&J Picard, mars 2005) (18) La Ville et ses possibles, Nicolas Michelin (Ed. du Pavillon de l’Arsenal, Ed. A&J Picard, mars 2005) -»Il faut pouvoir entrer dans les cours, y flaner de temps à autre, même si on n’y habite pas [comme au quartier de la Bastille]. La suppression de la dimension poreuse de la ville conduit à un monde cloisonné.»E.Girard (19) Agence Nicolas Michelin et associés, cinq sur cinq, dix projets sur mesure, architecture et urbanisme, Ed. Archibooks+ Sautereau éditeur (2008) «Quels sont les fondamentaux d’un projet: le plan sécurité ou le vivre ensemble?» La sécurité peut être résolue de différentes manières, notamment par des solutions qui s’appuient sur les ambiances urbaines. Un parc habité sera plus sur qu’un parc coupé de l’espace public. Un porche sous immeuble ne sera envisageable que s’il est éclairé et largement ouvert... Les exemples ne manquent pas dans lesquels le partage de l’espace, contrairement à sa clôture, est gage de sécurité.»(p129) (20) Entretien avec F.Giboudeaux de la mairie du XXe arrondissement, 30 octobre 2014 (21) Les écoquartiers, P.Lefèvre et M.Sabard. Ed.Apogée, février 2009 «Il importe de légitimer l’existence et les spécificités d’un nouveau type d’espace public où se joue l’aptitude d’un quartier à faire place aux activités quotidiennes et aux rencontres de ses populations. Ces espaces publics de proximité ont pour vocation d’accueillir des pratiques collectives plutôt que des monuments (...) Les écoquartiers se prêtent à la coexistence d’espaces publics contrastés, les uns destinés à tous les citadins d’une même ville, d’autres destinés avant tout à leurs riverains et à la vie de quartier.» (22) Les écoquartiers, P.Lefèvre et M.Sabard. Ed.Apogée, février 2009 «Au centre du quartier latin, quelques rares cours d’anciens hôtels particuliers réservent encore la surprise d’un espace intérieur arboré. Ce que l’on pourrait appeler «un contraste introverti» se crée entre l’agitation de la rue et la tranquillité du jardin intérieur. À trop vouloir ouvrir les coeur d’îlots, comme c’est la mode actuellement en France, on se prive de ces contrastes vivifiants.(...) Pour le quartier Confluence de Lyon, certains propos «évoquent la continuité entre le coeur d’îlot et l’espace public. Pourquoi pas... à condition que cette continuité n’efface pas les caractères propres de l’un comme de l’autre.»

3) Le rejet contemporain de l’espace intermédiaire (a) Des «réalisateurs» rejetant l’espace intermédiaire

(23) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley(p.5-6) (24) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «Dans un contexte sociétal et économique (délimitation public/privé, gestion optimisée, densification foncière) peu propice à ce genre d’espace, ses difficultés de réalisation étonnent peu et laisseraient penser qu’il n’est plus d’actualité, hormis le discours plutôt nostalgique et conjuratoire qu’il suscite.»(p182) (25) La Ville et ses possibles, Nicolas Michelin (Ed. du Pavillon de l’Arsenal, Ed. A&J Picard, mars 2005) Cf. N.Michelin (26) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «Alors que les maîtres d’ouvrage et les gestionnaires s’attachent à distinguer franchement les espaces selon leur statut privé (privatif/commun) ou public (communal), la plupart des architectes témoignent d’une propension à les articuler graduellement, de la rue au seuil du logement.»(p6) (27) Architecture Interieur CREE n°366 (Mai-Juin 2014). Article «éloge du mélange», par Catherine Sabbah avec Lionel Blaisse et François Lamarre, p32-45 «Il n’y a pas la place dans la production immobilière actuelle pour les entre-deux, regrette l’urbaniste François Grether, ces espaces qui ont un usage certain. [...] Aux Batignolles, nous essayons d’en recréer, encore faudra-t-il apprendre à les gérer»(p38) (28) La Ville et ses possibles, Nicolas Michelin (Ed. du Pavillon de l’Arsenal, Ed. A&J Picard, mars 2005) «Qui entretient, qui paie? Telles sont les questions récurrentes de l’aménageur lorsque l’architecte-urbaniste lui propose des espaces qui ne sont pas clairement définis dans leur fonction, entre l’usage privé et l’espace public.»N.Michelin (29) La Ville et ses possibles, Nicolas Michelin (Ed. du Pavillon de l’Arsenal, Ed. A&J Picard, mars 2005) (30) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley (p180) (31) Agence Nicolas Michelin et associés, cinq sur cinq, dix projets sur mesure, architecture et urbanisme, Ed. Archibooks+ Sautereau éditeur (2008)

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«Le «tout sécurité» pousse l’ensemble des acteurs qui font la ville à créer des quartiers qui peuvent, à terme, ressembler à une succession de résidences protégées. Les projets ouverts, dont rêvent les architectes urbanistes, semblent voués à disparaître peu à peu au profit d’espaces dits sécurisés, c’est-àdire d’un urbanisme sécuritaire.»(p129) (32) La Ville et ses possibles, Nicolas Michelin (Ed. du Pavillon de l’Arsenal, Ed. A&J Picard, mars 2005) «C’est à chaque architecte de proposer des solutions pour socialiser ces lieux en jachères [espaces intermédiaires] et de persuader les maîtres d’ouvrages de leur nécessité.»F.Borel (33) Agence Nicolas Michelin et associés, cinq sur cinq, dix projets sur mesure, architecture et urbanisme, Ed. Archibooks+ Sautereau éditeur (2008) «Je comprends cette obligation des élus de faire régner l’ordre; je sais que certains plans d’urbanismes trop généreux et trop ouverts deviennent à terme ingérables»(p129) (34) La ville en négociation, une approche stratégique du développement durable, Maurice Guanay/David Albrecht (économistes), Édition L’Harmattan, Villes et Entreprises, 2008 (p183-184) (35) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «Dans nombre de ZAC urbaines, la fragmentation [des fronts d’îlots en plots], afin que l’immeuble de fond de cour entraperçoive le parc, renoue avec l’îlot ouvert, comme celui de Jean-Charles Moreaux qui le limite à des «percées d’insolation et d’aération, avec portiques et grilles de protection». Complétées aujourd’hui par des digicodes et des interphones, ces grilles interrompent la continuité des accès au coeur d’îlot, mais pas des vues [...] relation d’ouverture/fermeture qui ménage ainsi souci du paraître et sentiment de sécurité.»(p179-180)

(b) Quel «désir des habitants»?

(36) La Ville et ses possibles, Nicolas Michelin (Ed. du Pavillon de l’Arsenal, Ed. A&J Picard, mars 2005) (37) Collectif, nouvelles formes d’habitat collectif en Europe, Collection Arc en Rêve centre d’architecture Bordeaux «On observe ceci dit, en France notamment, un a priori défavorable pour tout ce qui a trait aux fronts communs que sont les coursives, galeries, escaliers, terrasses, etc. On préfère généralement des séparations nettes, sans partage, sans vis-à-vis, quitte à sacrifier un certain confort de vie supplémentaire.» La France, un état des lieux, Rafaël Magrou (38) Entretien avec F.Giboudeaux de la mairie du XXe arrondissement, 30 octobre 2014 F.G.: On n’a pas forcément en France une éducation à la coopération et au partage, qui fait que les opérations sortent facilement. Je pense que s’engager dans cette direction demande un vrai travail sur soi.»

(c) Des promoteurs acceptant le développement d’espaces intermédiaires?

(39) Architecture Interieur CREE n°366 (Mai-Juin 2014). Article «éloge du mélange», par Catherine Sabbah avec Lionel Blaisse et François Lamarre, p32-45 -«Certains promoteurs de logements imaginent dans leurs immeubles des studios aménagés en chambres d’amis, gérés par la copropriété ou des terrasses à partager, des salles communes...»(p38) (40) Revue AMC n°234, Juin-Juillet 2014, Document «Habitat et expérimentation» p63-71 «Habitat et expérimentation. [...]Hormis quelques opérations manifestes qui intègrent sciemment la désynchronisation des comportements et des activités à l’intérieur de l’habitat, la majorité des projets exploratoires se concentre sur le développement des espaces extérieurs.»(p63) (41) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «La question primordiale que soulève constamment le logement social est celle de sa surface imposée trop restreinte. L’augmenter sans implication sur la «surface habitable» servant de base au calcul du loyer conduit alors le plus souvent à lui chercher des prolongements non comptés dans celle-ci. La terrasse, le balcon, la loggia, le séchoir, le cellier, le palier externe formant seuil d’entrée, seront les plus évoqués dans ce sens». (p145) (42) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley - «[Dans cet ordre d’idée, Auzelle déclare en 1962] «Plus le logement est petit, plus les prolongements du logis [individuels et collectifs] doivent être importants et onéreux [...] si ces besoins [fondamentaux de l’individu et de la famille] ne sont pas satisfaits à un échelon, ils devront l’être à un échelon supérieur.»» (p148)

3. Modes de résolution: de la nécessaire implication du politique? 1) Un cadre règlementaire adapté au développement d’espaces intermédiaires?

(1) La Ville et ses possibles, Nicolas Michelin (Ed. du Pavillon de l’Arsenal, Ed. A&J Picard, mars 2005) L’aspect juridique et réglementaire (Michel Huet & Amélie Blandin, avocats) - «Nous dénommerons espace privé communautaire tout espace dont le titre (de propriété) ou l’usage (locatif, jouissance) permet à plusieurs personnes d’en disposer.» (2) La Ville et ses possibles, Nicolas Michelin (Ed. du Pavillon de l’Arsenal, Ed. A&J Picard, mars 2005) «L’usage collectif d’un espace privé, dont l’idée pourrait a priori heurter les principes inhérents au droit de propriété, n’est pas inconnu des pratiques juridiques et connaît même une application quotidienne dans le cadre des immeubles soumis au régime de la copropriété [...] Signe des temps, ce mode de propriété immobilière est devenu, dans les agglomérations, la norme.»M.Huet & A.Blandin

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(3) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley (p106-107) Cf. note (55) de la partie «I/B/L’espace intermédiaire / Émergence de la notion» (4) La Ville et ses possibles, Nicolas Michelin (Ed. du Pavillon de l’Arsenal, Ed. A&J Picard, mars 2005) «La copropriété est réparties entre plusieurs personnes, par lots comprenant chacun une partie privative(a) et une quote part des parties communes (b), (a) étant la propriété exclusive de chaque propriétaire et (b) l’objet d’une propriété indivise entre l’ensemble des copropriétaires ou certains d’entre eux seulement.» M.Huet & A.Blandin (5) La Ville et ses possibles, Nicolas Michelin (Ed. du Pavillon de l’Arsenal, Ed. A&J Picard, mars 2005) «La première étape d’une politique d’ouverture des espaces urbains se situe alors, au sein même des copropriétés, dans la valorisation et l’ouverture des parties communes, dont l’usage est souvent délaissé.» M.Huet & A.Blandin (6) La Ville et ses possibles, Nicolas Michelin (Ed. du Pavillon de l’Arsenal, Ed. A&J Picard, mars 2005) «La valorisation des parties communes de la copropriété: [...] L’assemblée générale des copropriétaires peut donc décider l’aménagement de la terrasse de l’immeuble ou de sa cour pour en permettre une utilisation effective par les habitants.» M.Huet & A.Blandin (7) La Ville et ses possibles, Nicolas Michelin (Ed. du Pavillon de l’Arsenal, Ed. A&J Picard, mars 2005) - «Dans l’objectif d’ouverture des espaces, deux ou plusieurs copropriétés distinctes peuvent décider de réunir certaines de leur parties communes, par exemple les cours d’immeubles, pour créer de nouveaux espaces communs. Ces nouveaux espaces, tout en étant communs, conserveraient un caractère privé car il s’agit bien, au-delà de l’intimité des parties communes propres à chaque copropriété, de permettre à des immeubles voisins ou contigus mais indépendants les uns des autres (c-à-d, ne relevant pas d’une même copropriété) de rassembler leurs parties communes isolées et de créer un espace commun, voir de l’aménager comme lieu de passage, de jeux, de détente.» M.Huet & A.Blandin (8) La Ville et ses possibles, Nicolas Michelin (Ed. du Pavillon de l’Arsenal, Ed. A&J Picard, mars 2005) «Il s’agit ensuite non plus de réserver strictement l’usage des parties communes valorisées aux seuls copropriétaires, mais bien d’ouvrir les cours, les terrasses, les jardins privés au public.Cette ouverture est réalisable, sous réserve d’une volonté commune des propriétaires et de la ville, par le biais d’une convention organisant les modalités de cette jouissance, par le public, d’un espace privé.» M.Huet & A.Blandin (9) La Ville et ses possibles, Nicolas Michelin (Ed. du Pavillon de l’Arsenal, Ed. A&J Picard, mars 2005) À défaut de volonté des propriétaires, la seule détermination de l’autorité publique peut, dans le cadre d’une politique urbaine, introduire le public au coeur d’espaces privés, notamment par l’exercice d’activités de service public au sein d’un ensemble immobilier privé.» M.Huet & A.Blandin (10) La Ville et ses possibles, Nicolas Michelin (Ed. du Pavillon de l’Arsenal, Ed. A&J Picard, mars 2005) «À l’heure où les «enclaves résidentielles» se banalisent, lesquelles sous prétexte d’arguments sécuritaires, disloquent et émiettent le territoire et la ville, l’espace public reste une dimension privilégiée et le reflet du système social [...] La montée en puissance du droit de jouissance au détriment du droit de copropriété permet en même temps d’user ces espaces singuliers pour les rendre pluriels. [...] [L’espace public, grâce à cela] porte toujours la possibilité juridique de faire revivre ces parties communes [illustrées par le Familistère de Godin] en les transformant en espaces communautaires» M.Huet & A.Blandin (11) La Ville et ses possibles, Nicolas Michelin (Ed. du Pavillon de l’Arsenal, Ed. A&J Picard, mars 2005) «[La servitude de passage public piéton instaurée sur une propriété privée] prive les copropriétaires de la jouissance exclusive de la cour, terrasse ou passage, mais [La [contraint] la VIlle à accepter [par exemple] de participer aux charges d’entretien, de nettoyage et d’éclairage de ceux-ci..» (12) La Ville et ses possibles, Nicolas Michelin (Ed. du Pavillon de l’Arsenal, Ed. A&J Picard, mars 2005)

2) Des pistes pour développer de nouveaux espaces intermédiaires

(13)«Paris Qui Ose, Mon projet pour Paris 2014-2020», Anne Hidalgo Les 7 priorités - Logement - Le logement pour tous, un droit: ma première priorité. Partie: Soutenir une architecture audacieuse (14) Agence Nicolas Michelin et associés, cinq sur cinq, dix projets sur mesure, architecture et urbanisme, Ed. Archibooks+ Sautereau éditeur (2008) «Je pense que ce n’est pas seulement l’espace public qui est concerné par la question du partage, mais aussi les copropriétés, les intérieurs d’îlots, les cours ou les jardins privés. Aussi, pour faire un quartier vivant, je crois à la rue, à l’îlot, mais je crois moins à la parcelle qui divise et régente le partage de l’espace parfois de façon absurde. Je lui préfère la notion d’unité de voisinage, où chacun peut avoir son intimité, mais dans laquelle les accès, les services ne sont plus pensés à l’échelle de la parcelle, mais plus largement à celle de l’îlot.»(p129) (15) Architecture Interieur CREE n°366 (Mai-Juin 2014). Article «éloge du mélange», par Catherine Sabbah avec Lionel Blaisse et François Lamarre, p32-45 ««Macro-lots», [...] unités urbaines ou unités d’opération qui effacent la parcelle et sont produites par un maître d’ouvrage unique via un permis de construire global.»(p41) (16) Cf. Entretien avec F.Giboudeaux de la mairie du XXe arrondissement, 30 octobre 2014 (17) Cf. Entretien avec F.Giboudeaux de la mairie du XXe arrondissement, 30 octobre 2014

C/ L’espace commun 1. Plébiscite et réticence: les positions divergentes des différents acteurs confortée par la rencontre de ces deux notions «conflictuelles» 164


1) Le plÊbiscite des concepteurs de l’amÊnagement urbain a) L’espace commun fÊdÊrateur: retrouver un lien social au coeur d’hybrides rÊsidentiels?

(1) Appel Ă propositions de recherche: MixitĂŠ fonctionnelle versus zoning: de nouveaux enjeux?, 21 juin 2011, PUCA Plan Urbanisme Construction Architecture ÂŤLa mixitĂŠ fonctionnelle se prĂŠsente aussi dĂŠsormais comme une rĂŠponse aux questions urbaines contemporaines de perte du lien social.Âť(p5) (2) Architecture Interieur CREE n°366 (Mai-Juin 2014). Article ÂŤĂŠloge du mĂŠlangeÂť, par Catherine Sabbah avec Lionel Blaisse et François Lamarre, p32-45 ÂŤLa mixitĂŠ relève du dĂŠbat de sociĂŠtĂŠ; elle suppose tout un questionnement sur le vivre ensemble qui a manifestement du mal Ă ĂŠmerger dans notre pays.Âť (3) UrbanitĂŠ, sociabilitĂŠ et intimitĂŠ. Des logements d’aujourd’hui. M.Eleb, A-M Châtelet. Les ĂŠditions de l’Epure, collection ÂŤRecherche d’architectureÂť. Avec le concours du Plan Construction (1997) R.Gailhoustet: ÂŤIl faut articuler dans un mĂŞme ensemble bati les habitations avec d’autres programmes: lieux de travail, commerces, ĂŠquipements. Cela a bien sur un intĂŠrĂŞt social, un pouvoir d’animation et prĂŠsuppose un refus de toute sĂŠgrĂŠgation.Âť (4) Favoriser la mixitĂŠ dans l’habitat par les espaces intermĂŠdiaires, Magali Conus. ÉnoncĂŠ thĂŠorique de Master en Architecture EPFL – ")#& E '#* Â&#x; >=<> >=<? " Ç‘ K 3 " * & , Ç‘ ÂŤIl faut plus qu’une simple diversitĂŠ de programme pour crĂŠer de la mixitĂŠ. Ne faut-il pas avoir des liens entre ces choses? (...) Des ĂŠchanges entre divers occupants d’un mĂŞme lieu (de travail, d’habitation, de loisir) n’ayant pas forcĂŠment les mĂŞmes intĂŠrĂŞts ou buts?Âť (5) La Ville et ses possibles, Nicolas Michelin (Ed. du Pavillon de l’Arsenal, Ed. A&J Picard, mars 2005) ÂŤAu cours des ĂŠtudes de dĂŠfinition menĂŠes sur le site de Paris Nord Est, nous avions proposĂŠ que les entrepĂ´ts industriels Calberson soient restructurĂŠs pour accueillir des ĂŠquipements diversifiĂŠs mais surtout, nous avions imaginĂŠ d’installer sur les immenses toitures terrasses un vrai tapis d’habitation de jardins, de services de proximitĂŠ et d’espaces communautaires; une densification par l’accumulation de programmes offrant Ă la fois de nouvelles qualitĂŠs d’habitat.Âť Tania Conko (6)Architecture IntĂŠrieure CREE, n°349 (dĂŠcembre-janvier 2010-2011)(p40) (7) Dossier MixitĂŠ Fonctionnelle, EK 32 (Avril-mai 2013) - VIlles en transition, architectures durables (texte de Charlotte Fauve) ÂŤAvec des espaces de rassemblement et d’Êchanges directement pensĂŠs au sein de l’Êdifice, naĂŽtrait donc une nouvelle version de l’immeuble haussmannien avec l’insertion croissante de nouvelles fonctions, qui ne sont plus cantonnĂŠes au RDC.Âť (8) Revue AMC Mars 2014, Article ÂŤMixitĂŠ programmatiqueÂť, p61-71 ÂŤDans les ĂŠcoquartiers, l’architecte-urbaniste Nicolas Michelin joue sur l’imbrication et les dĂŠcalages de fonctions et d’usages et rĂŠflĂŠchit aussi Ă des espaces neutres oĂš peuvent cohabiter logements, bureaux, locaux associatifs et autres.Âť (9) La Ville et ses possibles, Nicolas Michelin (Ed. du Pavillon de l’Arsenal, Ed. A&J Picard, mars 2005) (10) This is HYBRID, a+t research group, a selection of the articles and projects published in the Hybrids series of the magazine a+t during 2008 & 2009. ÂŤSociability: the ideal HB feeds on the meeting of the private and public spaces. The intimacy of private life and sociability of public life finds anchors of development in the HB. The permeability of the HB makes it accessible from the city and the private use of its services extends its timetable to 24 hours a day [...] A full time building.Âť(p43) (11) This is HYBRID, a+t research group, a selection of the articles and projects published in the Hybrids series of the magazine a+t during 2008 & 2009. ÂŤThese new hybrid types can shape public space. Urban porosity is a key intention for large hybrid buildings with the aim of pedestrian oriented urban places. Each new public space formed by hybrid building contains living, working, recreation and cultural facilities. These new pedestrian sectors eliminate the need for automobile transfer across the city. They become localized ÂŤsocial condensersÂť for new communities.(p7-9) (12) Cf. Entretien avec Umberto Napolitano de LAN, 2 mai 2014

b) L’espace commun de transition: permettre la coexistence harmonieuse de programmes contradictoires au sein d’un même hybride rÊsidentiel?

(13) Cf. citation (75) de la partie c) rejet des Modernes: l’apport fondamental du Team X. (14) Favoriser la mixitĂŠ dans l’habitat par les espaces intermĂŠdiaires, Magali Conus. ÉnoncĂŠ thĂŠorique de Master en Architecture EPFL – ")#& E '#* Â&#x; >=<> >=<? " Ç‘ K 3 " * & , Ç‘ ÂŤPour crĂŠer une mixitĂŠ, il faut permettre le contact entre les gens, le rapprochement, tout en gardant suffisamment de distance pour prĂŠserver une intimitĂŠ et pour que la personne garde sa sphère privĂŠ.Âť (15) Favoriser la mixitĂŠ dans l’habitat par les espaces intermĂŠdiaires, Magali Conus. ÉnoncĂŠ thĂŠorique de Master en Architecture EPFL – ")#& E '#* Â&#x; >=<> >=<? " Ç‘ K 3 " * & , Ç‘ ÂŤComment faire pour qu’un espace privĂŠ donnant sur un espace public puisse fonctionner tout en gardant une certaine intimitĂŠ? Est-il possible que des bureaux et des commerces partagent les mĂŞmes espaces de distributions que des logements?Âť.

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(16) Favoriser la mixitĂŠ dans l’habitat par les espaces intermĂŠdiaires, Magali Conus t W W Ç‘ # Ç‘ "-.+ E ")#& E '#* Â&#x; >=<> >=<? Equipe enseignante: B.Marchand, E.Rey, C.Joud. ÂŤLes espaces intermĂŠdiaires peuvent favoriser la mixitĂŠ dans des bâtiments majoritairement rĂŠsidentiels.Âť (17) La Ville et ses possibles, Nicolas Michelin (Ed. du Pavillon de l’Arsenal, Ed. A&J Picard, mars 2005) (18) Revue AMC DĂŠc. 2012 - Jan. 2013 / (11d) Revue AMC nov.2012 (p.90)

2) L’impossible espace commun entre les diffÊrents programmes: la position des rÊalisateurs? a) Rester chez soi: la volontÊ d’Êviter les espaces partagÊs pour des soucis de gestion et de sÊcuritÊ

(1) Dossier d’analyse BATEX (bâtiments exemplaires) - MixitĂŠ fonctionnelle et flexibilitĂŠ programmatique, F.Miallet (architecte), PUCA (Plan Urbanisme Construction Architecture). ÂŤCe que rĂŠclame chaque entitĂŠ, chaque investisseur final, c’est gĂŠnĂŠralement un volume construit assez dĂŠfini visuellement, si possible de la terre jusqu’au ciel.Âť (2) Dossier d’analyse BATEX (bâtiments exemplaires) - MixitĂŠ fonctionnelle et flexibilitĂŠ programmatique, F.Miallet (architecte), PUCA (Plan Urbanisme Construction Architecture). ÂŤChacun veut ĂŞtre chez soi avec son adresse et le moins possible interfĂŠrer avec son voisin pour l’entretien des parties communes et pour la sĂŠcuritĂŠ [une entrĂŠe par immeubles de bureaux, pour un accès par badge rĂŠglementĂŠ, etc].Âť

b) Mutualiser des espaces de service?

(3) Architecture Interieur CREE n°366 (Mai-Juin 2014). Article ÂŤĂŠloge du mĂŠlangeÂť, par Catherine Sabbah avec Lionel Blaisse et François Lamarre, p40 (4) Dossier d’analyse BATEX (bâtiments exemplaires) - MixitĂŠ fonctionnelle et flexibilitĂŠ programmatique, F.Miallet (architecte), PUCA (Plan Urbanisme Construction Architecture). ÂŤLa mixitĂŠ fonctionnelle peut se mesurer, on l’a dĂŠjĂ ĂŠvoquĂŠ, au degrĂŠ de proximitĂŠ et d’imbrication des programmes. [...] Pour faciliter les choses, on peut invoquer un thème attractif comme la mutualisation entre lieux d’activitĂŠs et habitations. [...] Il y a lĂ une opportunitĂŠ d’optimiser le nombre de places de parking et de rentabiliser un service de gardiennage.Âť(p14) (5) Architecture Interieur CREE n°366 (Mai-Juin 2014). Article ÂŤĂŠloge du mĂŠlangeÂť, par Catherine Sabbah avec Lionel Blaisse et François Lamarre, p35 (6) Revue AMC Hors-sĂŠrie 2011 - Logement/Housing ÂŤN.Michelin.: Aux immeubles Ă ĂŠnergie dite positive n’atteignant leur objectifs qu’en mobilisant tous les ĂŠquipements, nous prĂŠfĂŠrons des ĂŽlots intelligents, oĂš la mixitĂŠ autorise le partage des moyens:[...] les stationnements sont mutualisĂŠs, etc.Âť (7) Architecture Interieur CREE n°366 (Mai-Juin 2014). Article ÂŤĂŠloge du mĂŠlangeÂť, par Catherine Sabbah avec Lionel Blaisse et François Lamarre, p40 (8) Architecture Interieur CREE n°366 (Mai-Juin 2014). Article ÂŤĂŠloge du mĂŠlangeÂť, par Catherine Sabbah avec Lionel Blaisse et François Lamarre, p40 (9) Architecture Interieur CREE n°366 (Mai-Juin 2014). Article ÂŤĂŠloge du mĂŠlangeÂť, par Catherine Sabbah avec Lionel Blaisse et François Lamarre, p40 ÂŤPour Laurent Fuhs, expert en sĂŠcuritĂŠ incendie, rien sinon des rĂŠticences intellectuelles n’interdit de mĂŠlanger les usages mais ces options obligent Ă jeter des passerelles entre des rĂŠglementations pas toujours cohĂŠrentes entre elles.

2. Les modes de rÊsolution d’une Êquation complexe: la part du politique et le macrolot 1) PrÊsentation du principe de macrolot

(1) Revue AMC DĂŠc. 2012 - Jan. 2013 (Article p.76) (2) OĂš va la ville aujourd’hui, J.Lucan, Edition de La Villette (2012) (p87) (3) OĂš va la ville aujourd’hui, J.Lucan, Edition de La Villette (2012) (p87) (4) OĂš va la ville aujourd’hui, J.Lucan, Edition de La Villette (2012) (p87) ÂŤDans un macrolot, les opĂŠrations sont toutes rĂŠalisĂŠes dans la mĂŞme temporalitĂŠ (dĂŠpĂ´ts de permis de construire, lancements des appels d’offres), afin que la livraison d’un programme ne puisse pâtir du retard d’un autre programme.Âť (p87) (5) OĂš va la ville aujourd’hui, J.Lucan, Edition de La Villette (2012) ÂŤLe plus souvent, la puissance publique conserve la maĂŽtrise d’ouvrage urbaine (plan d’ensemble, affectation des terrains, dĂŠfinitions des ĂŠquipements et des espaces publics, etc.). Et cela via les SEM d’amĂŠnagement [...]: SEMAPA, SEMAVIP, SEMAEST Ă Paris, SAEM Val-de-Seine Ă Boulogne, SAMOA pour Nantes, ect.Âť(p89) (6) OĂš va la ville aujourd’hui, J.Lucan, Edition de La Villette (2012) ÂŤLa ZAC est la procĂŠdure la plus habituelle, mais avec un poids des maĂŽtres d’ouvrage privĂŠs devenu prĂŠpondĂŠrant.Âť (p89) (7) OĂš va la ville aujourd’hui, J.Lucan, Edition de La Villette (2012)

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«Dans le cas de macrolots qui n’ont pas de «socle», le recours à des permis de construire «groupés» est aussi très courant. Des raisons d’opportunité conduisent à regrouper des lots de construction sur une entité foncière -sous la forme d’une Société civile immobilière. Cela permet une mutualisation plus facile du stationnement automobile en sous-sol et des espaces libres intérieurs à l’îlot. Dans les îlots du Trapèze, à Boulogne-Billancourt, au fur et à mesure du développement de l’opération, les permis de construire «groupés» sont devenus la règle.»(p90) (8) Où va la ville aujourd’hui, J.Lucan, Edition de La Villette (2012) «L’unité d’opération étant l’îlot, il est désormais envisageable de considérer que les espaces libres sont d’usage collectif[...]. Dans des opérations où la densité construite est élevée, le partage des espaces libres apporte une respiration certaine aux intérieurs d’îlot.»(p95)

2) Critique contemporaine de ce principe d’aménagement

(9) Revue AMC Déc. 2012 - Jan. 2013 (Article p.76) «J.L.: Le mot de mutualisation, sans cesse employé, mérite d’être vraiment interrogé. Au Monolithe, à Lyon, en lieu et place de ce qui devait être un jardin intérieur, on a une dalle un peu triste et inappropriable. À Metz, dans l’îlot B3C3, la dalle sur la toiture du centre commercial devait être un jardin collectif. Mais les propriétaires qui se trouvent au-dessus ont jugé que ce serait mieux si chacun avait son jardin. Donc, au final, tous les jardins seront clos. Dans l’opération de restructuration de l’entrepôt MacDonald à Paris XIX, le jardin intérieur sur dalle de 400m de long sera finalement clos et inaccessible pour une grande part de sa surface.» (10) Où va la ville aujourd’hui, J.Lucan, Edition de La Villette (2012) «Usages possibles des espaces libres à l’intérieur des îlots ou des macrolots: au mieux peuvent-ils être autre chose que des jardins d’agréments accessibles aux habitants? Si oui, de quelle façon peuvent-ils être appropriés?»(p95-97) (11) Revue AMC Déc. 2012 - Jan. 2013 (Article p.76) « En ce qui concerne les places de stationnement, on peut à la rigueur trouver une rampe commune mais ensuite chacun à son parking particulier.» (12) Revue AMC Déc. 2012 - Jan. 2013 (Article p.76) (13) Où va la ville aujourd’hui, J.Lucan, Edition de La Villette (2012) «Dans beaucoup de cas, l’usage [des «espaces libres mutualisés»] est loin d’être déterminé de façon assuré: ou bien on peut considérer que certains dispositifs sont expérimentaux et que le temps les validera; ou bien certains dispositifs sont d’ors et déjà relégués au rang de voeux pieux». (14) Mémoire «La question de la mixité programmatique dans le développement urbain» (2011-2012), Stéphanie Lorefice, tuteur de mémoire: Jean-Louis Violeau ««La densité relative de toutes ces opérations devrait produire des intensités, des rencontres audacieuses et riches de synergies entre les différentes activités. Pourtant, la coordination se résume la plupart du temps à la résolution des questions de gabarit, d’ombre portée, à l’harmonisation des hauteurs de RDC, voir à la prescriptions des corniches identiques pour tous les bâtiments d’un même lot, comme dans la ville haussmannienne. Les conditions de production des projets ne laissent que peu de marge de manoeuvre aux architectes, nous l’avons vu. Sommé de loger le programme dans une volumétrie prédéterminée, de se conformer aux ratios de types de logements calculés par tableau Excel, de respecter les transparences imposées par le règlement commun et la morphologie des espaces verts déjà décrite, l’architecte du lot n’a plus pour prérogative majeure que le dessin de la façade» Extrait de l’article l’urbanisme Tupperware de R.Labrunye (p118) (p38) (15) Revue AMC Déc. 2012 - Jan. 2013 (Article p.76) «AMC: Le macrolot fonctionne-t-il dans son objectif d’intégrer toutes les exigences urbaines? J.L.: Il peut effectivement fonctionner si l’imbrication entre les programmes n’est pas trop complexe. Mais au nom de la mixité, il arrive qu’on fabrique de véritables usines à gaz: des îlots très denses concentrant toutes les fonctions, dans des quartiers peu denses.» (16) Revue AMC Déc. 2012 - Jan. 2013 (Article p.76) «Les exemples sont nombreux: l’îlot B3C3 à Metz (Michelin et Viguier), la Mantilla à Montpellier (Ferrier), le Tripode à Nantes (Portzamparc), le Monolithe à Lyon... Dans ces îlots, qu’est-ce qui justifie que les programmes soient à ce point imbriqués? On est en train de fabriquer des mégastructures sur dalle, comme on le faisait dans les années 1960-70, avec le quartier des Olympiades à Paris XIII ou le front de Seine dans le 15e, avec les mêmes problèmes de copropriétés pour gérer les opérations sur le long terme.» (17) This is HYBRID, a+t research group, a selection of the articles and projects published in the Hybrids series of the magazine a+t during 2008 & 2009. (p45) - «Scale: hybrids have the character of [...] megastructures. They are «urban monsters of a new and generous breed.» (18) Architecture Interieur CREE n°366 (Mai-Juin 2014). Article «éloge du mélange», par Catherine Sabbah avec Lionel Blaisse et François Lamarre, p41 -«Adaptés à leur époque qui ne bruisse que des concepts de densité, de mélange et de nouveaux usages, ces bâtiments le seront-ils à leur futur? C’est la question que pose Jacques Lucan lorsqu’il passe au crible ces «macro-lots», des unités urbaines ou unités d’opération qui effacent la parcelle et sont produites par un maître d’ouvrage unique via un permis de construire global. Dans ce système de plots ou de totems ou d’isolats qui deviennent les éléments constitutifs de la ville chaque morceau est une partie organique du tout. (19) Architecture Interieur CREE n°366 (Mai-Juin 2014). Article «éloge du mélange», par Catherine Sabbah avec Lionel Blaisse et François Lamarre, p41 (20) Dossier Mixité Fonctionnelle, EK 32 (Avril-mai 2013) - VIlles en transition, architectures durables (texte de Charlotte Fauve)

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(21) Architecture Interieur CREE n°366 (Mai-Juin 2014). Article «éloge du mélange», par Catherine Sabbah avec Lionel Blaisse et François Lamarre, p41 «Que se passera-t-il lorsque le temps, des changements de modes de vie ou la crise de l’énergie obligeront à détricoter ces ensembles structurés par des voiles de béton?»J.Lucan (p41) (22) Revue AMC Déc. 2012 - Jan. 2013 (Article p.76) J.L.: Il faudrait au moins se reposer la question du découpage parcellaire. Reconsidérer la pertinence de la parcelle n’est pas une régression. On y gagne au moins que la ville peut se renouveller assez aisément. Ce n’est pas parce qu’on a une grande unité foncière au départ qu’il faut absolument faire une opération de la même dimension. On peut découper.».

Partie II: RÉALISER... A/ Terrain général 1. Une catégorie à écarter d’emblée: les «condensateurs sociaux» 1) Définition 2) Caractéristiques

(1) HYBRID tome III, a+t research group (2) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «[Dans son projet de Phalanstère, Fourier développe un] principe d’introversion de l’ensemble d’habitation autour d’un espace central supposé fédérateur. De fait, cette idée constamment reprise de l’espace escompté «condensateur social» qu’elle soit rejetée ou valorisée [...] doit beaucoup à ces utopies sociétaires et à leurs traductions spatiales» (p29) (3) HYBRID tome III, a+t research group «The condenser concentrated all of its transformation capacity on the members of a closed community (-inhabitants, factory workers...)»(p8) (4) HYBRID tome III, a+t research group «Hybrids are characterised by a mix of use in the same project. It integrates different programmes which also have different developers, different management and obviously, different users.» (p11) (5) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «C’est par l’organisation des services communs que s’expliquent les raisons d’être des cités-jardins verticales», conclut Le Corbusier en 1946. [conception des services comme «services hôteliers»: dans le socle, une «usine alimentaire» pour le ravitaillement, ainsi qu’un «hall hôtelier»; et sur le toit, un solarium, une piscine et un gym- nase].»(p81-82) (6) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «[l’espace fédérateur de la résidence pensée comme une «unité» par Le Corbusier] témoigne d’une vision autarcique de la communauté des habitants.»(p83) (7) Architecture = Durable, 30 architectes, 30 projets en Ile-de-France (2008) «S.Maupin: [avec la résidence étudiante «Pink Flamingo»,] nous avons proposé un espace libre dans le pro- gramme. Cette zone étant autant dédiée au sport, qu’aux habitants, aux associations de quartiers. Mais elle permet aussi une mise en scène de l’usage: flux(s) et activités.»

2. Le cas le plus répandu: l‘«hybride résidentiel fragmenté» 1) Définition 2) Caractéristiques (a) Le résultat d’une cohabitation inconfortable de programmes voulus autonomes?

(1) Hybrid buildings, article de Joseph Fenton (1985). Tiré du recueil Pamphlet Architecture 11-20, Edition Princeton Architectural Press, New York, 2011 «For the hybrid building, program assumed a variety of forms.[...] Disparate combinations allow pieces to exist in a mutual, if often uneasy alliance, emphasizing the fragmented, almost schizophrenic aspect of society and of the period.» (2) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley(p121) (3) HYBRID tome III, a+t research group «The function of living is the most difficult to insert into hybrid programmes, due to the recent growing requests of users in terms of privacy and safety. The balance betwenn privacy and community requires a consensus of shared interests, rules that allow diversity without endangering individuality.» (4) La mixité fonctionnelle, quelle échelle pour faire cohabiter les usages?, Adrien Mervelet (fév. 2013). Equipe enseignante: J-P Franca, S.Balez, F.Gaubin. «Dans la plupart des cas, chaque programme aura un propriétaire et pour des questions de gestion, il n’est pas envisageable de mettre en commun les circulations et les réseaux (ni les gaines). Souvent, on observe une profusion de noyaux de circulation dans ces opérations.» (5) Dossier Mixité Fonctionnelle, EK 32 (Avril-mai 2013) - VIlles en transition, architectures durables (texte de Charlotte Fauve) (6) La mixité fonctionnelle, quelle échelle pour faire cohabiter les usages?, Adrien Mervelet (fév. 2013). Equipe enseignante: J-P Franca, S.Balez, F.Gaubin.

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(7) Revue AMC Mars 2014, Article «Mixité programmatique», p61-71 Gilles de Montmarin, Directeur délégué de la SEMAPA, aménageur de la ZAC Paris-Rive Gauche: «L’opération qui associe des logements, un théâtre, une école et un ascenseur urbain et que nous avons réalisé avec BP architecture en 2012 sur la ZAC résulte de la convergence entre une volonté programmatique et une situation géographique. Cette superposition de programmes répond aux nécessités de densité urbaine et de fabrique de la ville. [...] Pour la RIVP, maître d’ouvrage de l’ensemble, cette diversité était inédite car ces éléments n’étaient pas voués à être réunis.» (8) Revue AMC Mars 2014, Article «Mixité programmatique», p61-71 (9) Revue AMC Mars 2014, Article «Mixité programmatique», p61-71

(b) Un partage d’espace concédé «dans la douleur»? Le cas des «mutualisations utilitaires»

(10) Revue AMC Déc.2012-Janv.2013 «Les volumes s’imbriquent, s’encastrent et conjuguent leurs servitudes dans une grande simplicité d’usage. Les architectes parlent de «coprésence» pour expliquer les relations entres ces différents programmes, on pourrait même avancer la notion de commensalisme tant les contraintes et les bénéfices sont mutualisés: les accès aux appartements servent d’issues de secours à l’école, la rampe de parking joue le rôle d’espace tampon phonique et vibratoire entre les voies de chemin de fer et l’espace scénique, l’auvent du préau est tout à la fois protection climatique et protection physique contre la chute d’objet des étages supérieurs d’habitations sur la cour.» (11) Revue AMC Déc.2012-Janv.2013 «[La ZAC de l’amphithéâtre à Metz, coordonnée par l’architecte-urbaniste N.Michelin, affirme un principe de «mutualisation des surfaces de parkings entres différentes parcelles] Le développement du projet a obligé à revoir les objectifs initiaux: [à terme, chacune des cinq parcelles] possède son stationnement automobile sur deux niveaux de parking, niveaux desservis par des accès communs à tous les immeubles, seule partie mutualisée de l’ensemble -dont le financement a donné lieu, aux dires d’Emmanuel Combarel, à des difficultés dans la mesure où les maîtres d’ouvrage en sous-estimaient toujours le coût.»(p141-142)

3. Introduire l’espace commun: «l’hybride résidentiel communautaire» 1) Définition 2) Caractéristiques

(1) HYBRID tome I, II et III, a+t research group (2008-2009) (2) Mémoire «La question de la mixité programmatique dans le développement urbain» (2011-2012), Stéphanie Lorefice, tuteur de mémoire: Jean-Louis Violeau «Entretien de Dominique Perrault sur le Vérose (Euralille 2), document du PUCA, 5 Novembre 2010. La mixité fonctionnelle et la règlementation font-elle bon ménage? «Si l’on prend le cas de la Hollande, où la règlementation est aussi stricte qu’en France, on s’est aperçu de l’impact important de la culture démographique sur cette question. Les gens parlent, se parlent et en parlent; cela concerne la phase d’étude avec le commanditaire: notre projet de Groningen a évolué ainsi de façon sensible avant d’être formalisé. Cela touche également l’application de la règlementation, qui fait en permanence l’objet d’un débat ouvert. Dans sa manière d’aborder celle-ci, le maître d’ouvrage hollandais raisonne, est actif, alors que le maître d’ouvrage français ne s’implique pas dans ce domaine, y compris pour des bâtiments expérimentaux. De façon plus générale, l’engagement d’un bailleur social n’est pas le même en Hollande et en France. Je crois même que c’est le jour et la nuit. Pour illustrer mon sentiment, je dirai qu’il y en a un sur le terrain de sport qui participe au match et l’autre qui reste spectateur depuis la tribune. Ce qui fait que la règlementation dans l’Hexagone est appliquée à la lettre, sans discernement. Or il faudrait davantage de souplesse si l’on veut arriver à construire des logements à bon marché et avoir une mixité fonctionnelle opérante et socialisante, ce qui est très loin d’être le cas.»»(p24) (3) Entretien avec F.Giboudeaux de la mairie du XXe arrondissement, 30 octobre 2014 (4) Entretien avec Bruno Vanhoesbruck d’UAPS, 25 novembre 2014 «Sur la ZAC Eurorennes de Louis Paillard, nous avons proposé un immeuble à programmes mixtes, ce qui se fait encore rarement en France, avec des commerces au RDC, quatre niveaux de bureaux et trois niveaux de logements au-dessus; en travaillant justement sur le développement d’espaces communs aux différents programmes à l’intérieur de l’immeuble, dans lesquels les différentes populations pourraient se rencontrer.» (5) Voir les sites internet de ces agences respectives A.Démians, R.Ricciotti, F.Soler et LIN (Paris, France, 2008-2010) Projet de logements-Crèche-locaux d’actitivés«Sur les anciens terrains de la gare d’Auteuil, les quatres bâtiments émergeront d’un jardin.» (6) Archistorm Hors-Série n°11 Projet du Groupe-6 à Bagnolet (2012-...) pour des logements, hôtel et résidences étudiantes regroupés dans deux tours distinctes «reliées au niveau du socle-jardin intermédiaire et du restaurant panoramtique dans le tiers supérieur» par un espace commun.

4. Prolonger l’espace public: «l’hybride résidentiel ouvert» 1) Définition de la notion avancée 2) Caractéristiques (a) Renouveler le thème des «espaces fédérateurs et de transition»? 169


(1) Où va la ville aujourd’hui, J.Lucan, Edition de La Villette (2012) Pour [Nicolas Michelin], la rue est «vecteur de ville» et «vecteur social»: elle donne à l’habitant son adresse, les commerces ne devant jamais lui tourner le dos».(p141)

(b) Redécouvrir l’«espace libre»? Exemple du projet de LAN pour l’îlot Brossette de Nantes

(2) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley (p107) (3) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley «[Prieur:]«On arrive à la conception de l’unité de résidence où les formes implantées dans des parcs, munies de services autonomes intérieurs (ravitaillement et entretien), et de prolongements extérieurs («écoles des premiers degrés, jardins d’enfants, instituts culturels), nous semblent être la réalité vers laquelle doit tendre toute construction d’habitation dans les villes d’aujourd’hui.»(p108) (4) NB: Toutes les informations concernant cette opération ont été récoltées au cours d’un entretien avec Umberto Napolitano de LAN, 2 mai 2014

(c) Briser l’«effet de dalle» en prolongeant l’espace public en coeur d’hybride résidentiel?

(5) Où va la ville aujourd’hui, J.Lucan, Edition de La Villette (2012) «À Montpellier, un dispositif semblable à celui de Nantes est prévu, trois larges emmarchements permettant de monter de l’espace public vers le jardin intérieur au macrolot situé au-dessus des surfaces commerciales. Aux dires de Jacques Ferrier, l’usage collectif du jardin intérieur ne va pas de soi: certains maîtres d’ouvrage, pour des raisons de commercialisation, préféreraient que l’espace ne soit pas partagé, notamment par les logements sociaux; ils auraient aussi un moment suggéré que les larges emmarchements d’accès au jardin soient supprimés.»(p147) (6) Où va la ville aujourd’hui, J.Lucan, Edition de La Villette (2012) «Le socle étant donc devenu essentiellement un socle de stationnement dont la toiture est accessible grâce à des emmarchements. À son sujet, C. de Portzamparc parle de «jardin haut», signifiant de fait que le jardin a pedu contact avec le sol, mais il évite cependant de parler de jardin sur dalle [...]. Quel est l’usage du jardin haut? Il est accessible à partir des deux traversées de l’îlot; il permet un accès supplémentaire aux bâtiments de logements -à l’image des mews anglais», comme le précise C. de Portzamparc-.»(p146)

(d) Des difficultés inhérentes à la réalisation d’«hybrides résidentiels ouverts»?

(7) Cf citation (9) de la partie (8) Cf citation (9) de la partie «I/C/2) Les modes de résolution d’une équation complexe: la part du politique et le macrolot»

(e) «L’hybride résidentiel ouvert» plus répandu que le «communautaire» en France: de l’importance de l’édile?

(9) Mémoire «La question de la mixité programmatique dans le développement urbain» (2011-2012), Stéphanie Lorefice, tuteur de mémoire: Jean-Louis Violeau «[Dans le cas du Monolithe de Lyon] la nécessité d’une copropriété en volumes s’est imposée. Cela veut dire que chacun est propriétaire d’un volume autonome et en a la charge. Le bâtiment présente des séparations verticales franches, des doubles murs de refend. [...] Chacun d’entre eux a pourtant ses propres accès, ses propres sorties de secours, ses propres colonnes et gaines techniques...» (p10) (10) Où va la ville aujourd’hui, J.Lucan, Edition de La Villette (2012)(p146) (11)Architecture Intérieure CREE, n°349 (décembre-janvier 2010-2011) «Citons pêle-mêle en France [Euralille 2, le Quartier de l’Amphithéâtre de Metz, l’ïle de Nantes, Lyon Confluence, Paris Rive Gauche, etc...]. [...]On y trouve des «copropriétés en volumes», formule choisie quand il n’existe pas de parties communes entre les «lots» ou lorsqu’il y a coexistence d’espaces publics et privés dans dans un même ensemble. Pour mémoire, le volume de copropriété en volumes est un bien immobilier. «Schématiquement, c’est un droit réel de propriété, détaché du sol, portant sur une tranche tridimensionnelle et homogène d’espace (superficie) ou de tréfonds [...].» (c. Juris Pridentes, Droit Immobilier). Ce mode de division de la propriété demande un cahier des charges qui «fixe les droits et obligations liés à chaque volume et définit l’ensemble des servitudes réciproques indispensables à l’exploitation des lots».»(p41-42)

B/ Études de cas 1. Le macrolot B2 1) La situation initiale et le contexte d’émergence du projet (1) Où va la ville aujourd’hui, J.Lucan, Edition de La Villette (2012)(p87)

(a) Le caractère exceptionnel de l’opération dite du «Trapèze de Boulogne-Billancourt»

(2) Dossiers de création et de réalisation de la ZAC Seguin Rives de Seine, Mairie de Boulogne-Billancourt «Rapport de présentation. Installation des établissements Renault sur le site de Billancourt datant de 1898 [...] En 1989, la Régie Renault annonce la fermeture des usines de Billancourt effective en 1992. [...] Le Plan Programme du 17 décembre 1998, élaboré par le Syndicat Mixte du Val-de-Seine, a constitué le cadre du projet d’aménagement.»(p3) (3) Dossiers de création et de réalisation de la ZAC Seguin Rives de Seine, Mairie de Boulogne-Billancourt

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«Rapport de présentation. [L’ensemble de ces études [menées sur le quartier du Pont de Sèvres, l’ïle Seguin et le secteur du Trapèze] a fait l’objet d’une mise en cohérence traduite par le Plan de Référence approuvée par le conseil municipal du 6 juin 2002. [...] Les terrains concernés par ce projet représentent environ 70 hectares. Ils présentent comme particularité de former, pour près de 50 ha, une unité foncière privée quasi continue, sans aucune propriété publique et présentant un niveau de desserte incompatible avec l’ambition de créer, sur ce site, le 8e quartier de Boulogne-Billancourt. De plus, ces terrains sont classés au POS en vigueur (approuvé en 1989) en zone UF, zone à vocation principalement industrielle.»(p3) (4) Dossiers de création et de réalisation de la ZAC Seguin Rives de Seine, Mairie de Boulogne-Billancourt «Pour mener à bien ce grand projet d’aménagement et au vu de l’état initial du site, la ville de Boulogne-Billancourt a décidé de mener en parallèle deux procédures: 1. Dans le cadre de la procédure en cours de révision du POS en PLU, définir sur ces territoires [...] un azonage U assurant une mixité logements, bureaux, activités et équipements, sur la base de celle du plan de référence approuvé par la commune en juin 2002.» (p4) (5) Dossiers de création et de réalisation de la ZAC Seguin Rives de Seine, Mairie de Boulogne-Billancourt «2. Créer une ZAC permettant de développer le projet d’aménagement dans les meilleures conditions juridiques, administratives et financières, tout en garantissant la cohérence d’un grand projet urbain»(p4) (6) Dossiers de création et de réalisation de la ZAC Seguin Rives de Seine, Mairie de Boulogne-Billancourt Pour éviter les approches morcelées et s’assurer d’une qualité homogène de traitement des espaces publics, la Ville de Boulogne-Billancourt a opté pour la création d’une ZAC couvrant [les secteurs du Trapèze et de l’ïle Seguin, ainsi que les secteurs du Quartier du Pont de Sèvres et des îlots épars]»(p3-4) (7) PUCA-BATEX, Bâtiments exemplaires, ZAC Seguin-Rives de Seine ) Boulogne-Billancourt, «Rives de parc», Vinci Immobilier, Lipsky+Rollet Architectes «À l’origine, aucune ZAC n’était prévue, la Ville achevant à peine la réalisation de la ZAC du centre-ville qu’elle menait en régie. Par ailleurs, les droits de construire sur les terrains Renault avaient déjà été acquis depuis 2000 par le consortium DBS. Une approche innovante a permis de transformer une opération immobilière d’envergure en projet d’aménagement urbain.»(p5) (8) Dossiers de création et de réalisation de la ZAC Seguin Rives de Seine, Mairie de Boulogne-Billancourt «La ville entend confier la conduite de ce projet par voie de convention publique d’aménagement à un opérateur unique, une SEM créée à cet effet.» (9) PUCA-BATEX, Bâtiments exemplaires, ZAC Seguin-Rives de Seine ) Boulogne-Billancourt, «Rives de parc», Vinci Immobilier, Lipsky+Rollet Architectes «2.1.1 La mise en place d’une structure de pilotage et de négociation: la SAEM. «La mise en place dès 2003 et 2004 des outils opérationnels permettant l’engagement de l’opération: le PLU (plan local d’urbanisme), la création et le dossier de réalisation de la ZAC Seguin-Rives de Seine et la SAEM. La réalisation de l’opération d’urbanisation du quartier a ainsi été confiée en 2003, par une convention publique d’aménagement, à la Société anonyme d’économie mixte (SAEM) Val de Seine Aménagement, dirigée par J.L.Subileau.»(p5) (10) Mémoire «La question de la mixité programmatique dans le développement urbain» (2011-2012), Stéphanie Lorefice, tuteur de mémoire: Jean-Louis Violeau ««La taille des terrains à aménager (des dizaines d’hectares), la complexité et la densité programmatique (induites par la situation exceptionnelle des terrains) expliquent certainement cette organisation scientifiquement hiérarchisée, qui permet à la SEM de contrôler toutes les étapes de l’opération.»Extrait de l’article de Raphaël Labrunye, l’Urbanisme Tupperware, Criticat n°3, mars 2009 (architecte, enseignant, conseiller municipal délégué de Boulogne-Billancourt et administrateur de la SAEM Val de Seine).»(p24) (11) Dossiers de création et de réalisation de la ZAC Seguin Rives de Seine, Mairie de Boulogne-Billancourt «3. Programme global prévisionnel des constructions Dans le respect des documents d’urbanisme supra-communale, le programme retenu cherche à assurer une véritable mixité urbaine [permettant tout à la fois l’accueil et le maintien d’une population active qualifiée, une réponse adaptée en matière de logements sociaux, la réalisation d’équipements de proximité et de services et l’implantation d’équipements d’exception]. Pour ce faire, le programme global des constructions [...] sera composé: pour moitié de logements de toutes catégories (accession, locatifs, résidences hôtelières, résidences étudiantes et artistes, résidences personnes agées) [...] Pour moitié de bureaux, activités et équipements.»(p6) (12) Dossiers de création et de réalisation de la ZAC Seguin Rives de Seine, Mairie de Boulogne-Billancourt «Le trapèze et les îlots épars développeront une constructibilité de l’ordre de 720 000m2 HON dont 50% à 60% seront réservés à l’habitat. La présence d’équipements publics exceptionnels et de proximité, de services, d’activités commerciales et de bureaux, répartis de manière équilibrée, garantira la mixité indispensable à la vie urbaine, dans une ville «parc», à la fois résidentielle et active.» (p7) (13) Dossiers de création et de réalisation de la ZAC Seguin Rives de Seine, Mairie de Boulogne-Billancourt Extrait du Schéma Directeur de la Région Île de France (SDRIF) «Le projet urbain sera un projet fort et moderne, tout en étant attentif à l’histoire du site et au tissu urbain avoisinant. S’inscrivant dans une démarche innovante, il assurera la diversité et la complémentarité entre les différents types d’activités de la ville [...] La position de carrefour de ce secteur, permet d’envisager un urbanisme exemplaire, mêlant activités, logements et équipements.»(p8) (14) Dossiers de création et de réalisation de la ZAC Seguin Rives de Seine, Mairie de Boulogne-Billancourt

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«Extrait du Schéma Directeur du Val de Seine: «l’opération d’aménagement des terrains Renault [...] devra respecter l’essentiel des orientations présentées dans le Schéma Directeur et notamment pour ce qui concerne la programmation: - Réalisation d’opérations favorisant la mixité fonctionnelle habitat, équipements, bureaux et activités, services et commerces - Un effort particulier sera à faire pour accueillir des services, des commerces de proximité et des activités de production dont la régression trop importante menace l’équilibre des villes du Val de Seine.»(p10) (15) Dossiers de création et de réalisation de la ZAC Seguin Rives de Seine, Mairie de Boulogne-Billancourt «La conception générale de l’aménagement, par la générosité des espaces publics plantés qu’elle propose et par les cheminements traversants ou les jardins intérieurs ménagés au coeur du bâti, sera le premier facteur d’agrément pour les habitants et les usagers du nouveau quartier.»(p8)

(b) Le plan d’aménagement de P.Chavannes

(16) Où va la ville aujourd’hui, J.Lucan, Edition de La Villette (2012) (p101) (17) Cf. Dossiers de création et de réalisation de la ZAC Seguin Rives de Seine, Mairie de Boulogne-Billancourt, article 2.6.2 (18) Cf. Dossiers de création et de réalisation de la ZAC Seguin Rives de Seine, Mairie de Boulogne-Billancourt «Projet lauréat de Chavannes: «Il propose une partition d’axes majeurs dans le prolongement des rues existantes, de voies de desserte, de chemins de traverse et d’espaces domestiques plus intimes. Les nouvelles voies sont conçues pour accueillir les circulations douces.» (19) Cf. Entretien avec Bruno Vanhoesbruck d’UAPS, 25 novembre 2014 (20) PUCA-BATEX, Bâtiments exemplaires, ZAC Seguin-Rives de Seine ) Boulogne-Billancourt, «Rives de parc», Vinci Immobilier, Lipsky+Rollet Architectes «3.2.3 Une évolution dans la conception des coeurs d’îlots. Ce réseau de cours, de rues et de traverses détermine la forme et la taille des îlots. Cette conception limitant les voies génère en effet de grands îlots (200 à 400m de long sur 200 à 150m de profondeur), soit un espace d’un seul tenant de 3 à 6 ha, supportant un programme de construction de 30 000 à 50 000m de SHON, ce qui est important. En innovant sur la conception de ces macro-lots, l’urbaniste coordonnateur du secteur du Trapèze, souhaitait que les coeurs d’îlots soient ouverts à tous, cette ouverture étant à la base du concept de développement durable sur le nouveau quartier. En permettant de traverser à pieds les macro-lots, ces grands espaces intérieurs contribuent à la respiration du quartier et à sa porosité: ils ne pouvaient rester à usage privatif de quelques privilégiés.» (21) Entretien avec Bruno Vanhoesbruck d’UAPS, 25 novembre 2014 (22) PUCA-BATEX, Bâtiments exemplaires, ZAC Seguin-Rives de Seine ) Boulogne-Billancourt, «Rives de parc», Vinci Immobilier, Lipsky+Rollet Architectes «3.2.4 Les «sentes» ou passages traversant les coeurs d’îlots. Un réseau de traverses secondaires assure une «capillarité de la trame paysagère» en traversant ces jardins intérieurs de coeur d’îlot. Il reconstitue les passages intérieurs d’îlot des coeurs de villes anciens (traboules, passages) et permet de traverser de part en part le quartier en évitant de contourner les îlots de taille importante et de profiter de la présence des jardins et des vues lointaines.»(p24) (23) PUCA-BATEX, Bâtiments exemplaires, ZAC Seguin-Rives de Seine ) Boulogne-Billancourt, «Rives de parc», Vinci Immobilier, Lipsky+Rollet Architectes «2.5 Présentation du projet retenu 2.5.1 Les grands principes d’aménagement Le Plan de référence représente à ce stade des études le document qui synthétise les principales orientations du projet d’aménagement pour la ZAC Seguin Rives-de-Seine. [Suit les «4 principes fondateurs» énoncés par J-P Fourcade, le Sénateur-Maire de Boulogne-Billancourt, dont l’une dantre elle est:] «la mixité urbaine et l’intégration des activités commerciales et des équipements de proximité.»» (24) PUCA-BATEX, Bâtiments exemplaires, ZAC Seguin-Rives de Seine ) Boulogne-Billancourt, «Rives de parc», Vinci Immobilier, Lipsky+Rollet Architectes(p5)

(c) Un exemple de référence d’«urbanisme négocié»?

(25) Où va la ville aujourd’hui, J.Lucan, Edition de La Villette (2012)«Trois rôles différents se dessinent [pour les architectes impliqués sur ces opérations]: (1) Le maître d’oeuvre urbain qui conçoit les plans d’ensemble (2) L’architecte à qui est confié la coordination d’un macrolot (3) L’architecte a qui est confié un programme architectural particulier»(p101) (26) Où va la ville aujourd’hui, J.Lucan, Edition de La Villette (2012) «Dans des macrolots qui impliquent plusieurs maîtres d’ouvrage -comme c’est le cas du Trapèze à Boulogne-Billancourt-, l’un d’entre eux assure la coordination des autres; ce maître d’ouvrage devient de fait le maître d’ouvrage leader. Dans un macrolot, le ou les maîtres d’ouvrage peuvent céder tout ou partie de bâtiments, à des investisseurs ou des bailleurs, qui sont maintenant appelés des utilisateurs, désignation dont l’usage est récemment devenu courant. [...] Dans les opérations de vaste ampleur, qui le plus souvent sont dans une ZAC, un macrolot implique un maître d’ouvrage leader et plusieurs autres maitres d’ouvrage utilisateurs.»(p89-90)

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(27) PUCA-BATEX, Bâtiments exemplaires, ZAC Seguin-Rives de Seine ) Boulogne-Billancourt, «Rives de parc», Vinci Immobilier, Lipsky+Rollet Architectes «2.1 Un mode de gouvernance fondé sur le partenariat.» «[Mise en place et affinement d’une méthode d’approche par la SAEM pour gérer cet important chantier.] Elle a défini un protocole de travail rigoureux permettant la négociation entre le vendeur (Renault), la Ville, la SAEM (porteuse des projets de dvpt durable de la Ville) et le consortium de promoteurs DBS.»(p7) (28) PUCA-BATEX, Bâtiments exemplaires, ZAC Seguin-Rives de Seine ) Boulogne-Billancourt, «Rives de parc», Vinci Immobilier, Lipsky+Rollet Architectes «J-L Subileau s’est appuyé sur la loi SRU, votée en décembre 2000, qui permettait de faire assumer par les promoteurs construisant une opération la charge de viabilisation des terrains et une participation de chacun aux équipements, condition de l’octroi du permis de construire. Ce protocole de négociation permanente a permis d’assurer la répartition des charges et des participations aux équipements publics et aux dépenses d’aménagement entre chacun des promoteurs intervenant sur le site. [...] Les promoteurs acquittent auprès de Renault le prix des droits à construire dès l’attribution du permis de construire purgé de tout recours en même temps que leurs participations auprès de la SAEM. Ils rétrocèdent à 1 euro symbolique les terrains supportant des espaces publics ou des équipements qui seront aménagés ou construits par cette dernière.»(p7) (29) Revue AMC n°176, Février 2008, Document «Ile Seguin Rives de Seine, une fabrique de la ville» p136-167 (p139) (30) Revue AMC n°176, Février 2008, Document «Ile Seguin Rives de Seine, une fabrique de la ville» p136-167 «Du point de vue des promoteurs, le projet Seguin-Rives de Seine représente des aspects techniques, commerciaux, programmatiques et humains enrichissants. Avec un PLU contraignant tant pour ces derniers que pour les architectes, le dialogue n’est pas toujours facile notamment lors du chiffrage des opérations.»(p139) (31) PUCA-BATEX, Bâtiments exemplaires, ZAC Seguin-Rives de Seine ) Boulogne-Billancourt, «Rives de parc», Vinci Immobilier, Lipsky+Rollet Architectes(p7) (32) Dossiers de création et de réalisation de la ZAC Seguin Rives de Seine, Mairie de Boulogne-Billancourt (33) PUCA-BATEX, Bâtiments exemplaires, ZAC Seguin-Rives de Seine ) Boulogne-Billancourt, «Rives de parc», Vinci Immobilier, Lipsky+Rollet Architectes(p13) (34) Où va la ville aujourd’hui, J.Lucan, Edition de La Villette (2012) «[«L’urbanisme négocié» décrit par N.Michelin:] La méthode consiste en ce que la puissance publique choisisse les maîtres d’ouvrage ou s’associe à eux dès le départ, mette au point le cahier des charges architecturales et urbaines avec eux, puis consulte et choisisse les architectes -par concours quelquefois, mais plus souvent sur dossier ou après entretien-, un maître d’ouvrage ayant droit de veto lors d’une consultation d’architectes. Le déroulé d’une opération est scandé par des réunions de coordination, workshops pendant lesquels se règlent la plupart des problèmes rencontrés, lieux de prises de décision qui engagent tous les partenaires de l’opération.» (35) Où va la ville aujourd’hui, J.Lucan, Edition de La Villette (2012) «De cette méthode est bien sur attendue une rapidité d’exécution, du fait de la négociation préalable avec tous les acteurs: les maîtres d’ouvrage privés entendent valoriser le plus rapidement possible les terrains qu’ils ont acquis et les bâtiments qu’ils ont construits.»(p100) (36) Mémoire «La question de la mixité programmatique dans le développement urbain» (2011-2012), Stéphanie Lorefice, tuteur de mémoire: Jean-Louis Violeau »Extrait de l’article de Raphaël Labrunye, l’Urbanisme Tupperware, Criticat n°3, mars 2009 (architecte, enseignant, conseiller municipal délégué de Boulogne-Billancourt et administrateur de la SAEM Val de Seine).»(p24) (37) PUCA-BATEX, Bâtiments exemplaires, ZAC Seguin-Rives de Seine ) Boulogne-Billancourt, «Rives de parc», Vinci Immobilier, Lipsky+Rollet Architectes(p11) (38) Cf. Entretien avec Bruno Vanhoesbruck d’UAPS, 25 novembre 2014

2) Le Macrolot B2 et le projet d’UAPS en phase concours (a) UAPS: un «maître-d’oeuvre coordonnateur»

(1) Informations tirées d’un entretien avec Bruno Vanhoesbruck d’UAPS, réalisé le 25 novembre 2014

(b) L’organisation générale du macrolot

(2) Entretien avec Bruno Vanhoesbruck d’UAPS, 25 novembre 2014 (3) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley (p66)

(c) Le dessin de l’«espace commun» en phase concours. Un espace fédérateur?

(4) Informations tirées d’un entretien avec Bruno Vanhoesbruck d’UAPS, réalisé le 25 novembre 2014

3) L’évolution du projet en phase études (a) Évolutions générales du projet

(1) Revue AMC n°176, Février 2008, Document «Ile Seguin Rives de Seine, une fabrique de la ville» p136-167 (p139) (2) Revue AMC n°176, Février 2008, Document «Ile Seguin Rives de Seine, une fabrique de la ville» p136-167 «Chaque architecte-coordinateur développe ses propres méthodes de travail et sa manière particulière de prendre en main son équipe.»(p139) (3)Architecture Intérieure CREE, n°349 (décembre-janvier 2010-2011). Auteur: F.Miallet (p71)

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(b) Évolution du dessin de l’«espace commun»

(4) Entretien avec Bruno Vanhoesbruck d’UAPS, 25 novembre 2014 (5) Informations tirées d’un entretien avec Bruno Vanhoesbruck d’UAPS, réalisé le 25 novembre 2014

4) Réalisation: les derniers réglages en phase chantier? (a) De nouvelles transformations de l’espace commun

(1) Informations tirées d’un entretien avec Bruno Vanhoesbruck d’UAPS, réalisé le 25 novembre 2014 (2) Informations tirées d’un entretien avec Bruno Vanhoesbruck d’UAPS, réalisé le 25 novembre 2014

(b) Retour sur expérience: repenser cette dessin des découpages de l’espace commun? (3) Entretien avec Bruno Vanhoesbruck d’UAPS, 25 novembre 2014

2. Le «Jardin sur le toit» (Quartier Vignoles-Est, Paris XXe) 1) La situation initiale et le contexte d’émergence du projet (a) Contexte général: La restructuration de l’îlot Vignoles Est

(1) Où va la ville aujourd’hui, J.Lucan, Edition de La Villette (2012) (p99) (2) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014 (3) Entretien avec F.Giboudeaux de la mairie du XXe arrondissement, 30 octobre 2014

(b) Un «secteur de plan-masse» plutôt qu’une ZAC

(4) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014 (5) Entretien avec F.Giboudeaux de la mairie du XXe arrondissement, 30 octobre 2014 (6) Entretien avec F.Giboudeaux de la mairie du XXe arrondissement, 30 octobre 2014 (7) Entretien avec F.Giboudeaux de la mairie du XXe arrondissement, 30 octobre 2014 F.G.: L’imbrication fine de programmes différents est l’intérêt urbain de l’opération. [...] Dans une opération complétement publique, c’est aussi plus facile.» (8) Entretien avec F.Giboudeaux de la mairie du XXe arrondissement, 30 octobre 2014 F.G.: Moi, je pense que le recours dans un projet d’aménagement à ce principe de mixité programmatique est indispensable. Il faut à chaque fois se réinterroger sur les besoins,et arriver à articuler le paysage, les fonctions... À partir de l’histoire du quartier, de son potentiel, on retravaille avec les opérateurs pour faire la mixité fonctionnelle. Et encore, à l’époque, on n’était qu’en même pas au point d’imaginer qu’on pouvait avoir plusieurs types de logements dans le même bâtiment. Là, il y a [différents types de logements dans un même bâtiment d’habitation...?]. Alors que maintenant, on arrive à retricoter encore plus fin la mixité des financements au sein-même d’un même bâtiment.» (9) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014 P.S.: Le principe de mixité programmatique est abordé avant le résultat du concours, pas après. On est habitué chez Paris Habitat à réaliser pour le compte de la ville des équipements en adjonction à nos constructions d’immeubles : on le fait très souvent. Donc on construit des crèches, des haltes-garderies, des ateliers d’artistes, des PMI, des centres sociaux, des maisons médicales, des écoles, des gymnases... Celui-ci n’est pas le premier, ni le seul ou le dernier. La ville nous donne son programme fonctionnel, et on s’efforce d’intégrer ce programme fonctionnel en complément de notre programme de logements pour arriver à une commande passée à l’architecte qui soit cohérente.» (10) Entretien avec F.Giboudeaux de la mairie du XXe arrondissement, 30 octobre 2014 «Alors que maintenant, on arrive à retricoter encore plus fin la mixité des financements au sein-même d’un même bâtiment. On a plein de possibilités aujourd’hui. Et c’est comme ça qu’il faut travailler, parce qu’on peut dire «vivre ensemble», ça ne veut rien dire. [L’important], c’est comment on arrive à faire en sorte que des gens se croisent, qu’ils aient des choses à faire ensemble, c’est en travaillant sur un urbanisme à l’échelle assez fine.»

(c) Définition et retour sur les prescriptions du secteur de plan masse

(11) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014 (12) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014 (13) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014 (14) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014 P.S.: «La difficulté, c’est que là, il y avait une incompatibilité absolue entre le programme et le secteur de plan-masse tel qu’il avait été décidé, compte tenu de la présence de ce gymnase. Donc soit on faisait le secteur de plan masse, et on faisait quasiment pas de logements; soit on faisait le programme, et on ne pouvait pas respecter ce secteur de plan-masse.» (15) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014 (16) Entretien avec Christine Beyssere de TOA, 24 Juin 2014

(d) Lancement d’un nouveau concours (2006) et «jardin solidaire»: émergence d’une nouvelle contrainte

(17) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014 P.S.:«C’était au total une opération relativement complexe; l’ensemble faisait plus de 60 logements: 35 plus le gymnase, [auxquels s’ajoutent] 25 en réhabilitation par petit bout dans différents secteurs.»

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(18) Entretien avec Christine Beyssere de TOA, 24 Juin 2014 (19) Entretien avec F.Giboudeaux de la mairie du XXe arrondissement, 30 octobre 2014 (20) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014 (21) Entretien avec F.Giboudeaux de la mairie du XXe arrondissement, 30 octobre 2014 F.G.:Le jardin répondait à des vrais besoins du quartier, de vivre-ensemble, de faire des fêtes... C’était très vivant, très intéressant. Et en même temps, il y avait ce gymnase et cet engagement -c’était un engagement politique, compris dans le contrat de la mandature et aussi dans l’engagement du maire d’arrondissement quand il a été élu-, donc c’était quelque chose d’assez fort. Donc on a essayé, voyant que ça allait être peut-être un peu difficile et que c’était intéressant peut-être de garder cette activité de jardin, de trouver un autre emplacement du gymnase dans le quartier; on n’a pas trouvé, c’était déjà plein et -comment dire- les impératifs techniques étaient très compliqués pour ce type d’équipement, donc on a maintenu le gymnase. Donc il y a eu une période assez compliquée: pétitions, réunions dans le quartier avec les pours et les contres, ça a été un moment un petit peu chaud de mon mandat, puisque j’étais adjointe à l’urbanisme... Tout ça fait parti de la vie démocratique, c’est bien qu’il y ait des débats sur des questions comme ça !

2) Le «Jardin sur le toit», et le projet de TOA en phase concours (a) Trois fonctions au lieu de deux? Le dessin général du projet

(1) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014 (2) Entretien avec Christine Beyssere de TOA, 24 Juin 2014 (3) Entretien avec Christine Beyssere de TOA, 24 Juin 2014 C.B.:«L’histoire du lieu a alors beaucoup influée sur notre choix; c’est-à-dire qu’avant de lancer ce projet-là, des bâtiments avaient été démolies sur le site, et il avait bénéficié d’un bail d’occupation précaire pour un jardin associatif, qui était le «Jardin solidaire», une association qui faisait des animations, avait planté un certain nombre d’arbres, etc... sur le site et qui avait généré de vrais usages sur le site, des usages de jardinages, de créations de liens entre les riverains, de projections de films l’été, etc... Tout cela a beaucoup nourri notre réflexion. On s’est dit que c’était une vrai vie de quartier qui se passait là-dessus, il y avait une histoire de jardin, et donc assez naturellement, l’idée du jardin est venue pour occuper cet espace-là.»

(b) Le dessin des «espaces communs» en phase concours

(4) Conférence de Christelle Besseyre (architecte associée de TOA), juin 2012 «lieu de transition entre l’espace public et l’espace privé: une impasse fermée la nuit, ouverte le jour qui permet aux locataires des logements d’accéder à leurs bâtiments par un accès indépendant, comme aux membres de l’association d’accéder au jardin. Enfin, le bâtiment mitoyen ancien -réhabilité depuis, y a placé quelques-unes de ses sorties. On a vu avec cette impasse le potentiel d’un partage des espaces de transition entre les différents programmes.» (5) Cf. (3) (6) Entretien avec Christine Beyssere de TOA, 24 Juin 2014

3) L’évolution du projet en phase études (a) Position des différents acteurs autour du projet de concours

(1) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014 «Ce qui a emporté le morceau, c’est d’abord la qualité globale du projet et l’idée que ça véhiculait, dans un arrondissement qui est quand même très construit, où les espaces verts ne sont pas pléthore. La 2e idée, c’était un peu de faire un retour sur le jardin spontané et solidaire qui avait été créé en réoffrant quelque chose qui soit un espace de convivialité aux gens du coin, le statut de cet espace-là ayant d’ailleurs été ensuité à définir, et ça s’est fait tout au long de la construction.» (2) Entretien avec F.Giboudeaux de la mairie du XXe arrondissement, 30 octobre 2014 F.G.: Il y avait aussi un grand portage de Paris Habitat / l’OPAC; le chef de projet avait vraiment envie de le faire. Il disait que ça faisait un équipement supplémentaire [il aurait normalement fallu acheter du foncier pour faire un jardin] est très très intéressante.» (3) Entretien avec F.Giboudeaux de la mairie du XXe arrondissement, 30 octobre 2014 «[L’OPAC] avaient aussi donné des arguments d’intérêt général du quartier, pas seulement de leurs opérations immobilières, qui ont porté en faveur de cette dynamique. On avait donc un architecte très motivé, des élus qui pensaient que c’était un moyen de trouver un compromis, de sortir de cette histoire un peu difficile pour nous, pour montrer qu’on avait fait une proposition au quartier, et l’OPAC, qui y voyait sans doute aussi une forme d’innovation.

(b) Le dessin des «espaces communs» en phase concours

(4) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014 P.S.:«Ce projet était hors-programme puisqu’il était beaucoup plus coûteux du fait de ce jardin -qui coûtait presque deux millions d’euros, donc sur le projet d’ensemble ça pesait quand même.» (5) Entretien avec F.Giboudeaux de la mairie du XXe arrondissement, 30 octobre 2014 (6) Entretien avec F.Giboudeaux de la mairie du XXe arrondissement, 30 octobre 2014 (7) Entretien avec Christine Beyssere de TOA, 24 Juin 2014 (8) Entretien avec F.Giboudeaux de la mairie du XXe arrondissement, 30 octobre 2014 (9) Entretien avec Christine Beyssere de TOA, 24 Juin 2014

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(10) Entretien avec Christine Beyssere de TOA, 24 Juin 2014 C.B.: La position des différents acteurs autour de cette question de l’espace partagé est simple ! ils ont choisi ce projet là. Même avant ça, le programme était conçu ainsi. C’est un programme mixte, avec un gymnase, des logements. Déjà, cette mixité-là, elle existait en terme d’envie dans un même site. Alors, vous avez raison: le gymnase a son entrée là, les logements leur entrée là... Chacun est assez indépendant. Après, effectivement:beaucoup s’accorde à dire que la mixité, c’est ce qui fait la ville d’aujourd’hui et c’est sans doute ce qui fera la ville de demain. Néanmoins, ça génère des difficultés de «faire cotoyer» des rythmes parfois différents, des usages qui sont différents, donc effectivement, ça demande beaucoup de réflexion pour que ça se passe bien, c’est évident, mais je crois que tout le monde est favorable à ça. L’essentiel, c’est que ça soit cadré, de façon à ce que ça soit fait le mieux possible. C’est ça qui est passionnant. (11) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014 P.S.: Il y a eu une concertation publique qui s’est faite sous forme de réunions publiques qui se sont tenues soit sur place, soit à la mairie du XXe arrondissement, réunion au cours desquelles le projet a été présenté aux habitants (concertation avec les habitants). Pour ce qui concerne la concertation avec les différentes administrations de la ville, c’est notre quotidien. Donc ça s’est fait ordinairement, on a travaillé avec la DJS sur l’organisation du volume du gymnase, sa fonctionnalité, ses équipements, son accessibilité, etc... Ses modalités de fonctionnement, puisque le gymnase est enclavé dans notre parcelle, donc il faut bien définir qui ouvre la porte et qui la ferme, comment on sécurise le site, etc. C’est un travail qui s’est fait, ponctuellement avec chacun des acteurs concernés. C’est donc Paris Habitat qui a assuré la coordination de tout ça, et pas la ville. Donc les relations avec le public se sont faites sous forme de réunion publique avec l’accompagnement de la mairie d’arrondissement, qui a quand même été très présente sur ce projet-là du secteur Réunion, et il y a eu des réunions avec les services de la ville qui sont des réunions plutôt techniques, qui sont des réunions de mise au point de projet.» (12) Entretien avec Christine Beyssere de TOA, 24 Juin 2014 C.B.: Paris Habitat était le maître d’ouvrage qui menait à bien ce projet pour faire des logements pour Paris Habitat et pour faire un gymnase qui était pour la Direction de la Jeunesse et des Sports. Donc notre interlocuteur principal et contractuel était Paris Habitat, néanmoins toutes les réunions concernant le gymnase se faisaient avec la DJS; et s’est rajoutée par cette proposition la Direction des Espaces Verts. (13) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014 P.S.: «On était le maître d’ouvrage puisqu’une fois le plan masse défini, l’opération devait être gérée par le MO qui était en plus propriétaire des terrains puisqu’on avait acquis au fil du temps.» (14) Entretien avec Christine Beyssere de TOA, 24 Juin 2014 C.B.: «Vous posez des questions de l’ordre de la gestion, de l’ordre des divisions, etc... C’est éminemment complexe. Je rappelle le sandwich: le parking, le gymnase, les logements, le jardin, etc...»

(b) Évolutions générales du projet

(15) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014 P.S.: Le projet initial a fait le redécoupage en volume des différents programmes.,il n’a donc pas fallu revenir dessus. (16) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014 P.S.: In fine, la ville est propriétaire du jardin et du gymnase, on le lui a construit et vendu, sur la base du projet qu’on a mis au point avec nôtre maître d’oeuvre. Donc le volume a été défini par le projet. La ville se fiche du volume, ce qu’elle veut, c’est un gymnase qui marche. Elle a demandé un gymnase, elle a un gymnase. Donc la division se fait au vu du projet; et elle se fait plutôt au moment où on démarre les travaux. Elle se fait sur la base des Permis de Construire.» (17) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014 (18) Entretien avec Christine Beyssere de TOA, 24 Juin 2014 C.B.: Nécessairement, nous avons conçu dès le concours ces programmes comme indépendants les uns des autres. On est en ville, en ville dense, et les résidences sont fermées, nécessairement fermées pour éviter les intrusions, etc... et naturellement pour limiter la propriété ! Donc, il était assez évident pour nous de prévenir certaines choses. (19) Entretien avec Christine Beyssere de TOA, 24 Juin 2014 (20) Entretien avec Christine Beyssere de TOA, 24 Juin 2014 (21) Entretien avec Christine Beyssere de TOA, 24 Juin 2014 C.B.: Nécessairement, nous avons conçu dès le concours ces programmes comme indépendants les uns des autres. On est en ville, en ville dense, et les résidences sont fermées, nécessairement fermées pour éviter les intrusions, etc... et naturellement pour limiter la propriété ! (22) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014 P.S.: «Sur ce projet-là effectivement, on est allé très très loin dans le détail sur les problèmes de fonctionnalité des logements; parce que le fait de créer ce gymnase au milieu posait quelques difficultés. [...] l’objectif était d’avoir un maximum de logements avec deux expositions, tout en tenant compte évidemment de la présence du gymnase. C’est donc le travail de mise au point du projet qui l’a permis. Celui-ci se faisait de manière conjointe avec la ville et les services pour rester compatible. C’est-à-dire qu’on n’a pas enfoncé le gymnase dans le sol pour avoir d’avantage de vues, on n’a pas surélevé nos immeubles -de toutes façons on avait un plafond de hauteur qui était très bas- on est dans le strict respect du POS (puisqu’on était encore dans le POS à ce moment-là), et donc c’est toute une gymnastique qu’on a fait d’agencement des différents volumes pour arriver à avoir la bonne qualité». (23) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014 P.S.: «Quand on peut, on essait d’éviter ces espaces collectifs privés communs entre nos différents programmes.»

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(24) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014 P.S.: Quand dans un immeuble on a des logements et une crèche, on a un certain nombre de choses communes. pas beaucoup, on essaie d’en avoir le moins possible, mais on a quand même un certain nombre de choses en commun. Et donc, lorsqu’on va céder à la ville le volume de la crèche -parce qu’en général, on leur vend- on le fait dans le cadre d’un acte de vente qui précise les conditions dans lesquelles le partage des dépenses ultérieures va être fait. Et après, on met en oeuvre. (25) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014 (26) Entretien avec Christine Beyssere de TOA, 24 Juin 2014 C.B.: «Je peux vous prendre pour exemple le massif en pied d’escalier. C’est Paris Habitat qui gère ce pied-là, et en même temps, pour les services des espaces verts de Paris Habitat, c’était là un espace atypique; alors qu’il y avait des envies, par exemple de Françoise (de Lafayette Accueil), de travailler sur ce «jardin»-là, ce pied d’escalier. Donc effectivement, les questions de gestion nous concernent nous en tant que concepteurs en vue d’amener des solutions qui fonctionnent, et ça concerne éminemment les services de gestion des maîtres d’ouvrage pour nous indiquer les moyens qu’ils ont et comment on peut y parvenir.» NB: l’entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH m’a permis d’identifier les deux gestionnaires de cet espace, que supposait simplement Mme Besseyre. Il s’agit donc de la DEV (propriétaire du jardin) et de la DJS (propriéraire du gymnase). La difficulté éprouvée par les différents acteurs impliqués -même aujourd’hui- les gestionnaires précis de cet «espace commun» exprime bien l’indétermination foncière de ce dernier...

(d) Évolution du dessin des «espaces communs»: le «jardin sur le toit»

(27) Entretien avec F.Giboudeaux de la mairie du XXe arrondissement, 30 octobre 2014 (28) Entretien avec Christine Beyssere de TOA, 24 Juin 2014 (29) Entretien avec F.Giboudeaux de la mairie du XXe arrondissement, 30 octobre 2014 F.G.: On avait proposé à l’association qui avait le jardin partagé d’être le futur gestionnaire, ils n’ont pas voulu Parce que ça n’était pas la même chose, pas un jardin de pleine terre, c’était pas la même dynamique... Ils n’ont pas voulu gérer le jardin. Donc on est allé cherché une association dans le XXe qui faisait déjà du jardinage sur dalle, «béton saint-Blaise», qui avec Lafayette Accueil à l’époque avaient accepté de s’impliquer dans ce projet. (30) Entretien avec Christine Beyssere de TOA, 24 Juin 2014 (31) Entretien avec F.Giboudeaux de la mairie du XXe arrondissement, 30 octobre 2014 F.G.: On a donc eu au début des réticences sur ces questions-là; pour justement arriver à faire en sorte que ça fonctionne, il y a eu pas mal de discussions avec le maître d’ouvrage pour arriver à faire en sorte que ce jardin ne provoque pas de nuisances. Donc il a fait tout un système avec des bacs modulaires qui peuvent s’enlever; c’est-à-dire que s’il y a une fuite, c’est pas tout le jardin qu’il faut enlever, c’est seulement sous l’endroit où il y a le problème. De façon assez ingénieuse, il a trouvé des solutions pour faire en sorte qu’il y ait le moins de problème possible dans la suite pour la gestion.»

4) Réalisation: les derniers réglages en phase chantier? (a) De nouvelles transformations des espaces communs?

(1) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014 P.S.:«Paris Habitat est le gestionnaire de ce passage, et est d’ailleurs à l’origine de la porte à l’entrée.» (2) Entretien avec Christine Beyssere de TOA, 24 Juin 2014 (3) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014 (4) Entretien avec F.Giboudeaux de la mairie du XXe arrondissement, 30 octobre 2014 F.G.: Le week-end, il est ouvert aux habitants, le mercredi aux écoles, il y a un centre social qui vient, c’est pas uniquement l’association qui s’occupe des personnes aux RSA, il est vraiment ouvert tout le temps, utilisé tout le temps. C’était d’ailleurs la condition qu’on avait mis, c’était «vous ne le fermez pas dans votre activité, il faut qu’il soit ouvert le weekend».

(b) Retour sur expérience: une réussite théorique?

(5) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014 (6) Entretien avec Christine Beyssere de TOA, 24 Juin 2014 (7) Entretien avec F.Giboudeaux de la mairie du XXe arrondissement, 30 octobre 2014 F.G.: [Ilot Fréquel-Fontarabie] On a anticipé pour ne pas qu’il y ait de passages fermés ! Donc ils sont publics. [Il y a donc eu une acquisition des sols.] C’est un îlot qui est un peu plus grand que Vignoles-Est. On a trouvé une solution: les accès se font à l’extérieur de l’îlot (car le problème de la sécurité a été posé) et par contre, on traverse l’intérieur par des passages publics. Et ils donnent accès à des équipements publics: une crèche, un jardin. On n’a pas eu ce problème avec les bailleurs sociaux qui construisaient, puisque de toute façon leur accès se faisaient par l’extérieur.[...] C’est le même quartier, la Réunion, et c’est les mêmes questions qui sont posées. Sauf que là, on étaient murs. En 2001, je découvrais, en tant que photographe de formation ! Pour celui-ci, j’avais retenu les leçons de Vignoles-Est. Les traversées, le statut du foncier, le patrimoine, les usages, la mixité des fonctions, enfin... Tout ça a été très bien discuté dans le PLU, dans la participation.»

Partie III: SAISIR... A/ Maîtriser l’espace commun Règlementer et entretenir: la gestion «venue d’en haut»? 177


1. Modalités d’entretien des opérations considérées 1) Propriétaire(s) et gestionnaire(s) de l’espace commun (a) Macrolot B2: Une assemblée de copropriétaire/gestionnaires

(1) PUCA-BATEX, Bâtiments exemplaires, ZAC Seguin-Rives de Seine ) Boulogne-Billancourt, «Rives de parc», Vinci Immobilier, Lipsky+Rollet Architectes «Des AFUL, mises en place sur chaque macro-lot, regroupant les représentants des copropriétés entourant ce dernier, sont chargées de l’entretien des espaces de coeurs d’îlots et de leur accessibilité temporaire aux usagers extérieurs»(p76) (2) Entretien avec Bruno Vanhoesbruck d’UAPS, 25 novembre 2014

(b) «Jardin sur le toit»

(3) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014 P.S.:» Cette situation est fréquente, et ne concerne pas que Paris Habitat. La division en volume est un acte tout à fait courant. Seulement, c’est sur que quand vous êtes propriétaire d’un volume au 14e étage d’une toutr de 32 étages; vous êtes propriétaire de votre volume, mais pour accéder à votre volume, vous devez utiliser des parties communes. Il y a deux façons de le gérer: la 1e, c’est d’être copropriétaire de l’ensemble de l’immeuble et donc vous n’êtes plus propriétaire de votre volume, mais de millième de copropriété, et une partie de ce millième est représentative des parties communes; soit vous êtes propriétaires de votre volume (c’est ce qu’on fait avec la ville) et vous bénéficiez d’une servitude pour le désenclavement de votre propriété à travers la propriété de quelqu’un d’autre.»

2) Des modes de gestions différents (a) Macrolot B2

(4) PUCA-BATEX, Bâtiments exemplaires, ZAC Seguin-Rives de Seine ) Boulogne-Billancourt, «Rives de parc», Vinci Immobilier, Lipsky+Rollet Architectes «Par ailleurs, la volonté de réaliser une ville «passante» par un réseau de traverses et de sentes traversant les espaces verts de coeur d’îlot (préservation des continuités paysagères, servitude de passage, voir supra), complétant le réseau des traverses principales publiques doit encore être approprié par les habitants. Des AFUL, mises en place sur chaque macro-lot, regroupant les représentants des copropriétés entourant ce dernier, sont chargées de l’entretien des espaces de coeurs d’îlots et de leur accessibilité temporaire aux usagers extérieurs (répartition des coûts d’entretien, assurances responsabilité civile, etc.) afin que cette volonté de ville passante puisse se pérenniser dans le temps. Ces AFUL peuvent également se voir confier la gestion des parkings sous dalle.»(p76) (5) Entretien avec Bruno Vanhoesbruck d’UAPS, 25 novembre 2014

(b) «Jardin sur le toit»

(6) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014

3) L’élaboration d’un règlement (b) «Jardin sur le toit»

(7) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014

2. Clôre ou ouvrir l’espace commun? La question du contrôle de l’accès 1) Le choix de la clôture. Quel «responsable»? (a) Macrolot B2 (1) Entretien avec Bruno Vanhoesbruck d’UAPS, 25 novembre 2014 (2) Entretien avec Bruno Vanhoesbruck d’UAPS, 25 novembre 2014

(b) «Jardin sur le toit»

(3) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014 (4) Entretien avec F.Giboudeaux de la mairie du XXe arrondissement, 30 octobre 2014 (5) Entretien avec F.Giboudeaux de la mairie du XXe arrondissement, 30 octobre 2014 F.G.: «Au début, c’était ouvert à ces deux endroits [la grille de la rue et celle donnant sur les coursives des logements], et voilà, c’est Paris Habitat qui n’a pas voulu. La seconde grille notamment (donnant accès aux parties communes des logements) a été rajoutée après la réalisation.» (6) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014

2) Modalités d’ouverture (a) Macrolot B2

(7) PUCA-BATEX, Bâtiments exemplaires, ZAC Seguin-Rives de Seine ) Boulogne-Billancourt, «Rives de parc», Vinci Immobilier, Lipsky+Rollet Architectes(p76)

(b) Le «Jardin sur le toit»

(8) Entretien avec Christine Beyssere de TOA, 24 Juin 2014

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B/ S’approprier l’espace commun 1. Une «géographie» des occupants (a) Le Macrolot B2 (b) «Jardin sur le toit»

(1) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014 P.S.: Un gymnase, ça reçoit des classes d’école, avec un prof. Le jardin pédagogique, ça reçoit des classes d’école, avec un prof. Donc le public qu’on reçoit est tout de même un public très spécifique, et encadré. Donc on a globalement pas de problèmes. Après, il y a certes un jardin associatif recevant des personnes en difficulté; mais il y a une association-gestionnaire pour ça. Donc, c’est elle qui est en charge d’encadrer les choses. (2) Entretien avec F.Giboudeaux de la mairie du XXe arrondissement, 30 octobre 2014

2. Proximité spatiale = distance sociale? (b.1) Le «Jardin sur le toit»: l’Impasse Satan

(1) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014 P.S.: Alors effectivement, parfois le gardien a une prise de bec avec la directrice de l’association, parce qu’elle a laissé trainer des cageots de plantes, parce que les gamins ont fait du bruit et que les locataires se sont plaints, parce qu’un caillou aurait volé pour arriver dans la vitre d’un locataire, bon... bah c’est des gosses, hein ! Après voilà, on est dans des relations de voisinage, pas plus pas moins.

(b.2) Le «Jardin sur le toit»: le jardin associatif

(2) Entretien avec F.Giboudeaux de la mairie du XXe arrondissement, 30 octobre 2014 F.G.: Il y a aussi des personnes qui étaient contre, des fervents défenseurs du «jardin solidaire», qui habitent là, dont un chercheur (ou cinéaste...) très remonté contre le projet; qui interpelle la jardinière, etc... Il y a encore des restes de cette histoire conflictuelle. Ils étaient eux pour le maintien de la friche, du «jardin solidaire». (3) Entretien avec Christine Beyssere de TOA, 24 Juin 2014 Visite de l’opération du «jardin sur le toit» - mardi 20/05/2014, 10h-11h30 Matthias: «Ce jardin reste assez difficile à vivre sur certains points. Il arrive que des habitants des logements alentours se plaignent, surtout lorsque des événements exceptionnels sont organisés (même une fête d’après-midi suffi à ennuyer certains riverains, en raison d’une musique un peu trop forte).» (4) Entretien avec F.Giboudeaux de la mairie du XXe arrondissement, 30 octobre 2014 (5) Entretien avec F.Giboudeaux de la mairie du XXe arrondissement, 30 octobre 2014 F.G.:«Il y a aussi des jeunes, qui quand ils étaient enfants allaient sur le jardin en friche, et qui se revendiquent le droit d’aller sur le jardin la nuit... C’est tout le problème de changement... Mais c’est pas simple. Et c’est la jardinière qui gère ça. C’est pas facile pour elle, elle hérite de toute l’histoire ! Alors qu’elle s’occupe de gens fragiles socialement. Elle est avec des gens au RSA qui ont eu aussi besoin d’être protégés. Et puis il y a les personnes du foyer, des personnes handicapées qui montent et tout... Non non, c’est une vraie réussite. Mais c’est vrai qu’au quotidien, j’imagine que c’est pas toujours facile. La mixité des fonctions crée des nouveaux métiers qui ne sont pas encore reconnus. (6) Entretien avec Christine Beyssere de TOA, 24 Juin 2014 (7) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley(p180)

2. De la transformation de l’espace par ses occupants

(1) La Ville et ses possibles, Nicolas Michelin (Ed. du Pavillon de l’Arsenal, Ed. A&J Picard, mars 2005)

1) Adapter l’«espace commun» (a) Le Macrolot B2 (b.1) «Jardin sur le toit»: l’impasse Satan (b.2) «Jardin sur le toit»: le jardin associatif

(2) Entretien avec Christine Beyssere de TOA, 24 Juin 2014

2) De l’aseptysation volontaire de l’espace commun? (a) Le Macrolot B2

(3) Dossiers de création et de réalisation de la ZAC Seguin Rives de Seine, Mairie de Boulogne-Billancourt (p8) (4) Revue Criticat, volume 8, septembre 2011 (p.68) Texte et dessins de Martin Etienne, membre de rédaction de criticat, architecte et illustrateur. (5) Revue D’A n°205, Décembre 2011

(b.1) Le «Jardin sur le toit»: l’impasse Satan

(6) Entretien avec P.Sandevoir de Paris Habitat OPH, 20 novembre 2014 (7) Entretien avec F.Giboudeaux de la mairie du XXe arrondissement, 30 octobre 2014

(b.2) Le «Jardin sur le toit»: le «jardin associatif»

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Annexe

ILLUSTRATIONS Introduction Ill.1 - Photos prises par mes soins entre septembre 2013 et juin 2014

Partie I/ Se représenter...

Ill.1 - Urbanisme, Le corbusier, Éd. Champs Flammarion (p178-179) Ill.2 - Figure extraite de Michel Holley, L’Espace parisien dans l’ouvrage de J.Lucan Où Va la Ville Aujourd’hui? Éditions de La Villette (2012) Ill.3 - Dossier de création de la ZAC de la «tête du Pont de Sèvres», consulté aux archives de la mairie de Boulogne-Billancourt Ill.4 - Document extrait d’un travail d’analyse urbaine réalisé au semestre 9 de Master 2 à l’ENSAPLV, au sein du groupe de projet dirigé par Mr Harari/ Cohen/Gribé/Lavergne en M2, conjointement avec les étudiantes M.Bonnot, C.Mallet au mois d’octobre 2014. Ill.5 - Réalisée par mes soins Ill.6 - IDEM Ill.7 - IDEM Ill.8 - Les Abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley, Éd. de La Villette (p194) Ill.9 - Les Abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley, Éd. de La Villette (p208) Ill.10 - Réalisée par mes soins Ill.11 - Les Abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley, Éd. de La Villette (p186) Ill.12 - Les Abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley, Éd. de La Villette (p198) Ill.13 - Les Abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley, Éd. de La Villette (p209) Ill.14 - Les Abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley, Éd. de La Villette (p225)

Partie II/ Réaliser...

Ill.1 - Document tiré d’un site internet (www.heathershimmin.com) Ill.2 - Document tiré d’un site internet (www.designboom.com) Ill.3 - Document tiré d’un site internet (www.agencebp.com) Ill.4 - Document tiré d’un site internet (www.atelier-phileas.com) Ill.5 - Document tiré d’un site internet (www.franklinazzi.fr) Ill.6&7 - Document tiré d’un site internet (www.perraultarchitecte.com) Ill.8à12 - Documents fournis par l’agence LAN Ill.13 - Extrait de l’article Mixité fonctionnelle et flexibilité programmatique du PUCA (auteur: F.Miallet) Ill.14 - Document tiré d’un site internet (www.herault-juridique.com) Ill.15 - Où Va la Ville Aujourd’hui?, Ouvrage de J.Lucan, Éditions de La Villette, 2012 (p92) Ill.16 - Document tiré d’un site internet (www.louispaillard.com) Ill.17 - Photo prise par mes soins le 13 mai 2014 Ill.18 - Document tiré d’un site internet (http://data.parismetropole2020.com/) Ill.19 - Document tiré d’un site internet (www.aaupc.fr) Ill.20 - Document issu du book d’UAPS publié en 2011 Ill.21 - Où va la ville? de J.Lucan Ill.22 à 29 - Documents tirés du site internet d’UAPS (www.uaps.net) Ill.30 & 31 - Photos prises par mes soins le 20 mai 2014 Ill.32 à 41 - Documents tirés du site internet de TOA (www.toa-archi.com)

Partie III/ Saisir...

Ill.1 à 3- Photos prises par mes soins le 22 mai 2014 Ill.4 - Document tirés du site internet de TOA (www.toa-archi.com) Ill.5 à 7- Photos prises par mes soins le 8 juin 2014 Ill. 8 et 9 - Document tirés du site internet de TOA (www.toa-archi.com)

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Annexe

BIBLIOGRAPHIE 1. Ouvrages bibliographiques (1.1) Urbanité, sociabilité et intimité. Des logements d’aujourd’hui. M.Eleb, A-M Châtelet. Les éditions de l’Epure, collection «Recherche d’architecture». Avec le concours du Plan Construction (1997) (1.2) Entre confort, désir & normes: le logement contemporain(1995-2012), M.Eleb, P.Simon, Ed. Mardaga (2012) (1.3) Où va la ville aujourd’hui, J.Lucan, Edition de La Villette (2012) (1.4) Logement, matière de nos villes. Chronique européenne (1900-2007), Nasrine Seraji (1.5) Les écoquartiers, P.Lefèvre et M.Sabard. Ed.Apogée, février 2009 (1.6) La Ville et ses possibles, Nicolas Michelin (Ed. du Pavillon de l’Arsenal, Ed. A&J Picard, mars 2005) (1.7) Architecture = Durable, 30 architectes, 30 projets en Ile-de-France, juin 2008. (1.8) This is HYBRID, a+t research group (1.9) HYBRID tome III, a+t research group (1.10) Hybrid buildings, article de Joseph Fenton (1985) préfacé par Steven Holl (1984). Tiré du recueil Pamphlet Architecture 11-20, Edition Princeton Architectural Press, New York, 2011 (1.11) L’île Seguin demain, Histoires, architectures, cultures, Publication Beaux Arts/ TTM Editions (1.12) Collectif, nouvelles formes d’habitat collectif en Europe, Collection Arc en Rêve centre d’architecture Bordeaux (1.13) Les abords du Chez Soi, en quête d’espaces intermédiaires, C.Moley (1.14) Agence Nicolas Michelin et associés, cinq sur cinq, dix projets sur mesure, architecture et urbanisme, Ed. Archibooks+ Sautereau éditeur (2008) (1.15) Made in Tokyo, Momoyo Kaijima, Junzo Kuroda, Yoshiharu Tsukamoto (2008) (1.16) Projets d’habitat pluriel, exemples novateurs pour les villes de demain, Sergi Costa Duran, Edition française Atrium Group 2009 (1.17) La ville en négociation, une approche stratégique du développement durable, Maurice Guanay/David Albrecht (économistes), Édition L’Harmattan, Villes et Entreprises, 2008 (1.18) «De l’ambiguïté en architecture», Robert Venturi, Ed. Dunod de 2012 (paru en 1972) 2. Revues / Publications (2.1.1) Revue AMC n°176, Février 2008, Document «Ile Seguin Rives de Seine, une fabrique de la ville» p136-167 (2.1.2) Revue AMC Hors-série 2011 - Logement/Housing (2.1.3) Revue AMC Déc. 2012 - Jan. 2013 / (11d) Revue AMC nov.2012 (2.1.4) Revue AMC Déc. 2012 - Jan. 2013 (2.1.5) Revue AMC Février 2014 (2.1.6) Revue AMC Mars 2014 (2.1.7) Revue AMC n°234, Juin-Juillet 2014, Document «Habitat et expérimentation» p63-71 (2.2.1)Architecture Intérieure CREE, n°349 (décembre-janvier 2010-2011) (2.2.2) Architecture Interieur CREE n°366 (Mai-Juin 2014) 181


(2.3) Dossier MixitĂŠ Fonctionnelle, EK 32 (Avril-mai 2013) - VIlles en transition, architectures durables (2.4.1) Dossier d’analyse BATEX (bâtiments exemplaires) - MixitĂŠ fonctionnelle et flexibilitĂŠ programmatique, F.Miallet (architecte), PUCA (Plan Urbanisme Construction Architecture). (2.4.2) PUCA-BATEX, Bâtiments exemplaires, ZAC Seguin-Rives de Seine ) Boulogne-Billancourt, ÂŤRives de parcÂť, Vinci Immobilier, Lipsky+Rollet Architectes (2.5) Revue Criticat, volume 8, septembre 2011 (2.6) Revue D’A n°205, DĂŠcembre 2011 3. MĂŠmoires ĂŠtudiants (3.1) La mixitĂŠ fonctionnelle, quelle ĂŠchelle pour faire cohabiter les usages?, Adrien Mervelet (fĂŠv. 2013). Equipe enseignante: J-P Franca, S.Balez, F.Gaubin. (3.2) Favoriser la mixitĂŠ dans l’habitat par les espaces intermĂŠdiaires, Magali Conus t W W Ç? # Ç? "-.+ E ")#& E '#* Â&#x; >=<> >=<? Equipe enseignante: B.Marchand, E.Rey, C.Joud. (3.3) MĂŠmoire ÂŤLa question de la mixitĂŠ programmatique dans le dĂŠveloppement urbainÂť (2011-2012), StĂŠphanie Lorefice, tuteur de mĂŠmoire: Jean-Louis Violeau 4. ÂŤDocuments officielsÂť (4.1) Appel Ă propositions de recherche: MixitĂŠ fonctionnelle versus zoning: de nouveaux enjeux?, 21 juin 2011, PUCA Plan Urbanisme Construction Architecture Ministère de l’Êcologie, du dĂŠveloppement durable, des transports et du logement. (4.2)ÂŤParis Qui Ose, Mon projet pour Paris 2014-2020Âť, Anne Hidalgo (4.3) Dossiers de crĂŠation et de rĂŠalisation de la ZAC Seguin Rives de Seine, Mairie de Boulogne-Billancourt

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Tous mes remerciements vont à l’équipe enseignante du séminaire APUS: E.Amougou, J.Zetlaoui-Léger, B.Weber, T.Lecoq, M.Saidi, et tout particulièrement à Mr S.Wachter, pour avoir encadré de septembre 2013 à janvier 2015 ce long travail de recherche. Pour avoir accepté de répondre à mes questions, et ainsi beaucoup apporté à cette recherche, je souhaite également remercier: U.Napolitano, Architecte-associé de LAN C.Besseyre, Architecte-associée de TOA Architectes F.Giboudeaux, élue du XXe arrondissement en charge de l’urbanisme P.Sandevoir, directeur de la réhabilitation chez Paris Habitat B.Vanhoesbrouck, Chef de projet chez UAPS Enfin, pour m’avoir permis de consulter leurs archives et avoir répondu avec soin à toutes mes questions, toute ma gratitude va au service d’urbanisme de la mairie de Boulogne-Billancourt, ainsi qu’à D.Casimir, conseiller architectural et urbain de la ville, dont l’aide spontanée fut elle-aussi très précieuse.


Comment l’«espace commun» aux différents programmes d’un «hybride résidentiel» (ou ensemble résidentiel à programme mixte) est-il conçu, au sens large, dans la production contemporaine du cadre bâti en France? Comment les différents acteurs de l’aménagement urbain se le représentent-ils? Comment sont-ils réalisés aujourd’hui? Comment sont-ils saisis, une fois «achevés», par leurs occupants divers (habitants des logements, usagers des bureaux, écoles ou gymnase, visiteurs plus ou moins égarés...)? C’est à ces questions que s’attache à répondre le présent document, issu d’un travail de recherche en master mené au sein du séminaire APUS (Architecture, Projet Urbain et Société) de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris La Villette. Mots-clés: Mixité programmatique, Ensemble résidentiel à programme mixte, Hybride résidentiel, Espaces mutualisés, Espace commun, Espace intermédiaire


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