DU GUEULARD AU PARADIS

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DU GUEULARD AU PARADIS

Der Verkehrsbericht am Radio meldet die ersten Staus auf den Zufahrten zum Fegefeuer. Das wird höllisch.

DANIEL GAEMPERLE – JEAN-PIERRE GERBER – PASCAL REBETEZ

L’Inforoute à la radio annonce les premiers bouchons sur les accès au purgatoire. Ça va chier.

DU GUEULARD AU PARADIS « LE RETOUR DE DANTE »

DANIEL GAEMPERLE – JEAN-PIERRE GERBER – PASCAL REBETEZ





DU GUEULARD AU PARADIS « LE RETOUR DE DANTE »

DANIEL GAEMPERLE JEAN-PIERRE GERBER PASCAL REBETEZ

SAINT-URSANNE FOURS A CHAUX Du 22 juin au 27 juillet 2014

ART CONTEMPORAIN

A SAINT-URSANNE



Daniel Gaemperle, 2013, 180 cm x 285 cm


Jean-Pierre Gerber, 2014, dĂŠtails de sculptures




Le carnet de Dante Dantes Notizen

Pascal Rebetez

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18 novembre 2013 Dante est de retour à Delémont, ville de son adolescence. Les lieux restent, les enseignes changent : à droite du Moulin, il y a désormais un bar sénégalais et le café de la Poste s’est transformé en Code Bar. La Poste remplacée par un code : merveilleux raccourci de la modernité. Il y a aussi une serveuse belfortaine dans une robe verte, elle travaille le week-end ici et la semaine à plein temps dans une fabrique d’horlogerie. Si elle bosse autant, c’est parce qu’elle adore les voyages et les fast-foods. Là où c’est frit. Son père avait un jardin potager, dit-elle, mais on doit vivre avec son temps. Dante poursuit son périple à travers les cercles citadins presque déserts. Vers le pont de la Maltière, un homme avec un petit chien est nu-pieds. Dante lui fait remarquer qu’il fait à peine 3° centigrade. Sarcastique, l’homme répond : « Quand il neige, je mets des socquettes ! »

18. November 2013 Dante ist zurück in Delémont, Stadt seiner Jugend. Die Orte sind gleich geblieben, die Namen haben sich geändert: rechts von der Mühle hat's inzwischen eine senegalesische Bar und das Café de la Poste hat sich in eine Code Bar verwandelt. Die Post durch einen Strichcode ersetzt, herrliche Vereinfachung der Moderne. Es hat auch eine Bedienung aus Belfort im grünen Kleid, die arbeitet am Wochenende und während der Woche Vollzeit in einer Uhrenfabrik. Dass sie soviel arbeitet liegt daran, dass sie Reisen und Fast Food liebt. Dort wo's frittiert. Ihr Vater zog sein eigenes Gemüse, sagt sie, aber man muss ja mit der Zeit gehen. Dante setzt seine Exkursion fort durch die fast verlassenen städtischen Kreise. Bei der Maltière-Brücke läuft ein Mann barfuss mit einem kleinen Hund. Dante weist ihn darauf hin, dass es kaum 3° hat. Sarkastisch erwidert dieser: «Wenn's schneit, ziehe ich Söckchen an!»

19 novembre Mardi soir, il pleut. Dante laisse son vélo sous un toit et s’engouffre dans les transports publics. Tram 14. Drame atroce. Un accident perturbe le trafic à Chantepoulet. « Chante poulet, chante ! » Dante vient de la Rôtisserie où il a laissé quelques plumes. L’attente pèse sur les ailes, la cuisse est lourde. Vapeurs odorantes des empannés. Plus tard, sur TF1, la volaille touche à l’extase : la France bat l’Ukraine et se qualifie pour se pavaner sur le fumier brésilien.

19. November Dienstagabend, es regnet. Dante stellt sein Rad unter Dach und verschwindet im öffentlichen Verkehr. Tram 14. Schreckliches Drama. Der Verkehr wird durch einen Unfall in Chantepoulet gestört. «Sing Poulet, sing!» Dante kommt vom Grillrestaurant, wo er einige Federn gelassen hat. Das Warten drückt auf die Flügel, der Schenkel wird schwer. Dampfschwaden riechen nach Paniertem. Später, auf TF1, wird das Geflügel ekstatisch: Frankreich schlägt die Ukraine und qualifiziert sich fürs Herumstolzieren auf dem brasilianischen Misthaufen.

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20. November Es regnet. In der Höhe etwas Schnee. Der Boden haftet schwer an den Füssen jener, die das Glück suchen. Feststellung aus dem Zug nach Bern: selbst wenn sie «Mein kleines Himmelreich» heissen, die einzelnen Villen bilden eine ästhetische Hölle. Was soll's: Der mittlere Steuerwert des Schweizers grenzt an 400'000 Franken. Sie sind alle reich, denkt Dante, ausser ich. Dabei verkauft sich eine Kuh am Ende des Weges für zwei bis drei Franken das Kilo auf den Beseitigungsmärkten, so wie er es in Pruntrut gesehen hat, unter dem gleichen Regen, wie diese trübselig blickenden Tiere für ihre letzte Reise auf rosafarbene Lastwagen verladen werden. Fast überall ist es feucht: «Die vegane Welle erreicht die Westschweiz» betitelt Le Temps die nicht zum Schönen tendiert. Veganismus und Fortschritt: Was die Kühe tun, tun wir dann direkt. Zu welchem Preis werden die Teufel auf dem Beseitigungsmarkt der Zukunft unsere Kilos erwerben? Ein einziger Gesundheitstipp: Nimm dich in Acht vor Herden. Im Stade de France, in den Villenquartieren, bei den Neo-Dingsbumsen eine einzige Lösung: die Abspaltung!

20 novembre Il pleut. Un peu de neige sur les hauteurs. La terre est lourde aux pieds des hommes qui cherchent le bonheur. Du train qui mène à Berne, un constat : les villas individuelles, même quand elles se nomment Mon Petit Paradis, constituent un enfer esthétique. Qu’importe : la valeur fiscale moyenne du Suisse avoisine les 400'000 francs. Ils sont tous riches, sauf moi, songe Dante. Alors qu’une vache en fin de parcours se vend de deux à trois francs le kilo dans les marchés d’élimination, comme il l’a vu à Porrentruy, sous la même pluie : ces bêtes aux yeux mornes chargées dans des camions roses pour leur dernier voyage. C’est humide un peu partout : « La vague végane gagne la Suisse romande » titre Le Temps qui ne va pas vers le beau. Végétalisme et progrès : ce que font les vaches, nous le ferons directement. Au marché d’élimination du futur, à combien les diables achèteront nos kilos ? Un seul conseil pour la santé : se méfier des troupeaux. Au stade de France, dans les zones villas, chez les néo-machins, une seule solution : la sécession ! 21 novembre La soirée fédérale s’est bien déroulée. Personne n’a tout compris mais on s’est bien entendus. L’État donne les sous, mais le libre marché – les éditeurs – n’en font qu’à leur tête. Le Bâlois Roger Monnerat est en train d’écrire un livre en allemand autour de la figure de Jean Cuttat. Dante prend aussitôt une option pour la traduction. Réflexe patriotique. Téléphone à Béatrice qui craint toujours les débordements dès qu’il boit. Le vin tessinois évite la gueule de bois !

21. November Der Bundesabend verlief gut. Keiner hat alles begriffen, doch hat man sich gut verstanden. Vom Staat gibt's Gelder, aber der freie Markt – die Verleger – machen was sie wollen. Der Basler Roger Monnerat schreibt ein Buch auf deutsch über Jean Cuttat. Dante zeichnet sofort eine Option. Patriotischer Reflex halt. Anruf an Béatrice, die sobald er trinkt, immer Exzesse befürchtet. Der Tessiner Wein verhütet den Kater! 11


Dante clame un passage de Walser sur la bataille de Sempach. Léo Tuor dit le même texte en romanche : personne n’a rien compris. Mais tout le monde est satisfait de la démonstration de nos variétés authentiques et AOC. Il neige. À la gare, des torrents de voyageurs. Au bar, un noir sert un expresso. Sinon, que du blanc dans la foule. Où sont les hordes barbares annoncées à la radio ce matin à huit heures? La fille sur son iMachin à son copain : « Il est beau mon marketing sensoriel, non ?» Puis plus tard : « Le risque s’il fait moche, c’est qu’on ne croise que des promeneurs de chiens ou de vrais amoureux. »

Dante trägt lauthals eine Walser Passage über die Schlacht bei Sempach vor. Léo Tuor sagt das Gleiche auf Rumantsch: niemand versteht's. Aber alle sind zufrieden mit der Darstellung unserer Vielfalt, authentisch und AOC. Es schneit. Am Bahnhof, Ströme von Reisenden. An der Bar serviert ein Schwarzer einen Espresso. Ansonsten nur weiss in der Menge. Wo sind denn die heute Morgen um acht am Radio angekündigten Barbaren Horden? Das Mädchen am iDings zu ihrem Freund: «ist doch schön, mein sensorisches Marketing, oder?» Und später: «das Risiko, wenn's Wetter schlecht ist, wir kreuzen nur Spaziergänger mit Hunden, oder echte Verliebte.»

22 novembre C’est en sous-sol que se passe le théâtre. Avec Béatrice, Dante va entendre son texte dit par Charlotte Dumartheray, jeune comédienne intense. Ce qui se chante là, ce qui se halète et se profère, c’est pour raconter la vie recluse de Judith Scott, une handicapée de la vie, sourde et muette et trisomique et dont les manies d’enveloppeuse donnèrent naissance à des cocons en laine, sorte de grandes poupées qui désormais s’exposent dans les musées. En fin de soirée, ils seront avec un autre phénomène, malin et malicieux et qui est totalement polychrome, tatoué sur toutes les surfaces possibles de son corps : Étienne Dumont, le critique qui tant fit tiquer.

22. November Das Theater findet im Untergeschoss statt. Mit Béatrice wird Dante seinen von Charlotte Dumartheray, einer jungen starken Schauspielerin, vorgetragenen Text hören. Das, was da besungen, gekeucht und ausgestossen wird, erzählt das Leben der Einzelgängerin Judith Scott, eine am Leben behinderte, taub und stumm, und an Trisomie leidend, aus deren Manie fürs Einwickeln Wolle-Kokonen wie grosse Puppen entstanden, die mittlerweile in Museen ausgestellt werden. Am späteren Abend sitzen sie dann noch mit einem weiteren Phänomen zusammen, eines das findig und maliziös, völlig polychrom, und auf jeder verfügbaren Körperfläche tätowiert ist: Étienne Dumont, der Kritiker, der solche Abscheu auslöste.

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23. November In Bourg-en-Bresse, leitet er einen Runden Tisch über den Schriftsteller Roger Vailland. Der andere Eingeladene hat sich verdrückt, so findet er sich allein mit Jean Mailland und einer schwarzschnauzigen Katze, die aus dem Glas des Redners trinkt. Die lodernde Gotik der Kirche von Brou erzählt eine wunderschöne, ein halbes Jahrtausend alte Liebesgeschichte. Die Kathedrale wurde von Margarethe von Österreich gebaut zur Verewigung ihrer Liebe und zur Beherbergung der Grabstätte ihres Geliebten: Philibert der Schöne, Herzog von Savoyen. Sie befinden sich immer noch dort, Stein an Stein ruhend. Vailland, dieser selbsternannte Souverän, vernaschte edle Jugend, die seine Frau, die italienische Elisabeth, ihm zuführte. Es war die Zeit des Kommunismus und der grossen geschichtlichen Einschnitte. Da spielten sich Skandale anderswo ab.

23 novembre À Bourg-en-Bresse, il anime une table ronde autour de l’écrivain Roger Vailland. Comme l’autre invité s’est défilé, il se retrouve avec Jean Mailland, seul avec un chat au museau noir qui vient boire dans le verre du conférencier. Le gothique flamboyant de l’église de Brou raconte une très belle histoire d’amour d’il y a un demi-millénaire. La cathédrale a été construite par Marguerite d’Autriche pour perpétuer son amour et abriter le tombeau de son amoureux : Philibert le Beau, duc de Savoie. Ils y sont toujours, gisants de pierre parmi la pierre. Vailland, le souverain auto-désigné, se tapait les jeunesses que sa femme, Élisabeth d’Italie, draguait pour lui. C’était au temps du communisme et des grandes césures historiques. Le scandale alors, était ailleurs. 24 novembre À Cerdon, dans l’Ain, Dante et Béatrice mangent un filet Rossini, avec son gras de foie sur le costume. Bien bon. À la table voisine, un téléphone, avec haut-parleur branché : – Oui Julot on mange. Pas de bouilloire ? Alors j’en amène une. Et au second appel : – Et les touillettes ? Vous n’avez pas de touillettes ? J’en étais sûr. J’en amènerai aussi. À Cerdon, lit-on dans le Grand Tout, est né Abraham de Verneuil (1555–1620) qui écrivit :

24. November In Cerdon, im Departement Ain, essen Dante und Béatrice ein Filet Rossini, gekleidet im Fett der Gans. Echt gut. Am Nebentisch ein Telephon mit eingeschaltetem Lautsprecher: – Ja Julot, wir sind am Essen. Kein Wasserkessel? Dann bringe ich einen mit. Beim zweiten Anruf: – Und die Rührstäbchen? Ihr habt keine Rührstäbchen? Wusst' ich's doch. Ich bringe auch die mit. In Cerdon, so steht's im Nachschlagewerk le Grand Tout, wurde Abraham de Verneuil (1555 – 1620) geboren, der schrieb:

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Daniel Gaemperle



Jean-Pierre Gerber


Je chante et pleure, et veux faire et défaire, J’ose et je crains, et je fuis et je suis, J’heurte et je cède, et j’ombrage et je luis, J’arrête et cours, je suis pour et contraire.

Ich singe und weine, will tun und widerrufen, Ich wage und befürchte, ich fliehe und ich bin, Ich greife an und gebe nach, werfe Schatten und leuchte, Ich halte an und renne, bin dafür und dagegen.

Mais Abraham est un peu oublié. Pour qu’il sorte des limbes, il faudrait un grand coup de touillette dans la fourmilière. Mais laquelle ? celle de la justice ? du destin ? des valeurs ? de la chance ? du droit à l’oubli ? de la paix des morts ? d’un anonymat librement consenti ? de la déveine ? – Dites-moi Virgile, se sent-on vraiment mieux quand on est reconnu ?

Doch Abraham ist etwas in Vergessenheit geraten. Um ihn aus dem Limbus zu holen müsste man den Ameisenhaufen so richtig mit dem Rührstäbchen aufmischen. Aber welcher? Jener der Gerechtigkeit? des Schicksals? der Werte? der Chancen? des Rechtes auf Vergessenheit? der Totenruhe? einer gebilligten Anonymität? des Pechs?. – Sag mir, Vergil, fühlt man sich anerkannt wirklich besser?

25 novembre Le vent, une bise noire, à décorner les bœufs. Il part travailler sur son beau vélo noir. Avant il se déroulait dans l’amour de sa belle et reste tout frappé en remuant sa selle ; il songe que c’est précieux d’aller avec le vent pour travailler sur les paysans.

25. November Der Wind, eine schwarze Bise, dass den Ochsen die Hörner wegfliegen. Er fährt mit seinem schönen schwarzen Rad zur Arbeit. Vorhin suhlte er sich in der Liebe seiner Schönen und bewegt seinen Sattel noch ganz betroffen; denkt, es sei preziös mit dem Wind zu gehen um an den Bauern zu arbeiten.

26 novembre Être sur la Toile et tomber sur des pages à l’ancienne, belles comme de la mousse et des cailloux empilés : un écrivain, bon sang ! Il s’appelle Jean et il va lui écrire pour imaginer une cause commune, ou du moins, une balade ou, mieux, un livre. Quelqu’un qui cite Calet et connaît Berlincourt ne peut pas être un mauvais bougre, et son talent d’écrivain crève la Grand-Voile !

26. November Im Netz sein und auf altertümliche Seiten treffen, schön wie Schaum und gestapelte Kieselsteine: ein Schriftsteller halt! Er heisst Jean und er wird ihm schreiben um sich eine gemeinsame Sache auszudenken, oder zumindest eine Ballade, oder noch besser, ein Buch. Jemand der Calet zitiert und Berlincourt kennt, kann kein schlechter Typ sein, und sein Talent als Schriftsteller haut alles um! 18


27 novembre Eh bien, aujourd’hui, rien de notable. La bise s’est ramassée, le vélo récupéré, les histoires aspirées.

27. November Also, heute nichts Nennenswertes. Die Bise hat sich ausgetobt, das Rad ist zurückgeholt, die Geschichten aufgesaugt.

28 novembre Il mange les spaghettis chez le monteur de documentaires, sa femme et leurs deux fils : Grégoire, rousset à grande barbe et cheveux tressés qui étudie le chinois et en trouve dans son thé. Son frère est pâle et discret, en histoire de l’art. À bientôt trente ans, aucun ne songe à aller vivre ailleurs. Leur père – qui prend sa retraite dans dix jours – craint de se retrouver seul avec sa femme « quand les enfants seront partis ».

28. November Er isst Spaghetti mit dem Cutter von Dokumentarfilmen, dessen Frau und dessen Söhnen: Grégoire, Rotschopf mit grossem Bart und Zöpfen, der chinesisch studiert und es in seinem Tee wiederfindet. Sein Bruder ist blass und diskret, macht in Kunstgeschichte. Nahe an den Dreissig, denkt keiner von beiden daran, anderswo zu leben. Ihr Vater – der in zehn Tagen in Pension geht – befürchtet alleine mit seiner Frau dazustehen «wenn die Kinder ausgezogen sind».

29 novembre Quelle est la meilleure manière de faire passer un message ? par la poésie, le roman, l’édition de texte tiers, le cinéma, la chanson, la musique contemporaine, le slam, le graphe ? – Non, c’est en allant à la poste. Il prend son ticket numéroté, tend son courrier : une lettre pour Béatrice, une autre pour Virgile et quinze demandes de subvention. En courrier B. La fortune ne presse pas. Le journal du matin le confirme : aucun stressé parmi les trois cents Suisses les plus riches qui possèdent chacun plus de deux milliards de francs en moyenne. À la porte coulissante, dehors au froid, de nouveaux mendiants. Il a vu hier les derniers hommes embarqués pour Cythère. Le nouveau a investi le passage de la poste dans une tunique bleu ciel, et son visage est vaguement maquillé de blanc avec du rouge aux joues et sur le nez. Mendiant de Noël, pense Dante, et qui

29. November Wie bringt man am besten eine Botschaft rüber? Durch ein Gedicht, einen Roman, die Herausgabe Texte Dritter, den Film, das Lied, die Gegenwartsmusik, den Slam, das Graph? – Nein, durch den Gang zur Post. Er nimmt seinen Nummernzettel, reicht seine Post rüber: ein Brief für Béatrice, ein anderer für Vergil und fünfzehn Anfragen für Fördergelder. Alles mit B-Post. Das mit dem Vermögen eilt nicht. Die Bestätigung findet sich in der Morgenzeitung: unter den 300 reichsten Schweizern welche je durchschnittlich über zwei Milliarden Franken besitzen, befindet sich kein einziger Gestresster. Neben der Schiebetür, draussen an der Kälte, neue Bettler. Gestern sah er die letzten Eingeschifften nach Kythera. Der neue in einer himmelblauen Tunika hat sich den Durchgang zur Post geschnappt und sein Gesicht trägt einen Hauch wie 19






parie sur un pseudo costume de fête pour inciter au partage festif. Mais c’est trop tôt : Disneyland éloigné, les gens font la gueule et l’ignore ; le clown est de plus en plus triste. Que voulez-vous, beaucoup de factures, de pensions à verser, de contributions d’entretien, tout cela qui tombe le 25 du mois. Aussitôt reçu, aussitôt rendu au guichet, désolé Guignol.

von weisser Schminke, mit rot auf den Backen und der Nase. Weihnachtsbettler, denkt Dante, der sich von der pseudofestlichen Gewandung wohl eine Anregung zum festlich gestimmten Teilen erhofft. Aber es ist noch zu früh: Disneyland ist weit weg, die Leute ziehen eine Fresse und beachten ihn nicht ; der Clown wird zunehmend trauriger. Was wollen Sie, viele Rechnungen, Renten die einbezahlt werden wollen, Unterhaltsbeiträge, all das fällt nun mal auf den 25. Kaum gewonnen so am Schalter wieder zerronnen. Sorry Kasperle.

30 novembre Là-haut, la neige retombe comme les certitudes. Il n’a pas fini de récolter les poireaux. La nuit, un vieux cerf vient manger les fanes. Mais ce n’est qu’au matin qu’on voit les traces de son passage.

30. November Dort oben fällt der Schnee wieder wie die Gewissheit. Er hat den Lauch noch nicht fertig geerntet. Nachts frisst ein alter Hirsch das Kraut weg. Die Spuren seines Durchmarsches sieht man erst am Morgen.

1er décembre Les aigles les suivent durant toute la promenade. Béatrice, que dans ses serres si nécessaires jamais ils ne te hissent, béat de ses ailes et de son bec, ô hisse ! Plus tard, ils fêtent les cinq ans de leur rencontre en mangeant des huîtres au Café du Centre.

1. Dezember Die Adler verfolgen sie während des ganzen Spaziergangs. Béatrice, mögen sie dich nie in ihre ach so notwendigen Treibhäuser hochwinden, selig seiner Flügel und des Schnabels, hau ruck! Später feiern sie den fünften Jahrestag ihrer Begegnung beim Austernessen im Café du Centre.

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2. Dezember Einzig die morgendliche Fahrt mit dem Rad verschafft ihm etwas Gefühl: das Gefühl der Kälte, der Geschwindigkeit, der Freiheit zu gehen, und dann, beim Kreuzen der Tramschienen, ein Gefühl der Angst als der Rowdy ihn streift und zum Bremsen zwingt. Für den Rest des Tages Büros, Bildschirme, eine Cafeteria, Beamte. Das Fernsehen gleicht immer mehr dem echten Leben.

2 décembre Seul le parcours à vélo du matin lui a procuré quelque sensation : du froid, de la vitesse, la liberté d’aller, ainsi qu’au croisement des rails du tram, un sentiment de peur quand le chauffard le frôle et l’oblige à freiner. Pour le reste de la journée, des bureaux, des écrans, une cafétéria, des fonctionnaires. La télévision ressemble de plus en plus à la vraie vie. 3 décembre Il est allé avec son badge pour s’enregistrer aux nouvelles imprimantes. Une par étage. Presser sur FOLLOW ME, se badger et le tour est joué. Vous qui entrez ici, ne parler que l’anglais. À la cafétéria, lire (ou plutôt dévorer) les nouvelles du monde : l’Ukraine à la migraine, la Syrie est désolée, le Japon plante une éolienne, la France perd ses plumes. Et dans le tourniquet de la sortie de l’entreprise, Tania qui dit que sa mère se meurt d’une tumeur. Éliane se meurt ! Et n’est déjà plus ce qu’elle était : vive et frondeuse, généreuse et radicale. C’était la nièce de la petite Gilberte de Courgenay, celle qui a embelli le cœur de trois cent mille soldats pendant la première guerre, celle qui débuta il y a un siècle. Pourquoi ? Il faudrait relire les Rougon-Macquart. La Suisse cherche un nouvel hymne national, c’est officiel : quatre langues, 23 cantons, 250 origines, 8 millions d’individus, autant de bêtes de somme et de loisirs, autant de quadrupèdes. La Suisse est un terrain de jeu, un Monopoly, une sorte de JassLand. Dante écrit le nouvel hymne :

3. Dezember Mit seinem Badge ging er sich für die neuen Drucker registrieren. Einen pro Etage. FOLLOW ME drücken, Badge durchziehen, und es ist geschafft. Ihr die ihr hier eintretet, speakt nur Englisch. In der Cafeteria lesen (oder eher verschlingen) der Weltnachrichten: die Ukraine hat Migräne, Syrien ist untröstlich, Japan pflanzt ein Windrad, Frankreich lässt Federn. Und im Drehkreuz beim Firmenausgang Tania, die sagt, ihre Mutter stirbt an einem Tumor. Éliane stirbt! Und ist bereits nicht mehr, die, die sie war: lebendig und aufsässig, grosszügig und radikal. Sie war die Nichte der kleinen Gilberte de Courgenay, jene die während des ersten Weltkrieges dreihunderttausend Soldaten das Herz rührte, jene die vor einem Jahrhundert debütierte. Warum nur? Man müsste die Reihe Rougon-Macquart wieder lesen. Jetzt ist es offiziell, die Schweiz sucht eine neue Nationalhymne: vier Sprachen, 23 Kantone, 250 Herkunftsländer, 8 Millionen Individuen, gleich viele Nutz- und Freizeittiere, gleich viele Vierbeiner. Die Schweiz ist ein Spielfeld, ein Monopoly, eine Art Jass-Land. Dante schreibt die neue Hymne : 25


Jean-Pierre Gerber, 2014, carnet d’essquisses



Stöck, annonces, levée. Et pomme avec le bour ! En habit de soirée en tracteur au labour la Suisse, c’est du velours et une main levée !

Stöck, Wyss, Stich. Und Moscht mit dem Buur! im Abendkleid Auf dem Traktor am Ackern die Schweiz, das ist Samt und eine erhobene Hand!

Quarante ans déjà qu’il a eu dix-sept ans ! Il emmène la jeune Béatrice à la soirée officielle de Longo Maï, les indociles qu’il a croisés souvent et envers qui il garde une affection bienveillante. Il dit qu’il a failli en être parce qu’à dix-sept ans, sur les routes du Sud, il aurait pu mettre la main à la pâte commune, mais l’envie d’aller seul le poussa en avant vers le toboggan africain, les pieds dans la poussière, et le cœur et le bec… Et puis désormais, il apprécie son confort petitbourgeois : le feu, la panse pleine, le bon vin, une Pléiade à lire et des affaires réglées. Il en est beaucoup (qui ne sont pas blâmables pour autant) qui ne comprennent pas cette petite joie quasi bonheur de ne plus rien devoir, d’être au clair, factures payées, mais beau diable quelle horreur ! Nommez les recettes du plaisir, c’est aussitôt un plaidoyer pour le silence. Que cela dure longtemps ! En langue d’Oc : longo maï ! Comme une injonction qui lui rappelle celle inscrite à la peinture noire sur la façade blanche de l’hôtel de ville de San Bartolomeo de Las Casas : nunca mas un mondo sin nosotros ! Plus jamais un monde sans nous, ordonnaient ces lettres rebelles sur la façade du pouvoir. C’était le temps du Chiapas révolutionnaire. Il lui reste des poupées qui prennent la poussière derrière le canapé pour la télévision. On n’entend plus fumer le sous-commandant Marcos. La pipe est proscrite à la télévision. Marcos,

Schon ist's vierzig Jahre her, dass er siebzehn wurde! Er nimmt Béatrice mit zur offiziellen Veranstaltung von Longo Maï, jener Ungefügigen, deren Weg er oft gekreuzt hat, und für die er immer noch wohlwollende Zuneigung empfindet. Er sagt, er hätte fast dazugehört, denn mit siebzehn, auf den Strassen des Südens, hätte er am gemeinsamen Teig mitkneten können, hätte ihn nicht die Lust zum Alleingang vorwärts getrieben zur afrikanischen Rutschbahn, die Füsse im Staub, und das Herz und der Schnabel… Na ja, und inzwischen schätzt er die kleinen bürgerlichen Annehmlichkeiten: das Feuer, die volle Wampe, den guten Wein, ein Heer aus Büchern zum Lesen, und geregelte Zustände. Es sind derer viele (und es sei ihnen keinesfalls vorgeworfen), die diese kleine Freude die fast an Glück grenzt, nicht verstehen, das nichts mehr Müssen müssen, im Reinen zu sein, die Rechnungen beglichen, aber heiliger Strohsack, welch ein Grauen! Nennt man die Rezepte für den Genuss wird daraus alsbald ein Plädoyer für die Stille. Wie lange das wieder dauert! In der Sprache d’Oc: longo maï! Wie eine Aufforderung, die ihn erinnert an jene in schwarzer Farbe an der weissen Front des Rathauses von San Bartolomeo de Las Casas: nunca mas un mondo sin nosotros ! Nie wieder eine Welt ohne uns, ordneten die rebellischen Zeichen an auf der Fassade der Macht. Es war die Zeit des Chiapas 28


Konfliktes. Es bleiben ihm ein paar Puppen, die hinter dem Fernsehsofa Staub sammeln. Man hört nicht mehr den Unterkommandanten Marcos rauchen, die Pfeife wurde vom Fernsehen verbannt. Heutzutage hat Marcos seine Steuern bezahlt, kauft wolliges um warm zu haben und um Longo Mai zu unterstützen, diese letzten Ungefügigen. Er ist es auch, hängt es aber nicht mehr an die grosse Glocke.

désormais, a payé ses impôts, achète des lainages pour avoir chaud et soutenir Longo Maï, les derniers indociles. Il en est mais ne s’en fait plus drapeau.

4. Dezember Zu sechst hörten sie dem öffentlichen Vortrag des jungen Alain in der eisigen Galerie zu. Es ging um Seen und um Fische, die sich die Reste eines Fischers teilen. In einem Durchzug erwischt er den Tod. Erkältete sind die Ertrunkenen der Lüfte. Und die, die Tunnel bohren, feiern heute die Heilige Barbara.

4 décembre Ils étaient six à écouter la lecture publique du jeune Alain dans la pièce glacée de la galerie. Où il était question de lacs et de poissons se partageant les restes d’un pêcheur. Il attrape la mort avec un courant d’air. Les enrhumés sont les noyés de l’air. Et ceux qui creusent les tunnels fêtent aujourd’hui la Sainte-Barbe.

5. Dezember Beim Pensionierten-Apéro des Fernsehens hält nicht der Direktor die Rede. Er kennt die ausscheidenden Mitarbeiter nicht. Danach eilt Dante mit dem Rad zum Apéro des befreundeten Verlags. Aber was will seine Autorin hier? Wurde sie etwa vom befreundeten Verleger kontaktiert? Die Gespräche ersticken in den Häppchen. Das Rot schaltet auf Grün. Die Nacht bricht ein und er auch, er, der zuviel getrunken hat.

5 décembre À l’apéro des retraités de la télévision, ce n’est pas le directeur qui fait le discours. Il ne connaît pas les collaborateurs qui s’en vont. Dante file ensuite à vélo pour l’apéritif des éditions amies. Mais que fait son auteure ici ? Aurait-elle été approchée par l’éditeur ami ? Les petits fours avalent la conversation. Le rouge se met au vert. La nuit tombe et lui aussi qui a trop bu.

6. Dezember Die weinseligen Abende hinterlassen Spuren und ziehen sich lang in den Dezember hinein um ihn fertig zu machen und ihn daran zu erinnern, dass ohne Exzess es keine Erinnerung gäbe, und dass – auch wenn der Alkohol ihm manchmal beim Vergessen hilft – er oft auch auf-

6 décembre Les soirées vineuses font taches et s’étirent au long cou de décembre pour le prendre en écharpe et lui rappeler que sans excès il n’y aurait pas de mémoire et que – même si parfois l’alcool aide à oublier – souvent il révèle, rappelle, 29


Jean-Pierre Gerber, 2014, structure mĂŠtallique



permet de dire. Ainsi, hier soir, il s’agissait de mettre en présence deux amis, l’une femme avec enfant, lui homme à l’enfance envahissante, amis qui ne se connaissaient pas et dont ils se disaient (en hôtes attentifs) qu’il et elle iraient bien ensemble. Deux timides : lui parle sans cesse et boit avec une même frénésie et elle l’écoute, et lui et elle ne se regardent pas vraiment. À la fin de la soirée, quand Béatrice attrape Dante pour faire la vaisselle, leurs hôtes se retrouvent en discussion autour du sanscrit et de quelques réminiscences de grec ancien. Le gigot était trop cuit d’une cuisson pas assez lente. Il faudrait régler l’arrivée de gaz. Et aussi réparer l’éclairage du corridor, et aussi à la salle de bains ; il y a bientôt dix ans que le bricolage amateur supplée à une véritable installation ! Il faudrait. Il faudrait. Et puis Mandela est mort et l’on s’énerve un peu contre tous les éloges hypocrites sur celui qui choisit le communisme et même la terreur pour arriver à ses fins. Alors, oui, l’alcool et de l’indignation. Et c’est bien agréable de se ressentir comme il y a si longtemps, un peu enragés, un peu frustrés, un peu ivres, sauf Béatrice qui dit : « Il n’y a plus d’eau chaude on finira la vaisselle demain matin ».

deckt, entsinnt, zu sagen erlaubt. So ging es gestern Abend darum, zwei Freunde zusammenzubringen, die eine Frau mit Kind, der andere Mann mit aufdringlicher Kindlichkeit, Freunde, die sich nicht kannten und von denen sie (als aufmerksame Gastgeber) meinten, sie würden gut zusammenpassen. Zwei schüchterne: er redet ununterbrochen und trinkt ebenso besessen währenddem sie zuhört und beide, sie und er, sich nicht wirklich anschauen. Am Ende des Abends, als Béatrice Dante für den Abwasch erwischt, unterhalten sich ihre Gäste über das Sanskrit und über vage Erinnerungen an Altgriechisch. Die Lammkeule war nach nicht genügend niedriger Garung zu gar geraten. Man müsste die Gaszufuhr regulieren. Und auch noch die Beleuchtung im Gang reparieren, und auch im Bad; seit bald zehn Jahren ersetzt ein amateurhaftes Basteln die fachgerechte Installation! Man müsste. Man müsste. Und dann ist Mandela tot und man regt sich etwas auf über die heuchlerische Lobhudelei auf einen, der den Kommunismus und gar den Terrorismus wählte, um seine Ziele zu erreichen. Dann halt, ja, Alkohol und Empörung. Es ist ganz angenehm sich so zu fühlen wie vor langer Zeit, ein klein wenig wütend, ein klein wenig frustriert, ein klein wenig betrunken, wäre da nicht Béatrice, die sagt.: «Es hat kein warmes Wasser mehr, wir machen den Abwasch morgen fertig».

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7. Dezember Behördlichem nachzugehen ist immer noch das beste Mittel, um sich einigermassen zu ertragen. Der Morgen nach dem Abend. Die anderen rennen zu dreissigtausenden im Kreis um die Altstadt. Er dreht sich im Kreise der Formulare und der Formblätter. Früher genügte ein Projekt, eine Absicht, eine Verpflichtung. Heute muss man Zahlen aneinanderreihen, die Quote erreichen.

7 décembre Vaquer à de l’administratif, c’est encore le meilleur moyen de se supporter moyen. Lendemain de veille. Les autres courent à trente mille autour de la vieille ville. Lui, il tourne en rond dans les formulaires et les modules. Autrefois un projet, une intention, un engagement suffisaient. Aujourd’hui, il faut aligner les chiffres. Faire la moyenne. 8 décembre Dimanche bâclé. Mauvaise nuit après cet anniversaire avec orchestre roumain. Une sorte de refroidissement. Incompréhension au réveil. Béatrice renverse violemment la table du petit déjeuner. Patatras. Elle nettoie et s’en va. Juste avant la venue du poète : homme exquis, Jean Prod’hom, et qui noue tout – avec tact et grâce – sur le net. La main amie après trois heures.

8. Dezember Verschlampter Sonntag. Nach diesem Geburtstag mit dem rumänischen Orchester eine schlechte Nacht verbracht. Eine Art Erkältung. Unverständnis beim Erwachen. Béatrice schmeisst den Frühstückstisch heftig um. Radabums. Sie räumt es auf und ist weg. Kurz vor Einzug des Dichters: der wunderbare Mensch Jean Prod’hom, der – mit Takt und Charme – alles verknüpft – im Netz. Eine freundliche Hand nach drei Uhr.

9 décembre Il devrait relire ses classiques, s’appuyer sur les anciens pour affronter la débâcle de la page blanche. C’est le temps qui manque, ou l’énergie, le jour tombe rapidement cette fin d’année déjà très colorée par les lumignons. Héritier des pourfendeurs de la société de consommation, il trouve pornographiques les publicités lumineuses. Les autres aussi d’ailleurs. Un monde sans pub, ça serait le paradis ! Il faudrait aller voir ce qu’il en reste au zὀcalo de Oaxaca au Mexique. Pas de pub non plus dans son petit village de montagne.

9. Dezember Er müsste seine Klassiker wieder lesen, sich auf die Alten stützen, um sich der Pleite des weissen Blattes zu stellen. Es ist die Zeit, die fehlt, oder die Kraft, es wird rasch dunkel in diesem bereits dank vielen Lämpchen bunten Jahresende. Als Erbe der Verfechter der Konsumgesellschaft findet er Leuchtreklamen pornographisch. Die anderen übrigens auch. Eine Welt ohne Werbung, was wäre das himmlisch! Man müsste mal hin und gucken was davon übrig ist auf dem Zὀcalo von Oaxaca in Mexiko. Ebenso keine Werbung in seinem kleinen Bergdorf. 33


Daniel Gaemperle, 2013, 140 cm x 120 cm


Daniel Gaemperle, 2013, 140 cm x 120 cm


Daniel Gaemperle, 2013, 116 cm x 89 cm


Daniel Gaemperle, 2013, 116 cm x 89 cm


En revanche, la pub est partout sur l’écran du café, sur les maillots des joueurs de rugby, un sponsor qui vend des terrains à bâtir du côté de Pau : il s’appelle Hectares. C’est comme si le boucher du coin s’appelait Lard ou Cochon. Mieux vaut rentrer. La cuisine est encore troublée par la crise d’hier : sont définitivement brisés une tasse à café, un pot de confiture, une sous-tasse et un verre. Le couple se recollera, il le parie. Aux Grottes, moins d’agression lumineuse. Et tant qu’à baigner dans l’image de marque, il va voir la plus belle crèche de la ville, à la petite boulangerie du bas de la rue. Des santons au feu de bois, pur Jésus-Christ des familles. Il était une fois…

Hingegen ist Werbung überall auf dem Bildschirm im Café, auf den Leibchen der Rugbyspieler, ein Sponsor der Bauland im Gebiet von Pau verkauft. Er heisst Hectares. Es ist, als würde der Dorfmetzger Speck oder Schwein heissen. Gehe besser nach Hause. Die Küche ist noch von der gestrigen Krise durcheinander: mit Sicherheit zerbrochen sind eine Kaffeetasse, ein Marmeladenglas, ein Unterteller und ein Glas. Das Paar aber lässt sich kitten, da wettet er drauf. In den Grotten weniger Lichtoffensive. Und wenn es schon ein Bad im Markenimage sein muss, dann wird er sich wenigstens die schönste Krippe der Stadt ansehen, in der kleinen Bäckerei, unten an der Strasse. Ofenholz-Krippenfiguren, reiner Familien-Jesus-Christus. Es war einmal... 10. Dezember Sie versöhnen sich im Theater, nachdem sie in der Pausenhalle der Schule von Béatrice' Sohn die Suppe zur Escalade gegessen haben. In der Komödie spielen sie Amphitryon in der Version von Molière, der hatte die Geschichte bei Plautus gelesen, bevor Giraudoux sie ihm stahl. Darin geht es um Sosias, der sich zusammen mit seinem Meister duplizieren, kopieren, kleben lässt, wobei ihre Klone dann ihre (ausser im Fall von Sosias) Frauen vernaschen. Es ist lustig, gut hingekriegt, gut rübergebracht.

10 décembre Ils vont se réconcilier au théâtre après avoir mangé la soupe de l’escalade dans le préau de l’école du fils de Béatrice. La Comédie joue Amphitryon, la version de Molière qui l’a lu chez Plaute avant de se faire piquer le thème par Giraudoux. Où il est question de Sosie qui, avec son maître se font dupliquer, copier-coller et leurs clones se tapent (ou pas pour Sosie) leurs femmes. C’est drôle, bien jeté, envoyé.

11. Dezember An den öffentlichen Lesungen trägt man uns Ausschnitte aus dem Werk von René Rebetez vor, kolumbianischer FantasyAutor. 1933 als Sohn eines jurassischen Uhrmachers und einer Künstlerin gebo-

11 décembre Aux Lectures Publiques, on nous lit des extraits de l’œuvre de René Rebetez, auteur fantastique colombien. Né en 38


1933, fils d’un horloger jurassien et d’une artiste, il deviendra un des représentants de la science-fiction latinoaméricaine. Il est venu dans le Jura visiter sa famille paternelle, étudia à Genève et rentra en Colombie où il fit, entres autres, la connaissance de Che Guevara et fut l’ami de Jodorowski. Il est mort en 1999 et enterré sur l’île de la Providence. Il a écrit : Un poema oscuro dice más que un discurso claro. Un poème obscur dit davantage qu’un discours limpide. Les natifs du Jura entourent Dante, qui reviennent ainsi de l’exil, ou comme ce Theubet avec qui il finit le montage d’un reportage sur les paysans, pour la plupart jurassiens eux aussi. Mais quelle engeance !

ren, wird er zu einem der Vertreter des lateinamerikanischen Science-Fiction Genres. Er kommt in den Jura, um seine Familie väterlicherseits zu besuchen, studiert in Genf, kehrt nach Kolumbien zurück wo er, u.a., die Bekanntschaft von Che Guevara macht und ein Freund von Jodorowski wird. Er stirbt 1999 und ist auf der Insel Providencia begraben. Er schrieb: Un poema oscuro dice más que un discurso claro. Ein dusteres Gedicht sagt mehr aus als eine helle Rede. Dante ist von einheimischen Jurassiern umgeben, die damit aus dem Exil zurückkehren, oder wie dieser Theubet mit dem er einen Bericht über die Bauern fertig schneidet, die meisten davon auch Jurassier. Was für ein Gesindel!

12 décembre Au royaume de l’absinthe, les couillons sont les rois, surtout au matin. Repas maison avec trois auteurs : Bonvin, Bagnoud, Maillard. Force pinard aussi et une bonne discute.

12. Dezember Im Reich des Absinths ist der Dummkopf König, vor allem morgens. Hausmannskost mit drei Autoren: Bonvin, Bagnoud, Maillard. 'Ne Menge Wein dazu und gute Gespräche.

13 décembre Il va dans une cave fêter la fin d’année avec ses collègues. Apparence du bonheur obligatoire. Danse forcée. Musique assourdissante. Femmes lâchées, ondulantes. Il ne pense qu’à rejoindre Béa. Ce qu’il fait et c’est bien. Un docu télé de 2008 consacré à Elie Wiesel qui raconte qu’il a connu l’enfer, à douter de sa raison et de l’existence de Dieu. « J’ai vu les SS lancer des bébés vivants dans le feu ». S’endormir pour un sommeil de plomb. Le poids du monde qui empêche de faire l’amour : est-ce cela vieillir ?

13. Dezember Er geht in einen Keller um mit seinen Kollegen das Jahresende zu feiern. Glücklich scheinen obligatorisch. Erzwungener Tanz. Betäubende Musik. Entfesselte, sich wiegende Frauen. Er will nur zu Béa zurück. Und das tut er, und das ist gut so. Eine TV Doku von 2008 Elie Wiesel gewidmet, der erzählt, er habe die Hölle erlebt, an seinem Verstand und an Gott gezweifelt. «Ich habe gesehen wie die SS lebende Säuglinge ins Feuer warf». In einen bleiernen Schlaf fallen. Die Last der Welt hindert daran, Liebe zu machen: ist es das, was älter werden bedeutet? Heute mittag in Sion, mit dem Schriftsteller-Komitee das eine Anthologie will. Die 39


Jean-Pierre Gerber, 2014. ange (dĂŠtail)



À Sion, ce midi, avec le comité des écrivains qui veulent une anthologie. Laisser parler les réflexes, laisser s’embourber les arguments, dégainer et donner la recette prévue. Byzantin ? Machiavélique ? Est-ce si mal de vouloir imposer ce qu’on pense le meilleur ? Ne pas penser aux SS jetant les bébés juifs. Lire la désolation ici ou ailleurs, un roman noir de Michael Collins, Les gardiens de la vérité : des pages terribles sur l’enfer des villes, la Jungle des Villes, comme disait Brecht.

Reflexe sprechen lassen, zulassen, dass sich die Argumente festfahren, blankziehen und das vorgesehene Rezept präsentieren. Byzantinisch? Macchiavellisch? Was ist denn schlecht daran, das durchsetzen zu wollen, was man am besten findet? Nicht an die jüdische Säuglinge werfenden SS denken. Trostlosigkeit lesen hier oder dort, ein schwarzer Roman von Michael Collins, Tödliche Schlagzeilen: schreckliche Seiten über die Hölle der Städte, der Dschungel der Städte, wie Brecht es nannte.

14 décembre Dante invite ses deux filles à manger à une bonne table de la montagne. Il opte en père. Les filles sont des femmes, très adultes, l’une est mère, l’autre foule les planches comme autrefois son père.

14. Dezember Dante lädt seine beiden Töchter zum Essen ein an einer guten Tafel am Berg. Er entscheidet als Vater. Die Töchter sind Frauen, sehr erwachsen, eine davon Mutter, die andere steht auf der Bühne, wie ihr Vater anno dazumal.

15 décembre Dante n’aura plus faim jusqu’au lendemain. Il pense qu’il est urgent de suer un peu et grimpe sous les jupons de la montagne par les sentiers qui s’élèvent. La forêt ne bruit de rien, sinon parfois le frou d’un geai ou le grincement de porte d’une corneille poussive. Il pose quatre cailloux l’un sur l’autre, par souci vertical : offrande et action de grâces.

15. Dezember Dante wird bis zum nächsten Tag keinen Hunger mehr haben. Etwas Schweisstreibendes muss dringend her, denkt er, und kriecht deshalb über die aufsteigenden Wege unter die Röcke des Berges. Der Wald ist still bis auf das gelegentliche Frou eines Hähers oder die knarrende Tür einer kurzatmigen Krähe. Er stapelt vier Steine aufeinander, aus senkrechten Überlegungen: Opfergabe und Danksagung.

16 décembre Ce que le vieux cerf aux visites nocturnes a laissé de poireaux, il le déterre et nettoie la bande de jardins et le blanc des légumes, avant de les cuire, les blanchir justement, pour enfin les congeler vers des potages futurs. Récolte tardive. L’ami Georges vient livrer du vin. Il est avec son beau-père qui a besoin de se changer les

16. Dezember Er gräbt das aus, was der alte Hirsch bei seinen nächtlichen Streifzügen übriggelassen hat, putzt das Blumenbeet und das Weisse des Gemüses bevor er es kocht, eigentlich nur blanchiert, um es dann einzufrieren im Hinblick auf künftige Suppen. 42


Späte Ernte. Freund Georges liefert Wein an in Begleitung seines Schwiegervaters, der auf andere Gedanken kommen muss. Er hat soeben sein Geburtshaus verlassen, um bei seiner Tochter zu wohnen. Seine Frau ist in der psycho-geriatrischen Klinik: Es sind die Eltern des Dichters, der die Augen seines Vaters hat. Auf TCM den Film schauen in dem Gregory Peck den alten spanischen Partisanen spielt und Anthony Quinn den francotreuen Bullen. Dann nachdenken über die gegenwärtigen Auswüchse und die Sympathien, inklusive der intellektuellen, welche die neuen Rechten und Nationalisten geniessen. Sich sagen, dass man immer wieder darüber lesen, darüber nachdenken und sich erinnern muss an all die Grausamkeiten, die, immer (in der UDSSR wie in Deutschland, in Kambodscha wie in Spanien und in Syrien) von der gerade amtierenden Macht veranlasst werden, unter Mithilfe der Armee und der Polizei, und all der gehorsamen Menschen, die es vielleicht auch nur müde sind, Kritik zu wagen. Dante hat die Hölle noch nicht erlebt, er hat bisher nur zwischenzeitlich gelebt, doch er weiss – und das heisst es, gebildet zu sein – es hat schon Schlimmeres gegeben und dass Schlimmeres noch folgen kann.

idées : il vient de quitter la maison natale pour vivre chez sa fille. Sa femme est à l’hôpital psycho-gériatrique : ce sont les parents du poète, qui a les yeux de son père. Voir sur TCM le film où Gregory Peck joue l’ancien partisan espagnol et Anthony Quinn, le flic franquiste. Songer ensuite aux dérives actuelles et aux sympathies y compris intellectuelles dont bénéficient les nouvelles droites et les nationalistes. Se dire qu’il faut relire et revoir et rappeler encore et toujours toutes les barbaries qui, toujours (en URSS comme en Allemagne, au Cambodge comme en Espagne et en Syrie), toujours sont produites par le pouvoir en place, avec le soutien des armées et des polices et de tous les gens obéissants ou simplement fatigués d’oser diverger. Dante n’a pas encore connu l’enfer. Il n’a vécu que dans l’intermédiaire, mais il sait – c’est ça être cultivé – qu’il y a eu pire et que le pire peut encore venir. 17 décembre Au bistrot, Dante achète une tomme de fromage d’alpage au paysan à qui on a pris les bêtes, parce que justement, il allait trop au bistrot et pas assez à l’étable. Mais, chut ! Il ne faut pas en parler. La discrétion, c’est une qualité, mais c’est aussi le poison lent des campagnes.

17. Dezember Im Bistro. Dante kauft einen Tomme-Käse aus Alpenmilch vom Bauern, dem man das Vieh weggenommen hat, da er eben zu oft ins Bistro ging und zu wenig oft in den Stall. Aber pst! Darüber spricht man nicht. Diskretion ist eine Tugend, sie ist aber auch das langsame Gift auf dem Land.

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Jean-Pierre Gerber, 2014, 2014. ange (dĂŠtail)



18 décembre Visite d’une cave et de ses poisons. De bons vins d’ici et quelques cartons à ramener à l’hôtà. Pour qui ? Dante ne boit pas seul. Pour nous, pense-t-il, tant il aime le partage et la montée d’ivresse communiste.

18. Dezember Besuch bei einem Weinkeller und seinen Giften. Gute hiesige Weine und einige Kartons zum Mitnehmen ins Hôtà. Für wen? Dante trinkt nicht allein. Für uns, denkt er, so sehr liebt er das Teilen und das Ansteigen der kommunistischen Trunkenheit.

19 décembre Il achète des crayons de couleur pour ses petits-enfants. Chez eux, il y a de grandes surfaces de mur blanc comme c’est le cas souvent dans les maisons modernes et carrées. Il y a aussi un chat de race et une BMW 4 × 4 et une auxiliaire de ménage brésilienne. Et une porte en acier télécommandée ! Tout ce qu’il faut pour fomenter une révolution, entraîner une guérilla en prônant la mise en commun des ressources et une nécessaire utopie…

19. Dezember Er kauft Farbstifte für seine Grosskinder. Bei ihnen zu Hause hat's grosse weisse Wandflächen, wie so oft in modernen und viereckigen Häusern. Es hat auch eine Rassekatze und ein BMW 4 x 4 und eine brasilianische Haushaltshilfe. Und eine ferngesteuerte Eisentür! Alles was es braucht, um eine Revolution anzuzetteln, eine Guerilla auszubilden durch predigen der Zusammenlegung von Ressourcen und einer notwendigen Utopie…

20 décembre Dante écrit : « Une page blanche pour toi mon amour pour répondre au reproche d’avoir trop parlé et souri. »

20. Dezember Dante schreibt: «Eine weisse Seite für dich Liebste, als Antwort auf den Vorwurf zu viel geredet und gelacht zu haben.»

21 décembre Au salon de Riddes, attendre le chaland. Rire de son absence. Éviter les droitistes. S’esquiver.

21. Dezember Im Salon von Riddes. Warten auf den Kunden und über seine Abwesenheit lachen. Die Rechtsflügeligen meiden. Sich davonstehlen.

22 décembre Dante est revenu de la montagne, trop chaude ces jours. Et cette nuit aussi : le jeune couple d’amis avait poussé le thermostat à 25°. Belle partie de jass. Béatrice a entamé ses règles. Les pertes rouges l’affaiblissent terriblement, alors Dante ouvre une bouteille pour célébrer l’amitié.

22. Dezember Dante ist aus den Bergen zurück, dort ist's derzeit zu warm. Und auch diese Nacht: das befreundete Pärchen hatte den Thermostat auf 25° hochgeschraubt. Schöne Jassrunde. Béatrice hat ihre Tage bekommen. Der rote Fluss schwächt sie enorm, also öffnet Dante eine Flasche, um die Freundschaft zu zelebrieren. 46


À la ville ce dimanche soir, Dante se frotte au purgatoire : il accomplit ses payements de fin d’année et le rangement de la paperasse.

An diesem Sonntagabend in der Stadt streift Dante das Fegefeuer: er erledigt die Zahlungen zum Jahresende und die Ablage.

23 décembre Dante rend visite à Jean Buhler, bientôt 95 ans, le poète baroudeur désormais confiné dans son appartement neuchâtelois. Ensemble, ils revisitent les textes inédits. Il y a des poèmes de 1938. Et des nouvelles de 1960. Ils boivent de l’alcool, une liqueur de bourgeons de sapin. Dante aime ce vieux Virgile à l’humour corrosif, aux anecdotes fécondes : En 1944, à la frontière autrichienne, un officier nazi en cavale lui remet un caniche pur race. Buhler embarque le chiot, flairant la bonne affaire d’une revente en Suisse. Mais au passage de la frontière, le douanier voit le chien se gratter. Il l’abat aussi sec de son pistolet d’ordonnance : pas d’étranger pouilleux dans la confédération ! Buhler qui a connu Cendrars, qui en a fait un livre, dit que Myriam n’est pas sa fille et qu’elle a ainsi usurpé et trahi sa biographie. Dante lui dit : « Chut ! Jean, c’est ta vie et ton avenir qui m’intéressent. Lui qui fut un mauvais père – il l’avoue à demi-mot en contant ses chevauchées de plusieurs mois, ses petites conquêtes et, in fine, son divorce. Son œil gauche – qui louche moins que le droit – frétille comme un jeune gardon à la remembrance érotique.

23. Dezember Dante besucht den bald 95-jährigen Abenteurer Dichter der nunmehr an seine Neuenburger Wohnung gebunden ist. Zusammen streifen sie durch unveröffentlichte Texte. Es hat Gedichte von 1938. Und Novellen von 1960. Sie trinken Alkohol, einen Likör aus Tannenschösslingen. Dante liebt diesen alten Vergil mit seinem ätzenden Humor und seinen fruchtbaren Anekdoten: 1944, an der österreichischen Grenze, übergibt ihm ein Flüchtender einen reinrassigen Pudel. Buhler nimmt den Welpen und wittert schon ein gutes Geschäft beim Verkauf in der Schweiz. Doch beim Überqueren der Grenze kratzt sich der Hund. Der Zöllner sieht das und knallt ihn mit seiner Ordonnanzpistole ab: keine lausigen Ausländer in der Eidgenossenschaft! Buhler, der Cendrars gekannt hat, der daraus ein Buch machte, sagt, Myriam sei nicht seine Tochter und sie habe somit seine Biographie sich widerrechtlich angeeignet und verraten. Dante sagt ihm: «Still Jean! Was mich interessiert ist dein Leben und deine Zukunft. Er, der ein schlechter Vater gewesen ist – er gibt es andeutungsweise zu, während er von seinen mehrmonatigen Streifzügen erzählt, von den kleinen Eroberungen und, schliesslich, von seiner Scheidung. Sein linkes Auge, das weniger schielt als das rechte, zittert wie ein junges Rotauge ob der erotischen Erinnerung.

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Daniel Gaemperle, 2013, 180 cm x 285 cm


À la Claire Fontaine… qui est le nom de l’EMS, Dante va voir sa petite mère, mon dieu comme elle est petite, elle si imposante autrefois. Puis son oncle Marcel qui lui remet toutes les coupures patiemment récoltées depuis trente-cinq ans et qui concernent la famille. Et aussi une soupière blanche de Condamine. Dante et son oncle Marcel évoquent leur ancêtre commune, Célina Jaccottet décédée à 105 ans. Dante se souvient lui avoir rendu visite, enfant, à Miserez, une maison d’extrême vieillesse : elle tricotait et traitait le grand-père Albert de morveux. Il devait avoir 70 ans ! Marcel dit que la fille à Céline vient de mourir, centenaire elle aussi. « Que de tels gènes nous abreuvent de leurs bienfaits » et Dante trinque au Cynar avec son parrain. Il aimerait vivre vieux, pour épuiser Béatrice (qui le mérite bien, folle jeunesse !) Et aussi pour être un vif nonagénaire à l’œil coquin, aussi – si ça se trouve encore – refumer de bonnes vieilles Gauloises, de celles qui assurent une mort certaine dans les trente ans ! Il traverse quelques cafés de la ville, lit les journaux d’ici pas pire qu’ailleurs, tente de se rappeler les prénoms de ceux qui le saluent, tant le vent efface sur le sable… C’est au Bœuf que le roi de l’image poursuit sa quête : une femme à la voix rauque, très alcoolisée lui dit : « Ton frère était mon prof ». Le Pountz lui rappelle qu’il y a quarante ans, lui se tapait la mère quand il aimait la fille : ça crée des liens. Et des lieux communs. Et des histoires singulières.

Im Claire Fontaine… so heisst das Pflegeheim, besucht Dante seine kleine Mutter. Mein Gott, wie ist sie klein, sie, die einst so stattlich war. Dann den Onkel Marcel, der ihm alle seit fünfunddreissig Jahren gesammelte Ausschnitte über die Familie übergibt. Sowie eine weisse Suppenschüssel aus Condamine. Dante und sein Onkel Marcel gedenken ihrer gemeinsamen Vorfahrin, Célina Jaccottet, die mit 105 Jahren verstorben ist. Dante erinnert sich, sie als Kind besucht zu haben, in Miserez, in einem überaus alten Haus: sie strickte und schimpfte den Grossvater Albert eine Rotznase. Er musste damals 70 sein! Marcel sagt, Célines Tochter sei gerade gestorben, auch sie hundertjährig. «Mögen uns solche Gene durchdringen mit ihrem Segen», und Dante stösst mit Cynar und seinem Taufpaten an. Er möchte gerne alt werden, um Béatrice zu erschöpfen (die es auch wohl verdient hat, tolle Jugend!). Und auch um ein flotter Neunzigjähriger mit schelmischem Blick zu sein, und – sollten die noch erhältlich sein – nochmals die guten alten Gauloises zu rauchen, von der Sorte, die den sicheren Tod bedeuten innert dreissig Jahren! Er streift durch verschiedene Cafés der Stadt, liest die hiesigen Zeitungen, die nicht schlimmer sind als die von anderswo, versucht sich an die Vornamen jener zu erinnern, die ihn begrüssen, wie vom Wind auf dem Sand ausradiert... Im Bœuf setzt der König des Bildlichen seine Suche fort. Eine Frau mit rauer Stimme, stark angetrunken, sagt ihm: «Dein Bruder war mein Lehrer.» Le Pountz erzählt ihm, dass er vor vierzig Jahren jeweils die Mutter flach legte, wenn er die Tochter liebte: daraus ergeben sich Verbindungen. Und Gemeinplätze. Und einzigartige Geschichten. 50


24. Dezember Der Stolz des Handwerkers. In Corgémont brennt Monsieur Maître alles was fruchtig und rund ist, sogar Quitten. Stolz auf die Geduld, auf das Können, auf den guten Geschmack. Dante probiert verschiedene Schnäpse und ist alsbald trunken von Wörtern: Mehlbeere, Vogelbeere, Bätzi, Enzian, diese Schnäpse verdrängen die allgemeine Geschmacksnivellierung. Hop, ich nehme einen Karton davon! Vorher war Dante bei der örtlichen Buchhandlung vorbeigegangen um einige Geschenke zu kaufen. Seltsamerweise findet sich dort kein Buch seines eigenen Verlages, keines seiner eigenen: sollten sie alle verkauft sein oder deutet diese Abwesenheit auf irgendeine Ungnade? Er reisst sich die Haare aus und zieht es vor, zum Coiffeur zu gehen. Nanu, wir kennen uns doch, oder? Und es ist einer aus dem Dorf, seit fünfundvierzig Jahren nicht gesehen, der das Ergraute mit dem Messer schneidet.

24 décembre L’honneur de l’artisan. A Corgémont, Monsieur Maître distille toutes les rondeurs fruitées et même les coings. Honneur de la patience, du savoir-faire, du bon goût. Dante goûte à plusieurs alcools et c’est tout de suite l’ivresse des mots : alise, sorbe, beutchie, gentiane, ces eaux de vie font reculer le nivellement gustatif général. Hop, vous m’en mettrez un carton ! Dante, avant cela, est passé à la librairie locale pour acheter quelques cadeaux. Curieusement, n’y figurent aucun livre de ses éditions, aucun des siens propres : seraient-ils tous vendus ou cette absence en rayon serait-elle la trace d’une quelconque disgrâce ? Il s’arrache les cheveux et choisit d’aller chez le coiffeur. Tiens, on se connaît, non ? Et c’est un gars du village, plus vu depuis quarantecinq ans, qui taille la grisaille au rasoir. 25 décembre Filets de perches à Ouchy sous la pluie. Philippe, l’ami de Dante, a trouvé un bistrot ouvert, de ceux qui devraient être subventionnés pour être de service quand tous les autres sacrifient au férié. On parle justement de cette humanité réchauffée dans les buffets de gare qui ont presque tous fermé désormais, la régie fédérale préférant louer ses espaces à des chaînes bien huilées. En vingt ans à peine, plus de cent buffets de gare ont disparu, fertig, chiuso, schluss. C’est ainsi qu’on normalise, qu’on égalise les goûts et qu’on prive les épaves d’un bout de plage au bout de la nuit.

25. Dezember Filets vom Barsch in Ouchy unterm Regen. Philippe, Dantes Freund, hat ein Bistro aufgespürt, das offen ist, eines von denen, die Zuschüsse erhalten müssten dafür, dass sie zu Diensten stehen während alle andern sich dem Feiertag opfern. Man spricht doch von dieser ganzen Menschheit die sich in den Bahnhofbuffets aufwärmt, die aber inzwischen fast alle geschlossen sind weil das eidgenössische Gebot heisst, man vermiete die Flächen an gut geölte Ketten. Innert kaum zwanzig Jahren sind über hundert Bahnhofbuffets verschwunden, fertig, chiuso, fermé. So wird normalisiert, so werden die Geschmäcker vereinheitlicht und die Wracks beraubt ihres Stückchen Strands am Ende der Nacht. 51


Jean-Pierre Gerber, 2014, atelier



26 décembre La neige à la montagne. La montagne à la neige. Ils y mangent à quinze autour de la grande table. C’est Noël !

26. Dezember Schnee in den Bergen. Berge im Schnee. Sie essen zu fünfzehn hoch um den grossen Tisch herum. Es ist Weihnachten!

27 décembre Ils ont fait la vaisselle. Ils ont rigolé avec le petit Soren, un an, qui est placide et très sérieux. Ils ont évoqué leurs liens de famille : plus de nœuds que de cordages. Ça prend toute la soirée pour dénouer quelques fils. Et puis vient la soirée dans l’ancienne école, avec un film sur les anciennes façons de bouchoyer génisse et cochons à la maison. C’est gore, le sang gicle, les abats s’ébattent, la tête du porc dans un seau nous regarde, comme étonné d’une telle violence à son égard. Au matin, Béatrice et lui se serreront, d’abord les doigts, ensuite le corps entier.

27. Dezember Sie haben abgewaschen. Sie haben mit dem kleinen Soren gealbert, ein Jahr alt, sehr gelassen und sehr ernst. Sie haben über ihre Familienbande gesprochen, mehr Knoten als Bänder. Es braucht den ganzen Abend, nur um einige Fäden zu entwirren. Und dann kommt der Anlass im alten Schulhaus, mit einem Film über die alte Methode der Hausmetzgete bei Kalb und Schwein. Das ist blutrünstig, da spritzt das Blut, die Innereien tummeln sich, der Schweinekopf im Eimer guckt uns an, wie erstaunt ob derart viel Gewalt ihm gegenüber. Morgens werden Béatrice und er sich fest drücken, zunächst an den Händen und dann am ganzen Körper.

28 décembre Journée bancale. Un seul pied bien sur terre : la lecture d’un très beau manuscrit d’Odile Cornuz. La fiction, souvent, tempère l’affliction. Rêve d’amour de Liszt et bonne nuit au corps vieilli, à l’âme chiffonnée. La neige, dehors, étend son empire.

28. Dezember Verquerer Tag heute. Nur mit einem Bein wirklich auf dem Boden: Beim Lesen eines wunderschönen Manuskripts von Odile Cornuz. Die Fiktion mildert oft den Kummer. Liebestraum von Liszt und gute Nacht, du gealterter Leib, du zerknautschte Seele. Draussen erweitert der Schnee sein Reich.

29 décembre Dante part en raquettes du côté du MontBrûlé et de possibles avalanches. En face, les voisins skient en meute mécanique ; il préfère repérer seul les traces des cervidés. Il croise pourtant un Belge avec un chien noir qui l’aboie. C’est un trou du cul d’extrême-droite qui pratique le Krav Maga, du combat rapproché israélien, un truc qui tue quand on le veut, pire que la connerie.

29. Dezember Dante geht mit Schneeschuhen Richtung Mont-Brûlé und mögliche Lawinen. Gegenüber fahren die Nachbarn als mechanisches Pack Ski; er zieht es vor, nur auf den Spuren der Geweihträger zu wandeln. Trotzdem kreuzt er einen Belgier mit einem schwarzen Hund, der ihn anbellt. 54


Er ist ein rechtsextremes Arschloch der das Krav Maga ausübt, eine israelische Nahkampfmethode, so eine, mit der man töten kann, wenn man will. Schlimmer als der schlimmste Scheiss! 30. Dezember In Tödliche Wahrheiten, schreibt Michael Collins: «Die soziale Befreiung der Frauen, der Schwarzen und der Schwulen ist schlussendlich nichts Weiteres als eine wirtschaftliche Zweckmässigkeit». Da möchte man grad militant werden! Ach ja, alles ist Instrumentalisierung, auch und vor allem das, was ausserhalb der Machtverstrickungen liegen sollte, so wie die Kunst und die Schöpfung.

30 décembre Dans Les gardiens de la vérité, Michael Collins écrit : « La libération sociale des femmes, des noirs et des homos n’est au bout du compte qu’une opportunité économique ». Ça donne envie de militer ! Et oui, tout est récupération, même et surtout ce qui devrait sortir des rapports de force, comme l’art ou la création.

31. Dezember Dreissig Nachbarn feiern bei Dante den Silvester-Apéro. Das tut gut, alle diese Leute, das ist gemütlich. Als sie weg sind wärmt Dante Teigwaren auf und isst sie mit Béatrice auf dem Sofa vor dem Fernseher zu Casablanca. Das, was danach kommt, ein Stück Himmel auf Erden, geht nur die beiden etwas an.

31 décembre Trente voisins viennent festoyer chez Dante pour l’apéritif de la St-Sylvestre. C’est bon tous ces gens, c’est confortable. Une fois ceux-ci partis, Dante réchauffe des pâtes et les mange avec Béatrice sur leur divan en regardant Casablanca à la télévision. La suite, qui est une tranche de paradis sur terre, ne regarde qu’eux.

1. Januar 2014 Die alte Thérèse, der man alles Gute wünscht, wünscht sich nur Gesundheit und kein Vermögen. Zwar hat sie Paul Arès und die Theorien der Entschleunigung nicht gelesen, aber sie hat instinktiv begriffen – verinnerlicht bis in den Leib, der den Verlust eines Kindes und dann noch eines Grosskindes erlitten hat – sie weiss, dass die Lust nach Gütern nie wirklich etwas mit Glücklichsein zu tun hat. Annie, die Nachbarin, sagt sie habe ein Röhrchen mit dem «Saatgut» – sie benutzt dieses Wort anstelle von «Asche» –

1er janvier 2014 La vieille Thérèse à qui l’on souhaite le meilleur ne veut que la santé et surtout pas la fortune. Elle n’a pas lu Paul Arès et les théories de la décroissance, mais elle a compris, elle sait d’instinct – jusque dans son corps qui a subi la perte d’un enfant, puis d’un petit-fils – elle sait que l’envie de biens n’a jamais vraiment à faire avec le bonheur. Annie la voisine dit qu’elle a conservé un tube des « semences » – c’est le mot 55


Jean-Pierre Gerber, 2014, caser, mur en bardeaux (dĂŠtail)



qu’elle emploie à la place de « cendres » – de son défunt mari. Elle en a répandu quelques miettes sur neuf tombes, celles de ses parents, beaux-parents, frères et enfants morts. La cendre crée des liens. Le cimetière aussi.

ihres verstorbenen Mannes. Sie hat einige Krümel davon auf neun Gräbern verteilt, auf das ihrer Eltern, ihrer Schwiegereltern, der Brüder und der toten Kinder. Die Asche schafft Verbundenheit. Friedhöfe auch.

2 janvier La neige est la cendre du ciel. Elle crée des liens entre les pelleteurs. – Elle est froide mais ça réchauffe, hein ? Puis on place une bûche pour tenir l’ambiance. On écoute la radio. Sharon ne va pas bien. Et nous qui le croyions mort depuis longtemps ! Mais ce qui est et ce qu’on croit est sujet à déformations. Dante s’en amuse. – Michel-Ange a repris des couleurs. – Beethoven s’est acheté un piano muet. – Marcel Proust est enfin sorti de son lit. – Andy Warhol, lui, est couché et rêve qu’il passe un quart d’heure comme une célébrité. Dante revient sur terre et jure devant toutes les caméras du monde que l’enfer n’existe pas. Et pour preuve, il assène enfin la vérité suprême : le paradis aussi est un conte de fées ! Et la Divine Comédie une publicité. L’Inforoute à la radio annonce les premiers bouchons sur les accès au Purgatoire. Ça va chier.

2. Januar Der Schnee ist die Asche des Himmels. Er schafft Verbundenheit zwischen den Schaufelnden. – Kalt ist er, aber er heizt ein, gell? Dann legt man ein Scheit, um die Stimmung zu halten. Man hört Radio. Scharon geht es nicht gut. Dabei dachten wir, er sei schon längst gestorben! Doch das, was ist, und das was man meint, dass es ist, unterliegt der Verzerrung. Dante findet das köstlich. – Michelangelo hat wieder Farbe bekommen. – Beethoven hat sich ein stummes Klavier gekauft. – Marcel Proust ist endlich aus dem Bett raus. – Andy Warhol, der liegt im Bett und träumt von seiner Viertelstunde Ruhm. Dante kehrt auf die Erde zurück und schwört vor allen Kameras der Welt, die Hölle existiere nicht. Als Beweis verkündet er die oberste Wahrheit: auch der Himmel ist ein Märchen! Und Die Göttliche Komödie ein Werbegag. Der Verkehrsbericht am Radio meldet die ersten Staus auf den Zufahrten zum Fegefeuer. Das wird höllisch.

3 janvier Bagnoud s’intéresse à la figure de Burger, parce que son prof des années septante était un adepte des théories crudivores. C’était un Jurassien enseignant à Sierre. On ne sait pas ce qu’il est devenu. Son maître a été condamné à plusieurs reprises, entre autres pour abus et pédophilie. Libre aujourd’hui, il prêche dans le désert cybernétique, comme si de rien n’était.

3. Januar Bagnoud interessiert sich für die Burger Gestalt weil sein Lehrer in den siebziger Jahren ein Anhänger der Rohkosttheorien war. Er war Jurassier und lehrte in Sitten. Man weiss nicht, was aus ihm ge58


Peine de mort pour les abuseurs ? Dante est non-violent et son conseiller littéraire, l’admirable Virgile, lui dit de chercher plutôt à créer l’un ou l’autre haïku sur les trésors de la récupération que sont les tessons. Si fait : Vaisselle cassée ramassée c’est vivre à la colle. Jean Prod’hom le dit mieux : « Le monde est plein de ce que les morts n’ont pas emporté. »

worden ist. Sein Lehrer wurde mehrmals verurteilt, u.a. wegen Missbrauchs und Pädophilie. Heute ist er frei und predigt, als sei nichts gewesen, in der Cyberwüste. Die Todesstrafe bei Missbrauch? Dante ist gegen Gewalt und sein literarischer Berater Vergil empfiehlt ihm, er solle eher versuchen den einen oder anderen Haïku zu bilden über Scherben, diese Schätze der Wiederherstellung. Gesagt, getan: Zerbrochenes Geschirr zusammengekehrt heisst vom Leim leben. Jean Prod’hom sagt es besser: «Die Welt ist voll von dem, was die Toten nicht mitgenommen haben.»

4 janvier Dante reçoit son frère d’Australie et l’autre de France. Dante qui se voulait grand voyageur se retrouve amphitryon en son domaine, avec raclette à la clé et ce cépage blanc savoureux sacrément bon qu’on appelle « païen ». Jésus, Marie, Joseph…

4. Januar Dante empfängt seinen Bruder aus Australien und den andern aus Frankreich. Dante, der sich für weitgereist hielt, findet sich als Amphytrion wieder auf seinem Gut, mit der Aussicht auf Raclette und auf diese verdammt köstliche Rebsorte, die man «heidnisch» nennt. Jesus, Maria und Joseph....

5 janvier Ils parlent du père, de l’absent. C’était un bon type, un bon gars. Un homme juste. Il leur manque, bien sûr mais il est là quand même, avec sa modestie, présent dans son absence, dans l’intensité du souvenir et du manque.

5. Januar Sie reden über den Vater, den abwesenden. Er war ein guter Typ, ein netter Kerl. Ein gerechter Mensch. Natürlich fehlt er ihnen, und trotzdem ist er da, mit seiner Bescheidenheit, anwesend in seiner Abwesenheit, in der Tiefe der Erinnerung und des Vermissens.

6 janvier Dante va skier avec son grand frère. L’air est doux, ils se lèvent tôt et se retrouvent seuls entre les installations qui tournent comme des moulins sans grain à moudre.

6. Januar Dante fährt mit seinem grossen Bruder Ski. Die Luft ist mild, sie stehen früh auf und finden sich alleine zwischen den Anlagen wieder, die sich drehen wie Mühlen, ohne Korn zum mahlen. 59


Le frère parti, Dante a froid. Il s’enrhume et défait les décorations de Noël. Les boules rejoignent les vieux livres au grenier. Et les cartons d’écrits divers, les photos d’autrefois, d’anciennes amours et les enfants petits : au rebut, les signes d’une antique insouciance, mais aussi de disputes, petits drames de comportement. Du passé, faisons table rase et remplissons les étagères ! – Dans quel état, j’erre ? rigole Dante au cerveau bouché par les glaires. – Au paradis ? en enfer ? Rien de tout cela : au présent, au petit bonheur du moment.

Der Bruder ist weg, Dante friert. Er erkältet sich und baut die Weihnachtsdekoration ab. Die Kugeln gesellen sich im Estrich zu den alten Büchern. Und zu den Schachteln mit vermischten Schriften, die Fotos von früher, von verflossenen Lieben und den Kleinkindern: Lagerstätte der Zeichen einer vergangenen Unbeschwertheit, aber auch der kleinen Verhaltensdramen. Räumen wir mit der Vergangenheit auf und füllen damit die Regale! – In welcher Verfassung bin ich befindlich? witzelt Dante dem schleimverstopften Hirn zu. – In jener des Himmels? In jener der Hölle? Nichts von alledem: in jener der Gegenwart, des kleinen Glücks des Augenblicks.

7 janvier Temps trop doux. Tout s’écoule. Le dicton du jour : « Mieux vaut un voleur dans son grenier qu’un homme en chemise en janvier ». Dante va faire quelques courses pour se sustenter un peu. Marchant, il souffle comme un phoque, diminué par la grippe. Au café : – Quelle différence entre mille femmes et mille huîtres ? – Dans les huîtres, tu as une chance de trouver une perle ! Dante songe à sa précieuse Béatrice qui est malade elle aussi ; elle tousse et ça l’empêche de dormir, là-bas dans la plaine. Ils s’appellent de leur voix de faussets et rient de leur handicap partagé.

7. Januar Das Wetter ist zu mild. Alles fliesst. Der Spruch des Tages: «Lieber ein Dieb in deinem Speicher als ein hemdsärmeliger Mann im Januar». Dante macht ein paar Einkäufe um sich zu stärken. Beim Laufen schnaubt er grippegeschwächt wie ein Walross. Im Café: – Was ist der Unterschied zwischen tausend Frauen und tausend Austern? – Bei den Austern besteht die Möglichkeit, eine Perle zu finden! Dante denkt an seine edle Béatrice, auch sie erkrankt; nachts hustet sie und hindert ihn am Schlafen, dort unten in der Ebene. Sie rufen sich mit ihren Fistelstimmen zu und lachen über ihr geteiltes Handicap.

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8. Januar Am Tresen des Café des Alpes, über den Unfall von Schumacher: – Wofür denn Bilder von seinem Helm? – Er ist gestürzt, er ist gestürzt. – Er ist 100% verantwortlich. Er hat's gesucht. Die Strecke fährt man einfach nicht, und damit basta! – Dominique, eine Runde! – Die nerven, die Deutschen.

8 janvier Au comptoir du Café des Alpes, sur l’accident de Schumacher : – Pourquoi des images de son casque ? – Il est tombé. Il est tombé. – Il est 100 % responsable. Il l’a voulu. Tu passes pas là, pis c’est tout ! – Dominique, une tournée ! – Font chier, ces Allemands. 9 janvier Dante, la goutte au nez, nettoie l’appartement enrhumé, composte l’organique, plie les cartons, casse les bouteilles vides dans les containers idoines : verre blanc, verre brun, verre vert… Dante songe alors que la consommation d’alcool a été trop importante ces derniers jours. C’est l’ivresse changée en goût de bouchon.

9. Januar Der erkältete Dante reinigt mit tropfender Nase die Wohnung, kompostiert Organisches, faltet Kartons, zerschmettert Flaschen in den passenden Containern: weisses, braunes, grünes Glas... Dante überlegt dabei, dass der Alkoholkonsum der letzten Tage zu hoch gewesen sei. Trunkenheit in Zapfengeschmack umgewandelt.

10 janvier On parle « lèpre » devant une épaule d’agneau.

10. Januar Man spricht über «Aussatz» von einer Lammschulter.

11 janvier Chez Jean du Jorat, voir les tessons amassés pendant vingt-cinq ans. Débris renaissants et – à ce titre – individués. C’est beau comme Over the Rainbow joué par le chanteur-baleine hawaïen et son yukulélé.

11. Januar Bei Jean vom Jorat die fünfundzwanzig Jahre lang angesammelten Scherben anschauen. Auferstehende Scherbenhaufen und somit individualisiert. Schön wie Over the Rainbow, gespielt vom hawaiianischen Sängerwal mit seiner Ukulele.

12 janvier Ce midi, Dante est attablé avec sa sœur religieuse, ses deux frères et leur mère qui trône dans sa fragilité d’ex-reine des abeilles.

12. Januar Heute Mittag sitzt Dante mit seiner Nonnenschwester und seinen zwei Brüdern mit ihrer aller Mutter am Tisch, über dem sie thront in ihrer Zerbrechlichkeit als ex Bienenkönigin.

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Daniel Gaemperle, 2014, 170 cm x 140 cm


Daniel Gaemperle, 2014, 170 cm x 140 cm


Daniel Gaemperle, 2014, 170 cm x 140 cm


Le soir, il lit les prémices d’un comingout mystique. Rosmarie écrit son désir de proclamer sa foi. Et tous sont gens d’amour.

Am Abend liest er den Anfang eines mystischen Coming-Outs. Rosmarie schreibt über ihren Wunsch, ihren Glauben zu verkünden. Und alle sind voller Liebe.

13 janvier Dante lit Le visiteur de brume de JeanPaul Pellaton, paru d’abord en 1960 et réédité récemment. C’est le récit d’un copain d’enfance qui parasite un couple au mode de vie régulier et très conformiste. On dirait du Simenon mais sans crime. Pellaton était la retenue même, Dante s’en souvient, comme de ses yeux pétillants derrière son uniforme de correction. On lit page 63 : « Cependant, la jalousie me poignit de le voir user sans vergogne de cette chambre que j’aimais.»

13. Januar Dante liest Le visiteur de brume von Jean-Paul Pellaton, erstmals 1960 erschienen und kürzlich neu aufgelegt. Es ist die Geschichte eines Jugendfreundes, der bei einem Ehepaar mit geregelter und sehr angepasster Lebensweise schmarotzt. Etwa wie Simenon, aber ohne Verbrechen. Pellaton war die Zurückhaltung in Person, Dante erinnert sich an ihn, wie auch an seine funkelnden Augen hinter der Anstandsuniform. Auf Seite 63: «Dennoch keimte in mir die Eifersucht als ich sehen musste, wie er ungeniert dieses Zimmer beanspruchte, das ich liebte.»

14 janvier Dante téléphone à l’ancien président pour la préparation d’un entretien dans le cadre de Plans Fixes. Il vient de perdre sa mère. Orphelin à 73 ans ! « Elle nous a réunis et nous a dit au revoir. Puis elle est morte ». Dante connaît sa mère à lui depuis cinquante-huit ans. Et ça devrait être réciproque mais sa mère est persuadée qu’il est au service de forces obscures et diaboliques. – Non maman. L’enfer c’est les autres et je travaille à la télévision! Lui rétorque Dante. Mais elle refuse, comme la télévision d’ailleurs, de voir la réalité en face. Profitant d’un passage à la poste – où l’on vend désormais du téléphone, des bonbons, des recettes de cuisine, des jantes en alu, des bombes au phosphore –, Dante achète la vignette autoroutière 2014. Il lui semble qu’il n’y a que trois mois qu’il avait acquis l’autre. C’est

14. Januar Dante ruft den früheren Präsidenten an für ein Gespräch im Rahmen der Sendung Plans Fixes. Dieser hat soeben seine Mutter verloren. Waisenkind mit 73 Jahren ! «Sie hat uns zusammengerufen und hat sich von uns verabschiedet. Dann ist sie gestorben.» Dante kennt seine eigene Mutter seit 58 Jahren. Eigentlich sollte dies umgekehrt auch so sein, doch ist seine Mutter überzeugt, er diene dunklen und teuflischen Kräften. –Nein, Mama. Die Hölle, das sind die andern, und ich arbeite beim Fernsehen! Erwidert Dante. Doch sie weigert sich, wie das Fernsehen übrigens auch, der Wirklichkeit ins Auge zu schauen. Dante benutzt einen Besuch bei der Post – wo man inzwischen auch Telefone, Süssigkeiten, Kochrezepte, Alufelgen und Phosphorbomben verkauft – um die 65


Autobahnvignette für 2014 zu kaufen. Es kommt ihm vor, als habe er erst vor drei Monaten die letzte gekauft. Das Zeitakkordeon erliegt seiner eigenen Partitur. Älterwerden bedeutet jenes langsamer zu spielen, was schneller geht. Aus Angst davor, es falsch zu spielen.

l’accordéon du temps qui expire dans sa propre partition. Vieillir, c’est jouer plus lentement ce qui va plus vite. Par peur de jouer faux. 15 janvier 2014 Dante travaille aux corrections d’un autre Virgile. Qui brosse le portrait de gens extraits de son matelas de souvenirs. Finir couché sur le papier, ce n’est pas tout à fait être achevé.

15. Januar 2014 Dante arbeitet an der Korrektur eines andern Vergils. Dieser beschreibt die Leute, die er der Matratze seiner Erinnerungen entnommen hat. Auf Papier gebettet zu enden bedeutet, doch nicht ganz entschwunden zu sein.

16 janvier Il dit – et c’est vrai – qu’il n’y a que le prochain livre qui l’intéresse, celui qui n’est qu’ébauche, projet, projection. Les vieux chanteurs de cet après-midi, le chevreuil entrevu : ce sont les prolégomènes qui emmènent. Dante sait que Béatrice, elle, est dans l’absolu de l’amour véritable.

16. Januar Er sagt – und das stimmt auch – dass das einzige Buch, das ihn interessiert, das nächste ist, jenes das erst als Entwurf, Projekt, Projektion existiert. Die alten Sänger am Nachmittag, das flüchtig erkannte Reh: das sind mitreissende Vorboten. Béatrice, das weiss Dante, befindet sich in der Kompromisslosigkeit der wahren Liebe.

17 janvier À la boucherie Paratte, Dante croise Rose-Marie, nouveau Prix suisse de littérature. Cette virgilienne apaise – par sa simple présence – la dispute des clients à propos du Temps Présent diffusé la veille et qui montrait différentes formes de détresse paysanne. Un Queloz de Saint-Brais reproche à Dante d’avoir montré un paysan humilié par l’autorité, qui plus est féminine. Il faut s’expliquer. Finalement, le boucher offre au voyageur une paire de saucissons à manger cru. La réalité aussi, parfois, mérite d’être montrée crue ! Philosophie de boucherie : il n’y a pas de grands écrivains, tous sont petits qui sacrifient à la vanité de publier.

17. Januar In der Metzgerei Paratte, Dante trifft Rose-Marie, neue Schweizer Literaturpreisträgerin. Dieses weibliche Vergil beschwichtigt – durch ihre blosse Gegenwart – den Streit der Kunden über die am Vorabend ausgestrahlte Aktualitätensendung Temps Présent, bei der verschiedene Arten von Not auf dem Land gezeigt wurden. Ein gewisser Queloz aus Saint-Brais wirft Dante vor, einen von den Behörden – und erst noch weiblichen – gedemütigten Bauern vorgeführt zu haben. Man muss sich aussprechen. Schliesslich schenkt der Metzger dem Reisenden ein paar 66


Daniel Gaemperle, 2012, 120 cm x 100 cm


Rohesswürste. Auch die Realität verdient es manchmal, roh gezeigt zu werden! Philosophisches aus der Metzgerei: es gibt keine grossen Schriftsteller, es sind alle klein, die sich der Eitelkeit, publiziert zu werden, hingeben. 18. Januar So könnte die zeitgenössische Hölle aussehen: Im Erdgeschoss des Pflegeheimes an seiner Genfer Strasse steht ein Fenster offen, wie ein Bildschirm, und gibt den Blick frei auf das Zimmer des Patienten. Dieser liegt in seinem verstellbaren Bett, der Kopf hängt über der Brust, er ist vor dem Fernseher eingeschlafen der auf seinen kahlen Schädel Funken wirft, die so kalt sind wie die kontemporäre Einsamkeit. Die Hölle, das ist, wenn es gar keine Hoffnung mehr gibt. Nachgeschaut, um 18h25 kommt die Sendung Questions pour un champion von Julien Lepers, mit dem Highlight des TV-Spiels mit Namen « Le face-à-face ». Von Angesicht zu Angesicht. Jener Julien, der heuer 65 Jahre alt wird und der – allen Gerüchten zum Trotz – immer noch ledig ist.

18 janvier Peut-être l’image même de l’enfer contemporain : au rez-de-chaussée de l’EMS de sa rue genevoise, une fenêtre comme un écran, grande ouverte sur la chambre du patient. Celui-ci est dans son lit pliant, la tête roulant sur la poitrine, endormi devant la TV qui jette sur son crâne chauve des flammèches froides comme la solitude contemporaine. L’enfer c’est quand il n’y a plus aucune espérance. Vérification faite, à 18h25, c’est l’heure de Questions pour un champion de Julien Lepers, avec le moment fort du jeu télévisé qui s’appelle « Le face-à-face ». Julien qui aura soixantecinq ans cette année et qui – malgré la rumeur – reste toujours célibataire. 19 janvier Dimanche dans le quartier aux cafés portugais, brésiliens, turcs et africains. Le monde à portée de main, bien plus réel et fécond qu’un week-end Easy-Jet. Ce soir, Dante emmène sa Béatrice voir un film sud-coréen au Spoutnik. À chacun ses cérémonies et la messe est dite !

19. Januar Sonntag im Quartier mit den portugiesischen, brasilianischen, türkischen und afrikanischen Cafés. Die Welt in Reichweite und weit wirklicher und fruchtbarer als ein Easy-Jet Wochenende. Heute Abend geht Dante mit seiner Béatrice ins Kino, im Spoutnik läuft ein südkoreanischer Film. Jedem sein eigenes Zeremoniell und die Messe ist gelesen!

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20. Januar Bei Tagesanbruch lässt sich Dante beim guten alten Doktor Roman Blut abzapfen. Es soll der Zustand der Bakterien, der Lymphozyten, der Leber, des Bluts und, warum nicht, der Ideen, untersucht werden. Nie ist er sich mehr bewusst ein Sterblicher zu sein, als wenn er im Wartezimmer eines Arztes sitzt, der, das ist ja seine Aufgabe, feststellen wird, dass er zu viel Fett, zu viel dies, und zu viel jenes hat. Und solala und solali. Das macht dann 250 Franken!

20 janvier Dante va se faire tirer le sang à l’aube chez le bon docteur Roman. Il s’agit d’analyser l’état des bactéries, des lymphocytes, du foie, du sang, des idées pourquoi pas ? Dante n’est jamais aussi persuadé d’être un mortel que quand il est dans la salle d’attente d’un médecin qui, c’est son job, va prouver qu’il y a trop de graisse, trop de patati et trop de patata. Et de coucis et de couças. Ça fera 250 francs ! 21 janvier Le maçon italien arrivé à quatorze ans aux Genevez est désormais retraité. Il a mal aux jambes, aux hanches, etc. À neuf ans, ce Bergamasque est envoyée au chantier pour porter des briques. Deux ans avant, il a vu les Chemises Noires tuer ses voisins. « On marchait sur des cadavres », dit-il. Élevé à la dure. Arrivé en Suisse, le patron est comme son père. Il lui vouera une fidélité sans faille et il offrira ses services à toute la communauté. Au début, ils étaient dix-sept à vivre dans la maison actuelle du régent, alors une ancienne ferme décatie. Puis il a rencontré la Rose, une fille du village un peu carrée mais qui présentait bien. Et voilà ! Toute une vie. Cinquante-deux ans de mariage. « Regardez là, c’est la maison où je suis né. J’étais gaucher. À l’école, le maître me bandait le bras au corps »…

21. Januar Der italienische Maurer, der mit vierzehn nach Genevez kam, ist inzwischen pensioniert. Es schmerzt ihn an den Beinen, an den Hüften, usw. Mit neun wird dieser Bergamaske als Backsteinträger auf den Bau geschickt. Zwei Jahre früher hat er gesehen, wie die Schwarzhemden seine Nachbarn töten. «Wir liefen auf Leichen», sagt er. Eine schwere Lebensschule. Einmal in der Schweiz angekommen, ist sein Chef so wie ein Vater. Er wird ihm bedingungslos treu sein und bietet der ganzen Gemeinschaft seine Dienste an. Am Anfang wohnten sie zu siebzehnt in dem was heute das Haus des Lehrers ist, damals aber ein verlotterter Bauernhof war. Dann lernte er Rose kennen, ein Mädchen aus dem Dorf, zwar etwas direkt, aber gut aussehend. Und das war's. Ein ganzes Leben. Zweiundfünfzig Jahre Ehe. «Schauen Sie, in dem Haus bin ich geboren. Ich war Linkshänder. In der Schule band mir der Lehrer den Arm an den Körper»…

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Jean-Pierre Gerber, atelier Mont Soleil



22 janvier – Vous avez eu des enfants ? Elle : – Une fille, mais elle est morte à la naissance. Lui : – Elle aurait eu cinquante ans. Yeux humide, il renifle. Elle : – Ma sœur, elle a eu dix enfants. C’est mal fait, la vie. Lui : – Ma foi. Se promenant dans le village mais aussi dans ses marges, Dante ne voit aucun enfant dans les rues. Pourtant, le soleil brille et c’est mercredi, après-midi de congé. La victoire des jeux informatiques? Peut-être. Mais alors qui sont les perdants ? Les vélos, les ballons, les cachettes, les cabanes, les trappes à campagnols, les billes, les filles, les baisers dans le foin, la vie quoi.

22. Januar – Haben Sie Kinder? Sie: – Eine Tochter, aber sie starb bei der Geburt. Er: – Sie wäre fünfzig Jahre alt. Feuchte Augen,er schnieft. Sie: – Meine Schwester, die hat zehn Kinder geboren. Ungerecht, das ist es, das Leben. Er: – Dann halt. Beim Spazieren durchs Dorf, aber auch am Dorfrand, sieht Dante kein einziges Kind in den Strassen. Dabei scheint die Sonne und es ist Mittwoch, der schulfreie Nachmittag. Siegeszug der Videospiele? Vielleicht. Wer sind dann aber die Verlierer? Die Fahrräder, die Bälle, die Verstecke, die Hütten, die Feldmausfallen, die Murmeln, die Mädchen, die Küsse im Stroh, das Leben halt.

23 janvier Dante essaie de suivre Cécile qui le précède dans sa petite voiture rouge et qui n’a pas l’air de s’inquiéter de la neige sur la route. Cécile a 86 ans et l’invite à boire un café dans sa petite cuisine. Pour demain, elle lui réserve un pain qu’elle fait au feu de bois du musée. Ça occupe, dit-elle.

23. Januar Dante versucht Cécile zu folgen, die mit ihrem roten Kleinwagen vorausfährt und durch den Schnee auf der Strasse nicht beunruhigt scheint. Cécile ist 86 und lädt ihn auf einen Kaffee in ihrer kleinen Küche ein. Morgen wird sie ihm eines der Brote reservieren, die sie im Holzofen des Museums bäckt. Damit könne sie sich beschäftigen, sagt sie.

24 janvier Le sang a été tiré lundi. Aujourd’hui vendredi, résultat du contrôle. Le paradis ou l’enfer. Le bon docteur Roman pourrait dire à Dante que le cholestérol, que la créatinine, que les Gamma-GT, que les nanocytes, que les thrombocytes présentent des taux inquiétants exigeant un approfondissement des tests, une hospitalisation immédiate, un régime spartiate définitif (vous êtes un homme fini !) Ou

24. Januar Am Montag wurde das Blut abgezapft. Heute, Freitag, gibt's das Resultat. Himmel oder Hölle. Der gute alte Doktor Roman könnte Dante eröffnen, dass Cholesterol, das Kreatinin, die Gamma-GT, die Nanozyten, die Thrombozyten einen beunruhigend hohen Wert aufwiesen, der weitergehende Untersuchungen erforderlich 72


Jean-Pierre Gerber, 2014, 2014, ange (dĂŠtail)


Daniel Gaemperle, 2014, 140 cm x 120 cm


macht sowie sofortige Hospitalisierung und eine endgültig spartanische Diät (mit Ihnen ist es aus!). Oder aber – und so ist es dann auch nach bestandener Prostatauntersuchung – sagen, es ist alles ok, essen Sie Gemüse, bewegen Sie sich, nehmen Sie Sonnenbäder! Dante ist beruhigt. Zum Apéro genehmigt er sich einen Chardonnay und etwas Schmalz mit dem guten Brot von Cécile!

alors – et c’est ce qui se passe, examen prostatique achevé – dire c’est ok, mangez des légumes, bougez, prenez le soleil ! Dante est rassuré. Il va prendre un chardonnay et du petit lard pour l’apéro, avec le bon pain de Cécile ! 25 janvier Les 100 violons tziganes au Victoria Hall. Ou l’art de dénaturer le talent. L’art de parquer les nomades en les travestissant dans une espèce d’orchestre symphonique. Qui sent le Disneyland de musichall, le holiday on ice poétique, c’est de la sauvagerie en cage, du lion en mousse, du kitsch pitoyable… Dante en a mal au cul. Heureusement la soirée d’anniversaire qui suit est à la hauteur de la générosité des amis.

25. Januar Die 100 Zigeunergeiger in der Victoria Hall. Oder die Kunst, Talent zu verfälschen. Die Kunst, Nomaden als eine Art symphonisches Orchester zu verkleiden und damit zu parkieren. Das riecht nach Disney Varieté, nach poetisches Holiday on Ice, das ist gefesselte Wildheit, ein Löwe in Watte, erbärmlicher Kitsch... Davon schmerzt Dantes Arsch. Zum Glück entspricht die darauffolgende Geburtstagsfeier der Grosszügigkeit der Freunde.

26 janvier NADA – WAWA sur le petit écran TV. Nada : rien contre un petit peu. Du tennis dans les pantoufles. Le sport au petitdéjeuner. À 12h30, Dante et les amis boivent une bouteille de Gewürztraminer pour fêter l’exploit du petit Suisse travailleur et méritant. Au Prédame, celui qu’on appelle le Petit Suisse vit dans un confort relatif. Ils disent qu’il dort tout habillé et que rentrer chez lui est une épreuve pour l’odorat. Ils disent. Mais personne ne va plus jamais y mettre le nez.

26. Januar NADA – WAWA auf dem kleinen TV-Bildschirm. Nada: nix gegen wenig. Pantoffeltennis. Sport zum Frühstück. Um 12h30 trinken Dante und seine Freunde eine Flasche Gewürztraminer zur Feier der hervorragenden Leistung des kleinen emsigen und verdienstvollen Schweizers. Jener, den man Petit Suisse nennt, lebt in Prédame verhältnismässig bequem. Man sagt, er schlafe völlig angezogen und bei ihm reinzugehen setze dem Geruchssinn arg zu. Sagt man. Doch wird nie wieder einer seine Nase dort reinstecken.

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27 janvier Le matin, rencontrer des libraires pour les persuader de s’intéresser à de modestes productions. Béatrice est avec lui, élégante et brillante : la nuit précédente pourtant fut courte. Dispute sur le bien-fondé ou l’hypocrisie d’utiliser l’historique d’un pédophile pour en rajouter dans le sordide, au risque de s’en pourlécher les babines. Résultat : une partie du texte restera dans l’enfer des bibliothèques !

27. Januar Morgens einige Buchhändler treffen um sie zu überzeugen, sich für einige bescheidene Erzeugnisse zu interessieren. Béatrice begleitet ihn, elegant und strahlend: dabei war die vorangehende Nacht kurz gewesen. Disput darüber ob es berechtigt sei oder verlogen, die Geschichte eines Pädophilen zu verwenden um dem Anrüchigen noch eins draufzugeben, auf die Gefahr hin, dass einem dabei das Wasser im Munde zusammenläuft. Ergebnis: Ein Teil des Textes verbleibt in der Hölle der Bibliotheken!

28 janvier Apprendre qu’un homme filmé par Dante – en situation critique, le bonhomme – se serait suicidé. Les réseaux sociaux le disent. Les réseaux sociaux mentent. Dante appelle le paysan, triste mais bien vivant. Le soir, pour se défaire de cette poisse qui colle à l’être, écouter la cantate BWV 170 de Bach par les Anglais de Gardiner. Et aussi sucer du bicarbonate de soude pour aider à la digestion du trop copieux repas de Nicole, l’aubergiste cordonbleu.

28. Januar Erfährt, dass ein von Dante gefilmter Mann – in einer kritischen Situation, der gute – Selbstmord begangen haben soll. So berichtet in den sozialen Netzwerken. Die sozialen Netzwerke lügen. Dante ruft den Bauern an, der ist zwar traurig aber voll lebendig. Abends, um sich des Pechs zu entledigen, das am Sein klebt, die Bach-Kantate BWV 170 hören, interpretiert von Gardiner's Engländern. Ebenfalls etwas Natriumbikarbonat einnehmen zur Unterstützung der Verdauung nach dem allzu üppigen Mahl von Nicole, Wirtin und Meisterköchin.

29 janvier Le gai luron plaisantin au bistrot est un homme tout seul dans le vide de sa maison. Ses filles ne lui parlent plus ; ses petitsenfants non plus. Parfois, il nourrit les renards comme on engraisse un remord. Il avoue que c’est de sa faute si sa femme est partie. Il la trompait trop souvent, c’est pour ça. Tout l’hiver, il pose des graines pour les mésanges. C’est le roi des bons types. Et il vit l’enfer, pense Dante, en recevant un pot d’écailleux au vinaigre.

29. Januar Der schalkhafte Lebemann im Bistro ist einer, der ganz allein in der Leere seines Hauses wohnt. Seine Töchter sprechen nicht mehr mit ihm, ebenso wenig seine Grosskinder. Manchmal füttert er die Füchse als mästete er Schuldgefühle. Er gibt zu, er sei Schuld daran, dass seine Frau ihn verlassen habe. Er hat sie zu oft betrogen, deshalb. Den ganzen Winter 76


durch streut er Körner für die Meisen. Er ist der König der lieben Kerle. Und erlebt die Hölle, denkt sich Dante, während er ein Glas in Essig eingelegte SchuppenPorlinge entgegennimmt.

30 janvier En passant dans les strates de la vie, avec ses étages du passé, on devine que l’enfer c’est parfois pour les autres. Ainsi de G. vu au bar du café : autrefois, solide gaillard, fumant, buvant, rigolard. Aujourd’hui sec comme un coup de trique, portant sa valise à oxygène, intubé par la gorge… Dante profite de son passage au WC pour payer et s’en aller au purgatoire, ni vu ni connu. Et un peu lâche aussi.

30. Januar Durchläuft man die Schichten des Lebens mit seinen Vergangenheitsgeschossen, wird man gewahr, dass die Hölle manchmal für die andern ist. So zum Beispiel im Fall von G., den er am Tresen im Café antrifft: einst ein toller Hecht, Raucher, Trinker, Spassvogel. Heute, dürr wie ein Knüppelschlag, schleppt er seine Sauerstoffflasche mit sich und die Intubation am Hals… Dante benutzt den Besuch auf der Toilette um zu zahlen und sich ins Fegefeuer zu verdrücken. Still und leise. Und vielleicht auch etwas feige.

31 janvier Dante a prêté de l’argent. Mais son débiteur tarde à le rembourser. Lors du prêt, Dante était généreux, adorable et tellement sympathique. Alors qu’aujourd’hui qu’il va réclamer son dû, il se sent radin, mesquin et pour tout dire charognard : le prêt d’argent (même sans intérêt) est une arnaque aux bons sentiments. Il eût fallu donner, tout simplement.

31. Januar Dante hat Geld ausgeliehen. Doch sein Schuldner lässt sich mit der Rückzahlung Zeit. Beim Leihen war Dante grosszügig, reizend und so was von sympathisch. Heute dagegen, da er die Schuld einfordern will, fühlt er sich knauserig, schäbig, um nicht zu sagen wie ein Aasgeier: Geld zu leihen (selbst zinslos) ist ein Betrug am Gutgemeinten. Man hätte es einfach so geben sollen, ganz einfach.

1er février Manger chez Carlo Crisci, c’est… Non c’était. Manger, c’est du présent. En parler, c’est déjà de la digestion. Payer cinq cents francs pour deux personnes et hésiter ensuite à l’épicerie entre les yogourts à Fr. 1.40 et ceux à Fr. 1.80. Être riche, c’est manger sans se soucier de la digestion.

1. Februar Bei Carlo Crisci essen, das ist… Nein, das war. Essen ist Gegenwart. Darüber zu sprechen, das ist schon Verdauung. Für zwei Personen fünfhundert Franken hinblättern und dann im Laden zwischen dem Joghurt zu Fr. 1.40 und dem zu Fr. 1.80 schwanken. 77



Daniel Gaemperle, 2014, 135 cm x 150 cm


Reich sein, das heisst essen ohne sich über die Verdauung Gedanken zu machen. 2. Februar Ein bisschen wie Sonntag. Dante pennt aus. « Willensschwäche, Zügellosigkeit und Müssiggang» wie der Richter B.B erklärt in Die Wahrheit von Clouzot um 1960. B.B., die ihm auch an den Kopf wirft: «Vielleicht sind wir beide nicht geeignet für die Liebe: deshalb verstehen wir uns auch so gut. » Dante hat den Tag über dem Text eines anderen verbracht. Die Erzählung eines Mannes, der die Hölle streift und sich daran ergötzt, um es dann zu bereuen.

2 février Comme un dimanche. Dante fait la grasse matinée. « Veulerie, licence et oisiveté » comme dit le juge à B.B. dans La Vérité de Clouzot en 1960. B.B. qui assène aussi : « on n’est peut-être pas doués pour l’amour, tous les deux ; c’est pour ça qu’on s’entend. » Dante a passé sa journée sur le texte d’un autre. Le récit d’un homme qui frôle l’enfer, s’en délecte avant de s’en repentir. 3 février Dante rencontre l’ancien président pour faire le point autour de son parcours et des mouvements liés au pouvoir : objet ou sujet ? Ils mangent et boivent pendant quatre heures, copains comme cochons. Si l’alcool défait les familles, il reste le meilleur liant des amitiés, même et surtout passagère. L’alcool est à chaque fois un petit miracle opportuniste. Au comptoir, un peu plus tard : – Tiens, mon lard, c’est le meilleur. – Celui-ci, c’est droit de la merde. D’accord. Le tien, c’est pas du chenit. – C’est vrai qu’il est pas terrible… – Donne-moi un Coca zéro. – Au Sénégal, vous faites du cochon noir ? – Fais gaffe, ils mangent des glands làbas. – Pourquoi tu me mates comme ça ? – Tu préfères que je regarde tes fesses ? – Sacré cochon !

3. Februar Dante trifft den ehemaligen Präsidenten, um seine Karriere zu erörtern und seine mit der Macht verbundenen Bewegungen: Objekt oder Subjekt? Sie essen und trinken vier Stunden lang, ganz dicke Freunde halt. Mögen Familien am Alkohol zerbrechen, er bleibt trotzdem das beste Bindemittel für eine Freundschaft, sogar und hauptsächlich für flüchtige. Alkohol wirkt allemal als kleines opportunistisches Wunder. Etwas später, am Tresen: – Da, mein Speck, nimm, das ist der Beste. – Dieser hier ist die reinste Scheisse. OK. Deiner ist auch nicht ohne. – Stimmt, er ist nicht gerade umwerfend… – Gib mir 'ne Cola Zero. – In Senegal, macht ihr da schwarze Schweine? – Nimm dich in acht, die essen Eicheln dort unten. – Was glotzt du mich so an? 80


– Soll ich denn lieber deine Arschbacken anglotzen? – Du verdammtes Schwein! 4. Februar Im Herzen von Genf. Daniel feiert seinen Siebzigsten. Es hat viele Leute, Promis und Unbekannte oder gar ehemalige Promis, die niemand mehr kennt. Dante hat eine Flasche Damassine mitgebracht. Aber er trinkt zuviel Wein, um die vielen kleinen Deals in der kleinen Welt des mondänen Lebens voll ausnutzen zu können. Dann wieder zuviel Alkohol um die fleischliche Wiederbegegnung mit Béatrice zu feiern.

4 février Au cœur de Genève. Daniel fête ses septante ans. Il y a du monde, des people et des pas connus ou même d’anciens connus qui ne disent plus rien à personne. Dante a apporté une bouteille de damassine. Mais il boit trop de vin pour profiter pleinement des petites affaires à faire dans le petit monde de la mondanité. Trop d’alcool aussi pour célébrer les retrouvailles charnelles avec Béatrice. 5 février Prendre le large sous la pluie. Rejoindre la montagne et un certain isolement. Faire un feu et l’alimenter, se nourrir, ça prend tout le temps. Et c’est du bon temps. Lire aussi des nouvelles de Pierre-Olivier Bessire du temps où l’enfer, selon lui, venait surtout des républicains français qui semaient la désolation sur leur passage afin de vendre et d’imposer la liberté. Celle de 1789, contre l’assurance pataude et bourgeoise des Bernois et l’empire arrogant des Princes-Evêques.

5. Februar Im Regen abhauen. Zurückkehren zu den Bergen und zu einer gewissen Abgeschiedenheit. Ein Feuer anzünden und es speisen, sich ernähren, all das braucht Zeit. Und es ist eine gute Zeit. Dann noch Novellen von Pierre-Olivier Bessire lesen aus der Zeit als, seiner Ansicht nach, die Hölle von den republikanischen Franzosen her ruhte, welche bei ihrem Durchzug Angst und Schrecken verbreiteten um damit den Freiheitsgedanken zu verkaufen und durchzudrücken. Die Freiheit von 1789, gegen das klotzige und bürgerliche Selbstbewusstsein der Berner und das überhebliche Reich der Fürstbischöfe.

6 février Dante qui a besoin de s’aérer grimpe dans les plaques de neige des Verneys. Il sue. Puis il découvre pourquoi on dit des aigles qu’ils sont royaux : c’est que le soleil colle des feuilles d’or à leurs ailes. Le couple suzerain plane tout près. C’est effectivement royal. Et leur proximité est exceptionnelle.

6. Februar Dante braucht frische Luft und klettert in den Schneeplatten des Vernay herum. Er schwitzt. Und entdeckt dann, warum man die Adler königlich nennt: die Sonne heftet goldene Blätter an ihre Flügel. Das Herrscherpaar gleitet ganz nahe vorbei, ganz in königlicher Manier. Und ihre Nähe ist einmalig. 81


Plus tard, au bourg, le paysan lui montre sa triple cicatrice ventrale : intestin (colon, dit-il), foie et vésicule. Les cellules cancéreuses se sont promenées. Lui a les mains froides et le moral en berne. Il faut tenir, oui tenir, avec ou sans cancer, tenir ! L’autre paysan, son voisin ivre à chaque trimestre, le traite d’ « enculé de la ville ». Demain Dante sait qu’à se croiser, l’autre baissera les yeux en rougissant. C’est aussi pour ça qu’il ne sert à rien d’aller contre ses insultes, ses grossièretés : elles sont comme des sorcières, ne sortant du bois qu’au solstice : « Ta fille, là, qui est avec le journaliste : je me la ferais bien. » Ou encore : « Ta Chinoise, elle te compte tes deux grains de riz ! » Laisser braire, c’est éviter la guerre.

Später dann, im Städtchen, zeigt ihm der Bauer seine dreiteilige Bauchnarbe: Darm (er nennt es Colon), Leber und Blase. Die Krebszellen gingen auf Wanderschaft. Er hat kalte Hände und die Stimmung auf halbmast. Man muss durchhalten, ja, durchhalten, mit oder ohne Krebs, einfach durchhalten! Der andere Bauer, sein quartalssaufender Nachbar, schimpft ihn «Arschloch der Stadt». Dante weiss jetzt schon, dass, wenn sich ihre Wege morgen kreuzen, der andere wegschauen und erröten wird. Das ist auch der Grund, warum es nicht lohnt, sich gegen seine Beleidigungen, seine Unflätigkeiten zu wehren, denn sie sind wie Hexen, die nur an der Sonnenwende aus ihrem Wald kommen: « Deine Tochter, die, die mit dem Journalisten zusammen ist, die würd' ich gern vernaschen.» Oder aber: «Zählt sie dir deine Reiskörner ab, deine Chinesin!» Plärren lassen vermeidet Kriege.

7 février Dante nettoie, fait le ménage, des emplettes pour accueillir Béatrice. Le soir, ils regardent côte à côte Croix de fer de Sam Peckinpah, sur le front russe, du côté des Allemands et un excellent James Coburn. Vu aussi Des pas dans le brouillard, arsenic et bagatelles : sur l’appât du gain et du pouvoir.

7. Februar Dante putzt, macht den Haushalt, Einkäufe, um Béatrice zu empfangen. Abends schauen sie, nebeneinander sitzend, Das Eiserne Kreuz von Sam Peckinpah, auf der deutschen Seite der russischen Front, mit einem hervorragenden James Coburn. Ebenso angeschaut Zwischen Hass und Liebe, Arsen und Bagatellen. Thema: die Verlockung von Gewinn und Macht.

8 février L’ami a une nouvelle chérie. Ils viennent manger. Elle cause beaucoup. Dante et Béatrice se disent ensuite craindre que l’ami soit un peu aveuglé par une femme très expansive. Cependant, il s’agit de les laisser s’aimer et minauder et faire l’amour comme savent si bien le faire les quinquagénaires.

8. Februar Der Freund hat eine neue Liebste. Sie kommen zum Essen. Sie redet viel. Danach fragen sich Dante und Béatrice, ob der Freund nicht etwas geblendet sei von einer solch redegewaltigen Frau. Dennoch muss man sie machen lassen, sich lieben 82


Daniel Gaemperle, 2014, 140 cm x 120 cm


und zieren und Liebe machen lassen, wie es die Fünfzigjährigen so gut tun können. 9 février Retour en plaine, descente en peine. Un mot malheureux les projette dans un fouillis harmonieux, avec des mots tranchants et méchants comme des éclats de verre, avec, pour lui, les restes aigris de l’alcool absorbé. Ils ne dorment presque pas.

9. Februar Zurück in der Ebene, Abstieg ins Leid. Ein einziges unglückliches Wort wirft ihn in ein harmonisches Wirrwarr der Gefühle, es fallen Worte, so schneidend und böse wie Glasscherben, und bei ihm dazu noch die säuerlichen Überreste des Alkohols. Sie schlafen fast gar nicht.

10 février Une bise très froide sur le haut plateau franc-montagnard. C’est la désolation.

10. Februar Eine sehr kalte Bise auf der Hochebene der Freiberge. Einfach trostlos.

11 février Dante et son équipe de tournage vont suivre la journée des bûcherons. L’épicéa s’écroule dans la neige et le soleil. C’est beau et triste comme certains cataclysmes : la beauté du gigantisme et la tristesse de la finitude. Le géant à terre nous offrira ses planches.

11. Februar Dante und sein Aufnahmeteam verfolgen einen Tag bei den Holzfällern. Die Rottanne kracht in Schnee und Sonne. Schön und zugleich traurig, wie bei gewissen Naturkatastrophen: das Schöne des Riesigen und die Trauer der Endlichkeit. Der gebodigte Riese wird uns seine Bretter liefern.

12 février Dante est au chaud de son travail, filmant les chanteurs et les gens du pays ; le soir, chez le garde-forestier, ils boivent de l’eau de vie de houx mais aussi de l’alise et de la damassine. Ceux qui n’ont pas de vignes ont inventé l’alcool à vapeur, c’est si bon que la gentiane vous tient toute la nuit par sa racine. Ça reupe, ça reproche beaucoup.

12. Februar Dante taucht ein in seine Arbeit, bei der er die Sänger und die Einheimischen filmt: abends, beim Förster, trinken sie Stechpalmenschnaps, aber auch Alise und Damassine. Jene, die keine Reben besitzen, haben den verdampften Alkohol erfunden, der ist so gut, dass der Enzian die ganze Nacht an dir haftet mit seiner Wurzel. Das rülpst, das setzt zu.

13 février Aujourd’hui c’est Sainte-Béatrice. Au bout des ondes, elle est au fond de son lit, malade. « C’est toi qui bois et c’est moi qui souffre », dit-elle à Dante, en tentant un petit rire.

13. Februar Heute ist der Tag der heiligen Béatrice. Am anderen Ende der Welle liegt sie eingemummelt im Bett, krank. «Du trinkst, und ich leide», sagt sie zu Dante und lacht zaghaft. 84


Jean-Pierre Gerber, 2014, projet tour


14 février Malade, elle ne viendra pas ce soir. Elle en pleurait de faiblesse et de chagrin ce matin au téléphone. Dante aimerait la tenir dans ses bras, la cajoler, la faire sourire. Mais il doit filmer le four à pain dans la ferme du musée rural dont les arbres qui font sa poutraison ont été coupés il y a exactement un demi-millénaire! Qu’âcre est la vie…

14. Februar Da sie krank ist, wird sie heute Abend nicht kommen. Morgens am Telefon hat sie deswegen vor Schwäche und Kummer geheult. Dante möchte sie in den Arm nehmen, sie liebkosen, sie zum Lächeln bringen. Nur muss er den Brotholzofen des Bauernhofs im Bauernmuseum filmen, dort wo die Bäume für das Balkengewölbe vor genau einem halben Jahrtausend gefällt wurden! Wie bitter ist doch das Leben…

15 février Chez la Thé à Muriaux. Elle n’a plus d’âge mais sait aussi que les années de son bistrot sont comptées. Après ? Qui va reprendre un si vieux machin, dit-elle, un peu amère. En tout cas pas mes enfants. Le bistrot d’à côté a déjà fermé ses portes. C’est ainsi, l’époque moderne, que voulez-vous ? Et ce ne sont pas les patoisants – qui ont une réunion – qui diront le contraire. Assemblée d’une langue disparue, comprendre : qui n’a plus d’usage. Parfois, Dante – comme aujourd’hui perdu dans le brouillard – se sent un peu patois dans le frémissement des langues. Hors-jeu. Incompris.

15. Februar Bei der Thé in Muriaux. Sie hat kein Alter mehr, weiss aber genau, dass die Tage in ihrem Bistro gezählt sind. Und dann? Wer wird denn so einen alten Laden übernehmen, sagt sie leicht verbittert. Sicher nicht meine Kinder. Das Bistro nebenan hat schon dicht gemacht. Was wollen Sie, so ist sie, die moderne Zeit! Und der Mundartverein, der gerade tagt, wird auch kaum was anderes behaupten. Eine Tagung für eine verschwundene Sprache, will heissen, ausser Gebrauch. Manchmal fühlt sich Dante – wie heute, verloren im Nebel – ein klein wenig wie eine Mundart innerhalb schaudernder Sprachen. Abseits. Unverstanden.

16 février Valentine est pianiste. Elle joue avec beaucoup de grâce et de virtuosité les impressions éphémères d’un certain Philippe Hersant qui n’est pas patron de presse. C’est dimanche matin dans la salle du Soleil et Dante tient la main de Béatrice : les fées sont avec eux. Et il y a aussi Bach et Schubert et puis Brahms pour resserrer les doigts.

16. Februar Valentine ist Pianistin. Sie spielt lieblich und virtuos die vergänglichen Impressionen eines gewissen Philippe Hersant, der kein Zeitungsmagnat ist. Es ist Sonntagmorgen im Saal des Soleil und Dante hält die Hand von Béatrice: die Feen sind mit ihnen. Dabei sind auch Bach und Schubert und dann noch Brahms damit sich die Hände noch mehr verschränken.

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17. Februar Dante landet am Tisch des Unternehmers. Der ihm vorkommt wie ein Riesendepp: ungehobelter Jäger, rassistische Witze, obligatorische Anwandlungen guten Menschenverstands, mit dem Aussehen und dem Mercedes eines zufriedenen Mannes. Und dazu noch etwas Positives: Der Mann ist ein kritischer und fanatisch unabhängiger Geist, der sich der Übernahme seiner Fabrik durch die Swatch Group widersetzt. Da haben wir das Paradoxon: Himmel und Hölle eng verstrickt, das Gute mit dem Bösen, der Hornochse mit dem Autonomen.

17 février Dante se retrouve à la table de l’industriel. Qui a tout l’air d’un gros con : chasseur obtus, gags racistes, assauts de bon sens obligatoire, physique et Mercedes d’homme satisfait. Et puis, un bon côté : l’homme est frondeur et farouchement indépendant et refuse la mainmise de Swatch Group sur sa fabrique. Voilà le paradoxe : l’enfer et le paradis étroitement mêlés, le bien le mal, le gros bœuf et l’autonome. 18 février Dante recueille le témoignage de Nano qui a chanté un très bel Ave Maria sur la terre gelée près de l’oratoire de la Vierge. Des sanglots dans la voix, quand il parle du père qui le frappe au cul quand il dit s’ennuyer, trop jeune immigré de sa mamma restée au pays. Le soir, Dante va au studio évoqué quelques souvenirs des débuts de la radio. Trente ans le séparent du bout de jeune homme qu’il voit en photo et entend dans les archives. Dans les cartons des bandes magnétiques, il retrouve le nom des voix chères, des gens très décédés depuis. Normal, il a toujours privilégié le contact des anciens : Auguste Viatte, Tristan Solier, Djoset Barotchet, l’abbé Guenat curé de Charmoille, des voix tues pour les siècles des siècles.

18. Februar Dante nimmt den Bericht von Nano auf, der ein sehr schönes Ave Maria auf dem gefrorenen Boden bei der Jungfrau-Kapelle gesungen hat. Die Stimme erstickt als er vom Vater erzählt, der ihm den Hintern versohlt, wenn es ihm langweilig ist, zu früh ausgewandert, weg von seiner Mamma, die in der Heimat bleibt. Abends lässt er im Studio einige Erinnerungen an die Anfänge des Radios anklingen. Dreissig Jahre trennen ihn vom schmächtigen Jüngling, den er auf dem Photo sieht und im Archiv hört. In der Schachtel mit den Magnetbändern findet er liebe Stimmen wieder, von inzwischen total verstorbenen Menschen. Versteht sich, schliesslich hat er immer den Kontakt zu den Älteren bevorzugt: Auguste Viatte, Tristan Solier, Djoset Barotchet, Guenat, Pfarrer von Charmoille, für die Jahrhunderte der Jahrhunderte verstummte Stimmen.

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Jean-Pierre Gerber, 2006, moulin à prières (detail)



Jean-Pierre Gerber, 2014, ange h : 36 cm



19 février Lire Jean Prod’hom qui écrit ceci qui convient si bien à Dante : « À défaut de prière, ramasse une pierre et dépose-la. » Quelquefois, quand il est en montagne, Dante empile des cailloux l’un sur l’autre ; ce sont alors des chapelets de prières. Mais en ville où tout le terrain est sous maîtrise, comment prier ? dans une église ? Elles sont en béton et plus du tout « pierres sur laquelle bâtir son église ».

19. Februar Liest Jean Prod’hom, der dies schreibt was so gut zu Dante passt: «Hast du kein Gebet, nimm einen Stein auf und lege ihn hin.» Manchmal, wenn er in den Bergen ist, stapelt Dante Steine aufeinander; das sind dann die Rosenkränze seiner Gebete. Aber wie soll man in der Stadt beten, wo alles gebändigt ist? In einer Kirche? Die sind aus Beton und nie und nimmer «Steine, auf denen er seine Kirche bauen wird».

20 février Chez le dentiste. Le mal à la racine. Les mains greffées aux accoudoirs. La peur dans le ventre, la bouche ouverte et pas un mot : le mal nous tient.

20. Februar Beim Zahnarzt. Der Schmerz liegt an der Wurzel. Die Hände verkrampft auf den Armlehnen. Die Angst im Bauch, den Mund geöffnet und sprachlos: Das Übel hält uns fest.

21 février Leurs parents sont des amis de Dante. Alors il participe au cadeau collectif des jeunes mariés : une semaine à Disneyland ( !?) Surtout, ne jamais être Picsou.

21. Februar Die Eltern sind Freunde von Dante. Deshalb beteiligt er sich am gemeinsamen Geschenk für das junge Brautpaar: eine Woche Disneyland (!?) Hauptsache nie Dagobert sein!

22 février Aller à skis, le temps y invite. Se prêter au jeu de la mécanique et de l’uniforme presque obligatoire. Se faire hisser au sommet, du côté du paradis, et jouir de la descente vers les enfers. Dante ne transige ni ne slalome pas : ce qu’il préfère, c’est l’après-ski, quand avec Béatrice, ils accomplissent un pur bonheur de décrassage.

22. Februar Ski fahren, das Wetter ist danach. Mitmachen beim Spiel um Mechanik und der fast obligatorischen Uniform. Sich auf den Gipfel hissen lassen, in Richtung Paradies, dann die Abfahrt Richtung Höllen geniessen. Dante macht keine Kompromisse und auch keinen Slalom: er zieht das AprèsSki vor, bei dem er mit Béatrice das reine Glück der Tiefenreinigung erzielt.

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23. Februar Nochmals Skifahren, aber vor allem sich im Warten üben. Warten auf dem Parkplatz, um eine Lücke zu finden, am Billettschalter, bei der Abfahrt des Zuges l'Arbalète, mit seinem Anteil an kleinem Ärger – ach, wenn wir fest in der Herde Bann sind! – Der kleine König, der vorne sitzen will, das Paar, das sich vorbeischleicht, die Warterei an der Schneebar um aufgeweichte Pommes zu knabbern und – oh Wonne der Sonntagsfreizeit! – in der Autoschlange warten, die Rückkehr aus dem Wallis. Stau, Stau und nochmals Stau. Dante hat die Nase voll. Zurück in der Stadt. Die Wochenendpresse liest er gerne im Café du Portail, dort wo er sich das erste Mal mit Béatrice getroffen hat. Gegenüber liegt das Pflegeheim. Zufällig kündigt eine Todesanzeige das Ableben von Nerses Boyadjian, an, ehemaliger Mieter im Heim. Ende der siebziger Jahre war Nerses Barman im Bagdad am Place du Molard. Man klopfte an, und er öffnete die Tür zu seinem Palast aus tausendundeiner Nacht. Langes Zitat aus Légende des siècles, der Elan, die Eleganz und der Mann kamen Dante schon damals alt vor. Es gab dort Leute wie Reusser, an gewissen Abenden auch Derrida, ein anderer, Maler in Paris, noch eine sehr hübsche ,die später Selbstmord begehen sollte... Viele Tote, zu viele, sagt sich Dante, der nunmehr zittert, wenn er die Todesanzeigen in den Zeitungen studiert. Er kehrt zurück zur Liebe, das einzige Gegengift gegen den Tod, die ihm gesagt hat : – Verführe mir ja keine andere. Worauf er antwortete: – Hat man ein Reh zuhause, sucht man sich doch keine Pute!

23 février Ski encore mais surtout pratique de l’attente. Attendre au parking pour trouver une place, au guichet des tickets, au départ de l’arbalète, avec son lot de minicolères – troupeaux quand tu nous tiens! – Le petit roi qui veut être devant, le couple qui dépasse en douce, l’attente au Bar des neiges pour croquer une frite molle et – magnifique dimanche de loisirs ! – attendre dans la file automobile, la rentrée du Valais, bouchon, bouchon, rebouchon. Dante en a plein les bottes. Retour en ville. Il aime lire la presse du week-end au café du Portail où il a donné son premier rendez-vous à Béatrice. En face, il y a l’EMS. Justement, une annonce mortuaire signale la disparition de Nerses Boyadjian, ancien locataire du home. Fin des années septante, Nerses était barman au Bagdad, Place du Molard. On frappait à la porte : il ouvrait son palais des mille et une nuits : longue citation de la Légende des siècles, la verve et l’élégance et l’homme paraissait vieux déjà à Dante. Il y avait là des gens comme Reusser, Derrida certains soirs, un autre, peintre à Paris, une autre très jolie qui se suicidera plus tard… Beaucoup de morts, trop, se dit Dante qui tremble désormais quand il regarde les pages Décès des journaux. Il retourne vers l’amour, seul antidote à la mort, qui lui a dit : – Ne va pas en séduire une autre. À quoi il a répondu : – Quand on a une biche à la maison, pourquoi se chercher un dindon ?

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Daniel Gaemperle, 2013, 153 cm x 225 cm


24 février Lundi à vélo au boulot. Direction : la cage aux rushes, soit le visionnement des images tournées. Il y a 15 disques de 40 minutes qui se réduiront en un sujet de 26 minutes. Court-bouillon. L’existence est un tri. La vie devrait être un choix. Ou inversement. Tout dépend du montage.

24. Februar Am Montag mit dem Rad ins Büro. Richtung Narrenkäfig, vulgo Sichtung der Arbeitskopien der gedrehten Sequenzen. Es sind 15 vierzigminutige CDs, die auf eine 25-minutige Einheit schrumpfen werden. Konzentrierte Brühe. Das Leben ist eine Auslese. Das Leben sollte eine bewusste Wahl sein. Oder eben umgekehrt. Alles hängt vom Schnitt ab.

25 février La fête au poète après les envois de presse laisse à Dante un goût de carton d’emballage. Grand soir et petit matin beurré : un classique révolutionnaire.

25. Februar Das Fest für den Dichter nach dem Presseversand hinterlässt bei Dante einen Geschmack wie von Pappkarton. Grosser Abend und besoffene Herrgottsfrühe: ein revolutionärer Klassiker.

26 février Le couscous clôt la lecture. La poésie n’arrivera jamais au pouvoir subversif du harissa. La Cuvée du président n’aidera pas à cuver. Dante aime les bonnes tablées d’écrivains, surtout quand ceux-ci oublient qu’ils le sont.

26. Februar Das Couscous beschliesst die Lesung. Dichtung wird nie die umstürzlerische Macht der Harissa erreichen. Der Jahrgangswein des Präsidenten wird gegen den Rausch nichts ausrichten können. Dante liebt die schönen Tafelrunden mit Schriftstellern, vor allem dann, wenn diese vergessen, dass sie welche sind.

27 février C’est moins drôle et fraternel au vernissage des arts. Plus en attente des avis, de l’expertise de ceux qui comptent. Et puis, les points rouges tardent à venir. On se replie sur l’apéro : il y a des flûtes et du fromage. Bonjour, bonsoir, au revoir.

27. Februar An der Kunstvernissage geht es weniger lustig und brüderlich zu. Man ist mehr in Erwartung der Meinung, der Begutachtung durch jene die zählen. Und dann lassen die roten Punkte auf sich warten. Man fällt auf das Apéro zurück: es gibt Brotstangen und Käse. Guten Tag, guten Abend, auf Wiedersehen.

28 février Dante a vu le moineau à la fenêtre venir piquer les graines. Mais ce matin, alors que la bourrasque menace, le merle chante à tue-tête, comme si c’était le printemps. Souvenir de l’aube après la nuit blanche, quand les cœurs sont encore tout gonflés de leurs propres excès. Alors le chant, ce matin, donne aussi le ton de la vie.

28. Februar Dante hat gesehen, wie der Spatz beim Fenster die Körner aufgepickt hat. Aber heute Morgen, da Sturmböen drohen, singt sich die Amsel die Seele aus dem 96


Leib als wäre es Frühling. Erinnerung an den Tagesanbruch nach durchwachter Nacht, dem Moment, wo die Herzen noch überquellen von der eigenen Ausschweifung. So gesehen gibt der Gesang heute Morgen den Lebenston an. 1. März Mit Chantal und Jean-Luc essen sie vor dem Schnee geschützt und spielen dann einen Schieber. Der Zufall hat die Damen zusammengetan. Die Männer verlieren dreimal hintereinander. Zusammen bilden Männer ein Team, Frauen eine Frontlinie.

1er mars Avec Chantal et Jean-Luc, ils mangent à l’abri de la neige puis jouent au chibre : le sort a mis les dames ensemble. Les hommes perdent à trois reprises. Les hommes ensemble font une équipe. Les femmes toujours font front. 2 mars Grippe intestinale. La pensée se défile. Dormir est un luxe suprême. Dormir seul, une question de morale.

2. März Darmgrippe. Die Gedanken kneifen. Schlafen ist der grösste Luxus. Allein schlafen, eine Frage der Gemütslage.

3 mars Au café du Rond-Point – longtemps tenu par un couple réunionnais dont on espère qu’il passe en leur île une douce retraite tant ils ont trimé ici, entourés de pochtrons – il y a désormais des écrans TV. À gauche, Eurosport et son défilé d’exploits, de ralenti, de chronos et de vaincus. L’écran de droite est branché sur NCM et c’est aussi un défilé de marque et de sponsors, version Topmix. Dante se questionne en songeant aux sacrifices de Toussaint Louverture, à Delmas et Luther King, à Angela Davis et même à Obama : toutes vos luttes, vos justes revendications, toutes vos souffrances et vos victoires pour ça, le triomphe du black en muscles, diamant à l’oreille, chaîne en or (oui les anciens esclaves arborent désormais leurs fers sur la poitrine !), le triomphe du black en Buick et autres objets de la reconnaissance

3. März Im Café du Rond-Point – lange durch ein Paar aus La Réunion geführt, von denen man hofft, dass sie auf ihrer Insel einen schönen Ruhestand geniessen, nachdem sie hier dermassen geschuftet haben umgeben von Süffeln – hat es nunmehr TV. Links Eurosport mit endlosen Grosstaten, Zeitlupen, Stoppuhren und Besiegten. Der Bildschirm rechts zeigt NCM und eine Aneinanderreihung von Marken und Sponsoren, Version Topmix. Dante denkt an die von Toussaint Louverture, Delmas und Luther King, Angela Davis und sogar von Obama erbrachten Opfer und fragt sich: waren alle Kämpfe, all eure gerechten Forderungen, all euer Leiden und eure Siege etwa dafür? Für den Triumph des schwarzen Muskelpakets mit Diamant am Ohr und Goldkette (genau, die ehemaligen Sklaven tragen 97



Daniel Gaemperle, 2013, 153 cm x 225 cm


Jean-Pierre Gerber, 2014, ange h : 180 cm



du fric qui si souvent soumet la femme quelle qu’elle soit, mais surtout pute et soumise, et surtout sotte et linotte. Le clip ressemble ainsi à une parodie d’un ancien monde. Oui, la pensée nègre a perdu, ou alors sa victoire est amère. Mais, ce qui est sûr, à gauche ou à droite du Rond-Point le bien nommé : Nike a gagné, Ray-Ban a gagné, Audi a tout à gagner, le Crédit Suisse n’a plus rien à perdre.

inzwischen ihre Ketten auf der Brust!), für den Triumph des Schwarzen mit dem Buick und anderen äusseren Zeichen vorhandener Kohle, welchen sich jedwelche Frauen oft unterwerfen, aber doch hauptsächlich Huren und Unterworfene, und hauptsächlich Dummerchen und Spatzenhirn. Der Clip erscheint deshalb wie eine Parodie der alten Welt. Genau, die Negritude hat verloren, oder zumindest einen bitteren Sieg errungen. Aber eins ist sicher, links und rechts des mit «Kreisel» als passendem Namen bedachten Rond-Point: Nike hat gewonnen, Ray-Ban hat gewonnen, Audi hat alles zu gewinnen, Credit Suisse hat nichts mehr zu verlieren.

4 mars Dante sent poindre le printemps. Il échafaude des plans et remplit des calendriers : la poésie se dissout-elle dans un business plan ? En tout cas, il devrait faire bon sur le matelas de l’automne, avec toutes ses œuvres impérissables qui combattront la suprématie des feuilles mortes.

4. März Dante spürt den Frühling. Er schmiedet Pläne und füllt Kalender: Löst sich die Dichtung in einem Business Plan auf? Auf jeden Fall dürfte es sich angenehm liegen auf der Matratze des Herbsts mit all seinen unsterblichen Werken, die gegen die Übermacht des dürren Laubs ankämpfen.

5 mars Pour en finir avec Eddy Bellegueule, Louis brocarde le parler de sa famille ; il vomit le vernaculaire qui tant l’a fait souffrir. Dante qui aime les patois et la langue populaire ne connaît rien de plus beau et de plus emballant que beutcher pour brûler ; zyeuter pour regarder ; le djet pour l’allure ; dédevenir pour dépérir ; tchervôte pour galopin ; et aussi : « elle n’a pas eu tous ces mystères joyeux » à la place de : « son mari la trompait ».

5. März Um der Sache mit Eddy Bellegueule ein Ende zu bereiten, verspottet Louis die Sprache seiner Familie; er erbricht das Vernakular an dem er so gelitten hat. Dante, der Mundart und die Volkssprache liebt, kennt nichts Schöneres und Begeisternderes als gewisse einzigartige Ausdrücke, die auf der lokalen Scholle gewachsen sind beutcher pour brûler ; zyeuter pour regarder ; le djet pour l’allure ; dédevenir pour dépérir ; tchervôte pour galopin ; et aussi : « elle n’a pas eu tous ces mystères joyeux » à la place de : « son mari la trompait ». 102


6. März Eine Doppelseite im Le Monde. Entsetzen und Abscheu im Bauch. Die Vergewaltigung und Folter syrischer Frauen: entsetzlicher Bericht für das Regime, das diese Methoden gewählt haben soll, um den Willen der rebellischen Familien zu brechen. Es sollen 50 000 Frauen, Töchtern, Grossmütter systematisch und mit grösster Grausamkeit vergewaltigt worden sein. Die Hölle, vermutlich. Dabei sorgte sich Dante heute Morgen unter der Dusche wegen des Nachschubs seiner Alepposeife. Wird es die noch geben, oder ist dieses Handwerk zerstört? Und wer profitiert vom Handel damit? Seit er vor fünfzehn Jahren in Syrien war, wäscht sich Dante nur mit der dortigen Seife.

6 mars Une double page dans Le Monde. L’effroi et l’horreur à l’estomac. Le viol et la torture sur les femmes syriennes : des témoignages accablants pour le régime qui aurait choisi ces méthodes pour casser les familles rebelles. 50 000 femmes, filles, grand-mère auraient été violées systématiquement et avec la plus grande des cruautés. L’enfer, probablement. Alors que Dante, ce matin sous la douche, s’inquiétait du renouvellement de son savon d’Alep. Y en aura-t-il encore ou cet artisanat est-il détruit ? Et à qui profite son commerce ? Depuis qu’il a été en Syrie il y a quinze ans, Dante ne se lave qu’au savon de là-bas. 7 mars Castello di Pavone. Le château du Paon. Y manger du piémontais. Rire des faux qui libèrent le vrai.

7. März Castello di Pavone. Das Pfauenschloss. Dort piemontesisch essen. Über das Falsche lachen, das das Wahre befreit.

8 mars Journée de la femme. Béatrice a vraiment de beaux yeux. À Turin, des milliers foulent le trottoir muni de T-shirt roses « Just the woman I am » : la femme telle que je suis. L’une d’elle perd sa branche de mimosas. Dante la porte à la boutonnière. Béatrice, elle, se pend des feuilles aux oreilles. L’hiver semble très loin. Comme disaient les anciens Vaudois : « le beau temps menace ».

8. März Tag der Frau. Béatrice hat wirklich schöne Augen. In Turin Tausende auf der Strasse im rosa T-Shirt «Just the woman I am»: Einfach die Frau, die ich bin. Eine verliert ihren Mimosenzweig. Dante trägt seinen im Knopfloch. Béatrice hingegen hängt sich Blätter an die Ohren. Der Winter scheint weit weg. Wie die alten Waadtländer sagten: «Es droht schönes Wetter.»

9 mars Sous la chapelle du XIIIe siècle, le chemin serpente entre les vergers plus ou moins entretenus. Soudain, le cri du cochon : elle accourt, petite, noire, solitaire et Béatrice lui caresse le groin et lui offre de

9. März Unter der Kapelle aus dem XIII. Jahrhundert schlängelt sich der Weg zwischen den mehr oder weniger gepflegten Obstgärten. Plötzlich, der Schrei einer Sau: 103


jeunes herbes en primo piatti. Les yeux de la petite truie semblent empreints de reconnaissance. Nous ne causons pas assez aux porcs, c’est une évidence. Dans le livre d’école de l’enfance, il y avait ce poème appris par cœur de la Belge Francine Cockenpot :

sie eilt auf uns zu, klein, schwarz, allein, und Béatrice krault ihr den Bauch und bietet ihr junges Gras an zur Vorspeise, primo piatto. Die Augen der kleinen Sau scheinen voller Dankbarkeit. Wir sprechen viel zu wenig mit den Schweinen, das ist eindeutig. Im Schulbuch der Jugend gab es dieses auswendig gelernte Gedicht der Belgierin Francine Cockenpot:

Ventru, pansu, gonflé, superbe, Il dort au milieu du verger Et de l’émeraude de l’herbe On voit son corps rose émerger.

Dick, bauchig, aufgeblasen, prachtvoll, So schläft es mitten im Hain. Und aus dem smaragdgrünen Gras Taucht sein rosa Leib hervor.

10 mars Au spectacle, Dante serre la main de son aimée, car parfois le théâtre et l’art en général ouvre à certaines expressions. Ce qui est dit du bout des doigts : – Chérie, je veux t’aimer mieux que cet égotiste sur scène. Ou : – Mon amour, nous n’irons pas jusqu’à nous déchirer ainsi, non ? Et parfois : – L’actrice a un beau cul mais mes mains sont et demeurent à tes fesses splendides.

10. März In der Vorstellung. Dante hält die Hand seiner Liebsten, denn manchmal wird man durch Theater und Kunst offen für gewisse Regungen. Was die Fingerspitzen ausdrücken: – Schatz, ich will dich besser lieben, als dieser Egoist auf der Bühne. Oder: – Liebste, bei uns wird es doch nicht so weit kommen, dass wir uns derart zerreissen, oder ? Und manchmal:– Die Schauspielerin hat einen schönen Hintern, aber meine Hände sind und bleiben bei deinen prächtigen Pobacken.

11 mars Rêver de massacre et se réveiller le goût du sang dans la bouche. 12 mars Dans le verger, Dante désigne le nom des fruitiers à sa petite-fille puis il coupe quelques branches d’épine noire pour que ça fleurisse à l’intérieur. La vie paraît si simple parfois.

11. März Von Gemetzel träumen und mit dem Geschmack von Blut im Mund aufwachen. 12. März Im Obstgarten erklärt Dante seiner Enkelin die Namen der verschiedenen Bäume und schneidet dann einige Zweige Schlehdorn, damit er drinnen blüht. Manchmal scheint das Leben so einfach. 104


13 mars Après une lecture aux Grottes, Dante invite quelques amis à finir dans sa cuisine qui bruit alors des piques et petites méchanceté que les artistes – et particulièrement les écrivains – adorent projeter sur les confrères qui ont réussi. Béatrice, le soir, grelotte, et pourtant elle brûle.

13. März Nach einer Lesung in den Grotten lädt Dante einige Freunde noch zu sich in seine Küche, die sodann erfüllt ist von den Sticheleien und kleinen Boshaftigkeiten welche Künstler – insbesondere Schriftsteller – liebend gerne gegen jene Mitbrüder richten, die es geschafft haben. Abends schlottert Béatrice, dabei brennt sie.

14 mars Dans le train qui mène de Genève à Neuchâtel, il y a beaucoup de Suisses alémaniques qui rentrent du Salon de l’auto. Ils n’ont pas d’abonnement demi-tarif, car c’est la seule fois de l’année qu’ils utilisent les transports publics. Au-dessus d’eux, une phrase de Madame de Staël disant que le chagrin et la tristesse nous ramènent dans notre humaine condition et nous rapprochent. Dante n’est pas assez triste pour se rapprocher. Il s’abîme dans la lecture et ça l’attriste. Dans le train qui le ramène de Neuchâtel à Genève, il y corrige l’histoire d’un homme transformé en léopard. Béatrice grelotte toujours.

14. März Im Zug von Genf nach Neuenburg sitzen viele Deutschschweizer auf dem Rückweg vom Automobilsalon. Sie besitzen kein Halbtax-Abonnement, denn es ist das einzige Mal im Jahr, dass sie die öffentlichen Verkehrsmittel benutzen. Über ihren Köpfen ein Spruch der Madame de Staël der sagt, Kummer und Traurigkeit würden uns zum Menschsein zurückführen und einander näher bringen. Dante ist nicht traurig genug, um sich anzunähern. Er versenkt sich in der Lektüre und das macht ihn traurig. Im Zug der ihn von Neuenburg nach Genf zurückführt. Er korrigiert die Geschichte eines Mannes, der sich in einen Leoparden verwandelt. Béatrice schlottert immer noch.

15 mars De Genève à Neuchâtel en voiture avec Béatrice épuisée. Ils fêtent la sortie de deux ouvrages : l’un c’est l’histoire d’un chat parti pour des prunes ; l’autre l’histoire d’une dame qui se cherche une histoire. C’est une belle fête. Dans la librairie, il y a des bouquins rares qui valent 2500 francs. Ils furent, un jour peut-être, des invendus. La nuit à l’hôtel Ibis, l’enfer tente de séduire les amants.

15. März Von Genf nach Neuenburg mit dem Auto und einer erschöpften Béatrice. Sie feiern das Erscheinen zweier Werke: das eine, ist die Geschichte einer Katze, die vergeblich weggegangen ist; das andere, die Geschichte einer Dame auf der Suche nach einer Geschichte. Es ist eine schöne Feier. In der Buchhandlung gibt es seltene Bände die 2500 Franken wert sind. Vielleicht waren sie einmal Restposten. Nachts im Hotel Ibis, die Hölle versucht, die Liebenden zu verführen. 105


16 mars À Fribourg, l’homme raconte comment, à 19 ans, il est monté sur un wagon et a provoqué l’arc électrique et comment les dix mille volts l’ont explosé, les vertèbres brisées, le corps complètement brûlé. Aujourd’hui, privé de ses jambes, il parle de la vie qui peut être parfois si belle, même en chaise roulante. Dante tend la main à Béatrice. Ils dormiront ensemble.

16. März In Freiburg erzählt der Mann davon, wie er als 19-jähriger auf einen Eisenbahnwagen gestiegen ist und dabei einen Lichtbogen ausgelöst hat, und wie die zehntausend Volt ihn regelrecht gesprengt, Wirbel gebrochen, die Körperoberfläche vollständig verbrannt haben. Heute, seiner Beine beraubt, spricht er vom Leben, das gelegentlich so schön sein kann, selbst im Rollstuhl. Dante reicht Béatrice die Hand. Sie werden miteinander schlafen.

17 mars Le poète québécois Pierre Lavallée est mort, apprend-on dans une newsletter qui reste un des derniers radeaux du transport poétique. Il a écrit ceci : « La mort aime la vie, elle en mange chaque jour. »

17. März Der Dichter Pierre Lavallée aus Quebec ist tot. Das erfährt man aus einem Newsletter, welcher eines der letzten Flosse zur Beförderung der Poesie bleibt. Er schrieb: «Der Tod liebt das Leben, er nährt sich jeden Tag davon.»

18 mars Sous les ailes roses du magnolia un point de beauté : le merle sur sa branche.

18. März Unter den rosa Flügeln der Magnolie ein Flecken Schönheit: die Amsel auf ihrem Zweig.

19 mars A Lausanne, Claude Frochaux explique qu’il n’y a plus d’imaginaire, parce que trop de réel partout. Dante songe surtout qu’il y a trop de bruit partout. Il aspire au silence des étoiles et, le soir même, il est comblé : le ciel ouvert de la montagne est un jeu de hasard.

19. März In Lausanne erklärt Claude Frochaux, es gebe vor lauter Wirklichkeit keine Fantasie mehr. Dante denkt, es habe vor allem überall zuviel Lärm. Er trachtet nach der Stille der Sterne und findet noch am selben Abend die Erfüllung: Der freie Himmel der Berge ist ein Glücksspiel.

20 mars Dante, au comble du ravissement, pense que ce sont les aigles par eux-mêmes qui viennent le saluer.

20. März Dante meint, über alle Masse entzückt, die Adler kämen von sich selbst aus, um ihn zu begrüssen.

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Daniel Gaemperle, 2012, 90 cm x 70 cm


Daniel Gaemperle, 2012, 90 cm x 70 cm


21. März Das Buch diente als Stütze für ein Möbelstück im Estrich. Dante hat es seit dem Kauf – oder höchstwahrscheinlich seit dem Diebstahl – 1974 nie mehr geöffnet. Er hatte einige Stellen markiert, wie in einem Buch der Weisheiten. «Behalte immer einen Vorrat an Nichtanpassung», oder auch: «Feststellung. Nicht zu viel. Nur soviel wie es braucht, damit man dich in Ruhe lässt» oder: «Nein, nein, nicht aneignen. Reisen, um zu verarmen, das ist es, was du brauchst.» Dante ist verunsichert. Er hatte seine Notizen in diesem klitzekleinen Büchlein Eckpfosten von Henri Michaux völlig vergessen.

21 mars Le livre servait à caler un meuble dans le grenier. Dante ne la plus ouvert depuis son achat – ou vraisemblablement son vol – en 1974. Il avait marqué quelques passages, comme d’un livre de sagesse. « Toujours garde en réserve de l’inadaptation », ou encore : « Réalisation. Pas trop. Seulement ce qu’il faut pour qu’on te laisse en paix… » ou : « Non, non, pas acquérir. Voyager pour t’appauvrir. Voilà ce dont tu as besoin. » Dante est troublé. Il avait oublié ses écrits de ce tout petit livre « Poteaux d’angle » signé Henri Michaux. 22 mars Il neige mouillé. Le temps de lire puis redescendre. Aller vers Béatrice, c’est s’allier à l’amour.

22. März Es schneit nass. Gerade Zeit genug um zu lesen und sich an den Abstieg zu machen. In Richtung Béatrice zu gehen heisst, sich mit der Liebe verbünden.

23 mars Au brunch des gens qui ont de l’argent, il y a des gens qui ont de l’argent, des collectionneurs, quelques artistes, un ou deux voisins qui ont aussi de l’argent, un écrivain qui joue au pauvre et Dante qui n’a plus envie de jouer.

23. März Am Brunch der Leute, die Geld haben, hat es Leute, die Geld haben, Sammler, einige Künstler, einen oder zwei Nachbarn, die ebenfalls Geld haben, einen Schriftsteller, der auf arm macht, und Dante, der keine Lust mehr auf solche Spielchen hat.

24 mars La collègue de télévision est célèbre pour son enthousiasme et ses fous rires. Elle raconte à Dante son chagrin d’amour, sa fausse couche, son désespoir. Elle pleure un peu. Dante lui conseille d’écrire. Le papier parfois sait être un buvard réconfortant.

24. März Die Fernsehkollegin ist bekannt für ihren Enthusiasmus und ihre Lachanfälle. Sie erzählt Dante von ihrem Liebeskummer, ihrer Fehlgeburt, ihrer Verzweiflung. Sie weint ein bisschen. Dante rät ihr zu schreiben. Manchmal kann Papier ein tröstliches Löschblatt sein.

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25 mars Dans le Vully pour y rencontrer Roger Monney, un ferronnier comme le feu n’en fait plus. Bon gros buveur, homme libre, aîné d’une fratrie de dix-sept enfants, tous placés à douze ans chez les paysans pour les garçons, chez les bourgeois pour les filles. Il faut taper le fer quand il est chaud. Roger, à 81 ans, ressemble désormais, parle et rit comme le Boudu de Michel Simon.

25. März Im Vully um Roger Monney zu treffen, ein Kunstschmied, wie schon lange nicht mehr geschmiedet wird. Ein Guter, ein starker Trinker, ein freier Mann, ältester von siebzehn Geschwistern, die alle mit zwölf zum Bauern kamen, falls Bube, zu den Bürgern, falls Mädchen. Man muss das Eisen schmieden, solange es heiss ist. Mit 81 Jahren gleicht Roger inzwischen, spricht und lacht wie die Figur des Boudu von Michel Simon.

26 mars Le jeune auteur frêle et maladif, extrêmement poli, à la limite de la timidité, laisse un manuscrit trash, bourré de termes grossiers et sexuels. Il faut se méfier tout autant de l’oxymore que de l’eau qui dort.

26. März Der junge, schmächtige und kränkliche Autor, übermässig höflich, an der Grenze zur Schüchternheit, überlässt ihm ein Schundmanuskript voller unflätiger und sexueller Ausdrücke. Man muss sich ebenso vor dem Oxymoron wie vor stillen Wassern hüten.

27 mars Point final du sujet TV sur Les Genevez. Ensuite, on parle d’un projet en Chine, dans les monts Wuyi. Dante gagne sa vie. Ses enfants gagnent la leur. Tous sont aux quatre coins du monde, ou de l’Europe, ou de la Suisse. Gagner sa vie suppose qu’il y a une perte quelque part. Pour Dante, c’est ça le purgatoire.

27. März Schlusspunkt der TV-Reihe über Les Genevez. Danach spricht man von einem Projekt in China, im Wuyi-Gebirge. Dante verdient sein Brot. Seine Kinder verdienen das ihre. Alle sind in alle Windrichtungen verstreut, oder in einer Ecke Europas oder der Schweiz. Sein Brot verdienen setzt irgendwo einen Verlust voraus. Für Dante ist dies das wahre Fegefeuer.

28 mars Aller chez l’homme aux tessons. Chercher un titre. En essayer cent. Finalement, ce sera Tessons.

28. März Beim Mann mit den Scherben vorbeigehen. Einen Titel suchen, hunderte davon ausprobieren. Zum Schluss kommt dabei «Scherben» heraus.

29 mars Grillade au pâturage et, à nouveau, les aigles en salutations.

29. März Grillieren auf der Weide, wiederum Begrüssungsrunde der Adler. 110


30 mars Dante jure contre le flot des voitures qui bouchonnent l’autoroute. Il s’insulte luimême d’ainsi grossir les voies de l’enfer.

30. März Dante flucht über die Autoschlange, welche die Autobahn verstopft. Er beschimpft sich selbst, dass er auch noch dazu beiträgt, die Wege zur Hölle anzuschwellen.

31 mars La fessée de la gauche. L’arrogance de la droite : Copé est le diable ; Le Pen, une sorcière. Et moi ? Et moi ? Et moi, se questionne Dante : de la carotte ou du bâton ?

31. März Die Ohrfeige für links. Die Arroganz von rechts: Copé ist ein Teufel; Le Pen eine Hexe. Ja und ich? Und ich? Und ich, fragt sich Dante: Bin ich Karotte oder Knüppel?

1er avril Un couple de pies construit son nid dans le saule en face de la cuisine. Le café fume. Il ne manque que la pipe de grandpapa et on se retrouverait dans le premier livre de lecture de Dante. Mi mi. Tu li pe. Lo co mo ti ve.

1. April Ein Elsternpaar baut sein Nest in der Weide gegenüber der Küche. Der Kaffee dampft. Es fehlt nur noch Grosspapis Pfeife und man fände sich wieder in Dantes erstem Lesebuch. Ro se. Ge bir ge. Lo ko mo ti ve.

2 avril Terrain vague : un documentaire sans personne ni commentaire. Que des herbes, des fleurs, des ciels et beaucoup de vent. Une nature au final assez triste.

2. April Brachland: Ein Dokumentarfilm ohne Menschen und ohne Kommentar. Nichts als Gräser, Blumen, Himmel und viel Wind. Eine schlussendlich doch ziemlich traurige Natur.

3 avril 16e étage de la tour TV. Séminaire de l’émission nature. Ils dominent la ville grise. Il y a des grues à hauteur qui tournent pour rajouter des maisons à la ville. C’est bien naturel.

3. April Im 16. Stock des Fernsehturms. Seminar der Natursendung. Sie überragen die graue Stadt. Hohe Krane drehen sich, um der Stadt weitere Häuser hinzuzufügen. Ganz natürlich.

4 avril Dante repart en montagne et frôle la bagarre avec un jeune impudent qui le traite de « putain de Vaudois » ! Même dans les bourgades les plus reculées, le discours d’exclusion tenu par les fachos fait des petits.

4. April Dante kehrt ins Gebirge zurück und entgeht knapp einer Rauferei mit einem unverschämten Jüngling, der ihn als «verdammter Waadtländer» tituliert! Selbst in den entlegensten Marktflecken tragen die Ausgrenzungsparolen der Faschos Früchte. 111


Jean-Pierre Gerber, carnet d’esquisses



5 avril Soirée de garçons chez le voisin d’en face. Des quadras, tous accros à leur écran. Ils jouent en ligne avec d’autres qui sont ailleurs mais connectés, se filment parmi et se montrent les images ensuite. Grosse rigolade. Ne rit pas celui qui n’a pas l’appareil.

5. April Männerabend beim Nachbarn gegenüber. Alles Vierziger, hängen süchtig an ihren Schirmen. Spielen online mit anderen, die zwar anderswo sind aber verbunden, filmen sich und zeigen sich dann die Bilder. Riesengrosse Gaudi. Der ohne Gerät lacht nicht mit.

6 avril Grimper au Plan. Dante porte le café. Le feu est dantesque. Béatrice est une grâce. Elle repart ce soir, laissant son homme à ses textes. Il y a des saisons à l’amour : celle qu’ils vivent est un printemps.

6. April Klettern am Plan. Dante bringt den Kaffee. Das Feuer ist dantesk. Béatrice ist der reinste Liebreiz. Sie fährt heute Abend wieder und überlässt ihren Mann seinen Texten. Die Liebe kennt ihre Jahreszeiten: jene, die sie gerade erleben, ist ein Frühling.

7 avril Les mains dans la terre pour la mélanger au crottin d’âne que le paysan a apporté avec son petit tracteur en échange d’un livre sur les Barbus. Rangez tout ! clame le printemps et les rouges-queues cherchant un nid. Les livres passent d’une bibliothèque à l’autre. Certains, beaucoup, sont mis en sac à donner. Les quidams se serviront à la prochaine fête du village. Dans le lot, un pamphlet contre les bagnes de l’écrivain reporter Albert Londres : ça s’appelle « Dante n’avait rien vu ». Et cette phrase malheureusement si juste qui clôt son avant-propos : « Ce n’est pas d’une institution que vient le mal ; il vient de plus profond : de l’éternelle méchanceté de la race humaine ».

7. April Die Hände bearbeiten die Erde um sie mit dem Eselsmist zu vermischen, den der Bauer mit seinem kleinen Traktor vorbeigebracht hat im Tausch gegen ein Buch über die Fischgattung Barbus. Alles wegräumen! schreit der Frühling hinaus und auch die Rotschwänze, die ein Nest suchen. Die Bücher wandern von einer Bibliothek zur andern. Einige, viele, werden in Säcke gesteckt zum Verschenken. Irgendwer wird sich am nächsten Dorffest bedienen. In einem der Haufen ein Pamphlet gegen die Höllen des Schriftsteller-Reporters Albert Londres: es heisst, Dante hatte nichts gesehen. Und dieser leider sehr zutreffende Satz, der sein Vorwort abschliesst: «Das Böse kommt nicht von einem Machtorgan; es kommt von viel tiefer her: von der ewigen Boshaftigkeit der menschlichen Rasse.»

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8. April Gestern einige Schwalben als Aufklärer und Rotschwänze auf Nestsuche; heute Morgen kalte Regenschauer. Gut für den Mist, sagt sich Dante, der in die Ebene zurückkehrt wo das Wetter – mit zu vielen Nachbarn geteilt – zu schnell abfliesst und sich abschwächt. Wetter wie eine Kaskade, man wird wohl lernen müssen, ein wenig davon mit den Händen zurückzuhalten, es ist die einzige Art, es zu teilen.

8 avril Hier, quelques hirondelles en éclaireuses et des rouges-queues en quête de nid ; ce matin une pluie froide. Bonne pour le crottin, se dit Dante qui retourne en plaine où le temps – partagé avec trop de voisins – s’amenuise en s’écoulant trop vite. Un temps en cascade qu’il faudra bien apprendre à retenir un peu dans ses mains : c’est la seule façon de le partager.

9. April Gestern wieder auf Arte, die Gegenwart und die Archive des Genozids in Ruanda. Dante und Béatrice schnürt es die Kehle zu vor Ergriffenheit. Man musste daran glauben, sich der eigenen Taten sicher sein, um hundert Tage lang seine Nachbarn, deren Kinder und einige rebellierende Vetter hinzurichten und zu zerhacken. Glauben, im Recht zu sein, diesem Glaube Genüge tun, jeden Morgen, Samstag und Sonntag inbegriffen, dieses finstere Werkstück wieder einspannen...täglich achttausend Opfer: ein äusserst hoher Durchschnitt.

9 avril Hier encore sur Arte, le quotidien et les archives du génocide rwandais. Dante et Béatrice ont la gorge serrée d’émotion. Il fallait y croire, être sûr de ses actes pour durant cent jours, exécuter et découper ses voisins, leurs enfants et quelques cousins résistants. Croire être dans le juste, s’en satisfaire, remettre chaque matin, samedis et dimanches compris, le sinistre ouvrage sur le métier… huit mille victimes par jour : une moyenne extrême.

10. April Mit Laurent A. zusammengetroffen, von dem er den Text erhalten und sofort geantwortet hat, es ist gut, ich will ihn verlegen. Schlaksig, ein wenig Taugenichts, aber einer dessen Augen von einem gelebten und manchmal auch gebrannten Leben erzählen: ohne Empathie, eine Art Bruderschaft (durch die Leere, die Ausschweifung, das Graue), die sich aufdrängt. Ohne Umschweife unterschrieben und fünfhundert Franken Anzahlung, das ist die Regel. Das heisst vermutlich, dass man nächstes Jahr noch wird leben müssen.

10 avril Rencontré Laurent A. dont Dante a reçu le texte et a immédiatement répondu que c’était bon, qu’il voulait l’éditer. Dégingandé, un peu jean-foutre, mais un « mouillé » dans les yeux qui dit la vie vécue et parfois brûlée : sans empathie, une sorte de fraternité (par le vide, par l’excès, par le gris) qui s’impose. Signature aussi sec et cinq cents francs d’à valoir, c’est la règle. Qui suppose qu’il faudra vivre encore l’an prochain. 115


Jean-Pierre Gerber, livres




Daniel Gaemperle, 2014, 135 cm x 150 cm


11 avril Réunion à Martigny. Quand le littéraire suppose des choix politiques. Dante s’y rend pour taper du poing sur, mettre les points sur, mettre au point. Or, nous sommes en Suisse. Le repas est payé par l’association ; le vin est bon ; le café favorable au compromis.

11. April Meeting in Martigny. Wenn die Belletristik politische Entscheidungen voraussetzt. Dante geht hin um zu hauen auf, einen Punkt zu machen wegen, um klarzustellen dass. Nur sind wir halt in der Schweiz. Der Verein zahlt das Essen; der Wein ist gut; der Kaffee dem Kompromiss zuträglich.

12 avril Le luxe des mains dans la terre. Semer, planter, même si c’est trop tôt semblent dire les sourires des voisines. Augurer d’un bel été. Espérer une récolte et de l’appétit.

12. April Der Luxus, die Hände in die Erde zu graben. Das Lächeln der Nachbarin scheint zu sagen: sähen, pflanzen, auch wenn es noch zu früh ist. Vorzeichen eines schönen Sommers. Hoffen auf Ernte und auf Appetit.

13 avril Les Rameaux. Ou comment ceux qui accueillent et célèbrent, bientôt pourfendront et tueront allègrement d’un même cœur. On devrait pouvoir en faire une religion : l’amour, la vie, la mort. Dante, comme les Indiens d’Amérique, s’étonnera toujours de cette chrétienté qui met en scène un dieu cadavre. Béatrice s’étonne des concepts inventés d’enfer et de paradis. Pour l’enfer, rester sur terre est suffisant, dit-elle. Pour le paradis, un baiser à l'ânon lui suffit.

13. April Palmsonntag. Oder wie jene die empfangen und preisen, bald genauso herzhaft geisseln und fröhlich töten werden. Man müsste daraus eine Religion machen: Liebe, Leben, Tod. Wie die Indianer Nordamerikas wundert sich Dante immer wieder über diese Christenheit, die ihren Gott als Leiche zur Schau stellt. Béatrice wundert sich über die erfundenen Begriffe von Hölle und Paradies. Für die Hölle, genügt es auf Erden zu bleiben, sagt sie. Für das Paradies reicht es ihr, den Esel zu küssen.

14 avril Passer en France et aller par les chemins et les routes départementales. Ne plus trouver un bistrot ouvert sur près de 30 km. S’arrêter en forêt se dire – comme le rêve Dante qui n’en jamais trouvé – que c’est le temps idéal pour les morilles. Il y en a une, énorme, gigantesque, comme dans les livres d’images.

14. April Auf Nebenstrassen und -wegen nach Frankreich fahren. Auf über 30 km kein offenes Bistro mehr finden. Im Wald anhalten und sich sagen, dass es – wovon Dante nur immer geträumt hat ohne je welche zu finden – dass es der ideale Moment für Morcheln sei. Eine hat's, eine riesengrosse, gigantische, wie aus dem Bilderbuch. 120


15. April Am Gericht in Besançon, junge Anwälte palavern in den Gängen. Dante unterstützt seinen Bruder beim Scheidungsverfahren. Der Anwalt der künftigen Ex-Schwägerin, Scheidungsspezialist, heisst Boucher und sein Studio thront künftig über den Square Saint-Amour, Heilige-Liebe-Platz! Nur noch die Notaufnahmen von Spitälern scheiden eine derart eingebildete Keckheit aus. Später, am Rande des chemin de Pétrus, begrüsst sie ein Hühnerhabicht gickernd. Es ist schön, wie die wiedergewonnene Freiheit. Einige in Stein gehauene Buchstaben sind von einem Schrein gefallen. Dante liest sie auf mit dem Gedanken, daraus ein Wort zu bilden, welches einen Hinweis ergäbe, eine Botschaft des Zufalls, ein poetisches Erschauern. Nichts zu machen, Poesie findet sich nicht mehr in Worten, und noch weniger in Stein.

15 avril Au tribunal de Besançon, de jeunes avocats discutaillent dans les couloirs. Dante assiste son frère en procédure de divorce. L’avocat de la future ex belle-sœur, spécialiste du divorce, s’appelle Boucher et son étude de trône désormais au square Saint-Amour ! Il n’y a que les urgences de l’hôpital qui distille un tel poids de gravité vaniteuse. Plus tard, au bord du chemin de Pétrus, un autour des palombes les salue en kouikouitant. C’est beau comme la liberté retrouvée. Des lettres taillées dans la pierre sont tombées d’un édicule : Dante les ramasse pensant en faire un mot qui serait une indication, un message du hasard, un frémissement poétique. Rien n’y fait, la poésie n’est plus dans les mots, encore moins dans la pierre. 16 avril Se lever tard, trop tard pour saluer les merles. Courir à une réunion pour parler des auteurs sans bassesse. Profiter des filets de perche frais du lac et acheter du jus de pommes chez les parents de Blaise Hofmann.

16. April Spät aufgestanden, zu spät, um die Amseln zu begrüssen. Zu einer Sitzung eilen, um ohne Gemeinheiten über die Autoren zu reden. Die Eglifilets frisch aus dem See geniessen und Apfelsaft von Blaise Hofmanns Eltern kaufen.

17 avril Au théâtre. Une salle de merde : pas de tarif de faveur, car amateur. Un texte de merde : un jeu de merde : trop de compromis juste pour plaire à l’ami.

17. April Im Theater. Ein beschissener Saal und kein Vorzugspreis da Amateurproduktion. Ein beschissener Text, beschissen gespielt: zuviel der Kompromisse nur aus Gefälligkeit für den Freund.

18 avril

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Daniel Gaemperle, 2012, collage, 37 cm x 28 cm


Daniel Gaemperle, 2012, collage, 37 cm x 28 cm


Aller à Vers-Chiez, petit hameau vigneron. La fois dernière, Dante avait dégusté les vins avec la fille du patron. Renseignements pris : elle avait treize ans ! Ce jour, c’est son grand frère qui officie.

18. April Nach Vers-Chiez, ein Winzerdörfchen. Beim letzten Mal hatte Dante die Weine mit der Tochter des Besitzers degustiert. Ergebnis der Nachfrage: sie war dreizehn! Heute hat das ihr grosser Bruder übernommen.

19 avril Temps de cochon. Salade de cervelas et chibre avec les amis. Grande détente jusqu’à la nuit, alors qu’il neige sur les semis. Les voisines ont toujours raison.

19. April Sauwetter. Wurstsalat und Schieber mit Freunden. Herrliche Entspannung bis in die Nacht, dann schneit's auf die Aussaat. Die Nachbarinnen behalten immer Recht.

20 avril Pâques aux tisons. Et au filet mignon. Avec François Beuchat et ses cousins. Le soir, aux petits oignons avec Béatrice. Le temps s’écoule dans la douceur amoureuse.

20. April Ostern mit Schnee und mit Filet Mignon. Mit François Beuchat und seinen Vettern. Abends restlos zufrieden mit Béatrice. Die Zeit vergeht verliebt und sanft.

21 avril Roland Schmutz explique en un long débit ininterrompu son enfance au garage et son apprentissage à Olten en mécanique. Et le père qui ne l’appelle jamais par son prénom mais toujours dit « le Grand », avec mépris et sans aucune affection. Roland raconte comment il a mis en marche et développé à 18 ans un tour Cincinnati de huit mètres de long, en passant ses soirées et dimanche à étudier le mode d’emploi. C’était la guerre, son usine fabriquait des chars de combat. Sur ses quinze jours de vacances, il en passé huit à tirer des patates pour le plan Wahlen. D’Olten, Roland rentrait à la maison à vélo : 180 km jusqu’à Cossonay où plus tard il a repris le garage du père : celui qui n’a jamais pu l’appeler par son prénom. Roland a 87 ans. Il est très seul. Riche et toujours malheureux, à cause de ce papa qui ne savait pas dire son prénom.

21. April Roland Schmutz berichtet in einem langen ununterbrochenen Redeschwall von seiner Jugend in der Autowerkstatt und von seiner Mechanikerlehre in Olten. Und vom Vater, der ihn nie mit Vornamen sondern immer nur verächtlich und lieblos mit «Grosser» anspricht. Roland erzählt wie er als 18-jähriger eine acht Meter lange Cincinnati Drehbank entwickelt und in Gang gebracht hat, indem er abends und sonntags die Gebrauchsanleitung studierte. Es war Krieg, seine Fabrik produzierte Kampfpanzer. Von zwei Wochen Ferien hat er acht Tage beim Kartoffelernten für den Plan Wahlen verbracht. Von Olten nach Hause fuhr Roland mit dem Fahrrad: 180 km bis Cossonay, wo er später die Garage seines Vaters übernommen hat. Roland ist 87. Er ist sehr allein. Reich und immer unglücklich dank einem Vater, der es nicht fertig brachte, seinen Vornamen auszusprechen. 124


22. April Dante betätigt sich wieder einmal handwerklich und bastelt aus alten Schlittschuhen etwas, was ein Lüster werden soll. Um ein instabiles, zwanzig Kilo schweres Objekt an einen Balken in sechs Meter Höhe anzubringen, müsste man allerdings zu zweit sein. Der umgekehrte Lüster endet in einer Ecke als Skulptur. Das, was hätte eine Lichtquelle werden sollen, landet im Schatten. Die Freude lag dennoch im Versuch, im Werken, im Tüfteln. Dante versucht diesen ungeordneten Regungen einen Sinn zu geben. Er ist weder Schreiner noch Elektriker, doch glaubt er ans «Machen», auch wenn daraus nur ein Zerlegen, ein Zerfallen, ein zusammengebautes Chaos wird. Nichts Künstlerisches, lediglich «Zusammengebautes». Das ist Dantes Art: die Mischung, dieses Gefühl des Zufalls, des Entledigten, was auch immer Zurückgegebenes ist, gefangen in der Deponie die sein Atelier ist, all diese Gegenstände von überall her zusammengetragen, manchmal, oft, auf der Mülldeponie herausgepickt, dort wo Jean-Claude das Kommen und Gehen orchestriert. J.-C., wie man ihn hier nennt, ist das Faktotum der Gemeinde, der gerettete Sozialfall: Volksfeind und Musterexemplar des Volkes selbst. Das Volk, das nicht mehr existiert. Das auf der Müllkippe gelandet ist, wo es verzweifelt etwas zum Rückgewinnen sucht.

22 avril Dante a remis les mains à l’ouvrage pour bricoler ce qu’il imaginait être un lustre avec d’anciens patins de luge. Mais pour pendre à une poutre à six mètres de hauteur un objet instable de vingt kilos, il faudrait être deux. Le lustre inversé finit en sculpture dans un coin. Ce qui devait produire de la lumière va finir dans l’ombre. Le bonheur était pourtant dans la tentative, la bricole, l’essai : Dante tente de donner un sens à ces mouvements désordonnés. Il n’est ni menuisier ni électricien, mais croit au « faire », même si ça devient désassemblage, désagrégation, du « chenit » mis ensemble. Rien d’artistique, que du « mis ensemble». C’est sa pratique à Dante : le mélange, le sens du hasard, le jeté, qui est aussi du rendu, pris dans le ruclon de l’atelier, de tous ces objets récupérés ici ou là, parfois, souvent, extraits de la décharge, là où Jean-Claude orchestre les allées et venues. J.-C., comme on dit ici, est le factotum de la commune, le cas social récupéré : l’ennemi du peuple et le parangon du peuple lui-même. Le peuple qui n’existe plus. Qui est à la décharge. Cherchant désespérément une récupération.

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23 avril Jour férié au village. Procession de la Saint-Georges dont la statue est transportée par la Fraternité en costume. Les mines sont graves. La fanfare marche au pas. Dante s’y rend pour l’apéro et le repas de midi : bœuf braisé, purée, chou rouge. Le plat qu’on ne peut pas manger dans un autre pays. Puis Dante lave ses vitres ; en cherchant la transparence, il arrive qu’on n’ait que le reflet de soimême. Effet miroir. Le soir, Dante est le numéro 4 du Bayern de Munich qui joue contre Madrid. Curieux pays aux paradoxes de plus en plus marqués : en pleine page du Nouvelliste, la joie de vivre d’un couple de Sédunoises proclamant leur amour lesbien. Juste à côté, renvoyant à la page 26 : « Don de sperme : à la poursuite du donneur parfait ».

23. April Feiertag im Dorf. Prozession für den Heiligen Georg, dessen Statue durch die kostümierte Bruderschaft getragen wird. Die Mienen sind ernst, der Schritt der Blaskapelle gleich. Dante geht zum Apéro und zum Mittagessen hin: Rindsschmorbraten, Püree, Rotkraut. Das Gericht, das man in keinem andern Land essen kann. Dann putzt Dante die Fenster; auf der Suche nach Durchblick kommt es vor, dass man nur sein eigenes Bild vorfindet. Der Spiegeleffekt. Abends ist Dante die Nummer 4 von Bayern München im Spiel gegen Madrid. Komisches Land, wo die Paradoxe immer krasser werden:ganzseitig berichtet der Nouvelliste über die Lebensfreude eines Pärchen aus Sédun, das seine lesbische Liebe verkündet. Direkt daneben, mit Verweis auf S. 26: «Samenspende: Auf der Suche nach dem perfekten Spender».

24 avril Soirée chez ce qu’on appelle des connaissances. Dante et surtout Béatrice ont l’impression d’être le couple invité dans Qui a peur de Virginia Woolf : des otages d’un divorce permanent entre deux êtres qui ne s’estiment plus et qui prennent leurs hôtes à témoin. Foutue soirée. C’est toujours mieux avec de l’amour et de la tendresse.

24. April Abend bei das, was man Bekannte nennt. Dante, und vor allem Béatrice, kommen sich vor wie das eingeladene Paar aus Wer hat Angst vor Virginia Woolf: Geiseln einer Dauerscheidung zwischen zwei Menschen, die einander nicht mehr achten und dies durch ihre Gäste bezeugt haben wollen. Scheissabend. Mit Liebe und Zärtlichkeit ist's allemal besser.

25 avril Une belle fête pour La ligne obscure, le petit dernier des éditions. Chaleur chauxde-fonnière, discussion passionnée, pas mal d’alcool, mais c’est celui qui ne fait pas de mal. Dormir dans la maison où Cendrars est né, au 27, rue de la paix. L’après-midi, passage chez son ami le Grand Virgile Buhler à Neuchâtel, qui

25. April Eine schöne Feier für La ligne obscure, kleiner Letzgeborener des Verlags. Wärme, die in La Chaux-de-Fonds als Hitze durchgeht Chaleur chaux-de-fonnière, leidenschaftliche Gespräche, ziemliche Mengen Alkohol, aber von der Sorte, 126


montre les dédicaces de l’homme à la main coupée. Elles iront dans un fonds d’archives municipales. Bientôt ? Jean en a un peu marre. Il aura 95 ans le 3 juillet prochain. Et une mémoire sans faille ! Et un humour de gamin moqueur.

die nicht weh tut. Schlafen im Geburtshaus von Cendrars, 27, rue de la paix. Am Nachmittag vorbeigeschaut bei seinem Freund, dem Grossen Vergil Buhler in Neuenburg. Der zeigt die Widmungen des Mannes mit der abgehackten Hand. Sie werden in einen Fundus des Stadtarchivs wandern. Bald? Jean hat so langsam die Nase voll. Er wird am kommenden 3. Juli 95. Mit einem tadellosen Gedächtnis und dem Humor eines spöttischen Lausbubs.

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26 avril 2014 Dante a rendez-vous avec les protagonistes du Gueulard des Fours à chaux. Au restaurant Victoria, là où ça a commencé il y a 158 jours. De quoi remplir un petit carnet de bord. Un peu d’enfer, un peu de paradis et tous les temps longs du purgatoire. Le résultat n’ambitionne pas de traverser les siècles. Juste de dire, hic et nunc un peu de celui-ci. Dante aujourd’hui est du siècle des quarts d’heure de gloire, des petites expressions et des instants de liberté. En user, c’est déjà pas mal : c’est ne pas finir désabusé. Mais quand même, songe Dante – pendant que Béatrice termine un sudoku – l’enfer, ce n’est pas les autres. L’enfer, c’est la brièveté qui ne vit pas son passage. L’enfer, c’est l’oubli et le déni du temps qui passe. L’enfer, c’est un cahier qui se referme. Dante mange à la Bonne Auberge avec les deux premières femmes de sa vie : sa mère et sa sœur et la dernière, sa Béatrice, celle qui sait prendre par la main. Le même soir, il écrit à Genève au Portail, le café des habitués, alcoolique ternes, bourrés soliloquant, vieux amants en crise. Le portail : une entrée idéale pour la Divine Comédie. « Vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance ».

26. April 2014 Dante trifft sich mit den Mitwirkenden an der Ausstellung Du Gueulard in der alten Kalkofenfabrik Fours à chaux. Im Restaurant Victoria, dort, wo alles vor 158 Tagen begann. Genug, um ein kleines Bordbuch zu füllen. Ein bisschen Hölle, ein bisschen Paradies und dazu ständig eine Prise Fegefeuer. Das Ergebnis erhebt nicht den Anspruch, die Jahrhunderte zu durchwandern, sondern nur festzustellen hic et nunc, oder ein bisschen davon. Heute gehört Dante zum Jahrhundert des Ruhms der Viertelstunde, der kleinen Gesten und der Augenblicke der Freiheit. Als User ist das schon mal nicht schlecht: so wird man nicht aller Illusionen beraubt. Und trotzdem, denkt Dante – während Béatrice ein Sudoku fertig macht – Hölle, das sind nicht die andern. Hölle, das ist die begrenzte Zeit, deren Schwinden nicht gelebt wird. Hölle, das ist das Vergessen und das Leugnen der Vergänglichkeit. Hölle, das ist ist ein Heft, das sich wieder schliesst. Dante isst in der Bonne Auberge mit den zwei ersten Frauen seines Lebens – seine Mutter und seine Schwester - und mit der letzten, seiner Béatrice, jene, die einen an der Hand führen kann. Am selben Abend schreibt er dem Portail in Genf, dem Café der Stammgäste, der stumpfen Alkoholiker, der Selbstgespräche führenden Besoffenen, der alten Liebhaber in der Beziehungskrise. Das Portal gäbe die ideale Eingangspforte zur Göttlichen Komödie. «Lasst jede Hoffnung hinter euch, ihr, die ihr hier eintretet».

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Ce qui veut dire aussi qu’à rester sur le seuil ou passer son chemin, on rate l’essentiel qui est à la vraie vie le sucre et puis son sel.

Was ebenso bedeutet : Verharrt man auf der Schwelle, oder geht am Weg vorbei , verpasst man das Wesentliche, was zum wahren Leben ist der Zucker und das Salz.

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Jean-Pierre Gerber, 2014, peintures sur plexi pour tour



Jean-Pierre Gerber, 2014, ange h : 31 cm



Daniel Gaemperle, Atelier



Daniel Gaemperle, nĂŠ le 27 juin1954 Ă Alger, habite entre Petit-Lucelle et Alignan du Vent (F-34). www.danielgaemperle.ch

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Photo : LĂŠa Girardin 137


Jean-Pierre Gerber, né le 28 mars 1946 à Tramelan, habite entre Bienne et Mont Soleil où il travaille.

www.jeanpierregerber.ch

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Photo : LĂŠa Girardin 139


Pascal Rebetez, né le 11 janvier 1956 à Delémont, habite entre le Valais et Genève où il travaille pour la RTS et les éditions d’autre part qu’il dirige. Il est l’auteur de nombreuses publications dont « Les Prochains » paru en 2012. www.dautrepart.ch

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Photo : Augustin Rebetez 141


© 2014 Texte Traduction Photos

Graphisme Tirage

chez les auteurs Pascal Rebetez Lala Felix-Touminiantz Léa Girardin Daniel Gaemperle Jean-Pierre Gerber Daniel Gaemperle 1000 exemplaires

www. arcos-jura.ch 142


Merci à: Pierre Girardin Léa Girardin Lala Felix-Toumaniantz Eva Zumbrunn Regine Lerch Michel Marchand André Maître Jojo Pélégry

Pour leur généreux soutien du livre, nous remercions :

Pour leur généreux soutien de l’exposition, nous remercions :

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DU GUEULARD AU PARADIS

Der Verkehrsbericht am Radio meldet die ersten Staus auf den Zufahrten zum Fegefeuer. Das wird höllisch.

DANIEL GAEMPERLE – JEAN-PIERRE GERBER – PASCAL REBETEZ

L’Inforoute à la radio annonce les premiers bouchons sur les accès au purgatoire. Ça va chier.

DU GUEULARD AU PARADIS « LE RETOUR DE DANTE »

DANIEL GAEMPERLE – JEAN-PIERRE GERBER – PASCAL REBETEZ


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