L’ ARC MOTIF son histoire au XX ème & XXI ème siècle.
R. Dzhorbenadze, V. Orbeladze, Place de la Liberté, Tbilissi. Géorgie. Photo d’Igor Palmin. 1985
Gaëlle Pilon Mémoire de MASTER II Sous la direction de Paolo Amaldi, Phillipe Potié & Eliza Culea. École Nationale Supérieure d’Architecture de Versailles 2017.
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REMERCIEMENTS Mes professeurs, Eliza Culea, Paolo Amaldi & Phillipe Potié. Mes camarades & amis, Carmen de Cordoüe, Jules Valentin Boucher, Camelia Petre, Alex Arnou, Héléne Battini. Giulio Marchetti & Daniele Mainetti. Catherine Follain & Hana Layachi. Nicolas Keller.
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SOMMAIRE Remerciements
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Avant-propos
p11
Intoduction
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I. Quand les modernes décorent. a. L’expressionnisme ou les prémisses de l’arc motif. b. L’arc motif, un ornement moderne inavoué. c. L’arc motif monumental.
p27
II. Quand post-modernes et contemporains assument. a. L’arc motif post-moderne ou l’arc parodié b. L’arc motif contemporain.
p59
Conclusion
p81
Bibliographie
p87
Annexes
p95
p29 p37 p47
p61 p73
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Avant propos.
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Maison en Apulie, Italie, XVI ème s.
Photo: auteur inconnu.
Dôme du Panthéon, Rome, 120-124.
Photo: auteur inconnu.
Colisée, Rome,72-82.
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Photo: auteur inconnu (1860).
Avant d’aborder la notion de l’arc en tant que motif, le sujet de cet écrit, il convient de retracer l’histoire de l’arc, c’est à dire son évolution, au sein du paysage architectural au fil des siècle. Donnons tout d’abord une définition à ce mot. L’arc est selon les mots de J. L. Gauthier « un ensemble de matériaux taillés et posés de manière que chacun soit en équilibre sous l’action de son propre poids, des charges et des réactions des matériaux voisins. L’ensemble reporte les charges sur les piédroits.»1. La voûte est quant à elle « un ouvrage qui peut être considéré comme plusieurs arcs successifs »2. L’arc né au même moment que l’architecture vernaculaire. A travers le monde, on a assemblé des blocs de matériaux divers, mais comment en achever la construction ? Nous assistons alors aux premiers encorbellements et
1. J. L. Gauthier, Stéréotomie, étude des arcs, voûtes, escaliers, Ed. Ecole Nationnale des Beaux Arts de Paris, Paris, 1986, p4. 2. Ibid.
aux premiers dômes dont certaines maisons d’Apulie, en Italie du sud sont un exemple remarquable du fait de leur héritage de l’ère primitive. L’arc en encorbellement s’est ainsi développer de l’ancienne civilisation de l’Indus aux tombes chinoises voûtées du III ème siècle avant J.C. ou encore, soutenant les viaducs des jardins suspendus de Babylone. Dans d’autres civilisations comme l’Egypte ancienne la voûte semble déjà exister en 2500 avant J.C ou dans le sous continent asiatique où à Karli dans le Dekkan, on note l’utilisation de voûtes en berceau par les moines bouddhistes en 78 avant J.C. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les édificateurs de la Grèce Antique ne sont pas en reste concernant l’usage de l’arc, bien qu’ils n’en fassent pas une figure iconique, lui privilégiant la structure « poteaux poutres ». Les Romains apparaissent alors comme les grands mécènes de l’arc car ils « n’hésitent pas à mettre en pratique les idées des autres. »3. Ils développent la « vraie voûte » qui contrairement à celle en encorbellement, tient « par la pression des pierres en forme de coins, les voussoirs, rayonnant autour de l’arc »4. Ces avancées sont notamment dues aux progrès des connaissances concernant le béton (opus caementicium) au même moment. Les poteaux
3. Patrick Nuttgens, Histoire de l’architecture, Ed. Phaidon, Paris, 2008 (1983), p109. 4. Ibid.
deviennent superflus, de nouvelles qualités d’espaces deviennent possibles. Le dôme du Panthéon construit en 120-124 sera d’ailleurs jusqu’au XIX ème siècle le plus grand du monde. Ses innovations fondamentales se retrouveront très vite au cœur du quotidien romain à travers leurs projets de génie
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Louis Aston Knight, L’arc de Titus,1911.
Santa Sabina, Rome, 422.
Photo: auteur inconnu.
Sainte Sophie, Istanbul, 532-562. Photo: Helena Prat (2015).
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civil, c’est à dire les routes, les aqueducs, les thermes mais aussi le Colisée construit par Titus et Donatien entre 72 et 82 qui est sûrement le meilleur exemple de par sa façade constituée de trois niveaux, chacun dessiné de 80 arcs. Mais il apparaît également dans les logements, notamment dans « l’architecture de briques des maisons de Pompéi »5. De plus, les Romains donnent à l’arc un caractère symbolique de part, en partie, l’édification d’arcs de triomphe qui symbolise le pouvoir et le prestige de l’Empire. Par ailleurs, apparaît un nouveau type d’édifice important, la basilique, comme la Basi-
5. Gérard Monier, Histoire de l’architecture, Ed. Puf, Paris, 2001, P31.
lique de Maxence à Rome (306-325). La forme va se populariser jusqu’à devenir un modèle au début de l’ère Chrétienne et Byzantine. En occident, la principale différence se situe dans le style de la colonnade de la nef, qui se montre comme une succession d’arcs disposés sur des colonnes comme à la Santa Sabina à Rome (422). Cependant comme le note Patrick Nuttgens: «Avec les premières églises à plan basical, la technique compliquée de voûte élaborée par les romains est abandonnée, elles reviennent à un type de construction simple avec des murs minces.»6. A l’inverse, les structures byzantines s’épanouissent à travers des arcs et une coupole centrale. On
6. Patrick Nuttgens, op. cit., p116.
utilise la technique du pendentif en formant un dôme en ruche, qui offre de possibles variations en taille mais aussi d’être ouverte de fenêtres comme à Sainte Sophie à Istanbul (532-562). Au même moment, l’architecture islamique, qui n’a pas une tradition de « grande » construction. Mahomet dira en effet : « la chose la plus vaine, et qui dévore la fortune d’un croyant, c’est de bâtir »7. Elle va se « développer comme des rituels à partir de la vie quotidienne des croyants » . Elle 8
utilise cependant de manière caractéristique l’arc comme dans la mosquée Masjid i-shah (1612-1636) composée d’arcades entourant la cour des trois
7. Gérard Monier, op. cit., p58. 8. Patrick Nuttgens, op. cit., p148.
cotés. Les arcades offrent en effet un abri pour les chameaux, de l’ombre et des endroits où dormir. Si elles sont ouvertes, c’est par souci de ventilation, et même lorsqu’elles seront encloses dans des salles de prières, leurs arcs élevés apparaissent comme autant d’invitations à la fraîcheur. Les arcades susciteront également un élan créateur, supportant à l’origine des toits légers, elles permettaient une liberté des plus totale dans l’invention d’une multitude
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Grande MosquĂŠe, Cordoue, 785.
Photo: auteur inconnu.
Palais des doges, Venise, 1309-1424. Photo: Serge Jodra.
Alberti, Sant’Andrea, Mantova, 1472.
Photo: auteur inconnu.
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de formes d’arc: pointus, en gradins, en fer à cheval ou superposés comme ceux colorés de la grande mosquée de Cordoue (785). Plus tard, au Moyen-Age, l’architecture romane utilise comme bases structurelles celles de l’architecture romaine. Elle est donc grandement fondée sur la voûte romaine et résulte d’une obsession sécuritaire, tous les édifices doivent être des places fortes, des forteresses. Le trait caractéristique du style roman est sûrement la forme semi-circulaire: on la retrouve dans l’arc plein cintre et dans son extension, la voûte berceau. Cependant, les voûtes berceaux sont lourdes et réclament murs et contreforts massifs. On assiste alors à l’adoption de la voûte nervurée. En opposition à l’apparente lourdeur du style roman, l’arc brisé se présente comme l’unique nouveauté de l’architecture gothique. De par les deux courbes qu’il constitue se coupant au sommet, il offre une nouvelle liberté. Ce dernier rend possible des courbures différentes ce qui permet de varier sa largeur tout en gardant sa hauteur originale. L’arc brisé, grâce aux principaux éléments structurels disposés transversalement et plus seulement longitudinalement, permet d’avoir des murs qui ne sont plus la structure porteuse mais des panneaux qui peuvent devenir entièrement vitrés comme la Basilique St Denis commencé en 1144. On assiste également au développement des arcs boutants 9. D’ailleurs, le détail gothique apparaît également dans l’architecture profane. Le Palais de Doges à Venise (1309- 1424) en est sûrement le meilleur exemple. L’inondation étant fait récurrent de la vie vénitienne, on construit sur de hautes arcades qui surmontent l’étage principal.  Un autre moment clé pour l’arc est la Renaissance italienne. Elle naît d’une nouvelle vision de la vie humaine et de l’accès à de grands textes classiques comme ceux de Vitruve grâce aux progrès de l’imprimerie. On oublie l’arc boutant et on reprend comme référence l’Antiquité romaine. L’architecte ne se contente plus d’ériger un édifice, il suit une théorie. Léon Baptiste Alberti10, porte parole des architectes dans les cercles humanistes de la Renaissance conçoit en 1472 la Sant Andrea à Mantoue, dont un monumental arc de triomphe dessine la façade. L’architecte Donato Bramante11, quant à lui,
9. Formé d’un demi arc « libre » ou évidé qui sert de contreforts à un mur élevé, il permet de réaliser des édifices plus élancés sans augmenter l’épaisseur des murs. 10. Léon Baptiste Alberti (1404-1472) est un architecte, écrivain, et peintre italien. Il sera d’abord théoricien. On lui doit notamment la dissociation entre la mise au point d’un projet, qu’il dessine, et la conduite du chantier, assuré par un autre.
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Donato Bramante, Eglise St Pierre, Rome, 1444-1514. Photo: Francisco Aragão.
Giulio Romano, Façade “alla rustica”, Mantova, 1538-1539. Photo: Denis Ouaillarbourou.
Balthasar Neumann, Basilika Vierzehnheiligen, Staffelstein, 1743-1772. Photo: Xavier de Jauréguiberry.
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testera le béton romain (opus caementicium) pour l’Eglise St Pierre de Rome (1444-1514) pour les énormes piliers et les grandes voûtes bien plus vastes que tout ce que l’on avait pu construire à l’époque. Par ailleurs, l’emploi original des motifs classiques par Michel-Ange comme la Chapelle funéraire des Médicis confiée en 1520 et achevée en 1534 à Saint Laurent ouvre la voie à une nouvelle phase de la Renaissance: Le Maniérisme qui fonctionne comme une plaisanterie familiale et dont le chef de file incontesté est Giulio
11. Donato Bramante (1444-1514) est un architecte et peintre des Etats-Pontificaux italien. Après sa mort, l’Eglise Saint Pierre de Rome sera achevé et pauffiné par Michel-Ange.
Romano avec notamment la façade «Alla rustiqua » du Palais Ducal de Mantoue (1538-1539) où l’arc ne devient rien de plus qu’un décor. Après 200 ans, d’ordre et d’invulnérabilité, la Renaissance s’essouffle. On assiste à une explosion du mauvais goût pour les uns ou une continuité heureuse de la Renaissance pour d’autres, le Baroque. Originaire de Rome, il arrive en France qu’à la fin de la période, dans les premières décennies du XVIII ème siècle et est alors rebaptisé alors Rococo. Architecture dramatique, qui met le stuc au sommet, les arcs et les voûtes purulent d’ornements allant jusqu’à l’illusionnisme. Les architectes fuient la symétrie et l’équilibré comme pour l’Eglise de pèlerinage de Vierzehnheiligen en Allemagne (17431772). A l’évaporation totale de ces styles au milieu du XVIII ème siècle, les architectes européens se rapprochent de l’architecture classique plus frugale que l’on nommera classicisme romantique. Plus tard, au XIX ème siècle, une forme de société différente prend forme, c’est la révolution industrielle. La société s’urbanise, on recherche un style mais les styles classiques et néoclassiques expriment leur autorité. L’arc subsiste comme au Cristal Palace à Londres (1851) ou avec les arcs segmentés de Labrouste à la Bibliothèque St Geneviève à Paris (1843-1850). Il n’y a plus de style conventionnel. On cherche de nouveaux matériaux, de nouveaux systèmes structurels qui seraient universels et applicables à tout nouvel édifice. A partir des années 1880, on assiste à un tournant. Les arts plastiques et la musique sont en pleine ébullition. L’époque est excitante, presque hystérique. Aux Etats-Unis, l’arc est toujours utilisé en façade par l’Ecole de Chi-
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Joseph Paxton, Vue intérieur du Crystal Palace, Londres, 1851.
Henri Labrouste, Coupe transversale de la Bibliothèque Sainte-Geneviève, Paris, 1850.
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cago, paraissant roman, il est en fait complètement libre comme au Marshall Field Warehouse (1885-1887). Cependant avec l’événement du gratte-ciel dans le mouvement ainsi que la systématisation du modèle poteaux poutres, l’arc se fait de plus en plus discret. Ainsi, nous verrons, à travers cet écrit, comment l’arc réapparaît notamment sous une forme bien particulière, le motif.
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Introduction. L’arc motif.
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MOTIF (def.)
- Ce que, dans la réalité visible, un peintre, un dessinateur, choisit comme sujet, comme modèle, notamment un paysage (d’où les expressions aller sur le motif, travailler sur le motif). - Structure visuelle expressive ou décorative, dans le spectacle extérieur ou dans l’œuvre. - Dessin, ornement, le plus souvent répété, sur un support quelconque : Tissu à motifs de fleurs. - Petit élément caractéristique d’une composition musicale, qui en assure l’unité. (Il peut être harmonique, mélodique ou rythmique.)1
Le motif est donc un choix esthétique voire obsessionnel. Rappelant sa définition musicale, il se répète jusqu’à, parfois, devenir un leit motiv. A l’époque, les Romains utilisaient déjà les ordres grecs comme motifs, comme le montre par exemple la façade du Colisée par sa façon de les mettre en scène : dorique
1. Définition tirée du dictionnaire Larousse, version en ligne, URL: http:// www.larousse.fr.
au rez-de-chaussée, ionique au premier étage puis dans les pilastres rythmant le niveau supérieur. Aucun d’eux ne joue de rôle constructif : « Les ordres et motifs classiques n’étant plus structurellement nécessaires, ils entrent alors dans le jeu purement décoratifs »2. Ainsi nous nous demanderons comment l’arc se profile dans le paysage architectural du XX ème et du XXI ème siècle. Mais surtout, comment, en opposition à son essence constructive, vernaculaire puis Romaine, l’arc est-il
2. Patrick Nuttgens, Histoire de l’architecture, Ed. Phaidon, Paris, 2008 (1983), p108.
devenu un motif c’est à dire non plus choisi pour ses qualités structurelles mais pour son pouvoir esthétisant. Nous verrons comment les architectes d’aujourd’hui et du siècle dernier ont utilisé l’arc motif pour le symbole qu’il représente dans un imaginaire précis ou pour un amour purement formel qu’ils lui vouent. Nous traverserons les décennies avec une première partie Quand les modernes décorent qui décrira ce leit motiv décoratif chez les architectes expressionnistes, modernes et de l’Ordre Monumental puis une seconde Quand Post- modernes et contemporains assument.
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Quand les modernes dĂŠcorent.
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Hans Poelzig, Usine chimique, Lubon, 1911.
Architekturmuseum der Technischen Universität in Berlin.
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L’expressionnisme ou les prémisses de l’arc motif. Bien que nous puissions le situer des années 10 au milieu des années 20 à la sortie de la guerre, dans un contexte de crise et de pénuries, il est difficile de donner une définition à l’expressionnisme. A l’époque, les efforts des architectes restent souvent au stade de théorie, de retour supposé à un ordre naturel1 . Même si l’expressionisme s’appuie moins sur des théories, qu’il vise une nouvelle manière de s’exprimer. D’ailleurs Franco Borsi et Konig Giovanni Klaus écriront : « L’expressionnisme est une chose dont tout le
1. Owen Hopkins, Les Styles en architecture, Dunod, 2014, Paris, p154.
monde parle et dont personne ne peut dire ce que c’est car elle plait justement de son inépuisable polyvalence suggestive. »2. Dans tous les cas, en opposition à une foi rationaliste et à un renouveau classique, le mouvement vise à une synthèse des arts. Après l’armistice de 1918, l’Arbeistrat fûr Kunst (conseil du travail pour l’art) est organisé, on y plaide pour la participation active du peuple dans une nouvelle œuvre d’art totale. En 1919, ils réaffirment ce principe par leur manifeste « L’Art et le peuple doivent former une entité. L’art ne doit plus être le luxe de quelques-uns, mais ressenti et apprécié par
2. “Résumés et références en Français, Anglais, Allemand, Anglais», dans Franco Borsi & Giovanni Klaus Konig, Architettura dell’espressionismo, Ed. Fréal Vincent et compagnie, 1967, Paris, p1.
les masses. L’objectif est l’alliance des arts sous l’aile protectrice d’une architecture majeure. »3. Gropius dévoile la même année à « l’exposition des architectes inconnus » son texte introductif (ébauche de son programme pour le Bauhaus) :
Nous devons vouloir, imaginer et créer en coopération les nouveaux concepts architecturaux. Peintres, sculpteurs, abattez les barrières autour de l’architecture et devenez les constructeurs associés et compagnons d’armes au service du but ultime de l’art: l’idée créatrice de la cathédrale du futur qui, une fois encore, embrassera tout en une seule forme l’architecture et la sculpture et la peinture. 4
3. Kenneth Frampton, l’architecture moderne, Une histoire critique, Ed. Thames and Hudson, 2008 (1980), Paris, p117.
4. Ibid, p118.
C’est dans ce contexte que l’arc apparaît chez les expressionnistes en niant son essence originelle : l’arc structurel, puissance constructive. Ils le réinventent à la manière d’une sculpture, parfois d’une peinture. Ils le réinterprètent. Ainsi, nous allons voir comment il passe de stalactites chez Hans Poelzig à forme organique chez Erich Mendelsohn. 29
Hans Poelzig , Maison de l’amitié, Istanbul, 1916. Architekturmuseum der Technischen Universität in Berlin.
Hans Poelzig , Festspielhaus, Salzbourg, 1920. Architekturmuseum der Technischen Universität in Berlin.
Hans Poelzig, Grand théatre, Berlin, 1920.
Photo: auteur inconnu.
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Hans Poelzig (1869-1936), « le dernier des éclectiques du siècle passé et le premier du notre »5, est un architecte, peintre et décorateur allemand. L’expressionniste réinvente l’arc dans un premier temps, en 1911, pour son projet d’usine chimique à Lubon (Pologne). Il l’utilise comme motif dans
5. Franco Borsi & Giovanni Klaus Konig, op. cit., p8.
le but de développer une langue spécifique pour les bâtiments d’usine, « la vraie tâche monumentale de l’architecture contemporaine »6, à l’heure où l’Allemagne apparaît comme une nation industrialisée majeure. L’intérieur fait de métal dans l’idée de protéger des vapeurs toxiques, les murs sont en maçonnerie de briques traditionnelle. Les arcs, sous différents motifs, de formes, d’échelles et de proportions différentes, ponctuent alors les ouvertures de la façade, lui donnent un caractère romantique et expressif. En 1916, Poelzig remet l’arc motif à l’honneur dans son projet pour la Mai-
6. Fosco Lucarelli, “Hans Poelzig’s Sulphuric Acid Factory in Poland (1911-1912)”, Socks Studio, le 26 novembre 2013. URL: http://socks-studio. com, consulté le 2 novembre 2016.
son de l’Amitié Germano-turque à Istanbul (malheureusement non construite). L’édifice constitué d’une série de terrasses en cascade semble être une succession obsessionnelle d’arcs allongés qui tendent à créer une ziggurat. L’intérieur est quant à lui uniquement composé d’éléments suspendus dans le vide. Tout aussi monumental (et non construit), en 1920 son projet pour le Festspielhaus de Salzbourg réinterprète également l’arc. Il s’allonge, se distend, ne supporte rien, il fusionne avec la topographie du site. Cette superposition d’arcades circulaires, qui accompagne les galeries intérieures et offre une façade continue, devient organique, apparaît comme une montagne. Mais c’est surement dans son œuvre construite, surement aussi la plus connue, que l’arc motif chez Poelzig entre dans toute sa splendeur, la restructuration du Grand Théâtre de Berlin pour Max Reinhart7 en 1919. Bien qu’absurde aux yeux des fonctionnalistes qui voient l’œuvre comme un simple « replâtrage »8 , l’architecte excelle, la voûte n’est plus, elle est alors une stalactite. Par centaines, de différentes tailles, elles sont suspendues dans le vide du vaste dôme du théâtre et créent « une impression de dissolution et d’infini , surtout quand la lumière tombe sur les minuscules réflecteurs que forme chaque pointe de stalactites »9. En 1933, les nazis masqueront cette couronne d’arcs « stalactites » d’un faux plafond tendu, la considérant comme l’un des exemples iconique de l’art dégénéré (entartete kunst).
7. Max Reinhart (1873-1943), metteur en scene autrichien, à l’influence considerable pour le theatre allemand, metteur en scene durant la guerre la première pièce de theatre de l’expressionisme allemand. 8. Yves-Alain Bois, « Poelzig Hans - (1869-1936) », Encyclopædia Universalis, URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/hans-poelzig/, consulté le 12 décembre 2016. 9. Kenneth Frampton, op. cit., p119.
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Erich Mendelsohn, Tour Einstein, Potsdam,1921. Photo: Gili Merin.
Erich Mendelsohn, Tour Einstein, Potsdam,1921. Photo: Flicks user.
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Erich Mendelsohn (1868-1940) est un architecte allemand aussi bien connu pour ses projets expressionnistes que pour avoir été, aux cotés de Mies Van Der Rohe et Walter Gropius, l’un des membres fondateurs du mouvement moderne architectural: Der Ring. Ainsi, en 1919, l’architecte expose une série de dessins, sans succès. La directrice de la galerie dira à sa femme « Chère Madame, dîtes à votre mari de chercher une autre voie, il ne pourra jamais réaliser des édifices aussi fantastiques »10. La gloire arrivera deux ans plus tard, en 1921, avec notamment son projet ex-
10. Franco Borsi & Giovanni Klaus Konig, op. cit., p7.
pressionniste majeur : la tour Einstein. L’édifice abouti de la rencontre entre une forme organique et des matériaux modernes : la structure des murs constituée de briques est recouverte de crépi lisse qui vise « l’unité monolithique »11. Cet observatoire et laboratoire d’astrophysique, aux lignes fluides et organiques qui écoulent de la fonction c’est à dire l’emplacement du télescope
11. Owen Hopkins, op. cit., p157.
ou de la coupole. Erich Mendelsohn y repense l’arc comme un motif mou. Il se déploie sur la façade circulaire de manière plus ou moins affaissé, plus ou moins distendu. Sa courbe oscille, est la résultante de sa sculpture, comme si le motif d’origine constructive reprenait un caractère organique. Par la suite, il travaillera sur l’enseigne et son intégration totale à l’édifice. Il voulait « donner à ses clients le goût du sigle »12, ce qui peut être mis en parallèle avec la posture post-moderne des Venturi dans Learning from Las Vegas.
12. Franco Borsi & Giovanni Klaus Konig, op. cit., p7.
D’autres de leurs contemporains utiliseront l’arc motif sans pour autant, d’après Borsi et Klaus faire corps avec le mouvement expressionniste, ils les appellent « compagnons de routes »13. Parmi eux, Fritz Höger14, éclectique néo-gothique avant de rejoindre le monde moderne, utilise aussi bien l’arc comme motif d’ouverture puis d’arcade de rez-de-chaussée en 1922 pour la Chilehaus d’Hambourg. Il remettra également à l’honneur l’arc brisé pour symboliser l’entrée de différente églises ou chapelles, évoquant aujourd’hui les parodies post-modernes. Peter Behrens15, célèbre pour sa participation au développement du mouvement moderne et du design industriel, a, au début des années 20 fait également usage de l’arc motif pour les ouvertures de la Technical Administration Building of Hoechst AG à Frankfurt mais aussi en tant que dessinateur pour nombre d’affiches publicitaires.
13. Ibid, p9. 14. Fritz Höger, (1877-1949). 15. Peter Behrens (1868-1940), architecte, peintre, graveur, designer et typographe allemand. Son projet, l’usine de turbines AEG à Berlin (1910) est considéré comme la première construction moderne.
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Fritz HÖGER, Chilehaus, Hambourg, 1922.
Photo: site internet de l’établissemetnt.
Fritz HÖGER, Eglise evangélique Martin Luther, Hanovre, 1933.
Photo: auteur inconnu.
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Ainsi, nous pouvons détecter une certaine filiation entre expressionnistes et architectes post-modernes qu’elle soit dans une volonté d’art total mais aussi dans ce goût de la parodie. Et si les modernes n’étaient pas en reste dans l’utilisation de l’arc motif ?
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Le Corbusier, Maisons Jaoul, Neuilly-surSeine,1952.
Photo: Fondation Le Corbusier.
Le Corbusier, dessin tirÊ du Voyage d’Orient, 1911. Fondation Le Corbusier.
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L’arc motif, un ornement moderne inavoué. Le mouvement moderne, qui voit le jour durant la première partie du XX éme siècle, né de la conjoncture entre le mouvement moderne européen (Art nouveau, Ecole du Bauhaus) et l’architecture rationaliste américaine (Ecole de Chicago)1, peut être rapproché du projet des lumières : il visait l’aboutissement de révolution sociale et politique. Ou pour d’autres, il était une recherche en opposition à l’éclectisme et à l’ornementalisme des mouvements le précédant. Après la première guerre mondiale, le développement de l’industrie est à son apogée, la production en série apparaît (notamment avec les usines Ford) ainsi que de nouveaux matériaux, comme l’acier et le béton.
1. Martin Dubois, “Modernisme architectural: simplicité volontaire”, dans Continuité, Editions continuité, n°119, Québec, 2008-2009, p51.
Inspirée par la frénésie de l’époque, son architecture est principalement axée sur les principes fonctionnaliste et rationaliste. Il fait table rase des héritages du passé. Ainsi, la forme est l’expression d’une fonction et doit naître d’un besoin. Les architectes tendent alors vers une esthétique de la machine et des moyens de locomotions (objets par essence purement fonctionnels). Par exemple, le Corbusier parlera de « machine à habiter », « la maison doit être construite en série comme une machine »2. Le langage architectural du mouvement moderne se veut donc dessiné de lignes simples qui découlent de la structure apparente et nue de toute ornementation. Le « Less is more » de Mies Van Der Rohe en traduit l’idée tout comme les édifices de béton couvert
2. Le Corbusier, Saugnier, Vers une architecture, Ed. Vincent Fréal et Cie, Paris, 1958, p3.
de crépi blanc, donnant une impression de pureté et d’honnêteté. Les architectes du mouvement moderne, ont mis en œuvre l’arc dans de nombreux projets, usant de sa puissance constructive. Par exemple : Auguste Perret avec les Docks Wallut à Casablanca (1914-1917) et l’Eglise Notre Dame de Raincy (1922-1923) qui apparaît comme l’aboutissement de son expérimentation et de son savoir faire de la voûte en béton armé et dont Le Corbusier dira : Auguste Perret, l’architecte, élève quelques années plus tard, sur ses réserves architecturales de Casablanca, la nef de l’église de Raincy. Rien n’est changé du principe. Mais une intention catégorique d’élever l’œuvre au-dessus des fins utilitaires fait examiner de près la proportion des éléments: le hangar à marchandises est ici un hangar à prières, et un sentiment de calme et d’allégresse règne. Point besoin
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Le Corbusier, Dessins de la Villa Adriana, Tivoli,1911.
Fondation Le Corbusier.
Le Corbusier, Haute-Cour, Chandigarh, 1952. Photo: Gb Pandey.
Le Corbusier, Haute-cour, Chandigarh, 1952. Photo: Fernanda Antonio
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des accessoires dits de « style religieux » fournis par la tradition. Un architecte a exploité ses réserves. 3
L’arc motif , niant tout aspect structurel, ne semble donc pas avoir sa place dans l’architecture du mouvement moderne, qui se veut avant tout fonctionnaliste et rationaliste. Et pourtant, nous allons voir son usage à travers trois
3. Le Corbusier, Une maison, un Palais, Collection de l’Esprit Nouveau, Ed. Connivences, Paris, 1989 (1928) p44.
architectes : Le Corbusier, Oscar Niemeyer et Franck Lloyd Wright et trois de leurs projets, qu’ils ont, eux aussi, joué au jeu de l’arc motif. Le Corbusier (1887-1965) est un architecte, peintre, sculpteur urbaniste, designer et écrivain français d’origine suisse. Persuadé que l’architecture est en capacité de régler les problèmes sociaux, il participe en 1933 à la rédaction de la charte d’Athènes, une alternative à la ville traditionnelle qui tend au bonheur collectif. Avant d’utiliser l’arc comme motif, Le Corbusier avait une certaine expérience de l’arc structurel et plus particulièrement la voûte catalane qu’il a mis en œuvre pour les maisons Jaoul4 ou pour la villa Srabhai5. Pour l’historien de l’architecture suisse Stanislas Von Moos, la voûte représente deux thématiques chez l’architecte: la voûte industrielle comme les sheds du type Hennebique ou les voûtes minces de Perret ainsi que la courbure du wagon ferroviaire (qui est pour lui un exemple abouti d’espace minimum où différentes activités peuvent se superposer), et, la voûte accueillante, chaleureuse, réceptacle de lumière c’est à dire composante d’un habitat primitif.6 D’ailleurs, les
4. Maisons Jaoul (1951-1955), Neuilly-sur-Seine, France. 5. Villa Srabhai (1951), Ahmedabad, Inde. 6. Stanislas Von Moos, Le Corbusier, l’architecte et son mythe, Ed. Horizons de France, Paros, 1971, p125-126.
maisons Jaoul peuvent apparaître comme un premier pas vers l’arc motif. En effet, dans un article de The Architectural Review (1955), James Stirling dira qu’ « elles furent reçues comme un affront par ceux qui étaient imprégnés du mythe selon lequel l’architecture moderne devait être faite de surfaces lisses et industrialisées insérées dans une ossature clairement exprimée.»7. Mais c’est avec le projet de la Haute-Cour de Chandigarh que le maître moderne nie réellement l’origine constructive de l’arc. L’édifice atteint une mon-
7. Kenneth Frampton, L’architecture moderne, une histoire critique, Ed. Thames and Hudson, Paris, 2008 (1980), p245.
umentalité incontestée sans pour autant se référer au vocabulaire du classicisme occidental, grâce notamment à l’appropriation du concept de parasol. Celui-ci permet un effet brise-soleil, vise à pallier aux grosses chaleurs et aussi aux pluies intenses de la mousson, il fut mis au point par l’architecte
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Oscar Niemeyer, Palais d’Alvorada, Brésilia, 1957. Photo: Joana França
Oscar Niemeyer, siége de la FATA, Turin, 1975.
Photo: auteur inconnu.
Oscar Niemeyer, siége de la FATA, Turin, 1975.
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indien Fatehpur Sikri8. On peut alors questionner les différentes références
8. Ibid, p249.
d’arcs auxquels s’attache Le Corbusier et les mettre en parallèle avec son voyage d’Orient ou encore avec la visite de la Villa Adriana à Tivoli. La Haute-Cour, construction significative dans l’histoire de l’esthétisme du béton armé, est un bloc linéaire dont la façade regarde la place centrale. Une arcade en soubassement du toit-parasol offre des ombres profondes et dramatiques. On pense que les arcs utilisent leur puissance pour supporter le toit, mais, en réalité ces arcs sont suspendus à celui-ci. Ils sont décoratifs. Le Corbusier a d’ailleurs si bien camouflé la coupe qu’il est pratiquement impossible de la corréler avec la façade9, comme s’il n’assumait pas entièrement ce geste à la gratuité structurelle. Ainsi, le maître moderne, a utilisé des arcs motifs d’une hauteur magistrale afin de célébrer la majesté de la loi à tous ceux qui entrent dans le bâtiment.
9. Vikramaditya Prakash, Chandigarh’s Le Corbusier, The struggle for modernity in poscolonial India, Ed. Université de Washington/ Mappin publishin, Washington, 2002, p104.
Oscar Niemeyer, (1907-2012), est un architecte et designer brésilien. Il fût l’un des chefs de file de l’architecture moderne. Bien que très libre dans son style, il sera souvent en opposition au courant fonctionnaliste. Brasilia, érigée en seulement quatre années (1957-1961) est l’un des succès majeurs du Mouvement Moderne. Comme Le Corbusier, avec qui, il a collaboré à différentes reprises10, Niemeyer, avant d’utiliser l’arc comme motif, avait expérimenté ses qualités constructives et structurelles, reflet de son amour pour la courbe. L’architecte le réinvente dans différents projets, par exemple en 1940 avec l’église de San Francisco de Assis à Belo Horizonte (qui avait également pour référence les projets d’Auguste Perret) qui est une succession de voûtes en béton de différentes hauteurs et semblent rebondir ou en 1957 avec le Palacio de la Alvorada11 à Brasilia où les arcs retournés deviennent des colonnes qui tiennent le toit. des Nations Unies.
10. En 1935 pour l’immeuble du ministére brésilien de l’éducation et de la santé à Rio de Janeiro, en 1947 pour les plans du siege de l’Organisation des Nations Unies. 11. Résidence officielle du président de la République brésilienne.
Mais c’est avec un projet italien qu’Oscar Niemeyer place l’arc motif au sommet. Erigé en 1975 dans la banlieue de Turin, le siège de l’entreprise FATA12 doit diffuser une image publicitaire forte, une idée de solidité, de modernité architecturale mariée à la technologie moderne. Le bâtiment est audacieux comme un pont aux dix arches régulières. Le parallélépipède long et étroit est supporté par trois paires de puissants piliers, prolongement des
12. Acronyme de Fabbrica Automazione Transporti e Affini.
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Frank Lloyd Wright, Dana House, Springfield, 1902. Photo: Carol Highsmith.
Frank Lloyd Wright, V.C. gift shop, San Francisco, 1948.
Photo: auteur inconnu.
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arcs qui au contraire des autres, suspendus, s’enfoncent profondément dans la terre. Le pilier central marque l’axe de symétrie où de chaque côté trois arcs se succèdent jusqu’au pilier suivant puis arrivent deux autres arcs suspendus en porte-à-faux. La prouesse structurelle est notamment due aux calculs de l’ingénieur Massimo Morandi qui dira « Pour la première fois, on me donnait la chance de montrer ce que je savais du béton armé. »13. Oscar Niemeyer obtient alors un effet architectonique exceptionnel en réunissant harmonieusement les contraires, à savoir la lourdeur du bloc de béton avec la flambée aérienne d’un viaduc14. Les arcs (mis à part les excroissances qui forment des piliers) ne jouent aucun rôle structurel, ornementaux, ils rythment la façade et donnent à l’édifice son identité. Frank Lloyd Wright (1867-1959), architecte américain, eut une influence incontestable pour le Mouvement Moderne comme le montre une série de faits historiques réels et déterminés : « le voyage en europe en 1910, son témoignage polémique à partir de 1925 face à la diffusion du style international ou son pouvoir de suggestion sur la génération d’architecte de la seconde guerre mondiale »15. D’ailleurs les grands maîtres du mouvement ont toujours été reconnaissant envers le rôle de l’américain. Mies Van Der Rohe dira : « L’impulsion dynamique venue de son exemple a renforcer une génération entière. Son influence s’exerça même lorsqu’elle n’était pas évidente »16. Complètement libre dans le choix de ses formes, il s’impose comme une référence pour l’architecte de l’époque. Il garda cependant toute sa vie une certaine distance avec le mouvement en perpétrant la définition traditionnelle de l’artiste, individualiste et marginal17. En 1936, Frank Lloyd Wright utilise l’arc de manière structurelle lorsqu’il dessine « le tunnel » de verre reliant le bâtiment administratif à la tour de la
13. Oscar Niemeyer, «Nove sede da Fata Engineering Torino-Itália » dans Módulo, n°46, Rio de Janeiro, jul./set. 1977, p.44. 14. Marzia Marandola, “Niemeyer in Turin, The Fata Building in Pianezza”, Festival archittettura, URL: http://www. festivalarchitettura. it/festival/it/articolimagazinedetail, consulté le 31 novembre 2016. 15. Leonardo Benevolo, L’histoire de l’architecture moderne I, la revolution industrielle, Ed. Dunod, 1987, Paris, p263. 16. Phillip Johnson, Mies Van Der Rohe, Ed. Museum of Modern Art, 1978 (1947), New York, p196. 17. Leonardo Benevolo, op. cit., p263.
Johnson Wax à Racine dans le Wisconsin. Cependant l’arc motif apparaît plusieurs fois et à différentes époques de la longue carrière de Wright. Au début de son exercice, le Style Prairie est à son apogée aux Etats-Unis, on hésite entre les ordres classiques et des formes organiques, « on transforme la technique par l’art »18. L’architecte met alors en pratique son savoir faire en matière de maçonnerie, avec par exemple, l’entrée de la Dana Thomas House (1902) à laquelle il donne un grand arc de style roman autour de la porte. Le
18. Kenneth Frampton, op. cit., p57.
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Frank Lloyd Wright, Marin County Civic Center, San Rafael, 1960. Photo: Chris Stewart.
Frank Lloyd Wright, Marin County Civic Center, San Rafael, 1960. Photo: Hirayama Susumu.
Frank Lloyd Wright, Marin County Civic Center, San Rafael, 1960. Photo: Harmony Sweepstakes A Cappella Festival.
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salon de la maison est également couronné d’arcs en bois décoratif, formant une voûte légère et lumineuse propice aux œuvres de bienfaisances et aux cocktails mondains. Il utilisera d’ailleurs les mêmes principes de maçonnerie et de voûte pour l’entrée du V.C Morris Shop à San Francisco en 1948. Mais c’est sûrement avec son dernier projet que Wright fait l’usage de l’arc motif dans toute sa splendeur, Marin County Civic Center à San Rafael (Californie). Construit après la mort de l’architecte, sous la direction d’Aaron Green, son protégé, de 1960 à 1962, il fait figure du plus grand bâtiment public de son œuvre. Le bâtiment administratif et le palais de justice sont tout deux ponctuées d’arcs peu profonds et non constructifs. Ils décroissent de bas en haut des façades. Encadrés de métal et couvert de stuc, ils se chevauchent légèrement au niveau inférieur tandis qu’au niveau intermédiaire, ils apparaissent sur de minces colonnes dorées. Enfin, au niveau supérieur, les arcs deviennent des ouvertures rondes sous le toit qui lui aussi est découpé de motif arqué. Ils sont une telle obsession dans le bâtiment que même les avanttoits sont ornés de fascias arqués eux-mêmes agrémentés de petites boules d’or, tout comme les espaces intérieurs comme par exemple le dessus de la scène de théâtre peint d’arcs bleus. Il est difficile de connaître les références et les motivations de Wright dans l’usage si frénétique de l’arc motif dans ce projet, tant sa liberté a toujours été si grande. Peut-être était ce une symbiose entre les dessins de formes hérités de son expérience dans le Style Prairie et sa tendance à tendre vers une architecture organique comme le faisait le courant expressionniste (cf : Chapitre I, l’Expressionisme ou les prémisses de l’arc motif). Nous avons ainsi vu que les architectes du Mouvement Moderne avaient eux aussi utilisé l’arc motif de manière désavoué chez Le Corbusier, machinale chez Niemeyer ou presque hystérique chez Wright. Ces projets font cependant titres d’exceptions. Alors qu’au même moment, en Europe, l’arc motif est généralisé par l’Ordre monumental (1929-1939).
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Albert Speer, Ehrenhall, Nuremberg, 1933.
Photo: auteur inconu.
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L’arc motif monumental. En 1986, Franco Borsi publie L’ordre monumental, Europe 1929-1939. Il y dépeint « la décennie du diable »1, c’est à dire, l’heure où dictatures, en recherche de langage propre, et grandes démocraties occidentales tendront à un retour à l’ordre emprunt de classicisme (rapport de proportions, figures géométriques). A l’inverse du mouvement moderne qui fait table rase
1. Franco Borsi, L’ordre monumental, Europe 19291939, Ed. Hazan, Paris, 1986, p9.
de l’histoire, on prend en référence l’Antiquité, on prône un retour à la tradition et à la nation : « L’identité nationale est revalorisée à l’encontre de l’internationalisme des avant-gardes »2. L’architecture des années 30 est of-
2. Ibid, p12.
ficielle, elle cherche à susciter l’émotion collective, voire à intimider. A cette époque de retour au classicisme, l’arc semble indissociable de la production architecturale. Franco Borsi, note cependant, qu’avec la démocratisation du béton armé, « l’arc perd sa raison d’être »3, car, en contradic-
3. Ibid, p62.
tion originelle avec son système d’assemblage d’éléments indépendants, comme des briques. Mais, l’historien italien ajoute aussitôt qu’une négation de l’arc, référence romaine ultime, est simplement impensable, il représente « le thème de la méditérranéité comme habile et prudente adaptation du classicisme du XVI ème siècle »4.
4. Ibid.
D’après Leonardo Benevolo, le répertoire néo-classique est « usé par les répétitions continuelles » et a donc « perdu toute signification intrinsèque », c’est pourquoi il est apprécié, pour être « une forme vide prête à recevoir n’importe quel contenu »5. Symbole de monumentalité, exigé par un pouvoir qui se veut puissant, les révolutions, en Italie, URSS ou Allemagne, mais aussi les grandes démocraties de l’époque font de l’arc motif un leit motiv. Nous aborderons l’architecture du III ème Reich à travers le projet du Reichsparteitagsgelände6, premier grand projet d’Albert Speer. Nous poursuivrons avec l’exemple soviétique du concours pour le Palais des Soviets, puis deux exemples italiens, la Ca’Brutta (Giovanni Muzio) et le Palais de la Civilisation Italienne (Guerrini, Lapadula, Romano), pour finir avec un exemple
5. Leonardo Benevolo, L’histoire de l’architecture moderne, les conflits de l’aprèsguerre, Ed. Dunod, Paris, 1987, p46. 6. Traduction française: Terrain du congrès du parti du Reich.
français, celui du Stade de Lyon (Tony Garnier). Le 30 janvier 1933, Adolf Hitler devient chancelier. L’Allemagne devient alors un régime totalitaire où tout devient régi par les goûts du Führer, et
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Albert Speer, Kongresshall, Nuremberg, 1935. Photo: Taxiarchos.
Albert Speer, Maquette du Deutsches Stadion, Nuremberg, 1934. Photo: Heinrich Hugendubel Verlag.
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l’architecture n’y échappe pas. Le dictateur la veut manifeste de la puissance de la nation qu’il dirige, notamment par l’échelle grandiose des nouveaux bâtiments publics. Ils visent à surpasser les édifices romains qu’il voit comme « l’étalon de la grandeur »7. Opposé à toute forme d’avant-garde notamment l’expressionisme qu’il juge « d’art dégénéré »8, le dictateur montrera une réelle volonté de marquer le territoire allemand de sa propre architecture, il déclara le 2 août 1938 : Moi j’ai assez d’amour propre pour construire pour ce nouveau Reich du peuple allemand des édifices dont il n’aura pas à avoir honte en les comparant à ces anciens édifices princiers. Mais ce qui compte avant tout, c’est que le chef de cette nouvelle République allemande n’est ni un sybarite ni un roi fainéant pour se prélasser dans les anciens appartements royaux. Alors que d’autres logent au Kremlin, au Hradschin ou dans un château féodal, nous assurerons aux représentants duReich des édifices de notre temps.9
Adolf Hitler, qui aurait aimé être architecte, participera d’ailleurs à nombre de projets à travers ses propres esquisses. En 1934, Albert Speer (19051981) est nommé architecte en chef du parti. Selon Franco Borsi « d’un académisme banal »10, l’architecture de Speer est un exemple particulièrement évocateur pour Staline qui l’invitera à Moscou en 1940. L’architecte utilisera
7. Johann Chapoutot, Le Nazisme et l’Antiquité, Presses universitaires de France, Paris, 2012, p367. 8. Hitler organisera d’ailleurs en 1937, à Munich, « l’exposition d’art dégénéré ». Réunion d’artistes modernes, elle avait pour but de les stigmatiser comme malades mentaux et devant être éliminé. 9. Albert Speer, Au Coeur du III ème Reich, Fayard, Paris, 2011 (1969), p197. 10. Franco Borsi, op. cit., p9.
d’ailleurs à différentes reprises l’arc motif comme référence romaine, mais c’est sûrement sa première réalisation majeure qui en est le meilleur exemple. En effet, le Reichsparteitagsgelände, à Nuremberg, a été construit dans le but d’accueillir les congrès annuels du NSDAP , de 1933 à 1938. S’étalant 11
sur plus de 11 km2, le complexe est composé de plusieurs édifices allant du
11. Parti nationalsocialiste des travailleurs allemands.
stade, au Palais des Congrès en passant par un Champs de mars. Speer y conçoit la Luitpoldarena où se déroule les ralliement SA et SS. L’Ehrenhall, c’est à dire le hall d’honneur, y présente une façade symétrique dessinée de neufs arcs de béton finement sculptés. En 1935, avec l’édification du Kongresshall , l’usage de l’arc motif est d’autant plus monumental. Se dessinant 12
12. En français: Palais des congrès.
comme d’un arc en plan, ce Palais des congrès, pouvant accueillir 50 000 personnes, se présente en référence directe au Colisée de Rome. Sa façade de granit est habillée d’une série d’arcades ouvertes au rez-de-chaussée. Le premier et le second niveau sont quant à eux rythmés d’ouvertures arqués 49
Le Corbusier, Palais des Soviets, Moscou, 1930. Photo de Lucien HervĂŠ.
A. Tchoka, Palais des Soviets, Moscou, 1930.
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similaires. Enfin, le Deutsches Stadion13 qui se voulait le seul et unique stade olympique digne de ce nom, mais dont le chantier a été interrompu en 1939,
13. En français: Le stade allemand.
se présente aussi comme un remarquable exemple de l’usage de l’arc motif. Speer s’inspire en effet du Stade panathénaïque d’Athènes mais y ajoute une série d’arcades en façade, désirant vraisemblablement souligner le caractère monumental de son édifice grâce à l’esthétique de l’arc. Au même titre que les autres nations de l’ordre monumental, l’Union des Républiques Socialistes et Soviétiques, vise une architecture impersonnelle « car elle n’est pas une œuvre singulière mais le symbole d’une collectivité unie par un idéal commun »14. Le Mouvement Moderne ne peut répondre à cette ambition, n’étant pas approprié pour représenter un pouvoir. Celui-ci et
14. Franco Borsi, op.cit., p35.
l’URSS signeront d’ailleurs leur rupture en 1932, quand les CIAM refuseront de tenir leur congrès à Moscou. On assiste alors à une Nouvelle Tradition, «une manière historiciste délibérément modernisée»15. Les architectes se consacrent donc « aux monuments pour y retrouver les lois universelles totalisantes de l’architecture »16. Moscou se veut la capitale du réalisme socialiste. Les stations de métro y sont imaginés comme des palais pour le peuple, l’arc motif y est omniprésent, parfois rythmant de manière solennel le flux des passagers comme à la station « Krasuge Voroka » ou magnifié d’or pour accroître l’effet majestueux à
15. Kenneth Frampton, L’architecture moderne, une histoire critique, Ed. Thames and Hudson, Paris, 2008 (1980), p230. 16. Franco Borsi, op.cit., p36.
la station « Kiyevsskaya ». La ville devient le théâtre d’un concours d’architecture pour le Palais des Soviets, annoncé le 18 juillet 1931, les propositions doivent aussi bien faire « appel aux nouveaux procédés de créations qu’à ceux employés par l’architecture classique »17. Architectes modernes et ceux prônants la Nou-
17. Ibid, p41.
velle Tradition s’y opposent, mais, la majorité des propositions mettent en scène l’arc motif, comme s’il était devenu une constituante officielle de l’architecture stalinienne. Notamment, dans le projet d’A. Tchoka, il rythme les façades des importants pavillons circulaires ou celui de I.Joltkovski où leur superposition cylindrique laisse à penser au Colisée romain. Pour sa proposition, Le Corbusier ne dérogea pas à la règle en surmontant son édifice par un gigantesque arc motif suspendu par des tirants d’acier. Cela ne suffira malheureusement pas au maître moderne pour séduire le jury, dont Staline
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De Chirico, Melancholia, 1913.
Giovanni Muzio, La Ca’Brutta, Milan, 1922.
Photo de Jacqueline Poggi.
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lui même, qui jugère le projet comme ayant « un culte trop prononcé du machinisme et de l’esthétisation »18. Le 10 mai 1933, les esquisses de B. Yofan sont déclarées lauréates. On lui imposera cependant une collaboration avec
18. Kenneth Frampton, op. cit., p233.
deux architectes néoclassiques : le projet devient le projet Yohan-SchtioukoGelfreikh. Au même moment, Mussolini rêve d’une Italie romaine, « sage, forte, disciplinée et impériale». Le Duce entend perpétrer la tradition des bâtisseurs de l’Antiquité. Cependant, au contraire d’Hitler, il a encouragé, dès sa montée en puissance, une pluralité des styles architecturaux ce qui a permis au pays d’obtenir une production architecturale aussi qualitative que les autres pays d’Europe. A Milan, les architectes du mouvement Novecento, tirent leurs influences des peintres métaphysiques comme De Chirico. Ils connaissent la modernité mais elle ne les séduit pas. Muzio, Ponti, Lancia et les autres, préfèrent une critique de leur époque en prônant un retour au passé et à la tradition. On revisite « les formes classiques de l’architecture méditerranéennes en antithèse délibérée du culte futuriste de la machine »19. D’ailleurs Giovanni Muzio dira
19. Ibid, p234.
en 1931 :
Un nouveau moment stylistique ne pouvait pas surgir d’un ramassis de constructions hétérogènes et désordonnées; il fallait s’intéresser non seulement au bâtiment mais à l’ensemble des constructions. Il était donc naturel de se consacrer à l’étude de l’art de construire les villes, étude longtemps négligée. Les meilleurs exemples originaux du passé étaient sans doute ceux d’inspirations classique et notamment à Milan ceux du début du XIXe siècle. Le retour au classicisme s’imposa de la même manière en urbanisme et en architecture, que dans les arts plastiques et dans la littérature. Cela découlait de la conviction profonde de la vérité éternelle des schémas essentiels et les éléments nécessaire à l’architecture classique: preuve en est la pérennité de leur expression stylistique dans la succession des périodes allant de Rome à nos jours.20
Muzio, en tant que chef de file du mouvement Novecento, fait l’usage de
20. Giovanni Muzio, “Alcuni architetti d’oggi in Lombardia” dans Dedalo, n°10, août 1931, p1086.
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Guerinni, La Padula, Romano, Palais de la civilisation italienne, 1938.
Photo de Christopher Gelber.
Affiche pour l’Exposition Universelle de Rome, 1942. Auteur inconnu.
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l’arc motif à de nombreuses reprises, en 1931 avec le couvent San Angelo et sa façade d’arcs extrudés ou en 1933 avec le Pallazzo dell’Arte et ses arcades métaphysiques. Mais c’est sûrement en 1923, avec son premier édifice mais aussi l’œuvre inaugural du mouvement, la Ca’Brutta (la maison laide) qui en est la plus caractéristique. Après la guerre, la population milanaise accroît fortement, les quartiers résidentiels se développent, on imagine de nouveaux bâtiments en copropriété. Situé de manière privilégiée, le projet vise à attirer une population en plein boom, les classes moyennes hautes et bourgeoises. Avec l’installation d’un parking, du chauffage, de l’eau chaude courante, l’architecte use de techniques novatrices pour l’époque et signe les prémisses architecturaux des immeubles contemporains. Le surnom du projet viendra d’ailleurs de la population, jugeant la « Maison laide » du fait du mélange entre classicisme et modernisme. Composée de deux bâtiments, haute de 6 étages, la Ca’brutta compte cent appartements, tous spacieux et décorés de façon unique. Mais c’est la façade qui impose l’arc motif : le portique d’entrée liant les deux bâtiments est un arc de béton, le passage qui le surplombe est une série d’arcs grillagés, la façade du 2ème au 4ème étage en plâtre vert foncé ou jaune est ponctuée de frontons arqués et de différents motifs d’arcs creusés ou dessinés, celle du 5ème étage compte ses ouvertures surmontées d’arcs extrudés. A Rome, on prône un classicisme simplifié aisément copiable. En 1931, le pouvoir fasciste en projette son apothéose avec l’EUR 4221. Elle se doit l’exhibition, aux yeux du monde entier, de la puissance et du génie du pouvoir fasciste et est confiée à l’architecte Marcello Piacentini22. L’un de ses bâtiments phares est le Palais de la Civilisation Italienne23. Première œuvre architectural en béton armé italienne, elle est pensée dès 1936 par le trio d’architectes Guerrini, La Padula et Romano. Haut de soixante mètres, le bâtiment se développe sur quatre façades identiques : six étages dessinés de neuf arcs chacun24. L’arc motif est si constitutif du projet que le Colisée Carré semble une copie de l’Enigme de l’heure de Chirico de part la simplicité de son empilement d’arcades25.
21. EUR 42 ou E42 est l’acronyme d’Esposizione Universale di Roma. Annulée pour cause de guerre, elle devait étre l’exibition au yeux du monde de la puissance du pouvoir faciste. 22. Marcello Piacentini (1881-1960) est un architecte et urbaniste italien. En 1929, il fût nommé par décret membre de la Reale Accademia d’Italia fondée par Mussolini. 23. En italien: Palazzo della civita italiana, Colosseo Quadrato. 24. Nombre de lettres similaire au prénom et au nom : Benito Mussolini. 25. Kenneth Frampton, op. cit., p235.
En France, grande démocratie européenne de l’époque, on se laisse également séduire par l’Ordre monumental. C’est d’ailleurs :
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Tony Garnier, Carte de postale, vue d’une des entrées du stade de Gerland, Lyon,1920. Auteur inconnu.
Tony Garnier, vue aérienne du stade de Gerland, Lyon,1920. Auteur inconnu.
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A travers la production française que la notion de ce style devient complète, au point que l’on peut à bon droit considérer le style « années trente » comme le dernier des styles historiques de l’architecture française (...) style en ce qu’il résume et symbolise pour la dernière fois et très précisément tout ce que représente la haute bourgeoisie, à travers le classicisme qui veut avant tout une touche de classe. 26
Le Palais de Chaillot conçu par Carlu, Azéma et Boileau, construit pour l’
26. Franco Borsi, op.cit., p139.
Exposition Internationale des arts et techniques de 1937 fait foi de monument pour le style. Mais c’est sûrement le Stade de Gerland à Lyon qui met en scène de la manière la plus monumentale l’arc motif. Dessiné par l’architecte Tony Garnier27, sa construction commence en 1914 mais il ne sera inauguré qu’en 1926. Commande de la Ville de Lyon, le stade permettait d’inclure une section « sport et éducation physique » à l’Exposition internationale de 1914. Conçu dans la tradition des stades olympiques de l’Antiquité, il était doté de multiples pistes d’athlétisme et de cyclisme, des cours de tennis, des terrains de sports collectifs, un stade nautique et un institut d’éducation physique. L’arc motif y apparaît sous différentes formes: Les quatre entrées monumentales, tels des arcs de triomphe, ainsi que les arcades qui entourent
27. Tony Garnier (1869-1948) est un architecte et urbaniste français. Son oeuvre majeure est la Cité industrielle, utopie urbanistique qui propose notament une separation entre les fonctions urbaines et les activités de la ville.
les tribunes, n’ont aucune autre fonction que de rappeler les stades antiques et inspirer la solennité. Enfin nous pouvons certainement lier l’usage presque obsessionnelle de l’arc comme motif au séjour de Tony Garnier, à la Villa Médicis, après avoir obtenu le Premier Grand Prix de Rome en 1988. Il y réalisera une série d’aquarelles à différents endroits de la ville. Ainsi, les architectes européens des années 30, ont utilisé l’arc motif de manière ostentatoire et monumentale, aussi bien au nom de dictatures ou de grandes démocraties. Franco Borsi décrira d’ailleurs cette époque comme « une nouvelle histoire à cheval entre la philogie historiciste et l’ironie désinvolte postmoderne »28. En effet, plus de trois décennies plus tard, les archi-
28. Franco Borsi, op.cit., p54.
tectes postmodernes feront de l’arc motif à nouveau un leit motiv. 57
Quand post-modernes & contemporains assumment.
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Phillip Johnson, Beck House, Dallas, 1964.
Photo: auteur inconnu.
Phillip Johnson, Beck House, Dallas, 1964.
Photo: auteur inconnu.
Phillip Johnson, AT&T Tower, New York, 1984. Photo: Paul Khor.
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L’arc motif postmoderne ou l’arc parodié. Pour le théoricien américain, Frédéric Jameson, le postmodernisme est « la logique culturelle » mise en place par le « capitalisme tardif »1. Il touche tous les univers créatifs, la littérature, les arts visuels, le graphisme mais aussi le cinéma avec notamment Blade Runner de Ridley Scott ou la musique avec l’album New traditionalists de Devo. Pour d’autres, « Il n’existe pas de doctrine postmoderne car il n’existe en fait que des réactions contre la doctrine de l’architecture moderne.»2. En effet, l’architecture postmoderne, apparaît au moment de la mort du mouvement moderne, dans un climat de crise économique mondiale3. D’ailleurs, Charles Jencks écrira dans Le langage de l’architecture post-moderne en 1979:
L’architecture moderne est morte à Saint Louis, Missouri, le quinze juillet 1972 à quinze heure trente deux (ou à peu prés), quand l’ensemble tant décrié de Pruitt- Igoe, ou plus exactement quand certains des blocs reçurent le coup de grâce final à la dynamite. Auparavant, l’ensemble avait eu à subir les déprédations, les mutilations et les actes de vandalisme continuellement perpétrés par ses occupants noirs et, malgré les millions de dollars dépensés à tenter de le remettre sur pied (réparation des ascenceurs, remplacement des vitres cbrisées, féfection des peintures), on décida finalement d’abréger ses souffrances. Boum, Boum, boum.4
Au rationalisme et au formalisme moderne, les architectes postmodernes préfèrent une architecture parlante et n’hésitent pas à s’en prendre directement aux fondateurs du mouvement moderne, à l’image de Robert Venturi
1. Frederic Jameson, Le postmodernisme ou la logique du capitalisme tardif, Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris, 2011 (1991), Paris. 2. Mohamed Foura, Histoire critique de l’architecture: evolutions et transformations en architecture pendant les 18ème, 19ème et 20 ème siècles, Office des publications universitaires, 2005, Alger, p283. 3. Le premier choc pétrolier en 1971 (suite à un pic de production de pétrole aux EtatsUnis), provoque une forte dévalorisation du dollar. 4. Charles Jencks, Le langage de l’architecture post-moderne, Ed. Denoël, 1985 (1979),Paris, p9.
dans le manifeste Complexité et contradiction en architecture (1966). On oublie l’esthétique machiniste et on prend comme modèle l’architecture populaire du bord des routes, des centres commerciaux et les villes de loisirs de l’après guerre. De cela résulte souvent une architecture plus scénographique que tectonique. Mais surtout, le postmodernisme tend à renouer avec ses racines en faisant l’usage d’un « historicisme dématérialisé »5. Souvent, les formes nient leurs origines c’est à dire celles qui les définissent de manière constructive et de matérialité. Robert Venturi, Charles Moore et les autres puisent ainsi aisé-
5. Kenneth Frampton, L’architecture moderne, une histoire critique, Ed. Thames and Hudson, 2008 (1980), Paris, p327.
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Robert Venturi & Denise Scott Brown, Nurse Association, North Penn, 1960. Photo: George Pohl.
Robert Venturi & Denise Scott Brown, Vanna Venturi House, Chestnut Hill 1962. Photo: Matt M.
Robert Venturi & Denise Scott BrownVanna Venturi House, Chestnut Hill, 1962. Photo: collection personelle des architectes.
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ment dans le vocabulaire classique et cela pour faire signe. L’arc est un signe, comme la colonne ou le fronton et devient ainsi un leit motiv de l’architecture post-moderne. Ainsi, les postmodernes font de l’arc antique non pas un pastiche mais plutôt une parodie, nous verrons comment à travers différents projets d’architectes américains tels que Phillip Johnson, Robert Venturi et Denise Scott Brown et Charles Moore, puis, d’autres, européens, tels que Hans Hollein, Christian de Portzamparc et Ricardo Boffil. Phillip Johnson (1906-2005) est un architecte américain. Figure majeure du mouvement moderne, puis du postmodernisme à partir des années 60, il dira :
Mies est un tel génie ! Mais j’ai grandi et je me suis lassé. Mon choix est clair : la tradition éclectique. Il ne s’agit pas de revivalisme académique. Il n’y a pas d’ordres classiques de faîtes gothiques. J’essaie de choisir ce qui me plait à travers l’histoire. Nous ne pouvons pas méconnaître l’histoire.6
D’après Charles Jencks, l’architecte est « semi historiciste» ou alors « à moitié post- moderne » . En effet, il s’engage dans la voie du décoratif et 7
donc de l’arc motif mais sans l’assumer complètement. Sa pensée longtemps
6. Charles Jencks, op. cit., p82. 7. Ibid, p86.
influencée par le mouvement moderne l’empêche de se vouer à une ornementation « gratuite », ses arcs sont donc dans un premier temps entre le motif et le structurel, comme à l’Amon Carter Museum (1961) aux arcs surbaissés et répétitifs. Plus tard, il assumera plus clairement leur qualité décorative. Par exemple, la Beck House (1964-1966), une version exacerbée du pavillon du lac de Glass House, se présente comme une succession d’arcs de béton en façade, ce qui lui donne un caractère important et monumental. L’architecte utilise également l’arc motif dans la décoration intérieur, notamment dans la salle de réception où des arcs très fins se succèdent sur les quatre côtés de la pièce et semblent découler du faux plafond. Mais c’est sûrement à New York, en 1984 que l’architecte signe l’un des édifices les plus significatifs du postmodernisme. Haut de 197 mètres, l’AT&T Tower8 accueille ses visiteurs par un arc monumental, haut de sept étages suivi d’une série d’arcades intérieures, rappelant les formes idéales de la Renaissance. Le langage historiciste est ici en totale opposition avec le quartier
8. Depuis 1992, la tour est connue sous le nom de Sony Tower, date de sa vente à la société.
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Robert Venturi & Denise Scott Brown, Guild House, Philladelphie, 1963.
Photo: auteur inconnu.
Robert Venturi & Denise Scott Brown, Gordon Wu Hall, Université de Princeton, 1991. Photo: Wikimedia Commons.
Robert Venturi & Denise Scott Brown, Trabant Student Center, Université de Delaware, 1996.
Photo: site internet de l’agence.
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hyper moderne de Manhattan. Pour arriver à ses fins, Johnson dupe l’usager : la structure, constructivement moderne, c’est à dire d’acier, est recouverte de granit rose, ce qui donne l’illusion d’une maçonnerie traditionnelle à grande échelle. En 1992, il continuera les expérimentations décoratives à l’Université de l’Etat de l’Ohio où l’arc motif apparaît sous forme de maçonnerie en briques. Il couronne les entrées et, de différentes échelles, les arcs viennent rythmer les ouvertures et habiller la façade. Mais c’est sûrement Robert Venturi et Denise Scott Brown9 qui utiliseront en premier les symboles traditionnels de manière ostentatoire. Au “Less is More” de Mies, le couple répond “Less is Bore”. En 1960, il utilise l’arc motif pour le bâtiment de la Nurse Association de North Penn. Mince, découpé dans du bois peint de peinture blanche, il marque manifestement l’entrée du public. Pour Jencks, il s’agit du premier « anti- monument » du post-modernisme et la « première utilisation identifiable et symbolique de l’ornement historique». D’ailleurs, le marquage de l’entrée par un arc motif deviendra récurrent dans différents travaux post-modernes, comme dans la Daisy House de McCurry en 1976 ou pour plusieurs façades dessinées par Hans Hollein. L’arc motif deviendra par la suite une ritournelle dans l’œuvre architecturale du couple. Comme pour le projet de North Penn, ils l’utilisent pour célébrer l’entrée de la maison de Vanna Venturi10, où il devient une simple ligne arquée, moulée au dessus de la porte. On trouve également ce motif pour la grande baie vitrée dont est dotée la chambre, la pièce unique du premier étage. Par ailleurs, en 1963, ils construisent la Guild House11, à Philladelphie, qu’ils aiment présenter comme une œuvre manifeste de leurs thèses sur le laid, l’ordinaire et le symbolique en architecture. L’arc motif en façade offre une
9. Robert Venturi (1925) et Denise Scott Brown sont un couple de théoritiens d’architecture et de praticiens. Maitres du postmodernisme, ils publieront les deux manifestes incontournables du mouvement: Compléxité et contradiction en architecture (1966) et Learning from Las Vegas (1972). Ils gagneront le Pritzker Price en 1991. 10. Le chantier de la Vanna Venturi House (Chestnut Hill, Pensylvanie) commence en 1962, pour se finir en 1964. 11. Maison de retraite en accession.
ouverture généreuse à la salle de réception commune aux différents résidents âgés. Ainsi, il donne à voir de manière ironique les activités des habitants. Bien que constitué de briques, elles n’ont aucune fonction constructive, elles sont un simple habillage de la façade de béton brut. Dans les années 90, les Venturi iront encore plus loin dans leur emploi de l’arc motif, en lui faisant perdre toute matérialité. En 1991, le duo conçoit le Gordon Wu
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Charles Moore, Piazza d’Italia, Nouvelle Orléans, 1978. Photo: Colros.
Hans Hollein, Bijouterie Schullin II, Vienne, 1985.
Photo: site internet de l’agence.
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Hall sur le campus de l’université de Princeton. Fidèle à leur thèse qui veut que l’extérieur ne soit pas un intérieur, le bâtiment ne permet aucunement de deviner ce qui s’y passe. Alors, Robert Venturi et Denise Scott Brown y soulignent une nouvelle fois l’entrée avec des arcs, parmi d’autres figures classiques, peints sur du granit blanc. En 1996 enfin, l’arc motif devient lumière à l’Université de Delaware, où ils créaient, ironiquement, une voûte composée d’arcs de néons lumineux colorés qui rythment l’allée principale du Trabant student center. A la même époque, Charles Moore (1925-1993), architecte, américain également, signait l’une des œuvres architecturales majeures de sa carrière mais aussi du postmodernisme. En 1978, débute le chantier de la Piazza d’Italia à la Nouvelle- Orléans. Cette nouvelle place se veut un joyeux hommage aux immigrés italiens de la commune. Quand Johnson et les Venturi, utilisent les éléments classiques pour se moquer de l’austérité moderne, Charles Moore fait directement référence à la culture italienne en souhaitant inspirer la joie et connecter les gens au quotidien. En effet, l’architecte « s’est penché sur l’étude de souhaits conscients et subconscients de l’utilisateur concernant son habitat en tant que point de départ de ses tentatives et théories architecturales »12. Ainsi, avec des moyens modestes, il créé une sorte de scénographie plus qu’une architecture qui fait « appel aux sens puis à l’esprit et à la mémoire »13. L’arc apparaît donc ici comme un motif historiciste, qui tantôt mime un assemblage de pierres de taille « plate » ou par ailleurs semble être taillé dans du faux marbre.
12. Mohamed Foura, op. cit., p277. 13. Geral Allen, Charles Moore, Ed. Du Moniteur, 1982, Paris, p214.
Les américains étant certes très actifs dans l’épanouissement du postmodernisme, les architectes européens succomberont, eux aussi, à la tendance et aux doctrines « anti- moderne ». En Autriche, Hans Hollein (1934-2014) se présente comme l’une des figures les plus dynamiques du mouvement. Dans le texte « Tout est architecture »14, l’architecte exposera ses théories concernant le rôle de la « nouvelle » architecture : « Libérée des conditions techniques du passé, l’architecture fonctionnera d’une façon plus intense avec des qualités spatiales et psychologiques. », il vise ainsi une réunion entre art et architecture, qu’il veut inséparables. Contrairement à ses proches
14. Publié dans les numéro 1 et 2, de BAU, revue autrichienne dont il est lui-même rédacteur en chef.
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Hans Hollein, Austrian Travel Agency, Vienne, 1976.
Photo: Jerzy Survillo.
Christian De Portzamparc, Les Hauts de formes, Paris, 1979. Photo: Jean-Marie Monthiers.
Ricardo Bofill, Les Arcades du lacs, St Quentin en Yvelines, 1981. Photo: Stewart Leiwakabessy.
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américains, Hollein montre un goût très fin pour le détail et les matériaux nobles, et cela notamment dans son usage de l’arc motif. En 1980, il couronnera d’un arc en néon lumineux, lui aussi, les six colonnes que composent la façade qu’il propose pour l’exposition « The Presence of the past », première exposition d’architecture internationale à Venise. De la même manière, en 1985, il coiffera l’entrée de la bijouterie Schullin II à Vienne, d’un arc plein fait de marbre et d’un autre, fait d’une simple ligne de laiton. Par ailleurs, l’autrichien utilisera également la voûte comme motif grâce à de faux plafonds en polycarbonate éclairé, comme notamment à l’Austrian Travel Agency de Vienne (1976). En France, Christian de Portzamparc conçoit les Hauts de Formes dans le 13ème arrondissement de Paris (1979). De minces rues et passages organisent l’ensemble de 206 logements, affirmant la volonté de l’architecte d’un retour à une urbanité plus traditionnelle. Mais c’est vraisemblablement, avec l’usage de l’arc motif qu’il montre le plus clairement son approche historiciste. En effet, un arc surplombe d’une vingtaine de mètres l’entrée principale du complexe. De plus, les ouvertures des derniers niveaux sont ponctuellement arquées. Au même moment, on cherche à décongestionner le centre ville parisien. C’est dans ce contexte que le gouvernement opte pour une politique de villes nouvelles et de développement des banlieues. L’architecte espagnol, Ricardo Bofill, signera alors l’un de ses projets français majeurs, les Arcades du Lac, à Saint Quentin en Yvelines (1981). A travers cet ensemble de logements mixtes d’une étendue de plus de 31 000 m2, il prônera de par cette mégastructure un retour à l’histoire, que l’on nommera alors « Megaclassicisme »15. L’efficacité fonctionnelle de béton armé y prend un visage classiciste. Parmi, les colonnes monumentales, les chapiteaux, les arcs motifs sont aus-
15. Kenneth Frampton, op. cit., p330.
si bien évidemment présents. Sous formes d’arcades, rythmant les allées, d’arcs sculptés grossièrement dans le béton, habillant les ouvertures, il se présente également comme glorieux arc de triomphe dont certains semblent flotter sur le lac. A l’aube du XXI ème siècle, le postmodernisme sera cependant critiqué, comme l’avait été le mouvement moderne auparavant. Souvent jugé
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Ricardo Bofill, Les Arcades du lacs, St Quentin en Yvelines, 1981. Photo: Laurent Kronental.
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trop simpliste, le courant décline. Les architectes ne semblent plus vouloir s’attacher à une position historiciste, se retourne vers une certaine modernité, parfois appelé « néo-modernité »16. L’arc motif ne disparaît cependant pas du paysage architectural. Comment le retrouve t-on alors, à l’époque contemporaine ? 
16. Antonin Labossiere, La mort du postmodernisme et l’émergence du néomodernisme : essai d’interprétation des formes urbaines, Université du Québec, Institut national de la recherche scientifique, Maîtrise en études urbaines,2012, Québec, p127.
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Phillip Turner, Projet de fin d’études, AA school of London, 2013.
Andrew Wagner, Projet de fin d’études, Woodbury School of Architecture, San Diego,2014.
Joséphine Delignies, Gaëlle Pilon, Projet pour Casablanca, Ecole national supérieure d’architecture de Versailles, 2015.
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L’ arc motif à l’époque contemporaine. Comme l’a souligné le critique britannique Kenneth Frampton, dans l’introduction de L’ architecture moderne, une histoire critique, peindre le tableau de l’époque à laquelle nous vivons s’avère un exercice particulièrement périlleux et complexe : Brosser le portrait de l’architecture contemporaine soulève maintes difficultés, notamment du fait de la sélection à opérer parmi un large éventail d’opérations. Une stricte fidélité à l’actualité est impossible: chaque décennie apporte son lot d’architectes talentueux, alors que la génération précédente n’est pas parvenue à sa pleine maturité.1
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, loin du « traumatisme » postmoderne, l’arc motif détient toujours sa place au sein du paysage architectural actuel. D’ailleurs, on assiste depuis 2010 à un sursaut, à un retour de l’arc motif dans les projets d’écoles d’architecture notamment européenne, mais aussi dans de jeunes agences. Effet de mode ou héritage théorique, les
1. Kenneth Frampton, L’architecture moderne, une histoire critique, Ed. Thames and Hudson, Paris, 2008 (1980), p3.
volontés architecturales en sont souvent floues, peu crédibles ou complètement passé sous silence. A ce propos, l’agence parisienne Antonini Darmon, communique alors vis à vis de leur bâtiment de logements à Boulogne Billancourt : « Empruntées au vocabulaire classique, les arches sont une réinterprétation contemporaine du rythme des façades principales des anciennes usines Renault, très présentes dans l’imaginaire collectif. »2. Au contraire, l’agence milanaise Baukuh assume généreusement l’usage de l’arc pour « la beauté et la pureté de sa forme sans avoir de référence historique ou architecturale particulière. »3. Nous allons donc plutôt voir comment les nouveaux outils de l’architecture, liés au développement de l’informatique, ont donné un nouveau souffle à l’arc motif contemporain à travers quatre projets conçus ou construits en 2013.
2. Site internet de l’agence. URL: www.antonini-darmon.fr/projets-42, consulté le 31 décembre 2016. 3. Clémentine Genet, interview personnel de l’agence Baukuh, non publié, 23 décembre 2016.
L’architecte tokyoïte, Sou Fujimoto, né en 1971, fait parti des architectes qui profitent des nouveaux outils technologiques au bénéfice de son architecture qu’il qualifie du style « futur primitif »4, du nom éponyme à son livre qui
4. Sou Fujimoto, Primitive Future, Inax, Tokyo, 2008.
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Sou Fougimoto, Masterplan “Mirage Souk”, Ville inconnue, 2013.
Image: Sou Fujimoto architects.
Sou Fougimoto, Masterplan “Mirage Souk”, Ville inconnue, 2013.
Image: Sou Fujimoto architects.
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défend une création intuitive et sans contrainte. Il réinvente l’emploi de l’arc motif pour le projet Particules de Lumière. La démocratisation de la modélisation 3D ainsi que l’approfondissement des connaissance de l’édification de bâtiments de grande hauteur, ont permis à l’architecte de dessiner ce plan directeur pour une ville importante de Moyen-Orient, restée anonyme. Il prend l’arc motif comme l’héritage «de la beauté intrinsèque de l’architecture islamique vernaculaire »5. Le système structurel modulaire d’arcs dont les tailles varient selon les programmes (2,5m, 5m ou encore 10 m) s’étend sur l’entière surface du projet du Mirage Souk, composés de divers centres commerciaux, de bureaux, des espaces culturels organisés autour de grandes places et atriums. L’architecte dévoile alors un exemple, la Tour Outlook. Doté de plusieurs points culminants, l’édifice perd de sa densité au fur et à mesure des étages. En 2017, le projet est resté au stade d’esquisses.
5. Karissa Rosenfield, “Sou Fujimoto proposes “Miragelike” landmark for Middle Esat”, Archdaily, le 21 novembre 2013, URL: http://www. archdaily.com, consulté le 2 janvier 2017.
Un autre japonais, Toyo Ito, né en 1941 sera également mettre à son profit les progrès de l’ingénierie et de l’informatique. Toujours en 2013, l’architecte signe la librairie de l’Université des beaux arts de Tama (Campus d’Hachiiji) qui laisse à penser à un aqueduc romain de loin mais plutôt à une caverne dès que l’on y rentre. En effet Ito a toujours désiré son architecture la plus fidèle possible à l’essentiel, préférant à l’imposante monumentalité, la douceur d’étendues malléables. Comme Mies Van der Rohe, le maître affectionne particulièrement la grille, mais lui, grâces aux avancés numériques peut la déformer, la tordre, la moduler jusqu’à ce qu’il obtienne ce qu’il nomme une « grille émergente ». Les arcs utilisés ici comme motifs organiques se croisent en 56 points d’intersections et rappellent les travaux expressionnistes et notamment les stalactites du Grand théâtre de Berlin de Hans Poelzig. En effet, les progrès constructifs ont permis de sculpter les arcs de façon à ce que la partie la plus mince soit celle qui touche le sol, renforçant l’impression de légèreté. Les outils informatiques et notamment la 3D ont fortement participé au fait qu’aucun des 166 arcs ne soient pas similaire, de portée allant d’1mètre 80 à 16 mètres, leurs épaisseurs restent de 200 mm6. Ils donnent ainsi un caractère naturel à l’ensemble :
6. T. Ito, D. Bintrock, I. Igarashi, R. Vamamoto, Toyo Ito, Ed. Phaidon, Londres, 2009, p144.
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Toyo Ito, Tama art university librairy, Tokyo, 2013.
Toyo Ito, Tama art university librairy, Tokyo, 2013.
Photo: Scott Norsworthy.
Parc Architecttes, Auditorium, Bondy, 2013. Photo: 11h45.
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Utilisant l’une des plus anciennes formes architecturales classiques l’arc - mais l’associant à un phénomène naturel - les stalactites - Toyo Ito ajoute un sens d’ambiguïté à un motif autrefois clair. Les arcs qui semblent si rationnels de l’extérieur s’entrecroisent dans un chaos fait de distorsions lorsqu’ils sont vus de l’intérieur.7
Cependant l’architecte de tend pas à une pale copie de la nature grâce à la technologie mais vise plutôt à une fusion totale entre les deux. Cette nouvelle approche particulièrement poétique est sûrement l’une des raisons pour lesquelles il se verra attribuer le Prix Prtizker la même année. Suivons maintenant Parc architectes, lauréat des AJAP8 en 2012, en périphérie parisienne, dans la ville de Bondy. Au cœur d’un tissu suburbain très peu dense l’agence d’architecture tente de réinventer, pour l’auditorium
7. Jakob Harry Hybel, “Tama art university librairy”, Arcspace, le 27 mai 2013, URL: www.arcspace.com, consulté le 5 janvier 2017. 8. Album des jeunes architectes et paysagistes.
de la ville, largement dédiée à la chorale, le hangar traditionnel grâce à de nouveaux matériaux mis en œuvres par les nouveaux outils informatiques dont les architectes contemporains disposent. De l’extérieur, la simple boîte s’ouvre à son contexte par de grands arcs découpés dans l’acier ondulé9 de la façade et laissent place à la lumière naturelle et aux vues. Ils révèlent l’entrée, le bar, le hall ainsi que l’espace d’exposition. D’ailleurs, sur leur site internet, Brice Chapon et Emeric Lambert ne justifie aucunement du choix de l’arc motif mais ne parle simplement de ses qualités:
Elles signalent les éléments du programme (...). Dans un premier projet, pour insérer le bâtiment dans son contexte, nous avions proposé d’intégrer l’entrée du collège dans l’auditorium grâce à une galerie couverte. Le maire, reprochant à cet espace d’être difficile à surveiller, a souhaité le remplacer. Nous avons alors entièrement retourner symétriquement le bâtiment. En conservant l’opération plastique de découpage des arches, le projet a semblé rester le même, bien que tout ait été redessiné.10
Les architectes obtiennent ici un moindre coût une façade à l’identité affirmée grâce à l’arc esthétisant, laissant un budget généreux pour ce qui sem-
9. Le batiment se compose de couches successives qui permmettent de preserver les performances acoustiques et thermiques: murs en béton, barières anti-pluie, lammelles d’acier, fenêtres en verre, panneaux acoustiques en bois et revêtement en metal perforé.
10. Site internet de l’agence. URL: http://www.parcarchitectes.eu.
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Zaha Hadid, Heydar Aliyev Center, Bakou, 2013.
Photo: Hufton Crow.
Zaha Hadid, Heydar Aliyev Center, Bakou, 2013.
Photo: Iwan Baan.
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ble le plus important, c’est à dire l’acoustique de la salle ainsi les équipements techniques. Et si les nouveaux outils architecturaux et notamment le paramétrique réinventaient complètement l’arc, et si le bâtiment, tout entier, devenait un arc motif que l’on aurait pu imaginer. Phillipe Trétiack dira d’ailleurs à propos de Zaha Hadid: «Elle a révolutionné la représentation architecturale et aussi la discipline en édifiant des bâtiments qui semblaient inconstructibles »11. En effet, l’architecte star va inventé un style propre au XXIème siècle : « il s’agit d’abord de faire avaler aux ordinateurs des paramètres, formels, techniques, humains, qui leur sont peu familiers, pour recueillir à la sortie des modèles constructifs bien éloignés des canons de l’Antiquité. »12. Le Heydar Aliyev Center est un bon exemple de ses nouvelles formes. Lui aussi construit en 2013, à Bakou, la capital de l’Azerbaïdjan, il est voué à accueillir, à travers ses différents espaces, les célébrations culturelles contemporaines et traditionnelles. L’édifice apparaît comme une succession d’arcs paramétriques qui se tournent et se retournent sur eux-mêmes, en accueillant, embrassant et dirigeant tour à tour les visiteurs. C’est d’ailleurs la peau qui les lie qui a été la plus difficile à réaliser :
11. Phillipe Tretiack, Rendez-vous critique, débat présenté à la Plateforme de la création architecturale, 14 avril 2016, repéré sur URL : http:// webtv.citechaillot. fr, consulté le 29 décembre 2016. 12. Frédéric Edelmann, “Mort de Zaha Hadid, lionne faite architecte”, Le Monde, le 31 mars 2016, URL: www. lemonde.fr/architecture, consulté le 4 janvier 2017.
Notre ambition d’obtenir une surface si continue, homogène, exigeant un large éventail de fonctions, de logiques de construction et de systèmes techniques, devait être intégrée dans l’enveloppe du bâtiment. L’informatique avancée a permis le contrôle continu et la communication de ces complexités parmi les nombreux participants au projet.13
C’est dans ce contexte de complexité que des solutions innovantes ont été utilisées : Le béton renforcé de fibres de verre (GFRC) et le polyester renfor-
13.Ibid
cé de fibre de verre (GFRP) ont été choisis comme matériaux de revêtement idéaux, car ils permettent la plasticité puissante de la conception du bâtiment tout en répondant à des exigences fonctionnelles très différentes. C’est ainsi, que l’architecture paramétrique donne un nouveau statut à l’arc en lui donnant la puissance formelle d’un bâtiment tout entier. Le Futur de l’arc motif pourra- il aller plus loin ?
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Conclusion.
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Au fil de ces cinq parties, nous avons vu des rapprochements entre différentes époques et leur manière de justifier l’emploi de l’arc motif. Ainsi post-modernes et expressionnistes ont montré la volonté de la création d’une œuvre d’art totale et un goût de la parodie. Par ailleurs, les expressionnistes, tout comme Frank Lloyd Wright à l’époque moderne ou Toyo Ito aujourd’hui, envisagent l’arc motif comme une forme organique. Contrairement aux postmodernes et aux architectes de “l’Ordre Monumental” qui en font très largement un motif historiciste. L’arc motif à donc changer au fur et à mesure de l’histoire, aux grés des nouvelles techniques et de l’invention de nouveaux matériaux. Moyen de terminer un édifice à l’époque vernaculaire, il obtient une puissance constructive et symbolique chez les Romains pour finalement obtenir une place dans le paysage architectural de toutes les époques qui suivent. Même le béton armé n’aura pas eu sa peau, bien que Franco Borsi dira :
C’est là où on rencontre une contradiction de fond. Puisque que les structures de ciment armé sont constituées par un système de poutres en treillis et de pilastres, l’arc est toujours un faux. Si l’arc se trouve réalisé en ciment armé, c’est là une contradiction avec la continuité plastique du matériau: aussi loin que l’on remonte dans la tradition, l’arc n’est jamais qu’un système d’utilisation de petits éléments comme des briques, ou des claveaux; c’est un élément de continuité géométrique réalisé dans la discontinuité structurelle. Avec la continuité structurelle de la coulée de ciment, l’arc perd sa raison d’être. Mais une architecture sans arc est elle pensable? 1
La réponse est vraisemblablement négative. D’ailleurs, il résistera si bien à toutes les tendances, à toutes les guerres idéologiques architecturales, que le XXI ème siècle le réinvente, après l’arc de béton, nous avons l’arc paramétrique, rappelant les arcs mous de Mendelsohn mais à l’ échelle rocam-
1. Franco Borsi, L’ordre monumental, Europe 19291939, Ed. Hazan, Paris, 1986, p62.
bolesque du bâtiment tout entier, le bâtiment n’est plus constitué d’arcs motif, le bâtiment est arc motif. De plus, on le retrouvera en point d’orgue dans les années 2010, sous diverses formes, sûrement simplement par effet de mode lié aux nouveaux réseaux sociaux. 83
Mais surtout, le recul de cet écrit, nous laisse penser que finalement un même objet, une même forme, peut endosser une infinité de significations, à la libre guise de son architecte et de son courant de penser. Ainsi, au cours du XX ème et du XXI ème siècle, l’arc motif aura été un symbole naturaliste, organique, monumental, historiscite, communicant. Se faisant la parure des plus grandes démocraties comme des plus grandes dictatures, l’arc motif n’a aujourd’hui pas dit son dernier mot.
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Bibliographie.
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89
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91
- Oscar Niemeyer, «Nove sede da Fata Engineering Torino-Itália » dans Módulo, n°46, Rio de Janeiro, jul./set. 1977, p.44. - Karissa Rosenfield, “Sou Fujimoto proposes “Mirage-like” landmark for Middle Esat”, Archdaily, le 21 novembre 2013, URL: http://www.archdaily. com, consulté le 2 janvier 2017. Conférences - Phillipe Tretiack, Rendez-vous critique, débat présenté à la Plateforme de la création architecturale, 14 avril 2016, repéré sur URL : http://webtv.citechaillot.fr, consulté le 29 décembre 2016.
93
Annexes. Liste non-exaustive des projets du XXème & du XXI ème siclès usant d’arc motif ou structurels.
95
Architecte
Projet
Lieu
Matériaux de l'arche
Structurelle/motif
Springfield, Ohio
Année de Mouvement construction 1902-1904 Style Prairie
Franck Lloyd Wright
Dana Thomas House
Otto Wagner
Caisse d'épargne postale
Brique/bois
Motif
Vienne, Autriche
1904-1912
Secession viennoise
Acier/verre
Structurelle
Hans Poelzig
Usine d'acide sulfurique
Lubon, Pologne
1911 non réalisé
Expressioniste
Brique
Motif
Adolf Loos
Horner House
Vienne, Autriche
1912-1913
Moderne
Structurelle
Auguste Perret
Docks Wallut
Casablanca, Maroc
1914-1917
Moderne
Briques préfabriquées couvertes d'acier galvanisé Béton
Tony Garnier
Stade
Lyon, France
1914-1926
Béton
Motif
Hans Poelzig
Maison de l'amitié
Istanbul, Turquie
Expressioniste
Erich Mendelsohn
Tour Einstein
Potsdam, Allemagne
1916 non réalisé 1917-1921
Hans Poelzig
Großes Schauspielhaus
Berlin, Allemagne
1919
Expressioniste
Hans Poelzig
Festspielhaus
Salzbourg, Allemagne
Expressioniste
Auguste Perret Peter Behrens
Atelier Esders Usine pour l'I. G. Farben
Paris, France Höchst-Francfort, Allemagne
1919 non réalisé 1919-1920 1920-1925
Moderne Expressioniste
Béton Brique
Structurelle Motif
Auguste Perret
Notre Dame de la Consolation
Le Raincy, France
1922-1923
Moderne
Béton
Structurelle
Giovanni Muzio
La Ca brutta
Milan, Italie
1923
Novecento
Béton
Motif
Marcello Piacentini
Monumento alla Vittoria
Bolzano, Italie
1926-1928
Novecento
Pierre
Motif
Dominikus Böhm Paul Tournon
St. Engelbert Eglise du Saint Esprit
Cologne, Allemagne Paris, France
1928-1932 1928-1935
Expressioniste
Brique Béton
Structurelle/motif Structurelle/motif
Le Corbusier
Palais des Soviets
Moscou, Russie
Moderne
Béton
Motif
Ivan Joltovski
Palais des Soviets
Moscou, Russie
1930 non-réalisé 1932 non réalisé
Béton
Motif
Franck Lloyd Wright
Immeuble de la Johnson Wax
Racine, USA
1936-1939
Moderne
Pyrex et acier
Structurelle/motif
Giovanni Muzio
Santuario di S. Antonio
Cremona, Italie
1936-1939
Novecento
Briques
Motif
Giovanni Guerrini Ernesto Lapadula Mario Romano Giovanni Muzio Adalberto Libera
Palais de la civilisation italienne
Rome, Italie
1938-1940
Architecture fachiste
Béton et tuf de calcaire
Motif
Angelicum Palazzo dei congressi
Milan, Italie Rome, Italie
1939-1942 1939-1954
Novecento
Briques Béton
Motif Structurelle/motif
Franck Lloyd Wright
V. C. Morris Gift Shop
San Francisco
1948
Moderne
Briques, acier, verre
Structurelle/motif
Le Corbusier
Roq et Rob
Béton
Structurelle
Notre Dame du Haut
1949 (nonconstruit) 1950-1955
Moderne
Le Corbusier
Roquebrune-Cap-Martin, France Ronchamp, France
Moderne
Béton
Structurelle
Le Corbusier
Maisons Jaoul
Neuilly-Sur-Seine, France
1951-1955
Moderne
Structurelle
Le Corbusier
Sarabhai house
Ahmedabad, Inde
1951
Moderne
Briques (voûtes catalanes) Briques (voûtes catalanes)
Fernand Pouillon
Porte de la mer, Cité de Diar El Mahçoul
Alger, Algérie
1953-1955
Béton et pierres
Structurelle/Motif
Fernand Pouillon
Place du marché, Cités de Diar El Mahçoul et de Diar Es Saada
Alger, Algérie
1953-1955
Béton et pierres
Structurelle/motif
Fernand Pouillon
Cité Climat de France
Alger, Algérie
1954-1957
Motif
Roland Simounet
Cité de transit
Djenan el-Hassan, Algérie
1956-1958
Moderne
Béton, briques et pierres Béton
Oscar Niemeyer
Palácio da Alvorada
Brasillia, Brésil
1957-1958
Moderne
Béton
Structurelle/motif
Robert Camelot Jean de Mailly Bernard Zehrfuss Carlo Scarpa
Centre des nouvelles industries et technologies
La Défense, Paris, France
1958
Moderne
Béton
Structurelle
Museo Civico di Castelvecchio
Vérone, Italie
1959-1973
Moderne
Béton et chaux
Motif
Walter Gropius
Auditorium, Librairie, Entrée (Université de Bagdad)
Bagdad, Iraq
1961
Moderne
Béton
Struturelle
96
Expressioniste
Structurelle Motif
Briques recouvertes de ciment Nid d'abeille
Motif Motif Motif
Structurelle
Struturelle/motif
Robert Venturi Denise Scott Brown Phillip Johnson
Guild House
Philladelphie, USA
1960-1963
Postmoderne
Briques
Motif
Lake pavillon
New-Canaan, USA
1961
Postmoderne
Béton
Motif
Louis Kahn
Indian Institute of Management
Ahmedabad, Inde
1962-1974
Moderne
Briques/ Linteaux en béton
Structurelle
Eero Saarinen
L'arche de St Louis
Saint Louis, USA
1963-1965
Mémorial art gallery, University of Nebraska
Nebraska, USA
1963
Acier inoxydable/ béton Béton
Structurelle/motif
Phillip Johnson
Expressionisme Structurel Mod. Postmoderne
Robert Venturi Denise Scott Brown Phillip Johnson
Vana Venturi House
Philladelphie, USA
1964
Postmoderne
Béton
Motif
Beck House
Dallas, Texas
1964-1966
Postmoderne
Béton
Motif
Louis Kahn
Assemblée Nationale
Dacca, Bangladesh, Inde
1964-1982
Moderne
Béton
Structurelle
Minoru Yamasaki
Northwestern National Life Building Metropolitan Opera House du Lincoln Center
Minneapolis, USA
1965
Béton
Structurelle/motif
New-York, USA
1966
Moderne
Béton
Structurelle/motif
Louis Kahn
Kimbell Art Museum
Fort Worth, USA
1966-1972
Moderne
Béton
Structurelle
Carlo Scarpa
Túmulo Brion
Treviso, Italie
1968
Moderne
Béton
Motif
Oscar Niemeyer
Siège des Éditions Mondadori
Milan, Italie
1968-1975
Moderne
Béton
Structurelle
Fernand Pouillon
Hotel M'Zab
Garhdaia, Algérie
1970
Béton
Motif
Fernand Pouillon
Complexe touristique: La Corne d'or
Tipaza, Algérie
1971
Béton blanchi à la chaux
Motif
Oscar Niemeyer
Siége de FATA ingénierie
Turin, Italie
1975
Moderne
Béton
Motif
Christian de Portzamparc
Les hauts de forme, 209 logements sociaux
Paris, France
1975-1978
Postmoderne
Béton
Motif
Tigerman Mc Curry
Daisy House
Porter, USA
1976
Postmoderne
Béton
Motif
Hans Hollein
Museum Abteiberg
Vienne, Autriche
1976-1978
Postmoderne
Polycarbonate/acier
Motif
Charles Moore
Piazza d'Italia
Nouvelle-Orléans,USA
1978
Postmoderne
Béton
Motif
Charles Jencks Terry Farrel
Thematic House
London, UK
1979-1984
Postmoderne
Béton/Pvc
Motif
Robert Venturi Denise Scott Brown
House
New-Castel, USA
1978-1983
Postmoderne
Béton
Motif
Phillip Johnson
AT&T siége social
New-York, USA
1980
Postmoderne
Béton
Motif
Hans Hollein
Façade
1980
Postmoderne
Néon
Motif
Jean Pierre Heim
Bistrot 77
Biennale de Venise, Italie Paris, France
1980
Postmoderne
Néons
Motif
Rafael Moneo
Musée d'Art Romain
Mérida, Espagne
1980-1986
Moderne
Brique
Motif
Ricardo Bofill
Les arcades du lac
Saint-Quentin-en-Yvelines, France
1981
Postmoderne
Béton
Motif
Robert Venturi Denise Scott Brown
Gordon Wu Hall, Princeton University
Princeton, USA
1983
Postmoderne
Peinture / Briques
Motif
Richard England
Piscine municipale
Saint Julians, Malte
1983
Postmoderne
Béton
Motif
Michael Graves
Walt Disney Compagny
Burbank, USA
1985
Postmoderne
Béton
Motif
Phillip Johnson
Comerica Bank Tower
Dallas,USA
1985-1987
Postmoderne
Béton
Motif
Hans Hollein
Collection de Bijou
Vicenza, Italie
1986
Postmoderne
Or
Motif
James Stirling
Clore gallery, Tate Modern
Londres, UK
1986
Postmoderne
Béton
Motif
Sottsass Associati
Esprit showroom
Dusseldorf, Allemagne
1988
Oscar Niemeyer
Musée National
Bresillia, Brésil
1988
Moderne
Béton
Structurelle
Richard England
Ir-Razzett ta'Sandrina house
Mgarr, Malte
1988-1993
Postmoderne
Béton
Motif
Oscar Niemeyer
Mémorial de l'Amérique Latine
Sao Paulo, Brésil
1989
Moderne
Béton
Structurelle
Kengo Kuma
M2 Building
Tokyo, Japon
1991
Postmoderne
Béton
Motif
Mario Botta
Cathédrale d'Ivry
Ivry, France
1992-1995
Postmoderne
Motif
Mario Botta
Eglise St Giovanni Battista
Fusio, Suisse
1992-1996
Postmoderne
Robert Venturi Denise Scott Brown
Trabant Student Center
Delaware, USA
1992-1996
Postmoderne
Béton couvert de briques Béton couvert de briques Néons
Wallace K. Harrison
Motif
Motif
Motif Motif
97
Jean Nouvel
Extension de l'opéra
Lyon, France
1993
Postmoderne
Acier et verre
Motif
Michael Graves
Rice University, Martel, Brown & Jones Colleges
Houston,USA
1999
Postmoderne
Bois
Motif
Shigeru Ban
Pavillon du Japon
Hannover, Allemagne
2000
Contemporaine
Bois
Structurelle
Santiago Calatrava
Agora
Athens, Grece
2004
Contemporaine
Acier
Structurelle
Renzo Piano
Musée Paul Klee
Bern, Suisse
2005
Contemporaine
Acier et bois
Structurelle/motif
Michael Graves
St Coletta School
Washington,USA
2006
Postmoderne
Béton/tuiles colorées
Motif
Meinhard von Gerkan
Gare Centrale
Berlin, Allemagne
2006
Contemporaine
Acier et verre
Structurelle
Franck Guery
Fondation Louis Vuitton
2006-2014
Contemporaine
Acier et verre
Structurelle
Zaha Hadid
Centre Heydar Aliyev
Boulogne-Billancourt, France Baku, Azerbaïjan
2007
Contemporaine
Rudy Riciotti Mario Bellini Santiago Calatrava
Département des arts de l'Islam, Le Louvre Gare
Paris, France
2008-2012
Contemporaine
Acier
Structurelle
Liége, Belgique
2009
Contemporaine
Béton, verre et acier
Structurelle
Aires Mateus
Radix
Biennale de Venise, Italie
2012
Contemporaine
Béton
Structurelle/motif
Archiectura G
Claudio chair
2012
Contemporaine
Polycarbonate
Structurelle/Motif
Takeshi Hosaka
Daylight hosue
Yokohama, Japan
2011
Contemporaine
Bois
Motif
Sou Fougimoto
Conceptual masterplan
Moyen Orient
2013
Contemporaine
Béton
Struturelle/motif
Renzo Piano
Fondation Pathé
Paris, France
2013
Contemporaine
Bois et acier
Structurelle
Collectif Incipit
Intricate Wire Mesh Sculpture
Marina Do Camerota, Italy
2013
Contemporaine
Toile de fer
Motif
Atelier Deshaus
Long Museum West Bund
Shangai, Chine
2014
Contemporaine
Béton
Structure/Motif
Parc architectes
Auditorium
Bondy, France
2014
Contemporaine
Acier et verre
Motif
MVRDV
Marché couvert
Rotterdam, Hollande
2014
Contemporaine
Béton
Structurelle
X-TU
Cité du vin
Bordeaux, France
2016
Contemporaine
Bois
Structurelle
Antonini Darmon
Logements
2016
Contemporaine
Béton
Motif
Alexandru Fleșeriu Péter Eszter
Refram (instalation)
Boulogne-Billancourt, France Bonţida , Romania
2016
Contemporaine
Leds
Motif
98
Motif