Le recteur Gérard-François Dumont Professeur à l’Université Paris-Sorbonne, Président de la revue Population & Avenir, www.population-demographie.org
LA CHINE : UN GÉANT DÉMOGRAPHIQUE FACE AU VIEILLISSEMENT DE SA POPULATION
Une caractéristique essentielle de la Chine est l’ancienneté de l’importance de son peuplement. Ce dernier donne à ce pays, au moins depuis vingt-cinq siècles, un poids démographique toujours aux environs du cinquième de la population dans le monde. Néanmoins, la population de la Chine a connu de fortes variations conduisant ce pays, au XXIe siècle, à enregistrer un vieillissement dont l’intensité se trouve accrue par la politique démographique dite de « l’enfant unique ».
Un peuplement ancien toujours important La connaissance passée de la population de l’empire chinois bénéficie de sources relativement nombreuses, car les pouvoirs centraux ont toujours souhaité un système administratif étoffé pour dresser le bilan démographique de leurs conquêtes, utiliser la corvée, ou lever des impôts sur les populations. L’existence en Chine d’un peuplement important est conforme à ses référents culturels. Le souci chinois, quasi permanent au fil des siècles, d’une fécondité suffisante correspond à l’enseignement de Confucius (551-479 avant J.-C.), reprenant des éléments antérieurs de doctrine qui demeurent depuis, malgré le communisme, des référents de la vie chinoise. En particulier, la morale individuelle et familiale du confucianisme est favorable à la procréation. En effet, l’âme des morts ne peut être maintenue en vie que par le culte que leur vouent leurs descendants. Avoir une descendance est donc à la fois une obligation envers ses aïeux et une nécessité pour soi-même. Quant au gouvernement, il a intérêt à avoir un peuple nombreux pour assurer le bien-être de tous, la richesse du pays et la puissance de l’empereur. 179
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Néanmoins, le souci populationniste ne se concrétise pas toujours, au deuxième comme au premier millénaire, et la population de la Chine connaît des périodes de croissance ou de décroissance, notamment en fonction des situations politiques, des guerres ou des épidémies. Fondé par l’empereur Qin (qui, prononcé T’sin, donne son nom à la Chine), le premier État féodal (221-206 avant J.-C.) est suivi par le règne de la dynastie des Han. Le plus grand ensemble politique impérial chinois (entre 221 et 220 après J.-C.) est donc contemporain de l’unification du bassin de la Méditerranée par la République et le principat romain.
1. Plus de cent millions d’habitants au XIIe siècle Après le morcellement politique et la désorganisation de la fin du Ier millénaire, la dynastie des Song (960-1279) facilite un essor remarquable, malgré ses luttes avec les peuples de la frontière septentrionale de la Chine. Pour la première fois de son histoire, la Chine dépasse au XIIe siècle les cent millions d’habitants. Dans cette période faste, l’agriculture progresse avec la généralisation de la double culture du riz et l’extension des zones rizicoles, surtout dans la Chine du Sud. Lorsque Marco Polo visite cette Chine du Sud dans la seconde moitié du XIIIe siècle, les prouesses techniques chinoises l’impressionnent et il est très étonné de la dimension démographique – sans doute 1 million d’habitants – de la nouvelle capitale Hangzhou (Zhejiang), où le prince impérial a dû s’installer sous la pression du Mongol Gengis Khan (1167-1227) qui s’était emparé de Pékin en 1215. Ensuite, les troupes de Gengis Khan et de ses successeurs dévastent la Chine entière en faisant preuve d’une grande cruauté. La guerre provoque le recul des cultures et des mises en friches ; et des terres sont confisquées et converties en pâturages pour les chevaux des conquérants. La conquête mongole se traduit par une très forte mortalité, aggravée par l’appauvrissement des populations sous la férule d’un régime rude et policier, imposant en outre des transferts de population. Comme tout ceci concourt à abaisser la fertilité et donc la fécondité, en moins d’un siècle, du milieu du XIIIe au milieu du XIVe, la population chinoise diminue de 38 % (passant de 112 millions d’habitants à 70 millions). 2. Des Ming aux Qing La reconquête de la Chine contre les dirigeants mongols est l’œuvre de Zhu Yuanzkang qui installe la dynastie des Ming (1368-1644). Avec la paix et la sécurité qui reviennent, la Chine retrouve une croissance démographique, parallèlement à l’amélioration de la production agricole : travaux d’irrigation et de drainage, apparition de plantes nouvelles (maïs, patate) apportant des ressources agricoles dans 180
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des zones non irriguées. Même si le rythme d’accroissement démographique varie en fonction des conditions spécifiques desFeuil1 diverses périodes de la dynastie Ming, parfois marquées par des crises politiques, des épidémies ou un appauvrissement des populations les années de fiscalité trop forte, l’évolution générale moyenne, pendant trois siècles, permet une croissance démographique. La population de la 1. L’évolution de la population Chine Chine augmente de 70 millions d’habitants en 1400deàla130 millions en 1650. 10 000
population de la Chine (en millions d'habitants) et projection moyenne 2050 - échelle logarithmique.
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© Gérard-François Dumont - Chiffres Biraben, Population, 1979, n° 1, délimitation actuelle de la Chine.
Figure1. L’évolution de la population de la Chine et la projection moyenne 2050
Cette croissance n’est pas perturbée lorsqu’un changement de dynastie intervient au milieu du XVIIe siècle. En effet, l’installation de la dynastie Mandchoue des Qing (1644-1911) s’effectue sans trop de conflits civils car le pouvoir des derniers Ming est vacillant. Les Qing décident de pratiquer l’ouverture à l’Occident (venue des Jésuites), et la Chine bénéficie alors de nouvelles connaissances favorables à son développement et, en particulier, à son essor démographique. La population de la Chine passe de 150 millions d’habitants en 1700 à 330 millions en 1800. Au XIXe siècle, la croissance se poursuit par l’effet de vitesse acquise, mais différents facteurs ralentissant la hausse finissent par l’emporter dans la seconde moitié de ce Page 1
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Année -400 -350 -300 -250 -200 -150 -100 -50 0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500 550 600 650 700 750 800 850 900 950 1000 1050 1100 1150 1200 1250 1300 1350 1400 1450 1500 1550 1600
La Chine : un géant démographique face au vieillissementFeuil1 de sa population (²0453"5²(*26&4 /¡ t e TRIMESTRE 2014
siècle. Dans un contexte marqué par les troubles liés aux intrusions occidentales, ferments de déstabilisation politique et sociale, la décadence de ladans dynastie des Qing 2. Le poids démographique relatif de la population de la Chine la population mondiale s’accentue. 36%
35,1% 34,6%
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pourcentage de la population de la Chine dans la population mondiale et projection moyenne 2050
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-400 -350 -300 -250 -200 -150 -100 -50 0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500 550 600 650 700 750 800 850 900 950 1000 1050 1100 1150 1200 1250 1300 1350 1400 1450 1500 1550 1600 1650 1700 1750 1800 1850 1900 1950 2000 2050
4%
© Gérard-François Dumont - Chiffres Biraben, Population, 1979, n° 1, et révision, délimitation actuelle de la Chine..
Figure 2. Le poids démographique relatif de la population de la Chine dans la population mondiale et la projection moyenne 2050
3. La transition chinoise heurtée par les évolutions politiques En 1900, la population de la Chine s’élève à 415 millions d’habitants, soit le quart de l’humanité. La transition démographique1 chinoise ne débute alors véritablement qu’au XXe siècle. Mais l’intensité de ses effets démographiques se trouve très affaiblie par les guerres civiles. De 1920 à la Deuxième Guerre mondiale, la population stagne à 400-450 millions. La transition démographique n’avance rapidement qu’après l’installation du communisme en 1949. L’histoire démographique de la Chine des débuts du communisme ne peut être considéré comme parfaite car les autorités chinoises n’ont livré aucune information Page 1 détaillée sur leur population pendant plus de vingt ans : les résultats du recensement 1. Période, de durée et d’intensité variables, pendant laquelle une population passe d’un régime démographique de mortalité et de natalité élevées à un régime de basse mortalité, puis de faible natalité.
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Année -400 -350 -300 -250 -200 -150 -100 -50 0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500 550 600 650 700 750 800 850 900 950 1000 1050 1100 1150 1200 1250 1300 1350 1400 1450 1500 1550 1600
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de 1953 n’ont été publiés qu’en 1957, et aucune statistique n’était alors fournie sur les décès et les naissances. En 1980, il s’est confirmé que les rumeurs sur l’existence d’un recensement en 1964 étaient fondées, mais la Chine n’a donné qu’un dénombrement de la population totale. La diffusion des statistiques s’est enfin améliorée depuis 1979, et les recensements organisés depuis sont jugés d’une qualité acceptable. La première période suivant l’instauration du communisme se caractérise par une assez grande homogénéité géographique du niveau de fécondité au-dessus de six enfants par femme. Le taux de natalité est de l’ordre de 35 pour mille habitants. Les années 1949-1956 sont celles de l’utopie révolutionnaire. Le nouveau régime considère qu’il n’y a pas de question démographique à laquelle le communisme ne puisse apporter automatiquement de réponse. Dans le même temps, il interdit les migrations des ruraux vers les villes, et prend même des mesures pour contenir, voire diminuer la population urbaine. La proportion de cette dernière dans la population totale reste en conséquence à un faible niveau (encore 18 % en 1978). Simultanément, la première étape de la transition peut s’accélérer car le retour à la paix intérieure permet de diffuser des règles élémentaires d’hygiène, via les institutions du nouveau régime. Le taux de mortalité s’abaisse de 22 pour mille habitants en 1949 à 18 pour mille en 1956. L’excédent naturel annuel s’élève progressivement, passant de 10-11 millions d’habitants en 1950 à 13-14 millions en 1956, année où l’on dénombre 582 millions d’habitants. 4. Les prémices d’une politique de limitation des naissances Cette même année 1956 voit l’abandon de l’utopie révolutionnaire sur les questions démographiques. Pour la première fois, le programme national pour le développement de l’agriculture du 25 janvier 1956 inscrit officiellement un objectif de limitation des naissances. Le moyen principal proposé pour réduire la croissance de la population est le mariage tardif. Mais ce programme se voit arrêté en 1958 avec le lancement du Grand Bond en Avant qui provoque une baisse de la population. En effet, entre 1958 à 1960, le « Grand bond en avant » se traduit par une industrialisation à outrance et une collectivisation agricole accentuée qui détourne les paysans de leurs tâches agricoles. Il s’ensuit une catastrophe alimentaire qui engendre une grave crise démographique. Compte tenu d’une importante sous-alimentation, les « années noires » 1959-1961 (découvertes ex post car la famine avait été masquée par l’absence de liberté de l’information) sont marquées par un fort abaissement des naissances dû à une moindre fertilité (aménorrhée notamment), par une nette hausse des décès et par une stagnation, voire une baisse de la population dans certaines 183
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provinces. Elles ont un coût démographique équivalant en valeur relative à la Première Guerre mondiale pour la France. Les années qui suivent enregistrent une remontée de la natalité comme il peut s’en produire après une guerre une fois la paix revenue. En 1962, le conseil des affaires de l’État adresse au comité central du Parti communiste des instructions soulignant le besoin de contrôler les naissances et formant les prémices d’une politique démographique coercitive. Mais ces projets sont également interrompus, cette fois-ci par la Révolution culturelle de 1966. En 1971, une nouvelle étape est franchie avec le document 51 du Conseil des affaires de l’État qui encourage à se marier tard, à espacer les naissances et à avoir peu d’enfants. Un slogan est donc trouvé : « tard, espacé, peu ». L’année 1972 voit la fixation de normes en matière de reproduction et la mise en place un système de quotas pour les naissances. Les contrôles concernent surtout les couples urbains de l’ethnie han, l’ethnie très largement majoritaire : ses couples peuvent avoir au maximum deux enfants ; dans le cas contraire, ils sont condamnés à des amendes. 5. La politique dite de l’enfant unique Huit ans plus tard, en 1979, devant l’arrivée à l’âge fécond des générations nombreuses nées après la famine des années noires, le Parti communiste chinois juge insuffisante la baisse en cours de la fécondité. Le Comité central du parti communiste chinois publie en 1980 une « lettre ouverte sur le contrôle du problème de la croissance démographique » de la Chine. Il radicalise sa politique de population et instaure des normes démographiques contraignantes pour les couples et les familles. Dans le cadre de la politique des Quatre modernisations (de l’agriculture, de l’industrie, de la science et des techniques, et de la défense), il révise à la baisse ses objectifs démographiques, appelant de ses vœux 1,2 milliard d’habitants en l’an 2000 et un taux d’accroissement nul. Au plan des familles, cela signifie la quasi-absence des naissances de rang trois ou plus et des proportions très élevées de couples à enfant unique, d’où la dénomination courante de politique de « l’enfant unique », même si son nom officiel est « politique de planification des naissances ». La limitation des naissances, qui devient une obligation légale des époux (texte de 1980, Constitution de 1982), est mise en œuvre avec toute une panoplie d’avantages pour ceux qui la respectent et des sanctions pour les autres. 6. Difficultés d’application et aménagements Mais, en milieu rural, la résistance à la politique de l’enfant unique est forte. Dans les provinces les plus prospères, les « lignées » familiales puissantes rappellent 184
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les grands principes : « Le manque de piété filiale se manifeste sous trois formes et ne pas avoir de descendant est la plus blâmable ». On défie directement le pouvoir sachant que l’enjeu pour les familles est de s’assurer d’un descendant mâle : yang’er fang lao (« élever un fils pour préparer sa vieillesse »), d’autant que ces familles ne disposent d’aucun système de retraite. Dans ce contexte, le gouvernement manie le bâton mais aussi la carotte, en allégeant légèrement sa politique. D’une part, pour les minorités ethniques, qui avaient réalisé que le respect du principe de l’enfant unique pouvait engendrer un effondrement démographique en trois générations2, un régime moins exigeant est instauré. Les gouvernements des provinces sont chargés d’édicter les conditions et contraintes. Ces dernières sont plus ou moins strictes selon les régions, car, en 1984, le comité central du parti communiste publie un document n° 7 autorisant des aménagements de la politique de l’enfant en fonction des spécificités des conditions locales. Cela signifie que les couples ruraux sont souvent autorisés à avoir un « enfant et demi », c’est-à-dire à avoir un second enfant si le premier est une fille. En outre, les couples dont les deux membres sont eux-mêmes des enfants uniques peuvent généralement avoir deux enfants. Cette norme est parfois réduite à un seul des deux membres du couple enfant unique pour les couples ruraux. Toutefois, la politique dite de l’enfant unique suscite nombre de troubles par la violence de son application à l’égard de femmes n’ayant pas respecté les réglementations. Une vingtaine d’années plus tard, en 2002, une loi « sur la population et la limitation des naissances » que vote l’Assemblée nationale populaire réaffirme le principe d’un enfant par couple. Mais elle laisse plus de souplesse aux bureaux locaux du planning familial dans l’application et allège les obligations démographiques des familles. Les couples sont désormais autorisés à avoir plusieurs enfants à condition de payer une sorte d’impôt, pudiquement baptisé « taxe sociale de compensation ». Il s’ensuit un sentiment d’inégalité puisque les pauvres et la plupart des paysans restent financièrement incapables de débourser une telle taxe, qui peut constituer jusqu’à plusieurs fois leurs revenus mensuels. Mais la règle de 4 ans minimum dans le monde rural entre une première naissance d’une fille et le droit d’avoir un second enfant est supprimée. Et, parfois, des bureaux du planning 2. Nous avions montré que, si la politique avait été appliquée à la lettre, soit une fécondité d’1 enfant par femme, la Chine n’aurait plus, en 2080, que 260 millions d’habitants dont 43 % seraient âgés de 60 ans ou plus, avec un peu plus d’un million de naissances par an pour 8 millions de décès. Cf. Dumont, Gérard-François, Legrand, Jean, « La population chinoise peut-elle s’effondrer ? », dans : Démographie politique, Paris, Economica, 1982, p. 93-95.
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familial donne aux femmes une somme d’argent pour les encourager à accepter d’avorter. 7. Une mise en œuvre précise Cette mise en œuvre additionne deux éléments : des slogans favorables à cette politique et un contrôle régulier de son respect par les couples. Prenons l’exemple du « bourg »3 de Jing Yang, dans la province Fujian, province maritime située en face de Taiwan. On peut y trouver sur les murs un slogan comme « Le planning familial est bien pour la richesse et pour la pension de retraite ».
Photo 1. Un slogan peint sur un mur en faveur de la politique de planning familial : « Le planning familial est bien pour la richesse et pour la pension de retraite », province de Fujian, 2013. 3. L’organisation territoriale de la Chine compte cinq niveaux : les provinces, les préfectures, les districts, les cantons et les comités de base. Chaque niveau peut comprendre plusieurs natures. Au niveau 4, les « cantons » se distinguent en « cantons » ou « communes populaires », « bourg », et « quartiers » ou « villages administratifs » : ce sont des ensembles de plusieurs hameaux ou villages qui s’insèrent donc au quatrième rang entre le district et le village traditionnel. Le « bourg » est donc une unité administrative chinoise qui se situe entre le milieu urbain et le milieu rural. Selon la division administrative chinoise, un bourg doit compter entre 2 000 et 20 000 habitants et au moins la moitié de ses actifs doit travailler hors de l’agriculture. En réalité, aujourd’hui, dans les « bourgs », le nombre d’habitants dépasse souvent 20 000. Par exemple, le bourg de Jing Yang de la Province de Fujian compte plus de 28 000 habitants. Dans certains bourgs de Shanghai, dont le territoire est de niveau 1 (municipalité de niveau 1), le nombre d’habitants dépasse 100 000, comme les bourgs Bei Caizhen, Chuan Shaxin ou Gao Qiao, respectivement 277 000, 369 000 et 186 000 habitants selon le recensement de 2010.
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Photo 2. Un panneau en faveur de la politique de limitation des naissances : le dessin représente une famille heureuse avec un enfant unique et est accompagné du slogan – (moins de naissances, mais de qualité, apporte bonheur dans tout la vie), province de Fujian, 2013.
Pour le contrôle, le bureau de planning familial conserve le livret rouge de chaque femme, livret sur lequel sont portés les renseignements démographiques la concernant. Chaque année, chaque femme mariée doit se rendre trois fois (janvier, juin et septembre) au bureau du planning familial. Elle vient récupérer son carnet rouge, puis fait la queue pour subir l’examen gynécologique. Si ce dernier est conforme, un cadeau peut lui être offert. Le cadeau inclut un slogan signifiant généralement que les naissances peu nombreuses et de bonne qualité sont des bonheurs toute la vie.
Photo 3. Une femme vient chercher son livret avant de se présenter au bureau du planning familial, province de Fujian, 2013.
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Photo 4. Des femmes, leur livret rouge à la main, font la queue avant l’examen gynécologique.
Photo 5. Un cadeau préparé pour les femmes qui participent à l’examen gynécologique. Sur le cadeau, le slogan du planning familial est marqué, province de Fujian, 2013.
8. Une politique remise en cause ? À en croire la lettre ouverte du comité central du Parti communiste de 1980, la politique de l’enfant unique aurait dû être temporaire. Cette lettre précise en effet : 188
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« Dans trente ans, les problèmes de croissance démographique particulièrement tendus actuellement se seront atténués et une autre politique démographique pourra alors être adaptée ». Mais trente ans plus tard, dans le début des années 2010, la politique demeure. Certes, l’analyse des résultats du sixième recensement national de 2010 conduit plusieurs auteurs à préconiser une remise en cause de cette politique. Dans son rapport sur le développement chinois 2011/2012, la Fondation chinoise pour la recherche et le développement, laboratoire d’idées créé par le conseil des affaires de l’État, propose des changements. Nombre d’auteurs considère que la suppression de la politique de l’enfant unique n’aurait que peu d’effets sur la natalité, car, dans un pays qui s’est considérablement urbanisé, les familles des villes choisissent spontanément d’avoir peu d’enfants d’autant qu’elles sont conscientes de l’importance des coûts liés à l’éducation. D’ailleurs, en 2010, l’indice synthétique de fécondité est inférieur à 1 enfant par femme dans des grandes villes comme Shanghai, Pékin et Liaoning, où il plafonne respectivement à 0,73, 0,70 et 0,74. Partout, il est inférieur au seuil de simple remplacement des générations puisqu’il atteint ses niveaux les plus élevés dans les provinces du Guangxi, de Guizhou et du Xinjiang, avec respectivement 1,78, 1,74 et 1,52 enfant par femme. Cependant, en novembre 2012, le rapport du secrétaire général sortant Hu Jintao prononce la phrase habituelle devant le 18e congrès du parti communiste : « maintenir un taux de natalité bas ». Pourtant, le taux de natalité peur être jugé très bas au regard d’une fécondité fort abaissée. Finalement, en novembre 2013, le Parti communiste annonce un assouplissement : les couples dont un seul des deux est enfant unique pourront avoir un second enfant. Mais cet assouplissement n’apporte pas de changements structurels à la conception et aux modes d’application de la politique démographique de la Chine. Quoi qu’il en soit, bien que la politique dite de l’enfant unique ait connu des allègements, comme le dernier décidé en 2013, et même dans l’hypothèse ou elle serait arrêtée dans les années 2010, elle a déjà exercé des effets pendant une trentaine d’années, accentuant les baisses de la natalité et de la fécondité. Elle a et aura donc des conséquences directes sur la pyramide des âges de la Chine durant la majeure partie du XXIe siècle, voire sa totalité. Quant à ses conséquences indirectes, elles s’exerceront même au delà, compte tenu de la logique sur la très longue durée des phénomènes démographiques. Une première de ces conséquences directes est le vieillissement de la population ou plutôt le sur-vieillissement de cette population. 189
Feuil1 (2)
3. face Le au mouvement en Chine La Chine : un géant démographique vieillissementnaturel de sa population (²0453"5²(*26&4 /¡ t e TRIMESTRE 2014
42,2 39,5 37,5
35
mortalité accroissement naturel
31,1
30 27,0
25,6
25 22,1 20,1
20
23,2
22,3
22,0
21,3
20,6 15,8
15
18,9
18,6
18,2 15,3
14,9
13,7
12,1
10,5
10
7,9
7,1
7,0
7,0
6,9 6,8
6,8
13,1
13,4
6,2
6,6 6,5
7,2 6,2
2000-2005
1995-2000
Feuil1
1990-1995
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0
1950-1955
5
12,4
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36,4
2005-2010
40
natalité
Taux annuel moyen pour mille habitants.
© Gérard-François Dumont - Chiffres WPP 2012.
Figure 3. 4. LeLa mouvement en Chine fécondité naturel en Chine
Crude birth rate 42.1 6,1 6,1 36.4 5,9 36.5 37.9 5,5
1985-1990 4,0 1990-1995 1995-2000 3,5 2000-2005 3,0 2005-2010 2010-2015 2,5 2015-2020 2,0
23.2 18.7 16.0 13.5 12.6 11.9 10.8
4,8
fécondité (nombre femme)
1985-1990 7.1 d'enfants par 1990-1995 6.9 1995-2000 7.0 2000-2005 7.1 3,0 2005-20102,9 7.2 2,7 2010-2015 7.5 2015-2020 7.9 2,1
© Gérard-François Dumont - Chiffres WPP 2012.
Figure 4. La fécondité en Chine
190
1995-2000
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1,0
1,6
Page 1
1,5
1,6
1,6
2010-2015
31.4 21.6 21.5
Crude death rate 22.2 20.6 21.0 10.6 8.0 7.1 synthétique de 7.0
2005-2010
1970-1975 5,0 1975-1980 1980-1985 4,5
Period 1950-1955 1955-1960 1960-1965 1965-1970 1970-1975 1975-1980 indice 1980-1985
2000-2005
Period 1950-1955 1955-1960 6,0 1960-1965 5,5 1965-1970
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26
1950-1955 1955-1960 1960-1965 1965-1970 1970-1975 1975-1980 1980-1985 Thursday, May 08, 2014; 1:50:47 PM 1985-1990 China 1990-1995 Crude birth rate (births per 1,000 popula 1995-2000 Medium variant 2000-2005 1950-2100 2005-2010 2010-2015 Period 2015-2020 1950-1955 2020-2025 2025-2030 2030-2035 1,7 2035-2040 2040-2045 2045-2050 2050-2055 2055-2060 2060-2065 2065-2070 2070-2075 2075-2080 2080-2085 2085-2090 2090-2095 2095-2100 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007
CHINE - EUROPE Perceptions croisées
(²0453"5²(*26&4 /¡ t e TRIMESTRE 2014
9. Un vieillissement de la population nettement supérieur à la moyenne mondiale Certes, le vieillissement de la population4 n’est pas propre à la Chine : c’est un phénomène général, notamment dans les pays en période post-transitionnelle qui cumulent un vieillissement « par le bas »5, résultant d’une faible fécondité, et un vieillissement « par le haut », dû à l’augmentation de l’espérance de vie des personnes âgées. Feuil1
D’ailleurs, l’augmentation de l’espérance de vie à la naissance en Chine, passée de 45 ans en 1950 à 75 ans dans les années 2010, illustre un aspect positif de l’évolution démographique de la Chine, soit d’importantes améliorations dans la santé et l’hygiène6. Mais la politique démographique coercitive chinoise explique 5. L'espérance de la population en Chine l’intensité particulièrement forte de du vie vieillissement de la population. 75
74,7
70 67,8 66,1
65
64,8
69,3 66,2
70,5 67,4
71,6 68,4
72,6
72,2
75,8 76,6 73,2 74
année
69,3
63 60
59,5 59,2
55
Femmes
50
Hommes
45
44,6
45,6 46,4 44,5
2010-2015
2005-2010
2000-2005
1995-2000
1990-1995
1985-1990
1980-1985
1975-1980
1970-1975
1965-1970
1960-1965
1955-1960
1950-1955
42 40
Colonne1
Nombre d'années de vie escomptées à la naissance.
1950-1955 1955-1960 1960-1965 1965-1970 1970-1975 1975-1980 1980-1985 1985-1990 1990-1995 1995-2000 2000-2005 2005-2010 2010-2015 2015-2200 2220-2025 2025-2030
2030-2035 2035-2040 2040-2045
© Gérard-François Dumont - Chiffres WPP 2012.
Period Both sexes combined Male Figure 5. L’espérance de vie de laFemale population en Chine 1950-1955 40.8 39.3 42.3 Period 1955-1960 44.6 43.1 46.2 1950-1955 1960-1965 49.5 48.7 50.4 1955-1960 4. Ce paragraphe reprend59.6 et actualise le texte suivant : Dumont, Gérard-François, « Les1960-1965 six enjeux de 1965-1970 58.8 60.4 la démographie chinoise 63.2 », Géostratégiques, n° 33, 4e trimestre 1970-1975 62.5 63.9 2011. 1965-1970 5. Concernant les concepts du vieillissement, Gérard-François et alii, Les territoires face 1975-1980 65.3 64.5 cf. Dumont, 66.3 1970-1975 au vieillissement, Paris, Ellipses, 1980-1985 66.4 2006. 65.3 67.6 1975-1980 1985-1990 67.4 66.0 compte tenu 68.8des effets possibles de la pollution 1980-1985 6. Il convient néanmoins de rester prudent sur 1990-1995 68.8 67.4 70.3 1985-1990 l’espérance de vie. 1995-2000 70.4 69.0 72.0 1990-1995 2000-2005 72.0 70.5 73.7 1995-2000 2005-2010 73.0 71.3 191 74.8 2000-2005 2010-2015 74.0 72.3 75.9 2005-2010 2015-2020 74.9 73.1 76.9 2010-2015 2020-2025 75.8 74.0 77.8 2015-2020 2025-2030 76.6 74.7 78.6 2020-2025 2030-2035 77.4 75.5 79.4 2025-2030 2035-2040 78.0 76.1 80.1 2030-2035 2040-2045 78.7 76.8 80.7 2035-2040 Page 1
Both sexes combined 44.6 45.0 44.0 59.4 64.6 66.3 67.7 68.9 69.9 70.8 71.6 72.7 73.8 74.7 75.6 76.4 77.2 77.9
La Chine : un géant démographique face au vieillissement de sa population (²0453"5²(*26&4 /¡ t e TRIMESTRE 2014
Ce dernier, mesuré par exemple par l’évolution de l’âge médian, connaît en effet un rythme particulièrement rapide et, par exemple, plus rapide que celui des États-Unis, conséquence de la politique chinoise de stricte planification familiale. L’intensité du vieillissement par le bas engendre une proportion de personnes âgées particulièrement élevée. Les 65 ans ou plus pourraient représenter 22,1 % de la population de la Chine en 2040 contre 7,7 % en 2010 et devenir plus nombreux que les moins de 15 ans au début des années 2030. Selon la projection moyenne, la pyramide des âges de la Chine prendrait enFeuil1 2040 la forme d’une toupie sous l’effet (4) de la forte proportion des personnes âgées, corrélative de la faible proportion des jeunes. Le problème n’est pas tant que les personnes âgées pourraient connaître une forte gérontocroissance, passant de 114 millions en 2010 à 317 en 2040, mais surtout que, sauf 6. changement structurel, il est à craindre que la plupart L'âge médian de la population dans le monde, de lane puissent Chine etfamiliale des États-Unis (données et projection bénéficier ni d’une solidarité suffisante ni de retraites et d’une assurancemoyenne) maladie à la hauteur des besoins. 30.0 30.2 29.6 28.4 28.2 28.8 30.0 31.4 32.9 34.1 35.3 36.2 36.9 37.3 37.9 38.6 39.1 39.6 39.6 39.8 40.0
45
40
35
30 Chine
25
Etats-Unis
20 Monde
2050
2045
2040
2035
2030
2025
2020
2015
2010
2005
2000
1995
1990
1985
1980
1975
1970
1965
1960
1955
10
1950
15
© Gérard-François Dumont - chiffres WPP 2012 en années.
Figure 6. L’âge médian de la population dans le monde, de la Chine et des États-Unis
Effectivement, la plupart des Chinois âgés ont peu d’économies et de maigres retraites, parfois même inexistantes. D’ores et déjà, notamment compte tenu de la faiblesse du système de retraite, l’incidence des phénomènes de dépression dans CHINE MONDE USA Year
Median age 1950 23.8 1955 22.1
Year
Median age 1950 23.9 192 23.4 1955
Year
Median age 1950 30.0 1955 30.2
1960 21.3
1960 23.0
1960 29.6
1965 20.2
1965 22.4
1965 28.4
1970 19.7
1970 22.1
1970 28.2
1975 20.7
1975 22.4
1975 28.8
1980 22.4
1980 23.1
1980 30.0
Page 5
Feuil1
CHINE - EUROPE de la population de la Perceptions croisées Chine
(²0453"5²(*26&4 /¡ t 2014 7.e TRIMESTRE Le vieillissement
41,1% 39,7% 40,3% 39,6%
40%
37,8%
35%
35,4%
34,3%
30,9% 29,3% 28,5%
30%
25,6%
25%
15% 10% 5% 0%
20,5%
19,5% 18,2% 18,2% 18,1% 17,3% 16,2% 15,9% 14,9% 14,7% 14,7% 14,6% 13,5% 11,7%
moins de 15 ans 65 ans ou plus
9,5% 8,4% 7,7% 6,9% 5,6%5,8%6,2% 4,5%4,1%4,0% 3,9%4,5%5,1% 3,6%
1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050
20%
23,9% 22,8% 22,1%
1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050
BMS Tableau 2
Proportion de la tranche d'âge dans la population totale. © Gérard-François Dumont - chiffres WPP 2012 évalués puis projection moyenne.
Figure 7. Le vieillissement de la population de la Chine
la population âgée est en croissance. S’y ajoute une hausse des cas de négligence à l’égard des personnes âgées dans les hôpitaux. Pour l’instant, le dispositif social en matière de retraites et de dépenses de santé reste à parfaire. Cela demande non seulement l’instauration de mécanismes de financement mais aussi du temps Aussi le vieillissement se présente-t-il comme un facteur de déséquilibre social et financier. Le système de retraite, basé sur trois piliers, est bien en cours de réforme. Le premier pilier, le seul obligatoire, fonctionne avec un fond public et un compte personnel ; le deuxième pilier est alimenté par les cotisations des employeurs ; le troisième par les cotisations des employés. Mais, en 2011, seulement 40 % des employés urbains font partie de ce système et la population rurale n’est quasiment pas couverte. En outre, il faut rappeler que les retraites ne sont pas seulement une question d’argent et que toute l’épargne imaginable ne peut tout résoudre. Pouvoir rémunérer des infirmières garantit la question ponctuelle de laPage régularité des soins nécessaires 1 193
1999
31 - Nord-Pas-de 59 - Nord 1 990,0 31 - Nord-Pas-de 59 - Nord 62 - Pas-de-Cala 1 982,0 31 - Nord-Pas-de 59 - Nord 62 - Pas-de-Cala
La Chine : un géant démographique face au vieillissement de sa population (²0453"5²(*26&4 /¡ t e TRIMESTRE 2014
aux personnes âgées, mais ne suffit pas à permettre la complétude de leur place dans la société. Il faut aussi assez d’individus jeunes, physiquement ou intellectuellement actifs, pour assurer les besoins des personnes âgées, y compris en matière de solidarité familiale ou de voisinage. Or « L’effritement rapide des solidarités familiales, locales et communautaires au sein d’une trop grande société, dont les repères sont bouleversés par le progrès économique et technique, est un leitmotiv chez tous les publics »7. Le vieillissement de la population donne lieu à ce que certains appellent le problème du « 421 », c’est-à-dire qu’un seul enfant doit supporter la charge de ses deux parents et de ses quatre grands-parents. La Chine doit donc faire face à un vieillissement accéléré de sa population qui peut être un obstacle au maintien du rythme relativement élevé de sa croissance économique et qui, pour le moins, exige des fortes évolutions dans les politiques conduites, pour ne pas avoir d’effets ralentisseurs sur une économie dont le niveau moyen par habitant est encore bas. Il faut par exemple améliorer la qualité de la croissance économique par le développement du capital humain et le soutien à l’innovation alors que les dépenses en recherche et développement (R&D) restent encore faibles. L’avantage démographique qui a bénéficié à la Chine, c’est-à-dire une population active jeune, va s’estomper, au risque de remettre en question le potentiel de croissance de son économie. Autrement dit, la Chine pourra-t-elle continuer à réaliser une croissance économique élevée tout en vieillissant rapidement ? La Chine ne risque-t-elle pas d’être vieillie avant d’avoir été riche ? La question du vieillissement en Chine est d’autant plus sérieuse qu’elle survient très tôt par rapport au processus constaté dans d’autres pays. La politique dite de l’enfant unique n’est pas seulement responsable d’un survieillissement de la population, mais elle annonce aussi une baisse de la population active. 10. Une population active en diminution En effet, le modèle économique chinois affirmé depuis les années 1990, assurant une forte croissance économique et dégageant les moyens nécessaires d’une politique de puissance, peut être remis en cause. Il repose sur une population jeune et un nombre toujours croissant d’actifs. La Chine des années 1990 et 2000 a donc pu devenir « l’atelier du monde » en proposant une nombreuse – et, donc, bon 7. Bastid-Bruguière, Marianne, « Le débat intellectuel aujourd’hui en Chine », Académie des sciences morales et politiques, séance du lundi 30 mai 2011.
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CHINE - EUROPE Perceptions croisées
(²0453"5²(*26&4 /¡ t e TRIMESTRE 2014
marché – main-d’œuvre, face à une Russie8 en dépeuplement, à une Europe vieillissante9, et aux États-Unis10 qui, malgré une meilleure fécondité que l’Europe et des apports migratoires, compte une base d’actifs qui a beaucoup moins progressé que celle de la Chine11. Considérant l’importance du taux de croissance économique chinois, en moyenne 10 % par an au cours des années 1990 et 2000, est évoqué un « miracle économique chinois ». En réalité, il s’agit de la combinaison d’une politique d’ouverture et, dans ce pays le plus peuplé du monde, d’une abondance de maind’œuvre souffrant de pauvreté, notamment grâce aux flux de migration des travailleurs ruraux vers des zones urbaines, le tout aboutissant à un coût du travail très faible. Selon Marianne Bastid-Bruguière, « Les travailleurs irréguliers, migrants ruraux, représentent plus de 60 % de la main-d’œuvre urbaine et travaillent dans des entreprises dont beaucoup échappent aux règles publiques, avec un statut qui leur interdit l’accès aux services sociaux dont jouissent les résidents urbains (éducation, santé, indemnités de chômage, pension) »12. La Chine a pleinement joué la carte de cet avantage comparatif pour se spécialiser dans la production de biens intensifs en travail. Comme le confirme un spécialiste, « l’abondance du facteur travail est une des explications importantes du miracle chinois13 ». La Chine des années 2010 détient encore un atout important, désigné parfois sous le nom de « fenêtre d’opportunité », sur ses principaux rivaux : plus de 70 % de sa population sont d’âge actif, pourcentage supérieur à celui de l’Inde, du Brésil, du Japon, de l’Europe de l’Ouest ou de l’Amérique du Nord. Son rapport de dépendance de la population active, mesuré par l’addition des enfants et des personnes âgées, donc des 0-14 ans et des 65 ans ou plus, rapportée à la population active potentielle (15-64 ans), est faible. Et la Chine compte une faible proportion de personnes âgées dépendantes. 8. Wackermann, Gabriel (Direction), La Russie, Paris, Ellipses, 2007. 9. Dumont, Gérard-François, « L’avenir démographique de l’Europe », Questions internationales, n° 57, septembre 2012. 10. Dumont, Gérard-François, « Les États-Unis : un « État-Monde », Population & Avenir, n° 714, septembre-octobre 2013. 11. Il faut aussi noter les contrastes au sein de la région Asie-Pacifique ; cf. Dumont, Gérard-François, « Asie Pacifique : mouvements démographiques et géopolitique », Géostratégiques, n° 39, juin 2013. 12. « Le débat intellectuel aujourd’hui en Chine », Académie des sciences morales et politiques, séance du lundi 30 mai 2011. 13. Bei Xu, « La Chine pourra-t-elle poursuivre son miracle en vieillissant ? », dans : Artus, Patrick, Mistral, Jacques, Plagnol, Valérie, L’émergence de la Chine : impact économique et implications de politique économique, Rapport CAE n° 98, juin 2011.
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Feuil1
La Chine : un géant démographique face au vieillissement de sa population (²0453"5²(*26&4 /¡ t e TRIMESTRE 2014
8. La population active potentielle en Chine 100% 1 000 000 900 000 90% 800 000 700 000
Nombre de 15-64 ans en miliers Pourcentage de 15-64 ans dans la populaiton totale
600 000 500 000
80%
70%
400 000 300 000
60%
200 000 100 000 2050
2045
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2035
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2025
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IP 875 décembre 2002 1950
0
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Nombre de 15-64 ans
1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050
© Gérard-François Dumont - chiffres WPP 2012, données estimées puis projection moyenne.
Figure 8. La population active potentielle en Chine
Or, la projection moyenne annonce non seulement un vieillissement de la population active mais aussi une baisse projetée, à compter de 2020, en valeur absolue comme en proportion, de la population totale. En considérant la tranche d’âge 15-64 ans comme la population active potentielle, ses effectifs pourraient commencer à diminuer à partir de 2015. Cette projection moyenne indique une population active potentielle qui s’abaisserait de 200 millions en 2050, soit dix points de moins dans le pourcentage de la population totale. Même si la Chine dispose de marges en améliorant la productivité et en formant les actifs issus des campagnes, l’effet quantitatif pourrait finir par exercer des effets sur son économie. Un déficit de main-d’œuvre pourrait se profiler dans certains secteurs, puis s’accentuer. Outre une diminution de sa population active, la Chine pourrait, malgré l’augmentation projetée de l’espérance de vie, connaître une baisse de sa population, lui faisant perdre le premier rang démographique dans le monde. 11. La Chine au risque de perdre sa première place démographique Effectivement, les évolutions démographiques de la Chine pourraient se traduire par un dépeuplement, soit à compter des années 2030 selon la projection Page 1
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moyenne, soit dès après 2025 selon une hypothèse basse. En conséquence, parmi les changements possibles dans les rapports de force démographiques dans le monde14, la Chine pourrait se retrouver moins peuplée que l’Inde15. La diminution de la population de la Chine pourrait aussi modifier certaines données géopolitiques internes, ne serait-ce que parce que cette diminution pourrait être très inégale selon les territoires chinois. Dans cette hypothèse, la Chine ne pourrait plus arguer de son premier rang démographique dans le monde pour se montrer plus exigeante dans le concert géopolitique16. En revanche, si l’Inde sait utiliser sa masse démographique à des fins géopolitiques, il lui sera possible de demander avec encore davantage d’insistance une meilleure reconnaissance internationale, à commencer au sein du Conseil de sécurité de l’ONU. Déjà différents pays, dont la France, en soutenant la demande de l’Inde d’une place permanente à ce Conseil de sécurité de l’ONU, montrent combien le premier rang démographique actuel de la Chine doit être relativisé en tenant compte d’un autre pays milliardaire dont la croissance démographique est nettement supérieure à celle de la Chine et le potentiel de population active plus important. La rapidité du vieillissement de la population de la Chine, sa baisse projetée de population active comme de population totale sont des conséquences directes de sa politique démographique coercitive ; c’est également vrai pour son déséquilibre tout à fait anormal entre les sexes que nous avons analysé par ailleurs17. Au total, de 1900 à 2013, la population de la Chine passe de 415 à 1 357 millions d’habitants18, soit une multiplication par 3,27, chiffre plus faible que celui de la moyenne mondiale, et donc plus faible que le multiplicateur transitionnel de la plupart des pays (hormis la France). La population projetée à l’horizon 2050, selon l’hypothèse moyenne des Nations Unies formulée en 2012, indique 1 385 millions d’habitants. Ce chiffre résulterait d’une hausse par effet de vitesse acquise, puis 14. Dumont, Gérard-François, « Démographie : des rapports de force bouleversés », Diplomatie, Les grands dossiers n° 18, décembre 2013-janvier 2014. 15. Dumont, Gérard-François, « L’Inde, le nouveau milliardaire », Population & Avenir, n° 677, mars-avril 2006. 16. Dumont, Gérard-François, Démographie politique. Les lois de la géopolitique des populations, Paris, Ellipses, 2007. 17. Dumont, Gérard-François, « Chine : vers un nouvel enlèvement des Sabines », Géostratégiques, n° 17, 2007. http://www.strategicsinternational.com/17_06.pdf 18. Sardon, Jean-Paul, « La population des continents et des pays », Population & Avenir, n° 715, novembre-décembre 2013, www.population-demographie.org/revue03.htm
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La Chine : un géant démographique face au vieillissement de sa population (²0453"5²(*26&4 /¡ t e TRIMESTRE 2014
d’une baisse à compter du milieu des années 2030. La proportion de la population de la Chine dans le monde, qui a diminué de 25,4 % en 1900 à 19 % en 2013, s’abaisserait à nouveau à 14,5 % à l’horizon 2050, notamment du fait de la hausse projetée de la population de l’Afrique. Comme l’avait annoncé Alain Peyrefitte19, la Chine s’est réveillée. Mais cela ne signifie nullement, notamment en raison des enjeux de son évolution démographique, que son avenir soit un long fleuve tranquille. Comme les questions de population ont toujours des effets sur la longue durée, elles conduisent à rappeler la citation suivante de Confucius : « Qui ne se préoccupe pas de l’avenir lointain se condamne aux soucis immédiats ».
19. Quand la Chine s’éveillera… le monde tremblera, Le livre de poche, Paris, 1980.
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