Quaternary Science Journal - Paléoclimats quaternaires et morphologie climatique dans le Midi M...

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zustand d e r Pollen in dieser Schicht spricht jedoch andererseits eher für eine genügende Wasserbedeckung w ä h r e n d der Sedimentation. Literaturverzeichnis JESSEN, K. & MILTHERS, V.: Stratigraphical and Paleontological Studies of Interglacial Freshwater Deposits in Jutland and Northwest Germany. - Danmarks Geol. Unders. II. Raekke No. 4 8 , Kobenhavn 1 9 2 8 . KEILHACK, K : Erläuterungen zur Geologischen Karte von Preußen. Blatt Lüneburg. Berlin 1 9 2 2 . MÜLLER, G & WEBER, C. A.: Über eine frühdiluviale und vorglaziale Flora bei L ü n e burg. - Abh. preuß. geol. Landesanst. N. F. 40, Berlin 1904. THOMSON, P. W.: Das Interglazial von Wallensen i m Hils. - Eiszeitalter und G e g e n wart 1 , Öhringen/Württ. 1 9 5 1 . WOLDSTEDT, P.: Uber die stratigraphische Stellung einiger wichtiger Interglazialbild u n g e n i m Randgebiet der nordeuropäischen Vereisung. - Z. deutsch, geol. Ges. 9 9 . 1 9 4 9 — Norddeutschland und angrenzende Gebiete i m Eiszeitalter. K. F. Koehler-Verlag, Stuttgart 1 9 5 0 . WOLDSTEDT, P., REIN, U. & SELLE, W.: Untersuchungen an nordwestdeutschen Interglazialen. - Eiszeitalter und Gegenwart 1 , Öhringen/Württ. 1 9 5 1 . Ms. eingeg.: 1 9 . 1. 5 2

Paléoclimats Quaternaires et Morphologie Climatique dans le Midi Méditerranéen p a r J. T r i c a r t Directeur du L a b o r a t o i r e de Géographie de l'Université de S t r a s b o u r g Les géomorphologues français découvrent sans cesse de nouvelles traces des actions périglaciaires q u a t e r n a i r e s , comme cela a été reconnu depuis longtemps en A l l e m a g n e et a u x Pays-Bas. Ces dernières s'avèrent avoir eu une importance primordiale s u r la genèse du relief. La plus g r a n d e p a r t i e du modelé que nous avons sous les y e u x est figée et se compose de formes mortes, d'âge p é r i glaciaire dans la p l u p a r t des cas, à peine retouchées p a r u n e médiocre érosion postglaciaire s'exerçant au surplus dequis quelques millénaires seulement. J u s q u ' à ces d e r n i e r s temps, les spécialistes pensaient g é n é r a l e m e n t que le Bassin M é d i t e r r a n é e n était resté à l'écart des influences périglaciaires q u a t e r naires et n'avait connu que des alternances de climats plus secs et plus humides (1). Mais GUILCHER (2) a signalé des phénomènes dus au froid dans la région de Lisbonne. Dans d e u x articles tout récents, p a r u s après nos propres observations sur le t e r r a i n , BAECKEROOT ( 3 ) et MARCELIN ( 4 ) ont décrit des faits analogues, l'un a u x altitudes moyennes de la Montagne Noire (niches de gélivation, pinacles, éboulis ordonnés e t c . . . vers 700 m. d'altitude), l'autre dans da G a r r i g u e Nîmoise. La limite méridionale en F r a n c e des actions périglaciaires q u a t e r n a i r e s est donc remise en question. Or, é t a n t donné l'importance primordiale des actions morphogénètiques du froid, ces découvertes sont susceptibles de modifier profondément l'explication du relief de vastes régions de la F r a n c e M é d i t e r r a n é e n n e et des pays voisins (Catalogne, Ligurie e t c . . . ) . Nous voudrions ici, à la suite d'un voyage de recherches de trois semaines dans le Languedoc et la P r o v e n c e Occidentale, m o n t r e r quelques uns des aspects de ce problème afin de faciliter les recherches futures en les o r i e n t a n t vers les points les plus i m p o r t a n t s .


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FIGURE 1: Localisation de quelques dépôts et phénomènes périglaciaires dans le Sillon Rhodanien et le Midi Méditerranéen. 1 Loess (épais) 5 Coulées d e solifluction amorphes 2 Sable éolien, cailloux éolisés 6 Cryoturbation (injections, Brodelbôden) 3 Grèves calcaires 7 Grandes villes 4 Eboulis ordonnés 8 Régions montagneuses (au dessus de 800 m).

I Les Paléoclimats d'après les Paleosols. Dequis longtemps déjà, MARCELIN avait signalé, dans l'E. d u Languedoc, des loess et des sols loessiques (13) et insisté s u r l'importance des paléoclimats pour e x p l i q u e r la pédologie de cette région. Les magnifiques galets éolisés du B a s Rhône avaient également été décrits p a r de n o m b r e u x a u t e u r s (voir 4 et la bibliographie qui y est contenue.) CAILLEUX, à la suite de la découverte de faits analogues dans le Roussillon, a été conduit à poser le poblème de la limite des éolisations q u a t e r n a i r e s dans le m o n d e m é d i t e r r a n n é e n (6). Mais jusqu'à présent, il n ' a p a s été tiré de conclusions paléoclimatiques certaines de tous ces faits. L a découverte, essentielle, des loess languedociens p a r MARCELIN a été p r é m a t u r é e , en ce sens qu'elle a été faite à u n e époque où l'origine de ces formations était encore m a l connue et qu'il état difficile de les interpréter. A l'heure actuelle, l'origine éolienne des loess est admise à p e u près p a r tous (7) de m ê m e que leur relation avec les climats froids et secs des périodes glaciaires. En F r a n c e du Nord, en Alsace, e n Allemagne Moyenne, il semble q u e les loess qui ont réussi à se conserver jusqu'à nos jours, se soient déposés lors de la fin des périodes périglaciaires, au m o m e n t où les phénomènes de solifluction et de c r y o t u r b a t i o n commençaient de s'atténuer (8). L'existence de loess t y p i q u e p e r m e t donc d'inférer l'existence d'un climat de t y p e périglaciaire. De la fréquence des loess dans la région Nîmoise, reconnue p a r Marcelin, nous pouvons conclure à l'importance des phénomènes périglaciaires quaternaires.


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Mais tous ces loess ne sont pas contemporains comme l'avait bien pressenti S u e n (19). Ils a p p a r t i e n n e n t à des périodes froides successives, séparées p a r des oscillations plus chaudes, a u moins a u t a n t que le climat actuel. C'est ce que m o n t r e l'étude d'une coupe déjà bien connue, signalée autrefois p a r Marcelin, celle de Collias (Gard). Dans la tranchée, profonde de 8 à 10 m., de la r o u t e qui mène de ce village à Sanilhac, nous avons relevé la succession s u i v a n t e (début m a r s 1951): I p r e m i è r e s é r i e , discordante sur la seconde qu'elle recoupe obliquem e n t et qu'elle ravine.

COLLIAS

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FIGURE 2: Coupe de Collias (Gard). a) T e r r e végétale, constituée p a r u n loess très légèrement lehmifié, panaché, à points noirs, sans niveau de poupées à sa base, passant g r a d u e l l e m e n t à b) 0,2—0,4 m. b) Loess typique à fines t u b u l u r e s calcaires s e m b l a n t dues à des mychorizes de gazon, et à points blancs 3 m. c) Couche cryoturbée, en forme de volutes et d e poches, du genre Brodelboden, plus fortement d é r a n g é e à sa p a r t i e inférieure. Le sommet est formé d'un loess brassé avec des éléments d e lehm et des poupées, mélangés à quelques petits graviers calcaires (moins de 1 cm). 0,75 m. La base, constituant u n Brodelboden typique, brasse des poches de sable légèrement éolisé (Flugsand) et de loess lehmifié. Des poupées i m p u r e s et diffuses se sont constituées p o s t é r i e u r e m e n t au contact du sable et du loess lehmifié. 0,0—0,5 m. d) Loess doux avec rares poupées à son s o m m e t et panachures blanches. Non cryoturbé 2 m. e) Lit de graviers anguleux, du type produits de gélivation, (L = l—6 cm), r a v i n a n t la couche sousjacente à laquelle ils e m p r u n t e n t leur matrice. Celleci est parfois consolidée. Vers le bas du versant, ces couches se multiplient et s'épaississent en m ê m e temps que leurs éléments deviennent plus grossiers (blocs a t t e i g n a n t 30 cm). Elles r a v i n e n t alors directement la molasse altérée 0,10—1,5 m. I I d e u x i è m e s é r i e , r a v i n é e p a r la p r e m i è r e et conservée seulement a u point culminant de la route, entaillant u n e petite croupe. De chaque côté, elle a


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disparu et l'ensemble I r a v i n e alors directement la molasse, ce qui p r o u v e que les vallons se sont creusés e n t r e le dépôt de cet ensemble et celui de la couche le. a) L e h m panaché orange et rouge, t r è s graveleux, c o n t e n a n t de n o m b r e u s e s poupées à t e x t u r e granuleuse, très différentes de celles du l e h m alsacien actuel. P a r endroits, ce l e h m passe à sa base à u n l e h m argileux rouge vif, se d é b i t a n t en colonettes typiques, dont la puissance m a x i m a est de 30 cm. 0,20—1 m. b) L e h m panaché rouge et blanc, à abondantes poupées graveleuses et concrétions calcaires diffuses esquissant des lits 0,50 m. c) Sol d'altération o r a n g e à points blancs et noirs et lits de concrétions calcaires diffuses passant à sa base à la molasse 1 m. Cette coupe r e m a r q u a b l e m e n t complète m é r i t e de devenir aussi classique que celles d'Achenheim et de H a n g e n b i e t e n en Alsace, car elle p e u t servir de point de d é p a r t à t o u t e u n e chronologie pédologique du Q u a t e r n a i r e régional. Elle appelle les commentaires et i n t e r p r é t a t i o n s suivantes: 1° Le sol actuel n'est pas u n l e h m typique: la zone de concrétionnement y est peu développée, ce qui le différencie n e t t e m e n t des lehms alsaciens, a u surcroît plus épais, plus argileux et plus h u m i q u e s . Il est vraisemblable q u e cette m o i n d r e altération du loess soit due a u x caractères du climat m é d i t e r rannéen, dont les pluies violentes, les longues périodes de sécheresse sont moins favorables q u e l'humidité prolongée du climat alsacien a u x phénomènes de migration et d'hydrolyse. En tous cas, ce sol suffit à m o n t r e r que le loess n'est plus en équilibre avec le climat actuel et qu'il s'altère sous son influence. Cela constitue u n e p r e u v e s u p p l é m e n t a i r e de son dépôt sous u n a u t r e milieu climatique. 2° Lorsqu'ils ne sont pas altérés, les loess visibles dans cette coupe ont des faciès p a r f a i t e m e n t typiques, ce qui implique q u e leurs conditions de genèse n ' é t a i e n t pas sensiblement différentes de celles des loess alsaciens, donc que le climat des périodes froides à loess du Languedoc était presque le m ê m e que celui qui régnait en Alsace lors du dépôt des m ê m e s formations. 3° Il existe, dans cette coupe, 2 loess p a r f a i t e m e n t typiques dont u n e p a r t i e n'est pas altérée (couches Ib et Id), séparés p a r u n l e h m et u n e cryoturbation. La cryoturbation i n t e r m é d i a i r e a affecté essentiellement la couche supérieure lehmifiée du loess le plus ancien (couche le). Les petits graviers calcaires dispersés dans sa partie s u p é r i e u r e n e forment pas des coulées de solifluction et ils p e u v e n t r e p r é s e n t e r des apports éoliens sur verglas (9). Dans la deuxième série de couches, on n'observe pas de loess typique mais il en subsiste les traces sous la forme d'un lehm (couches II a et b). 4° Les loess a l t e r n e n t avec des formations de solifluction et de cryoturbation: e n t r e les d e u x loess typiques u n e couche c r y o t u r b é e (le), à la base du loess typique le plus bas, les coulées de pierraille, qui moulent u n e topographie entaillée dans les formations de l'ensemble II (couche le). Enfin, le l e h m orange et rouge est également cryoturbé. 5° Les altérations des loess n e sont pas les m ê m e s sur t o u t e la h a u t e u r de la coupe. L'altération du loess t y p i q u e le plus inférieur (couche Id), r e m a n i é e p a r cryoturbation, n e s'est accompagnée d'aucune modification des oxydes de fer, e x a c t e m e n t comme l'altération postglaciaire (couche la) . Il y a eu seulement migration du calcaire, ce qui semble indiquer u n climat peu différent de l'actuel. P a r contre les couches anciennes (ensemble II) sont profondément modifiés; les oxydes de fer ont subi u n e évolution h é m a t i t i q u e qui ne se produit plus de nos jours. Ils sont à rapprocher des sols rouges. L a migration du calcaire


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y affecte u n e forme particulière: a u lieu de ce concentrer en concrétions bien individualisées, il se présente de m a n i è r e diffuse, mêlé à l'argile et tend à s'organiser en lits. Ce ne sont plus des poupées mais p r e s q u e u n e croûte du genre »caliche«, p r e s q u e u n »taparas« de Mr. Marcelin. On n e p e u t donc a d m e t t r e p o u r cette altération u n climat semblable à l'actuel: u n e t e m p é r a t u r e plus élevée, une sécheresse plus accentuée furent nécessaires. Les mêmes observations sont valables pour l'altération de la molasse sous-jacente. Il nous semble donc vraisemblable d'après cette coupe de reconstituer la succession paléoclimatologique s u i v a n t e : Période actuelle: couche l a P é r i o d e f r o i d e : dépôt de loess lors de sa fin: couche Ib succédant à des actions éoliennes plus intenses (Flugsand cryoturbé) se produisant lors du m a x i m u m d'intensité des phénomènes périglaciaires (couche cryoturbée): couche le P é r i o d e t e m p é r é e : de climat c o m p a r a b l e à l'actuelle. F o r m a t i o n d'un l e h m sur le loess de la période froide précédente, lehm qui est ensuite c r y o t u r b é et en bonne p a r t i e détruit. R e m a n i e la couche le. P é r i o d e f r o i d e : dépôt du loess comme p r é c é d e m m e n t vers la fin de la période: couche Id succédant à u n e phase de solifluction intense, avec formation de coulées de pierrailles: couche le P é r i o d e c h a u d e e t s è c h e : altération d'un loess en u n l e h m orangé avec tendance à la formation d'une caliche: couche l i a — b P é r i o d e f r o i d e a n c i e n n e : loess e n t i è r e m e n t altéré qui a donné naissance au l e h m précédent. P é r i o d e c h a u d e e t s è c h e : altération de la molasse. Climat p r o b a b l e m e n t analogue à celui de la période chaude s u i v a n t e : couche Hc Il n'est n a t u r e l l e m e n t pas question, en l'absence d'autres critères, de d a t e r ces différentes phases, encore moins de les synchroniser avec les glaciations alpines. Mais on p e u t néanmoins r e m a r q u e r u n e analogie qui n'est p e u t - ê t r e pas fortuite avec l'évolution du Bassin de P a r i s (10). Dans cette d e r n i è r e région, le Q u a t e r n a i r e est caractérisé p a r u n e p r e m i è r e période froide, r e l a t i v e m e n t peu intense (11), qui succède p r e s q u e i m m é d i a t e m e n t a u x climats chauds du Pliocène t e r m i n a l . Ensuite vient u n e longue phase de c r e u s e m e n t des vallées dont le d é b u t a u moins a connu la formation de croûtes du genre caliche, qui cimentent les coulées de solifluction de la période froide précédente. Une nouvelle phase froide, très intense, lui succède, puis u n e courte période t e m p é r é e p e n d a n t laquelle l'activité morphologique a été p r e s q u e négligeable, et, enfin, vient la dernière poussée de froid. Le schéma général se r e t r o u v e ici: u n e p r e m i è r e phase froide encadrée p a r d e u x périodes de climat chaud et sec (sol d'altération de la molasse, lehms rouge et orangé), et qui n e semble pas s'être accompagnée d'intense solifluction (aucune coulée de pierrailles dans ces formations rougeâtres). U n e période de creusement lui succède, qui provoque la disposition discordante de l'ensemble de couches I sur l'ensemble II. Viennent alors, coup sur coup, deux périodes froides qui n e sont séparées p a r a u c u n creusement notable ni a u c u n e altération poussée et différente de l'actuelle. La plus ancienne de ces d e u x dernières phases froides commence p a r u n e intense solifluction tandis que les phénomènes éoliens dom i n e n t lors de la seconde (Flugsand). Ces similitudes sont trop nombreuses pour ê t r e fortuites, mais il nous est impossible de nous prononcer sur leur signifi-


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cation. On p e u t cependant noter que les sols rouges sont anciens et r e m o n t e r a i e n t au Q u a t e r n a i r e Inférieur, ce qui s'accorde p a r f a i t e m e n t avec les récentes découvertes des pédologues. Les sols m é d i t e r r a n n é e n s français actuels sont des sols b r u n s . Des rapprochements sont possibles e n t r e la succession pédo-climatologique q u e nous avons observée et les régions voisines, en particulier le B a s Dauphiné. BOURDIER a noté que seules les plus anciennes des moraines pré-alpines p o r t e n t des sols d'altération rouges ce que nous avons également observé s u r les terrasses de la Plaine de Valence (environs de Malissard). Il considère ces a l t é r ations comme caractéristiques de la période interglaciaire Mindel-Riss. Si nos d e u x loess les plus récents (Ib et Id) représentent, comme c'est vraisemblable, les d e u x dernières phases froides, l'accord est complet: les sols rouges a u r a i e n t cessé d e se former a v a n t le Riss et caractériseraient, o u t r e le Tertiaire supérieur, le Q u a t e r n a i r e ancien. Il serait essentiel de p o u r s u i v r e les recherches s u r cette question, car elles sont d'une i m p o r t a n c e p r i m o r d i a l e pour l'étude de l'évolution du relief: les nombreuses pentes tapissées de sols rouges, de la F r a n c e Méridionale seraient des reliefs anciens peu ou pas modifiés au cours du Q u a t e r n a i r e Moyen et Supérieur. L a m é t h o d e p e u t se révéler efficace pour la d a t a t i o n des terrasses. D'autres traces d'une période froide ancienne se r e t r o u v e n t dans le Sillon Rhodanien moyen. C'est, en particulier, le cas du b e a u gisement de St. Vallier, découvert p a r F. BOURDIER et étudié p a r V I R E T ( 2 0 ) , dont la faune villafranchienne gisait, après avoir subi u n faible t r a n s p o r t , sous u n loess durci, à plus de 1 0 0 m. a u dessus du Rhône. Nous avons r e t r o u v é , en compagnie de H . POSER, de A . CAILLEUX et de A . JOURNAUX, sous la direction de J . M I C H A U D , au S. de St. P e r a y , d a n s u n e ancienne vallée du Rhône à l'O. de la plaine de Valence u n loess durci identique, signalé autrefois p a r S U E N ( 1 9 ) mais qui n ' e n avait donné n i i n t e r p r é t a t i o n ni coupe précise. C e t t e dépression est encombrée de formations alluviales riches en quartzites alpins et dont la morphoscopie semble fluvioglaciaire. S u r son flanc E., descendant de la colline de Crussol, s'observent s u r plus de 3 m. d'épaisseur, des alternances de loess durci et de pierraille calcaire de gélivation cimentée en brèche, qui semblent venir se raccorder a u x alluvions. Non loin de là, à St. P é r a y , nous avons observé la superposition de d e u x loess dont le plus bas p o r t e u n lehm orangé (12). Quelquesoit leur âge précis, toutes ces formations i n d i q u e n t : — l'existence de périodes froides q u a t e r n a i r e s dans la F r a n c e Méridionale, avec phénomènes du t y p e périglaciaire, — la succession de plusieurs alternances de climats froids et de climats chauds au Q u a t e r n a i r e ancien, t e m p é r é s au Q u a t e r n a i r e Moyen et Supérieur. E x a m i n o n s donc quelles sont les conséquences de ces oscillations climatiques sur' la genèse des formations détritiques du Midi Méditerranéen. II L e s p h é n o m è n e s p é r i g l a c i a i r e s C'est à MARCELIN que revient l'honneur d'avoir publié la p r e m i è r e liste des p h é n o m è n e s périglaciaires relevés dans le région de Nîmes (4). Nous nous a p puierons sur elle tout en la complétant p a r nos propres observations, qui p o r t e n t s u r u n e région plus étendue. Nous v e r r o n s ensuite quelles précisions paléoclimatiques il est possible de t i r e r des divers faciès rencontrés. a) L e s p h é n o m è n e s é o l i e n s . Ils sont p a r t i c u l i è r e m e n t fréquents et intenses. On p e u t en distinguer trois formes: 12 Eiszeit und Gegenwart


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1° L e s d é p ô t s d e l o e s s , p a t i e m m e n t étudiés p a r MARCELIN. L e u r i m p o r t a n c e est considérable. Des loess ou des sols loessiques plus ou moins délavés recouvrent de vastes surfaces sur les p l a t e a u x caillouteux du Bas-Rhône, p a r t i c u l i è r e m e n t la Costière du Gard. Quelques placages moins étendus et moins caractéristiques jalonnent la C r a u au S . des Alpilles. A u S . E. d'Aureilles, dans u n e carrière sise le long de la r o u t e de Mouriès à Eyguiéres, nous avons observé u n e petite couche de loess de 1 0 cm, cryoturbée, qui reposait sur des formations constituées p a r u n mélange de m a t é r i e l fluvio-glaciaire alpin déposé p a r la D u r a n c e et de coulées de solifluction locales formées de calcaire jurassique. Elle était recouverte p a r d'autres coulées de solifluction identiques, mais sans a u c u n m a t é r i e l alpin, qui recoupaient le p r e m i e r ensemble de couches. On p e u t donc affirmer que le loess d'Aureilles, cryoturbé et recouvert p a r des pierrailles périglaciaires, est a n t é r i e u r à la dernière période froide.

On r e t r o u v e des loess é t e n d u s mais de faciès parfois local sur les affleurem e n t s des bassins molassiques d'Uzès et d'Alès. Quelques taches exiguës a p paraissent aussi çà et là s u r les p l a t e a u x calcaires de la G a r r i g u e de Nîmes, comme l'a signalé MARCELIN (4). Il n e nous a pas été possible de nous livrer à la cartographie détaillée des l a m b e a u x de loess de cette région mais nous avons p u n é a n m o i n s r e m a r q u e r q u e la formation avait u n e i m p o r t a n c e croissante en direction du Rhône. D u côté de l'Est, affleurements de la Crau au S. des Alpilles sont réduits Au N., a u pied de la M o n t a g n e t t e (notamment au S. de Barbentane), apparaissent des placages plus étendus, mais souvent à faciès très calcaire, peu caractéristique, q u e la feuille Avignon a cartographiés sous la r u b r i q u e A. Au N. de P o n t St. Esprit, la terrasse fluvio-glaciaire suivie p a r la voie ferrée en m o n t r e u n e épaisseur de plus de 2 m, entaillée p a r la tranchée de la route. S U E N ( 1 9 ) en signale d ' i m p o r t a n t s gisements sur la basse Céze, la basse Ardèche, MARCELIN dans la Valbonne. En s'écartant du Rhône vers le S.O., les loess se raréfient: les environs de Montpellier n'en m o n t r e n t que des traces peu épaisses sur les cailloutis pliocènes. Vers Béziers et Pézenas nous n'en avons plus relevé d'affleurements i n d u bitables. Le l a m b e a u caractéristique situé le plus loin vers le N.O. que nous ayions p u identifier se t r o u v e le long des pentes S. E. du petit Bassin d'Aniane où il recouvre des coulées de solifluction v e n a n t s'intercaler dans les alluvions de l'Hérault. 2 ° L e s c a i l l o u x é o l i s é s . Le Languedoc oriental présente quelques uns des plus b e a u x cailloux éolisés qu'il nous ait été donné de voir. A u x environs de Rochefort, de Tavel, de Pujaut, des formations alluviales anciennes riches en quarzites et proches de dépôts de sables Pliocènes m o n t r e n t , à m ê m e la surface du sol, des m u l t i t u d e s de quarzites à facettes. S u r certains d'entre eux, l'ablation a pu a t t e i n d r e 6 ou 7 m m d'épaisseur p a r endroits. MARCELLIN en a donné u n e magnifique photographie (4). Les quartzites éolisés a t t e i g n e n t jusqu'à 1 5 et 2 0 cm. de long, la majorité a y a n t a u t o u r de 1 0 cm. L e u r poids dépasse g é n é r a l e m e n t 4 0 0 gr. et avoisine souvent 1 kg. De tels galets soùt trop sourds pour avoir pu être r e t o u r n é s p a r le vent. Or la quasi-totalité d'entre e u x sont éolisés sur toutes leurs faces. Ils ont donc dû être r e t o u r n é s de temps à a u t r e a u cours m ê m e de la période p e n d a n t laquelle ils s'éolisaient. Nous pensons, avec A. CAILLEUX ( 7 ) , que la meilleure explication de ce fait est d ' a d m e t t r e u n r e t o u r n e m e n t p a r le gel, p a r exemple sous l'effet des pipkrakes. Il y a donc tout lieu de penser, à la suite de MARCELIN, q u e l'essentiel de ces actions éoliennes est fossile et d'âge périglaciaire ce qui


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n'empêche pas la continuation de ces phénomènes à l'heure actuelle favorisés en p a r t i e p a r le défrichement agricole. Mais ils sont très atténués. Tout comme les loess, les cailloux éolisés abondent p a r t i c u l i è r e m e n t s u r le bord O. du Bas-Rhône. Des recherches, sommaires il est vrai, n e nous ont pas permis d'en t r o u v e r dans la Crau ni a u x environs de Montpellier et de Béziers alors qu'ils abondent dans la Costière, le long du Vistre et dans la dépression de l'Etang de Pujaut. 3 ° L e s s a b l e s é o l i e n s . L e u r recherche exige d e nombreuses prises d'échantillons et de longs e x a m e n s au laboratoire qu'il ne nous a pas été pos sible de faire sur la large échelle souhaitée. Nous nous contenterons donc de signaler quelques faits, espérant a t t i r e r l'attention sur eux. Des sables éoliens sont visibles dans la coupe de Collias (couche le). On en t r o u v e également de nombreuses nappes en Camargue, s u r les anciens cordons l i t t o r a u x ou levées du Rhône, mais, dans cette dernière région, leur âge est fort incertain et ils continuent souvent à se déplacer de nos jours. E n Costière, n o t a m m e n t a u x environs de Générac, quelques échantillons de sables alluviaux pris sous la t e r r e végétale nous ont m o n t r é u n fort pourcentage de grains éolisés. Enfin, a u x abords de Rochefort, n o t a m m e n t e n t r e ce village et Tavel, les sables pliocènes sont remaniés en petites dunes qui v i e n n e n t recouvrir des formations à quartzites plus récentes. Cette c o u v e r t u r e éolienne est fixée et recouv e r t e d'un sol, ce qui p r o u v e qu'elle est fossile. A u x environs, à la surface des formations caillouteuses, s'observent quelques pavages éoliens, dus à la concent r a t i o n des éléments grossiers p a r déflation. Comme les loess et les cailloux éolisés, ces phénomènes se concentrent sur le bord Ouest de la dépression du Bas-Rhône. Il n e nous a pas été possible d'utiliser ces faits pour reconstituer la direction des vents lors des périodes froides q u a t e r n a i r e s . Mais la r é p a r t i t i o n m ê m e de ces dépôts semble indiquer que le relief a joué, comme aujourd'hui, u n rôle p r é d o m i n a n t et que les courants atmosphériques les plus violents étaient de direction méridienne. Ainsi s'expliquerait aisément l'importance exceptionnelle des p h é n o mènes éoliens de p a r t et d ' a u t r e du Bas-Rhône. b) L e s p h é n o m è n e s c r y o p é d o l o g i q u e s . Ainsi que l'a déjà signalé MARCELIN, les formations périglaciaires non éoliennes du Languedoc Oriental a p p a r t i e n n e n t s u r t o u t a u x dépôts de gélivation et de solifluction. 1.) Les phénomènes de gélivation. Ils ont, comme d'habitude, u n e i m p o r t a n c e variable suivant les roches. Dans les formations alluviales, MARCELIN ( 1 3 ) a signalé, en Costière, la fréquence des galets éclatés, a u x cassures anguleuses, emballés dans les restes d'argiles d'altération. Il s'agit là d'une formation de gélivation typique développée au d é t r i m e n t d'alluvions, comparable au »bief à silex« de Picardie, de Thiérache ou de N o r m a n d i e . Nous avons t r o u v é également, p a r t i c u l i è r e m e n t d a n s la Crau, de n o m b r e u x galets éclatés p a r le gel, débités en lamelles. Souvent ce matériel a été ensuite consolidé en conglomérat et le ciment ressoude les éléments éclatés ce qui m o n t r e que la gélivation n'est pas récente. Dans les Cévennes, n o t a m m e n t a u x environs de St. L a u r e n t le Minier et du Vigan, les schistes m o n t r e n t également de n o m b r e u s e s traces de gélivation. Les pentes de 3 0 — 4 0 ° sont souvent recouvertes d'une couche de 0 , 5 — 1 m. de débris aplatis, g é n é r a l e m e n t longs de 1 0 — 2 0 cm. Il n e s'agit pas de formations actuelles car elles sont recouvertes d'une mince pellicule de t e r r e végétale et fixées 12 •


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p a r la végétation. Bien que la gélivation puisse se continuer de nos jours là où la roche pointe à la surface du sol, la plus g r a n d e p a r t i e de ces débris est d'origine périglaciaire. Mais c'est d a n s les régions calcaires que l'action de la gélivation est la plus évidente, p a r t i c u l i è r e m e n t s u r les G a r r i g u e s et les Causses. La roche en place est recouverte d'un tapis de pierraille qui continue de se former actuellement sous l'effet de l'éclatement p a r le gel lors des t e m p é r a t u r e s rigoureuses d'hiver (jusqu'à —12° en 1950—51, d'après MARCELIN), d ' a u t a n t plus que, c o n t r a i r e m e n t à ce qui se passe d a n s la F r a n c e A t l a n t i q u e , la roche n'est pas protégée p a r u n sol épais et affleure souvent e n t r e les buissons (en g r a n d e p a r t i e p a r suite des dégradations dues a u pâturage). Mais ce n'est q u ' u n médiocre prolongement de phénomènes passés. La superposition de lagélivation actuelle à la gélivation q u a t e r n a i r e est p a r t i c u l i è r e m e n t n e t t e dans le petit vallon p a r lequel la r o u t e de St. Guilhem le Désert au Causse de la Selle s'échappe de la gorge de l'Hérault. Les v e r s a n t s en sont tapissés d'éboulis. Les débris q u a t e r n a i r e s sont fixés p a r la végétation et leur surface, légèrement décalcifiée, commence de se colorer en j a u n e p a r suite de la formation d'argile. Les éléments sont plus petits (ils dépassent r a r e m e n t 10 cm. de long) et plus aplatis que ceux des éboulis actuels. Ils sont aussi mieux calibrés et légèrement ordonnés, la position à plat é t a n t p r é d o m i n a n t e . Enfin leur p e n t e est plus faible: 29—30° contre 33—34°. Les éboulis actuels sont blancs, m a l triés (blocs de 50 cm. ou m ê m e 1 m.), moins riches en granules et moins r é g u l i è r e m e n t disposés. Des têtes de roche en place leur correspondent toujours en h a u t du versant. La m o i n d r e pente des éboulis anciens semblerait i n d i q u e r u n e légère i n t e r v e n t i o n de la c r y o t u r b a t i o n dans leur mise en place, comme, p a r exemple, u n e action des pipkrakes. Elle est en effet inférieure à la pente des éboulis de p u r e gravité, du t y p e des éboulis actuels Cette différence de pente p e r m e t à ces derniers de r a v i n e r légèrement les éboulis périglaciaires. L'intensité de la gélivation est é t r o i t e m e n t liée au faciès des calcaires (14). Elle est m á x i m a dans les calcaires m a r n e u x , comme le B a r r é m i e n des Arpilles car de minces lits de m a r n e , épais de 3—5 cm., intercalés e n t r e des bancs de calcaire m a r n e u x de 30—40 cm., gonflent sous l'effet du gel et p e r m e t t e n t la dislocation de la roche. Toute la p a r t i e occidentale de la voûte anticlinale des Alpilles est fortement affectée p a r la gélivation et nous y avons observé de magnifiques éboulis ordonnés (pente 20°, éléments les plus gros 4—6 cm., a p latissement de 3,2), m a i n t e n a n t recouverts p a r une végétation forestière. L a Montagnette, le bord Est de la dépression de l'Etang de Pujaut, les environs de Tavel et de Rémoulins m o n t r e n t , dans le m ê m e étage et le m ê m e faciès, des accumulations considérables de produits identiques qui forment de puissants glacis a u pied des v e r s a n t s et u n e véritable t e r r a s s e alluviale au bord S.O. de l'étang de P u j a u t (aplatissement 3,6). Il s'agit d'un matériel de gélivation typique, semblable à celui q u e donnent les calcaires m a r n e u x du B a r t o n i e n des environs de P a r i s ou du P o r t l a n d i e n du Barrois. Les calcaires de l'Hauterivien sont moins gélifs et d o n n e n t des produits moins aplatis (aux environs de 3) et moins bien calibrés (éléments allant des granules à 20 cm. env.). Les produits de ce genre a b o n d e n t au pied de l'escarp e m e n t qui borde la G a r r i g u e de Nîmes vers le S.E., où ils ont été signalés p a r MARCELIN

(4).

L'Urgonien présente u n faciès plus résistant, dans lequel certains bancs seulem e n t sont gélifs, d'où le développement de formes différentielles, n o t a m m e n t d'abris sous roches (voir MARCELIN, 4). Les calcaires dolomitiques, enfin, qui


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apparaissent f r é q u e m m e n t sous la forme d'accidents dans les séries J u r a s s i q u e s des Causses, sont immunisés contre la gelée et n'ont pas été affectés p a r les actions périglaciaires. Il en est de m ê m e de la molasse coquillière des B a u x , en Provence. 2 ° P h é n o m è n e s de solifluction et de cryoturbation. L e u r développement est m o i n d r e que celui des phénomènes de gélivation. Malgré l'examen de nombreuses coupes, nous n'avons pu t r o u v e r aucune fente en coin, aucun sol polygonal ni quoi q u e ce soit que l'on puisse i n t e r p r é t e r comme tel. Les cryoturbations les plus poussées qu'il nous ait été donné de relever sont le sol à poches (Brodelboden) de Collias, qui s'est développé dans des conditions lithologiques exceptionnellement favorables, dans u n e formation p r é s e n t a n t la g r a n u l o m é t r i e optima ( m a x i m u m g r a n u l o m é t r i q u e 2 0 — 5 0 microns). A u coin S.E. de l'Etang de Pujaut, des débris de calcaire a n g u l e u x consolidés en brèche et formant u n e coulée de solifluction, r a v i n e n t des formations plus fines en f o r m a n t des figures très contournées, esquissant des plications complexes (Wurgeboden). Enfin, au N. de P o n t St. Esprit, la coupe de la terrasse du chemin de fer, dans le talus de la route, nous a m o n t r é de jolies injections de m a t é r i e l alluvial p é n é t r a n t en pincée de 0 , 5 — 0 , 6 m. dans la base du loess sus-jacent. Tels sont les seuls phénomènes de c r y o t u r b a t i o n q u e nous ayions pu observer m a l g r é u n e recherche attentive. MARCELIN est a r r i v é a u x m ê m e s résultats: il n e signale que des poches r a v i n a n t e s (coupes de coulées de solifluction) et quelques esquisses de guirlandes avec rebroussements (creux du Chaffre, près Calvisson, in n ° 4 , p. 1 1 1 ) . P a r contre, les phénomènes de solifluction sont i m p o r t a n t s , massifs pourrait-on dire. Ils ont étalé au pied des v e r s a n t s calcaires des glacis considérables de débris, en pente faible, qu'a décrits MARCELIN. La g r a n u l o m é t r i e de ces formations r e n d leur solifluction impossible sous climat t e m p é r é : ce sont des pierrailles à m a t r i c e de granules et de poudre, sans argile. Au surplus, elles sont fixées depuis longtemps et des sols les couronnent. A la différence de ce qui passe dans la F r a n c e du Nord, elle sont f r é q u e m m e n t consolidées en brèche p a r u n ciment de calcaire. Les pentes les plus faibles que nous leur ayions observées sont de 2 — 3 ° . E t a n t donné l e u r i m p o r t a n c e p r i m o r d i a l e s u r le modelé, nous en r e p a r l e r o n s plus en détail au p a r a g r a p h e suivant. De ces divers faciès des phénomènes cryopédologiques nous pouvons essayer de t i r e r quelques conclusions concernant les climats froids du Q u a t e r n a i r e dans la région du Bas-Rhône. Les phénomènes liés a u froid le plus intense, comme les fentes en coin, les sols polygonaux de g r a n d diamètre, les injections p u i s santes, les plissotements m a r q u é s des couches m a n q u e n t t o t a l e m e n t ou bien sont r a r e s et peu développés. Le climat n e fut donc pas t r è s rude, plus clément semble t'il q u e sur la côte a t l a n t i q u e à la m ê m e latitude, car BALLAND, BASTIN et CAILLEUX, puis GUILLIEN ont observé ces phénomènes en C h a r e n t e ( 1 5 ) . 11 n e semble pas qu'il y ait a u c u n e p r e u v e d'un sol gelé p e r m a n e n t (merzlota). Toutefois le gel p é n é t r a i t chaque h i v e r profondément et était suffisamment intense p o u r éclater finement les roches gélives. La couche gelée devait être également suffisamment épaisse pour p e r m e t t r e , a u p r i n t e m p s , u n e solifluction intense et prolongée de débris incapables de solifluer sous u n climat tempéré, sans u n sol gelé sous-jacent. Nous inclinerions donc à a d m e t t r e que la région du Bas-Rhône a connu, a u Q u a t e r n a i r e , à plusieurs reprises, u n climat de t o u n d r a a t t é n u é , du genre de celui qui règne non loin de la limite septentrionale des forêts. A u m ê m e moment, le littoral a t l a n t i q u e connaissait des conditions plus sévères,


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comme le m o n t r e n t les découvertes de GUILCHER. Il est probable q u e ces différences régionales sont liées à la p r o x i m i t é de la M é d i t e r r a n n é e , p r o b a b l e m e n t p r e s q u e coupée de l'Atlantique p a r suite de l'abaissement du n i v e a u m a r i n lié à la glaciation, et qui, de ce fait, devait être moins froide. Quoiqu'il en soit, il n'est plus possible d ' a d m e t t r e dans cette région u n climat tempéré, comme on le faisait encore r é c e m m e n t (1). Une g r a n d e p a r t i e des notions de morphologie climatique qui p e r m e t t e n t seules de c o m p r e n d r e le relief de la F r a n c e S e p t e n t r i o n a l e doit donc être étendue au Languedoc. III

L'Influence

M o r p h o l o g i q u e des P h é n o m è n e s Périglaciaires L'influence des actions périglaciaires fossiles sur le modelé actuel dépend d'une p a r t de leur intensité p r o p r e et de l'autre de l'intensité des processus postglaciaires. Là où les actions périglaciaires fossiles ont été réduites et où les processus actuels sont actifs, l'influence des p r e m i è r e s a pu être complètement effacée et leur rôle morphologique devient négligeable. P a r contre, lorsque le froid q u a t e r n a i r e a permis le développement d'un modelé original et vigoureux et que les actions postérieures n'ont guère eu d'importance, le modelé actuel est presque e n t i è r e m e n t u n modelé périglaciaire fossile conservé. Un exemple d'une médiocre influence morphogénétique des phénomènes périglaciaires fossiles nous est offert dans le Languedoc p a r les régions argileuses ou molassiques. Ce n'est pas que les climats froids n e les aient pas affectées: la molasse ou l'argile n e jouit d'aucune i m m u n i t é vis à vis de la c r y o t u r a tion. Cette dernière a provoqué dans ces formations u n e i m p o r t a n t e solifluction qui a contribué à la progression de l'ablation. Mais les formes qui se sont développées sous l'effet des climats froids n'ont pas persisté jusqu'à nous. P a r suite, en g r a n d e partie, de la mise en culture, la molasse et l'argile, formations m e u b les, sont la proie de l'érosion des sols. Cette dernière est suffisamment active p o u r développer t o u t e u n e micro-topographie de ruissellement, caractérisée p a r des ravins et r a v i n e a u x rapprochés qui dissèquent les anciens v e r s a n t s amples, a u x formes plus douces et plus régulières, qui s'étaient établis sous l'effet de la solifluction. Quelques fois, comme sur la b u t t e a u N. de Collias, les anciens v e r sants, a n t é r i e u r s à la phase actuelle de ruissellement, persistent encore sous la forme des sommets de croupe qui séparent les r a v i n e a u x . D'autres fois le r e coupement des v e r s a n t s les a fait t o t a l e m e n t disparaître, comme a u x Fosses de Fournès. Il n ' e n est pas de m ê m e des calcaires. D a n s ces roches, en effet, l'érosion post- et interglaciaire est essentiellement chimique, et, de ce fait, fort lente. C'est ce q u e BIROT désigne p a r l'expression d' «immunité karstique«. P a r contre, lors des périodes froides du Q u a t e r n a i r e , l'érosion m é c a n i q u e était fort intense. Gélivation et solifluction se combinaient p o u r p r o v o q u e r l'ablation de masses de m a t é r i a u x considérables. Il en est résulté u n e intense érosion m é c a n i q u e que n ' a p u modifier la médiocre action postglaciaire, e x a c t e m e n t comme en L o r r a i n e ou en C h a m p a g n e (10). L'essentiel des v e r s a n t s p o r t e aujourd' h u i encore l'empreinte périglaciaire. N a t u r e l l e m e n t cette dernière est plus ou moins p r o fonde suivant la gélivité des roches. Dans les calcaires m a r n e u x , elle est à peu près exclusive. Dans les dolomies, au contraire, elle est nulle et ce sont des formes plus anciennes, pré-glaciaires, qui sont conservées. Toutes les régions calcaires du Languedoc Oriental et de la P r o v e n c e Occidentale sont caractérisées p a r l'opposition e n t r e les p l a t e a u x ondulés, faiblement


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accidentés qui régnent s u r de g r a n d e s surfaces et les gorges abruptes, les canyons a u x parois raides où coulent les rivières (Gorges de l'Hérault, du Gard, de la Vis e t c . . . ) Seule la morphologie climatique, a p p u y é e s u r ce q u e nous venons de préciser q u a n t a u x paléoclimats q u a t e r n a i r e s , est susceptible d'en founir u n e explication complète. I m n e s'agit pas là d'une morphologie h o m o gène, p r é t e n d u e k a r s t i q u e , mais de formes d'âge varié, de genèse différente, juxtaposées p a r suite de l'évolution climatique. Les gorges sont le domaine où se poursuit u n e érosion mécanique actuelle. Le vallon e n t r e St. Guilhem du Désert et le Causse de la Salle nous en fournit u n e p r e u v e qui n'est pas unique. P a r t o u t où l'enfoncement des rivières est suffisamment actif, les v e r s a n t s calcaires évoluent en talus d'éboulis, le gel actuel jouant encore u n rôle essentiel dans la fragmentation de la roche, bien que fort i n t é r i e u r a u gel q u a t e r n a i r e . Dans la gorge du G a r d à t r a v e r s l'anticlinal urgonien de la G a r r i g u e de Nîmes, le s a p e m e n t du fleuve favorise égalem e n t les éboulements. Ici aussi les v e r s a n t s actuels sont des v e r s a n t s d'éboulis. Quelques bancs plus résistants donnent des petits gradins v e r t i c a u x et des sections de v e r s a n t d'une p e n t e m o y e n n e de 60—70°. E n t r e eux, les éboulis donnent des talus de 3 3 à 3 5 ° , u n peu plus inclinés que les éboulis périglaciaires. A l'action de sapement des rivières qui provoque des éboulis de gravité se borne la morphologie superficielle postglaciaire. P a r elle, les interfluves n e sont pas touchés. L e u r surface est ondulée p a r l'entaille de t o u t e u n e série de vallons, aujourd'hui secs et qui n'ont pu se former sous le climat actuel. L e u r s v e r s a n t s sont jonchés de pierrailles et, cependant, l e u r pente est bien inférieure à celle des talus d'éboulis. P o u r le p l a t e a u U r gonien de la G a r r i g u e de Nîmes, elle est le plus souvent de 10—20°. Seule u n e action du ruissellement p o u r r a i t expliquer semblable valeur. Or, dans ces roches perméables, il n e s a u r a i t en ê t r e question. Cette morpologie de vallons secs, a u x v e r s a n t s r e l a t i v e m e n t adoucis, toujours moins raides que ceux des canyons à écoulement fluviatile sont un legs des climats froids périglaciaires. Or c'est à e u x que la g a r r i g u e doit l'essentiel de son relief. La pente de leurs v e r s a n t s v a r i e directement en fonction de la gélivité des roches: le plus souvent voisine de 20° dans les calcaires urgoniens, elle s'abaisse à 10° dans les calcaires m a r n e u x du B a r r é m i e n ou de l'Hauterivien. Une morphologie légèrement différente caractérise le r e b o r d des p l a t e a u x calcaires, p a r exemple le g r a n d talus qui s'allonge tout au long de la G a r r i g u e de Nîmes, le long du Vistre. N o m b r e u x sont les vallons secs qui l'entaillent, semblables, comme les précédents, a u x vallons en berceau de la L o r r a i n e (10). A u c u n e t r a c e d'eau courante, pas m ê m e de lit dessiné, ce qui m o n t r e bien qu'ils sont totalement inactifs de nos jours. P a r contre leur fond est tapissé d'une épaisse n a p p e de pierraille de gélivation, apportée là p a r la solifluction, et qui e m p â t e le pied des versants, formant u n long glacis en pente douce (4—5°) r a c cordant la n a p p e du fond de vallon a u x affleurements de roche en place, dont la pente est sensiblement plus forte. E n t r e les vallons, c'est le pied m ê m e du talus qui est bordé de ces glacis continus et réguliers, paysage caractéristique d e la vallée du Vistre, comme l'a bien sougligné MARCELIN. E n t r e Nîmes et Rémoulins le g r a n d développement de ces vallons et de ces glacis s'explique p a r l'absence d'entaille récente. Une coupe proche de l'aérodrome de Nîmes, q u e nous a m o n t r é MARCELIN, laisse voir les formations de débris de gélivation soliflués consolidés p a r u n ciment calcaire presque j u s q u ' a u n i v e a u de la surface du sol. Cette consolidation est fossile et date p r o b a b l e m e n t du d e r n i e r i n t e r -


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glaciaire. Lors de la dernière période froide, les horizons supérieurs du sol dont elle r e p r é s e n t e la base ont disparu sous l'effet de la reprise de la solifluction. Or cette brèche se raccorde à peu près au fond du vallon, où elle n'est recouverte q u e de 1 m. environ de débris. Il n'y a donc eu, dans cette région, a u c u n creusem e n t sensible e n t r e les d e u x dernières périodes froides de sorte que l'évolution commencée p e n d a n t la p r e m i è r e a pu se p o u r s u i v r e sans accident au cours de la seconde. U n e morphologie comparable s'étend au pied de l'escarpement B a r r é m i e n qui borde a u S.E. la dépression de l'étang de Pujaut. La roche en place, inégalem e n t gélive, est découpée en pinacles séparés p a r des couloirs ennoyés sous les débris de gélivation. Ces d e r n i e r s se rejoignent plus bas pour former u n glacis continu. Les rivières autochtones ont façonné ce m a t é r i e l en grève calcaire, très aplatie et faiblement émoussée, a u x éléments de forme subgéométrique, e x a c t e m e n t semblable au m a t é r i e l périglaciaire fluviatile que l'on r e n c o n t r e si souvent, dans le Bassin de P a r i s (16). Les m ê m e s pentes façonnées a v a n t tout p a r la gélivation et la solifluction caractérisent la topographie des petits Causses (Larzac, Causse de la Selle). Des glacis de débris de gélivation adoucissent le bord de la p l u p a r t des dépressions karstiques. Une étude détaillée des r a p p o r t s e n t r e ces formations et la topog r a p h i e k a r s t i q u e p e r m e t t r a i t de d a t e r cette d e r n i è r e et m o n t r e r a i t p r o b a b l e m e n t que l'essentiel du t r a v a i l de dissolution est ancien. A u S. de Montdardier, e n t r e St. M a r t i n et la Vacquerie, nous avons observé en de n o m b r e u x points u n e morphologie k a r s t i q u e fossilisée sous des dépôts de sables à galets de quartz, a t t r i b u é s au Pliocène p a r la c a r t e géologique. Le bord des poljés est ennoyé sous des glacis de poduits de gélivation. Il faut donc t e n i r le plus g r a n d compte des phénomènes périglaciaires q u a t e r n a i r e s pour e x p l i q u e r la morphologie des Causses. P a r t o u t où le calcaire est gélif, les formes de s u r face ont été effacées p a r l'action du froid: les lapiés ont disparu, les dollines les plus petites ont été complètement fossilisées, les plus g r a n d e s presque effacées *). Seules ont pu se m a i n t e n i r les formes développées dans des faciès non gélifs, en particulier d a n s les formations dolomitisées. Ainsi s'expliquent les lapiès de Rogues, de la Cavalerie, de la Vacquerie et de p r o b a b l e m e n t bien d'autres points. Il s'agit de formes anciennes, a n t é r i e u r e s au dépôt de la n a p p e de galets de q u a r t z à Rogues et à la Vacquerie (elles sont fossilisées p a r elle), qui se sont m a i n t e n u e s p a r suite de l'immunité que leur conférait le faciès vis à vis de la gélivation. Ce n'est pas à u n k a r s t actuel que nous avons à faire, mais à u n vieux karst, superficiellement a b î m é p a r les périodes froides q u a t e r n a i r e s , et dont seules les parties souterraines ont pu se r e m e t t r e à fonctionner sans difficulté lors du radoucissement du climat tandis que la surface est encore l a r g e m e n t u n paysage périglaciaire fossile. Ainsi s'explique l ' a p p a r e n t e disparité d'évolution e n t r e les formes souterraines et les formes superficielles. L'analogie est g r a n d e avec le J u r a Souabe et les Alpes arientales (Voir B Ü D E L N O . 2 1 ) . La chaîne des Alpilles m o n t r e u n contraste saisissant, de morphologie calcaire. Toute la p a r t i e centrale de l'anticlinal, constituée p a r le Crétacé inférieur et le J u r a s s i q u e supérieur, m o n t r e u n e intense dissection p a r u n réseau serré de vallons secs, dont les v e r s a n t s ont des pentes modérées ( 1 0 — 2 0 ° ) . S u r t o u t dans le Crétacé Inférieur, le relief est aéré, les vallons évasés. Les confluences de ravins sont e x t r ê m e m e n t rapporchées: tous les 1 0 0 m. en m o y e n n e le long de A.

*) Cette idée nous a été suggérée par R. DUGRAND, que nous remercions cordialement. CAILLEUX a observé au Djurdjura (Algérie) des faits analogues ( 1 7 ) .


Paléoclimats quaternaires dans le Midi Méditerranéen

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la r o u t e de St. Rémy a u x Baux. On observe d'abondantes formations de gélivation, en particulier des éboulis ordonnés. A u c u n e morphologie karstique, si ce n'est q u e tous ces vallons sont secs. Tout le modelé est périglaciaire et les périodes froides du Q u a t e r n a i r e ont mis à r u d e é p r e u v e le coeur de l'anticlinal. C'est qu'il est constitué de calcaires gélifs, souvent m a r n e u x (Grétacé Inférieur). P a r contre, une fois l'anticlinal franchi en direction du S., la région des B a u x offre u n relief chaotique, avec dépressions fermées (le Val d'Enfer), buttes résiduelles du type hum, a u x parois verticales toutes t a r a u d é e s d'énormes lapiés. Ici, a u c u n éboulis ordonné, a u c u n e t r a c e de solifluction. L e modelé est tout entier celui de l'érosion chimique. C'est que nous nous trouvons dans da molasse aquitanienne, constituée p a r u n calcaire coquillier t e n d r e , n o n gélif, utilisé comme p i e r r e de taille. Les formes fossiles préglaciaires sont intégralement conservées. La m ê m e influence morphoclimatique s'est fait sentir sur le t r a v a i l des rivières et la morphologie des fonds de vallées. Il est très vraisemblable qu'ici comme dans tout le Bassin de P a r i s , la p l u p a r t des terrasses soient climatiques (18). Le r e m b l a i e m e n t du Bassin d'Aniane est formé de coulées de produits de gélivation v e n a n t se fondre dans les apports longitudinaux ce qui p e r m e t de le d a t e r d'une période froide. Mais plus significatif est u n petit vallon descendant du flanc E. de la Gardiole, près de Mireval et dont le m a t é r i e l est entaillé p a r u n e carrière le long de la r o u t e de F r o n t i g n a n à Montpellier. Il a édifié u n cône, formé u n i q u e m e n t de m a t é r i e l calcaire local, t r è s peu usé, mais assez aplati. L a r g e de 200 m. à sa base, il a t t e i n t 7 m. de puissance et repose sur le calcaire fortement a l t é r é p a r dissolution et encore b o u r r é d'argile rouge dans les diaclases élargies. Le calcaire était entaillé p a r u n petit r a v i n profond et étroit, qui a été e n t i è r e m e n t fossilisé p a r le cône. De q u a n d d a t e ce ravin? P r o b a b l e m e n t de la période où les couches de l'ensemble II se ont altérée à Collias: en effet, la surface du calcaire du r a v i n fossilisé p o r t e l'altération rouge tandis q u ' a u dessus du remblaiement, la m ê m e roche, fortement gélivée, est intacte. Les formations du cône se raccordent a u x pierrailles de gélivation qui jonchent cette roche en place: elles sont postérieures à l'altération rouge. Mais ce n'est pas tout: elle-mêmes plongent vers la plaine littorale toute proche et passent sous les formations argilo-vaseuses qui b o r d e n t l'étang de Vie. Elles sont donc a n t é r i eures à la transgression flandrienne D'ailleurs ce cône n'est plus fonctionnel: il est recouvert d'un sol mince, b r u n , qui semble postglaciaire et aucun écoulement n e se produit plus dans le talweg. On exploite la c a r r i è r e sans se soucier de ce dernier. La formation du cône s'est donc placée lors des d e u x récentes phases froides correspondant a u dépôt des loess Ib et Id de Collias, c'est-à-dire lorsque le n i v e a u de la m e r toute proche était déprimé p a r la glaciation. Au contraire, lors de la transgression flandrienne, la r e m o n t é e du n i v e a u m a r i n a coïncidé avec u n a r r ê t de l'accumulation. I n d é p e n d a n t e des oscillations eustatiques, l'évolution de ce vallon est essentiellement commandée p a r les fluctuations climatiques, comme celle de la p l u p a r t des rivières françaises. L'existence de périodes froides au Q u a t e r n a i r e dans le Midi M é d i t e r r a n é e n , p r o u v é e p a r l'existence de dépôts typiques, attestée p a r u n e faune froide, n o t a m m e n t le r e n n e a u Mas d'Azil et des pingouins fossiles en Italie (d'après M. GIGNOUX), est donc d'une i m p o r t a n c e capitale p o u r la géomorphologie. Les oscillations climatiques ont en effet engendré le développement de générations de formes de caractère très différent, qui ont persisté plus ou moins jusqu'à nous. Tandis que le modelé des argiles ou delà molasse répond l a r g e m e n t a u x


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conditions climatiques actuelles, celui des calcaires, est e n t i è r e m e n t fossile. Des t o p o g r a p h i e s s o u t e r r a i n e s a n c i e n n e s s'y c o m b i n e n t avec u n modelé p é r i g l a c i a i r e a s s e m b l a g e é t r a n g e dont on a voulu faire u n t y p e de

sauf le long des canyons, t e r t i a i r e s ou q u a t e r n a i r e s récent pour constituer un modelé k a r s t i q u e .

L a m e i l l e u r e connaissance de ces d i v e r s paléoclimats et des formes c a r a c t é r i s t i q u e s qu'ils ont e n g e n d r é e s nous a i d e r a é g a l e m e n t à m i e u x préciser les é t a p e s de l'évolution d u relief en p e r m e t t a n t de d a t e r telle ou telle f o r m e g r â c e a u x sols climatiques qui la r e c o u v r e n t . P u i s s e n t de telles recherches, a p p u y é e s s u r l'étude m i n u t i e u s e des f o r m a t i o n s superficielles et des processus d e l'érosion, se m u l t i p i e r et n o u s p e r m e t t r e de m i e u x c o m p r e n d r e les t o p o g r a p h i e s qui se p r é s e n t e n t à nos y e u x .

1 2 3 4 5 6 7 8

9 10 11 12 13 14 15

16 17 18

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v° -

15 -

*10 f FLUVIATILE l FLUVIOG [MARINE

LAZIAL

FIGURE 3: Caractéristiques morphométriques des formations périglaciaires grossières é t u diées. En abscisses, indices d'émoussé (médianes de chaque lot), en ordonnées, indices d'aplatissement (médianes de chaque lot). Chaque lot est figuré sur le graphique par u n croix accompagnée d'un chiffre renvoyant au t a b leau 1. On peut constater que les caractéristiques morphométriques des galets périglaciaires sont bien différentes de celles d e s autres formations. Elles s e répartissent sur une aire bien délimitée correspondant à des émoussés m é diocres ou nuls et des aplatissements élevés ou moyens. Ces caractères constituent u n éventuel m o y e n de diagnose d'origine. On n o tera également que les formations périglaciaires d u Bas Rhône s e placent au bord de l'aire délimitée sur le graphique: leurs caractères sont moins nets que ceux des formations de la France du Nord et indiquent u n e transition, u n climat moins rude.

TABLEAU

1 2 3

9 10 11

1

Caractéristiques morphoscopiques des galets périglaciaires de la région du Bas Rhône et termes de comparaison. Indice d'émoussé Localité Indice d'aplatissement (1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) 1° Formations périglaciaires de l'Est du Bassin de Paris MARCQ (Ardennes) 3,87 37% 50—150 0% 4,55 13°/o 100—150 1% F A L A I S E (Ardennes) 5,3 19% 200—250 2% CHEVIERES (Ardennes) 2° Formations périglaciaires du Sillon Rhodanien OURCHES (Drôme) 61% 50—100 0% P U J A U T , éb. ordon. 7% 2,75—4 31% 3,6 P U J A U T , alluvions 20% 1,75—2,75 28% 2,8 22% 0% 100—150 AUREILLE (B. d. R.) 19% 1,75—2,5 37% 2,9 43% 50—150 0% Les B A U X ( B . d . R . ) 37% 2,25—3 39% 3,4 LEDENON (Gard) 11% 2,5 —3,5 27% 2,87 3° Formations non périglaciaires, à titre de comparaison 2% 0% J O U X La Ville 36% 1,5 -2,5 2,07 82% 50—100 3% 200—250 1% VOGUE (Ardèche) 49% 1,5 -1,75 2,08 10% 7% 4% 200—400 14% FRAUENHOFEN 50% 1,5 -2 1,98

(8) 130 180 195 80 40 135 110 30

60 240 351


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J. Tricart Localité

Indice d'aplatissement Indice d'émoussé (D (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8) 12 WERTHENSTEIN 42% 1,5 —2,5 8% 2,20 7% 150—400 3 % 269 13 WIBLINGEN 26% 1,7 —2,5 25°/o 2,50 3%> 300—500 14% 380 14 OUJDA (O. Isly) 44% 1,25—2,5 4% 2,08 0% 350—400 10% 333 15 SETE (Plage) 33% 1,75—2,25 2% 2,18 1% 250—350 11% 310 (1) Proportion des galets < 2. (2) M a x i m u m . (3) Proportion des galets > 3,5. (4) Médiane. (5) Proportion des galets < 100. (6) M a x i m u m . (7) Proportion des galets > 500. (8) Médiane. Renseignements concernant les formations de comparaison: Joux la Ville: dissolution sur place actuelle dans u n sol de rendzine. Voogiié: fluviatile actuel, dans le lit d e l'Ardèche. Frauenhoffen: fluviatile tortonien de Bavière, aucune influence périglaciaire posible. Werthenstein: fluviatile actuel de la Kleine E m m e (Suisse). Wiblingen: terrasse fluvio-glaciaire du Danube, près d'Ulm. Quelques éléments de provenance périglaciaire. Oujda: fluviatile actuel de l'Oued Isly. Noter la ressemblance avec Frauenhof fen. Séte: usure marine actuelle au pied d'une petite falaise, sans transport.

Zusammenfassung Die bis in jüngste Zeit vertretene Ansicht, daß die französische Mittelmeerregion im Pleistozän nicht m e h r unter den Einflüssen eines periglazialen Klimas gelegen habe (1), bedarf nach den Beobachtungen von MARCELIN (3) und nach den Feststellungen in diesem Aufsatz einer Revision. Auch in diesem Gebiet gibt e s einen mannigfaltigen periglazialen Formenschatz und verbreitet periglaziale Ablagerungen (Fig. 1): Löße, Flugsande und äolische Steinpflaster (mit allseitig geschliffenen Steinen darin, deren größte und schwerste während der Politur nicht durch Wind, sondern nur durch Frostschub gedreht sein können), Solifluktions- und Kryoturbationshorizonte (Würgeboden) und periglaziale Schutthalden. Morphometrische Schotteranalysen, die Abplattung wie die Zurundung betreffend, erhärten den periglazialen Charakter dieser Bildungen (Tableau 1), deren Verbreitung bis ans Mittelmeergestade reicht. D i e genaue Datierung der einzelnen Erscheinungen ist noch nicht möglich g e w e s e n ; sie gehören aber z u mindest bei Collias verschiedenen Kaltzeiten an. Hier zeigt ein großer Aufschluß drei verschiedenaltrige Löße in Wechsellagerung mit Solifluktions- und Kryoturbationshorizonten und alle diese Horizonte mit unterschiedlichen Merkmalen nachträglicher chemischer Verwitterung. Er dokumentiert die Aufeinanderfolge folgender K l i m a perioden: warm-trockene Klimaperiode, ältere Kaltklima-Periode, warm-trockene Periode, kalte Periode, gemäßigte Periode, kalte Periode, Klima der Gegenwart. B e merkenswert ist, daß trotz Suchens keine fossilen Eis- oder Lehmkeile u n d auch keine anderen Zeugen einstigen Dauerfrostbodens gefunden wurden. Ihr offenbares Fehlen gestattet den Schluß, daß das durch die übrigen Formen und Ablagerungen belegte Periglazialklima nicht ebenso streng und rauh war w i e das gleichzeitige Klima in den nördlichen und westlichen Teilen Frankreichs, w o fossile Eiskeile bis an die Atlantikküste hin beobachtet wurden. Das französische Mittelmeergebiet wird also keinen Dauerfrostboden, sondern nur jahreszeitliche, bestenfalls tiefgründige Gefromis g e habt haben. Der Nachweis periglazialer Klimaeinflüsse auf dieses Gebiet eröffnet neue Aspekte auch für die Morphologie der südfranzösischen Kalkgebirge. In Abschnitt III sind zahlreiche Einzelbeobachtungen zusammengestellt worden, wonach manche Züge der großen kanonartigen Täler sowohl hinsichtlich ihrer Hanggliederung w i e hinsichtlich ihrer Terrassen nur aus d e m Wechsel der verschiedenen Klimate, also auch unter Mitwirkung des Periglazialklimas verstanden werden können. Eindeutig periglaziale Veränderungen w e i s e n die Karsterscheinungen auf, deren Anlage somit w e i t älter ist, als bisher angenommen wurde. Vollends periglazialer Entstehung sind die zahlreichen, heute trockenen Tälchen der Hochflächen („Dellen"). Bedarf die Kalklandschaft im e i n zelnen auch noch weiterer Untersuchung, so darf doch schon gesagt werden, daß ihre Formen größtenteils Vorzeitformen aus verschiedenen Klimaperiodien sind, u n d daß ihre jetztzeitlichen Bildungen sich nahezu ganz auf den Sohlenbereich der großen Täler beschränken. Durch die auffallend gute Erhaltung eines verschiedenaltrigen fossilen Formenschatzes zeichnet sich die Kalklandschaft aus vor den Räumen toniger A b lagerungen und der Molasse, die unter der Wirkung des heutigen Klimas noch am stärksten verändert werden.


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