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Gilles Colinet|La culture vidéoludique à l’épreuve du marketing
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La culture vidéoludique à l’épreuve du marketing Ou comment cultiver l‟attente du public de Grand Theft Auto 4
L‟objet de ce mémoire s‟est imposé à la suite d‟un constat simple : à la fin du mois d‟avril 2008, un jeu vidéo est devenu en l‟espace d‟une semaine le produit de divertissement réalisant le plus gros chiffre d‟affaire de l‟histoire. Le tout sans avoir bénéficié d‟une campagne de communication démesurée. Bien vite, il est apparu que derrière ce succès fulgurant reposait une stratégie de communication tirant parti des fonctionnalités offertes par les communautés virtuelles. Après avoir dressé le portraitrobot des membres de cette communauté particulière, nous analyserons le déroulement de cette campagne avant de passer cette dernière au révélateur des réactions observées sur un corpus de lieux de vie communautaire sur la toile. L‟internaute réagira-t-il exactement comme pourrait l‟escompter l‟annonceur ? Bonne Lecture ! Gilles Colinet.
Gilles Colinet Master 2 en Information et Communication Année académique 2009 - 2010
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Danke
Dans une langue comme dans cent, ces remerciements valent pour tous ceux qui m‟ont accompagné dans
Faleminderit
réalisation de ce mémoire Merci à messieurs Lejeune et
Merci
Lambotte, qui ont toujours été disponibles et qui n‟ont pas hésité à me remettre dans le droit chemin
Thanks
quand il m‟arrivait de zigzaguer. Merci aux intervenants de ce
Chokrane
mémoire pour leur implication dans leurs entretiens et leur ouverture à la discussion.
Bedankt
Merci aux miens, dont les conseils ont été précieux et dont la patience
Hvala
n‟aura pas été uniquement proverbiale. Merci enfin aux visionnaires qui au
Grazie
16e siècle ramenèrent le café en Europe.
Mèsi Gracias Tak Vinaka Gilles Colinet|La culture vidéoludique à l’épreuve du marketing
dankewol
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Sommaire 1. Introduction ..................................................................................................... 6 2. TENDANCES ACTUELLES ................................................................................. 13 2.1 Le jeu vidéo : Produit culturel ou simple divertissement ? .......................... 13 2.2 Casual gaming : de joueur à joueurs ........................................................... 14 2.3 Jamais sans Internet ? .................................................................................. 19 2.4 La technologie au diapason ......................................................................... 21 3. PROMOTION DU JEU VIDÉO............................................................................. 25 3.1 Le monopole écourté de la presse spécialisée ........................................... 25 3.2 Salons .......................................................................................................... 29 3.3 Focus sur le rôle du revendeur ................................................................... 29 3.4 Avec l‟avènement du Web ......................................................................... 32 4. Etude de cas : GTA IV ....................................................................................... 44 4.1 Racines de la série ...................................................................................... 44 4.2 GTA IV : Le plus grand jeu du monde ? ....................................................... 48 4.3. La campagne en détails .............................................................................. 53 5. L‟avis virrtuel .................................................................................................... 70 5.1 Analyse de contenu : Méthodologie ........................................................... 70 5.2 résultats ....................................................................................................... 74 6. Conclusions ...................................................................................................... 94 Bibliographie ....................................................................................................... 99
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1. INTRODUCTION
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épassant depuis longtemps le cliché du logiciel amateur conçu dans l‟humidité d‟une cave par quelques forts en math, le produit vidéoludique est à l‟heure actuelle l‟une des offres de divertissement
les plus populaires au monde. À un tel point qu‟à l‟instar de la musique ou du cinéma, le terme « industrie du jeu vidéo » n‟a de nos jours plus rien d‟abscons. Mieux même : dans une période où la tendance globale n‟est pas à la croissance, la courbe de vente du produit vidéo ludique continue de suivre une trajectoire ascendante. Les chiffres publiés par la Belgian Entertainment Association1 permettent de constater que le jeu vidéo a pu, sur ces dernières années, se hisser à la hauteur des produits de divertissements les plus vendus, comme l‟illustre le graphique suivant 2
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« Marché du divertissement 2009 : 44 millions d‟unités vendues », Site de la Belgian Entertainment Association (BEA) (Le BEA est la fédération qui représente l‟industrie belge de la musique, de la vidéo et du jeu vidéo), URL : http://www.belgianentertainment.be/index.php/fr/bea_nieuws_detail/marche_du_divertissemen t_2009_44_millions_dunites_vendues/, consultée le 8 avril 2010. 2 La légère baisse que l‟on constate pour l‟année 2009 n‟illustre pas un revirement de tendance, mais est due au fait que le jeu vidéo également peut être sujet à des phénomènes de saisonnalité, les grosses sorties ou l‟arrivée de nouveaux supports ne se répartissant pas uniformément au fil des années.
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Bien que la tendance soit positive, tout n‟est pas rose pour autant. Les coûts qui interviennent dans la conception d‟un produit vidéo ludique ont également connu une croissance exponentielle de par le fait de l‟évolution technologique. L‟offre a par ailleurs souvent tendance à surpasser la demande. Même si le parc de machines et le nombre de joueurs potentiels sont élevés, faire en sorte qu‟un jeu arrive dans les étalages des revendeurs n‟est pas un gage absolu de pérennité. Il ne suffit pas de paraître pour vaincre et les fermetures de studios de développement ou l‟annonce de l‟absorption des faibles par les puissants peuplent fréquemment les nouvelles sectorielles. En mars 2009, Reggie Fils Aime (CEO de Nintendo America) confiait au New York Times3 que pour être rentables, les jeux développés pour la console Wii du fabricant japonais devaient s‟écouler à 1 million d‟unités. Le risque étant qu‟en deça de ce volume de ventes, les frais de développement soient difficiles à couvrir par les éditeurs. Sachant que sur les 418 jeux développés à l‟époque sur la plateforme de Nintendo, seuls 16 avaient passé le cap de rentabilité annoncé4, il est aisé de constater que le chemin menant au succès est pour le moins tortueux. Voués d‟abord et avant tout à divertir leurs acquéreurs, les jeux vidéos présentent (à l‟instar des DVD et autres CD) la particularité d‟être des biens que l‟on peut qualifier « d‟expérience »5. Ces derniers sont souvent vus comme étant « impalpables » avant l‟usage. Par conséquent, le consommateur désirera évaluer leur potentiel et déterminer la probabilité qu‟ils rencontrent ses goûts et attentes. À titre d‟illustration, l‟acquisition d‟une nouvelle cuisine peut être motivée par des critères matériels observables (ex : plaques vitrocéramique). Par contre, au-delà de la jaquette d‟un jeu vidéo, il est difficile de se forger une opinion sur le produit en magasin. 3
RITCHELL (Matt), “Video Game makers challenged by the next wave of media”, in : New York Times, 29/09/2009, Page B3. 4 Id. 5 GENSOLLEN (Michel), « Les communautés en ligne : échange de fichiers, partage d‟expériences et participation virtuelle », Esprit, N°324, 2006, Page 180.
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ULB | Master en Information et Communication Le candidat gamer cherchera la plupart de temps à collecter informations et avis sur le produit pour lequel il marque un intérêt. Avant l‟avènement du web, ces informations se dénichaient principalement par trois canaux : L‟expertise fournie par les médias (TV, Presse spécialisée,…), celle des revendeurs ainsi que le bouche-à-oreille découlant de discussions avec amis et relations6. Aujourd‟hui, sur Internet, la critique et les avis de ceux qui se sont déjà essayés à ces jeux sont facilement accessibles et peuvent être discutés. De véritables fourmilières où foisonnent prises de position et échanges de points de vue se développent et ont de plus en plus tendance à devenir des cibles privilégiées pour les marketeurs. Les possibilités d‟interactions amorcées par les boards de discussion et magnifiées par le web 2.0 permettent à l‟internaute en quête d‟informations de s‟intégrer activement ou passivement à de véritables « communautés virtuelles ». De nombreux travaux font référence à Howard Rheingold, l‟un des explorateurs pionniers de l‟internet participatif pour définir ce qu‟est exactement une communauté virtuelle. Selon lui « Les communautés virtuelles sont des regroupements socioculturels qui émergent sur Internet lorsqu’un nombre suffisant d’individus participent à des discussions durant un laps de temps assez long et avec suffisamment d’implication que pour que des réseaux de relations interpersonnelles se forment au sein du cyberespace 7». Même si elle pose les bases d‟un champ de recherche de plus en plus exploré dans les années qui suivirent, cette définition n‟en reste pas moins générale et il est un fait acté qu‟il n‟existe pas seulement un type de communauté virtuelle, mais plutôt une multiplicité. Ne fut-ce que parce que les internautes ne développeront pas les mêmes comportements et n‟auront pas recours aux mêmes outils sur un site consacré au jardinage ou sur un portail dédié aux jeux vidéo. 6
BOUNIE (David), BOURREAU (Marc), GENSOLLEN (Michel) & WAELBROUCK (Patrick), Do online customer reviews matter : Evidence from de the video game industry, Paris, 2008, Telecom ParisTech, Page 3. 7 RHEINGOLD (Howard), The Virtual Community : Homesteading on the homesteading frontier, Cambridge, 2000, MIT Press, Page 5
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ULB | Master en Information et Communication Dans un secteur où la concurrence s‟exerce aussi bien entre développeurs qu‟entre constructeurs de consoles, la conquête du joueur prend l‟allure d‟enjeu de toutes les batailles. La stratégie de communication de l‟éditeur doit permettre au titre d‟exister et d‟engendrer une attente avant son arrivée dans les linéaires, sous peine de se voir perdu dans la masse de ses congénères. Cette tendance n‟est pas uniquement l‟apanage du secteur vidéo ludique. Néanmoins, le choix de cette industrie comme champ d‟investigation peut être motivée par plusieurs raisons : la multiplication des pages web dédiées aux jeux vidéo en est une. Le déclin de la presse sectorielle traditionnelle et les tentatives de repli vers le Net et ses possibilités d‟interactions en constitue une autre. Un tableau qui peut également être complété par le fait que les éditeurs utilisent de plus en plus le web comme canal de communication et mettent petit à petit sur pied des plateformes communautaires propres destinées à fidéliser leurs aficionados. Afin de mieux comprendre comment les éditeurs de jeux vidéo s‟y prennent pour toucher leur public cible, instaurer une attente par rapport à leurs produits et se forger une base de « fans », nous nous focaliserons sur la campagne de celui qui s‟est imposé à sa sortie comme « le plus grand succès de l‟histoire du jeu vidéo » : GTA IV. Lancé en avril 2008, le fruit du labeur du studio Rockstar Games a drainé un impressionnant cortège de poncifs et de chiffres disproportionnés dans son sillage. Plus de 1000 personnes ont collaboré afin que GTA IV voie le jour. Son coût de développement pharaonique (100 millions de dollars) fut à la hauteur de résultats stratosphériques : 4,2 millions de copies écoulées de par le monde le jour du lancement du jeu et des revenus estimés à
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ULB | Master en Information et Communication plus de 500 millions de dollars après une semaine de commercialisation8. Pour la première fois, un blockbuster vidéo ludique enterrait un blockbuster hollywoodien sorti simultanément9 Ce feu d‟artifice de superlatifs fut également mâtiné de polémique ce qui contribua à conférer définitivement au quatrième opus de la série Grand Theft Auto son statut « à part ». Sam Houser 10 ne se risqua pas à affirmer que GTA 4 était plus populaire que Jésus, d‟autres s‟étant attribué l‟expression avant lui, mais put néanmoins se targuer d‟avoir enregistré des chiffres de ventes supérieurs à n‟importe quel CD ou film sorti jusqu‟alors11. Un engouement qui franchira allègrement les frontières du domaine vidéoludique pour faire de ce produit de divertissement un véritable phénomène de société. L‟un des premiers objectifs de ce travail sera, sur base de recherches antérieures, de définir le plus finement possible les caractéristiques techniques, les usages et les usagers des forums, sites spécialisés et autres pages web dédiées à GTA IV. Ensuite, et en prenant appui sur les repères chronologiques de la campagne menée par l‟éditeur de Grand Theft Auto, l‟observation de l‟activité sur ces différents portails doit permettre de mettre en évidence la réactivité relative de la communauté par rapport à la diffusion d‟information. Enfin, et par le biais d‟une série d‟entretiens avec différents acteurs (revendeurs, journalistes et surtout joueurs), nous chercherons à appréhender la manière dont, aujourd‟hui, les informations émanant des éditeurs vidéo ludiques sont 8
« Les chiffres de GTA IV officialisés par le Guiness World Records », rubrique news du site www.jeuxvideo.com (actualité vidéo ludique généraliste), URL : http://www.jeuxvideo.com/news/2008/00026038-les-chiffres-de-gta-iv-officialises-par-leguinness-world-records.htm , consultée le 27 juillet 2009. 9 NDLR Sorti la même semaine que le film Iron Man, GTA 4 engendra plus de 500 millions de dollars de revenus en l‟espace de 7 jours. 300 millions de plus que le film de Jon Favreau. Source : « GTA vaut 710 millions de dollars en 2008 », ibid, URL : http://www.jeuxvideo.com/news/2008/00030766-gta-vaut-710-millions-de-dollars-en-2008.htm , consultée le 27 juillet 2009. 10 Vice-président de Rockstar Games, le studio de développement de GTA 4. 11 Record qui tient un peu plus d‟un an et demi, battu seulement par le titre multi-supports Call of Duty Modern Warfare 2 sorti à la fin du mois de novembre 2009 .
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ULB | Master en Information et Communication recherchées, interprétées, assimilées ou encore relayées dans le milieu et insufflent de la vie aux communautés virtuelles.
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2. TENDANCES ACTUELLES 2.1 Le jeu vidéo : Produit culturel ou simple divertissement ?
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eut-on affirmer qu‟un Jeu vidéo est bel et bien un produit culturel ? La question a de quoi diviser. Si beaucoup arguent qu‟artistiquement parlant, un « Call of Duty »12 d‟Activision n‟arrive pas à la cheville d‟un
« Apocalypse Now » de Francis Ford Coppola ou d‟un « Saving Private Ryan » de Spielberg, cela ne permet pas pour autant d‟occulter le fait que de plus en plus de jeux vidéo empruntent codes et éléments à leurs cousins filmiques13. De plus en plus, l‟accent est mis sur la trame scénaristique ou la mise en scène du produit vidéoludique. Sachant que des acteurs sont parfois employés pour tourner des « cut-scènes » et que des compositeurs aussi renommés qu‟Harry Gregson-Williams14 n‟hésitent pas à se consacrer pleinement à la composition de bandes sonores agrémentant certains jeux, il est légitime de souligner le fait qu‟artistes et programmateurs forment aujourd‟hui des équipes où le travail des uns est intimement lié à celui des autres. Peut-être qu‟à l‟époque de Pong ou de Tetris, le jeu vidéo pouvait sembler être le fruit du travail d‟informaticiens passionnés. Aujourd‟hui, il n‟est plus si fou d‟avancer que le jeu vidéo commence à émarger à la caste des produits culturels. L‟année 2010 a en ce sens été marquée par une sortie qui emprunte dans une mesure jamais vue les chemins évoqués.
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Série à succès lancée en 2003 par Activision et depuis lors déclinée sur PC et sur la majeure partie des consoles de jeu du marché. Revisitant divers conflits armés ou en inventant, la série a, par le biais de son 6e opus, volé le trône plus grand succès commercial de l‟histoire du jeu vidéo à GTA IV en décembre 2009. 13 DECHESNE (YOURI), « Rockstar-baas : games moeten concurreren met films », (Page news du site Insidegamers.nl) (Portail néerlandais propriété du groupe Sanoma et dédié au jeu vidéo), URL : http://www.insidegamer.nl/xbox360/grandtheftautoiv/nieuws/20676/Rockstar-baas-Gamesmoeten-kunnen-concurreren-met-films.html, consultée le 30 avril 2010. 14 Compositeur britannique né en 1961, il a déjà derrière lui une carrière jalonnée de bandes originales majeures, aussi bien dans le domaine du cinéma (la série des Shrek, entre autres) que dans celui du jeu vidéo (Metal Gear Solid, Call of Duty,…)
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ULB | Master en Information et Communication Heavy Rain (PlayStation 3), produit et imaginé par David Cage, développeur français (ce qui est assez rare pour être souligné), est un polar noir où chaque décision du joueur, qu‟elle porte sur une action majeure ou un détail mineur, influera significativement sur la destinée des avatars virtuels présents à l‟écran. Il n‟est pas question ici de batailles rangées à coup d‟armes futuristes, mais bien du simple fait que le personnage principal décide de jouer au ballon ou non avec ses enfants devienne partie intégrante des tâches à accomplir pour le joueur. Ce pari osé et à priori réussi15ouvre la voie à d‟autres initiatives poussant encore plus en avant le genre. Et si certains peinent toujours à admettre que le jeu vidéo puisse emprunter les plates-bandes d‟arts reconnus comme tels, certains artistes se montrent eux autrement plus enthousiastes. Terry Gilliam, loin d‟être le premier venu16, était même plutôt dithyrambique au moment de livrer son avis sur Heavy Rain : « Moi qui ne joue jamais aux jeux vidéo, je me suis mis à Heavy Rain et je n’ai plus pu décoller. J’ai été particulièrement frappé par la densité immersive du jeu, les conséquences émotionnelles qui ont résulté de mes choix »17. Si ce n‟est pas de l‟adoubement, cela y ressemble fortement.
2.2 Casual gaming : de joueur à joueurs
L
e jeu vidéo vu aujourd‟hui est bien différent de ce qu‟il était il y a 20 ans. Le produit vidéo ludique a aujourd‟hui subi une mue lui permettant de toucher un public beaucoup plus large qu‟auparavant.
L‟époque où le stéréotype du joueur en faisait un adolescent boutonneux, asocial, vivant dans une chambre obscure et se nourrissant principalement de chips et de soda est révolue.
15
500.000 exemplaires ont été écoulés durant la première semaine de commercialisation du jeu : MACHIELSEN (Erik), « Jeu vidéo – Cinéma : L‟attraction fatale », in : Télémoustique N°4389, semaine du 13 au 19 mars 2010, P. 49 16 Homme de cinéma, Terry Gilliam a entre autres réalisé Brazil (1985), Las Vegas Parano (1998) et plus récemment L’imaginaire du docteur Parnassus (2009). 17 MACHIELSEN (Erik , « Jeu vidéo – Cinéma : L‟attraction fatale », in : Télémoustique N°4389, semaine du 13 au 19 mars 2010, P. 49
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ULB | Master en Information et Communication Cette mutation ne s‟est pas opérée en trois coups de cuillère à pot. Au contraire, elle a fait l‟objet d‟une réflexion intense au sein du milieu vidéoludique. Une grande tendance permet aujourd‟hui de faire en sorte que les joueurs (et joueuses !) affichent des profils de plus en plus hétérogènes. Il suffit de se pencher sur les chiffres de ventes des consoles à la mi-mars 2010 pour se rendre compte que caracolent en tête des ventes mondiales les Nintendo Wii et DS.
Figure 1: Classement de mondiale des ventes de console au 13 mars 2010. 18
Console portable, la Nintendo DS ne peut pas être considérée comme concurrente directe de la XBOX 360 de Microsoft, de la PS3 de Sony ou d‟un PC. Par contre, le succès de la Nintendo Wii, console de salon, mérite que l‟on s‟attarde dessus. Comparée à ses congénères contemporaines, la Wii est moins puissante, ne gère pas la haute définition et se contente de ne lire que des DVD alors que la PlayStation 3 et XBOX 360 proposent respectivement (ou ont proposé19) des lecteurs Blu-Ray et HD DVD. Au niveau des ventes totales de jeux vidéo, le constat est encore plus éloquent :20
18
Hardware annual summary, Site VGChartz.com (Site compilant les données relatives aux ventes de jeux vidéo dans le monde), URL : http://www.vgchartz.com/hw_annual_summary.php, consultée le 15 mars 2010. 19 À l‟époque où Microsoft concevait sa console, l‟issue de la guerre Blu-ray/HD DVD n‟était pas encore connue. La firme de Redmond opta pour le support développé par Toshiba, et mit en vente
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Figure 2: Top 10 des jeux les plus vendus de l'histoire tous supports confondus 21
Outre le fait que Nintendo phagocyte le top dix (et même les 13 premières places) des meilleures ventes de l‟histoire vidéoludique, un constat est flagrant : 3 des 4 jeux Wii figurant dans ce peloton de tête sont des jeux dits de « casual gaming ». Wii Sport, Wii Play et Wii Fit, puisque c‟est d‟eux qu‟il s‟agit, ne vont pas vous proposer de vivre une aventure épique dans un univers hyperdéveloppé. Et ils ne tutoient pas non plus les limites du photoréalisme. Au contraire, ces titres ont pour credo de proposer au joueur un plaisir direct, sans exiger de la part du joueur une réflexion intense. Par contre, les bons réflexes, la spontanéité ou encore l‟esprit vif seront souvent sollicités. Le casual gaming est sans aucun doute le style de jeu vidéo qui permet de fédérer le plus franchement les personnes aux profils les plus divers et variés. La Nintendo Wii est d‟ailleurs reconnue pour toucher un public plus intergénérationnel et féminin que les autres consoles, et l‟on comprend que cela tient plus de la volonté que du hasard si l‟on se réfère aux campagnes publicitaires dédiées à ces casual games, telle la suivante : un lecteur ad hoc externe pouvant être acheté en supplément. L‟offre s‟est éteinte en même temps que le format vaincu. 21
Software totals, Site VGChartz.com (Site compilant les données relatives aux ventes de jeux vidéo dans le monde), URL : http://www.vgchartz.com/worldtotals.php, consultée le 15 mars 2010.
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Le terme « casual » s‟oppose naturellement à celui de « core » (pour hardcore) quand il s‟agit d‟envisager les différents comportements de joueurs. D‟un côté, nous avons des jeux que l‟on pratique occasionnellement et suscitant un plaisir immédiat, et de l‟autre des titres nécessitant une implication minimum pour révéler leur potentiel. Les « casual games », qui surfent sur la déferlante du succès ces dernières années ne sont pourtant pas arrivés avec la dernière pluie. Tetris pouvait être rangé dans cette catégorie. Mais à l‟époque, les techniques existantes ne laissaient pas les mêmes possibilités qu‟aujourd‟hui, et tous les jeux étaient un peu « casual » à leur façon (rappelez-vous Pong et sa jouabilité aussi simplissime qu‟addictive). Cette densification relativement récente de l‟offre en « casual games » et leur volume de vente important pousse à intervalle régulier les cabinets d‟audit spécialisés à aller de leur investigation maison pour mieux comprendre le
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ULB | Master en Information et Communication phénomène. Une étude menée en 2006 par Park Associates22 et sondant un panel d‟environ 2000 joueurs américains a tenté de définir une typologie de ces derniers. Elle est intéressante à plus d‟un titre, car elle montre qu‟aujourd‟hui il existe bel et bien plusieurs manières de s‟adonner aux loisirs vidéoludiques. Les catégories définies sont les suivantes : Occasional gamer : Il joue peu, et principalement à des puzzles ou à des jeux de plateau. Incidental gamer : le joueur « accidentel » joue la plupart du temps quand il s‟ennuie, et a une prédilection pour les jeux online Leisure gamer : Joue pour le plaisir, mais principalement à des jeux online « simples » Dormant gamer : Est un joueur passionné, mais dont les autres occupations (ex : travail, famille…) prennent souvent le dessus. Goût pour les jeux présentant un certain challenge. Social gamer : Le jeu vidéo est un moyen pour lui de ne pas être seul. Le jeu vidéo lui permet de retrouver ses amis. Power gamer : joueur passionné et réellement fan. Consacre beaucoup de temps au jeu vidéo. Cette étude permet d‟avoir une vision moins dichotomique des joueurs d‟aujourd‟hui. Comme le souligne Michael Cai23, « si les compagnies continuent à n’accorder du crédit qu’à la croyance mythique selon laquelle les joueurs sont soit casual, soit hardcore, elles encourent le risque de passer à côté de la moitié des opportunités offertes par le marché »24. Au vu de la diversification de l‟offre d‟aujourd‟hui, ce type de message semble avoir bien été assimilé.
22
“Survey reveals U.S. gamer market is diversifying “, communiqué de presse publié sur le site de Park Associates (Société spécialisée dans les études de marché relatives aux produits digitaux), URL : http://www.parksassociates.com/press/press_releases/2006/gaming_pr4.html , consultée le 10 avril 2010. 23 C.E.O de Park Associates 24 « Survey reveals… », Id.
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2.3 Jamais sans Internet ?
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ue l‟on parle de Wii Channel, de PlayStation Network ou encore de Xbox Live, le bonheur paroxystique du joueur est souvent vendu comme étant celui « en ligne ». Dans les faits, et à de très rares exceptions près, rien
ne vous oblige à avoir une connexion internet reliée à votre console de jeu pour pouvoir profiter pleinement de vos produits ludo virtuels. Pourtant, le nombre d‟inscrits sur ces réseaux ne cesse de croître25. Il faut bien avouer que tous les acteurs du jeu vidéo peuvent y trouver leur compte. Les constructeurs, instigateurs de ces fonctionnalités online, demandent dans certains cas de souscrire à un abonnement pour pouvoir profiter de l‟ensemble des fonctionnalités disponibles (jeu online…). Les éditeurs proposent souvent du contenu additionnel (comme c‟est le cas pour GTA) qui dope la durée de vie des jeux en même temps qu‟il allège le portefeuille des joueurs. Le joueur peut quant à lui y chatter, y jouer, regarder des vidéos à la demande…
Figure 3: Capture d'écran de la page d'accueil du Xbox Live.
Ces interfaces sont d‟autant plus remarquables qu‟elles font partie intégrante des consoles. Alors qu‟avec un ordinateur, vous devez faire la démarche de vous 25
“An Open Letter from Xbox live general manager Charlie Whitten “, Rubrique communiqués Xbox.com (Site officiel), URL : http://www.xbox.com/en-US/press/2010/0205-whittenletter.htm , consultée le 31 juillet 2010.
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ULB | Master en Information et Communication connecter à Internet, ou bien à tout le moins d‟ouvrir un navigateur ou de lancer un jeu, ici il suffit d‟allumer votre console pour vous connecter directement sur la toile. L‟intégration récente, sur les consoles de Microsoft et de Sony26, de Facebook et de Twitter a d‟autant plus renforcé cette tendance au jeu vidéo pratiqué de manière communautaire. Il est aujourd‟hui possible de battre le record du tour du circuit de Francorchamps ou de marquer un quintuplé en finale de coupe du monde et de partager quasi instantanément vos exploits par le biais des réseaux sociaux précités. Mais pas seulement cela. L‟incorporation de ces réseaux est en quelque sorte la manifestation vidéoludique de l‟oversharing caractérisant notre société contemporaine. Dérivé du verbe « to overshare », élu nouveau mot de l‟année 2008 par le dictionnaire Webster‟s new world27, ce terme définit le fait de partager un maximum d‟informations, de préférence inutiles (terme qui ne peut pas prendre à tous les coups la même signification « qu‟inintéressant ») par le biais d‟un maximum d‟outils contemporains, dont beaucoup reposent sur les fonctionnalités de l‟Internet 2.0.
Figure 4: Capture d'écran de la page Twitter du PlayStation Network.
26
“PlayStation 3 firmware (v3.10) update preview“, Blog PlayStation (lié au site officiel), URL : http://blog.us.playstation.com/2009/11/16/playstation-3-firmware-v3-10-update/, consultée le 31 juillet 2010. 27 “Overshare word of the year“, Site du Webster New World (dictionnaire online), URL : http://newworldword.com/overshare/ , consultée le 31 juillet 2010.
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ULB | Master en Information et Communication Hormis l‟évident intérêt commercial pour tous les acteurs partie prenante dans ce type de partenariat, surfer sur Facebook par le biais d‟une console de jeu permet d‟allonger le laps de temps où le joueur reste les yeux rivés sur son écran ainsi que sur les offres commerciales qui y pullulent de plus en plus (VOD, Contenu téléchargeable, Exclusivités payantes…). L‟objectif aujourd‟hui devient de plus en plus manifeste : rendre toujours plus ténue la relation entre le joueur et sa console de jeu.
2.4 La technologie au diapason
D
ernière étape du triptyque visant à mettre en exergue les grandes tendances du jeu vidéo actuel, cette partie consacrée aux évolutions technologiques pourrait passer pour celle enfonce le plus allègrement
des portes ouvertes. Le tournant qui s‟annonce mérite pourtant qu‟on lui prête attention. Depuis le début de son histoire, il y a un domaine où le produit vidéoludique n‟a que peu évolué : c‟est celui des contrôleurs de jeu. Certes, les manettes se sont affinées au fil du temps, puis elles ont glané de nouveaux boutons. Plus récemment, la plupart d‟entre elles ont rompu le lien filaire avec leur console mère. Mais dans l‟immense majorité des cas, leur maniement est resté somme toute assez conventionnel. La révolution apportée par la Nintendo Wii a joué un rôle très important dans son succès intensément populaire. Elle se voit aujourd‟hui copiée avec plus ou moins de nuances et de subtilité28. Finies les sessions de jeu interminables où le joueur restait scotché dans un divan terminant amoureux de son arrière-train au point d‟en adopter les contours. Aujourd‟hui et demain, le gamer va de plus en plus être incité à se bouger et à participer de tout son corps à son aventure vidéoludique.
28
MEEUS (Ronald), « U bent voortaan zelf de joystick », De Morgen, vendredi 23 avril 2010, P.11
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ULB | Master en Information et Communication En 2010, aussi bien Microsoft que Sony s‟apprêtent à lancer leur propre système de reconnaissance de mouvements, sensé révolutionner l‟expérience du joueur. Fraîchement baptisé « Kinect »29, l‟accessoire se greffant sur la Xbox 360 est sans doute et sur papier le plus révolutionnaire car il abolit complètement l‟utilisation d‟un contrôleur de jeu. Ce sont les mouvements du corps du joueur qui sont directement traduits par une action à l‟écran.
Figure 5: Le Kinect de Microsoft s'affranchit du moindre contrôleur de jeu.
Le Sony « Move »30 quant à lui s‟inspire beaucoup plus précisément de sa cousine japonaise Wii. Une manette spécifique (ressemblant à un cornet de glace) voit ses mouvements captés par une caméra et reproduits à l‟écran.
Figure 6: Sony Move. 29
“Le projet Natal est mort ! “, Page actualité d‟Eurogamer.fr (Actualité vidéo ludique), URL : http://www.eurogamer.fr/articles/natal-conference-kinect-annonces-jeux-news364 , consultée le 14 juin 2010. 30 “Présentation du Playstation Move“, Blog PlayStation (lié au site officiel), URL : http://blog.fr.playstation.com/2010/03/11/motion-controller-post/, consultée le 11 mars 2010.
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ULB | Master en Information et Communication Difficile de dire laquelle des deux technologies s‟avèrera la mieux exploitée, mais une chose est sûre, elles ont comme point commun de susciter d‟énormes attentes, aussi bien dans les communautés de joueurs que dans celles de développeurs. Touchons enfin un mot sur l‟incorporation de la 3D dans le jeu vidéo. Au moment où le cinéma s‟empare à bras le corps de cette technique et quand les premières télévisions permettant de voir en 3 dimensions déboulent sur le marché, nous constaterons l‟absence d‟émulation similaire dans le monde vidéoludique. Il ne faudrait apparemment plus patienter très longtemps avant que ce « retard » (tout est relatif) soit en partie comblé. Pour preuve l‟intégration dans l‟édition GOTY (Game Of The Year) du best-seller Batman Arkan Asylum d‟une technologie (TriOviz) permettant de vivre l‟aventure en trois dimensions31. Une initiative apanage de l‟éditeur du jeu et donc non standardisé, mais qui si le résultat est concluant de manquera pas à coup sûr d‟être rapidement imitée.
31
“Une édition GOTY de Batman très spéciale“, Rubrique new du site Eurogamer.fr, URL : http://www.eurogamer.fr/articles/une-edition-goty-de-batman-tres-speciale , consultée le 04 mars 2010.
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3. PROMOTION DU JEU VIDÉO 3.1 Le monopole écourté de la presse spécialisée
L
e refrain peut sans doute sonner comme trop souvent seriné, mais c‟est un fait : à côté de ses innombrables apports, l‟Internet a également contribué à miner l‟existence de nombreux magazines. Menacé par une concurrence
numérique plus prompte à dégainer le clavier pour rebondir sur les nouvelles les plus fraîches, le paysage médiatique dédié aux plaisirs vidéoludiques a vu son contingent singulièrement élagué ces dernières années. Et les survivants n‟ont pas toujours été en mesure de préserver leur authenticité. De manière générale, faire vivre un organe de presse papier n‟a jamais été simple, qui plus est dans un secteur s‟adressant à des franges de public relativement restreintes. Erik Machielsen, aujourd‟hui titulaire de la rubrique jeux vidéo aussi bien pour le compte de Télémoustique que pour celui de la Dernière/Heure les sports se rappelle de ses débuts dans les années 80 : Erik Machielsen : « L’espérance de vie de certains magazines ne dépassait pas le cap du trimestre. En Belgique, à l’orée des années 90, un périodique devait vendre plus ou moins 20.000 exemplaires pour pouvoir aspirer à la rentabilité. Sur un marché tel que le nôtre, hautement concurrencé par les magazines français, ce n’était vraiment pas chose gagnée. En fait, l’expérience la plus durable à laquelle j’ai pu prendre part était celle de Belgian Vidéo, où nous traitions de toutes les innovations liées à l’image en général. Le jeu vidéo n’en était qu’une déclinaison ». À côté de ces impératifs financiers, le déclin inexorable de cette presse de niche est également expliqué par certains facteurs ayant trait à des changements dans la manière même de traiter l‟actualité vidéoludique. Dans un podcast publié sur le site Kampaï.fr32 consacré au déclin de la presse spécialisée, les intervenants
32
“La presse jeux vidéo en crise“ (podcast), Page podcasts du site Kampaï.fr (culture japonaise), URL : http://www.kanpai.fr/jeu-video/319-la-presse-jeux-video-en-crise.html, consultée le 04 mars 2010.
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ULB | Master en Information et Communication regrettaient principalement que l‟esprit libre et passionné qui animait les rédacteurs dans la première partie des années 90 se soit progressivement effacé, laissant la place dans beaucoup de cas à du contenu consensuel marquant dans certains cas mal ses airs de publirédactionnel. Pour Jibé, créateur du site Zeplayer.com (« Le jeu vidéo pas pareil qu‟ailleurs ») et ancien rédacteur pour les publications du groupe FJM (Console News…), le paysage de la presse magazine d‟aujourd‟hui est scindé en en deux blocs antagonistes et aux forces inégales : ‘D’un côté, on retrouve des magazines de puristes, écrits par et sans doute pour des ‘geeks’, où vous vous retrouvez confronté à des plumitifs se gargarisant sur leurs connaissances. De l’autre, on retrouve des titres que j’ai dans le passé considéré comme fantastiques,
Canard PC ou une certaine vision du
à l’instar de Joypad, mais qui une fois
journalisme décomplexé
repris par de grands groupes de presse ont perdu beaucoup de leur indépendance de ton. Sans doute la faute à des impératifs commerciaux. Dans ces derniers, les tests n’ont aucune saveur, aucun relief. La plupart des anciens ont d’ailleurs émigré vers le web. Ceux qui oeuvraient pour Joypad forment l’ossature rédactionnelle de Gameblog.fr. L’exception qui confirme la règle selon moi est Canard PC. Après avoir refusé de subir la déliquescence de Joystick sous le joug de Future Publishing, la plus grande partie de l’équipe a eu le courage de lancer une publication indépendante où le cocktail entre un travail rédactionnel honnête et un ton désopilant fait vraiment mouche’. Erik Machielsen va dans le même sens. Pour lui, la perte de qualité du contenu rédactionnel à laquelle nous sommes aujourd‟hui confrontés est plus que toute autre chose le fait de la pression mise par les éditeurs de jeux. Le journaliste est devenu un moyen d‟arriver à ses fins, à savoir le bon papier qui flattera le produit. Pour lui, une sorte de rapport de force a tendance à s‟instaurer et a pour effet pervers de pousser nombre de rédactions à sciemment outrepasser les bonnes manières sous-tendues par les codes déontologiques : Gilles Colinet|La culture vidéoludique à l’épreuve du marketing
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ULB | Master en Information et Communication E.M : ‘L’un des principaux fléaux du métier tient au fait que les éditeurs essaient d’instaurer un rapport de force entre les journalistes et eux-mêmes […] certains essaient d’imposer leurs propres conditions avec pour objectif à peine voilé de nous asservir […] Le pire est peut-être que si vous ne vous pliez pas à leurs desiderata, vous avez beaucoup de chances de vous voir ostracisés. Personnellement, je n’ai jamais accepté de signer d’embargo, ou bien de me plier à des conditions que j’estimais malhonnêtes. Bien évidemment, je me suis déjà brouillé avec des attachés de presse et certains titres me sont de ce fait passés à côté. Dans ces cas-là, le lecteur en pâtit, mais je préfère rester fidèle à ces principes que de vendre mon âme. Je ne veux pas tirer dans les pattes de mes collègues qui parfois cèdent sous la pression, mais je pense que ce type de comportement de la part des éditeurs de jeu doit être dénoncé’ Parallèlement à cette remise en question du rôle du journaliste, nous pouvons noter la disparition ou des mouvements spéculatifs autour de divers titres émanant à la presse périodique spécialisée. Certains magazines existant depuis près de 20 ans en ont été purement et simplement réduits à mettre la clé sous la porte33. En poussant la réflexion un peu plus loin, nous nous rendons compte que la période durant laquelle se concentre la majeure partie des créations de sites web spécialisés dans le jeu vidéo correspond aux quelques années où le web symbolisait la perspective de tous les possibles. Au moment où gonflait petit à petit ce que l‟on appelle la « bulle Internet », les sites web se multipliaient. L‟infographie ci-après met en miroir la courbe d‟évolution de l‟indice IXIC du marché électronique Nasdaq témoignant de la frénésie d‟activité sur le net ainsi que les dates de création des principaux portails d‟information vidéoludique34
33
À l‟instar de la faillite en 2008 du groupe Ziff Davis. “Ziff Davis Media en faillite“, Rubrique Mediawatch du site de l‟AFP (Agence France Presse), URL : http://mediawatch.afp.com/?post/2008/03/06/Ziff-Davis-Media-en-faillite, consultée le 10 août 2010. 34 Les portails repris dans cette infographie figurent tous dans le top 20 des portails du genre les plus populaires émis par Ebizmba. “Top 20 most popular videogames websites“, Rubrique news du site Ebizmba (Business Internet), URL : http://www.ebizmba.com/articles/video-gamewebsites, consultée le 15 juillet 2010.
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Figure 7: Illustration de la dynamique de création de portails Internet sur une période courant du gonflement à l’explosion de la bulle Internet. 35
Par contre, elle a contribué à stimuler la création de portails du genre, précipitant un peu plus les organes de presse classiques dans la tourmente engendrée par des revenus publicitaires en baisse. Cette période d‟hyperactivité aura au final surtout été dommageable pour les magazines papier, car une fois qu‟il fut avéré que le potentiel publicitaire de sites Internet était au moins aussi intéressant que celui de supports papier, la fuite des budgets pouvait s‟amorcer.
35
“Is gold in a bubble ?“, Image provenant du blog Curried Wealth Building (actualité financière), URL : http://www.curriedwealthbuilding.com/November-29,-2009--Is-Gold-in-a-Bubble-.php, consultée le 10 mars 2010.
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3.2 Salons
À
côté de la presse spécialisée, notons également qu‟existaient dès avant l‟arrivée du web des salons permettant au jeu vidéo de se mettre en vitrine. Néanmoins et dans un premier temps, ces derniers n‟étaient pas
entièrement dédiés au produit vidéo ludique. Il a fallu attendre la moitié des années 90 pour voir apparaître celui qui reste toujours aujourd‟hui l‟un des principaux évènements dédiés à l‟actualité brûlante du secteur : L‟Electronic Entertainment Expo (E3) basé à Los Angeles. Pas toujours ouverts au grand public et se déroulant en règle générale dans des pays clés de l‟industrie (Tokyo Game Show au Japon, Leipzig Games Convention en Allemagne…), ils constituent plus que toute autre chose des sources d‟informations exclusives pour la presse que de réelles destinations pour les joueurs. Le public belge a eu droit à son évènement de modeste envergure à l‟orée des années 2000 avec Mediaplanet mais l‟initiative n‟a seulement perduré que quelques années. Il n‟en reste pas moins que ces évènements sont importants car tout comme le salon de l‟auto, ils permettent aux producteurs et éditeurs d‟annoncer leurs nouveautés en grande pompe et par là même amorcer le processus de développement des attentes du public.
3.3 Focus sur le rôle du revendeur
D
ans un domaine où, rappelons-le, l‟expertise est primordiale, il paraît logique que l‟un des principaux maillons de la chaîne de consommation, à savoir celui qui vous vend le produit puisse en vanter
les mérites ou du moins vous donner un avis objectif sur la réelle valeur de ce dernier. Gilles Colinet|La culture vidéoludique à l’épreuve du marketing
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ULB | Master en Information et Communication Ce rôle clé s‟avère pourtant moins limpide que ce que l‟on pourrait croire. Les revendeurs de jeux vidéo peuvent être répartis en deux catégories. À la première émargent les commerçants dont la vente de produits vidéoludiques constitue la seule activité. Dans ce cas, et s‟agissant en général de passionnés vendant à des passionnés, il est courant qu‟ils puissent aiguiller le joueur vers des produits rencontrant ses attentes, même si pour certains gamers, le passage par le magasin ne constitue qu‟une étape intermédiaire entre la naissance de l‟intérêt et l‟assouvissement de celui-ci : Eric : ‘En général, j’achète mes jeux dans un magasin spécialisé dans mon quartier, j’y ai mes habitudes et je connais assez bien le gérant. Pour autant, je n’ai pas spécialement besoin de son avis avant de passer à la caisse. Quand j’arrive, je sais très bien ce que je veux et nous discutons de temps à autre de nos expériences propres, mais cela n’influence pas vraiment sur les choix’. Julien : ‘J’aime bien discuter avec mon revendeur. Au fil du temps, certains deviennent même des potes, mais de manière générale, quand je mets la main au portefeuille, c’est pour quelque chose qui a mon sens en vaut la peine, je veux éviter les déceptions. Alors oui, parfois je demande son avis au vendeur, mais de manière générale, et à moins qu’il me dise que je suis en train de faire une énorme erreur, je ne change plus d’avis’. Thomas : ‘Je vois quand même parfois certaines personnes repartir bien contentes avec les conseils que le vendeur leur prodigue, c’est par exemple souvent le cas au moment des fêtes, quand des parents qui ne jouent pas vraiment viennent chercher des cadeaux pour leurs enfants. Je pense toutefois que les gens qui n’ont pas l’habitude d’acheter des jeux vidéo n’auront pas toujours le réflexe de venir dans un magasin spécialisé. Je peux me tromper évidemment’.
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ULB | Master en Information et Communication L‟autre catégorie de revendeur englobe les détaillants vendant des produits culturels et de divertissement au sens large du terme. Bernard De Leenheer, gérant du point de vente ixellois d‟une célèbre chaîne hollandaise avoue ‘se trouver parfois pris au dépourvu par les demandes de joueurs’ Bernard De Leenheer : ‘Je ne peux pas vraiment me considérer comme un accro aux jeux vidéo. J’ai bien une console chez moi, mais elle n’est pas des plus récentes. Les informations que nous recevons de notre siège central sont assez lacunaires.
Figure 8 : Dans certains cas, les revendeurs
Toutes les semaines nous recevons un
ont plus intérêt à s’en remettre à leur
journal interne (figure 8), mais celui-ci ne fait que détailler les produits de manière
expérience et leur imagination qu’aux maigres informations fournies.
assez sommaire et au final ne nous apprend pas grand-chose en plus que ce que nous pourrions découvrir en lisant la jaquette d’un jeu’. Une information toute relative qui engendre parfois des situations que Bernard préfèrerait éviter : B.D.L : ‘Il m’est déjà arrivé de conseiller des produits dont je ne connaissais pratiquement rien. En me fiant aux ventes, ou bien en discutant un peu avec des clients. À la limite, c’est nous qui devons nous débrouiller pour trouver les infos avec nos propres moyens. Et comme nous n’avons pas d’accès à Internet au magasin, ces moyens de résument de manière générale à notre débrouille et à notre sens de la discussion. Maintenant, il ne faut pas tirer de conclusion hâtive. Cette situation, je la connais pour d’autres produits que les jeux. Je suis fan de musique métal donc je saurai bien orienter mes clients dans ce style particulier. C’est beaucoup moins le cas pour le rap français, par exemple En fait, il n’y a que pour les très, très grosses sorties que le siège central organise des présentations un peu plus conséquentes. Je Gilles Colinet|La culture vidéoludique à l’épreuve du marketing
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ULB | Master en Information et Communication me rappelle par exemple avoir été invité à un évènement rassemblant tous les gérants à l’occasion de la sortie de la PlayStation 3 de Sony’. Dire que le revendeur en jeu vidéo d‟aujourd‟hui a définitivement délaissé le rôle de valeur refuge en matière de conseil et d‟information serait totalement péremptoire. Mais l‟un des effets d‟Internet et de ses flux continus d‟information le joueur aura plutôt tendance à se forger son avis derrière son écran.
3.4 Avec l’avènement du Web 2.4.1 Forums, newsgroups… : L’apparition du WOM digital
C
hercheur à l‟ENST36, Michel Gensollen a mené en 2006 une étude portant sur l‟impact des avis d‟utilisateurs de jeu vidéo sur le comportement de leurs pairs37. Fort d‟un panel de répondants
approchant les 7.000 personnes38, Gensollen et ses collaborateurs ont cherché à percevoir dans quelle mesure l‟information provenant d‟autres internautes pouvait jouer un rôle dans l‟attitude qu‟adoptait le joueur face à un produit vidéo ludique bien précis. Dans un premier temps, et afin de mieux définir le cadre dans lequel s‟inscrit ce que l‟on appelle le WOM digital, ou le bouche à oreille sur Internet, il n‟est pas inutile de spécifier que l‟étude précitée met en évidence 3 grandes catégories39 de sources d‟informations auxquelles peuvent se référer les fanatiques de jeux vidéo. Les „Professional reviews‟ : Il s‟agit de l‟actualité traitée par des professionnels (dans les magazines spécialisés, sur les portails Internet…)
36
École Nationale Supérieure des Télécommunication, Paris. BOUNIE (David), BOURREAU (Marc), GENSOLLEN (Michel) & WAELBROECK (Patrick), “ Do online customer reviews matter ? Evidence from the video game industry“, Working paper in economics and social science, Working paper ESS-08-02, Paris, ENST, 2008. 38 6 .894 pour être très précis. Les réponses ont été recueillies par le biais d‟un questionnaire „pop-up‟ apparaissant du 18 juin au 5 juillet 2004 sur la page d‟accueil du portail www.jeuxvideo.com. 39 BOUNIE (David), BOURREAU (Marc), GENSOLLEN (Michel) & WAELBROECK (Patrick), “ Do online customer reviews matter ? Evidence from the video game industry“, Working paper in economics and social science, Working paper ESS-08-02, Paris, ENST, 2008, p.6 37
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ULB | Master en Information et Communication Les „Personnal reviews‟ : Où le joueur se fait son propre avis sur base de son expérience du produit. Les jeux vidéo sont en grande majorité disponibles en version d‟évaluation avant leur sortie. Les „Peer reviews‟ : Ici, l‟avis des autres sur le produit est pris en compte. C‟est dans cette catégorie que sont mobilisés les outils permettant le bouche-à-oreille digital. Citons les forums, les boards de discussion, les commentaires laissés sur les sites… Interrogés à propos de leurs sources d‟informations40, 80 % des répondants ont déclaré avoir recours à au moins deux des trois catégories de critiques tout juste mentionnées et 55 % déclarent se forger leur opinion aussi bien via des canaux spécialisés, que via des amis ou bien tout simplement en leur âme et conscience. Et là où les chiffres deviennent vraiment intéressants, c‟est au moment de confronter le taux d‟utilisation des sources différentes par les sondés41. Le magazine spécialisé garde la cote au moment de rechercher des avis autorisés (61 %). Les versions d‟évaluation sont également prisées, à peu près par la moitié du panel (48 %)42. Les joueurs ont néanmoins bien moins recours à ces types de sources d‟information qu‟aux forums online. Dans ce cas-ci, 97 % du panel déclare y surfer à la recherche d‟informations relatives aux jeux vidéo. Les commentaires liés à des tests sur les sites Internet (appelés „customer reviews) font également figure de référent prisé (80 %). Cela démontre combien ces échanges d‟avis entre pairs sont importants et denses. Important à un tel point que l‟une des conclusions de Michel Gensollen, David Bounie, Marc Bourreau et Patrick Waelbroeck est que les „peer reviews‟ sont plus susceptibles de contribuer à la formation d‟un avis négatif dans l‟esprit du joueur que celles émanant de professionnels43.
40
Ibid. p.7 Ibid.p.8 42 NDLR Il ne faut y voir un lien de causalité que nous ne saurions ici démontrer, mais il est un fait que nombre de magazines dopent leur intérêt en proposant en exclusivité des démos jouables. 43 BOUNIE (David), BOURREAU (Marc), GENSOLLEN (Michel) & WAELBROECK (Patrick), “ Do online customer reviews matter ? Evidence from the video game industry“, Working paper in economics and social science, Working paper ESS-08-02, Paris, ENST, 2008, p.12 41
Gilles Colinet|La culture vidéoludique à l’épreuve du marketing
33
ULB | Master en Information et Communication Il serait un peu réducteur d‟affirmer que tous les tests paraissant dans des magazines sont complaisants et policés tandis que tous vos amis passeront leur temps à critiquer tant et plus les jeux auxquels ils s‟essaient, mais force est de constater que le „peer reviewing‟ peut avoir les vertus d‟un micro leadership d‟opinion. Quelqu‟un qui s‟est essayé à un jeu et qui vous livre directement son opinion sans biais pourra sembler plus crédible que des professionnels devant au minimum adopter un certain ton pour vous faire part de leur verdict. Ce qui différencie principalement ce WOM digital de son cousin traditionnel, c‟est que les sources d‟informations potentielles sont extrêmement nombreuses. Il suffit de voir le nombre de personnes enregistrées sur un site comme Jeuxvideo.com et de se dire qu‟en théorie (car nous verrons que tout le monde ne participe pas activement à la vie communautaire), toutes sont des sources d‟informations pour prendre la mesure du poids de ces voix.
3.4.2 Multiplication des sources
T
out comme il serait faux de dire que le net a totalement supplanté la presse papier ou télévisée spécialisée, c‟est emprunter un raccourci que de se dire que l‟internaute gamer en manque d‟information va se ruer sur
un portail ayant pignon sur rue comme un moustique sur une lampe à huile uniquement parce que le site colporte une bonne réputation et délaisserait toutes les autres pages par la même occasion. Avoir un site favori ne sous-entend pas de facto le port d‟œillères. Il est impossible de faire le compte car cela pourrait évoluer d'heure en heure, mais Internet compte sans doute des milliers et des milliers de pages dédiées aux jeux vidéo. Nous ferons néanmoins volontairement l‟impasse sur les sites privés ou les blogs type „skyblog‟ ou l‟Internaute peut vous parler de sa dernière expérience vidéoludique entre une vidéo d‟animaux et des photos de ses derniers exploits éthyliques en date. Cela spécifié, nous pouvons toujours envisager un grand nombre de sites qui constituent des sources d‟informations fiables et cohérentes pour le fan de jeu Gilles Colinet|La culture vidéoludique à l’épreuve du marketing
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ULB | Master en Information et Communication vidéo. Pour illustrer ceci, il est possible de procéder à un test relativement simple. En nous mettant dans la peau d‟un fan francophone de GTA 4, nous tapons une recherche dans Google avec les simples termes „Grand Theft Auto 4‟ et en limitant la recherche aux pages en français. Si nous transposons au moteur de recherche la sacro-sainte règle des 3 clics de profondeur44 dans notre recherche d‟informations, nous pouvons accéder à : Des sites généralistes : Gamekult, Jeuxvideo.fr, Jeuxvideo.com, Playfrance, Gamekyo… Des sites dédiés : Gta-4.fr, Grantheftauto.fr, Gta4.info, Gtafrance.com… Des sites liés officiellement au jeu : Xbox.com, Rockstargames.com… Les réseaux sociaux, et plus particulièrement ceux proposant le partage de vidéos : YouTube, Dailymotion… Des sites commerciaux : Neckermann, Pixmania, FNAC, Relay, Ebay,…En plus de proposer l‟achat (et la vente pour ebay), ces portails sont dans leur grande majorité dotés de fonctionnalités permettant à l‟internaute de laisser son avis sur le produit.
Des résultats moins pertinents, mais obtenus de par le fait que ces pages contiennent les termes recherchés et qu‟elles sont très bien référencées. Ici : 01men.fr, Yahoo.fr, Commentcamarche.net, pedagojeux.fr45…
Cette illustration par le basique démontre in fine que l‟Internaute n‟a que l‟embarras du choix au moment de partir en quête de renseignements. Tout au plus pourrait-on ergoter sur l‟absence des blogs dans les résultats obtenus, mais 44
Idéalement, aussi bien pour le confort de l‟Internaute que pour la visibilité du contenu, toute recherche d‟informations sur Internet devrait trouver un dénouement heureux au bout de 3 clics consécutifs. 45 Particularité dans la particularité évoquée, Pedagojeux.fr est la page d‟une association conjuguant les efforts de 9 services gouvernementaux français pour informer et sensibiliser sur le jeu vidéo. Étant donné les remous engendrés par GTA 4 et sachant que les pages institutionnelles sortent généralement dans les premières pages, sa présence dans les résultats de notre recherche n‟est pas étonnante.
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ULB | Master en Information et Communication cela est relatif au fait que contrairement à un site institutionnel, un blog lambda ne jouit que rarement d‟un bon référencement. Ce n‟est pas pour autant que ces derniers se voient relégués dans les catacombes du web. L‟architecture même de la toile, permettant la navigation par arborescence, permet de se retrouver „un peu par hasard‟ (mais pas tout à fait, vu que le clic dénote une volonté marquée d‟aller plus loin) sur un site qui n‟apparaît pas toujours au premier abord.
3.4.3 Le Web participatif et l’info coproduite : j’interagis donc je suis ?
O
ui et non, comme répondrait tout normand qui se respecte. Les blogs et les forums présentent la particularité de pouvoir pour la plupart être mis sous monitoring par le simple biais de leur interface. Prenons un
exemple :
46
Issue du site anglophone GTAforums.com, cette capture d‟écran présente la page d‟accueil d‟une section de forum où les discussions sont portées sur „The Ballad of Gay Tony‟, épisode additionnel de GTA 4. Il existe dans les chiffres, une différence que nous qualifierons d‟appréciable à énorme entre le nombre de „replies‟ (réponses) et de „views‟ (vues) aux différents topics postés. Les trois sujets épinglés, considérés par les administrateurs du
46
“GTAFORUMS – GTA IV“, section du forum dédiée à GTA IV, URL : http://www.gtaforums.com/index.php?s=766b435009104393069ae0ce08b31c07&showforum=120, consultée le 15 mars 2010.
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ULB | Master en Information et Communication forum comme les plus intéressants pour la collectivité remportent pour leur part la palme du plus faible rapport réponses/vues. Le constat empirique qui ressort de cette observation basique peut être le suivant : le nombre d‟internautes qui participe à la vie du forum est plus faible que celui quantifiant la quantité intrinsèque de personnes fréquentant ce dernier.
3.4.4 Contributeurs vs. Lurkers
B
ien que les contributeurs actifs constituent la partie visible des espaces participatifs sur Internet, la plupart des membres de ces communautés privilégient la plupart du temps une participation passive47.
Communément appelés „lurkers‟, ces internautes passifs n‟en sont pas pour autant des poids morts. Au contraire, ils sont d‟une importance capitale dans la vie des communautés virtuelles. Ils peuvent être comparés en quelque sorte à l‟audience des médias de masse traditionnels48 et sur un plan purement marketing les forums de discussion ne se limitent pas au pourcentage parfois fort bas de participation qui pourrait les faire passer pour morts. Évidemment, si vous arrivez sur un forum où deux internautes développent une théorie en duel tandis qu‟un seul et unique troisième les lit en silence, vous pouvez vous relativiser le propos tout juste énoncé. Une multitude de facteurs peuvent être avancés pour justifier une immersion passive dans une communauté virtuelle. Blair Nonnecke et Jennifer Price49 ont à la fin des années 90 mené plusieurs travaux visant à percevoir par le biais d‟interview les motivations qui poussaient les internautes à participer activement à la vie de forums de discussion ou à s‟abstenir de le faire. Si les raisons motivant l‟intérêt pour une communauté virtuelle sont somme toute prévisibles (curiosité, recherche de personnes partageant les mêmes centres 47
RAFAELI (Sheiza), RAVID (Gilad) & SOROKA (Vladimir) ; « De-lurking in virtual communities : A social communication network approach to measuring the effects of social and cultural capital », Working paper 37th Hawaai International Conference on System Sciences (2004), P.1 48 Ibid. 49 NONNECKE, B. and PREECE, J., “Shedding light on Lurkers in Online Communities. Ethnographic Studies in Real and Virtual Environments: Inhabited Information Spaces and Connected Communities’. 24-26 January, Edinburgh, Ed. K. Buckner, 1999, p.123-128.
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ULB | Master en Information et Communication d‟intérêt, besoin d‟informations…), les facteurs inhibant la participation mis en évidence sont quant à eux éclairants. Spécifiant bien qu‟un simple modèle de satisfaction des objectifs est suffisant pour percevoir les raisons qui poussent les internautes à rester dans l‟ombre (s‟ils peuvent trouver la réponse à leur question sans intervenir, il n‟y a pas de raison qu‟ils participent au débat), les auteurs de l‟étude tiennent néanmoins à mettre en exergue 5 facteurs qui font que les lurkers sont une espèce peuplant abondamment les communautés virtuelles50 : Les internautes ont besoin de s‟imprégner des rouages de la communauté, et s‟y attèlent indépendamment du fait qu‟ils y postent des messages ou non. Le temps disponible est un élément qui dans beaucoup de cas influera sur le degré d‟implication des participants. Le respect des données privées et l‟impression de sécurité dégagée par une communauté virtuelle sont considérés comme importants. Les mécanismes de la communauté (l‟interface, les règles d‟administration…) ont un impact sur la participation. Il est possible de développer un sentiment d‟appartenance à la communauté sans pour autant l‟alimenter en contenu. Les „bonnes raisons‟ pour rester dans l‟ombre pourront bien entendu varier du tout au tout d‟une personne à l‟autre. Si ce public de „lurkers‟ peut se contenter de rester passif, c‟est parce qu‟il côtoie une autre catégorie d‟internautes dont la participation permet d‟insuffler de la vie dans la communauté virtuelle. Claire Charbit et Valérie Fernandez mettent en exergue le rôle de ces individus qui ‘cherchent à partager leur centre d’intérêt et de compétences avec d’autres via
50
RAFAELI (Sheiza), RAVID (Gilad) & SOROKA (Vladimir) ; « De-lurking in virtual communities : A social communication network approach to measuring the effects of social and cultural capital », Working paper 37th Hawaai International Conference on System Sciences (2004), P.4
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ULB | Master en Information et Communication Internet »51. Elles désignent ces protagonistes en tant qu‟acteurs d’interface. Maillons clés de la chaîne de la communauté, ils ouvrent et livrent leurs connaissances aux autres membres de cette dernière. Outre une implication supérieure à la moyenne, ces acteurs d‟interface ont un rôle clé profilé de la manière suivante52: Ils alimentent eux même le réseau communautaire en informations. Ils n‟hésitent pas à prodiguer des conseils Ils occupent souvent une fonction distinctive dans la communauté. Sur un forum, par exemple, ils sont susceptibles de s‟occuper de la modération.
Les espaces participatifs sur Internet, et à plus forte raison ceux où la communication s‟effectue de manière asynchrone (forums, mais également les plus archaïques fonctionnalités permettant de commenter des articles) sont peuplés de grandes catégories d‟habitants. Même si leur implication varie du tout au tout et qu‟elles sont proportionnellement inégalitaires, ces deux peuplades du virtuel ne peuvent que difficilement vivre l‟une sans l‟autre. À tout le moins si nous considérons les communautés virtuelles dont les statistiques de fréquentation sont respectables.
3.4.5 Essai de typologie de l’Internaute fan de jeu vidéo : Où vit-il, que chasse-t-il, de quoi se nourrit-il
A
vant même qu‟Internet ne se démocratise totalement et ne s‟impose comme le nouveau membre d‟un nombre croissant de foyers, certains chercheurs avaient mis l‟emphase sur l‟émergence d‟un courant qualifié
51
CHARBIT (Claire) & FERNANDEZ (Valérie), Sous le régime des communautés : Interactions cognitives et collectifs en ligne, working paper, GET – ENTS, septembre 2003, Paris. 52 Ibid. P. 20
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ULB | Master en Information et Communication de „postmoderniste‟ dans la société contemporaine. En 1988, Maffesoli parlait de l‟ère postmoderniste comme de celle du développement du ‘tribalisme comme ultime métamorphose du lien social »53. L‟objet n‟est pas ici de s‟égarer dans les méandres les plus tortueux du courant de la sociologie interactiviste. Nous nous intéresserons plutôt au fait que Maffesoli ose parler du retour de tribu à une époque où beaucoup font appel au terme „individualisme‟ pour caractériser la société. S‟il est aujourd‟hui difficile d‟affirmer que cet aspect du postmodernisme est présent partout dans la société, l‟étude menée par Charbit et Fernandez en 2002 aboutit à une conclusion qui contribue à bâtir la grille de lecture du comportement des internautes sur le web participatif. Dans un contexte de consommation, il en ressort que, sous certaines conditions, les expériences collectives peuvent s’agréger en expertise collective, et l’expérience collective guider les choix privés en les focalisant54 Dire que de nos jours l‟information est coproduite grâce Internet et se contenter de cette simple assertion sans chercher à en comprendre quelque peu le mécanisme revient à clamer que la presse papier est en désuétude sans envisager de faire état de ce qui provoque cette situation. Étant donné la multitude d‟interactions permises par le web 2.0, il est impossible de tracer un cadre théorique dans lequel rentreraient toutes les interactions et tous les internautes. Même s‟il s‟agit de taper sur un clou implorant d‟être enfoncé, rappelons que nous nous intéressons ici de manière exclusive à des consommateurs de médias prêts à payer pour ces derniers et prédisposés à la réflexion avant de poser leur acte d‟achat. Au terme d‟une étude de cas prenant pour ancrage la vie d‟une communauté online par le biais de laquelle communiquent les étudiants d‟une haute école française, les auteures ont réussi à définir deux types de communautés virtuelles.
53
CHARBIT (Claire) & FERNANDEZ (Valérie), Sous le régime des communautés : Interactions cognitives et collectifs en ligne, working paper, GET – ENTS, septembre 2003, Paris. P. 4 54 Ibid.
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ULB | Master en Information et Communication D‟un côté, les communautés affectives où les internautes se réunissent dans le but de maintenir un lien avec leurs semblables et de prolonger les relations réelles. De l‟autre, les communautés thématiques où la motivation qui va pousser les internautes à les fréquenter est plutôt à chercher du côté des „passions ordinaires‟. Si Charbit et Fernandez55 soulignent avec à propos que dans les faits, les communautés virtuelles sont souvent hybrides, leur travail de définition de ces deux types de communautés nous permet de comprendre un peu mieux ce qui fait que, pour GTA comme pour beaucoup d‟autres biens d‟expérience, la balance va plutôt pencher du côté de la communauté thématique que vers celui de la communauté affective. La communauté thématique présente de manière générale les caractéristiques suivantes. Dans le cas de notre étude, ces neuf points peuvent assez facilement se retrouver dans leur globalité dans des lieux tels que des forums online. Ces 9 caractéristiques56 formalisant les communautés thématiques apparaissent de manière relativement évidente sur les sites dédiés spécifiquement au jeu de Rockstar Games. Prenons l‟exemple de GTA4.net57 :
55
CHARBIT (Claire) & FERNANDEZ (Valérie), “Sous le régime des communautés : interactions cognitives et collectifs en ligne“, Paris, ENTS, 2003, p.22 56 Ibid. p.23 57 GTA4.net est un portail anglophone d‟envergure importante. Intégrant le réseau GTANetwork (qui regroupe toute une série de sites de fans de la série), il propose également un forum fort actif et fréquenté par des milliers d‟internautes.
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Les caractéristiques de l‟internaute potentiellement fan de Grand Theft Auto 4 et du type de communauté virtuelle pouvant lui permettre de vivre pleinement sa passion étant esquissées, le volet pratique de ce mémoire va avoir pour but de percevoir de quelle manière peuvent différer les interactions entre internautes (pour autant qu‟elles se produisent) ainsi que l‟utilisation faite par un public de joueurs des différents outils du web 2.0.
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4. ETUDE DE CAS : GTA IV 4.1 Racines de la série
Q
uatorze lettres : G-R-A-N-D T-H-E-F-T A-U-T-O. Ou bien braquage en voiture en français dans le texte. Un triptyque nominal que les fans ont vite eu fait de réduire à 3 caractères : GTA. Un jeu qui depuis des débuts
relativement „underground‟ est devenu en l‟espace de tout juste 10 ans l‟une des si pas LA - franchises les plus rentables et couronnées de succès de l‟histoire du jeu vidéo. Alors que nombre de titres ne sont que d‟éphémères sorties classées sans suite, GTA se décline en une véritable saga. Pourtant, les lauriers ne poussaient pas nécessairement en abondance aux pieds des créateurs de ce que n‟était au départ qu‟un simulateur de délinquance. Vulgaire, dénué de la moindre morale et graphiquement attardé, le premier GTA de l‟histoire eut au moins le mérite de susciter quelque chose. Que l‟on parle d‟indignation ou d‟admiration, une réaction de la part du public sera toujours potentiellement plus exploitable qu‟un engouement de l‟ordre de l‟encéphalogramme plat. Ce „quelque chose en plus‟ eu deux conséquences majeures : Dans un premier temps, Grand Theft Auto premier du nom hérita d‟épisodes dérivés, puis d‟une suite. Le tout réalisé par le studio DMA et sous la houlette de Davy James. Dans un second temps, et par le fait d‟un accueil public frisant de plus en plus l‟engouement, Grand Theft Auto devint d‟objet de convoitises et autre spéculation au sein de l‟industrie vidéo ludique. En 1999, le studio fondateur de jeu (DMA) fut racheté à Gremlins Interactive par Infogrames. Problème : DMA était de son côté lié contractuellement à un autre
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ULB | Master en Information et Communication éditeur, à savoir BMG Interactive. Pas besoin d‟esquisser un dessin, l‟affaire était en train de prendre des allures d‟imbroglio économico-juridique. Comme cela est souvent le cas dans ce genre de situation, un troisième larron arriva à point nommé pour tirer les marrons du feu. Sam et Dan Houser, qui essuyaient encore les plâtres de leur studio, Rockstar Games, parvinrent à acquérir le contrat éditorial de Grand Theft Auto, posant par la même occasion le premier jalon de la deuxième vie du jeu. Quand dans le courant de l‟année 2001, les premières infos commencèrent à filtrer à propos d‟un troisième opus de la série, la presse spécialisée ne joua son rôle de relais d‟information que d‟une manière tiède, pour ne pas dire froide. Après deux opus en vue aérienne, GTA III avait l‟ambition de conserver l‟ambiance du titre, mais en passant en vue en 3 dimensions subjective dans un univers urbain inspiré de New York. Un peu comme si Quasimodo se transformait en miss monde. Ce qui inquiétait la presse n‟était pas le trop-plein d‟ambition, mais plutôt le background de Rockstar Games, vierge de toute production antérieure. C‟est donc affublé d‟un statut d‟underdog que GTA III débarqua dans les rayonnages. Déferla devrait-on plutôt dire. Transformer une attente moyenne en un engouement s‟affranchissant des barrières de l‟ordinaire fut la première, mais non la moindre gageure accomplie par les frères Houser et leur équipe. Une grande partie des défis annoncés étaient relevés. Ce type de petit miracle fut adoubé par l‟immense majorité de la presse qui, à partir de là et pour les années à venir, n‟allait rarement les gratifier de commentaires autres que dithyrambiques. L‟extrait ci-dessous est tiré du test paru le 31 octobre 2001 sur le site français Gamekult.com, pourtant réputé pour ne pas semer des points à tout va :
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Figure 9: Note attribuée par Gamekult au premier épisode en 3D de la série des Grand Theft Auto. 58
GTA III sera suivi de deux épisodes utilisant le même moteur graphique : GTA Vice City ainsi que GTA San Andreas. Ces deux opus, qui hormis quelques allusions disséminées çà et là (ce qui deviendra une marque de fabrique des Grand Theft Auto) n‟ont pas de lien avec leur grand frère. Par contre, ils vont permettre à la série de définitivement s‟acoquiner avec la pérennité. Dans la table ci-dessous sont repris les principaux épisodes de la série59 . Nous les confrontons d‟une part à leurs chiffres de vente, et à la moyenne des notes reçues pour chaque jeu compilée par Metacritic.
58
“Grand Theft Auto III – Le test sur PS2 “, archives du site Gamekult.com (information jeu vidéo), URL : http://www.gamekult.com/tout/jeux/fiches/J000001277.html , consultée le 19 février 2010. 59 Un certain nombre de Grand Theft auto sont parus sous forme de „spin off‟ d‟épisodes majeurs. Surtout destinés à couvrir un maximum de console de jeu, et surtout les moins performantes (ex. : DS, PSP…), ces jeux n‟ont cependant pas les tares de vulgaires produits dérivés. Traités avec soin, ils ne touchent néanmoins qu‟un public plus ciblé et forcément moindre. C‟est pourquoi, dans un souci de cohérence et de concision, nous ne nous attardons ici que sur les épisodes „majeurs‟ de la série.
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On pourrait ergoter sur le fait que GTA IV ne se soir vendu „qu‟à‟ 13 millions d‟exemplaires, mais ce serait passer outre le fait que le parc de consoles actuelles (PS360 – XBOX 36061) est estimé à 72 millions d‟unités alors que leurs consœurs d‟ancienne génération (PS2 – XBOX) s‟étaient écoulées à plus de 161 millions d‟exemplaires de par le monde. L‟autre information intéressante qui nous est fournie par ce tableau, elle est relative au fait qu‟au fil du temps, le nombre de tests consacrés à GTA a également augmenté, prouvant par les chiffres que l‟intérêt qui s‟est développé pour la série s‟est concrétisé de manière aussi bien commerciale 60
“PlayStation 3 worldwide unit sales“, Section finances du site de Sony Japon (officiel), URL : http://www.scei.co.jp/corporate/data/bizdataps3_sale_e.html, consultée le 12 février 2010. 61 “Xbox 360 : 39 million consoles sold, only half are on Xbox live“, rubrique news du site Kotaku (actualité vidéo ludique), URL : http://kotaku.com/5442283/xbox-360-39-million-consoles-soldonly-half-are-on-xbox-live?tag=recent_news;title;5, consultée le 12 février 2010.
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ULB | Master en Information et Communication qu„intellectuelle‟, de plus en plus de gens ou d‟entités trouvant Grand Theft Auto suffisamment intéressant que pour y consacrer un article consistant. Cette observation doit évidemment être prise en considération en gardant à l‟esprit le fait qu‟entre 2001 et 2008, le nombre de sites Internet dédiés aux Jeux vidéo a pu augmenter. Mais dans le même temps, des magazines disparaissaient aussi.
4.2 GTA IV : Le plus grand jeu du monde ?
À
en croire certains médias (mêmes généralistes) par le buzz alléchés, il allait y avoir un avant et un après 28 avril 2008 dans le monde vidéoludique. Si l‟objet de ce mémoire est de comprendre comment cette
attente s‟est développée et par quels biais, nous allons d‟abord sauter quelques cases afin de nous abreuver de chiffres bruts, certes, mais néanmoins parlants. Quand certaines mesures crèvent des plafonds, il est de coutume de parler de records. Et les records, Grand Theft Auto 4 n‟a pas attendu plus tard que le jour de sa sortie pour les collectionner : 3,6 millions62 – Le nombre de copies du jeu vendues le jour de sa sortie. 631.000 63– Le nombre de GTA IV vendus au Royaume-Uni le jour de sa sortie. En extrapolant un peu, après un jour, 1 personne sur 100 parcourait les rues de Liberty City outre-Manche. 550 millions64 – En dollars, le bénéfice estimé des revenus engendrés par l‟enfant prodigue de Rockstar Games en une semaine. Nous arrêterons le décompte ici car le but n‟est pas de devenir une annexe du livre des records. Néanmoins, et même si depuis lors Call of Duty Modern
62
“GTA IV smashes all sales records“, rubrique news du site V3.co.uk (actualité technologies), ULR : http://www.v3.co.uk/vnunet/news/2216243/gta-hijacks-sales-crown , consultée le 12 février 2010. 63 “UK Charts all conquering GTA IV hits N°1“, Rubrique news du site MCV (Business online), URL : http://www.mcvuk.com/news/30473/UK-CHARTS-All-conquering-GTA-IV-hits-No1 , consultée le12 mars 2010. 64 RITCHELL (Matt), “A $500 million week for Grand Theft Aoto“, blog technology du New York Times, URL : http://www.nytimes.com/2008/05/07/technology/07game.html?_r=1, consultée le 12 mars 2010.
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ULB | Master en Information et Communication Warfare 2 est venu squatter la première marche du podium en matière de ventes inaugurales, force est de constater que la production de Rockstar Games a marqué l‟histoire du jeu vidéo. On n‟attire pas les mouches avec du vinaigre et avant de vraiment se pencher sur la campagne de communication qui a contribué à ce succès, voici quelques particularités qui font qu‟en plus d‟être une évolution techniquement remarquable et très bien scénarisée de ses glorieux ainés, GTA IV avait dans son ADN des caractéristiques à même de le faire sortir du lot.
4.2.1 Attendu autant que couru
D
u fan indécrottable proactif dans sa recherche d‟informations au joueur lambda désireux de se tenir au courant de l‟actualité du milieu, un jeu vidéo réputé comme attendu est un polarise généralement diverses
activités prospectives. Mais peu de produits vidéo ludiques peuvent se targuer d‟intégrer des guests stars de calibre mondial dans leurs aventures virtuelles. Le fait d‟héberger des célébrités est dans GTA une tradition au long cours. D'aucuns se rappelleront d‟une mission dont le but était de permettre à Phil Collins de pouvoir jouer sereinement son concert au stade de Vice City (Vice City Stories, PSP & PS2…) ou de Ray Liotta prêtant sa voix à Tommy Vercetty (GTA Vice City, 2002). Entre autres. À Liberty City (ville dans laquelle se déroulent les aventures de Niko Belic, héros de GTA IV), le joueur peut écouter à la radio des célébrités telles qu‟Iggy Pop, Juliette Lewis, Karl Lagerfeld ou encore DJ Premier mais également assister à un show tout en autodérision de l‟acteur de stand-up Ricky Gervais. Ajoutant un côté exclusif au produit, cette présence de personnages publics célèbres dans une aventure virtuelle est clairement un emprunt au monde des séries télévisées. De là à ce que dans quelques années certains personnages publics se fassent claquer la porte au nez par des développeurs de jeux vidéo à
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ULB | Master en Information et Communication l‟instar de la mésaventure subie par un David Beckham voulant intégrer les Simpsons65, il y a un pas que nous ne franchirons pas encore.
4.2.2 La polémique, c’est chic
I
l aurait été étonnant qu‟un jeu vidéo proposant en vrac de carjacker des automobilistes, d‟écraser des piétons, de faire prospérer l‟économie des filles de joie, de diminuer drastiquement les rangs des forces de police ou
encore de consommer drogue et alcool ne fasse pas bondir les plus puritains d‟entre tous. Même s‟il existe une classification (PEGI en Europe66) censée préserver les plus jeunes du vice interactif, GTA s‟est de tout temps attiré les foudres d‟une faune assez hétéroclite de réactionnaires de tout bord. Si outre-Quiévrain, Familles de France ne manque jamais d‟y aller de son petit laïus et si GTA IV a tout de même été interdit en Thaïlande67 après le meurtre d‟un chauffeur de taxi par un illuminé voulant ‘faire comme dans GTA’, la palme de l‟adversaire le plus pugnace revient à un membre du barreau de Miami, Jack Thompson. Spécialisé dans les erreurs médicales au début de sa carrière, l‟avocat floridien trouva par la suite un autre cheval de bataille : l‟obscénité et la violence dans les médias populaires. Après avoir chargé en règle les rappeurs du 2 live crew ainsi qu‟Ice T, il se mit en tête de faire le lien entre le massacre de Columbine et les jeux vidéo de tir. Nous ne pourrons jamais savoir ce qui a poussé Eric Harris & Dylan Klebold à perpétrer un horrible massacre dans les couloirs du collège de la petite ville de Littleton. Par contre, les faits démontrent qu‟à partir de ce moment, Jack Thompson va particulièrement prendre en grippe le jeu vidéo violent. Et vous
65
“Les Simpsons snobent un David Beckham trop peu populaire“, site de 20 minutes (quotidien suisse), URL : http://www.20min.ch/ro/entertainment/television/story/21439006, consultée le 21 juillet 2010. 66 “PEGI Pan European Game Information“, présentation de la notation sur la homepage du site, URL : http://www.pegi.info/fr/, consultée le 21 juillet 2010. 67 “Nouvelle polémique en Thaïlande, GTA IV interdit“, page news du site génération-nt (nouvelles technologies), URL : http://www.generation-nt.com/gta-iv-rockstar-games-thailandenew-era-interactive-media-meurtre-actualite-134241.html , consultée le 21 juillet 2010.
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ULB | Master en Information et Communication devinerez sans problème qu‟il n‟a pas dû chercher très loin pour trouver une cible de premier choix, à savoir GTA. S‟il n‟a pas totalement tort sur le fond, son argumentaire est, disons-le, assez particulier. Pour ne pas dire illuminé. Vous pourrez retrouver l‟intégralité de la missive d‟un maître Thompson aujourd‟hui radié du barreau de Miami en annexes. Sachez surtout que l‟Ancien Testament prend une place plus qu‟importante dans son plaidoyer, et que les raccourcis faciles ne semblent pas constituer des obstacles à sa rhétorique pour le moins démagogique. Nous attribuerons une mention spéciale au passage où il insinue que l‟éducation de Strauss Zelnick avait tout de celle que pouvaient recevoir les membres des jeunesses hitlériennes. Au-delà d‟un argumentaire dont les ficelles grosses comme des maisons peuvent faire sourire, ce combat acharné de Thompson contre Grand Theft Auto a sans doute eu pour effet de renforcer l‟intérêt public par rapport au jeu. Nous ne nous risquerons pas à affirmer que cela ait pu doper les ventes, mais comme dans beaucoup d‟autres domaines, la polémique et l‟interdit ont parfois l‟effet contraire à celui voulu : ils attirent au lieu d‟éloigner.
4.2.3 Focus sur une durée de vie étendue
L‟
évolution des techniques, ainsi que la démocratisation d‟Internet permet aujourd‟hui aux producteurs de jeu vidéo de „doper‟ la durée de vie de leurs produits par le biais de contenus additionnels se
greffant à jeu d‟origine. S‟il s‟agit parfois simplement de voitures supplémentaires dans un jeu de course automobile ou bien d‟armes inédites dans un jeu de combat, la durée de vie de Grand Theft Auto 4 a été singulièrement prolongée par le biais de deux épisodes additionnels qui, mis ensemble, peuvent prétendre concurrencer la durée de vie d‟un jeu original. L‟intérêt à sortir un jeu vidéo en plusieurs épisodes est, sur un plan marketing, principalement de doper sa durée de vie. Alors qu‟un blockbuster, comparable à un jeu vidéo si l‟on considère qu‟il réalise également de très gros résultats dès sa Gilles Colinet|La culture vidéoludique à l’épreuve du marketing
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ULB | Master en Information et Communication sortie, connaît une croissance très rapide, mais arrive également très vite à maturité (le temps de sa présence à l‟affiche, en gros), le contenu épisodique d‟un jeu vidéo lui permet de tenir le haut du pavé plus longtemps. Si l‟on se repenche sur l‟exemple d‟Iron Man, évoqué précédemment et qui constituait la grosse sortie hollywoodienne du début du moins de mai 2008, ses résultats en première semaine sur le territoire états-unien furent de l‟ordre de plus ou moins 98 millions de dollars68 récoltés grâce à des entrées dans plus de 4000 cinémas. 5 mois plus tard, fin septembre, et au bout de 24 semaines d‟exploitation, les chiffres étaient drastiquement retombés et le film ne ramenait plus que 58.364 dollars69. Dans le même laps de temps, GTA 4 (qui allait se vendre à 13 millions d‟exemplaires sur l‟année 2008) s‟apprêtait à accueillir le premier de ses deux épisodes supplémentaires (tous deux vendus à plus d‟un million d‟unités). En renouvelant son caractère actuel70, l‟éditeur s‟offre la possibilité d‟occuper plus longtemps le terrain conquis et retarde par la même occasion le moment où, arrivé en fin de vie, il bradera son produit comme il est de coutume dans le milieu du jeu vidéo, le plus souvent par le biais de gammes budget proposant les bestsellers à prix réduit. C‟est à peu près un an et demi après sa sortie (le 14 octobre 2009 très exactement) que le jeu phare de Rockstar passa en gamme classic et verra son prix originel amputé de moitié. À titre de comparaison, Iron Man avait à cette époque là déjà transité par la case „sortie en DVD‟ (en septembre 2008) et s‟apprêtait à être diffusé sur Canal + France71.
68
“Iron Man (2008) – Box Office Mojo “, page présentant les résultats du film au cours de durée de vie sur box office mojo (classements cinéma), URL : http://boxofficemojo.com/movies/?page=weekend&id=ironman.htm, consultée le 6 mars 2010. 69 Id. 70 NDLR Dans un premier temps, les contenus additionnels nécessitaient obligatoirement la possession du jeu original pour pouvoir être joués. Ce fut le cas jusqu‟à la sortie physique de Grand Theft Auto : Episodes from Liberty City à la fin du mois d‟octobre 2009. 71 CAINE (Olivier), “Iron man“, page dédiée au film sur le blog d‟Olivier Caine, URL : http://olivier.quenechdu.free.fr/spip/spip.php?article2896, consultée le 5 mars 2010.
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ULB | Master en Information et Communication Cette mise à disposition de contenu additionnel a également fait l‟objet d‟une spéculation entre les deux fabricants de consoles proposant GTA 4 : Microsoft et Sony. Microsoft, en meilleure santé financière, décrocha la timbale et s‟offrit l‟exclusivité des ces deux add-ons („The lost & the damned‟ & „The ballad of gay Tony‟) pour les proposer en primeur aux possesseurs de la console maison, la XBOX 360. Sachant que la firme de Redmond a du se délester au total de 50 millions de dollars pour s‟assurer une priorité temporaire72 sur ces contenus épisodiques, on mesure mieux à la lumière de l‟ampleur des sommes en jeu et l‟intérêt pour les développeurs de concevoir un jeu „à épisodes‟.
4.3. La campagne en détails
B
ien que Grand Theft Auto 4 s‟inscrive en mai 2008 comme le tout nouvel épisode d‟une série au succès éprouvé, ce n‟est pas pour autant que ses promoteurs pouvaient s‟octroyer le droit de simplement se reposer sur
leur laurier et regarder leur portefeuille gonfler. Comme toute nouvelle sortie, celle de GTA quatrième du nom a fait l‟objet d‟une large promotion, dont nous détaillons ci-après les principales actions.
4.3.1 Challenges
E
n préambule à l‟analyse de cette campagne, attardons-nous un instant sur le contexte dans lequel sont parues les tribulations virtuelles de Niko Bellic à travers les rues de Liberty City.
72
The Lost & The Damned fut disponible le 08 mars 2009 sur le Xbox live et The ballad of gay Tony suivit le 29 octobre 2009. Les possesseurs de PlayStation 3 auront dû quant à eux patienter jusqu‟au 30 mars 2010 pour profiter du contenu additionnel de GTA 4.
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ULB | Master en Information et Communication Dans ce cadre73, David Harrison (professeur au Long Road Media de Cambridge) a pu mettre en exergue les principaux challenges à relever au moment d‟assurer la promotion de GTA 4 : -
GTA IV se coupe de certaines caractéristiques ayant fait le succès de la série. Alors que les précédents opus s‟inspiraient librement de références cinématographiques74 , les aventures de Niko Bellic sont beaucoup plus originales. Par ailleurs, le côté parfois délirant de la série75 ici mis en retrait constitue une autre rupture à laquelle le public doit être préparé
-
La série doit composer avec les effets pervers de la controverse nourrissant son succès. Alors que beaucoup de gens aiment GTA pour son côté politiquement incorrect, il est probable que les défenseurs de la moralité fassent feu de tout bois au moment de dénoncer les travers abjects de Grand Theft Auto 4.
-
Avec un délai d‟un an et demi entre l‟annonce du jeu et sa sortie effective, l‟un des défis (et non le moindre) était de maintenir l‟intérêt auprès d‟un public soumis à une foultitude d‟autres tentations.
-
Faire en sorte que la hype n‟outrepasse pas les promesses du produit final. Avec la faculté du web de propager des rumeurs combinée à la tendance des médias à reprendre ces infos sans les recouper, la nécessité de garder un contrôle sur l‟information (et la démentir le cas échéant) s‟impose d‟elle-même.
-
Ne pas donner trop d‟information sur le jeu afin que le consommateur n‟ait pas l‟impression de revivre une aventure lue ou entendue une fois la manette en main.
73
„GTA 4 – Marketing „, Post issu du blog lié au cours „Instiutions & audiences‟ dispensé au Long Road sixth form college (Cambridge), URL : http://longroadinstitutionsandaudiences.blogspot.com/, consultée le 19 décembre 2009. 74 Il y avait du Parrain dans GTA III, du Scarface dans Vice City ainsi que du Boy‟z in the hood dans San Andreas. 75 Exemple parmi d‟autres, GTA San Andreas proposait au joueur de moissonner des cultivateurs de cannabis post-hippies avant de bouter le feu à leur champ de chanvre. Le tout engendrant une nébulosité „particulière‟ dont vous imaginerez sans mal les effets.
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ULB | Master en Information et Communication Rockstar Games a très tôt adopté une stratégie consistant à créer le buzz autour de sa future sortie. Énumérés par Emakina en 200676, les ingrédients minimaux nécessaires pour faire démarrer un buzz sont les suivants Storytelling : donner au public des éléments d‟information faciles à mémoriser et à raconter Pass-Along Effect : Opter pour des expériences indirectes qui peuvent être racontées comme des expériences directes (ex : j‟ai vu une vidéo de…) Ne pas diffuser les informations d'une traite, mais au contraire définir un timing bien précis S‟il ne fallait citer qu‟une société ayant depuis longtemps consommé l‟art de faire trépigner son public, ce serait d‟Apple dont il serait question, chaque annonce d‟un nouveau produit de la marque à la pomme générant des espérances énormes se traduisant en files kilométriques pour se procurer l‟objet désiré en primeur. GTA 4 peut également se targuer d‟avoir fait perdre la tête77 à certains aficionados (agression de joueurs sortants de magasins avec leur précieuse copie, disputes de file d‟attente…) et l‟intérêt que nous y portons réside dans le cas présent à la manière dont Rockstar s‟y est pris pour en quelque sorte faire „monter en température‟ les joueurs et les convaincre que le nouvel épisode de Grand Theft Auto allait être „the game to play‟ En janvier 2008, soit quatre mois avant la sortie du jeu, Dan Houser, frère de Sam et scénariste de GTA 4, déclarait à l‟Associated Press que si Rockstar distillait ses informations avec parcimonie, c‟était loin d‟être innocent :
76
“Viral marketing theory“, Présentation powerpoint réalisée par l‟agence Emakina et mise à disposition sur Slideshare (partage de powerpoints), URL : http://www.slideshare.net/emakina/viral-marketing-theory, consultée le 04 juillet 2010. 77 “British launch of Grand Theft Auto IV marred by stabbing“, AFP Google news (Page reprenant les depêches de l‟agence de presse AFP), URL : http://afp.google.com/article/ALeqM5gApx9KqwTs6-uzJOkmRLRZuvQTQw, consultée le 12 juillet 2010.
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ULB | Master en Information et Communication ‘Nous voulons faire en sorte que le joueur soit excité au moment où il met le jeu dans sa console, qu’il puisse découvrir des choses […] bien sur, c’est important que les gens sachent ce qu’ils achètent, mais nous voulons vraiment qu’il y ait des surprises tout au long de cette aventure vidéoludique »78. C‟est donc avec cet objectif aux allures de dilemme que s‟est engagée la promotion d‟un jeu annoncé dans la masse d‟information de la conférence de presse de Microsoft au salon E3 de 2006 et officiellement daté en mars 2007. Avant de rentrer plus dans le détail des actions de communication développées, voici un planning récapitulatif situant dans le temps les pans majeurs de la campagne :
4.3.2 RP l’importance de cultiver son parterre de fans
P
artie immergée de l‟iceberg, les relations publiques et les relations presse constituent un très gros pan des efforts menés par Rockstar pour pouvoir donner à son bébé la notoriété escomptée. En règle générale, ce
type d‟actions peut être évalué par le biais du retour qu‟elle engendre. Si vous passez des heures à démarcher des dizaines de journalistes avec pour seul résultat un entrefilet, vous pouvez vous dire que vous avez raté votre coup. 78
“ Grand Theft Auto IV hits store shelves“, rubrique news de CBS (télévision américaine), URL : http://www.cbsnews.com/stories/2008/04/29/tech/main4055455.shtml, consultée le 04 août 2010.
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ULB | Master en Information et Communication Dans le cas présent, il n‟est nullement question de parler de tir à blanc. De l‟annonce du jeu à sa sortie, les articles, previews, interviews et autres comptesrendus exclusifs ont été légion. En ce qui concerne GTA IV, un rapide coup d‟œil à la multitude d‟articles de presse repris par le portail GTA4.net du début de l‟année 2007 la sortie du jeu est suffisamment équivoque : ce ne sont pas moins de 50 previews, 9 interviews et 12 tests provenant de différents médias qui ont été relayés en moins d‟un an et demi79. Si l‟on tient compte que ces chiffres sont non-exhaustifs étant donné que nous n‟avons pas la garantie que tous les magazines ou que tous les sites Internet ont été passés au crible, le résultat du travail de relations presse et de relations publiques de Rockstar peut être considéré comme assez fructueux. Par ailleurs, et à côté de la presse spécialisée, le travail de RP de Rockstar s‟est également focalisé sur les fansites, portails non officiels dédiés soit à la série tout entière, soit au nouvel épisode de la série. Ils constituent des cibles à privilégier. Bien traités, bien informés et confortés dans leur rôle „d‟informateurs privilégiés‟, ils charrieront dans le sillage de leur production rédactionnelle un dynamisme pouvant avoir un effet d‟émulation sur l‟attente relative au jeu. Jetons un coup d‟œil, encore une fois, à l‟activité du site GTA4.net. Voici la répartition des types de news parsemant les archives du portail du mois de mars 2007 (premières informations sur le jeu) à sa date de sortie, à la fin du mois d‟avril 200880.
79
“Grand Theft Auto IV“, page d‟archives du site GTA4.net (dédié au jeu), URL : http://www.gta4.net/news/archive.php, consultée le 15 mai 2010. 80 Id.
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81
Le premier constat est clair : en l‟espace d‟un peu plus d‟un an, ce ne sont pas moins de 210 news dédicacées au jeu qui sont parues sur le portail. Cette proactivité manifeste s‟explique par le fait qu‟au-delà d‟un simple travail journalistique (24 %), les sites de fans cherchent tous azimuts du contenu pour nourrir leurs lecteurs, n‟hésitant pas à relayer bien évidemment les informations émanant directement de Rockstar (18 %), mais également celles qui sont jugées dans le flux de nouvelles des autres médias (51 % des news). En prenant en compte du fait que certains fragments de la vie de la communauté sont également relayés sur la homepage du site (certaines nouvelles sont directement issues de discussions sur les forums, 7 %), il est clair que ces pôles d‟hyperactivité de l‟intérêt deviennent des cibles privilégiées à stimuler pour Rockstar. Ces derniers ne s‟y sont pas trompés. Que ce soit en leur fournissant des informations exclusives telles que des screenshots inédits, des goodies ou en les invitant à une soirée de lancement, Rockstar Games a bien compris que les „amateurs éclairés‟ faisant vivre leur jeu avant l‟heure figurent parmi les piliers permettant à la communauté d‟exister. À ce sujet, il est intéressant de se pencher sur la théorie développée par Chris Anderson. Connu comme le père de la théorie de la „longue traîne‟, formalisant la 81
Les informations officielles proviennent de l‟éditeur, les informations tierces d‟autres sites ou médias, les informations communautaires des forums ou d‟internautes isolés et les informations propres sont directement produites par les rédacteurs actifs sur le site.
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ULB | Master en Information et Communication réalité économico-commerciale dans le domaine des produits culturels, Anderson s‟est dans un passé très récent appuyé sur le travail du Media Stream Metadata Exchange82 de l‟Université de Berkeley pour mettre en évidence l‟existence d‟informations liées à ces biens sur le web. Si cette schématisation s‟ancre dans le concret en faisant référence à des œuvres musicales, l‟adapter au monde des jeux vidéos (qui pour rappel s‟intègrent pleinement dans la catégorie des biens d‟expérience) ne pousse à la plus extravagante extrapolation.
Architecture de la participation
Remixeurs
Medias remixés et métadonnées centrées sur l’utilisation
Nouveaux venus, fans occasionnels
Consommateurs de médias
Enthousiastes Medias d’origine et métadonnées centrées sur la production
Medias d’origine et métadonnées centrées sur la production
Medias d’origine et métadonnées centrées sur la production
Producteurs de médias
Créateurs Originaux
83
Pour Chris Anderson, cette (nouvelle) architecture de la participation témoigne du fait qu‟aujourd‟hui la structure monolithique dans laquelle les professionnels produisaient et les amateurs consommaient est révolue et est devenue un marché à 2 voies, où vous pouvez vous retrouver dans tous les rôles. Cela illustre le
82
“Media streams metadata exchange (MSMDX) school of information“, page de la section MSMDX sur le site de l‟Université de Berley (États-Unis), URL : http://www.ischool.berkeley.edu/research/projects/msmdx , consultée le 05 mars 2010. 83 ANDERSON (Chris), The long tail : How endless choice is creating unlimited demand, Random House Business Books, 2006, Londres, Pp. 93-94.
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ULB | Master en Information et Communication changement qu‟a pu apporter la démocratisation des outils de production et de distribution de l‟information84. Dans le cas de Grand Theft Auto 4, les sites de fans et leurs forums laissent apparaître toutes les sortes d‟interactions développées dans le schéma de l‟architecture de la participation. Dans la peau des créateurs originaux, nous retrouvons Rockstar Games, qui diffuse savamment images, vidéo et infos exclusives. Dans celle des remixeurs, le staff composant les sites ainsi que certains internautes produisent leur propre contenu à partir des informations fournies par Rockstar. Certaines vidéos sont retravaillées, d‟autres décortiquées. Certains artistes s‟inspirent même de la série pour proposer des artworks. Les enthousiastes sont ceux qui, par leur proactivité, font vivre les forums et autres espaces de discussion. Les nouveaux venus ou fans occasionnels constituent pour leur part le public moins visible, mais ô combien important permettant à ces espaces communautaires justifier leur raison d‟être. L‟essence alimentant ces mécanismes provient donc de l‟éditeur ou du producteur du jeu, sans cela, les discussions se tarissent puis dépérissent. Pour susciter buzz et bouche à oreille, il est en définitive évident que ce travail d‟animation de la communauté est l‟un des piliers majeurs du travail de communication de Rockstar. Gta4.fr est l‟un des fan sites francophones majeurs peuplant la galaxie de pages web dédiées au jeu de Rockstar. Nous sommes allés à la rencontre de SR, responsable des relations publiques du portail. GTA4.fr – La genèse Spyker8C : ‘Les motivations liées à la création de GTA4.fr étaient bien évidemment muées par la volonté de construire une communauté de joueur apportant de l’information, mais dynamisant également le milieu francophone. Il s’agit avant tout d’un regroupement de passionnés, ayant chacun une activité en parallèle, mais étant prêt à consacrer une partie de son temps libre à la gestion du site. L’équipe a constamment évolué depuis la fondation de GTA4.fr, comme dans n’importe quelle 84
Ibid.
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ULB | Master en Information et Communication communauté associative ou professionnelle, mais les piliers au cœur du fonctionnement sont les même depuis le commencement’. GTA4.fr - Investissement personnel Spyker8C : ‘Il est vraiment difficile de quantifier avec exactitude le temps investi dans GTA4.fr. Cela dépend d’abord de facteurs propres aux personnes. Certains d’entre nous travaillent, d’autres sont encore étudiants, que ce soit dans le secondaire ou le supérieur. Il y a également une forme de phénomène de saisonnalité. L’implication dans la vie du portail dépend des périodes dans l’année et fluctue même d’un an à l’autre. Globalement, les périodes nécessitant le plus d’activité sont celles faisant suite à l’annonce d’un jeu ou précédant de peu sa sortie. Et assez logiquement, nous connaissons une rechute quand le jeu commence à être dépassé, même si la communauté ne meurt pas pour autant. C’est assez cyclique’. GTA4.fr - Collecte des informations Spyker8C : ‘Il n’existe pas de recette miracle, certains de nos ‘newsers’ vont se baser sur des communiqués de presse tandis que d’autres iront pêcher leurs infos sur des sites de référence ou bien à la concurrence. Il arrive évidemment que l’on reçoive des informations provenant des producteurs de jeu, mais le principal travail de récolte est proactif’. Apport de la communauté Spyker8C : ‘L’apport des membres, principalement via les forums, est capital. Sans eux, il nous serait impossible de surveiller en permanence les tressaillements du web’.
4.3.3 Créer le buzz… En ligne…
A
près s‟être constitué une base de relais d‟information consistante (parfois préexistante), Rockstar pouvait ouvrir les vannes à informations. Cette divulgation des caractéristiques du jeu s‟est effectuée au compte
goutte, en s‟appuyant sur des supports multimédias. La vidéo, globalement Gilles Colinet|La culture vidéoludique à l’épreuve du marketing
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ULB | Master en Information et Communication considérée comme plus impactante85 que l‟écrit ou que l‟image fixe a constitué une sorte de fil rouge tout au long de la campagne. 4 trailers, diffusés en mars 2007, juin 2007, début avril 2008 et le jour de la sortie du jeu (29 avril 2008) ont été diffusés en empruntant les larges plates-bandes rendues accessibles d‟une part l‟activité de sa communauté et d‟autre part par la possibilité de partager l‟information, terme moins rigide et plus chaleureux que „publier‟ ou „divulguer‟. Par le biais de leur mise en ligne rapide sur des réseaux de partages, ces vidéos ont en outre pu jouir d‟une visibilité dopée. Le premier trailer, „Looking for that special someone a par exemple été visionné plus de 2,5 millions de fois depuis sa mise en ligne sur YouTube86. Si cela le laisse loin du record du genre87 établi par Justin Bieber, nouvelle idole américaine pour midinettes (son clip „Baby‟ a été visionné près de 250 millions de fois), ce chiffre témoigne d‟un engouement remarquable. D‟autant plus si l‟on garde à l‟esprit qu‟à ce moment-là, GTA 4 ne disposait pas encore de site Internet propre et fonctionnel88. Nourrir les joueurs d‟informations a fait figure de priorité. Et hors ligne…
L‟
une des caractéristiques du buzz est de s‟appuyer sur des modes de diffusion novateurs89. Afin de voir ce buzz prendre, il est également judicieux de s‟appuyer sur plusieurs canaux de communication.
En ce sens, après avoir investigué le Net et sa vie virtuelle, Rockstar a également choisi de mettre Grand Theft Auto 4 en scène dans la vie réelle. Non pas que Nico Bellic soit apparu en chair et en os dans la ville de New York inspirant Liberty 85 86
“GTA IV trailer“, vidéo postée sur YouTube (partage de vidéos), URL : http://www.youtube.com/watch?v=HlF6fbIFiCM, consultée le 30 mars 2008. 87 RICHARDS (Chris), “Justin Bieber breaks YouTube records“ Page Arts & Living du blog du Washington Post (Quotidien de référence américain), URL : http://blog.washingtonpost.com/clicktrack/2010/07/justin_bieber_breaks_youtube_r.html, consultée le 20 juillet 2010. 88 NDLR : seulement mis online le 08 février 2008. 89 “Marketing viral et buzz marketing : définitions, méthodes et stratégies d‟entreprise“, Site d‟indexpresse (société commercialisant des bases de données d‟articles de de presse) ; URL : http://www.indexpresse.fr/fichiers/marketing%20viral%20et%20buzz%20marketin_biblio.pdf , consultée le 12 avril 2009.
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ULB | Master en Information et Communication City, mais à plusieurs reprise, le jeu fut mis en scène de manière plus ou moins spectaculaire et décalée sur les murs de Big Apple. Ce type d‟action présente plusieurs avantages. Premièrement, et toute proportion gardée, elles restent moins coûteuses que de l‟insertion publicitaire systématique ou bien qu‟une campagne d‟affichage. Deuxièmement, les personnes qui y sont exposées présentent plus de chances de se remémorer un dispositif spectaculaire qu‟une réclame sur un abribus. Enfin, le côté décalé de ces actions augmente les chances qu‟elles soient répercutées, aussi bien par bouche à oreille classique que digital. En l‟occurrence, chaque nouvelle manifestation de la présence de GTA 4 quelque part à New York a été répercutée par la majorité des sites spécialisés.
Si elles sortaient de l‟ordinaire, ces actions avaient en plus pour elle l‟avantage de s‟intégrer avec cohérence dans la campagne globale liée au jeu. Prenons l‟exemple des posters „Most Wanted‟ placardé principalement dans les environs de Brooklyn. Présentant les criminels les plus recherchés de Liberty City, ils mentionnaient une adresse web fonctionnelle et incitaient le bon citoyen à communiquer les informations qu‟il avait éventuellement en sa possession. Celui Gilles Colinet|La culture vidéoludique à l’épreuve du marketing
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ULB | Master en Information et Communication ou celle qui faisait la démarche arrivait sur la page réelle du très fictif service de police du jeu, qui en plus de remercier l‟internaute pour son action citoyenne, le renvoyait par la suite vers la homepage du jeu.
Ce genre de détail tout à fait original contribue à la construction d‟un background solide et cohérent qui au final rapproche la personne qui marque un intérêt pour Grand Theft Auto du jeu et l‟immisce en quelque sorte dans l‟aventure avant même qu‟elle n‟ait commencée.
4.3.4 Saupoudrez le mix marketing de avec des techniques éprouvées
L
ancée au début du mois d‟avril 2008, la campagne médiatique plus „classique‟ liée au jeu de Rockstar a allié gros budget et sécurité. D‟une certaine manière, une fois l‟attente créée et stimulée, il ne restait plus qu‟à
informer aussi bien les attentifs des premiers mois que les distraits de la dernière heure que le jeu s‟apprêtait à débouler dans les rayonnages. Et sans surprises, les principaux médias de masse furent utilisés pour parvenir à cette fin. Outre une campagne d‟insertions publicitaires dans une multitude de magasines spécialisés ainsi que dans des publications du type „lifestyle‟ masculins (ex : FHM), l‟affichage et les spots télévisés furent les principaux piliers de la stratégie de communication de Rockstar. Preuve de l‟importance du jeu pour Microsoft (qui rappelons le avait déjà déboursé 50 millions de dollars pour s‟assurer l‟exclusivité des épisodes Gilles Colinet|La culture vidéoludique à l’épreuve du marketing
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ULB | Master en Information et Communication additionnels au jeu), c‟est la firme de Redmond qui mit en grande partie la main à la poche assurer la campagne de communication autour du bébé de Rockstar, particulièrement en Europe où tous les spots de lancement de GTA 4 étaient invariablement ponctués par un packshot de la Xbox 360 et par l‟apparition du logo de la console :
Stephen Mc Gill, directeur du service jeu et divertissement de la Xbox déclarait d‟ailleurs à l‟époque : « Rockstar va naturellement mener sa campagne de lancement pour ce qui est évidemment un énorme titre pour eux, mais Microsoft voit GTA 4 comme un jeu fantastique pour mettre en valeur l’expérience Xbox 360 […] vous pouvez vous attendre à une campagne de grande échelle de notre part, à peu près de la même ampleur que celle que nous avons menée pour la sortie de Halo 3 »90 Enfin, le travail de relation publique évoqué en début de chapitre allait encore avoir des répercutions positives. Outre la multitude de tests et de reportages publiés par une critique unanimement élogieuse, le buzz et l‟attente poussèrent une série de médias traditionnels à accorder à Grand Theft Auto 4 une place peu commune pour un jeu vidéo. Outre la une du quotidien français Libération, notons entre autres l‟endurance de Brian Crescente 91(Journaliste pour le Rocky Mountain News) qui s‟enferma 5 jours dans une chambre d‟hôtel pour terminer le jeu d‟une traite.
90
ORRY (James), Microsoft Backing GTA 4 with Halo 3 scale ad campaign, page news du site videogamer.com (actualité vidéo ludique), Url : http://www.videogamer.com/news/microsoft_backing_gta_4_with_halo_3_scale_ad_campaign.ht ml , consultée le 10 juillet 2010. 91 CRESCENTE (Brian), Grand Theft Auto IV : À brutal new world, rubrique entertainment du Rocky Mountain News (quotidien couvrant la région de Denver), URL : http://www.rockymountainnews.com/news/2008/apr/24/grand-theft-auto-iv-a-brutal-new-world/, consultée le 10 juillet 2010.
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4 .3.5 Campagne Internet : au croisement du web marketing et du Social Media Marketing.
L
a campagne de communication de Grand Theft Auto est survenue dans une période que l‟on peut qualifier de charnière par rapport aux usages des vertus du web 2.0. Si les blogs, forums et autres groupes de discussion
faisaient déjà partie du paysage de l‟Internet de l‟époque, la déferlante que constituent les réseaux sociaux n‟avait pas encore l‟ampleur qu‟elle possède aujourd‟hui. Facebook, par exemple, totalisait 12 millions d‟utilisateurs en avril 2007 pour 500 millions aujourd‟hui92. Pourtant, la volonté d‟utiliser ces nouvelles possibilités d‟interaction avec le public se faisait déjà plus que ressentir. La diffusion virale des trailers du jeu, évoquée un peu plus tôt dans ce chapitre était déjà une manifestation de cette volonté. Il fallut attendre la mise en ligne du site officiel du jeu, le 08 février 2008, et plus encore la création du Rockstar Social Club (communauté propre à Rockstar proposant des défis exclusifs aux joueurs inscrits et interconnectés) pour que cette tendance se confirme. Ces deux plates-formes de très haute facture techniques constituaient pour la première l‟indispensable „landing site‟ vers lequel était aiguillé le public de manière active ou passive et pour la seconde une forme de communauté fermée dont les barrières (inscription, nécessité d‟être connecté à Internet avec sa console…) la destinaient surtout à un usage postérieur à la sortie du jeu et par un public n‟étant plus à conquérir. Nous pouvons par contre mettre en perspective la stratégie web de Rockstar à l‟époque et situer son niveau d‟évolution sur l‟échelle de ce que l‟on appelle aujourd‟hui le social média marketing.
92
“Facebook press room“, données destinées à la presse présente sur Facebook, URL : http://www.facebook.com/press.php, consultée le 23 juillet 2010.
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ULB | Master en Information et Communication Le tableau ci-dessous reprend le modèle développé par Arnaud Dassier93 dans l‟ouvrage Internet Marketing 2010 et les actions de Rockstar correspondant aux trois piliers annoncés.
94
À chaque stade de développement correspondent une ou des actions développées par l‟éditeur. Reprocher à Rockstar de ne pas avoir utilisé plus de réseaux sociaux dans son approche du joueur serait inopportun car cela équivaudrait à leur reprocher de ne pas avoir voulu à tout prix aller plus vite que la musique alors que dans le même temps la prise de risque et l‟originalité des moyens déployés sont deux autres caractéristiques de leur campagne de promotion. En décomposant cette campagne, il est surtout intéressant de constater que la diffusion des informations sur Internet n‟a pas été réalisée à l'emporte-pièce et qu‟elle sous-tendait une compréhension manifeste de l‟intérêt à fédérer un public derrière un produit annoncé longtemps à l‟avance.
93
Directeur associé de l‟agence de communication web L’enchanteur. DASSIER (Arnaud), „Le social média marketing : nouvelle mode ou avenir du e-marketing ?‟, in : BER (Guillaume) ; GALLARINO (Aurore) ; JOUFFROY (JULIA) & TISSIER (Martin), Internet Marketing 2010 : l’odyssée du marketing interactif, Paris, Elenbi Editeur, 2010, p.126-127. 94
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ULB | Master en Information et Communication Facebook et Twitter, grands absents de la campagne étudiée ici seront quant ailleurs intégrés peu après par Rockstar dans le panel de ses outils de communication, ce point sera abordé dans le chapitre suivant dédié à l‟analyse de contenu et à la vie sur les communautés virtuelles.
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5. L’AVIS VIRTUEL 5.1 Analyse de contenu : Méthodologie
C
omme développé dans le chapitre précédent, l‟une des principales tâches de Rockstar a été de cueillir le plus grand contingent possible de fans, puis tâcher de les maintenir en éveil. Ce n‟est déjà pas, mais
avoir autant de fans sous la main et les regarder béatement converser dans l‟espoir qu‟ils achètent un beau jour votre produit pourrait passer comme stratégie bien passive à l‟ère d‟un web 2.0. Après avoir capturé le public intéressé, faut-il encore savoir le dompter ! Diverses questions peuvent en effet se poser : L‟internaute va-t-il forcément focaliser son attention sur vos informations ? Les relais que vous ciblez-vont-ils forcément officier avec efficience ? L‟objectif de cette analyse est de mettre en lumière certains types de comportements sur la cybersphère, certaines situations particulières, certains flux de réactions qui permettront de mieux comprendre comment se nouent les interactions propres aux communautés virtuelles.
5.1.1 Corpus
L
e corpus servant de cadre à cette analyse est composé de différents types de pages web. D‟une part, les sites spécialisés font figure d‟incontournables. Ils constituent des points d‟ancrage de référence pour
les internautes en quête d‟information tandis que leur objet même fait qu‟ils se doivent d‟être perpétuellement réactifs. Au niveau francophone, Jeuxvideo.com ne peut pas être mis de côté. Fondé en 1997, il est défini par ses gestionnaires comme étant le plus important site du genre en francophonie avec plus de 500 millions de pages lues mensuellement.95 Gamespot intègre le top 20 des sites de jeux vidéo les plus fréquentés au
95
“Gamer Impact – FAQ“, site présentant les offres commerciale de l‟odyssée virtuelle (groupe gérant jeuxvideo.com), URL : www.gamerimpact.com/mini_faq.htm, consultée le 10 juillet 2010.
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ULB | Master en Information et Communication monde96 tandis qu‟Insidegamers.nl présente la particularité d‟avoir été mis sur pied par un grand groupe de presse (Sanoma). Seconde catégorie de pages analysées, les sites dédiés au blockbuster de Rockstar se rapprochent plus intimement de la communauté virtuelle dans le sens où nous l‟avons évoquée. À côté d‟un travail rédactionnel qui s‟avère à de très rares exceptions près monothématique, ces pages disposent en règle générale de forums vivaces sur lesquels les internautes effectuent un réel travail de „veille collaborative‟. Ces sites prolifèrent sur la toile et présentent un contenu qualitativement varié. Nous nous concentrerons sur 3 portails spécifiques, dont deux figurent dans le top 5 des pages visitées en écho à la recherche „GTA 4‟ sur les moteurs de recherche. Il s‟agit de THEGTAPLACE.com, GTA4.fr ainsi que de GTA4.net. Même s‟ils ont quelque peu été submergés par la vague des médias sociaux, les groupes de discussion restent également des places virtuelles où se développent grand nombre de discussions entre passionnés. De ce fait, l‟activité de Slashdot sera autopsiée. Les réseaux sociaux feront l‟objet d‟une analyse à part pour la bonne et simple raison que leurs caractéristiques intrinsèques les éloignent quelque peu des forums et groupes de discussion. D‟autre part, leur croissance exponentielle au cours de ces dernières années entraîne un biais au moment de comparer leur activité avec les autres types de nœuds communautaires évoqués : entre 2007 et aujourd‟hui, leur utilisation en tant qu‟outil de communication a radicalement évolué. Nous verrons par exemple qu‟au moment de l‟annonce de la sortie de Grand Theft Auto 4, Rockstar Games ne disposait ni de compte Facebook, ni de compte Twitter. Notons pour finir que les sites officiellement liés au jeu faisaient à la base figure d‟incontournables. Pourtant, et après autopsie, ni les très officiels Xbox.com ou Playstation.com ne proposent de réelles possibilités d‟interaction. Le portail
96
“Top 20 most popular videogames websites“, Rubrique news du site Ebizmba (Business Internet), URL : http://www.ebizmba.com/articles/video-game-websites, consultée le 15 juillet 2010.
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ULB | Master en Information et Communication consacré à la console de Microsoft propose bien des forums généraux, mais ces derniers ne sont pas vraiment directement liés à l‟actualité. Chez Sony, ils sont même carrément absents. Cela peut paraître étonnant, mais il est à noter que parmi tous les joueurs interrogés, aucun n‟a répondu se servir des sites de constructeurs comme source d‟information à propos de jeux attendus. Et si l‟on considère que ces mêmes constructeurs font énormément d‟efforts pour propulser leurs joueurs sur la toile par le biais de leur console, on comprend un peu mieux qu‟ils ne se démultiplient pas en créant une vie communautaire confinée à un site Internet.
5.1.2 Échantillonnage :
L
a particularité de la campagne de promotion de GTA 4 est de s‟être étalée dans le temps. Certaines balises sont néanmoins à poser. Annoncé officieusement à l‟occasion de la conférence de presse de Microsoft
donnée au cours du salon E3 de 2006, le jeu est retombé dans un certain anonymat jusqu‟au mois de mars 2007, période à laquelle Rockstar Games a dévoilé une date de sortie officielle ainsi que les premières images de son opus en gestation. De là a commencé une diffusion d‟information soutenue menant à la sortie du jeu, le 29 avril 2008. La période retenue pour cette analyse de contenu court de janvier 2007 à juillet 2008 (annonce de la sortie de GTA 4 sur PC, ouvrant le produit à un public encore plus large). Ces trois mois de battement avant la première annonce et après la sortie officielle visent à pouvoir repérer d‟éventuelles fluctuations de l‟intérêt en dehors des „dates clés‟ stricto sensu. Durant cette période de 19 mois, une série de moments forts ont été identifiés. Repris dans le graphique ci-après, elles ont été sélectionnées sur base de leur importance. S‟il avait fallu recenser chaque nouvelle image publiée ou le moindre petit détail dévoilé, la liste de ces étapes aurait été kilométrique sans pour autant garantir une diversité des réactions. Nous articulerons par conséquent notre „retour vers le futur‟ autour d‟informations à fort impact pour la plupart d‟entre elles. Comme en témoignent les statistiques recueillies à l‟aide de Google Gilles Colinet|La culture vidéoludique à l’épreuve du marketing
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ULB | Master en Information et Communication Zeitgeist, ces dates correspondent avec des moments où l‟intérêt connut des remous allant du soubresaut au réel pic d‟intensité.
Figure 9: évolution des recherches reprenant les termes "GTA 4" sur google mise en relation avec les dates clés de la campagne.
5.1.3 Périodicité :
P
arce que la particularité de la campagne de communication relative est d‟avoir été de longue haleine, le choix ici posé est de s‟atteler à récolter des données mensuelles sur la période de 19 mois évoquées
précédemment. En ce qui concerne les news publiées par un site web, par exemple, cela est assez simple. La plupart archivant leur contenu et le mettant à disposition de l‟internaute, il suffit de faire un bond en arrière de quelques pages pour pouvoir quantifier le nombre d‟articles parus. En ce qui concerne les forums, la tâche se complique singulièrement. Certes, il est théoriquement possible de déterminer très exactement la quantité de réactions particulières postées à l‟intérieur d‟un topic précis et à la minute près, mais malheureusement cela rivaliserait en temps avec le dépouillement d‟une meule de foin à la recherche d‟une épingle.
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ULB | Master en Information et Communication Dans un souci d‟efficacité tout aussi bien que de légèreté de la démarche, le choix méthodologique opéré est de prendre appui sur un outil online, Internet Archive. Le fonctionnement de cette application est le suivant : Internet Archive parcours le web et „immortalise‟ ponctuellement les pages web visitées, ces dernières sont archivées physiquement et il est possible pour l‟utilisateur d‟Internet Archive de retourner dans le temps et de visualiser un site Internet tel qu‟il était un, deux, voir trois ans auparavant. Dans le cas qui nous préoccupe, l‟avantage est le suivant : l‟activité sur les forums peut être perçue par le biais de leurs pages d‟accueil. Comme nous l‟évoquions dans le chapitre 3, les sujets et les réponses y étant liées sont comptabilisés. En retournant dans le passé, il est possible pour les pages sélectionnées de déterminer mensuellement l‟évolution de cette activité.
5.2 résultats 5.2.1 Flux de nouvelles : Sites généralistes vs. Sites spécialisés -
P
remier constat, même s‟il peut passer pour évident : les sites spécialisés génèrent une activité plus intense que les sites généralistes au niveau de l‟information dédiée au titre de Rockstar. Dans le corpus dépouillé, la
différence va du double au triple, mais il serait présomptueux d‟en tirer une règle Gilles Colinet|La culture vidéoludique à l’épreuve du marketing
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ULB | Master en Information et Communication statistique. Notons simplement le dynamisme caractérisé de portails gérés par des individus dont ce n‟est pas l‟activité principale. Nous remarquons que les „pics‟ de production de nouvelles suivent globalement la tendance générale exposée dans la figure 9 et illustrant les fluctuations de l‟intérêt global pour le jeu en fonctions des annonces clés isolées de la masse d‟information diffusée. Dans des périodes telles que celle de l‟annonce du jeu ou de sa sortie, les hausses de recherches relatives à la production de Rockstar trouvent en écho une activité rédactionnelle accrue. Sur cette période de plus d‟un an et demi, les moments de creux dans l‟activité sont moins flagrants sur les sites de fans. Même lorsque l‟actualité liée à GTA4 est nulle ou presque, ces derniers livrent des news permettant d‟une part d‟entretenir l‟intérêt, et par corollaire de maintenir un certain trafic sur leurs pages web et il n‟existe pas pour ces derniers de moments où l‟activité retombe réellement à zéro. Devant la multitude de choix qu‟ils peuvent opérer pour se forger leur opinion, les joueurs interrogés s‟avèrent plutôt catégoriques. Dans un premier temps, peu vagabondent sur le web à la recherche d‟informations ça ou là et la plupart ont plutôt tendance à développer une méthode de sélection de l‟information „rituelle‟. Et si certains déclarent élargir clairement le capital temps consacré à la recherche en cas d‟intérêt marqué, ce n‟est pas pour autant que toute information fasse figure d‟argent comptant.
Marco : ‘Pour moi, le Net passe en second lieu. Comme je n’ai pas beaucoup de temps pour jouer et que la plupart de mes jeux, je les loue, je demande souvent conseil à des potes. Néanmoins, j’achète certains gros titres et dans ces cas là, je vais surtout aller voir les notes. Notes qu’on retrouve sur les sites spécialisés. De manière générale je ne m’attarde pas trop et un avis clair et net me suffit’.
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ULB | Master en Information et Communication Eric : ‘J’ai mes sites de prédilection, et en fonction de mes attentes, il arrive que je passe deux ou trois fois par jour dessus pour voir s’il y a du neuf. À côté de cela, je souscris à pas mal de flux RSS, ce qui me permet de recevoir des informations aussi bien officielles qu’officieuses, objectives que subjectives. En fait, aujourd’hui il y a vraiment moyen de composer soi-même son information propre, de piocher dans le flux que l’on reçoit et de le recuisiner à notre propre sauce’. Julien : ‘C’est clair que les sites généralistes sont très réactifs sur l’information, et ils constituent une sorte de réflexe d’internaute. Parfois, quand j’ai le temps, je fais des recherches plus approfondies, souvent via Google, pour trouver d’autres pages qui parlent des jeux qui m’intéressent. Par ces biais là, on tombe parfois sur des sites très bien tenus sur lesquels on n’aurait pas l’idée d’aller à priori alors qu’ils s’imposent comme évidents vu leur nature. Thomas : ‘Moi, ce que je recherche en général ce sont des images ou des vidéos. Dans ce cas-là, Rockstar nous a plutôt gâtés en en diffusant beaucoup. Et pour les trouver, je vais sur les sites où tout est à portée de main sans trop chercher, qui sont bien construits. Par exemple le site officiel de Rockstar’. Sylvain : ‘J’ai mes sites favoris. Ce qui m’importe c’est d’avoir des avis bien tranchés et objectifs, ce qui ne coule pas toujours de source car de plus en plus de sites Internet semblent accepter de publier un contenu consensuel sous la pression, et peut-être à cause de l’argent des éditeurs. Je privilégie de manière générale les sites généralistes, et quand j’attends vraiment quelque chose, je pense pouvoir dire que je rafraichis mes onglets pratiquement toutes les heures histoire de voir s’il n’y a pas du neuf’. A vu des réponses fournies par notre panel de joueurs, les sites généralistes semblent avoir la préséance en tant que sources d‟information primaires. Cela est compréhensible : reposant sur de plus grosses structures, ils présentent l‟avantage d‟employer (et de rémunérer) des journalistes dont la seule et unique préoccupation est de fournir l‟information la plus complète possible. Gilles Colinet|La culture vidéoludique à l’épreuve du marketing
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ULB | Master en Information et Communication Néanmoins, les sites spécialisés restent les plus proactifs, ce qui induit une ou des motivations particulières. La première d‟entre elles peut être de savoir que notre activité fédère des passionnés. Tout qui a une fois pris la plume ou le clavier et livré sa prose à l‟avis du public sait que la gratification passe par le fait que ce que vous publiez est lu, voir mieux, suscite des réactions. Pour Sylvain, gamer actif97, ‘peu importe que ceux qui me lisent soient d’accord avec moi ou pas. Que du contraire. Pour moi, les avis divergents aident vraiment à se forger une opinion objective. Le tout est de savoir susciter quelque chose chez le lecteur’. D‟autres facteurs de interviennent dans la création et la longévité de sites web amateurs, comme par exemple la reconnaissance de l‟éditeur. Dans la première partie de son entretien (chapitre 4), Spyker8c nous livrait les moteurs qui avaient motivé la création de GTA4.fr. Il évoque ici les relations avec Rockstar Games, qui jouent un rôle important dans la vie du site. Spyker8C : ‘Il nous arrive de manière épisodique d’avoir des contacts avec les gens de Rockstar, particulièrement dans les périodes qui précèdent la sortie de leurs produits. Nous recevons par exemple des images exclusives destinées à la publication, mais nous n’en faisons en général jamais la demande formelle. Rockstar a pris contact avec nous spontanément et même si nous tenons toujours à formuler des avis pondérés et neutres. Le fait que GTA4.fr ne fasse pour aucun d’entre nous figure d’activité principale est à mon sens un bon point pour nous car si du jour au lendemain les éditeurs nous rayaient de leur base de contacts presse, nous pourrions continuer à vivre. […] Il est cependant clair que préserver de bonnes relations avec eux facilite notre travail’ Il évoque également une sorte de relation Win Win entre l‟éditeur et son portail dédié aux itérations de Grand Theft Auto :
97
Sylvain partage de manière régulière ses expériences vidéoludiques sur le forum de son cercle estudiantin (Cercle informatique, ULB) sous le pseudonyme d‟Anorakovsky. Url de la rubrique jeux vidéo : http://www.cerkinfo.be/phpbb/viewforum.php?f=19, consultée le 15 juillet 2010.
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ULB | Master en Information et Communication ‘Je pense que nous n’assurons pas totalement le même rôle que les portails généralistes et que si Rockstar nous considère comme des interlocuteurs crédibles, c’est bien parce qu’il voit en nous un relais permettant de maintenir en vie une base de joueurs perpétuelle. Leur stratégie de communication alliant rareté des informations et passage par les sites de fans contribue à créer l’intérêt. Ils savent très bien que nous serons à l’affut de la moindre information et que nous la diffusons à une communauté propre (NDLR : dans laquelle il est possible de prendre pied par le biais des forums) nombreuse’. Enfin, il met en exergue une dérive tendant à trouver que dans les faits, Rockstar considère ces sites communautaires avec tellement d‟intérêt qu‟ils sont parfois confondus avec des vaches à lait : ‘C’est un secret de polichinelle : certains fragments de campagnes sont menés de manière undercover par des équipes chargées de la promotion des produits de Rockstar. C’est surtout manifeste dans le milieu anglophone où l’attitude complaisante de certains gros sites ou portails permet aux éditeurs de contrôler l’information diffusée et les réactions du public visé. Il ne nous est jamais arrivé de nous faire soudoyer, et je pense que nous serions bien d’accord pour refuser tout type de proposition du genre. Il n’en reste pas moins que ce genre de pratique tend à se généraliser. Évidemment, c’est la crédibilité qui en pâtit. Pour l’éditeur, cela peut sembler être une manière de facilement se faire de la publicité, mais je pense que le public ne s’y trompe pas et perçoit très bien de lui-même quand l’info est juste et honnête ou bien quand elle a été formatée pour simplement plaire’. Ces propos, mis en miroir avec ceux d‟Erik Machielsen illustrent bien le fait qu‟aujourd‟hui la promotion vidéoludique n‟a plus rien d‟amateur. Par contre, les réactions des joueurs qui pour beaucoup déclarent sélectionner leurs sources d‟information en fonction de la crédibilité qu‟elles leur inspirent et de la sensation d‟y trouver une information indépendante met tout autant en avant le fait que le gamer actuel est loin d‟être un mouton de panurge. Une manipulation exacerbée de ce dernier est susceptible de provoquer des effets inverses à ceux escomptés, telle la désertion de certaines places du web.
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ULB | Master en Information et Communication Le challenge pour l‟éditeur est donc d‟allier une sélection précise des relais d‟informations que constituent les sites web dédiés au jeu vidéo (travail évident en ce qui concerne les grosses entités professionnelles et plus minutieux au niveau des sites de fans) et de ne pas chercher à étouffer ces relais par des informations télécommandées. En bref : diffuser, surveiller, répondre, être actif, mais en aucun cas coercitif.
5.2.2 Participation aux discussions
L
es deux graphiques ci-dessus reprennent l‟évolution du taux de réactions aux nouvelles postées sur les deux catégories de sites analysées. De manière plus marquée que les observations faites précédemment, nous
constatons que des pics d‟activité concordent relativement bien avec les moments clés de la campagne, quand des informations significatives tombent dans l‟escarcelle des chasseurs de news. Le fait que les variations dans l‟intensité des réactions du public „visible‟ ne collent pas totalement avec celles liées au nombre d‟articles postés induit le fait que le public garde la possibilité d‟agir en tant qu‟entité autonome et qu‟il ne reste pas inféodé à des maîtres rédacteurs. Si l‟on compare les posts d‟internautes sur les sites d‟information généralistes à ceux sur les fansites, certaines différences se font jour. Les contributions d‟internautes sur les portails
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ULB | Master en Information et Communication dédiés au jeu de Rockstar sont d‟une part plus stables et ne retombent pratiquement jamais sous un seuil minimal. Par ailleurs, on constate que l‟intérêt porté aux nouvelles connaît une recrudescence plus marquée après la sortie du jeu sur certains sites de fans. Il est difficile de ne pas s‟apercevoir que le flux des réactions, sur un type de sites comme sur l‟autre, tend à baisser au fil du temps. Une première lecture de ces résultats pourrait faire croire que cela est la marque d‟une baisse de l‟intérêt. Il faut pourtant mettre cette tendance en perspective. Il apparaît dans la figure…, que la production rédactionnelle des sites concernés augmente radicalement à partir du début de l‟année 2008. Et même si une logique somme toute élémentaire nous permet de nous imaginer que l‟attente voir l‟impatience pousse un nombre d‟internautes croissant au fil du temps à partir à la recherche d‟information, il est clair que la multiplication de ces dernières n‟entraîne pas de facto une multiplication des commentaires. L‟internaute n‟étant pas doté d‟un don d‟ubiquité exacerbé, il ne peut réagir avec la même régularité à tous les articles. Thomas : ‘Avant, j’allais encore de temps en temps sur les forums avant la sortie des jeux, mais on ne peut pas dire que j’étais un contributeur actif. Aujourd’hui, je trouve que les gros forums ne sont pas vraiment bien gérés. Sur Jeuxvideo.com, par exemple, on a beaucoup de disputes puériles qui ne mènent à rien et font perdre du temps quand on les lit . Et en ce qui concerne les news, je ne ressens pas le besoin d’y réagir en laissant ma trace dans les commentaires. Par contre, quand je vois des liens postés dans les commentaires, j’aurai souvent tendance à cliquer dessus’. Marco : ‘Quand vous lisez les commentaires sur les sites Internet ou dans les forums avant la sortie des jeux, il s’agit souvent de phrases du type ‘je ne peux plus attendre’ ou bien ‘trop pressé que ça sorte’. En bref pas toujours du constructif. Il est possible de trouver réellement des informations fraîches, ou bien des discussions intéressantes, mais il faut avoir le temps de chercher parce qu’elles ne courent pas vraiment les rues’.
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ULB | Master en Information et Communication Il est intéressant de constater que les forums liés à des sites spécialisés trouvent pour certains de nos joueurs une utilité plus marquée après la sortie du jeu. Pour Bruno : ‘Les communautés telles que les forums sont surtout intéressantes après le lancement car on peut partager notre expérience avec les autres et s’échanger des conseils pour progresser. Même s’il n’y a plus de nouvelles informations qui filtrent de la part de l’éditeur, vous trouverez toujours des ‘animateurs’ dans ces forums qui vous aideront si besoin’ Hugues : ‘On trouve souvent sur les forums des infos ou des conseils assez intéressants une fois que les jeux sont disponibles. Je suis toujours assez ébahi quand je vois la vitesse à laquelle certaines personnes mettent des codes en ligne, ou bien terminent même le jeu et en postent la solution. Je suis passionné, mais dans ces cas-là je me dis qu’il y a bien pire que moi (rires)’ Eric : ‘Avant la sortie des jeux, je participe rarement aux discussions parce qu’au fond il ne s’agit que de spéculations sur bases d’informations que tout le monde connaît. Par contre, après la sortie, je contribue à la vie de ceux-ci sous certains aspects. Par exemple, les versions PC de GTA peuvent être modifiées assez rapidement après leur sortie. On peut rajouter des éléments, changer certains fonctionnements, etc. On appelle cela le modding. Vu que je m’y connais assez bien en programmation, cela m’arrive régulièrement d’intervenir dans des discussions visant à déboguer ces programmes additionnels. Ce qui est intéressant là dedans, c’est l’entraide entre des gens qui ne se connaissent pas et qui ne sont pas professionnels du milieu, mais qui veulent d’approprier un peu le jeu. Là pour moi, la notion de communauté virtuelle prend tout son sens’. Le panel de joueurs interrogés n‟a pas vraiment témoigné d‟un intérêt marqué pour la participation aux discussions, mais ils intègrent bien le fait que ces dernières font partie du buzz, de l‟attente qui se constitue autour des produits qu‟ils attendent. Par contre, la fonction de support, ou de maintient de l‟activité de la communauté évoquée par Spyker8C apparaît clairement dans certains propos. À ce moment-là, les sites généralisés semblent prendre la place des sites généralistes dans le cœur d‟une partie des joueurs. Un peu comme si les
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ULB | Master en Information et Communication premiers assuraient le service après-vente du jeu alors que les gros portails officient en quelque sorte comme des concessionnaires de nouvelles rutilantes. Le déséquilibre des réponses entre nos joueurs qui déclarent participer à la vie de la communauté ou bien ne le font pas s‟inscrit dans la logique portée par la loi du 90 % - 9 % - 1 % où 90 % des internautes fréquentant une communauté virtuelle se comporte comme une audience silencieuse, 9 % sont des contributeurs occasionnels et où 1 % sont à l‟origine de la production de 90 % du contenu.98 Cela n‟est néanmoins pas corroboré dans le cas présent par une vraie observation statistique, le panel étant trop réduit pour cela.
L
a figure ci-dessus montrant le nombre moyen des pages d‟actualités vues sur les sites GTA4.fr ainsi que THEGTAPLACE.com est intéressante dans le sens où, même s‟il y a des fluctuations au montrant que l‟intérêt s‟accroît à
des moments clés tels que l‟annonce du jeu, les premières images ou encore sa sortie, ces tendances ne sont pas aussi dépendantes de la nature des informations que celles liées à la production rédactionnelle ou bien à la participation à la vie des communautés. Le nombre de visites est bien plus stable et se maintient tout le temps à un palier acceptable. Cela met en lumière le fait que même quand il ne communiquait pas, Rockstar était tout de même en quelque sorte épié. Et que par conséquent, l‟intérêt à 98
“The 90-9-1 principle : how users participate in social communities“, présentation de la théorie sur la page web dédiée au modèle, URL : http://www.90-9-1.com/ , consultée le 3 août 2010.
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ULB | Master en Information et Communication garder un lien, même ténu avec ces fans est manifeste. Le décorticage des nouvelles parues sur ces sites spécialisés dans les périodes de „creux‟ informationnel montre qu‟assez souvent, des images exclusives ou des colis de goodies étaient envoyés à certains sites spécialisés par l‟éditeur. Une manière de maintenir un intérêt minimal sans pour autant se fendre de grandes annonces et surtout, avec la perspective de faire parler de soi à prix discount.
5.2.3 Toute réaction est-elle bonne à prendre ?
À
l‟heure où le web permet la coproduction de l‟information, le dicton journalistique éculé postulant que „l‟on ne parle pas des trains qui arrivent à l‟heure‟ peut être apposé à certains comportements des internautes au
sein des communautés virtuelles. Une franche tendance montre que les nouvelles à caractère négatif font l‟objet de commentaires plus intenses que la majorité de leurs consœurs. Un coup d‟œil aussi bien sur les sites spécialisés que sur les sites généralistes permet de s‟apercevoir que des informations à caractère négatif comme une annonce de report ou l‟hypothèse de limitations techniques d‟une machine („la version Xbox 360 de GTA 4 soulève des interrogations »99) s‟immiscent parmi les sujets les plus abondamment discutés.
99
“La version 360 de GTA IV soulève des interrogations“, page news du site jeuxvideo.com (actualité vidéo ludique), URL : http://www.jeuxvideo.com/news/2007/00020646-la-version-360de-gta-iv-souleve-des-interrogations.htm, consultée le 13 juillet 2010.
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ULB | Master en Information et Communication Les communautés virtuelles peuvent souvent se muer en creuset de rumeurs de par le fait qu‟elles constituent une sorte d‟agora moderne, où les avis fusent dans tous les sens et en échappant plus ou moins facilement à l‟autorité. En ce qui concerne Grand Theft Auto 4, le succès a au final été au rendez-vous sans se voir entravé par quoi que ce soit de bien sérieux, mais on n‟insistera jamais assez sur la nécessité de surveiller ce qui se dit et ce qui se fait en marge de la diffusion d‟information officielle pour pouvoir le cas échéant rebondir ou démentir sans que le produit ne se voie écorné. Et dans le cas où un buzz négatif se propage, il y a beaucoup de chances qu‟il soit difficile à contrer sans dégât étant donné que les discussions entre internautes se déroulent en échappant à l‟émetteur du message. Qui plus est, une fois ce mauvais buzz prend de la consistance, il se propage aussi rapidement si pas plus que le bon100. Il risque d‟être repris par une foule d‟autres médias, qu‟ils émargent à la cybersphère ou non. Les exemples en ce sens courent les rues et les pertes sont parfois d‟une ampleur insoupçonnée pour l‟entreprise justement ou injustement dénigrée. L‟un des exemples les plus connus est celui des cadenas pour vélo Kryptonite101. En 2005, l‟information commença à circuler sur des blogs et des forums que l‟un des modèles de cadenas de la marque pouvait s‟ouvrir à l‟aide d‟un simple bic. Info bien vite appuyée par une vidéo démontrant le vice. 10 jours plus tard, Kryptonite voyait son portefeuille allégé de 10 millions de dollars. La firme n‟ayant pu ni contrôler ni contrer l‟information n‟avait eu d‟autre solution que de remplacer gratuitement les produits incriminés.
100
OCHMAN (BL), “The top six companies are still scared of social media“, article relayé par le blog “sécurisons les médias sociaux“ (dédié à l‟actualité du domaine), URL : http://securisons-lesreseaux-sociaux.over-blog.com/article-36613163.html, consultée le 18 juillet 2010. 101 SPENCER (Stephan), “Aftermath of the Kryptonite blogstorm“, post sur le blog de Stephan Spencer (spécialiste marketing), URL : http://www.stephanspencer.com/blogging/aftermath-ofthe-kryptonite-blogstorm , consultée le 18 juillet 2010.
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5.2.4 À propos des blogs et des groupes de discussion
À
moins qu‟il ne soit éminemment populaire, un blog aura toujours tendance à pâtir d‟un référencement moins bon que celui d‟un site fort fréquenté. Lors d‟une recherche simple, il y a en effet peu de chances que
vous tombiez sur un blog dans les premiers résultats offerts par Google à moins d‟avoir explicitement fait référence à ce terme (ex. : „blog + Grand Theft Auto‟). Pour pallier ce phénomène, divers moteurs de recherches sondant la blogosphère existent. Le plus célèbre est sans doute Technorati mais Wikio ou Google blog search constituent des alternatives plus que valables. De manière assez étonnante, aucun blog dédié au jeu vidéo ne s‟est dégagé comme une référence absolue en la matière, et ce ne fut pas plus le cas en ce qui concerne Grand Theft Auto102. Faut-il en déduire que le jeu de Rockstar ne constitue pas un sujet propice à la discussion sur ce type de page ? Pas vraiment. Une interprétation qui pourrait être faite de ce phénomène est que la blogosphère est dans un état de perpétuelle ébullition qui nécessite une actualisation continuelle du contenu. Le nombre de posts sur les blogs de par le monde se chiffre en millions, et un seul sujet ne tient pas aussi facilement le haut du pavé que sur un site dédié. S‟il est clair qu‟au moment de son lancement, GTA 4 a sans doute fait l‟objet de centaines, voir de milliers d‟articles de par les blogs peuplant le web, leur trace n‟est pas demeurée aussi manifeste que sur les forums, par exemple. Le blogging étant une activité volatile, nécessitant de trouver des choses à dire et de les dire vite, joue sans doute en partie dans le fait que les l‟émulation communautaire étudiée ici ne soit pratiquement pas perceptible. Cela ne veut pas dire que le blog doit être considéré comme quantité négligeable si par exemple vous voulez toucher les leaders d‟influence de votre secteur à tout prix, mais cela
102
Précision : si vous vous rendez dans la rubrique „gaming‟ de Technorati, vous obtiendrez un ranking de pages web présentées comme des blogs mais qui n‟en sont en fait pas. Cela est dû à un biais tout simple : ces pages comportent des blogs de rédacteurs, mais ne sont en fait pas propulsés par des logiciels de blogging. Citons entre autres Eurogamer.net, 1up.com ou encore Joystiq.com.
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ULB | Master en Information et Communication met plutôt en évidence le fait que ce n‟est pas parce que l‟on parle de la communauté virtuelle qu‟on trouve une trace de ses manifestations partout. En ce qui concerne les groupes de discussion, le constat principal est qu‟ils assument le même genre de fonction que les forums spécialisés, mais avec moins d‟intensité. Slashdot est un portail dont les caractéristiques collent très bien avec le thème ici étudié. Jusque dans sa baseline („News for nerds, stuff that matters‟, littéralement „Des nouvelles pour les nerds, des trucs qui comptent‟), les caractéristiques de ce site s‟intéressant plus particulièrement à l‟informatique ou aux jeux vidéo incitent à aller vérifier l‟intensité des remous provoqués par GTA 4.
A
contrario de ce qui a été constaté sur les forums, le bouillonnement de la communauté n‟est pas spécialement flagrant sur Slashdot. Au grand maximum, 3 nouveaux sujets de discussion ont été ouverts sur un mois
(en août 2007 et en mai 2008). Qui plus est, et comme vous pouvez le découvrir dans la capture d‟écran en annexe, les discussions de la communauté de Slashdot ne concernent que très peu les caractéristiques intrinsèques du jeu de Rockstar. Et quand cela parle beaucoup, c‟est souvent parce que l‟information est décalée, surprenante voir un peu polémique. Les trois sujets qui ont drainé le plus de commentaires étaient respectivement dédiés à la plainte d‟une association de
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ULB | Master en Information et Communication mères contre la prise de drogue (703 réactions)103 ; à la déception des doubleurs du jeu s‟estimant sous-payés (573 réactions)104 ainsi qu‟à la fameuse lettre adressée par l‟avocat Jack Thompson à la mère du CEO de Take Two (351 réactions)105. Illustrant le fait que les discussions autour d‟un produit ne prennent pas toujours les atours de diatribes fanatiques dénotant une dévotion sans faille d‟adorateurs dévoués, ces digressions par rapport au jeu n‟ont ici pas vraiment eu d‟impact. Il n‟empêche. L‟activité même aussi minime qu‟elle soit sur Slashdot conserve un caractère intéressant si l‟on considère qu‟elle déroule sur un portail où la communauté justement, est très réactive et relaie ce qu‟elle trouve intéressant sans réellement se soucier de faire le bien ou le mal, mais plutôt en existant par le biais de ses découvertes. Les blogs et sites de discussions „autorisés‟, ceux qui ont une certaine crédibilité, font figure en quelque sorte d‟autorités, ont un pouvoir informationnel qu‟il serait bien malvenu de sous-estimer. Un exemple relativement récent l‟a encore démontré. Au mois d‟avril 2010, un développeur travaillant sur la 4e version de l‟iPhone d‟Apple „oublie‟ un prototype de l‟appareil dans un bar de Redwood City (Californie). Incapable de retrouver le propriétaire, le tenancier de l‟établissement revend pour la somme rondelette de 5000 dollars l‟objet égaré au blog Gizmodo. Ce dernier, et avant que la moindre annonce officielle ne soit
103
“MAAD targets GTA IV over drunk giving scene“, Discussion sur Slashdot (Site d‟actualité), URL : http://games.slashdot.org/story/08/05/01/147224/MADD-Targets-GTA-IV-Over-DrunkDriving-Scene, consultée le 12 avril 2010. 104 “Video game actors say they don‟t get their due“, Discussion sur Slashdot (Site d‟actualité), URL : http://games.slashdot.org/story/08/05/22/125233/Video-Game-Actors-Say-They-Dont-GetTheir-Due, consultée le 12 avril 2010. 105 “Jack Thompson‟s letter to Take Two exec‟s mother“, Discussion sur Slashdot (Site d‟actualité), URL : http://yro.slashdot.org/story/08/05/04/1925214/Jack-Thompsons-Letter-To-Take-TwoExecs-Mother, consultée le 12 avril 2010.
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ULB | Master en Information et Communication faite, publie un article106 présentant l‟un des appareils les plus attendus de l‟année dans les moindres détails, n‟hésitant pas à en ouvrir les entrailles. Bilan pour Gizmodo : plus de 12,5 millions de visiteurs sur la page en question et la paternité d‟un buzz aussi tsunamesque sur la toile et au final une exclusivité certes achetée, mais largement rentabilisée. Facture pour Apple : Un effet d‟annonce tombant totalement à plat et une information hors de contrôle. GTA IV n‟a pas eu à pâtir de ce genre de péripéties celle d‟Apple attire bien entendu l‟attention sur le fait que la réactivité de la communauté est d‟un charme vénéneux. Si tout est sous contrôle, elle servira plutôt vos intérêts. Dans le cas inverse, les dégâts peuvent être considérables. D‟où l‟importance de pouvoir cartographier avec grande précision les e-interlocuteurs que vous ciblez, mais également ceux pourraient vous cibler vous.
5.2.5 Les réseaux sociaux
I
ls nourrissent moult conversations, ils sont accommodés à toutes les sauces et parfois même, ils disposent de possibilités donnant l‟impression à l‟utilisateur de pouvoir manger à tous les râteliers. Les réseaux sociaux sont
indubitablement la manifestation la plus dans l‟air du temps du concept de communauté virtuelle. Au moment d‟écrire ces lignes, Facebook a depuis peu franchi le palier astronomique de 500 millions d‟utilisateurs. En seulement 6 ans d‟existence. Twitter quant à lui ne tardera plus trop à fédérer 50 millions d‟aficionados au micro-blogging. En quatre ans. Comme le démontre la figure ci-dessous, les deux réseaux sociaux précités se positionnent plus ou moins rapidement comme ceux à même de toucher le plus grand public, et donc de représenter les plus belles mines d‟or convoitées par les chasseurs de prospects :
106
“This is Apple‟s next Iphone“, homepage du blog Gizmodo (Axé sur les gadgets électroniques), URL : http://gizmodo.com/5520164/this-is-apples-next-iphone, consultée le 10 août 2010.
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107
Pourtant, ce n‟est pas un hasard s‟ils n‟occupent pas une place prépondérante dans l‟analyse de la campagne de communication investiguant une grande partie de l‟espace papier dédié à ce mémoire. Leur percée fulgurante ces dernières années occulte parfois la réalité tout sauf virtuelle dans laquelle la vie sans „liker‟ à tout va ou „retwitter‟ de manière compulsive était possible. Certains murmurent même que c‟est toujours le cas. GTA 4 en est la preuve. Au moment où la campagne de teasing de Rockstar battait son plein, le compte Facebook de l‟éditeur n‟existait pas108 encore. Et n‟était encore qu‟une chrysalide109. Ce n‟est pas pour autant qu‟il faut occulter le recours à ce genre d‟outil de la part des éditeurs. Ce genre de pratique tend pour le moment à se généraliser, tendance corroborant le fait que beaucoup d‟entreprises considèrent ces plateformes comme des places numériques à investigue à tout prix Une enquête menée par Leads United Belgium a révélé en mai 2010 que dans nos contrées, plus de la moitié110 (57 %) des entreprises étaient présentes sur Facebook et plus du tiers111 (34 %) utilisaient Twitter comme moyen de communication. Un engouement pourtant à mettre en perspective sachant que 107
“Led by Facebook, Twitter, global time spent on social media sites up 82% year on year“, sur le Nielsen wire (blog de l‟agence Nielsen), URL : http://blog.nielsen.com/nielsenwire/global/ledby-facebook-twitter-global-time-spent-on-social-media-sites-up-82-year-over-year/, consultée le 10 juin 2010. 110
“Survey points up importance of social media for businesses“, page presse de l‟agence Leads United (agence de communication), URL : http://www.leadsunited.com/page/Surveypointsupimportanceofsocialmediaforbusinesses.htm , consultée le 5 août 2010. 111 Ibid.
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ULB | Master en Information et Communication 71 %112 de ces entreprises n‟appuient pas cette présence par une réelle stratégie. Ces chiffres illustrent aussi bien l‟attractivité de ces plates-formes qu‟une certaine immaturité dans leur utilisation. Il faut également souligner qu‟il existe un gap en matière d‟usage et d‟audience de ces réseaux sociaux dans les différentes régions du globe113. Facebook n‟est pas utilisé de la même manière ou avec la même intensité en Belgique qu‟aux États-Unis ou encore en Chine. Si cela peut paraître évident, il n‟est pas inutile de remettre l‟accent sur les particularités locales inhérentes à ces réseaux globaux. Pour en revenir au domaine du jeu vidéo. Rockstar, bien évidemment, a suivi la tendance consistant à communautariser son public. En juin 2010, plus de 620.000 utilisateurs de Facebook avaient ajouté la page de l‟éditeur dans leurs favoris tandis que chacun des „tweets‟ émanant du créateur de produits vidéoludique était suivi par plus de 58.000 „followers‟.
112 113
Ibid. Voir annexes
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90
ULB | Master en Information et Communication Ces chiffres peuvent intrinsèquement prêter à penser que Twitter ou Facebook font office de néo-newsletters qualitativement complétées par des possibilités d‟interactivité dopant leur attractivité. La majorité des joueurs interrogés ne font pas encore montre d‟un enthousiasme débordant concernant l‟utilisation de Facebook comme outil de promotion : Eric : ‘Facebook n’est pour moi qu’une sorte de newsletter avec une autre mise en page. Quand je suis connecté, vu la multitude d’informations qui arrive sur ma page d’accueil, je n’ai que rarement l’occasion d’aller voir les infos d’éditeurs. Et je n’ai pas spécialement envie de les recevoir au milieu de messages d’amis’. Hugues : ‘La pub (sic) sur Facebook c’est un peu l’équivalent du spam par mail. Quand je veux me tenir au courant, je fais mes propres recherches’. Julien : ‘Je me suis inscrit sur groupe de Rockstar, mais c’était dans le cadre d’un concours et il y a longtemps. De temps en temps, j’aperçois des informations qui apparaissent sur ma page d’accueil, même parfois des vidéos, mais c’est relativement rare quand je clique dessus. Quand je suis dans l’attente d’un jeu, je vais chercher l’info moi-même et je n’attends pas qu’elle me tombe dessus’. Sylvain : ‘Autant le dire clairement : Facebook pour promouvoir des jeux vidéo, je trouve que cela ne rime à rien. Les infos ne sont de toute façon pas complètes et les commentaires que l’on retrouve liés à cellesci sont dans la plupart des cas très superficiels. Je comprends la présence des éditeurs sur ce réseau, parce que c’est très à la mode, mais je ne suis pas convaincu par l’utilité de la chose. Et je ne suis pas non plus certain que les milliers de personnes qui sont répertoriées comme ‘amis’ ou ‘suiveurs’ de tel ou tel éditeur de jeux vidéo soient tout le temps à l’affut’ Olivier : ‘l’avantage de Facebook, c’est qu’on n’est pas trop gêné par les pubs si on fait attention. Je me suis déjà inscrit à des groupes, par
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ULB | Master en Information et Communication exemple pour des soirées. Dans certains cas, je recevais trois ou quatre messages par jour, souvent pour dire plusieurs fois la même chose. Depuis, j’évite de m’affilier à ce genre de chose. À moins que je connaisse personnellement la personne qui me le propose’. Twitter quant à lui souffre d‟une popularité moindre. Parmi les personnes interrogées, seule une en faisait réellement une utilisation proactive. Et il ressort de ses réponses que si le réseau créé par Biz Jones ne constitue pas la panacée ultime, son potentiel en temps qu‟outil de communication permettant de susciter et maintenir l‟attente est peut-être plus élevé que celui de son cousin de Palo Alto : Eric : ‘J’ai sur mon ordinateur des agrégateurs de flux RSS, mais également un programme qui me permet de recevoir tous mes messages de Twitter. J’ai souscrit au fil de pas mal de développeurs, et d’éditeurs sur ce portail de microblogging et j’y trouve certains avantages. Premièrement, les messages sont courts, donc on ne perd pas trop de temps à voir si ça nous intéresse’. […] ‘Deuxièmement, beaucoup comportent des liens qui nous renvoient directement vers ce dont il est question dans le corps du message sans trop perdre de temps. Et en troisième lieu, j’aime vraiment bien Twitter parce qu’il est possible de suivre des personnes en tant qu’individus et non en temps que société’. […] ‘Par exemple, si vous décidez de recevoir les informations de quelqu’un qui participe au développement d’un jeu, vous avez plus l’impression d’être au cœur du projet que si vous suivez le fil de sa société. Ça donne une impression de proximité et j’ai déjà pu constater que pas mal d’informations exclusives filtrent par Twitter. Elles ne le restent pas longtemps car elles sont vite répercutées sur la toile, mais quand je tombe dessus, ça me procure un sentiment assez sympa’. L‟enseignement que l‟on peut tirer de ces commentaires est bien évidemment qu‟aussi populaires qu‟ils soient, les réseaux sociaux ne s‟imposent pas pour Gilles Colinet|La culture vidéoludique à l’épreuve du marketing
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ULB | Master en Information et Communication autant comme des solutions miracles en temps qu‟outils de communication. Malgré le fait qu‟ils permettent de toucher l‟internaute de manière personnelle, qu‟ils véhiculent dans certains cas du contenu multimédia et qu‟ils incarnent l‟une des manifestations les plus probantes de l‟information en temps réel, ils ne se suffisent pas à eux-mêmes. Leur gratuité est une arme à double tranchant car l‟impression de puissance communicationnelle qu‟elle peut donner à partir du moment où un nombre conséquent de personnes sont liées masque sans doute dans certains cas une fausse fidélité. L‟internaute est aujourd‟hui confronté à de forts flux d‟informations et opère dans tous les cas de figure son propre tri.
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6. CONCLUSIONS
L
a première conclusion qui vient à l‟esprit au moment de refermer ce mémoire est la suivante : oui, la campagne de communication orchestrée par Rockstar est réussie.
Le jeu a retourné tous les classements, Rockstar a remplumé pour des dizaines d‟années son matelas monétaire et les joueurs ne se remettront du choc rétinien et sensoriel subi qu‟à la sortie du prochain opus de la série, d‟ores et déjà attendu. Pourtant, penser que le succès de GTA IV est uniquement imputable à la diffusion parcimonieuse d‟informations aux bons endroits, aux bonnes personnes et aux bons moments est un raccourci que nous n‟emprunterons pas. GTA 4 n‟a pas vraiment eu à se faire connaître. Les réactions de joueurs concernés nous ont permis de comprendre que dès le premier jour, une base de fans exigeants certes, mais surtout avides d‟informations existait bel et bien. L‟avantage était évident. Si vous goûtez à un plat et que vous l‟appréciez, vous aurez plus facilement l‟eau à la bouche à la perspective d‟en remanger que si vous vous lancez dans une aventure culinaire inconnue. Réussir à nourrir cette communauté exigeante sans la gaver, mais sans non plus l‟affamer est sans doute l‟aspect le plus intéressant de la campagne menée par Rockstar. Les erreurs de casting dans les relais ciblés ont été presque nulles. Le jeu n‟a pas réellement connu de contretemps ou de couac (hormis un report) et les polémiques suscitées ont dans une certaine mesure été bénéfiques à Rockstar en alimentant le buzz autour de son produit.
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ULB | Master en Information et Communication Aucune plainte n‟a empêché le jeu de sortir. Aucun recours n‟a entravé GTA IV dans sa conquête des rayons, puis des salons. En un an et demi, Rockstar a réussi à entretenir un lien avec sa base d‟aficionados. Sans devoir mobiliser des moyens colossaux, l‟éditeur a réussi à rafraîchir à intervalles réguliers une relation qu‟il ne pouvait pas laisser refroidir. Tout aussi fructueuse qu‟elle soit, cette stratégie de l‟attente (assouvie) ne doit pas devenir un arbre qui risquerait de masquer une forêt. L‟une des hypothèses de départ de ce mémoire était que le succès était arrivé en grande partie grâce au web 2.0. Il n‟est pas question d‟infirmer ce postulat, mais tout en reconnaissant les avantages apportés par le web participatif, les observations récoltées et réponses collectées mettent en exergue un constat simple : les valeurs sûres gardent la cote. Les sites présentant le plus de consistance et passant pour les plus crédibles gardent dans le cas étudié la préséance au niveau informatif. Cela met en exergue l‟importance de bien structurer une campagne web tirant parti de toutes les possibilités actuelles. Les réseaux sociaux brillent de mille feux et génèrent des chiffres certainement éblouissants. Pris individuellement pourtant, ils ne sont pas assez solides pour porter une campagne de communication. Ils peuvent par contre la soutenir avec plus ou moins de force. Un apport relatif variant évidemment d‟une stratégie de communication à l‟autre. Le principal risque aujourd‟hui est de mettre la charrue avant les bœufs. La présence sur les réseaux sociaux est devenue presque incontournable, mais les utiliser à tout prix en tant qu‟outils de communication est dangereux. Il faut pouvoir proposer du contenu suffisamment intéressant que pour pouvoir captiver l‟attention du public. Et ce contenu, il doit pouvoir exister ailleurs que sur des réseaux de partage ou de connexion sociale. Ces derniers peuvent évidemment appuyer vos efforts de communication, mais ils resteront de permettront jamais vraiment d‟engendrer une interaction profonde. Ils sont là pour étonner, surprendre, amuser à la limite plus que pour Gilles Colinet|La culture vidéoludique à l’épreuve du marketing
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ULB | Master en Information et Communication informer. Ils sont une porte d‟entrée vers un contenu plus exhaustif, une vitrine de l‟entité qu‟ils représentent, mais il ne faut pas oublier que leur apport qualitatif est relativement limité. Le fait que la communauté de joueurs de Grand Theft Auto 4 se soit le plus développée sur les forums au fonctionnement simple et dénué d‟artifices tendrait à prouver que les casseroles déjà dûment utilisées peuvent encore servir de très bonnes soupes. Cela n‟est peut-être que la manifestation du besoin d‟un temps d‟adaptation de la part du public, mais un autre enseignement tiré des réponses fournies par nos joueurs est que ce facteur temps n‟est pour eux pas extensible. Il est invoqué par beaucoup comme dictant le mécanisme d‟assouvissement de leurs attentes. S‟ils se révèlent globalement perméables au teasing mis sur pieds par Rockstar, la plupart d‟entre eux cherchent néanmoins toujours à trouver l‟info rapidement. L‟imaginaire de l‟autoroute de l‟information est depuis longtemps utilisé pour évoquer Internet et il apparaît de plus en plus qu‟aujourd‟hui l‟internaute peut circuler sur plusieurs bandes. Celle de droite, rassure et mène à bon port par le biais d‟un background communicationnel solide reposant sur le site Internet et un choix d‟outils offline (RP, Publicité) adapté au mieux à la cible. Elle est à goudronner en priorité pour l‟annonceur car c‟est sur celle-ci que les gens se rabattront le plus souvent pour obtenir leurs informations. Libre à eux ensuite de déboiter vers les forums, groupes de discussions ou vers les réseaux sociaux, mais cela dénotera à ce moment une démarche volontaire. Il est clair que la gestion des interactions avec la communauté est aujourd‟hui capitale. Comme le rappelle COVA « si vous ne vous occupez pas de vos tribus virtuelles, ce sont elles qui s‟occuperont de vous »114. Il ne faudrait pas pour autant oublier que chercher à bâtir l‟abri de jardin et à planter les ornements sur
114
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ULB | Master en Information et Communication le terrain avant que le corps du bâtiment ne soit terminé augmente le risque de passer l‟hiver au froid.
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