Les Rails de l'histoire n°11

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l’histoire

Le journal de l’Association pour l’histoire des chemins de fer · Actualité de l’histoire Les « places couchées » jusqu’en 1937 · Entreprises Une profession corvéable à merci, les porteurs de gare · Espace des adhérents Les assiettes de Gien témoin de leur temps · Actualité des commémorations 1921, le retour en train des poilus morts au combat · On en a parlé 1936, le billet de congé annuel pas si populaire que ça · Il y a 50 ans La recherche à la SNCF en 1966 · Portail des Archives La SNCF met son histoire en ligne

Novembre 2016

Les Rails de

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Illustration de couverture : Publicité du PLM pour la promotion des « places de luxe » disponibles sur certains de ses trains.

Le calendrier de Rails et histoire

Agenda PLM, 1928. Coll. Rails et histoire.

2e semestre 2016 · Mercredi 12 octobre 2016

ISSN : 2116-0031 Éditeur : Association pour l’histoire des chemins de fer, 9, rue du Château-Landon, 75010 Paris Directeur de la publication : Jean-Louis Rohou Rédaction : Bruno Carrière Secrétariat d’édition : Marie-Noëlle Polino Ont contribué à ce numéro : Bruno Carrière Jean-Joseph Paques Maquette : Isabelle Alcolea Mise en page : Marion Cochat Impression : SNCF, Centre Éditions-La Chapelle, 75018 Paris

Programme « Vingt années sous la Manche, et au-delà ? », Colloque 4, Brunel University London, « Vingt années sous la Manche, et au-delà ? Repenser les migrations et les frontières » / ‘’Twenty years under the Channel, and beyond ? Rethinking Migrations and Borders’’ · Mercredi 19 octobre 2016 Rennes, Musée de Bretagne, inauguration de l’exposition Bretagne Express (20 octobre 2016 - 27 août 2017) · Samedi 5 novembre 2016 Montreuil, Musée de l’histoire vivante, Table ronde : « Le Front populaire, la CGT et la création de la SNCF » (14 h – 17 h 30) · Novembre 2016 Les Rails de l’histoire, Journal de Rails et histoire, n° 11

Novembre 2016 Les Rails de l’histoire est édité par l’Association pour l’histoire des chemins de fer, 9, rue du Château-Landon, 75010 Paris. Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation par tous procédés réservés pour tous pays, conformément à la législation française en vigueur. Il est interdit de reproduire, même partiellement, la présente publication sans l’autorisation écrite de l’éditeur. La rédaction n’est pas responsable des textes et illustrations qui lui ont été communiqués. Les opinions émises par les auteurs n’engagent qu’euxmêmes.

À noter : · Jeudi 23 et vendredi 24 mars 2017 dans le cadre de l’Exposition Bretagne Express (Rennes, Musée de Bretagne, 20 octobre 2016 - 27 août 2017), Journées d’études, Voyageurs et cheminots en Bretagne 1851-1989 · Jeudi 30 mars 2017 Assemblée générale des membres de Rails et histoire (16 h)


Édito

Sommaire · Actualité de l’histoire - p. 4 Dormir dans le train : du luxe des voitures-salons aux couchettes et hamacs, petite histoire des « places couchées » · Entreprises - p. 15 Porteur ! Porteur !

u transport public à l’histoire publique La mort de Michel Butor, cet été, a rappelé à certains, a fait découvrir à d’autres les vingt et une heures de voyage du personnage de La Modification (1957) assis dans le Rome Express, il y a presque soixante ans. Nous n’avons plus, en 2016, la possibilité, ni sans doute la volonté de faire la même expérience – même réduite aux quinze heures de couchette du Palatino (1969-2011). Qui voyage de nuit ? Pourquoi voyager de nuit ? Bruno Carrière a choisi d’inverser les termes du problème pour s’intéresser à l’offre  : à travers l’histoire des «  places couchées  », histoire matérielle du voyage et histoire technique et commerciale du matériel ferroviaire, il soulève bien des questions, qui touchent, c’est le cas de le dire car elles nous touchent de près, aux notions de confort, d’intimité, de promiscuité, du partage de l’espace public. Les transports sur rail, transports publics, sont collectifs mais concernent chacun. Le transport du public implique tout autant un service rendu, un service au public : et qui dit service dit… serviteur. Avec l’histoire du portage en gare, c’est tout un pan de la culture du voyage qui nous est restitué – le rapport au bagage, sa taille, son volume, son enregistrement, la logistique qui le prend en charge – mais aussi une histoire sociale. Employé souspayé d’un concessionnaire, le porteur doit se comporter comme un domestique de louage. L’histoire de la profession est aussi celle, pleine d’enseignements, des coopératives, à

· Espace des adhérents - p. 27 Les faïences fines comme illustration des premiers chemins de fer en France · Actualité des commémorations - p. 33 1921, « La démobilisation des morts » · On en a parlé - p. 41 Il y a 80 ans naissait le billet populaire de congé annuel · Il y 50 ans - p. 50 Il y a 50 ans, la création du Service de la Recherche · Portail des Archives - p. 54 La SNCF met en ligne ses archives historiques

comparer avec d’autres professions du transport préposées à la manutention, dans les ports ou les aéroports. Cet automne, ce sont aussi des milliers d’images d’archives qui sont devenues publiques : le public y a accès sur Internet, leur utilisation est devenue possible, gratuite, encouragée. Mais n’oublions pas les légendes : JosephJean Paques nous montre, avec un nouvel épisode de la représentation des chemins de fer, sur les assiettes du bourgeois citadin, par les dessinateurs du premier tiers du xixe siècle, combien la recherche enrichit l’image, c’est-àdire nous la fait mieux voir en nous invitant à la regarder. L’ouverture, à Rennes, de l’exposition Bretagne Express, qu’accompagne Rails et histoire, va nous montrer de quels objets, de quelles images est fait notre imaginaire du train, personnel et partagé, public et privé.

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ESPACE DES ADHÉRENTS

Les faïences fines comme illustration des premiers chemins de fer en France. Première partie : les assiettes de la manufacture de faïence fine d’Hippolyte Boulenger à Choisy Auteur

Texte

Fig. 4. Agenda PLM, 1923. Coll. Rails et histoire.

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ACTUALITÉ DE L’HISTOIRE

Dormir dans le train : du luxe des voituressalons aux couchettes et hamacs, petite histoire des « places couchées » Bruno Carrière À l’heure où SNCF annonce la fin des trains de nuit, une histoire, même succincte, des places couchées s’impose. Il ne s’agit pas ici d’être exhaustifs – nous tairons ainsi volontairement l’action de la Compagnie internationale des wagons-lits – ni de détailler les services offerts année après année, encore moins de nous aventurer sur le terrain économique, mais bien plutôt de dresser un panorama des prestations et services offerts par les anciens réseaux à travers les coupés-lits, fauteuils-lits, lits-salons, litstoilettes, couchettes et autres hamacs.

L’article 43 § 2 du cahier des charges relatif à la composition des convois donnait aux compagnies, outre l’obligation d’offrir des voitures de 1re, 2e et 3e classe, « la faculté de placer des voitures à compartiments spéciaux » avec pour seule contrainte « que le nombre de places à donner dans ces compartiments ne pourra dépasser le cinquième du nombre total des places du train ». Usant de cette possibilité, toutes les compagnies se sont empressées d’aménager quelquesunes de leurs voitures de façon à permettre à leurs clients les plus fortunés de voyager de façon moins désagréable que le commun des mortels. Ainsi, sur les vingt-huit voitures, tant françaises qu’étrangères, présentées à Paris lors

de l’Exposition universelle de 1878, quinze sont des « voitures de luxe », preuve « qu’un besoin nouveau s’est produit dans le service du transport des voyageurs : les gens d’affaires, aussi bien que les touristes, veulent voyager sans fatigue et avec autant de commodité qu’il est possible ». Une aspiration à laquelle les compagnies de chemin de fer ont répondu en offrant des voitures « présentant une très grande capacité par voyageur et des sièges confortables pouvant se transformer en lits, enfin munies de cabinets de toilettes et de water-closet »1. L’auteur fait allusion, ici, aux « voitures-salons » et aux voitures dotées de « coupés-lits », les premières à proposer des places couchées.

1

Frédéric Jacqmin, Rapport sur le matériel des chemins de fer, in Exposition universelle internationale de 1878 à Paris. Rapports du jury international, Groupe VI. classe 64, Paris, Imprimerie nationale, 1880, 324 p.

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ACTUALITÉ DE L’HISTOIRE

Fig. 1. PLM : voiture-salon, Exposition 1878. RGCF, juillet 1879.

« Voitures-salons »

Des voitures-salons figurent très tôt dans les effectifs de certaines compagnies, plus spécialement dédiées aux déplacements de personnalités à l’occasion de manifestations d’importance, inaugurations notamment2. Le PO se dote ainsi d’une voiture de ce type dès 1850, obtenue à partir d’un ancien matériel de 3e classe ! Construites à l’unité, ces voitures proposaient des aménagements les plus divers, avec pour constante d’afficher l’offre de places couchées, généralement par transformation de places assises. En 1847, seuls le Nord et l’Avignon-Marseille comptent ce type de matériel à leur effectif, soit six « voitures salons » pour le premier et dix voitures « hors classe avec salon et deux coupés » pour le second. En 1856, Auguste Perdonnet écrit : « On trouve aussi sur les grandes lignes de chemins de fer des voitures dites voitures de luxe ou de cérémonie. La caisse de ces voitures renferme un ou deux salons avec une ou deux chambres à coucher et des cabinets. Elles ne servent que rarement. » De fait, leur usage reste très limité. Seul fait exception le PLM qui, de 1871 à 1881, se dote de 37 voitures-salons pour répondre aux besoins d’évasion vers la Côte d’Azur d’une clientèle aisée. L’une d’elles a figuré à l’Exposition de 1878 (fig. 1). Quoique réduit, le marché est cependant suffisamment attractif pour inciter des constructeurs indépendants à tenter leur chance, telle la maison Chevalier 2

qui expose, elle aussi, une voiture-salon présentée comme étant « au service d’un particulier ayant à faire de longs voyages », et qui a pour particularité, rare, d’être dotée d’une cuisine. Toutes les compagnies offrent toujours des voitures-salons en 1914, sous condition de réservation et d’un nombre minimum de voyageurs. Elles peuvent être retenues pour plusieurs jours et stationner dans les gares au gré du locataire. « Coupés-lits »

Les places de coupés-lits, et de coupés à fauteuils-lits, sont l’apanage des voitures de 1re classe. Comme leur nom l’indique, elles occupent les emprises des « coupés », terme qui désigne le demi-compartiment à quatre places aménagé à l’une, voire aux deux extrémités des caisses. Les coupés étaient d’autant plus recherchés que, à l’origine, la face opposée aux sièges était vitrée. Mais s’ils donnaient aux voyageurs « une certaine vue sur la campagne », ces belvédères favorisaient les courants d’air. Aussi les baies furent-elles progressivement rendues dormantes. Reste que certaines des voitures avec coupés présentées à l’Exposition de 1878 offraient toujours cette particularité (fig. 2). Perdonnet, encore lui, mentionne en 1856 la présence à la Compagnie de l’Est d’une voiture de 1re classe comprenant deux compartiments ordinaires et un coupé, «  cette dernière très longue qui peut au besoin permettre aux voyageurs de se coucher », sans plus de précision. Plus loquace est Charles Goschler, lequel revient en 1868 sur ces compartiments « qui, par une disposition particulière, offrent aux voyageurs la faculté de se reposer et de dormir plus ou moins commodément pendant le trajet en voiture »3. En fait, les voyageurs ont le choix entre dormir dans le sens transversal de la voiture (coupé-lits) ou dans le sens longitudinal (coupé à fauteuils-lits).

Quelques grandes fortunes possédaient leur propre voiture-salon. Il en est ainsi du comte Dubois de Lamotte dont le « wagon » est autorisé à circuler sur le PO en 1852.

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ACTUALITÉ DE L’HISTOIRE

Goschler attribue la paternité de la première combinaison au PLM, qui «  met à la disposition du public des coupés-lits composés d’une espèce de sofa, à l’extrémité duquel se trouve un siège de water-closet, recouvert d’un coussin »4 . En 1878, il précise son propos : le sofa n’est autre que la banquette dont l’une des extrémités abrite « une tablette à charnière [qui] fait relever le coussin et reçoit un oreiller », l’autre « une chaise percée recouverte d’un coussin qui sert de siège à une seconde personne ». Cette disposition, qui se retrouve à l’Est et au PO, s’impose rapidement par la facilité de sa mise en œuvre puisqu’il suffit de tirer vers l’intérieur la banquette disposée en tiroir sur les trois quarts de sa longueur pour obtenir un lit de 80 centimètres de large. On voit apparaître plus tard la notion de « canapés-lits ». Les uns sont dits du système Lemaigre (Nord, 1900), les autres du système Raygasse (État, 1906). Que recouvre ce terme ? À titre d’exemple, voyons la voiture à bogies de 1re classe avec « canapés-lits » exposée par les chemins de fer de l’État à l’Exposition internationale de Milan de 1906. Issue de la transformation d’une voiture construite en 1889, quatre de ses compartiments (plus un demi) sont dotés de nouvelles banquettes du système Raygasse qui offrent chacune trois places assises séparées par des accoudoirs. En abaissant les dossiers des banquettes, les accoudoirs s’abaissent automatiquement et le tout se transforme, par retournement, en un lit complet avec matelas, traversin, oreillers, draps et couvertures. Un rideau central permet d’isoler les deux couchages d’un même compartiment. Enfin, une trappe, ménagée dans le plancher au droit de la tête de chaque lit, contient un urinal qui se déverse de luimême dans un conduit de vidange lorsqu’il est replacé dans son logement.

« Coupés avec fauteuils-lits »

Toujours selon Goschler, le coupé avec fauteuils-lits serait à mettre à l’actif de l’Est. À l’origine le procédé adopté consiste à éloigner la banquette du dossier « de quelques centimètres » et de rabattre une planchette logée dans la paroi vitrée afin d’en assurer la continuité. Très vite, cependant, la banquette est remplacée par trois fauteuils indépendants dont le dossier monté sur une fausse cloison peut « basculer autour d’un axe et prendre une position horizontale en présentant sa face postérieure garnie d’un matelas et d’un oreiller »5. Une voiture à « fauteuils-lits » de ce type figure à l’Exposition universelle de 1867. Goschler précise en 1878 que « pour se coucher, le voyageur n’a qu’à tirer à lui un anneau placé à la partie supérieure du dossier », que ce simple geste suffit à rabattre le lit qui vient s’appuyer sur le fauteuil « combiné pour se replier sur lui-même » et que, le lit abattu, « il reste encore, entre l’extrémité de la couchette et la face avant du coupé, un espace libre suffisant pour que chacun des trois voyageurs puisse sortir sans déranger les deux autres et sans avoir à enjamber par-dessus les lits ». Goschler d’ajoute fort élégamment qu’« en guise de water-closet, on trouve dans une dépression pratiquée sous le tapis du plancher un ustensile d’usage trop intime pour être utilisé en présence de personnes quelque peu étrangères l’une à l’autre »6 .

3

Charles Goschler, Traité pratique de l’entretien et de l’exploitation des chemins de fer, tome 3, Service de la locomotion, Paris, Librairie Polytechnique J. Baudry, 1868, p. 300. 4 Ibid., p. 300. - 5 Ibid. 6 Charles Goschler, Traité pratique de l’entretien et de l’exploitation des chemins de fer, tome 3, 1878, p. 99.

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ACTUALITÉ DE L’HISTOIRE

Toujours selon Goschler, le PLM recourt à un autre système : « Le siège et le dossier sont mobiles ; le siège s’avance vers la paroi d’avant et le dossier s’abaisse, sa partie inférieure suivant le siège dans son mouvement en avant […]. Le siège s’approche à 7 centimètres du bord d’un strapontin-bascule logé dans la paroi d’avant. » L’assise du fauteuil en position jour est de 60 cm, l’espace disponible en position nuit de 1,77 m, strapontin compris. À l’inverse du système adopté par l’Est, les voyageurs sont ici contraints d’enjamber leurs compagnons pour occuper ou quitter leur place. Un bon point, cependant, chaque fauteuil, une fois déployé, est « séparé du voisin par une cloison fixe qui forme accotoir en haut, accoudoir au milieu et séparation suffisante vers le bas pour empêcher le contact des occupants »7. Le PLM est le premier à réserver une voiture entière à ce type de prestation. Présentée à l’Exposition universelle de 1889, cette voiture montée sur trois essieux offre trois compartiments, dont deux pouvant communiquer entre eux, dotés chacun de trois fauteuils transformables en lits par rabattement du dossier et d’un cabinet de toilette avec water-closet. Le PO donne également à voir, dans le cadre de l’Exposition universelle de 1900, une voiture à deux essieux comportant quatre compartiments, en communication deux à deux, à trois fauteuils-lits et toilettes chacun. « Lits-salons »

À partir des années 1880, la conception des voitures évolue, le compartiment entier prenant définitivement le pas sur le coupé. Ce qui ne signifie pas la disparition immédiate des coupés-lits et coupés avec fauteuils-lits, toujours proposés à la veille de la Première Guerre mondiale. Mais ils doivent composer désormais avec les salons-lits ou lits-salon qui, en vedette lors de l’Exposition universelle 7 8

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Ibid., p. 100. Frédéric Jacqmin, ouvrage cité, p. 135.

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de 1878, ont mis en lumière la capacité d’innovation des réseaux en matière de couchage. Le Nord, l’Est et le PO proposent ainsi, en sus des trois fauteuils-lits, un cabinet de toilette avec water-closet. Cet ajout a pour conséquence de mobiliser non plus un coupé mais un compartiment entier par fusion des deux coupés, acte de naissance des « salons-lits ». Mais si le Nord reste fidèle à une installation en extrémité, l’Est et le PO retiennent le compartiment central qui, selon Jacqmin, « présente l’avantage d’une stabilité plus grande, le milieu du véhicule échappant à l’influence du mouvement de lacet et ressentant moins les cahots des roues sur les joints de rails »8. Autre différence, les toilettes du compartiment PO occupent toute la largeur de la voiture, celles des compartiments Nord et Est un tiers seulement, ce qui permet d’utiliser l’espace disponible de chaque côté du cabinet de toilette pour créer deux places supplémentaires – fauteuils pour l’Est, strapontins pour le Nord. Le salon-lits présenté par l’Est est le plus abouti. Les trois fauteuils combinent le savoir-faire de la compagnie et celui du PLM. Ils peuvent ainsi se transformer à volonté, soit en fauteuils-lits en tirant les poignées placées en dessous de la banquette, soit en lits en agissant sur la poignée fixée à la partie supérieure : « Dans la première combinaison, le siège s’avance en même temps que le dossier, [lequel], glissant par sa partie supérieure contre la paroi du fond, prend l’inclinaison convenable ; des pliants complètent le fauteuillit et lui donnent une longueur suffisante. Dans la seconde, le siège du fauteuil s’efface et vient reposer sur le plancher, pendant que le lit se rabat et prend la position horizontale. Le lit est garni de deux matelas, un traversin et un oreiller ; sa longueur est de 2 mètres, sa largeur de 0m,600. » Quant aux fauteuils disposés de


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part et d’autre du cabinet de toilette, ils sont articulés de manière à ce que « le dossier se renverse et le siège se tire de façon à former une chaise longue » (fig. 3).

Fig. 3. Est : lits-salon, Exposition 1878. RGCF, juillet 1879.

« Lits-toilettes »

L’appellation lits-toilettes naît, semble-t-il, de la réduction de trois à deux du nombre de fauteuils des lits-salons. On aurait pu penser que cette réduction ait été liée à l’avènement, dans les années 1890, des voitures à bogies, à intercirculation et couloir latéral. Or de telles voitures ont continué d’offrir des compartiments de lits-salons à trois fauteuils bien après cette date. Il nous est impossible de définir avec certitude à quelle moment sont apparus les premiers compartiments lits-toilettes. Citée plus haut, la voiture à bogies de 1re classe avec « canapéslits » exposée par les chemins de fer de l’État à l’Exposition internationale de Milan de 1906 comporte également un compartiment à deux fauteuils-lits séparés par une armoire à linge en acajou. Construite en 1909, la voiture PLM mixte A4LSi 73, présentée l’année suivante

à l’Exposition internationale de Bruxelles, comporte elle aussi un compartiment de litssalons à deux « lits » [sic] « qui par suite sont un peu plus larges et sont séparés au milieu par une petite armoire en acajou »9. Autre nouveauté, à l’inverse des fauteuils-lits de première génération, ces lits sont livrés avec draps et couverture (fig. 4, p. 4). Les compartiments lits-toilettes deviennent après guerre la marque de fabrique du PLM. En 1929, il signale à ses actionnaires que « tous les compartiments de lits-salon à trois lits sans drap des voitures à bogies doivent être transformés en compartiments à deux lits avec draps ». Et précise que « pour quelques-unes de ces voitures la transformation comporte, entre deux compartiments à deux lits, six compartiments à un seul lit avec toilette adjacente »10. De fait, pour permette aux voyageurs de s’isoler plus complètement, autrement que par le rideau que l’on se propose de tendre entre les deux couchages, 36 compartiments à deux lits sont scindés en deux compartiments jumeaux, comportant chacun une place avec canapé-lit. Le cabinet de toilette, commun aux deux compartiments ainsi créés, et une porte intérieure munie d’un verrou sur chacune de ses faces, font office de séparation. Une variante supprime la porte de communication au profit d’un meubletoilette qui abrite, entre autres, une cuvette en cuivre qui se rabat horizontalement ; un tuyau permet l’évacuation de l’eau lorsque la cuvette est relevée (fig. 5). Notons qu’un an plus tôt, le 1er août 1928, la CIWL, en accord avec le PLM, avait mis en service des voitures accessibles à la 2e classe (deux places superposées par compartiment). À partir du 1er avril 1933, elle étend ce service à la 3e classe (trois couchettes superposées). Des ententes semblables existaient également avec le PO depuis 1928 (2e classe) et 1934 (3e classe).

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A. Schubert, « Le matériel roulant des chemins de fer à l’Exposition universelle et internationale de Bruxelles 1910 », Revue générale des chemins de fer, mai 1911, p. 432. 10 PLM, Assemblée générale ordinaire du 25 avril 1929, Rapport du conseil d’administration, 1929, p. 60.

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Couchettes

C’est la Compagnie de l’Ouest qui introduit les couchettes en 1897. Cette nouvelle prestation ne s’adresse, pour le moment, qu’aux voyageurs de 1re classe à raison de huit places réparties également entre deux compartiments d’une voiture de 1re classe à couloir latéral. Deux services sont proposés à partir du 16 juillet au départ de Paris pour Brest et Cherbourg, et retour, moyennant un supplément fixe de 5 francs. La prestation est étendue en 1902 à plusieurs autres relations : Paris-Dieppe, Paris-St Malo, Paris-Quimper via Redon et Paris-St Nazaire (avec retour au départ du Croisic). L’Ouest est suivi dans cette voie par le PO en 1903, l’Est en 1906, le PLM en 1912 (fig. 6).

Fig. 6. Document publicitaire PO. La Vie du Rail, n° 989 (28 mars 1965).

Fig. 5. PLM : lits-toilettes, les combinaisons. RGCF, mai 1929.

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Mais il n’est pas encore question pour les réseaux d’aménager tous les compartiments d’une même voiture à cet effet. Le PLM recourt ainsi en 1912 à des voitures à bogies : pour les unes, de 1re classe à sept compartiments, dont quatre avec couchettes ; pour les autres, mixtes de 1re et 2e classe à huit compartiments : trois de 1re classe, dont deux avec couchettes, et cinq de 2e classe. Sur ces premiers contingents viennent se greffer, en 1913, des voitures de


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1re classe à bogies à six compartiments : un ordinaire, deux à couchettes et trois de litssalons. Les compartiments à couchettes offrent quatre places (fig.7).

Fig. 7. Agenda PLM, 1923. Coll. Rails et histoire.

Le supplément exigé en sus du prix de la place assise est établi en fonction de la distance (égale à ou plus de 500 km) et du type de train emprunté (rapide ou express). C’est pourtant le PLM qui, en 1923, réceptionne la première voiture entièrement aménagée en compartiments couchettes (une 1re classe à six compartiments). En digne héritier de la Compagnie de l’Ouest, le réseau de l’État se singularise en 1922 en permettant aux voyageurs de 2e et de 3e classe de bénéficier à leur tour de couchettes11. Cette avancée sociale – c’est la première fois que la clientèle populaire accède aux places couchées – se fait par l’introduction de voitures à bogies mixtes de 1re et 2e classe dotées de deux compartiments, l’un à quatre couchettes, l’autre à six. Le supplément est fixé en fonction de la seule distance ( 250 km, 500 km et plus). Les premiers services sont assurés à partir du 11 octobre entre Paris et Brest et du 20 mars 1923 entre Paris et La Rochelle. Les autres réseaux se montrent plus frileux. Les couchettes de 2e classe ne font leur apparition sur le PO et l’Est qu’en 1933, sur le PLM en 1935 seulement. Une entrée discrète, puisque

seul l’Est communique sur le sujet bien qu’il n’ait qu’une relation à offrir entre Paris et Gérardmer. Et c’est encore l’Est qui, le 6 novembre 1937, s’appuyant sur l’exemple de l’État, prend le risque d’inaugurer un service de couchettes de 3e classe entre Paris et Strasbourg, prolongé du 19 décembre au 27 mars 1938 de Strasbourg à Sélestat via Molsheim les dimanches et jours de fête. Appelé en 1939 à étudier la transformation d’un certain nombre de compartiments ordinaires en compartiments couchettes, le Service central du Matériel de la SNCF nous éclaire sur la disposition des couchettes de 3e classe de l’État et de l’Est12. Pour passer de la position de jour à la position de nuit, il suffit pour les premières, présentées comme le « type de couchettes le plus simple parmi ceux existants », de retirer le coussin amovible de la banquette et de le placer sur le porte-bagages, après rabattement de la partie mobile que comporte ce dernier, puis de relever le dossier pivotant autour de charnières disposées à la partie supérieure, de manière à l’amener à la position horizontale dans laquelle il est maintenu par des arcs-boutants. Pour les secondes, la manœuvre consiste à effacer le porte-bagages contre la cloison, puis à abaisser deux grands leviers commandant un mécanisme qui a pour effet d’éloigner la banquette inférieure de la cloison, de faire remonter le dossier qui se rabat en position horizontale pour constituer la couchette intermédiaire et d’actionner l’ouverture de la partie supérieure de la cloison qui en s’abaissant forme la couchette supérieure. Dans les deux cas, des « cases » à bagages, accessibles depuis le compartiment, sont aménagées au-dessus du plafond du couloir. 11

Bruno Carrière, « 1922, l’État innove : les couchettes 3e classe de M. Le Trocquer », Les Rails de l’histoire, n° 10 (avril 2016), p. 4-11. 12 Note justificative n° 64 Tc 27, Installation de compartimentscouchettes dans les voitures de la SNCF, 24 juin 1939. Centre national des archives historiques SNCF, 0505LM0032-014.

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ACTUALITÉ DE L’HISTOIRE

En 1930, le PLM met en service de nouvelles voitures métalliques comprenant dix compartiments dits de « couchettes-toilette ». Chacun offre deux couchettes superposées et sont cachées dans l’épaisseur de la paroi une toilette avec eau froide et eau chaude, masquée le jour par une tablette, et une armoire en acajou contenant une carafe, deux verres et des serviettes. Une porte coulissante permet de faire communiquer les compartiments deux à deux pour faciliter le regroupement des familles. La couchette inférieure est constituée par la banquette, la couchette supérieure par le relèvement du dossier articulé sur la cloison, dossier garni alors d’un matelas. L’équipement de chaque couchette est complété par un oreiller. Compartiments collectifs et hamacs

Il ne faut cependant pas omettre la démarche du PO qui, en 1936, en réponse aux besoins de transport de certains malades (vers Lourdes notamment) et aux désirs de sociétés sportives désirant disposer de voitures spécialement aménagées pour les voyages de nuit, transforme en voitures-couchettes d’un type spécial quatre de ses voitures métalliques à bogies mixtes 2e et 3e classe (du type B4C6), initialement étudiées pour être converties en voitures sanitaires pour le transport de blessés en temps de guerre. Ces voitures qui offrent 22 couchettes de 2e classe et 12 de 3e classe sont mises en service régulièrement pendant l’hiver dans certains trains, ou mises à la disposition des associations et autres sociétés pour leurs déplacements en groupes (fig. 8). Dix de ces voitures figurent à l’effectif en 1937. La voiture se compose de onze demicompartiments séparés par un couloir central. Chacun de ces compartiments possède deux couchettes superposées, disposées dans le sens longitudinal de la voiture et constituées chacune par un sommier et un matelas à ressorts, de 1,90 m de long sur 650 mm de large. Des rideaux, confectionnés en même

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velours que les couchettes, permettent d’isoler chaque demi-compartiment du couloir. Le jour, la couchette supérieure est relevée et le compartiment forme un petit salon. À une extrémité, deux compartiments de 3e classe, à huit places assises ou six couchettes transversales, ont été conservés. Reste à signaler, toujours à l’intention des voyageurs de 3e classe, l’introduction par le PLM, en 1937, pendant la période des sports d’hiver, de « hamacs ». Chaque compartiment offre six places couchées disposées longitudinalement comme les couchettes de 3e classe avec, en plus, un hamac à deux places installé dans le sens transversal, au centre du compartiment. Les places intermédiaires sont constituées par de fortes toiles tendues sur des longerons maintenus aux porte-bagages par des chaînes et sangles. Les porte-bagages, spécialement disposés et munis d’un matelas, constituent les hamacs supérieurs. Le hamac central est arrimé au plafond par des sangles (fig. 9).

Fig. 8. PO : couchettes longitudinales. PO illustré, septembre 1936.


ACTUALITÉ DE L’HISTOIRE

Vers une unification des places couchées

Dès sa création, la SNCF s’efforce de mettre un peu d’ordre dans le catalogue hétéroclite des places couchées. Héritée des réseaux, la revue Voyages, principalement destinées aux agences du même nom, publie dès le mois de février 1938 une synthèse de l’offre des places couchées, qui se décline alors en litssalon, lits-toilette et couchettes-toilettes de 1re classe, couchettes ordinaires en toutes classes et hamacs en 3e classe. Mais pour les nouveaux dirigeants, sans doute influencés par l’opinion, l’avenir est désormais aux couchettes, le moyen le plus pratique et le moins onéreux pour permettre au plus grand nombre de voyager

couché. Les premières transformations de matériel existant et les premières commandes de matériel neuf visant, les unes et les autres, à renforcer les capacités en couchettes de 2e et de 3e classes sont brutalement suspendues en raison des circonstances. Les années de guerre se caractérisent, en ce domaine, par le maintien d’une offre intéressant les seules couchettes de 1re classe, au détriment de celles des deux autres classes et des places de luxe. Le retour à la paix confirme l’abandon de ces dernières et la mise entre parenthèses des couchettes de 3e classe, devenues inutiles au lendemain de la limitation, en 1956, à deux du nombre de classes. Nous y reviendrons dans un prochain numéro.

Fig. 9. PLM : hamacs. La Vie du Rail, n° 989 (28 mars 1965). On notera le « hamac central » à deux places. Les Rails de l’histoire, n° 11 - novembre 2016

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Porteurs en gare d’Orsay (haut) et en gare Saint-Lazare (bas). Charles Dollfus et Edgar Geoffroy, Histoire de la locomotion terrestre - Les chemins de fer, Paris, L’Illustration, 1935. Les Rails de l’histoire, n° 11 - novembre 2016


ENTREPRISES

Porteur ! Porteur ! Une gare sans porteurs de bagages était pour nos aïeux chose inimaginable. Nous avons essayé ici d’en savoir un peu plus sur cette corporation, en restreignant toutefois notre étude aux gares parisiennes, les premières concernées par leur importance, et à la période de l’entre-deux-guerres caractérisée par la mainmise de l’entreprise privée sur la profession et les efforts de la toute jeune SNCF pour en reprendre le contrôle. Bruno Carrière

« Voyageurs, voyageuses, pensez qu’à partir de demain [1er juin 1939] quand vous appellerez dans les gares parisiennes : « Porteur ! Porteur ! […] vous ne lui devrez plus de pourboire, mais vous paierez le portage de vos colis suivant leur nombre et d’après un tarif uniforme. » À l’exemple des autres titres de presse, Le Journal ne peut faire l’impasse sur la disparition d’une règle ancrée depuis le début des années 1920 qui voulait que les « porteurs des gares » n’aient d’autres revenus pour vivre que les pourboires consentis par les voyageurs et laissés à leur discrétion. Pour mieux comprendre le pourquoi et le comment de cette réforme, il est nécessaire de rappeler les liens qui existaient entre les anciens réseaux, la toute jeune SNCF et la corporation des porteurs, regroupés en 1938 au sein de deux sociétés privées et de deux coopératives. Avant toute chose, il faut savoir que c’est au lendemain de la Première Guerre mondiale que les anciens réseaux ont progressivement délégué à des intérêts privés le portage des bagages jusqu’alors assuré dans les gares par un personnel spécifique – sous-facteurs aux bagages, commissionnés ou non – directement recrutés et rémunérés par leurs soins. Début 1938, donc, la SNCF hérite de contrats dont les plus importants intéressent les gares parisiennes, de loin les plus rémunératrices.

Deux de ces contrats impliquent des sociétés privées : la Société générale des entreprises Thivel (SOGET), qui règne sur les gares du Nord de l’Est, d’Austerlitz et d’Orsay, et L’Entreprise ferroviaire (EF), maîtresse de la gare de Lyon. Seules leur échappent les gares du réseau de l’État, aux mains de deux coopératives ouvrières, La Collaboratrice à Montparnasse, Les Porteurs de gare à SaintLazare. La SOGET et l’EF s’étaient imposées au début des années 1920. Outre le portage des bagages, ces sociétés avaient progressivement étendu leurs activités à d’autres secteurs de l’économie ferroviaire, tels la manutention des colis et le nettoyage des voitures. Cette sous-traitance avait été vivement dénoncée en son temps. Prenant prétexte de la cession à « l’agence Thivel » du service des bagages à main, puis de la manutention des bagages enregistrés de la gare Saint-Lazare1, L’Humanité avait titré dans son édition du 3 mars 1924 : « Le Réseau de l’État cédé par morceaux à l’industrie privée. » Organe officiel du Parti communiste français, le journal L’Humanité s’était tôt intéressé au sort des porteurs. Le 11 juillet 1923, elle avait ouvert ses colonnes au secrétaire de la Fédération unitaire des cheminots, Pierre Sémard. Dans un papier au titre particulièrement éloquent : « Le règne des

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À cette date, l’agence Thivel était titulaire des marchés des gares parisiennes du réseau de l’État (Saint-Lazare, Montparnasse, Invalides). Les Rails de l’histoire, n° 11 - novembre 2016

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L’Humanité, 11 juillet 1923.

mercantis. Comment on exploite les porteurs des gares », celui-ci s’en était pris violemment à Thivel et à ses méthodes : « L’agence Thivel ne débourse rien, elle n’a qu’à encaisser ce que ses esclaves lui apportent et lui rapportent […]. C’est bien là ce qu’il est convenu d’appeler l’exploitation de l’homme par l’homme, et c’est un scandale que nous nous appliquerons à faire disparaître, pour aujourd’hui, nous le dénonçons. » De fait, L’Humanité n’eut de cesse de porter à la connaissance du public les conditions de travail des porteurs. Un autre de ses articles, en date du 7 septembre 1924, signé Jean Durail, un pseudonyme bien opportun, et intitulé : « Qu’est-ce que l’Agence Thivel ? », nous apprend que cette entreprise, constituée au sortir de la guerre « par l’association de deux membres de la même famille », avait été intronisée sans aucune procédure d’adjudication. Il nous informe ensuite des modalités qui présidaient à l’embauche des porteurs : « Ils doivent d’abord se présenter nantis de leur casier judiciaire au bureau central, situé quai n° 1, gare du Nord. Là, ils sont reçus par le représentant patronal,

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lequel est un ancien chef de bagages retraité du nom de Courtois, qui, au dire des porteurs eux-mêmes, est un véritable bouledogue tout dévoué à ceux qui le payent grassement. Celuici a la tâche d’indiquer au postulant à l’emploi de porteur que sa charge ne comporte aucun salaire défini. Seuls les pourboires, déduction faite du pourcentage indiqué plus haut [6 %], constituent la rémunération. De plus, le porteur s’engage à être continuellement à la disposition de l’agence, c’est-à-dire que la durée du travail est illimitée. Il peut être occupé, pendant les heures creuses ou la nuit, au nettoyage des salles sans rétribution spéciale. » Durail estime que la majorité des porteurs accomplissent journellement de 12 à 18 heures de présence, en violation flagrante des lois en vigueur et plus particulièrement de la loi des 8 heures. Il évalue à 800 le nombre de porteurs employés par Thivel, dont 150 pour la seule gare de Saint-Lazare2. Poursuivant son enquête (L’Humanité, 15 septembre 1924), Durail nous renseigne sur l’organisation qui régissait le travail des porteurs. Ceux-ci étaient répartis au sein d’équipes de 10 à 12 personnes, chacune dirigée par un sous-brigadier qui avait pour mission de contrôler la bonne exécution du travail mais aussi, et surtout, de veiller à ce que chaque porteur lui remette l’intégralité des pourboires perçus, dont il inscrivait scrupuleusement le montant dans un carnet de comptes. Les équipes étaient globalement chapeautées par un ou deux brigadiers-chefs. De l’aveu même de Durail, si certains de ces cadres remplissaient leur rôle avec conscience

Le Matin, 16 juillet 1930.


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et sans excès, d’autres étaient « des créatures toutes dévouées à l’agence », à l’exemple de M. Lambert, brigadier-chef à Saint-Lazare, signalé « comme modèle du parfait chien de garde des intérêts patronaux ». Les porteurs étaient informés la veille de leur emploi du temps du jour, calqué sur le départ et l’arrivée des trains. Tout retard supérieur à cinq minutes lors de la prise de service conduisait à une mise à pied pour la journée, plusieurs retards à la révocation. Ils étaient astreints à « une très grande déférence » dans leurs rapports avec les voyageurs : interdiction d’imposer leurs conditions ou de réclamer s’ils jugeaient le pourboire insuffisant. Tout manquement à cette règle se traduisait par un renvoi immédiat. Des « mouchards » étaient rétribués pour traquer les éventuelles dérives et pour vérifier que les montants des pourboires étaient bien ceux remis aux sousbrigadiers. Bien entendu, toute adhésion à un mouvement revendicatif – en 1925 naît une ébauche de « Syndicat des Porteurs » – était également synonyme de renvoi immédiat. Que devenaient les pourboires centralisés entre les mains des sous-brigadiers ? L’examen des discussions autour de la proposition de loi déposée le 17 janvier 1928 par Justin Godart3, proposition qui visait à « réglementer le contrôle et la répartition du pourboire dans les hôtels, restaurants, cafés, brasseries, etc., et généralement dans tous les établissements commerciaux où existe la pratique du pourboire », nous livre quelques précisions. Le document le plus précieux est le rapport adressé par le Syndicat confédéré des porteurs de gare qui spécifie : « Chaque fois qu’un

pourboire lui est remis, le porteur le donne à son chef d’équipe. Celui-ci groupe les pourboires de son équipe et, le soir, il en donne le montant au patron. Il en est de même pour chaque équipe constituée. La recette entière de la gare étant faite, le patron s’octroie la part qui lui convient, le reste est partagé entre les porteurs, les chefs d’équipe, les surveillants. Tel entrepreneur prélève 6 % [Thivel, pour les services des gares du Nord et de l’Est], tel autre 25 % [Vidal4, pour le service de la gare de Lyon]. » La redistribution ne touche que le personnel présent dans la journée. Ces prélèvements sur les pourboires étaient destinés, de l’aveu même des concessionnaires, à faire face aux frais de fonctionnement de l’entreprise, mais surtout à couvrir les risques sérieux que comportait le service : accidents corporels dont les porteurs pouvaient être les victimes ou qu’ils pouvaient causer aux tiers (voyageurs, agents) ; avaries occasionnées aux objets transportés et au matériel des compagnies ; garantie des pertes et vols des colis. Cela en contradiction avec la loi du 9 avril 1898 qui interdisait et punissait toute retenue opérée à cette fin sur le salaire des ouvriers, la couverture des risques incombant aux entreprises. Le procédé était d’autant plus choquant que le réseau de l’État versait à l’entreprise Thivel une allocation journalière de 1,50 franc par porteur et une indemnité forfaitaire annuelle de 59 francs pour fourniture d’uniforme, alors que, dans les faits, les porteurs étaient invités à s’équiper à leurs frais5. Il est vrai qu’en retour le réseau exigeait de l’entreprise Thivel que ses porteurs exécutent gratuitement des travaux

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En 1929, Thivel parle de 810 porteurs répartis dans 110 gares appartenant aux différents réseaux, exception faite de celui de l’État. De mouvance radicale-socialiste, Justin Godart (1871-1956) fut maire de Lyon, député et sénateur du Rhône. Il assura également plusieurs fonctions ministérielles, notamment celles de ministre du Travail, de l’Hygiène, de l’Assistance et de la Prévoyance sociale (1924 -1925) et de ministre de la Santé publique (1932) au sein des gouvernements Herriot. 4 Remplacé par l’Entreprise ferroviaire à compter du 1er juin 1934. 5 « Chaque porteur, en outre de son uniforme composé d’une casquette, d’une blouse, d’un pantalon, d’une ceinture et d’une courroie, porte sur le bras gauche un brassard avec plaque numérotée, pour permettre aux voyageurs d’identifier facilement celui qu’ils occupent » (lettre de Thivel du 31 janvier 1929 adressée à la commission chargée d’examiner la proposition de loi de J. Godart). 3

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Encyclopédie par l’image - Les chemins de fer, Paris, Hachette, 1935.

annexes, tel le balayage des quais et des salles d’attente. Précisons ici que l’entreprise Thivel suivait les règles communes à tous les concessionnaires. Reste que la loi Godart, promulguée le 19 juillet 1933, ignora le sort des porteurs de gare. Cela bien que leur syndicat, consulté lors des débats, se fût prononcé contre tout prélèvement sur les pourboires et pour l’extension de leur répartition aux hommes en repos régulier. Faisant fi de ces prétentions, Thivel avait même poussé l’hypocrisie jusqu’à brandir en 1929 une pétition en faveur du statu quo signée de l’ensemble de son personnel, mensonge habilement accompagné d’une diminution du taux de prélèvement sur les pourboires porté de 6 à 5 %. Mais, ne reculant devant rien, Thivel avait, peu après, avisé ses employés qu’il passerait à 12 % à partir du 1er juillet 1930 afin de couvrir les cotisations imposées par l’application des assurances sociales (maladie, maternité, invalidité, vieillesse et décès) – loi

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dite d’« escroquerie » votée le 30 avril6. Une prétention insupportable pour les quelque 450 porteurs des gares du Nord et de l’Est qui avaient décidé aussitôt de gérer eux-mêmes les pourboires et de ne reverser à leur employeur que les 5 % initiaux. Thivel avait répondu par le renvoi immédiat de douze de ses plus anciens serviteurs et avait entrepris un renouvellement complet de son personnel, n’hésitant pas à recourir à des annonces par voie de presse (Le Matin, 16 juillet 1930). Au terme d’un peu plus de deux semaines de conflit, Thivel, convoqué au ministère des Travaux publics pour s’expliquer, avait pu affirmer que l’affaire était close, nouveaux embauchés et anciens repentis ayant accepté d’adhérer au nouveau contrat. C’est dans ce contexte que les « commissionnaires porteurs », qui œuvraient depuis 1925 au sein des gares Saint-Lazare, Montparnasse et Invalides, avaient sollicité et obtenu du réseau de l’État, en juillet 1930, une reconnaissance officielle par la


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signature d’une convention liant légalement les deux parties. Indépendants, quoique agréés individuellement par le réseau, les porteurs étaient regroupés au sein d’une coopérative ouvrière de production, l’Artèle, qui gérait les pourboires selon le même principe que l’entreprise Thivel, mais librement. Cependant, chacun ayant voix au chapitre, des problèmes de gestion, notamment du point de vue des sanctions, avaient conduit le réseau de l’État à dénoncer l’accord en février 1931. Il avait été rétabli deux mois plus tard en faveur de La Collaboratrice, nouvelle coopérative ouvrière supervisée par un directoire limité à quelques hommes issus de l’Artèle. Plus tard, une scission s’opéra, aboutissant à la création d’une seconde coopérative ouvrière : Les Porteurs de gare qui, en octobre 1936, se vit attribuer le service de portage de la gare Saint-Lazare. À la différence des entreprises de portage, les deux coopératives ne recevaient aucune subvention du réseau de l’État. En revanche, elles étaient rémunérées pour les travaux de manutention et nettoyage que le réseau leur confiait, les sommes ainsi perçues servant à couvrir les charges liées aux assurances sociales et autres. Intervint alors la loi du 2 avril 1937 qui interdit, enfin, tout prélèvement sur les pourboires. Cette mesure mettant en péril les finances de la SOGET et de l’EF, les réseaux sont contraints de prendre à leur compte les charges salariales et primes d’assurances diverses qui incombaient jusqu’alors aux concessionnaires. Additionnées à l’allocation de 1,50 franc qui continue à courir, les nouvelles dépenses s’établissent en moyenne à 12-13 francs par porteur/jour7, non compris celles liées à l’habillement et à la fourniture des produits de nettoyage. Soit une charge supplémentaire globale que la SNCF estimera en 1938 à plus de deux millions de francs.

Les modifications aux contrats initiaux sont actées par la signature d’avenants (un par gare). D’une durée d’un an, ils courent du 1er février 1937 au 31 janvier 1938 pour ceux de la SOGET, du 15 juin 1937 au 14 juin 1938 pour celui de l’EF. Pour ne pas être en reste, les coopératives La Collaboratrice et Les Porteurs de gare obtiennent du réseau de l’État la garantie qu’il leur octroiera des travaux pour un minimum annuel, respectivement, de 300 000 et 200 000 francs. Succédant aux réseaux le 1er janvier 1938, la SNCF ne pouvait laisser durer cette situation. Le 9 mars, son comité de direction est saisi d’un projet visant à substituer aux pourboires un « tarif de portage », à l’exemple de celui mis en place depuis peu à la gare de BoulogneMaritime à l’initiative de la chambre de commerce locale. Le barème des tarifs envisagés est fixé de façon à ne pas excéder le montant des pourboires habituellement versés par les voyageurs (en moyenne 2,29 francs pour un colis et 6,50 francs pour trois colis). Il s’établit comme suit : - bagages à main : 3 francs pour le premier colis, 2 francs pour chacun des colis suivants, les parapluies et cannes ne donnant pas lieu à rémunération ; - bagages enregistrés ou à enregistrer et bagages en douane : 5 francs pour le premier colis (majoration imposée par une mobilisation plus longues des porteurs – 35 minutes contre 15 minutes – et une manutention plus pénible), 2 francs pour chacun des colis suivants. Le nombre de bagages à main confiés à un porteur ne doit pas excéder quatre ; au-delà, le voyageur doit faire appel à un second porteur. Cette restriction ne concerne pas les bagages enregistrés ou à enregistrer et bagages en douane, le travail faisant appel à un engin, chariot ou diable.

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La loi faisant reposer les cotisations tant sur les patrons que sur leurs employés, les assurances sociales furent mal accueillies par le monde ouvrier et furent à l’origine de multiples grèves. 7 Les montants varient selon les gares en fonction du nombre d’agents et de jours de présence. Les coopératives intègrent les pourboires dans le calcul des salaires.

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Le comité de direction approuve le barème, non sans avoir repoussé une disposition qui voulait que les bagages à main manutentionnés entre 22 h le soir et 5 h le matin fissent l’objet (pour le premier colis seulement) d’un supplément de 2 francs. Le but visé est triple : réduire la participation financière de la SNCF en attribuant aux entreprises concessionnaires la totalité des recettes ; offrir aux porteurs (y compris à ceux des coopératives ouvrières) l’assurance de toucher un salaire régulier qui les mettrait à l’abri des fluctuations de trafic8 ; éliminer les sources de conflit avec les voyageurs. La recette escomptée par la perception des tarifs de portage est de l’ordre de 60 francs par porteur/jour (pourboire de 2,29 francs x 25 colis/jour en moyenne). Si elle a de quoi couvrir largement les salaires calculés au plus haut à 55 francs/jour, elle ne suffit pas à répondre aux charges qui pèsent de nouveau sur les concessionnaires, charges égales à 16,08 % du salaire, soit 8,84 francs. L’insuffisance était donc de l’ordre de 3 à 4 francs par porteur/ jour (55 F + 8,84 F = 63,84 F – 60 F = 3,84 F), loin cependant de l’allocation de 12-13 francs par porteur/jour arrêtée en 1937. En dépit de ce dernier sacrifice, la SNCF est en droit d’attendre une économie annuelle de plus d’un million de francs. Approché dès le mois suivant, le ministre des Travaux publics tarde à donner sa réponse. Il est probable que l’initiative de la SNCF n’emporte pas l’adhésion de tous. De fait, ses services refusent l’homologation des tarifs, prenant simplement acte de leur existence le 1er août. Ce retard, qui a conduit à la prorogation tacite des contrats en cours, est un mauvais coup porté à la SNCF qui doit se montrer plus conciliante. Le résultat des appels d’offres qu’elle lance alors – le marché a été divisé en quatre lots – est sans appel. Le critère de sélection portant sur le montant de l’indemnité porteur/jour, les candidats s’emploient à ce qu’elle soit le plus élevée possible.

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Sont retenues : - la Société générale des entreprises Thivel (SOGET) pour les gares du Nord et de l’Est ; - la Société générale de manutention du Midi (SMM) pour les gares de Lyon, d’Austerlitz et d’Orsay9 ; - la coopérative ouvrière Les Porteurs de gare pour la gare Saint-Lazare ; - la coopérative ouvrière La Collaboratrice pour la gare Montparnasse. La SOGET et la SMM obtiennent d’être rétribuées à hauteur de 13 francs par porteur/ jour pour la première et 10,50 francs pour la seconde, donc à un niveau pratiquement équivalent à celui des allocations précédentes. Les deux coopératives réussissent de leur côté à arracher un tarif pour les prestations annexes (7,90 francs de l’heure par homme) avec reconduction du minimum garanti de

Le Petit Parisien, 16 mai 1939.


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Les nouveaux traités sont actés pour trois ans à compter du 1er juin 1939. Cette date marque aussi l’entrée en vigueur du nouveau régime de rémunération des porteurs qui, aux dires même de Le Besnerais, directeur général de la SNCF, n’a donné lieu « à aucune difficulté, ni du côté du public, ni du côté des porteurs ». Évincée en 1939, l’Entreprise ferroviaire réapparaît deux ans plus tard en se substituant à la SOGET et à la SMM, qu’elle absorbe sans coup férir le 1er juillet 1941. Cette fusion, sans doute dictée par les difficultés économiques du moment, est aussitôt suivie par une demande conjointe de l’EF et des deux coopératives visant à compenser les récentes majorations des charges patronales (estimées à 20,1 %), soit par une augmentation de leurs redevances, soit par une réévaluation

des tarifs de portage. La SNCF opte pour la seconde solution, arguant du fait que les tarifs de portage n’ayant pas été homologués échappaient à la hausse générale de 20 % des tarifs voyageurs et marchandises en vigueur depuis le 28 juillet 1941. De fait, elle obtient l’application, à compter du 6 octobre, d’une augmentation des tarifs de portage de l’ordre de 25 %, supérieure donc aux revendications des entreprises concessionnaires. Le nouveau barème s’établit comme suit : 4 francs pour le premier colis, 3 francs pour le second et 2 francs pour chacun des deux autres. La tarification des bagages enregistrés ou à enregistrer et des bagages en douane reste inchangée. La marge ainsi dégagée permet du même coup à la SNCF de prendre sa revanche en se dégageant entièrement de toute participation

Départ du rapide de Marseille, gare de Lyon, 1947. Photo Fénino, Photorail-SNCF.

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Les statistiques montrent, en outre, conséquence de la crise économique qui frappe le pays, une demande moindre de la part des voyageurs, évaluée à un tiers par rapport aux mois antérieurs à juin 1936. 9 Service de portage supprimé à Orsay au lendemain de la déclaration de guerre en raison du report du trafic grandes lignes sur Austerlitz.

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financière au service du portage. Elle impose à l’EF de renoncer aux redevances par journée de porteur et aux deux coopératives qu’elles abandonnent la garantie financière attachée aux travaux. Ces dispositions font l’objet d’un nouveau traité avec l’EF et d’avenants avec les deux coopératives. Leur durée est de trois ans à partir de la mise en application la nouvelle grille des tarifs. L’opération semble bénéficiaire, l’économie attendue étant de l’ordre de 1 700 000 francs. Par comparaison, la première année d’exécution des contrats de 1939 s’était soldée pour la SNCF par le versement de 1 200 000 francs d’indemnités porteur/jour. Mais l’effacement de cette allocation a pour conséquence la disparition de la clause qui voulait que l’EF, en compensation, s’acquitte gratuitement de certaines tâches, qu’il faudra désormais lui acheter aux conditions faites à La Collaboratrice et aux Porteurs de gare, soit sur la base de 9,75 francs par heure. Le conseil d’administration de la SNCF donne son accord à la nouvelle combinaison

le 10 décembre 1941. C’est sans compter sur la commission des marchés qui estime contraire aux intérêts de l’entreprise que les nouveaux traité et avenants aient été passés de gré à gré, et demande en conséquence que soit lancé au plus vite un appel à la concurrence. Le conseil d’administration approuve, mais entend recueillir au préalable l’avis des autorités allemandes pour qui l’EF et les deux coopératives assurent des missions de portage régulières en ville et de gare à gare (voir encadré). Or l’occupant fait savoir qu’il n’est pas prêt à changer d’interlocuteurs. En conséquence de quoi, le conseil d’administration décide le 6 mai 1942 de surseoir à toute adjudication « jusqu’à nouvel avis ». En retour, il obtient de l’EF qu’elle s’engage à nouveau à assurer gratuitement un certain nombre de travaux annexes à hauteur de 50 heures par semaine, soit 12 heures pour chacune des gares de l’Est et de Lyon et 26 heures pour la gare d’Austerlitz.

Départ du Simplon-Orient-Express, gare de l’Est, 1947. Photo Fénino, Photorail-SNCF.

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L’occupant allemand, un marché lucratif Les travaux dits de « Portage allemand » « Le présent rapport serait incomplet s’il n’était fait mention des opérations de portage effectuées par l’Entreprise ferroviaire pour le compte de l’armée d’occupation. On sait, en effet, que l’Entreprise ferroviaire a été autorisée par les Bahnofoffiziers [sic], semble-t-il à l’instigation et plus ou moins sous la direction du Bahnoffizier de la gare de l’Est, à porter les bagages des militaires de l’armée d’occupation qui se rendent d’une gare à une autre ou d’une gare en ville ou inversement. L’Entreprise ferroviaire emploie à ce service, soit des porteurs spéciaux, soit des porteurs chargés du service de portage de la SNC, et cela le jour où ceux-ci sont de repos. Il faut considérer que ces opérations sont extrêmement rémunératrices pour les porteurs en question car les soldats et officiers allemands donnent des pourboires très généreux qui, pour une course déterminée, sont facilement de 1 à 2 RM. « D’après les constatations que j’ai pu faire sur place et dont j’ai donné connaissance au directeur général de l’Entreprise ferroviaire, qui ne les as pas contestées, le service fonctionne de la manière suivante : pour une course déterminée, chaque porteur reçoit de l’Entreprise ferroviaire une heure de salaire et 2 tickets de métro. Or le tarif approuvé par les Autorités allemandes varie de 20 à 50 frs la course selon la distance. On peut donc considérer que chaque opération de portage allemand coûte à l’Entreprise ferroviaire environ 15 francs et lui rapporte en moyenne 25 francs. Quant au porteur, on peut estimer qu’il perçoit en moyenne de 30 à 40 francs par course. Ce sont donc là des opérations très largement rémunératrices, et pour l’Entreprise ferroviaire et pour le porteur. Il est même tout à fait certain que l’Entreprise ferroviaire réalise des bénéfices plus substantiels par ses opérations de portage allemand que par ses opérations de portage officiel. « J’ai cherché avec ténacité à savoir de l’Entreprise ferroviaire quelle était l’importance des bénéfices que lui procuraient les opérations de portage allemand. J’ai fini par obtenir du directeur général de l’Entreprise ferroviaire l’indication qu’en 1941 les opérations de portage allemand auraient comporté environ 1 million de dépenses et 1 500 000 fr. de recettes, d’où un bénéfice brut d’exploitation des 500 000 fr. « Ces indications, que je n’avais pas la possibilité de contrôler, me paraissent devoir être très largement inférieures à la réalité. Elles impliqueraient, en effet, que le nombre des opérations de portage allemand est en moyenne de moins de 200 par jour, ce qui me

paraît bien faible, compte tenu de ce que j’ai constaté sur place dans les différentes gares de Paris. » Rapport sur l’ « Exécution des travaux de portage dans les gares de Paris par l’Entreprise Ferroviaire », mai 1942. Centre national des archives historiques SNCF, 0505LM0342-006. La coopérative ouvrière La Collaboratrice La Collaboratrice se présente en 1941 comme « une coopérative ouvrière de production anonyme à capital et personnel variables qui a pour objet l’organisation du travail dans les services auxiliaires des gares ». Lors de sa formation le 2 février 1931, elle avait son siège social à Saint-Lazare et exploitait le service de portage de bagages dans les gares SaintLazare, Montparnasse et Invalides. Suite à la création de la coopérative Les Porteurs de gare en 1936, elle se transporte à Montparnasse, son seul champ d’exploitation depuis lors. En dehors du service de portage, elle fournit la main-d’œuvre nécessaire à la manutention des bagages à la consigne arrivée moyennant une rémunération fixée par contrat. Depuis décembre 1940, en réponse au vœu réitéré des voyageurs, elle assure un service de portage à domicile et de gare à gare des petits et moyens colis. Ce service fonctionne uniquement à la demande des clients. La Collaboratrice est gérée par un directeur général, qui a reçu les pleins pouvoirs du conseil d’administration, secondé par un chef de service. Son effectif est de 111 personnes (novembre 1941), à savoir : le directeur, le chef de service, 5 brigadiers et 104 porteurs(*). Sur ces 111 personnes, seules 33 sont « porteurs de parts sociales » (sociétaires). Les autres constituent «  le personnel saisonnier susceptible d’être débauché au fur et à mesure de la baisse du travail ». « La forme de la société apparemment libérale n’exclut nullement l’idée de discipline, qui est extrêmement sévère. Seul le candidat présentant toutes garanties d’honorabilité et en possession d’un cahier judiciaire vierge peut prétendre être embauché. » Le personnel est réparti en cinq équipes, chacune commandée par un brigadier. La rémunération est égale pour tous et s’effectue journellement : chaque matin les brigadiers remettent au chef de service les feuilles de recettes de la veille ; après vérification, celui-ci détermine le prélèvement à faire pour

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Titre

couvrir les charges sociales et statutaires suivant un pourcentage établi à l’avance ; le reste est réparti entre tout le personnel présent le jour considéré, y compris les hommes de repos et les cadres. Première partie les quoique leur Les pourboires sont pris en: compte, part soit en nette diminution : « Au cours des derniers mois de l’année de 1940la et des quatre premiers mois de assiettes manul’année 1941, le porteur arrivait à faire un certain chiffre de pourboire qui améliorait sensiblement sa facture de faïence journée ; mais aujourd’hui, il ne faut plus y compter ou presque. » Sur un an, du 1er octobre 1940 au 30 septembre 1941, la part salariale moyenne a été de 63 francs Auteur par jour (pour un effectif moyen de 49 hommes) constituée comme suit : - 37 % du portage de bagages à l’intérieur de la gare ; - 29 % du portage en ville ; - 18 % du portage allemand et de gare en gare ; - 12 % des pourboires ; - 4 % des travaux de manutention rémunérés. Les frais et charges ont absorbés 37 % des recettes annuelles globales.

Texte

(*) Dans le même temps, L’Entreprise ferroviaire revendiquait 174 employés ainsi répartis : 30 en gare de Paris-Est, 35 en gare de Paris-Nord (28), 38 en gare de Paris-Lyon, 71 en gare de Paris-Austerlitz. Le nombre de porteurs y était respectivement de 25, 28, 30 et 60. Centre national des archives historiques SNCF, 0505LM0342-006. Les devoirs des porteurs de l’Entreprise ferroviaire En octobre 1941, le conseil d’administration de la SNCF prend connaissance d’une note sur les nouvelles conditions d’exécution des traités liant l’entreprise aux concessionnaires des services de portage de bagages dans les gares parisiennes. En annexe à cette note figure le projet du nouveau contrat à passer de gré à gré avec l’Entreprise ferroviaire (EF) chargée de ces services dans les gares de l’Est, du Nord, d’Austerlitz et de Lyon. Extraits. Article 2 : « Les Porteurs sont affectés, dans l’enceinte de la gare, au service personnel des voyageurs ; ils se tiennent à la disposition des voyageurs pour le transport des bagages entre les cours de la gare et

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les salles d’enregistrement ou de consigne, d’une part, entre les salles de consigne ou de livraison et les cours de la gare, d’autre part, ainsi qu’entre les salles de consigne et les salles d’enregistrement ; ils sont chargés, en outre, toujours sur la demande des voyageurs, de porter leurs colis à la main : - au départ, jusqu’aux salles d’attente et aux trains ; - à l’arrivée, jusqu’aux voitures, dans la cour de la gare. » Article 5 : « Les Porteurs ne sont admis dans une gare que revêtus d’une tenue uniforme en parfait état de propreté, comportant une blouse et un pantalon en toile, une ceinture en toile, un brassard ou plaque numérotée, une casquette avec l’inscription «porteur», une courroie en cuir. » Article 6 : « Les Porteurs doivent s’abstenir de toute annonce à haute voix ou de toute sollicitation de nature à importuner les voyageurs ; ils doivent être polis et réservés dans leurs rapports avec le Public, conserver la plus grande correction dans leur tenue et s’abstenir de fumer dans la gare ; il leur est formellement interdit : a) - de fournir aux voyageurs des renseignements sur les hôtels ; b) - de faire passer les voyageurs par d’autres issues que celles par lesquelles s’effectuent normalement l’entrée et la sortie du Public et de leur faire traverser les voies ; c) - de monter sur le marchepied des voitures avant l’arrêt des trains ; d) - de se prêter d’une manière quelconque à tout acte contraire aux intérêts du chemin de fer et aux Règlements de Police concernant le service des gares. » Article 7 : « L’Entreprise ferroviaire s’engage à ne recruter que des agents de nationalité française […]. L’Entreprise ferroviaire ne pourra, pendant la période du 1er mars au 15 novembre de chaque année, utiliser comme main-d’œuvre non qualifiée aux travaux faisant l’objet du présent traité, des travailleurs, salariés ou non, appartenant aux professions agricoles ou forestières ou d’artisanat rural. Il est entendu expressément qu’elle n’affectera au service des Porteurs que des candidats ayant fourni de très bonnes références et ayant toujours fait preuve d’une moralité excellente. » Article 8 : « L’encaissement de la somme due est effectué par les Porteurs qui remettent aux voyageurs un ticket extrait d’un carnet distributeur, qui indique le montant de la perception et le numéro du porteur. » Centre national des archives historiques SNCF, 0505LM0342-006. L. Poirier, tableau pédagogique, « Images de la vie, 3 la gare », détail. Coll. Musée de Bretagne, Rennes.

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Fig. 21

Fig. 23

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Les faïences fines comme illustration des premiers chemins de fer en France Deuxième partie : les assiettes de la manufacture Guyon de Boulen & Compagnie à Gien Joseph-Jean Paques, Montréal, Québec (texte et photos)

Tout comme celle de Choisy avant elle1, la manufacture de Gien a produit, entre 1844 et 1851, des assiettes à thème ferroviaire2. Avec cette différence, toutefois, que les illustrations qui y figurent ne sont pas des copies de gravures déjà publiées ; mieux, leurs auteurs sont connus, leur signature faisant foi. La manufacture Guyon de Boulen & Compagnie – de « porcelaine opaque » selon la marque de fabrique imprimée au dos des assiettes – a produit deux séries d’assiettes de douze unités chacune. Ces assiettes portent sur les lignes de Paris à Rouen et de Paris à Orléans, toutes les deux inaugurées en 1843, exception faite de deux vues empruntées aux lignes de Paris à Saint-Germain et de Paris à Versailles Rive Droite, ouvertes en 1837 et 1839.

Deux artistes ont travaillé à ces séries. Le premier est très probablement John Copeland, identifié comme graveur travaillant pour Gien dès avant 1849 par Jean-Claude Renard3 et par Monique Verboomen4. Le second, dont seules apparaissent les initiales, JBM, et qui pourrait être Jean-Baptiste Mayer, mentionné par Christian Maire5 et par Dominique Dreyfus6 (fig. 1 et 2). La datation des deux séries a été effectuée à partir du répertoire des marques de fabrique mis à disposition par le Musée de la Faïencerie de Gien7. Les assiettes signées

Fig. 1

Fig. 2

1

Joseph-Jean Paques, « Les faïences fines comme illustration des premiers chemins de fer en France, Première partie : les assiettes de la manufacture de faïence fine d’Hippolyte Boulenger à Choisy », Les Rails de l’histoire, n° 10 (avril 2016), p. 28-34. 2 Joseph-Jean Paques, « Trois séries d’assiettes à décor ferroviaire produites à Gien », Les Dossiers de la faïence fine, n° 25 (août 2009), 40 p. 3 Jean-Claude Renard, Faïences de Gien. Une technique, un art de vivre, une légende, St-Cyr sur Loire, Éditions Alan Sutton, 2001, 96 p. 4 Monique Verboomen, Dictionnaire des motifs de la faïence fine imprimée en Belgique, Bruxelles, 2006. 5 « Jean-Baptiste Mayer et Lemot gravent aussi pour Longwy », Christian Maire, « L’impression sur faïence fine. Histoire-Technique-Iconographie », Les Dossiers de la faïence fine, n° 11 (juin 2001). 6 « J.B. Mayer grave une expédition d’Orient pour Longwy et une autre pour Gien », Dominique Dreyfus, Longwy. La belle histoire des assiettes à histoires, Metz, Éditions Serpenoise, 1987. 7 Site du Musée de la Faïence de Gien (gien.com). Répertoire des marques.

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J. Copeland arborent la marque « Guyon de Boulen & Cie », active de 1844 et 1849 ; celles signées JBM les marques « Guyon de Boulen & Cie » ou « Geoffroy de Boulen & Cie », répertoriées de 1844 à 1851 (fig. 3 et 4).

Fig. 3

Fig. 4

Le choix des illustrations et l’ordre dans lesquelles elles ont été déclinées sont différents de ceux utilisés pour la production de Choisy. Si la plupart des sites retenus ont déjà servi de modèle par le passé à des gravures sur bois ou à des lithographies, aucune de celles-ci ne peut être reliée au travail de Copeland et de Mayer. Il s’agit donc bien ici de dessins originaux réalisés spécifiquement pour Gien. Curieusement, la numérotation des assiettes n’obéit à aucune logique : les sites retenus ne se succèdent pas comme ils le devraient au départ de Paris, et l’on retrouve des illustrations de la ligne de Paris à Rouen intercalées entre des illustrations de la ligne de Paris à Orléans. Chacune des deux séries d’assiettes a fait l’objet de plusieurs variantes, qui diffèrent selon leur bordure et leur couleur. Les séries d’assiettes signées J. Copeland offrent ainsi deux types de bordure distincts, celles signées JBM, quatre. Parmi ces six types de bordure, deux seulement sont d’inspiration ferroviaire, une pour chaque série. On notera que la composition de la bordure à connotation ferroviaire des assiettes signées J. Copeland n’est pas immuable : elle fait appel à six motifs différents introduits à raison de trois par bordure et disposés dans un ordre plus ou moins aléatoire, avec parfois la reprise du même motif sur la même assiette. La couleur change aussi selon les productions : monochrome noir, monochrome bleu ou bicolore brun clair et noir.

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À l’occasion de la célébration, en 1982, du 150e anniversaire des chemins de fer français, les Éditions La Vie du Rail ont fait fabriquer par la manufacture de Gien une assiette unique sur le modèle de celle signée JBM sous le n° 9 « Gare d’Orléans ». Toutefois, le motif de la bordure est répété cinq fois et non quatre comme dans le type « C ». Toujours pour les Éditions La Vie du Rail, Gien a encore produit, entre 1984 et 1989, une nouvelle série de six assiettes choisies arbitrairement parmi celles signées par JBM (n° 1, 2, 4, 5, 7 et 12). Ces assiettes n’ont pas les mêmes dimensions que les originales, ce qui, nonobstant les inscriptions notées au dos, évite toute confusion (fig. 5 et 6).

Fig. 5

Fig. 6


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D’hier à aujourd’hui… voyage le long des lignes de Paris à Rouen

Commençons par le débarcadère de Paris. La série signée JBM en présente, à elle seule, trois aspects. L’assiette (n° 7, intitulée « Embarcadère de St. Germain » par référence à la compagnie primitive du même nom, se rapporte bien à la gare établie au droit de la rue Saint-Lazare (fig. 7).

RD de l’autre. Le pont en bois prolongeant la rue de Stockholm et le bâtiment du débarcadère primitif de la place de l’Europe sont toujours visibles à l’arrière-plan. L’absence de couverture permet d’affirmer que le croquis date d’avant 1846-1847, années d’exécution des premières grandes halles9. L’assiette n° 5, « Salles d’attente du chemin de fer de Rouen », montre l’intérieur des bâtiments de la gare construits aux alentours de 1842, plus précisément l’entrée de l’escalier qui permet de rejoindre la rue Saint-Lazare située en contrebas (fig. 8).

Fig. 7

Y figurent les voies et quais communs aux lignes de Saint-Germain, de Versailles RD et de Rouen. Une comparaison avec la vue similaire reproduite sur l’une des assiettes antérieurement issues de la manufacture de Choisy8 montre bien que Jean-Baptiste Mayer a fait œuvre personnelle par l’ajout de lampadaires à gaz et d’une palissade côté droit servant de délimitation aux emprises de la compagnie de Rouen d’une part, des compagnies de Saint-Germain et de Versailles

Fig. 8

8

Voir Joseph-Jean Pâques, « Les faïences fines comme illustration des premiers chemins de fer en France », Les Rails de l’histoire, n°10, avril 2016 – figure 6, p. 28. 9 La première illustration connue de ces halles est précisément de 1847. Voir Jules Janin, Voyage à la mer, Paris, E. Bourdin, 1847, p. 19.

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Le dessin que Daubigny en a fait en 1843 permet d’apercevoir l’ouverture donnant sur la cour côté rue Saint-Lazare10 (fig. 9). L’assiette n° 6, « Entrée du chemin de fer de Paris », représente précisément cette cour (fig. 10). Elle est ici librement accessible, en contradiction avec l’image qu’en donnent certaines gravures datant de 1845 où l’entrée est partiellement entravée par des grilles, détail qui n’apparaît plus sur les dessins de 1847. Ces trois assiettes font référence à des lieux aujourd’hui méconnaissables, à l’inverse, notamment, de l’assiette n° 11, « Tunnel du Roule » (Eure), sur la ligne de Paris à Rouen. Dessiné par J. Copeland, le site est toujours clairement identifiable (fig. 11 et 12).

Fig. 11

Fig. 12

…de Paris à Orléans

Fig. 9

Fig. 10

10

Programme itinéraire, Chemin de fer de Paris à Rouen, Paris, E. Bourdin, 1843, 4 p.

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Notre première étape sur la ligne de Paris à Orléans est la gare de Villeneuve-le-Roi représentée sur l’assiette n° 11 signée par JBM. Le site a été largement modifié, la gare déplacée et reconstruite. On peut toutefois toujours localiser le passage sous la voie ferrée (fig. 13 et 14). Le site des Belles Fontaines, entre Juvisy et Savigny, illustré par l’assiette n° 8, « Fontaine de la cour de France », signée J. Copeland, est notre étape suivante. La fontaine déplacée dans un parc voisin mise à part, le site est intégralement conservé, notamment le passage de l’Orge sous la route royale (fig. 15 et 16). Arrêtons-nous ensuite à Étampes. Le site a inspiré trois assiettes. La juxtaposition de l’image de l’assiette n° 1, «  Station d’Étampes », signée par J. Copeland, avec une vue actuelle des lieux nous permet de juger des


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Fig. 13

Fig. 15

Fig. 14

Fig. 16

transformations apportées au site d’origine, notamment la reconstruction de la gare de l’autre côté des voies. Par contre, bien que modifié, le passage inférieur existe toujours (fig. 17, 18 et 19). L’assiette suivante, dessinée par J.B.M., donne une autre représentation du même passage, mais vu de l’autre côté de la voie ferrée, avec l’église Notre-Dame en arrière-plan (fig. 20). Elle doit être rapprochée de l’assiette produite à la même époque par la manufacture de Choisy et qui reprend le même angle (voir notre article dans Les Rails de l’histoire n°10, p. 33). On remarque que toutes les deux représentent la gare à son emplacement actuel. La troisième assiette dédiée à notre ville est la n° 5, « Grande rampe près d’Étampes », signée par J. Copeland. Cette grande courbe située à la sortie sud d’Étampes est encore bien visible de nos jours (fig. 21/22, page 26 et ci-contre). Notre terminus est la gare d’Orléans qui est le sujet de l’assiette n° 9, « Gare d’Orléans », due à J.B.M. À défaut de pouvoir y relever la moindre similitude avec le site actuel, cette assiette a un intérêt historique lié à la représentation, à l’extrême droite du dessin, du portique qui servait au chargement des caisses de diligence sur les wagons selon le système Arnoux, dont le journal L’Illustration du 24 juin 1843 donne

Fig. 17

Fig. 18

Fig. 19

Fig. 20

Fig. 21

Fig. 22

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une description (fig. 23, p. 26). Il existe de nombreuses autres représentations de la gare d’Orléans d’origine, dont une sert de décor à

l’une des assiettes produites par Choisy (voir Les Rails de l’histoire n° 10, p. 32).

Assiettes J. Copeland (1844-1849)

Assiettes signées JBM (1844-1851)

Titre de l’assiette

Commentaire

Lignes de Paris à :

Titre de l’assiette

Commentaire

Lignes de Paris à :

n° 1 Station d’Étampes

Orléans

n° 1 Oissel

2

Orléans

n° 2 Pont de Maisons-Laffitte

Rouen

n° 2 Viaduc près de Villemoisson

2

Rouen

n° 3 Jeufosse

Rouen

1, 2

n° 4 Rolleboise

Rouen

n° 3 Salle d’attente du chemin de fer de Rouen n° 4 Étampes

2

Orléans

n° 3 ? Village de Chamarande

3, 7

Rouen

n° 6 Entrée du chemin de fer de Paris

2, 3

n° 7 Embarcadère de St. Germain

2, 4

n° 8 Pompe près Paris

2

n° 9 Gare d’Orléans

2,5

n° 10 Vernon

2

n° 5 Grande rampe près d’Étampes n° 6 Poissy

1

n° 7 Ateliers

Rouen

n° 8 Fontaine de la Cour de France

Orléans

n° 9 Bonnières

Rouen

Rouen Orléans Rouen Rouen Orléans Rouen

n° 10 Viaduc près de la station d’Épinay

Orléans

n° 11 Tunnel du Roule

Rouen

n° 11 Station de Villeneuve-le-roi

2

Rouen

Versailles

n° 6 ? Station de Juvisy

1, 6, 7

Versailles

n° 12 Viaduc près de Suresnes

1

Commentaires 1. Ces assiettes sont conservées au Musée français de chemin de fer à Mulhouse dans la collection Dollfuss (M.-L. Griffaton, J.-M. Combe, «  La réalité ferroviaire et ses interprétations artistiques vues à travers les collections du musée du chemin de fer », Revue d’histoire des chemins de fer, n° 10-11 (1994). 2. Numérotation certaine de la série originale. 3. Numérotation incertaine de la série originale. Hypothèse : double numérotation dans la même série originale produite par Gien ; cette assiette n’aurait-elle pas dû être numérotée 5 ? Le numéro  3 visible sur l’assiette produite pour La Vie du Rail semble original. 4. Cette assiette est numérotée 5 dans la série de 6 assiettes produites pour La Vie du Rail.

J. Copeland : assiette n° 12 (viaduc près de Suresnes)

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Rouen

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Orléans

5. Assiette produite pour La Vie du Rail, sans les autres de sa série, avec l’annotation : « 150e anniversaire du chemin de fer français, 18321882 » ; plus grande que la taille d’origine. 6. Numérotation incertaine de la série originale. Hypothèse : cette assiette est numérotée 6 dans la série produite pour La Vie du Rail, mais le numéro semble avoir été modifié à la gravure ou s’agit-il d’une erreur de numérotation de la série originale ? 7. Nous n’avons pas eu accès à une version d’époque de cette assiette, mais seulement à la version produite pour La Vie du Rail.


ACTUALITÉ DES COMMÉMORATIONS

1921. La « démobilisation des morts » Bruno Carrière À la fin de la Première Guerre mondiale, d’innombrables familles ont opté pour le retour au pays de leurs proches morts au champ d’honneur, de préférence aux nécropoles d’État. Un droit acquis de haute lutte qui a conduit à la mise en place, fin 1920, d’une organisation spécifique dans laquelle le chemin de fer joua un rôle essentiel.

Avant d’aborder le cœur de notre sujet – qui est l’organisation mise en place fin 1920 pour le rapatriement des corps des soldats morts au combat ou des suites de leurs blessures, depuis l’ancienne zone des armées jusqu’aux lieux de sépulture désignés par les familles – il n’est pas inutile de rappeler brièvement comment les autorités, tant civiles que militaires, d’abord résolument hostiles à l’idée d’une restitution des corps, ont fini par céder aux sollicitations1. 1914-1920 : tout transfert de corps est prohibé

En août 1914, lorsque la guerre éclate, l’exhumation et le rapatriement des corps des soldats morts au combat ne font l’objet d’aucune réglementation. Des restitutions sont donc accordées aux familles dans les premiers mois. Toutefois, face à la multiplication des demandes, le général Joffre, par une note du 19 novembre 1914, interdit tout transfert de corps depuis la zone des armées, à savoir les territoires situés au nord de la ligne de rocade jalonnée par les gares du Havre, Rouen, Corbeil, Melun, Moret, La Roche, Dijon, Arc-et-Senans, Besançon et Morteau. Cette mesure est justifiée par la nécessité de consacrer, dans cette zone, tous les moyens de transport par voie ferrée exclusivement aux

besoins militaires. Elle est également guidée par le souci de ne pas porter atteinte au moral des troupes par la multiplicité des douloureuses cérémonies auxquelles les exhumations et transferts de corps donneraient lieu. Enfin, il convient de rappeler que l’accès à la zone des armées est sévèrement réglementé et qu’on ne peut y permettre la venue des familles. La mesure ne s’étend toutefois pas à la zone de l’intérieur où les familles continuent d’être autorisées à rapatrier les corps de proches décédés dans les hôpitaux de l’Arrière tant par la route que par le rail, mais, dans ce dernier cas, « à la condition de n’emprunter aucune partie du réseau ferré des Armées » (lignes stratégiques). Si d’aucuns n’hésitent pas à transgresser l’interdiction qui touche la zone des armées, dans leur très grande majorité les familles endeuillées s’inclinent avec le ferme espoir de voir leur attente cesser avec la fin des combats. Au lendemain de l’Armistice, le gouvernement (notamment Georges Clemenceau, président du Conseil et ministre de la Guerre) craint que, une fois la paix signée, la suppression de la zone des armées n’entraîne ipso facto la fin de l’interdiction imposée en 1914. Aussi dépose-t-il préventivement, le 4 février 1919,

1

Ces pages doivent beaucoup à l’ouvrage de Béatrix Pau, Le Ballet des morts. État, armée, familles : s’occuper des corps de la Grande Guerre, publié par La librairie Vuibert en janvier 2016. Nous n’aborderons pas ici les restitutions des corps en provenance de l’ancienne zone de l’intérieur et de l’étranger qui obéissent à d’autres critères.

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L’Excelsior, 19 février 1921.

un projet de loi relatif « à l’interdiction des exhumations et transports de corps par voie ferrée des militaires et marins français, alliés ou ennemis, tués ou décédés pendant la guerre ». S’appuyant sur les difficultés que rencontrent les transports et la faible probabilité d’une amélioration à court terme, il demande la reconduction pour trois ans des mesures prises antérieurement par Joffre et confirmées par une instruction du 20 octobre 19172. S’ensuivent de vifs débats à la Chambre et au Sénat, qu’attise la signature, le 28 juin 1919, du traité de paix de Versailles. Ceux qui pensent « que le véritable champ de repos du soldat doit être le « champ d’honneur » où il est tombé en plein combat, au milieu de ses frères d’armes, face à l’ennemi » s’opposent à ceux qui soutiennent que les corps doivent être restitués aux familles. Ces derniers ont beau jeu d’ironiser sur les soi-disant difficultés de transport. Ainsi, le 19 septembre 1919, Raoul Pacaud, député de la Vendée, interpelle à la Chambre Léon Abrami, sous-secrétaire d’État à la Guerre, en ces termes : « J’estime, quant à moi, que cette objection ne tient pas ou bien, si elle tient, il y a des choses qu’il faut modifier. Il vous suffit de vous rendre dans

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les gares du Nord et de l’Est, et même dans les autres gares de Paris, pour voir des affiches coloriées resplendissantes annonçant des trains de plaisir et des voyages d’excursion vers le front. Si vous avez des moyens de transport pour amener des promeneurs sur le front, vous devez en avoir pour ramener les morts. » Tous, par contre, sont unanimes à reconnaître que si rapatriement des corps il doit y avoir, il ne pourra se faire qu’aux frais exclusifs de l’État afin de ne pas léser les familles privées de capacités financières : « À l’égalité du sacrifice doit correspondre l’égalité du traitement3. » 1920 : l’interdiction est levée sous conditions

En définitive, c’est La question du rapatriement des corps des soldats américains, promis par leur gouvernement lors l’entrée en guerre des États-Unis en 1917, qui change la donne. En 2

Pour bien marqué sa volonté, Clemenceau la pérennise par une nouvelle instruction « provisoire » en date du 15 juin 1919. 3 Ministère de la Guerre, Note sur le projet de loi interdisant l’exhumation et le transport des corps militaires français, alliés et ennemis sur le territoire français pendant une période à déterminer, 1919, 16 p. (Gallica) 4 L’exhumation et le transport des corps américains localisés dans l’ancienne zone de l’intérieur avait été donnée dès le mois de décembre 1919.


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dépit des interventions des autorités françaises pour obtenir un fléchissement de l’opinion américaine, l’autorisation est accordée le 2 avril 1920 pour les corps inhumés dans l’ancienne zone des armées, avec application effective au 15 septembre4. Le 28 avril 1920, Alexandre Israël, député de l’Union républicaine de l’Aube, présente au nom de la commission de l’administration générale, départementale et communale de la Chambre des députés une proposition de loi tendant à respecter les volontés des familles pour la restitution gratuite des corps ou leur conservation dans les cimetières du front. Reçue positivement par le Sénat et la Chambre, elle est concrétisée par l’article 106 de la loi de finances promulguée le 31 juillet 1920, ainsi rédigé : « Les veuves, les ascendants et les descendants des militaires ou marins morts pour la France ont droit à la restitution et au transfert, aux frais de l’État, des corps desdits militaires ou marins. Un décret, rendu sur la proposition du ministre de l’Intérieur et du ministre des Pensions, déterminera dans quelles conditions les transferts des corps seront effectués à partir du 1er décembre prochain. » Le décret d’application « relatif au transfert des corps des militaires morts pour la France et des victimes civiles de la guerre » est promulgué le 28 septembre 1920. L’article 1 précise que le transfert des corps sera fait « aux frais de l’État » et qu’il s’applique aux militaires et marins morts pour la France entre le 2 août 1914 et le 24 octobre 1919, ainsi qu’aux victimes civiles de la guerre décédées pendant cette même période et aux réfugiés des départements envahis. Il précise par ailleurs que le transfert des corps comporte les opérations suivantes : « exhumation, mise en bière hermétique, transport collectif par route et par voie ferrée du premier lieu d’exhumation jusqu’au cimetière désigné par la famille, réinhumation dans ce cimetière. » L’article 3 spécifie que seules les veuves, ascendants ou descendants sont autorisés à

solliciter le transfert des corps de leurs proches. Sont donc notamment exclus les « collatéraux », frères ou sœurs5. La demande devra être établie sur un document pré imprimé et « légalisée » par le maire (à défaut par le commissaire) de la commune sur le territoire de laquelle le corps devra être transporté6. Le maire devra, en outre, assurer sur le même document que le cimetière désigné par la famille est, en fait et en droit, en état de recevoir le corps. La demande devra être adressée par leur auteur en deux exemplaires, sous pli recommandé, au ministre des Pensions, bureau des sépultures militaires, 14, avenue Lowendal, Paris 7e. L’article 4 porte que, pour les corps inhumés en France et en Belgique, «  et dont les sépultures sont actuellement identifiées », les demandes devront être produites dans un délai de trois mois à compter de la publication du présent décret au Journal officiel (soit le 2 octobre 19207). Le délai est porté à six mois pour les corps inhumés hors de France et de Belgique. Les familles des militaires et des marins dont les restes seraient identifiés par la suite pourront présenter leur demande de transfert de corps dans un délai de trois mois, à compter du jour où elles auront reçu notification de l’identification, de six mois si hors de France et de Belgique. L’article 5 précise que les opérations de transfert s’effectueront à partir du 1er décembre 1920, successivement, par zone de champ de bataille. Une commission, présidée par le ministre des Pensions, déterminera l’ordre dans lequel elles seront effectuées. Il spécifie que les familles sont libres de faire effectuer, à leurs frais, le transport des corps de leurs proches décédés sur présentation d’une 5

En décembre 1920, André Maginot, ministre des Pensions, fait savoir que les demandes formulées par les frères et sœurs seront « exceptionnellement » admises en l’absence avérée de toute veuve, ascendants ou descendants. 6 À Paris, la demande doit être visée par la préfecture de la Seine, bureau des inhumations. 7 La date butoir du 2 janvier 1921 sera repoussée au 15 février 1921 par suite d’une pénurie de formulaires.

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Identification des morts et sépultures provisoires. « Ruffigné et environs », blog de Michel Bonnier ruffineck44.blogspot.fr/2013/11/album-prisonniers-de-guerre-14-18-en.html#!/2013/11/album-prisonniers-de-guerre-14-18-en.html

autorisation spéciale de transfert. Mais, dans ce cas de figure, l’utilisation du chemin de fer leur sera interdite. Aux contestataires, André Maginot, ministre des Pensions, rétorque que le rail est réservé aux transports collectifs et que déroger à cette règle aurait pour conséquence « de compliquer considérablement le service des chemins de fer ». Les articles suivants (de 6 à 9) se rapportent à l’organisation des opérations de transfert proprement dites. 1921 : les opérations de transfert

Les opérations de transfert intéressent les corps dont l’identité a été établie et les lieux d’inhumation dument répertoriés. Elles intéressent en priorité l’ancienne zone des armées fractionnée pour l’occasion en

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neuf zones de champ de bataille, chacune d’elles étant subdivisée en plusieurs secteurs d’état civil. Pour chacun de ces secteurs, un programme nominatif des exhumations est arrêté dix jours à l’avance, c’est-à-dire le 9 pour les travaux à exécuter du 21 au 30-31, le 19 pour la période du 1er au 19, le 30 pour celle du 11 au 20. Outre les cimetières concernés et l’état nominatif des exhumations projetées, chaque programme dresse la liste des lieux et dates d’approvisionnement en cercueils et désigne les « gares de groupement », première étape vers laquelle diriger les corps réclamés par les familles. L’ordre des cimetières à parcourir et des tombes à rouvrir tient compte de la nécessité de regrouper les corps en fonction de leur destination finale.


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Les programmes décadaires ont pour autre fonction de pouvoir informer individuellement les familles qui en ont fait la demande de la date d’exhumation de leurs proches. Elles peuvent ainsi, si elles le désirent, se rendre sur place le jour dit afin de participer à la reconnaissance des corps. Pour ce faire, elles peuvent bénéficier du voyage gratuit annuel auquel elles ont droit pour se rendre sur la tombe de leurs morts. La demande doit en être faite au réseau qui dessert leur commune. Elle doit être accompagnée d’un document établissant le degré de parenté avec le disparu et d’un certificat établissant son décès, deux pièces à retirer auprès des services de la mairie. En leur absence, et si elles n’ont pas désigné un tiers, les familles sont représentées par des « délégués » volontaires accrédités dans chaque secteur d’état civil. Les opérations de transfert se font sous la direction de représentants du Service de la restitution des corps (SRC) nouvellement créé au sein du Service de l’état civil, des successions et des sépultures militaires. Les premières portent sur la zone de champ de bataille formé des neuf secteurs d’état civil de Senlis, Maignelay, Noyon, Conty, Nesles, Ressons-sur-Matz, Chauny, Pierrefonds et Ailly-sur-Noye, à cheval sur les départements de l’Oise et de l’Aisne. Elles débutent au 1er janvier 1921 et non, comme escompté, le 1er décembre 1920. La procédure est immuable : exhumation du corps, identification, mise en bière, fermeture du cercueil, acheminement par la route vers la gare de regroupement. Ces opérations sont, pour l’essentiel, le fait d’entrepreneurs privés retenus au terme d’adjudications. Ceux-ci mettent à disposition la main-d’œuvre divisée en « fossoyeurs » (ouverture des tombes et extraction des cercueils) et « exhumateurs » (manutention des corps et remise en bière), assurent l’acheminement des cercueils depuis les lieux d’approvisionnement et, une fois la mise en bière terminée, fournissent les camions pour leur transport jusqu’à la gare

de regroupement désignée. Ils doivent être en mesure d’assurer au moins 40 exhumations par jour. La fabrication des cercueils fait, elle aussi, l’objet d’adjudications, toute liberté étant laissée aux candidats quant au choix des modèles. En juillet 1921, les autorités finissent par imposer trois types de cercueils : en chêne de 1,70 m, en chêne de 1,90 m et doublés à l’intérieur de métal. Tous doivent être munis de quatre poignées métalliques et remplis aux deux tiers « de sciure de bois sèche criblée ou de toute matière légère et absorbante ». Les familles restent libres, néanmoins, de fournir un autre modèle de cercueil, pour peu qu’il soit livré le jour dit. Dans un cas ou dans l’autre, les entrepreneurs ont très vite été montrés du doigt pour s’être enrichis de façon peu recommandable, et leurs exactions sont régulièrement dénoncées. Le cynisme des « mercantis de la mort », terme dont les fustige la presse, a été dépeint avec force par Pierre Lemaitre, lauréat du prix Goncourt 2013, dans son roman Au revoir là-haut. « Spéculer sur les morts », c’est une réalité que Béatrice Pau a su aussi mettre en lumière, tout en établissant les responsabilités des uns et des autres. L’une des principales conséquences de ce scandale porté en justice a été la suppression, en 1925, de toute adjudication au profit d’une régie directe par l’État. Le rail au retour comme à l’aller

Une fois le cercueil refermé, le contrôleur du SRC vérifie que la plaque nominative a bien été fixée sur sa face verticale côté pieds, et que le nom du secteur d’état civil et le numéro d’enregistrement, inscrits au pochoir côté tête, concordent avec les indications qui figurent sur son carnet à souches. Le pointage terminé, le contrôleur remet au chef d’équipe qui accompagne le camion les bulletins individuels des cercueils emportés. Sont également du voyage, soigneusement répertoriés et empaquetés (en théorie), les éventuels objetssouvenirs placés sur les tombes par les familles lors de visites antérieures. Les Rails de l’histoire, n° 11 - novembre 2016

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Parvenus à la gare de regroupement, les cercueils sont hissés et arrimés à bord du wagon désigné à cet effet. Là s’arrêtent les obligations des entrepreneurs. Les compagnies de chemin de fer prennent alors le relais. Elles ne peuvent décemment refuser, mais imposent, semble-t-il, leurs conditions : mise en route de trains spéciaux avec, pour chacun, un chargement minimum. Il n’est pas question de travailler dans la dispersion. On sait qu’elles ont accepté de calculer leurs dépenses sur la base du demitarif, sans plus de précision. Il est probable qu’il est fait allusion ici au coût ordinairement demandé avant la guerre pour le transport d’un corps, soit une taxe générale de 0,30 franc à 1 franc le kilomètre selon qu’il s’agit d’un train omnibus ou express et une taxe de transit entre réseaux fixée à 2 francs, celui de l’État formant toujours deux réseaux. En avril 1922, elles consentent le quart du tarif sur la base du transport de 350 cercueils par train avec chargement minimum de 25 cercueils par wagon. Une fois complété, ses portes fermées et scellées, le wagon sera réexpédié à sa gare d’attache – l’une des deux « régulatrices » de

Creil (Oise) et de Brienne-le-Château (Aube) – par le premier train du service régulier. À son arrivée, il est dirigé sur la voie dédiée qui dessert le dépôt mortuaire dans lequel les cercueils sont entreposés le temps de la formation d’un train spécial. Une rame est formée chaque fois que le dépôt mortuaire contient un nombre de corps suffisant à destination d’une même région de corps d’armée ou de deux régions voisines. Cette exigence du transporteur est une source de retards mal vécus par les familles. Henri Auriol, député de HauteGaronne, qui s’est rendu sur place, en fait la remarque au ministre des Pensions (lettre du 10 mars 1921)  : « Il paraît que la faute provient des gares régulatrices, en l’espèce la gare de Creil, qui doivent attendre d’avoir des wagons complets pour effectuer le transport des cercueils. Ainsi, pour qu’un wagon puisse être mis en route, il faut que sept cercueils appartenant à une même région se trouvent groupés. Et si les hasards de la guerre […] font qu’un cercueil appartenant à une contrée lointaine ne puisse être réuni à d’autres cercueils de la même région, il faudra donc attendre des semaines8. » Réponse du ministre

10 novembre 1920, cortège accompagnant vers la gare de Verdun la bière du soldat inconnu. Agence Rol, Gallica.

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(lettre du 22 mars 1921) : « Dès l’origine de l’organisation du transfert de nos morts, il fut admis qu’on procèderait nécessairement à des transports collectifs par trains spéciaux dirigés sur des lignes de transport particulières, fixées par les réseaux et desservant chacune un certain nombre de départements. Toutefois, les Compagnies de chemins de fer, malgré les objections de mes services, exigèrent pour la constitution d’un train spécial un chargement minimum de 1 000 à 1 200 cercueils. La répartition, par destination définitive, des corps dans les cimetières du front est telle que, pour réunir les éléments devant être transportés par un semblable train spécial sur une ligne de transport déterminée, il a été nécessaire et indispensable d’accumuler à la gare régulatrice plusieurs milliers de cercueils. Devant les inconvénients devenus évidents d’un pareil régime, M. le ministre des Travaux publics a pu, sur mes pressantes instances, obtenir des Compagnies de chemins de fer de réduire à 350 le nombre minimum des cercueils devant justifier la mise en marche d’un train spécial. Il est même actuellement prévu que des rames de wagons empruntant les trains normaux d’exploitation pourront être exceptionnellement utilisées. Les mesures de réalisation ont été aussitôt prises. Par un intense travail de jour et de nuit les trains ont été organisés et on a pu ainsi faire partir de Creil un train spécial par jour depuis le 16 courant9. Dans l’avenir, il est vraisemblable que les cercueils ne séjourneront pas plus d’une semaine au dépositoire mortuaire de la gare de Creil10. » La démarche du député Auriol a eu du bon puisque, le 18 mars, en début d’aprèsmidi, Toulouse (siège du 17e corps d’armée) réceptionne un premier lot de trois wagons acheminés par le train parti de Creil deux jours plus tôt. À leur bord, les cercueils de 73 poilus morts pour la France originaires de la région, dont 24 Toulousains. Leur accueil se fait dans les emprises de la gare de Toulouse-Lalande, devant un grand bâtiment « transformé en

vaste dépositoire et orné de drapeaux cravatés de crêpe ». Piquet d’honneur, Marseillaise, discours, Marche funèbre de Chopin, défilé des autorités civiles et militaires devant les cercueils, rien n’est oublié. Soigneusement alignés dans le « dépositoire », les cercueils attendent d’être rendus aux familles, exception faite de ceux des Toulousains, transférés le lendemain au cimetière de Terre-Cabade pour recevoir un dernier hommage de la municipalité fixé au mardi 22. « La ronde des convois » commence donc effectivement le 16 mars. Au départ des deux gares régulatrices de Creil et de Briennele-Château, les wagons sont disposés selon un plan de chargement rigoureux de façon à réduire au maximum les manœuvres à effectuer dans les « gares régionales », première étape vers la destination finale que sont les « gares départementales » vers lesquelles ils sont acheminés isolément par des trains du service régulier. Prenons pour exemple le premier train parti de Creil. Suivant la ligne n° 7, il dessert quatre gares régionales, lesquelles alimentent à leur tour onze gares départementales (voir tableau). À leur arrivée dans les gares départementales, les wagons mortuaires sont garés à l’écart. Le transbordement des cercueils doit se faire le plus discrètement possible afin de ne pas choquer la population. Les wagons ne doivent être ouverts qu’en présence du délégué du préfet, qui surveille l’ensemble des opérations. Il faut les libérer au plus vite car, passé les délais fixés par les compagnies, des frais de 8

« Les Exhumations des soldats morts pour la France », L’Express du Midi, 17 mars 1921. 9 Des trains ont été toutefois expédiés de façon aléatoire avant cette date. Bordeaux reçoit ainsi un premier lot de cercueils dès le 9 mars. 10 « Les Exhumations des soldats morts pour la France », L’Express du Midi, 30 mars 1921 Le 17 mars, un second train suit la ligne n° 3 (Seine-Inférieure, Eure, Calvados, Manche) ; le 18, un troisième la ligne n° 9 (Yonne, Côte d’Or, Jura, Doubs, Saône-et-Loire, Indre, HauteSavoie, Savoie, Isère, Hautes-Alpes, Basses-Alpes) ; etc.

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Desserte des rames mortuaires de la ligne n° 7 au départ de la régulatrice de Creil Itinéraire : gares régionales desservies successivement Vierzon (Cher) St-Sulpice-Laurière (Haute-Vienne)

Brive (Lozère)

Cahors (Lot)

stationnement sont facturés. Le déchargement des cercueils est le fait de manutentionnaires (agents municipaux ou employés de maisons de pompes funèbres) convoqués par les autorités civiles. Une fois débarqués, les cercueils sont entreposés, par commune, dans un dépositoire créé à cet effet. Les compagnies perçoivent un loyer en retour11. Si, pour la majorité, l’acheminement jusqu’au cimetière désigné se poursuit par la route, pour quelques-uns un nouveau convoyage par chemin de fer s’impose. La responsabilité du transfert incombe aux maires, avertis à l’avance de l’arrivée d’un convoi et de l’identité des corps. À charge pour eux de réceptionner personnellement les cercueils (ou de désigner un représentant) et d’assurer leur transport jusqu’aux cimetières communaux. Les frais inhérents à la manutention en gare, au transport de la gare au cimetière, au creusement de la tombe et à l’inhumation sont du ressort de l’État, y compris le remboursement des frais de déplacement des édiles (un allerretour en 3e classe si le trajet est effectué par le train). Les familles qui effectuent elles-mêmes ces opérations sont indemnisées suivant les mêmes barèmes. 11

Gares départementales desservies à partir de chaque gare régionale Châteauroux (Indre) Guéret (Creuse) Limoges (Haute-Vienne) Périgueux (Dordogne) Aurillac (Cantal) Capdenac (Aveyron) Albi (Tarn) Agen (Lot-et-Garonne, Tarn-et-Garonne) Auch (Gers) Toulouse (Haute-Garonne) Pamiers (Ariège) Castelnaudary (Aude) Perpignan (Pyrénées-Orientales)

Les restitutions par trains spéciaux se poursuivent sans discontinuité jusqu’en 1923, excepté lors des trêves estivales. Audelà, elles se font par wagons isolés. Quoique relativement limitées, les erreurs d’aiguillage sont bien réelles : corps qui arrivent sans être annoncés ou, inversement, attendus en vain car dirigés sur un autre point. Dans tous les cas, les compagnies ferroviaires n’ont rien à se reprocher, leurs agents ne faisant qu’appliquer les instructions données au moment de la remise des wagons entrant dans la composition des rames. Pour quel bilan ? En mars 1936, dans une circulaire adressée aux préfets, Alain Sarraut, président du Conseil, affirme que, « en exécution de l’article 106 de la loi de finances du 31 juillet 1920, les restes de 250  000 militaires morts pour la France inhumés dans l’ancienne zone des armées ont été restitués aux familles qui en avaient fait la demande dans les délais légaux ». En tenant compte des restitutions en provenance de l’ancienne zone de l’intérieur et de l’étranger, ce chiffre pourrait atteindre 300 000, soit 30 % des pertes.

Ainsi, le 5 octobre 1921, le conseil général des Alpes-Maritimes loue « la bienveillance » du PLM qui a mis un « local » à la disposition de l’Administration moyennant « un loyer minime ». À cette date, et depuis le 24 mars, 209 cercueils ont été reçus en gare de Nice, arrivés par sept convois.

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Il y a 80 ans naissait le billet populaire de congé annuel Bruno Carrière

Pour beaucoup, et pendant longtemps, congés payés et « billet populaire de congé annuel », synonyme d’évasion, ont été indissociables. Sans lui, bien des escapades n’auraient pu être. Ce que rappelle fort justement L’État notre réseau, la revue mensuelle des chemins de fer de l’État, dans son numéro d’octobre 1936 : « S’il est impossible de songer au voyage lorsqu’on n’a pas de vacances, s’il est encore très difficile d’y penser lorsqu’elles ne sont qu’une période de chômage forcé, le déplacement reste souvent inaccessible quand, malgré le salaire, il faut grever son budget du prix d’un voyage pour toute la famille. » Et de préciser que les réseaux « se sont efforcés de faciliter pécuniairement l’exode des travailleurs en accordant une large réduction (40 %) sur le prix des billets à tous les salariés et à leur famille ». « C’est anti-ferroviaire ce que vous demandez là ! »

Dire que les réseaux ont adhéré spontanément à l’idée d’offrir aux travailleurs le moyen matériel de s’évader serait une contrevérité. Dans ses mémoires1, Madeleine Lagrange revient sur cet instant précis où son époux, Léo Lagrange, sous-secrétaire d’État à l’Éducation nationale, chargé des Sports, des Loisirs et de l’Éducation physique au sein du cabinet Blum, invite les dirigeants des principales compagnies ferroviaires, réunis dans son bureau, à créer un billet spécifique aux congés payés donnant droit à une réduction importante sur le tarif normal. La proposition est accueillie par un silence glacial. Directeur

général du réseau de l’État et président du comité de direction des grands réseaux, Raoul Dautry proteste : « Les chemins de fer ne peuvent transporter à perte tout le monde. Monsieur le Ministre, c’est anti-ferroviaire ce que vous demandez là ! » Passant outre, Lagrange reprend avec passion ses explications avant de conclure dans un nouveau silence : « Est-ce oui ou non, Messieurs ? » Un temps mort. Et Dautry de répondre : « C’est oui, monsieur le Ministre ; dans quatre jours vous aurez le billet Lagrange. » Même si d’aucuns affirment qu’il aurait cédé pour entrer dans les bonnes grâces des socialistes, le résultat est là, et bien là. Selon Madeleine Lagrange, cette entrevue se serait déroulée dans les tous derniers jours du mois de juillet. Mais tout laisse à penser qu’elle s’est tenue à une date antérieure. En effet, les procès-verbaux du conseil d’administration du réseau de l’État nous apprennent que, dès le 24 juillet, Raoul Dautry informe ses collaborateurs qu’« un tarif spécial de congé annuel, comportant une réduction de 40 % pour toute la famille, est en préparation ». Il expose les mesures qui ont été prises « pour permettre aux ouvriers, au personnel des grandes usines notamment, de voyager pendant leurs vacances, et pour que les chemins de fer soient prêts à faire face, sans défaillance, à cet afflux d’une clientèle nouvelle au sujet duquel on n’a encore aucun élément d’appréciation ».

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Madeleine Léo-Lagrange, Le Présent indéfini, mémoire d’une vie, Orléans, Corsaire Édition, 1998.

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Plus généralement, il rapporte que des bureaux de renseignement et de location de places ont été installés aux usines Renault2, et qu’il est intervenu pour que ces dernières et celles de Citroën ne fassent pas partir leur personnel le même jour, « de manière à essayer d’émousser, conformément à une pratique courante, la pointe de trafic ». De fait, c’est le 29 juillet que les réseaux déposent sur le bureau du ministre des Travaux publics leur demande d’intégrer un « billet populaire de congé annuel » dans les tarifs voyageurs. Et, bien que la proposition ne soit homologuée par Albert Bedouce que le 9 septembre, «  à titre provisoire  », elle est rendue effective dès le 2 août. L’annonce officielle au public en est faite ce même 29 juillet. Par un communiqué, Lagrange rend compte des initiatives qui ont été prises, tant par les réseaux ferroviaires que par les compagnies de navigation et d’autocars, les agences de voyages et les hôteliers, au profit des futurs bénéficiaires des congés payés. La création du billet populaire de congé payé avec réduction arrive en tête de liste. La presse, jusqu’alors muette sur la question, en fait largement écho le 31 juillet. Outre les avantages du billet, elle insiste sur les modalités de son obtention, notamment l’obligation de fournir le formulaire portant l’attestation patronale ouvrant droit aux congés payés dûment signé3. Ce formulaire est rendu disponible le 31 juillet. Il doit être retiré : pour les particuliers, dans les gares parisiennes et celles de province les plus importantes ; pour les entreprises, directement auprès de l’imprimerie PLM de Paris, au 212, rue de

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Bercy. Les Parisiens, qui forment de loin le contingent potentiellement le plus important, bénéficient de structures spécifiques où se renseigner. À chaque arrondissement, son interlocuteur : ainsi les habitants des 8e, 15e, 16e et 17e arrondissements sont priés se rendre en gares Saint-Lazare ou Montparnasse, ou de téléphoner aux numéros Laborde 74-31 ou Littré 43-61. 2

Pour éviter l’encombrement aux guichets des gares, des bureaux ont été effectivement ouverts dans différents établissements industriels et même, en 1938, à la mairie de Montrouge. 3 Le patron doit justifier la qualité d’employé ou d’ouvrier du demandeur, indiquer les dates du congé payé et certifier que c’est la première fois qu’il délivre le formulaire pour l’intéressé.


« Qui a inventé les congés payés ? » Pour beaucoup, Front populaire rime avec congés payés. Mais peu savent que cette formidable avancée sociale ne figurait pas à son programme. Un constat d’autant plus surprenant que de nombreux pays étrangers avaient fait inscrire ce droit dans leur législation depuis fort longtemps déjà, parmi eux l’Allemagne dès 1905 ; l’AutricheHongrie, le Danemark et la Norvège en 1910 ; la Finlande, l’Italie, la Tchécoslovaquie et la Pologne au début des années 1920, etc. Curieusement, ce sont les représentants des travailleurs eux-mêmes, CGT en tête, qui se montraient les moins empressés, peu convaincus de l’intérêt d’une mesure qu’ils jugeaient illusoire ou, pire, offensante pour les travailleurs (1). Pour preuve, en 1935, les « vacances payées » n’apparaissent qu’au onzième rang des préoccupations des ouvriers de chez Renault, derrière un garage à vélos ! En fait, comme le fait remarquer Jacques Marseille («  Qui a inventé les congés payés ? », L’Histoire, n° 197, mars 1996), la revendication apparait plutôt comme le projet philanthropique et hygiéniste d’une élite réformatrice, rassemblant syndicalistes chrétiens, hauts fonctionnaires et chefs d’entreprise paternalistes, tels ceux d’Alsace et de Lorraine où près des deux tiers des entreprises accordaient déjà des congés annuels à leurs ouvriers. Ce sont ces milieux qui, en 1925, à l’époque du Cartel des Gauches, avaient vainement exigé que soit rapidement voté le projet de loi Durafour, du nom du député radical-socialiste de la Loire et ministre du Travail, qui tendait à instituer des vacances obligatoires et payées pour tous. Pour tous, car les fonctionnaires de l’État bénéficiaient déjà, depuis 1853, de quinze jours de congés payés, suivis, à partir de 1900, des salariés de quelques administrations publiques et entreprises du secteur privé (2). Jaillissant du mouvement de grèves des mois de mai et juin

1936, le droit aux « vacances payées » est repris au vol par Léon Blum, qui en fait l’annonce à la radio le 5 juin. Rédigé en une nuit par Charles Picquenard, directeur du Travail, déjà en fonction au moment du projet Durafour, le texte de loi est déposé à la Chambre le 9 juin et voté le 11 juin à l’unanimité des 592 votants. Le Sénat n’ayant, de son côté, soulevé aucune objection, la loi est promulguée le 20 juin 1936. Les premières circulaires d’application et d’interprétation sont des 1er, 6 et 24 juillet, le décret d’application du 1er août. (1) Davantage préoccupée par la durée de la journée de travail, et profondément attachée à la « valeur travail », la CGT n’a inscrit qu’en 1926 le droit à congés payés dans son programme. Mais si cette revendication était réelle, ce n’était pas celle qui était mise le plus en avant lors des mouvements de grève ou dans les négociations avec le patronat. (2) Avant 1914, les compagnies ferroviaires accordaient également des congés annuels « à solde entière », mais aucune règle commune à tous les réseaux n’existait encore.

La lutte des classes

Le Journal des débats, 9 août 1936.

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Les bénéficiaires

Le billet populaire de congé annuel (dit aussi « billet Lagrange ») s’adresse à tous ceux qui remplissent les conditions d’attribution des congés payés instituées par la loi du 20 juin 1936, à savoir une semaine (dont six jours ouvrables) pour six mois de travail continu chez un même employeur, deux semaines (dont douze jours ouvrables) pour douze mois4. Il concerne, toujours selon la loi, les ouvriers, employés, apprentis ou compagnons liés par un contrat de travail et oeuvrant dans les domaines de l’industrie, du commerce, des professions libérales, des services domestiques et de l’agriculture. Au lendemain de sa mise en application, Lagrange précise que peuvent également en bénéficier les fonctionnaires, employés de l’État, des départements ou des

Exemple de prospectus distribué par les grands réseaux pour promouvoir les tarifs réduits. Coll. Rails et histoire.

communes. Bien entendu, pour peu qu’ils soient portés sur le billet, l’épouse et le ou les enfants mineurs de l’ayant droit jouissent de la même réduction, soit 40 %. Les enfants de 3 à 7 ans continuent, toutefois, de bénéficier du demi-tarif du régime commun5. Le billet populaire de congé annuel impose un aller et retour qui, confondus, doivent totaliser au moins 200 km. Il donne droit à une réduction de 40 % calculée sur le coût de deux billets simples à place entière en 3e classe, sans possibilité de surclassement. La famille du bénéficiaire doit obligatoirement 4

En 1934, déjà, les grands réseaux mutualisent leurs offres tarifaires. La Vie du Rail, n° 2051 (3 juillet 1986).

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Pour mémoire, le repos hebdomadaire est institué en 1906, la troisième semaine de congé en 1956, la quatrième semaine en 1969, la cinquième semaine en 1982. 5 Les limites d’âge sont repoussées à 4 et 10 ans par décision du Conseil supérieur des chemins de fer du 1er juillet 1937 avec application au 20 juillet.


Il faut se méfier des idées toutes faites Si l’on excepte les chemins de fer de l’État, les grands réseaux n’évoquent que fort discrètement cette « révolution », les préoccupations économiques (un complément de trafic) prenant le pas sur les considérations sociales. Pour s’en convaincre, il suffit d’examiner les rapports aux actionnaires se rapportant à l’année 1936 (publiés au printemps 1937). L’Est se contente de mentionner le nouveau billet sans autre commentaire. Le Nord en fait l’un des traits caractéristiques de son trafic voyageurs avec l’inauguration, le 15 octobre 1936, du nouveau service de ferry-boats entre Dunkerque et Douvres. Il met en exergue « l’institution des congés payés qui, au cours de la période des vacances, a amené sur [ses] lignes l’afflux d’une clientèle en partie nouvelle ». Le PLM attribue l’augmentation en 1936 de ses recettes voyageurs aux congés payés et au billet populaire, à égalité avec les déplacements vers les stations de sports d’hiver. Le PO-Midi souligne le « grand succès » du billet populaire et précise que 113 669 voyageurs en ont bénéficié. En vérité, il faut reconnaître aux grands réseaux le mérite de s’être appliqués, bien avant la généralisation des congés payés, à faciliter les déplacements estivaux des populations aux revenus modestes. Ils ont ainsi accepté de prêter un concours actif aux agences de voyages qui s’en sont fait une spécialité (trains Bonnet, trains Cocula) et ont organisé (notamment le PLM depuis 1933) des trains spéciaux dits «  de vacances  » offrant des réductions très importantes. Le Journal des débats du 27 juillet 1936 se fait ainsi l’écho, sous le titre « Le Tourisme à bon marché », de la mise en route, à la demande de Lagrange, d’un train spécial de nuit pour la Côte d’Azur. Programmé pour le 3 août au départ de Paris, avec retour au départ de Nice le 18, il offre 800 places de 3e classe (dix voitures) bénéficiant d’une

réduction de 60 % pour les adultes et de 80 % pour les enfants. Les billets sont mis en vente directe gare de Paris-Lyon à partir du 29 juillet, de 7 h à 16 h, jusqu’à épuisement. 784 places trouveront preneur. Toujours à la demande de Lagrange, un train similaire est organisé par le PO-Midi les 16/29 août à destination Toulouse, Luchon et Ax-les-Thermes. Les réseaux offrent aussi de nombreuses formules de billets à prix réduits. Exemple, en juilletaoût 1936, ils mettent l’accent sur le billet collectif pour dix personnes d’une validité de 20 jours ouvrant une réduction de 50 % sur tout voyage circulaire. Il faut donc se méfier des idées toutes faites. Fin août 1936, le gouvernement publie un communiqué sur les « symptômes » d’une reprise économique. Parmi les acteurs de cette embellie figurent le billet populaire de congé annuel – dont plus de 250 000 personnes auraient profité au 20 août. Peut-être, mais la reprise ne l’a pas attendu. Pour preuve, le nombre de voyageurs (grandes lignes et grande banlieue) ayant transité par les gares parisiennes du réseau de l’État (Saint-Lazare, Montparnasse, Invalides) pendant les trois journées les plus chargées du mois d’août 1936 est en augmentation de 28 % par rapport à celles de 1935, et cela sans la participation du billet populaire interdit pendant ces trois jours de pointe. Gageons qu’une partie des bénéficiaires des congés payés ont participé à ce bond, mais en renonçant au dit billet dont les modalités d’utilisation ne présentent pas que des avantages. Dans les faits, seules 549 205 personnes recourent au billet populaire en 1936 et 907 857 en 1937. Et, en 1938, les bénéficiaires de « billets populaires » et de « loisirs agricoles » ne représentent que 0,13 % du nombre total des voyageurs et 3,8 % de la recette totale.

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Paris-Soir, 31 juillet 1936.

voyager avec lui, tant dans un sens que dans l’autre. Il est libre de son itinéraire, qu’il peut modifier au retour, tout allongement du parcours initial donnant lieu au paiement du supplément correspondant. Le séjour sur place doit être au minimum de cinq jours, le jour d’arrivée et le jour de départ comptant dans ce minimum. Mais la validité du billet étant d’un mois, il permet à son bénéficiaire de prolonger ses vacances, à ses frais, au-delà de la période de ses congés payés proprement dite. Enfin, il ne peut être utilisé – et c’est la principale condition des réseaux – qu’en dehors des pointes de trafic ordinairement enregistrées au moment des grands départs, excepté donc les 1er, 14, 15, 16, 29, 30 et 31 août et les 29 et 30 septembre. La création du billet populaire de congé annuel donne lieu à toute une série d’initiatives commerciales. Nombre d’agences de voyages, d’hôtels et de pensions de famille

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se font une spécialité de cette nouvelle clientèle potentielle, réservant leurs activités aux détenteurs du précieux sésame avec force ristournes. La presse foisonne d’annonces en ce sens. Lagrange encourage ce mouvement. C’est ainsi que, fin août 1936, il obtient de la Chambre syndicale des hôteliers, débitants de boissons, limonadiers, restaurateurs de Paris et de sa banlieue la concession de tarifs spéciaux pour les bénéficiaires de billets populaires. Le Petit Parisien du 3 octobre 1936 rend compte d’une rencontre ayant réuni Lagrange, le commissaire général au tourisme et les directeurs généraux des réseaux pour dresser un premier bilan. Les résultats sont satisfaisants puisque plus de 300 000 billets ont été émis pour le seul mois d’août et les statistiques du mois de septembre s’annoncent aussi favorables. Tous les travailleurs n’ayant pu prendre leurs congés, notamment les ouvriers saisonniers, Lagrange demande aux représentants des réseaux d’accepter la prolongation du tarif du 31 octobre, date initialement choisie pour marquer la fin de l’expérience, jusqu’à la fin de l’année. Les participants se séparent sur un accord de principe à soumettre au ministre des Travaux publics et sur la nécessité, au regard des enseignements retirés, d’apporter des aménagements à la délivrance des billets « pour assouplir les formalités et éviter toute possibilité de fraudes »6. Le « nouveau » billet populaire de congé annuel

En définitive, la date limite de délivrance du billet populaire de congé annuel est repoussée, non pas au 31 décembre, mais au 1er mars 1937. Les raisons évoquées sont d’autoriser les travailleurs saisonniers à en bénéficier, de permettre à ceux qui n’ont pas pu prendre leurs vacances en été de connaître les joies et les bienfaits de la montagne en hiver, de parvenir à un meilleur étalement des vacances. C’est à cette dernière date aussi que doit entrer 6

La plus courante étant l’obtention par et pour un même travailleur de plusieurs attestations patronales.


ON EN A PARLÉ

Gare d’Orsay, l’affluence des voyageurs au guichet au moment des départs d’été. PO-Illustré, septembre 1936.

en vigueur le « nouveau » billet populaire, adopté le 17 février 1937 par la commission permanente du Conseil supérieur des chemins de fer. Sa mise en place est retardée et Lagrange n’en dévoile les modalités que le 23 avril 1937 devant un parterre de journalistes réunis pour l’occasion. Il est entendu que, à compter du 15 mai, les billets ne seront plus délivrés que sur présentation d’un carnet d’identité valable cinq ans. La demande devra en être faite à la gare qui dessert le domicile du bénéficiaire. Elle devra être accompagnée : d’une pièce officielle justifiant son identité et sa nationalité (livret militaire, carte d’électeur, carte d’identité, etc.) ; d’une photographie ; du livret de famille pour faire inscrire les ayants-droit (femmes et enfants mineurs, mère s’il est célibataire). Les artisans et les métayers devront joindre un certificat attestant de leur qualité, obtenu auprès du contrôleur des Contributions directes pour les premiers, de l’administration des assurances sociales pour les seconds. Les

frais de confection du carnet seront de 5 francs. Il est cependant conseillé de ne pas attendre le dernier moment pour en faire la demande, le délai normal de délivrance étant de deux mois. En cas d’urgence, ce délai pourra cependant être ramené à 15 jours, mais moyennant 20 francs. Son renouvellement interviendra tous les cinq ans sur simple demande. Il s’agira en fait d’un simple échange qui n’exigera la présentation d’aucune pièce d’identité. Seule une photographie récente sera exigée. En cas de perte, un duplicata peut être délivré après expiration d’un délai de 15 jours et paiement d’une taxe de 30 francs. Lors de l’achat des billets, autorisé au guichet d’une gare quelconque, l’ouvrier et l’employé seront tenus de présenter les attestations patronales (coupons sécables) qui, dûment remplies, seront insérées dans le carnet d’identité. Dans le cas où les membres d’une famille ne rentreraient pas de vacances ensemble, le demandeur devra remplir les coupons A et B de l’année en cours. Les Rails de l’histoire, n° 11 - novembre 2016

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En raison de l’affluence que laisse présager l’emploi des billets populaires (et autres billets à prix réduits), les réseaux se réservent le droit d’interdire l’accès de certains trains (désignés quelques jours avant la date du départ) aux porteurs des billets en question. Le nouveau billet prend en compte certaines revendications. Ainsi, il était reproché à l’ancien billet de ne bénéficier qu’aux seuls ouvriers, employés, artisans, métayers français résidant en France et à l’étranger. Désormais, les étrangers domiciliés en France peuvent en profiter si un traité de réciprocité a été passé entre la France et leur pays d’origine. En outre, pour les Français résidant à l’étranger, hors l’Europe, la validité du billet est portée de un à deux mois. Autre amélioration, tout célibataire peut en faire bénéficier sa mère, à condition cependant qu’elle vive avec lui. Enfin, disposition la plus critiquée car elle

écourtait arbitrairement les vacances des enfants, l’obligation faite au titulaire du billet de voyager avec sa famille tant à l’aller qu’au retour est levée : désormais son épouse et sa progéniture peuvent décaler leur retour à souhait. Avec cette mesure, disparaît aussi l’accusation portée contre le billet populaire de congé annuel, que l’on disait fait surtout pour les célibataires et les ménages sans enfant. Demeure le problème, non résolu, des départs différés qui font perdre de précieux jours de vacances. « Donner de la main droite et reprendre de la main gauche », c’est sous ce titre que Paris-Soir publie le 17 juillet 1937 la lettre d’un couple qui, bénéficiaire d’un congé payé de deux semaines, se plaint du fait que l’interdiction d’utiliser les billets populaires les 13, 14, 15, 16, 30 et 31 août a pour résultat d’amputer leur séjour à la mer de cinq jours7. En conséquence, ils ont pris la décision de se

Délivrance des billets dits « populaires » dans une grande usine de la région parisienne. PO-Illustré, septembre 1936.

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Trois jours suite à l’interdiction d’emprunter les trains au départ : dimanche 15 (début du congé), lundi 16 et lundi 30 ; deux jours perdus pour l’aller (mardi 17) et le retour (dimanche 29).

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rabattre sur un billet « famille », plus coûteux mais qui n’est soumis à aucune restriction d’utilisation. Ce non-sens, les réseaux l’attribuent au patronat auquel ils reprochent de fermer arbitrairement commerces et usines le 1er ou le 15 du mois sans tenir compte du phénomène des « grands départs » qui engorge l’outil ferroviaire et conduit à imposer des règles d’utilisation des billets. Aussi ne cessentils – et la SNCF poursuivra en ce sens – d’intervenir auprès des employeurs pour qu’ils tiennent compte des impératifs du trafic. Le billet de « loisirs agricoles »

L’extension du billet populaire de congé annuel aux petits agriculteurs exploitants est sollicitée en décembre 1936 par le chanoine Polimann, député de la Meuse, lors de la discussion budgétaire portant sur les questions agricoles. Le 1er juillet 1937, à la demande du ministre des Travaux publics, le Conseil supérieur des chemins de fer invite les réseaux à étudier l’extension du bénéfice du billet populaire à certaines catégories nouvelles, en particulier aux petits agriculteurs. Le 7 juillet 1937, le Conseil supérieur des chemins adopte la création du billet de « loisirs agricoles » pour les petits agriculteurs français exploitants non assujettis à l’impôt général sur le revenu, qui ne possèdent ou exploitent que des terres dont le revenu cadastral total n’excède pas 500 francs et qui sont inscrits sur les listes d’électeurs des chambres d’agriculture. Rendu effectif au 1er octobre 1937, il reprend en tous points les modalités du billet populaire de congé annuel. Le 9 juillet 1937, le Conseil supérieur des chemins approuve les augmentations de tarifs des chemins de fer. Pour les voyageurs, elle est de 5, 6 et 7 centimes par kilomètre en 3e, 2e et 1re classes. Son application est fixée au 20 juillet, exception faite, politique gouvernementale oblige, des billets de familles nombreuses et les billets populaires qui continuent de bénéficier

Paris-Soir, 28 mai 1937.

Le Figaro, 16 décembre 1937.

du maintien de l’ancien tarif jusqu’au 30 septembre, et des billets de loisirs agricoles épargnés jusqu’au 31 décembre. En mars 1938, une proposition de résolution est déposée à la Chambre visant à faire profiter du billet populaire de congé annuel les commerçants et retraités en dessous d’un certain seuil de revenus. À la déclaration de guerre en septembre 1939, la SNCF, compte tenu de la mise en place d’un service de trains restreint, est autorisée à suspendre certains tarifs à prix réduits. Parmi ceux-ci figurent les billets populaires de congé annuel et les billets de loisirs agricoles.

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Il y a 50 ans, la création du Service de la Recherche Dans le cadre du Livre des 20 ans de l’AHICF*, François Caron avait reproduit l’exposé de Roger Guibert, directeur général de la SNCF, sur l’activité du Service de la Recherche de 1966 à 1971, tel que présenté au conseil d’administration le 15 décembre 1971. Nous vous proposons aujourd’hui l’exposé que le même Roger Guibert fit en préambule à la création de ce Service le 27 juillet 1966. « L’organisation actuelle de la recherche à la S.N.C.F. est une organisation intégrée, c’està-dire que la recherche est incorporée aux services utilisateurs, par opposition à une organisation centralisée où la recherche est regroupée dans un service spécial et répartie par secteurs de connaissances scientifiques. C’est ainsi que 6 Directions ou Services s’occupent des recherches : Matériel et Traction, Installations Fixes, Etudes Générales, Commerciale, Mouvement, Approvisionnements. Pour ces recherches, quelques agents sont utilisés à temps plein, mais la plupart ont également d’autres fonctions. Ces agents sont répartis dans une vingtaine de divisions, subdivisions, sections et laboratoires. La coordination entre les différents services de recherches se fait soit par des contacts entre ces Services, soit par des Comités InterDirections, enfin, depuis septembre 1965, par une Commission de la Recherche, que préside M. LEFORT1.

*

RHCF n° 39 - (2008/2), p. 33-43 ; http://rhcf.revues.org/814 Henri Lefort, directeur général adjoint de la SNCF de juillet 1961 à septembre 1971.

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Les sommes consacrées à la recherche en 1965 se sont élevées à 31 M au Compte d’Exploitation et à 3,8 M au budget d’investissements. Le personnel qui lui est affecté s’élève à environ 350 à 400 agents, dont 70 % du Matériel et Traction. D’autre part, nos chercheurs disposent d’un certain nombre d’équipements : - centre de calcul du Service des Études Générales, - centre d’essais de St-OUEN des Installations Fixes, - station d’essais de VITRY, laboratoire électronique de VITRY et laboratoire de chimie et de mécanique de LEVALLOIS, de la Direction du Matériel et de la Traction, - calculatrices analogiques de la Division des Études de Traction Électrique et de la Division des Études de Traction à moteurs thermiques, - appareils divers de la Section des Essais et Recherches du Matériel et Traction et 20 voitures d’expériences et d’essais. J’ajouterai que quelques recherches sont confiées à des organismes extérieurs et qu’une liaison étroite est assurée avec les propres recherches de nos constructeurs. Enfin, nous participons, bien entendu, aux travaux de l’O.R.E. qui est l’Office


IL Y A 50 ANS

Le banc de Vitry, gouache d’Albert Brenet en couverture de notre Métier, n° 100 (22 avril 1947).

de Recherches de l’ensemble des Réseaux membres de 1’U.I.C. Cet organisme, établi à UTRECHT, répartit, entre les Administrations qui en sont membres, les recherches et essais de manière à éviter les doubles emplois et à obtenir le maximum d’efficacité des moyens dont jouissent les Réseaux ; il dispose d’une station d’essais à VIENNE et son budget s’est élevé à 6,5 M de F pour l’exercice 1964/1965. Malgré l’importance des recherches effectuées et les résultats brillants obtenus (souvent mal connus d’ailleurs à l’extérieur) dans les progrès de nos engins de traction, dans nos installations de signalisation, dans l’automatisation des triages, dans la suspension des voitures, dans les circulations à grande vitesse, le traitement de l’information, etc., notre organisation actuelle ne paraît pas suffisante pour nous donner toute sécurité sur la place du Chemin de fer dans l’avenir au milieu d’autres modes de transport de plus en plus perfectionnés et de plus en plus concurrents.

Déjà, pour l’ensemble de l’économie française, les dépenses de recherches ne représentent que 1,5 % du produit national brut, alors qu’en HOLLANDE elles atteignent 1,8 %, en GRANDE-BRETAGNE 2,2 %, aux U.S.A. 3,1 % (d’après une statistique de la Délégation Générale de la Recherche Scientifique et Technique de 1962). En FRANCE, la place de la S.N.C.F. est relativement modeste puisque, comparée aux autres organismes de recherches du secteur public, la S.N.C.F., avec les 345 agents qu’elle a consacrés à la recherche en 1964, se place loin derrière le Centre National d’Etudes des Télécommunications (2 700 agents), l’E.D.F. (1 740), le CERCHAR (722) et même le Gaz de France (523). Dans le secteur privé, l’Institut de Recherches pour les huiles et oléagineux avait un effectif, en 1964, de 2 150 agents, l’Institut Français du Pétrole de 1 436 agents, l’Institut de Recherches du coton et des textiles exotiques de 1 305 agents, l’Institut Français du café, du cacao et autres plantes stimulantes de 1 249 agents, l’Institut de Recherches de la Sidérurgie de 669, etc. En fait, les recherches que nous effectuons à la S.N.C.F. ne sont très complètes qu’en ce qui concerne le perfectionnement de l’outil actuel, avec d’ailleurs plus d’approfondissement lorsqu’une seule Direction est en cause. Des recherches prospectives sont également faites pour des méthodes et équipements nouveaux concernant toujours le chemin de fer classique (par exemple, les grandes vitesses et l’automatisation), mais ces recherches prospectives sont encore fragmentaires et ne couvrent pas l’ensemble du problème. Et elles ne concernent pas les moyens de transport nouveaux. Enfin, faute de cadres appropriés, nos recherches sont malheureusement insuffisantes en ce qui concerne les sciences économiques, qu’il s’agisse de liaison entre techniques et économie, ou de la prévision du trafic à long terme.

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L’ancien triage de Vernouillet. Photo Patrick Meunier, 1969.

On peut encore dire que la publicité sur nos recherches est insuffisante, aussi bien à l’intérieur de la S.N.C.F. qu’à l’extérieur. Or, il paraît nécessaire, en face d’une concurrence envahissante, de repenser nos structures d’exploitation, de retrouver des sources d’accroissement d’une productivité qui tend à s’essouffler, de donner au rail ses chances maxima dans le domaine des transports, de ne pas laisser échapper des techniques nouvelles entrant dans la vocation de notre Société, enfin de donner confiance dans notre avenir, tant aux Pouvoirs Publics qui contrôlent nos investissements qu’à nos cadres actuels et aux éléments de valeur que nous voulons recruter. Pour étudier l’organisation de nos Services de recherches, nous avons constitué un groupe de travail composé de hauts fonctionnaires des trois grands Services : Exploitation, Matériel et Traction et Installations Fixes, et présidé par M. GENTIL2, Chef du Service de l’Exploitation de la Région de l’Est. Ce groupe de travail s’est prononcé pour le regroupement des recherches dans un centre spécialisé, la recherche intégrée dans les services utilisateurs lui ayant semblé présenter beaucoup d’inconvénients. En effet, les agents affectés aux recherches sont trop absorbés par les tâches quotidiennes pour porter leur esprit vers des buts plus lointains. D’autre part, 2

Paul Gentil, directeur général adjoint (1971-1974) puis directeur général de la SNCF (1974-1985).

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les qualités que doit posséder un chercheur sont très différentes de celles que doit réunir un gestionnaire. Le personnel de haute qualification ne peut être recruté séparément par chaque Direction, mais doit l’être en facteur commun. Enfin, la recherche intégrée conduit à une dispersion géographique des organismes de recherches qui est extrêmement gênante. Après avoir pris contact avec 1’U.I.C., les centres de recherches des Chemins de fer Polonais (PKP), des Chemins de fer Britanniques, de l’E.D.F., des Charbonnages de France et de la C.G.E., le groupe de travail propose la création d’un centre de recherches spécialisé qui laisserait dans chaque Direction une partie de recherche intégrée : celle qui est étroitement associée aux études courantes. Le point délicat est évidemment de tracer une frontière entre ce qui resterait aux Directions et ce qui serait centralisé. A priori serait centralisé tout ce qui est prospective (mouvement, commercial ou technique) et ce qui intéresse à la fois plusieurs Directions. L’organisation du centre se ferait suivant la formule horizontale, c’est-à-dire qu’il serait divisé par disciplines scientifiques. On ferait appel à des spécialistes de haute qualité pour les mathématiques appliquées, l’électronique, la mécanique, l’économie, etc. Afin d’éviter le cloisonnement de ces différentes sections, des liaisons verticales seraient organisées sous forme de groupes de travail consacrés à un projet déterminé et dirigés par un directeur de projet. Le centre de recherches serait divisé en trois département : le département des programmes, chargé des liaisons avec la Direction Générale et rassemblant les directeurs de projet ; le département de l’information, chargé de l’information interne ou externe, des contacts avec d’autres organismes de recherches, des questions de brevets, etc. et le département de gestion.


IL Y A 50 ANS

Un premier examen indique que l’effectif à prévoir, en première étape au moins, serait de l’ordre de 200 à 300 agents, dont une bonne partie en provenance du Réseau. Bien entendu, nous n’oublierons pas que, sur le plan international, nous sommes solidaires des autres Réseaux en matière de recherches et que nous devons associer nos efforts avec les leurs dans le cadre de l’U.I.C. et de l’O.R.E., mais nous pensons qu’un centre bien outillé à la S.N.C.F. ne pourra que faciliter cette coopération internationale. En ce qui concerne l’implantation du Centre, il n’est pas possible de trouver la place nécessaire à proximité de la station de VITRY, laquelle ne peut être raisonnablement déplacée avant longtemps en raison de l’importance des investissements qui y ont été réalisés. D’autre part, il y a intérêt à installer le centre de recherches dans un espace de campagne, isolé du bruit et de l’agitation. Les différents directeurs des centres de recherches qui ont été consultés ont tous attiré l’attention sur la nécessité de voir grand en ce qui concerne le terrain, de façon à préserver l’avenir. Un emplacement de 40 à 50 hectares apparaît souhaitable. La liaison devra être facile avec la Gare St-LAZARE compte tenu de l’emplacement actuel ou futur de la Direction Générale. Or, nous n’avons trouvé, parmi les terrains appartenant à la S.N.C.F., que l’ancien triage de VERNOUILLET qui réponde aux conditions posées ; il représente 40 hectares. Nous nous efforcerons d’obtenir sur ce choix l’accord du District de la Région Parisienne, qui a un projet de plan d’eau à proximité, ainsi que celui du Comité de décentralisation3. D’autre part, il serait prévu d’installer les divisions d’études spécialisées des Directions M.T. et Installations Fixes au même endroit que le centre de recherches de façon à faciliter les liaisons. Nous demandons au Conseil un accord de principe sur cette orientation, étant entendu que le projet de centre lui serait soumis

ultérieurement. Il s’agit seulement aujourd’hui de charger un Fonctionnaire Supérieur, désigné dès le 1er août de cette année comme Chef du Centre de Recherches, de diriger l’équipe de départ qui aurait à étudier, sur la base du rapport du Groupe de Travail, l’organisation du Centre, le problème de ses cadres et effectifs futurs, les locaux (que nous désirerions mettre en service le 1er août 1969), le logement du personnel. La même équipe aurait à étudier particulièrement les attributions du Centre et la frontière entre ces attributions et celles des divisions d’études spécialisées des Directions du Matériel et de la Traction et des Installations Fixes, du Secrétariat Général, de la Direction Commerciale, de la Direction du Mouvement et du Service des Etudes Générales. Sur le vu des propositions qu’elle formulerait pour ces différents points, et notamment pour l’installation matérielle du Centre et la dépense correspondant à engager, un nouveau rapport vous serait présenté dès que possible. » Annexe au procès-verbal du Conseil d’administration du 27 juillet 1966. « Exposé de M. GUIBERT, Directeur Général, sur la création du Centre de Recherches de la S.N.C.F. » (Bulletin intérieur d’informations à l’usage des fonctionnaires supérieurs de la SNCF, n° 59, juillet-septembre 1966, p. 97-101). Voir : - Georges Ribeill, « Du Service à la Direction de la Recherche. 30 ans d’activités (19661996) », étude manuscrite, bibliothèque de Rails et histoire. - « Les très grandes vitesses en France », RHCF, n° 12-13 (printemps-automne 1995).

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Le Service de la Recherche se contentera en définitive de locaux exigus à Paris, rue de Londres, puis rue Cambacérès, enfin rue du Faubourg-Saint-Martin.

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PORTAIL DES ARCHIVES

La SNCF met en ligne ses archives historiques L’émergence, sur le site du groupe SNCF, de la page qui présente le service des Archives et de la Documentation, www.sncf.com/ fr/groupe/archives était très attendue : c’est un complément indispensable à la mise en ligne, depuis 2012, de la numérisation des archives produites par l’entreprise entre 1939 et 1945 et présentes dans ses fonds. Il faut en effet faire connaître, avec son résultat, les auteurs du travail réalisé depuis 1989 et, surtout, faire comprendre l’importance et la variété des ressources documentaires offertes au chercheur sur l’ensemble de l’histoire des transports ferroviaires et des communautés professionnelles. Cette publication s’accompagne, en direction du grand public, d’une opération « Transparence » remarquable : la mise en ligne (dans un premier temps) de « 332 documents écrits, 895 images, 85 vidéos, 37 sons » (www. sncf.com/fr/transparence/open-archives) saluée unanimement et à juste titre par les réseaux sociaux. Le moteur de recherche permet d’effectuer un choix précis par période, support, matière (index thématique détaillé) selon les intérêts de chacun ou l’utilisation des documents : car la reproduction de la plupart d’entre eux est autorisée ; on peut bien entendu se rapprocher du Service des Archives et de la Documentation pour obtenir des autorisations spécifiques le cas échéant. L’affichage de chaque document permet de prendre connaissance de sa légende, très complète (description et contexte, typologie, description technique, date, producteur), et de la cote de l’original.

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On peut également consulter une « Collection » ou suivre un « Parcours » (restauration en gare, par exemple, un sujet abordé récemment par Rails et histoire). C’est une banque d’images nouvelle que partage la SNCF avec son public, qui diffuse l’image du train et rappelle son histoire et sa continuité, sa variété aussi. Certaines, il faut le souligner, sont des œuvres d’art signées de photographes ou affichistes de talent. Cependant les documents ne sont pas reliés à un récit historique, présent en revanche dans des dossiers thématiques sur la page www.sncf.com/fr/groupe/archives. Pour chacun de ces dossiers – à ce jour « l’unification du réseau avant SNCF », « électrification », «  Nos records de vitesse  » – un dossier compressé est proposé au téléchargement, qui contient un choix de documents numérisés, éventuellement différents de ceux présents sur le site des archives ouvertes. Enfin, rappelons que sncf.com abrite une source complémentaire : « Le train en France depuis 1827 », une chronologie commentée et illustrée qui se clôt sur les deux milliards de voyageurs TGV atteints en 2013, à l’adresse www.sncf.com/fr/portrait-du-groupe/histoiresncf BNP Paribas a pris un chemin différent et tout aussi intéressant en ouvrant voici un an « Source d’histoire », histoire.bnpparibas, où les documents sont soumis au récit et reliés dans des dossiers tout en pouvant être consultés individuellement, constituant aussi un nouveau media évolutif et toujours enrichi.


Rails et histoire vous invite à découvrir l’histoire du rail en Bretagne Le 20 octobre 2016 verra l’ouverture, à Rennes, de « Bretagne Express », le nom retenu par le Musée de Bretagne pour la grande exposition qu’il organise dans le cadre de la mise en service, en 2017, de la ligne à grande vitesse Le Mans-Rennes. L’occasion, jusqu’au 27 août 2017, de (re)découvrir sur quelque 600 m2 les grandes heures du chemin de fer en Bretagne, depuis l’arrivée du train à Nantes en 1851 jusqu’à l’entrée du TGV en gare de Rennes en 1989. L’exposition sera accompagnée pendant toute sa durée de nombreuses animations – rencontres, conférences, ateliers, concerts, spectacles, projections, etc. Des visites guidées sont au programme tous les mercredis, samedis et dimanches après-midi. Outre sa contribution à l’élaboration de l’exposition et au catalogue proposé aux visiteurs, Rails et histoire, en partenariat avec le Musée, organisera les 23 et 24 mars 2017 deux journées d’études sur le thème « Voyageurs et cheminots en Bretagne », avec pour ambition de faire le point sur les recherches en sciences sociales

autour du chemin de fer. Ces journées entrent dans le cycle « 2012-2017, le chemin de fer a une histoire » par lequel Rails et histoire a relié les 175 ans de la première ligne dédiée aux voyageurs en Île-deFrance et les 75 ans de la SNCF au 180/80e anniversaire des mêmes.

Pour en savoir plus, voyez le site du Musée www.museebretagne.fr/

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