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Espaces industriels pour l’art contemporain Les Fondations privées s’installent dans les friches industrielles
Séminaire en SCÉNOGRAPHIE ET ARCHITECTURE LA SCÉNOGRAPHIE UN ART DU LIEU A.A.2014-2015
Giulia Zucca N°étudiant : 20130391
AVANT-PROPOS
Le choix du thème de mon mémoire s’est développé à partir de l’i-
De plus, j’ai été toujours fascinée par les vieux bâtiments. Ils sont
dée d’analyser la scénographie des espaces d’exposition, car c’est
pour moi un témoignage vivant de notre mémoire.
un domaine qui m’intéresse depuis quelques années et que j’ai eu
Ils peuvent être des œuvres architecturales remarquables ou mo-
l’opportunité d’approfondir depuis que je suis à Paris.
destes ; ils peuvent également être des chefs d’oeuvre ou des oeuvres plus banales.
Plus particulièrement, je développerai l’étude approfondie d’un
Pour moi, le patrimoine industriel a un véritable potentiel, car il a la
phénomène actuel qui concerne ces espaces : le déplacement
capacité de durer dans le temps, lorsqu’on lui donne une « nouvel-
des lieux d’exposition dans des endroits non prévus à cet effet et
le vie » avec un autre usage que celui pour lequel il a été conçu.
précisément dans des bâtiments industriels abandonnés et recon-
Un concept bien accueilli aussi par les galeristes qui achètent ces
vertis.
bâtiments industriels avec l’intention d’exposer leur propre collection d’art. Pour cette raison, je vais étudier le trinôme suivant : art
Pourquoi ai-je choisi ces lieux ?
contemporain – galerie privée – bâtiments industriels.
Après avoir effectué des recherches et étudié le sujet des musées, j’ai constaté que la réalité des expositions était en train de changer,
Les cas d’étude que j’ai choisi sont situés en ile de France, pui-
elle ne se résume plus au binôme musée-galerie classique. Je me
squ’étant plus accessibles pour moi, j’ai la possibilité de les visi-
suis aperçue, en visitant plusieurs expositions, que les performan-
ter plusieurs fois : l’un est à Paris et les deux autres se situent en
ces artistiques se situaient de plus en plus dans des lieux étranges,
banlieue. Ce choix me permet d’étudier le phénomène de l’intérêt
différentes des espaces blancs habituels. Cette réflexion m’a pous-
croissant des galeries à se déplacer et sortir de la ville, dans mon
sé à approfondir les formes alternatives d’exposition et de pro-
cas spécifique, sortir de Paris pour explorer la banlieue, lieu évent-
duction d’art, en dehors des circuits conventionnels des musées.
uel pour l’art contemporain, où trouver une abondance de friches industrielles à réutiliser.
En étudiant ce sujet, j’ai noté qu’ il y avait un lien fort entre les expositions en dehors des lieux traditionnels et l’art contemporain ; ce
Il s’agit de trois exemples de galeries privées qui exposent l’art con-
qui m’amène à interroger sur ces lieux et leurs réutilisations.
temporain, mais avec des ambitions différentes.
SOMMAIRE
Introduction
p. 8
1. Nouveaux espaces pour l’art contemporain
11
1.1 Le rapport entre l’oeuvre et l’espace
12
1.2 Des espaces alternatifs pour l’art contemporain
17
1.3 Des usines aux salles d’exposition
22
1.4 L’ intérêt des collectionneurs et leurs galeries
27
2. Scénographie et art : un nouveau rapport
31
2.1
Dépassement du White Cube
33
2.2
La scénographie dans les espaces industriels
38
3. Cas d’études
43
3.1 Contexte parisien
45
3.2 La Maison Rouge - Paris
47
3.3 La Galleria Continua - Boissy le Chatel
54
3.4 Le Silo - Marines
62
Tableau comparatif de cas d’etudes
68
Conclusion
69
Bibliographie
72
Annexes
76
Plan détaillé Plan
Deroulement
1. Nouveaux espaces pour l’art contemporain 1.1 Le rapport entre l’oeuvre et l’espace
- Dépassement de l’objet à deux dimensions - Naissance des installations et - La méthode du Site Specific art
1.2 Des espaces alternatifs pour l’art contemporain
- La divergence avec les musées (lieux institutionnalisés) - Les premiers espaces alternatifs (fin des années 60 à New York) - Les cas européens (Londres, Berlin, Paris)
1.3 Des usines aux salles d’exposition
- La désaffectation des zones industrielles - Le potentiel des friches - La reconversion en lieux d’exposition
1.4 L’ intérêt des collectionneurs et leurs galeries
- Les collectionneurs d’art contemporain - Sammlung Boros, Saatchi Gallery, Punta della Dogana
2. Scénographie et art : un nouveau rapport 2.1 Dépassement du White Cube
- La théorie de Brian O’Doherty - Le cas du Beaubourg
2.2 La scénographie dans les espaces industriels
- Le rapport entre installation et scénographie - Une fascination pour les lieux abandonnés
8
3. Cas d’études 3.1 Contexte parisien
- Du centre à la découverte de la banlieue industrielle - Le cas du MAC/VAL et du 104 - Les choix de Larry Gagosian et Thaddeus Ropac
3.2 La Maison Rouge - Paris
- Intention de programmation/ Antoine de Galbert - Contexte urbain : quartier Bastille/ friche intra-muros - Le projet et les architectes : Amplitude Architecte - Elements graphiques de la visite du site
3.3 La Galleria COntinua - Boissy le Chatel
- Projet “la Galleria Continua” ( Italie, France, Chine )/Proprietaires - Contexte urbain : Boissy le Chatel/Seine-et-Marne/Banlieue Est - Les choix architecturaux et scénographiques - Elements graphiques de la visite du site
3.4 Le Silo - Marines
- Contexte urbain : Marines,Val-d’Oise/Banlieue nord-ouest - Naissance de la galerie/ Françoise et Jean-Philippe Billarant/artistes exposés - Le projet et les architectes : Xavier Prédine-Hug - Elements graphiques de la visite du site
9
INTRODUCTION
Aujourd’hui imaginer des expositions dans des lieux inusuels est
prendre les évolutions qui ont conduit à la création d’un nouveau
devenu classique, ce qui n’était pas le cas avant les années soixan-
modèle d’exposition qui n’est plus fondée sur la neutralité de l’e-
te.
space.
C’est à partir de cette période, en effet, que commence à se dév-
Le courant minimaliste en particulier a ouvert la voie à de nom-
elopper l’idée de reconvertir des bâtiments abandonnés, avec une
breuses recherches dans la muséographie des années suivantes ;
prévalence des friches industrielles en espaces pour l’art contem-
il a particulièrement mis l’accent sur la nécessité d’avoir un espace
porain.
qui communique avec l’œuvre. Depuis est née une critique forte de l’institution artistique, à la fois
Dans quel but les expositions se déplacent-elles dans des lieux
parce que la taille de l’œuvre n’a pas touché un grand marché, et
exceptionnels comme les usines abandonnées, et de quelle ma-
d’atre part par son caractère spécifiquement lié au lieu.
nière une friche industrielle peut-elle devenir un lieu d’ exposition ? L’expérimentation des nouveaux courants artistiques entre en conLa naissance de nouveaux centres d’exposition, qui présente des
flit aussi avec l’institution muséale, parce celle-ci n’étant pas prête
caractéristiques très différentes par rapport aux musées conven-
aux innovations, ce qui entraînera les artistes à rechercher des
tionnels n’est pas seulement le fruit d’une évolution des disciplines
espaces où ils peuvent créer et s’exposer eux-mêmes.
de la muséographie et de la muséologie, mais plutôt une conséquence d’un renouveau artistique qui a embrassé l’art du XXe siècle,
Pour des raisons économiques et politiques, ils s’installent dans
en particulier à partir de sa seconde moitié.
des espaces abandonnés, dont beaucoup sont d’origine indu-
C’est après cette période que l’architecture devient fondamentale
strielle (appelés espaces d’exposition alternatifs) ; ce qui donne le
dans le dialogue de l’art et l’espace qui l’entoure.
départ au processus de réévaluation tant sur le plan économique, qu’urbain et social de ces quartiers.
Pour comprendre le refus de l’espace neutre et la préférence d’un
En effet, la transformation d’un bâtiment industriel en espace
espace au contraire très caractérisé, il est nécessaire de faire un
d’exposition implique un processus de régénération et de conver-
approfondissement dans l’histoire de l’art contemporain pour com-
sion des espaces et des fonctions.
10
Aujourd’hui, ces espaces qui ont initialement été considérés com-
la scénographie dans ce cadre : comment la muséographie inter-
me des architectures sans valeur sont au centre de l’attention. En
vient-elle afin de convertir un espace dédié à l’exposition des œuv-
particulier pour les collectionneurs qui investissent leur argent, pas
res, alors qu’il n’était au départ pas conçu pour cette fonction ?
seulement dans l’achat d’œuvres d’art, mais aussi dans l’acquisition de ces architectures avec pour but d’exposer enfin ces installations démontées et enfermées dans des conteneurs. Le discours alors se centralisera sur les espaces industriels abandonnés et ces architectures qui aujourd’hui remplissent les paysages de nos villes et banlieues. À partir des années 70 la France commence à prendre en considération la thématique du patrimoine industriel comme aspect à valoriser. La “réutilisation” des bâtiments industriels engage un processus de régénération également du point de vue urbain. Les activités industrielles étaient situées souvent en dehors du centre-ville, et lorsque les usines ont cessé leurs activitées, le quartier lui-même est allé vers la dégradation. L’investissement dans l’une de ces industries transformées en centre culturel peut-être le moteur d’un projet de réaménagement, de repeuplement, de commercialisation, et de tourisme dans le quartier. La Tate Modern Gallery de Londres en est un exemple parfait. L’art s’établit donc en un élement qui fut auparavant un bâtiment industriel, en attirant un nouveau public en dehors du centre-ville. Un lien fort s’établit entre l’art et l’espace, qui devient parti de l’oeuvre même. À partir de ce constat, j’analyserai comment l’art contemporain entre en dialogue avec les espaces autour et quel est le rôle de 11
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CHAPITRE 1 PARTIE 1
Nouveaux espaces pour l’art contemporain Le rapport entre l’oeuvre et l’espace
L’apparition d’espaces d’exposition et de mises en scène dans des
Boccioni introduit le terme “sculpture d’ambiance”, où le matériau
contextes industriels a été le résultat de certains événements arti-
de la sculpture s’étendra à former l’atmosphère qui l’entoure.
stiques, desquels je parlerai dans ce chapitre, autour du vingtième siècle, en particulier, à partir de la deuxième moitié du siècle. Les installations sont toujours protagonistes, mais il y a un dialogue fort avec l’architecture qui est extrêmement important pour la création même des œuvres. Un dialogue qui est le résultat d’une nouvelle prise de conscience du contexte et de l’espace dans lequel on souhaite exposer les œuvres; c’est un lien qui va au-delà du simple rapport objet-espace d’exposition; l’environnement devient partie intégrante de l’ouvrage de l’artiste. Pour mieux expliquer le concept est nécessaire une brève présentation des mouvements artistiques du XIXe siècle : c’est à partir de ce moment-là que le lieu prend importance, jusqu’alors, l’objet a été conçu généralement isolé de son contexte et personne n’a pensé encore à utiliser l’espace pour des fins artistiques. Les premiers à se rapprocher de cette idée au début du siècle sont les artistes futuristes, selon lesquels l’intention première est de sortir des frontières rigides de la peinture et de la sculpture; l’art qui déforme la réalité c’est au centre du Manifeste technique de la sculpture futuriste du 1912 dans lequel l’artiste italien Umberto
“In scultura come in pittura non si può rinnovar se non cercando lo stile del movimento, cioè rendendo sistematico e definitivo come sintesi quello che l’impressionismo ha dato come frammentario, accidentale, quindi analitico. E questa sistematizzazione delle vibrazioni delle luci e delle compenetrazioni dei piani produrrà la scultura futurista, il cui fondamento sarà architettonico, non soltanto come costruzione di masse, ma in modo che il blocco scultorio abbia in sé gli elementi architettonici dell’ambiente scultorio in cui vive il soggetto. Naturalmente, noi daremo una scultura d’ambiente. Una composizione scultoria futurista avrà in sé meravigliosi elementi matematici e geometrici che compongono gli oggetti del nostro tempo. [ ... ]Spalanchiamo la figura e chiudiamo in essa l’ambiente. Proclamiamo che l’ambiente deve far parte del blocco plastico come un mondo a sé e con leggi proprie.” 1 1 Extrait du Manifesto tecnico della scultura futurista, Umberto Boccioni, 11 Avril 1912 “En sculpture aussi bien qu’en peinture, on ne puisse rénover si ce n’est en cherchant le style du mouvement, c’est-à-dire en rendant systématique et définit comme synthèse ce que l’impressionnisme a donné d’une façon fragmentaire, accidentelle et par conséquent analytique. Cette systématisation des vibrations de lumière et des compénétrations de plans produira la sculpture futuriste : son caractère sera architectonique, non seulement au point de vue de la construction des masses, mais aussi parce que le bloc sculptural contiendra les éléments architectoniques du milieu sculptural où vit le sujet. Naturellement, nous donnerons une sculpture d’ambiance. Une composition sculpturale futuriste aura en soi
15
Cette notion d’ art environnemental est, puis, reconsidérée et reprise par d’autres avant-gardes comme le Constructivisme et le
Un autre artiste considéré comme un excellent exemple d’art en-
Suprématisme russe, selon lesquels la représentation de l’espace
vironnemental est le travail de Kurt Schwitters : Merzbau (1923-
dépasse les trois dimensions pour en sortir une quatrième qui per-
1937), qui a l’origine s’appe-
met la lecture de l’évolution des formes.
lait Cathédrale de la misère
érotique ; le travail consiste L’un des premiers exemples considérés art environnemental est
à l’assemblage des objets
Espace Proun de l’artiste et architecte de formation El Lissitzky, qui
développés
réalise cet “environnement” pour l’Exposition internationale de Ber-
colonne, vers le haut de la-
lin en 1923. Son travail voulait être, en même temps, contenu et
quelle il y avait placé une
récipient, en laissant la dimension unique de l’œuvre pour l’intégrer
poupée. Au départ, la volon-
à l’espace.
té de l’artiste était de lier (au
On remarque une nouvelle modalité d’exposition : les oeuvres sor-
sens propre du terme) les
tent de la frontalité pure, ils s’étendent sur plusieurs murs en même
peintures accrochées sur le
temps.
mur avec les sculptures sur
autour
d’une
le sol de sa propre maison, avec des cordes, qui deviennent les lignes directri-
Kurt Schwitters: MerzBau, Hanovre 1933. Photo NB, Sprengel Museum, Hanovre. ces pour les intégrations de
bois et de plâtre qu’il ajoute
Oeuvre entre l’ architecture, la sculpture et l’environnement, Oeuvre envahit pro- après. gressivement l’ensemble de l’espace. El Lissitsky (1890-1941) Espace Proun, 1923 (reconstruction de 1965) 300 x 300 x 260 cm. les merveilleux éléments mathématiques et géométriques des objets modernes. [ ... ] Ouvrons la figure comme une fenêtre et enfermons en elle le milieu où elle vit. Proclamons que le milieu doit faire partie du bloc plastique comme un monde spécial régi par ses propres lois. “ Traduction publiée en occasion de la Première exposition de Sculpture Futuriste du peintre et du sculpteur Umberto Boccioni.en 1913.
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En même temps, l’artiste français Marcel Duchamp est fortement critiqué au Salon des indépendants2 et uniquement lorsqu’il se déplacera en Amérique, deviendra célèbre avec ses ready-made, qui veulent exprimer la relation entre l’objet esthétique est le lieu où elle est exposée. On assiste à la démonstration en 1942 à New York 2 Le Salon des indépendants est une exposition d’art qui se tient chaque année à Paris depuis 1884, et qui a pour vocation de donner la possibilité d’exposer les artistes rejetées par Salon officiel.
dans une rétrospective organisée par André Breton First papers of
un travail sensoriel appelé Ambiente spaziale a luce nera, où l’ar-
Surrealism pour laquelle inauguration Marcel Duchamp crée une
tiste nous donne une nouvelle perception de l’espace en insérant
installation, Sixteen miles of string, dans ce qui crée un emmêlé de
dans une salle sombre une structure métallique illuminée de lam-
fils qui traverse la salle, comme une toile d’araignée qui traverse la
pe de Wood qui modifie la perception de la couleur.
pièce. Même la mise en scène peut être une partie du travail. Les courants artistiques mentionnés maîtrisent l’espace d’exposition toujours comme un lieu à changer et à réadapter pour créer des environnements différents de ceux habituels des galeries. Avec le Minimalisme, la dialectique avec l’espace s’intensifie : il y a une nécessité d’avoir un espace qui communique directement avec l’œuvre. Ce courant artistique, né aux États-Unis dans les années soixante, s’intéressait à créer une attraction, une participation, l’implication du spectateur, en montrant, en particulier, la violation des conventions, à partir de la pensée traditionnelle de la sculpture ou peinture. Les artistes minimalistes refusent le concept de la sculpture qui peut être placé dans n’importe quel contexte ; ils définissent le Sixteen Miles of String, 1942 Philadelphia Museum of Art: Marcel Duchamp Archive, Gift of Jacqueline, Peter and Paul Matisse in memory of their Mother Alexina Duchamp. © 2005 Succession Marcel Duchamp ARS, N.Y./ADAGP Paris.
travail en matière de localisation spatiale grâce à une étroite relation entre l’œuvre, l’architecture et le public, à partir des leurs extraordinaires dimensions.
Jusqu’à cette époque, les exemples d’art environnemental c’étai-
Justement, le fait qu’il est impossible de définir “sculptures” ces
ent des créations qui avaient une matérialité, une tangibilité où on
œuvres si énormes, créées avec des matériaux presque toujours
reconnaissait toujours les trois dimensions, mais maintenant, le
pris de la réalité et en dépendance de l’espace, a poussé à recher-
concept s’étend à quelque chose de plus sensoriel.
cher une nouvelle définition de ce genre d’œuvres réalisées essen-
L’exemple le plus représentatif est celui de l’artiste italien Lucio
tiellement à partir des années soixante : Installations. 3
Fontana lorsqu’il réalise, en 1949, à la galerie du Naviglio de Milan,
3 “ Œuvre d’art contemporain dont les éléments, de caractère plastique ou conceptuel, sont organisés dans un espace donné à la manière d’un
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L’installation peut être relancée ou remontée dans des endroits différents, en apportant des ajustements, à condition qu’il n’y ait pas des modifications entre les différentes parties et le sens du travail. Le cas est différent pour les installations, à la fois permanentes et temporaires, conçues spécifiquement pour un espace particulier (musée, galerie, parc, piazza) : ceci sont définis installations Site
inséparable entre bâtiment et art, en plus il se concentre sur les lieux industriels abandonnés en leur donnant une image dynamique qui souligne le contraste et démontre la possibilité de donner nouvelle vie a ces structures. Il utilise des illusions optiques qui déforment l’espace avec son univers imaginaire et qui sont visibles que dans un seul point de vue. Il ne s’agit pas d’une retouche sur la photographie, l’artiste intervient directement sur le site photographié. Son art n’existe pas sans l’architecture dans laquelle est créée.
Specificity. “[installation was] made to suit the place in which it was installed. They cannot be moved without being destroyed” 4 Robert Barry 5 , 1969 Au cours des années, la notion de Site Specificity est progressivement modifiée de son début dans les années soixante-dix. Par rapport à la réflexion sur la réutilisation des bâtiments industriels comme endroits pour permettre l’affichage simultané, ce type d’installations est fortement présent, surtout pour ces lieux si caractéristiques en imposant un rapport inévitable entre l’oeuvre et l’architecture. Les photographies de l’artiste Georges Rousse6 expliquent ce lien environnement. “ Dictionnaire de français Larousse.
Georges Rousse, Metz, 1994 - www.galerie-photo.com
4 “[l’installation a été] faite pour l’adapter à l’endroit dans lequel elle a été installée. Elles ne peuvent pas être déplacées sans être détruites“. Traduction de l’écrivaine, G.Zucca. R. Deutsche, Evictions: Art and Spatial Politics, MIT Press, Cambridge 1996, XI. 5 Robert Barry est un artiste américain, il participe depuis les années 60 à la plus importante des expositions d’art conceptuel. Ses œuvres se composent d’installations ou de performances. 6 Artiste, photographe-plasticien français. Il a développé son style en uti-
lisant la technique de l’anamorphose après avoir découvert le Land art, le Carré noir sur fond blanc de Malevitch, et surtout l’œuvre de Felice Varini.
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CHAPITRE 1 PARTIE 2
Nouveaux espaces pour l’art contemporain Des espaces alternatifs pour l’art contemporain
À partir des années cinquante, au moment du développement des
Enfin, ils peuvent expérimenter sans problèmes d’ordre matériel
nouveaux courants artistiques, traités dans le chapitre précédent,
comme la taille ou autre ( on rappelle les œuvres extrêmes de Gor-
nous entrons dans une période difficile en ce qui concerne la rela-
don Matta Clark , qui réalise de vraies coupes des bâtiments 1).
tion entre l’artiste et l’ institution de musée. En particulier aux États-Unis, l’artiste cherche des lieux conformes à son mode d’expression en s’opposant à la politique des musées de la ville et leur moyen d’exposition classique, non disposée à accepter œuvres révolutionnaires et expérimentales. L’art contemporain se place au-delà des limites et des règles de fonctionnement du système, il ne concorde pas avec la ligne de pensée des musées, ceux-ci étant loin de l’expérimentation artistique qu’exigeaient les artistes contemporains. Les musées n’étaient pas encore prêts à accueillir ces nouveaux types d’œuvres (les installations, les travaux de Site Specific ou de Land Art) en raison de leur taille et de leurs innovations artistiques ainsi qu’à cause de la critique de la commercialisation de l’art lui-même. Dans les années soixante, les artistes réalisent qu’il y a un potentiel
Gordon Matta-Clark, Splitting (detail), 1974 322 Humphrey Street, Englewood, New Jersey Photo de David Zwirner
dans la possibilité de s’exposer individuellement, en ouvrant leurs espaces où montrer leur vision artistique. C’est pour cette raison qu’ils ont cherché des lieux alternatifs tels que les espaces dans des bâtiments abandonnés, vides et d’origine industrielle (qui seront appelés “ lofts ” plus tard), où tout semblait possible.
1 Gordon Roberto Echaurren Matta, mieux connu comme Gordon Matta Clark, est un artiste américain qui a joué beaucoup avec l’architecture, il faisait des coupures, des piqûres et des fractures dans les objets en trois dimensions. En 1975, il a participé à la Biennale de Paris, où il a présenté Conical Intersect, un trou conique dans deux bâtiments dans le quartier des Halles, qui sera démoli pour la construction du Centre Georges Pompidou. Il est mort à trente-cinq ans.
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Pendant cette période de conflit, certains artistes ont “connu” la censure de leurs œuvres, devenus ensuite un symbole de cette époque.
genheim ed è perciò, tra l’altro, che un’opera capace di evidenziare chiaramente tale stato di cose può creare, ha creato, agitazioni insospettate.“2
C’est le cas de l’artiste Daniel Buren, qui malgré la critique institutionnelle, réussit à exposer dans importants musées sans être marginalisé du marché. Mais en 1971, cette critique avec ses travaux imposants ont été l’objet de censure lorsque son œuvre Photo souvenir : Peintu-
re-sculpture a été retirée la veille de l’inauguration du Guggenheim International Exhibition à New York ; il s’agissait d’une toile de tissu, remplit avec un motif récurrent de lignes, qui descendaient du plafond de la salle jusqu’au hall d’entrée. Les œuvres de Daniel Buren, qui s’exprime à travers la répétition de la même trame naissante de l’objet même en envahissant l’espace, exposent une notion critique sur le musée comme une boîte qui
Daniel Buren, Photo-souvenir : peinture-sculpture, 1971, travail in situ “VI Guggenheim International”, Guggenheim Museum, New York Source: fashionartdaily.blogspot.fr/
encadre et contient les œuvres d’art. Dans ce cas, la toile bravait de manière provocante l’architecture de Frank Lloyd Wright et affectait la perception des autres œuvres de cette exposition, comme il le dit lui-même. “ Nella dimostrazione tentata (e censurata) a New York, all’interno del Museo Guggenheim, c’era tra l’altro una certa utilizzazione del locale che rivelava sia il luogo che l’attrazione vertiginosa che esso costantemente esercita al di fuori delle rampe, e rende, in forza della sua stessa architettura, ciò che viene esposto all’interno delle rampe obsoleto e eccentrico. (…) Basta che questa architettura s’imponga con tutto il suo peso ed è l’opera (fatta in vista d’un luogo abituale, cubico, classico) che scompare. È quanto accade con il Museo Gug20
2 Absence-présence, autour d’un détour , in Opus international, Paris, mai 1971, n° 25, p. 70-73 Repris dans Presenza Assenza , in Data, Italie, septembre 1971, n°1, p. 2629 : italien “Dans le cadre de cette manifestation tentée (et censurée) à New York, à l’intérieur du musée Guggenheim, il y a eu, entre autres choses une certaine utilisation du hall qui révélait soit la place que la véritable attraction qu’il exerce en permanence en dehors des rampes, et il rend, en vertu même de son architecture, ce qui est exposé dans les rampes obsolète et excentrique. (...) Il faut juste que cette architecture s’impose avec tout son poids et l’oeuvre (faite en vue d’un lieu habituel, cubique classique) disparaît. C’est ce qui se passe avec le Musée Guggenheim et c’est ainsi la motivation pour laquelle, entre autres choses, qu’un travail capable de mettre en évidence ce nouvel état de choses peuvent créer, il a créé, troubles insoupçonnés.” Traduction de l’écrivante Giulia Zucca.
On voit bien avec cet événement le manque de capacité de réponse
tions, ils contestaient ouvertement le marché de l’art, de sorte qu’il
de la part des musées à ces types d’installations au cours de cette
était impossible de les commercialiser.
période, tant du point de vue muséographique que politique. Les artistes eux-mêmes décrivent ces années comme une période C’est dans cette période de crise (à partir des années soixante) en-
effervescente, également grâce à l’esprit de communauté qui exi-
tre musée et artistes qu’apparaissent les premiers espaces alter-
stait dans le quartier :
natifs, à New York dans un de ces quartiers au sud de Manhattan: SoHo. Cette situation a été rendue possible grâce, d’abord, à un moment historique de la ville qui connait, toujours dans les années soixante, une forte crise financière qui affecte les entreprises de fabrication situées dans ce quartier, provoquant ainsi l’abandon d’énormes espaces industriels qui vont se transformer en ateliers d’artiste. En effet, dans le code de l’urbanisme, SoHo est classé en zone M1 (district industriel) et il le reste jusqu’en 1971, date à laquelle il a été autorisé aux artistes de travailler et de vivre à Soho, après des années d’occupation illégale. De plus, à l’époque personne ne voulait vivre illégalement dans ces bâtiments abandonnés ; les artistes ont profité de ce moment-là pour déménager dans le quartier, attirés essentiellement par les locations économiques , et les énormes possibilités que ces grands espaces permettraient . En second lieu, le fait de travailler et exposer leurs œuvres dans une condition si différente et loin du contexte des musées, en plus de la motivation politique, leur a permis une grande inspiration créative. En particulier, maintenant qu’ils avaient la possibilité de réaliser les Site Specific qui étaient le plus souvent détruits après des exposi-
“ It was a very dynamic time for the New York art scene. Back then, the galleries were not the center of the contemporary art world the way they are now; at least in New York, the center of gravity at the time was the alternative spaces. The museums weren’t really paying attention to young artists yet. ” 3 L’expression “espaces alternatifs” commence à être utilisée par tous les journaux pour décrire cette typologie de lieux, qui se multiplient sur tout le territoire de New York. On y retrouve coopérations, organisations à but non lucratif, espaces privés, dans lesquels viennent s’exposer différentes pratiques artistiques. Le critique d’art Lawrence Alloway nous fournit sa définition : “ alternative space is a general term referring to the various ways in which artists show their work outside commercial galleries and formally constituted museums. It includes the use of studios as exhibition space, the temporary use of buildings 3 Philbin Ann, interview de Herb Tam et Jeanette Ingbergman, en L. Rosati, M. Staniszewski, Alternative Histories. New York Art Spaces 1960 to 2011, p.75 “Il a été une période très dynamique pour la scène artistique de New York. À l’époque, les galeries n’étaient pas le centre de l’art contemporain mondial comme ils le sont à l’heure actuelle; au moins à New York, le centre de gravité à l’époque était l’alternative espaces. Les musées ne faisaient pas encore attention à de jeunes artistes.” Traduction de l’écrivante Giulia Zucca
21
for work done on site, and cooperatives of artists, whether for the purpose of putting on one exhibition or for running a gallery on a long-term basis[…] “ 4
alternative. Il visait à réhabiliter de nombreux immeubles en désuétude, mais elle a décidé de le faire dans le respect de la légalité, en demandant les autorisations nécessaires. Avec ces bâtiments dans en état d’abandon, Heiss voulait créer de lieux d’expositions
Les espaces qui ont été ouverts au cours de ces années, ont été
dans des espaces à but non lucratif dédiés à l’art et les performan-
les pionniers de la transformation des lofts industriels de Soho et
ces, en évitant de cette manière, les frontières entre le théâtre, la
TriBeCa en espaces d’exposition. Parmi les premiers, il y a l’Apple
galerie d’art et la communauté artistique.
Space fondée par l’artiste Billy Apple en 1969 ; 98 Greene Street fondé par Holly et Horace Salomon sur indication de Gordon Matta
En 1976, la ville de New York, en accord avec les districts, a décidé
Clark et, plus tard, fréquenté par de nombreux artistes, dont Andy
de confier à Alanna Heiss et à l’ Institute for Art and Urban Resour-
Warhol, Jasper Johns, Dan Graham, etc.
ces, la gestion d’une vieille école à Long Island City, dans le Queens, quartier qui subira une gentrification importante.
C’est le début d’un processus de gentrification du quartier, phén-
Le bâtiment, datant de 1892, était justement la première école à
omène qui implique l’amélioration des biens immobiliers, la modi-
Long Island City jusqu’en 1963 ; lorsque l’école primaire a été fer-
fication de la gestion des ensembles de logements, la hausse des
mée en raison de la faible fréquence, le bâtiment a été transformé
prix, et le remplacement de la population originaire avec les classes
en lieu de stockage.
moyennes. Aujourd’hui, SoHo est l’un des districts les plus chers (tant en ce qui concerne les loyers que les magasins), et il reste un
Il transformera ce bâtiment en le connu P.S.1 (Public School 1) Cen-
site de nombreuses galeries d’art, boutiques et bar à la mode.
tre d’Art Contemporain et qui est toujours un des lieux les plus actifs aujourd’hui, surtout après l’association avec le MoMa en 2000.
Reconnaissant que New York était l’aimant dans le monde pour les artistes contemporains, et étant donné que les musées tradition-
On assiste ici, à la conclusion de la première “vague” des lieux al-
nels ne fournissaient pas des expositions adéquates à ces artistes,
ternatifs, dans leur signification originaire : il constitue un des pre-
Alanna Heiss décide de créer une organisation formelle, artistique
miers exemples où le pouvoir public intervienne à faveur de ces
4 L. Alloway, 10 Downtown, 10 years, 112 Workshop Inc., New York 1978, p. 4 “L’expression espace alternatif est un terme très général qui fait référence aux diverses façons qu’ont les artistes d’exposer leur travail en dehors des galeries commerciales et des institutions muséales. L’expression inclut l’utilisation de studios comme espaces d’exposition, ainsi que l’utilisation temporaire de bâtiments pour la création d’oeuvres in situ.” Traduction de l’écrivante Giulia Zucca
types d’espaces. Les fonds d’une subvention versée par le gouver-
22
nement à l’appui de l’art sont la preuve aux yeux du public qu’une nouvelle période démarre dans l’art. En effet, les institutions, après avoir compris leurs limites par rap-
port à l’art contemporain, essayent de trouver une solution en ac-
de Paris, du fait notamment de sa proximité avec l’Allemagne, le
cordance avec les tendances artistiques, qu’on vient d’expliquer:
Luxembourg et la Belgique.
les principaux musées situés dans le centre-ville cherchent des espaces auxquels se connecter, englober dans un même projet, le
Ou encore le siège du Louvre à Lens, toujours en France, inauguré
même nom (comme le MoMa P.S.1).
le 4 décembre 2012. Le bâtiment est composé d’une série de con-
Il est possible alors d’avoir le siège dans la ville principale et la deu-
structions de hauteur limitée de verre et d’acier qui sont disséminés
xième siège en banlieue ou dans une ville à côté, où mettre en pla-
dans un parc de 24 hectares, dont il a été précédemment fait partie
ce des expositions plus particulières pour un public plus recherché
d’un site minier fermé. Une surface de 22 000 m² sur deux étages:
prêt à se déplacer pour la visiter.
d’environ 5 000 pour l’exposition semi-permanente, tandis que le reste est consacré aux expositions temporaires. L’intention est celle d’exposer côte à côte œuvres de toutes les périodes et toutes les cultures, pour créer une nouvelle façon de penser l’expérience de la visite au musée. Ces exemples montrent l’efficacité de l’action culturelle que ces institutions créent à l’échelle territoriale.
MoMa P.S.1, New York, photo de Michael Moran
C’est le cas du Centre Pompidou à Metz inauguré en 2010, dont les expositions sont constituées par les œuvres de la collection du Musée national d’art moderne (MNAM) du Beaubourg et elles sont toujours en lien avec les thématiques exposées au Centre Pompidou de Paris. Ce musée est le musée français le plus visité hors 23
CHAPITRE 1 PARTIE 3
Nouveaux espaces pour l’art contemporain Des usines aux salles d’exposition
Effectivement, on s’aperçoit que les espaces appelés auparavant
autour en même temps. À partir des années 70, l’idéologie de la
“alternatifs”, sont aujourd’hui de plus en plus recherchés et on voit
conservation et reconversion commence à devenir forte.
peu à peu apparaitre la mise en place d’exposition dans des lieux
En conséquence, on a assisté non seulement à la préservation des
inusuels.
anciennes zones industrielles, mais aussi à leur exploitation et à leur reconversion.1
Cette nouvelle possibilité se présent en même temps que l’arrivée d’une nouvelle dialectique architecturale entre le premier usage du
Après avoir décidé de reconvertir ces types d’architecture qui font
bâtiment et sa possible nouvelle affectation.
partie désormais du patrimoine, alors la question “qui intervient et
En effet, dans les années soixante nous assistons à un phénomène
comment” vient tout de suite après.
d’élimination des manufactures productives, qui a eu lieu en France
Les interventions qui peuvent être faites dans ces bâtiments im-
et à l’étranger.
posants peuvent être diversifiées et extrêmement différentes entre elles. Ce sont des architectures qui ont été conçues à l’échelle de
Certaines structures industrielles d’un passé proche (1900) appa-
la machine qu’elles abritaient, machines industrielles de taille im-
raissent intéressantes du point de vue artistique, audacieuses et
portante, telle que les turbines, les presses ou machines de filature.
spéciales. Déjà dans les années 60, le public a commencé à s’oppo-
Tout d’abord, les bâtiments dédiés aux activités anciennes, tels que
ser à la démolition de certaines structures industrielles, justement
les machines de filature, les usines pour les produits alimentaires
en raison de leur importance historique, culturelle et artistique. De
les moulins à grain ou les premières industries, dont les bâtiments
plus, en raison économique, parfois la démolition exige beaucoup
datent du XIXe siècle.
de dépenses financières en raison des matériaux choisis, qui lors
Ensuite, en plus des usines industrielles, parmi les bâtiments égal-
de la construction avaient comme contrainte d’être justement très
ement désaffectés il y a les bases militaires, les anciens hôpitaux
résistants.
psychiatriques, les abattoirs, les douanes, les gares, etc., un ensemble de domaines qui ont fourni des services, maintenant désaff-
L’abandon de ces structures semble généralement la solution la
ectées et laissées souvent dans un état d’abandon, car considérées
plus simple et immédiate, en laissant à l’abandon aussi le contexte
1 Belhoste Jean-François, Smith Paul, Architectures et paysages industriels : L’invention d’un patrimoine, Editions de la Martinière, 2012
24
obsolètes.
un dialogue entre histoire et création contemporaine.
L’intérêt pour la reconversion est également soutenu par des rai-
L’exemple de la grande Halle de la Villette montre comment la
sons urbaines et environnementales : faire du neuf avec de l’ancien
décision de reconvertir un seul bâtiment comporte un projet plus
plutôt que de détruire pour reconstruire.
large et complexe : en 1858 Haussmann, propose de regrouper
Au moment de la cessation d’une activité, le processus habituel
tous les abattoirs et marchés aux bestiaux de Paris à la Villette ; un
prévoit l’expulsion et la vente ou encore la location de ces locaux.
projet qui sera réalisé suite à un concours et fini en 1867, il marchera
Mais ce n’est pas le seul parcours, comme en témoignent les nom-
jusqu’en 1974. Cette énorme construction est alors en déshérence,
breux lieux désaffectés, puis abandonnés dans le temps. Ces im-
sera le directeur général de la SEMVI (Société d’économie mixte de
meubles se vident et sont laissés à l’abandon, parfois pour toujours,
la Villette) Jean Sérignan à proposer un projet global du site de la
créant des lacunes et des absences dans le tissu urbain du centre
halle et du parc.
de la ville, bâtiments qui ont façonné l’identité des premières villes
La Villette devra englober d’abord trois principales structures : un
industrielles.
musée des Sciences et des techniques, un auditorium dédié à la musique et à la danse, et un parc urbain ouvert sur le quartier.
Choisir de garder et reconvertir un lieu de mémoire signifie évaluer
Des noms connus comme Bernard Tschumi et Christian de Port-
sa position urbaine dans la ville en donnant un caractère moderne
zamparc interviennent pour ce grand projet de 55 hectares, dont 33
à ce qui est la nostalgie de l’histoire.2
d’espaces verts, qui deviendra le symbole du 19e arrondissement. En 1987 tout été prêt pour l’inauguration du parc.
Ce type de creux dans l’évolution d’un centre urbain est maintenant encore plus d’actualité, si on considère que la crise économique a aggravé la situation des entreprises, dont beaucoup sont condamnées à faire faillite, générant ainsi, d’autres édifices vides. Investir les friches, c’est aussi investir un territoire, un quartier, parfois une ville entière, parce que ces bâtiments industriels ont changé à leurs tours le paysage même. On parle de redonner une vie au bâtiment ancien, valoriser le lieu en utilisant la richesse de ces murs chargés d’histoire ; s’ouvre alors 2 Jean-Louis André, Au coeur des villes, Edition Odile Jacob, Mai 1994, Paris.
Le parc de la Villette en 1995. Source : lavillette.com/histoire
25
Le patrimoine industriel mis à l’abandon doit être considéré com-
La réutilisation des espaces industriels pour l’installation de mu-
me une ressource, afin que nous puissions redessiner le territoire
sée ou d’exposition d’art contemporain ne tombe pas par hasard.
et améliorer la qualité environnementale et sociale de nos modes
Effectivement, ces bâtiments sont fréquemment confrontés au gi-
de vie.
gantisme délibéré de certaines propositions artistiques, ils ont une capacité à accueillir des oeuvres monumentales, et de tout type de
L’intérêt de la sauvegarde des sites industriels est plutôt récent en
style, taille...
France (fines années soixante-dix) ; depuis longtemps, les institutions se sont contentées de protéger seulement les chapelles,
Aussi les grandes fenêtres qui font pénétrer la lumière naturelle
châteaux forts et autres églises.
sont des éléments qui peuvent être recherchés autant que difficiles
L’idée de classer historiquement une vieille usine ne choque plus
à recréer.
personne ( dans la majorité des pays européens ). Pendant l’année
Si aujourd’hui on devait construire un bâtiment avec la même am-
2012 sur un total de 43 000 bâtiments définis comme Monuments
bition technique, cela couterait bien trop cher.
historiques, on a pu compter environ 900 sites industriels. Philippe Prost, architecte et professeur d’histoire et culture architecturale à l’ENSA de Paris-Belleville, nous propose une liste de
“Quand on rentre dans la conversion on a la chance d’avoir du trop long, trop sombre, trop haut, trop éclairé…des choses qu’on ne pourrait jamais proposer”4
mots que l’on utilise aujourd’hui pour parler de ce sujet : reprendre, restaurer, restituer, rénover, réhabiliter, réutiliser, reconvertir, recycler.3 Tous ces mots nous suggèrent la transformation dans le but de protéger ces bâtiments. Le recyclage suggéré par P.Prost fait référence à la construction des bâtiments industriels anciens. En effet, la caractéristique fondamentale reste la forte résistance des matériaux anciens utilisés. Ceux-ci étaient conçus pour être capables de soutenir le poids d’une machinerie très lourde. 3 Dans la Conference n°11-Recycler l’architecture industrielle. Organisée par la Cité Chaillot. 2 Février 2012
26
Un des exemples les plus connus de reconversion en musée est la Tate Modern Gallery (2002) de Londres. La Tate Modern est un musée d’art moderne et contemporain, on parle ici des institutions, qui ne font pas partie de la gamme d’espaces alternatifs. Il est toutefois un exemple intéressant et pertinent, comme un bâtiment industriel peut être réutilisé et parfaitement adapté à l’exposition d’art contemporain, de sorte à devenir un exemple simple, mais, en même temps, incisif. 4 Affirmation de l’architecte Jean Nouvel en parlant du Cité Nature, un centre culturel et scientifique, que lui-même a réhabilité. Documentaire “ L’esprit de friche ”.
Le projet ne reste pas qu’à l’échelle urbaine, mais il devient aussi
iron. Their work is highly tactile, sensuous, very pure » 5
un symbole de la régénération urbaine que ces projets de reconversion produisent. Exemples de musées promouvoir les renouve-
Le cas de la Tate Modern de Londres est l’un des plus étudiés et
aux urbains sont abondantes, du Centre Georges Pompidou à Paris
appréciés au cours des dernières années, parce qu’il a un certain
pour le Musée Guggenheim Bilbao, en Espagne. Mais l’épisode de
nombre de facteurs de succès, qui ont conduit à un tournant égal-
la Tate montre comment un musée peut garantir des avantages
ement dans le champ de la muséographie.
soit économiques que sociaux dans la ville.
Au cours de la première année d’ ouverture de la Tate Modern ont été compté environ 5 millions visiteurs ; elle est devenue la troi-
Le quartier Bankside, où est installé le musée, était rapidement
sième attraction la plus visitée en Grande-Bretagne par les touri-
transformé en un environnement industriel, vers la fin du 18e siècle.
stes et elle est la principale attraction du côté sud du fleuve de la
Après la Seconde Guerre mondiale, la zone est restée largement
Tamise.
inexploitée et oubliée jusqu’à sa récente renaissance qui a transformé en l’un quartiers historiques les plus visités de Londres. Le prétentieux projet de conception de Bankside était de combiner des attractions pour une destination cohérente, facilement accessible de la ville grâce au Millennium Bridge. La zone est agréablement piétonne et chaque coin révèle un pôle culturel d’intérêt. Le cabinet de Jacques Herzog et Pierre de Meuron a gagné le concours pour ce projet, car il a présenté une proposition qui respectait l’histoire et l’architecture du bâtiment et ayant la plus grande volon-
Test Site, Carsten Höller, Tate Modern, London, 2006-2007 Source : Tate Photography
Shibboleth II, Doris Salcedo, Tate Modern, London, 20072008. Source:Tate Photography
té à maintenir le bâtiment de l’ancienne centrale électrique (Bankside Power Station). Une structure donc, inaltérée, autant dans la forme que dans les matériaux. Tout le projet est conçu de manière rationnelle, élégante et moderne en même temps. « We didn’t just want to restore the building but to transform it, and they came up with unique solutions. We’re very enthusiastic about the way they use materials, wood, glass, concrete,
5 Nicholas Serota, directeur de la Tate Moder Gallery, en A.Riding., A Symbol Of Renewal In South London; The Tate Modern, Bright Star On the Thames’s Other Side, The New York Times , 1er mai 2000 “Nous n’avons pas simplement à restaurer le bâtiment, mais à le transformer, et ils ont eu des solutions uniques. Nous sommes très enthousiastes quant à la façon dont ils utilisent les matériaux, le bois, le verre, le béton et le fer. Leur travail est très tactile, sensuel, pur” . Traduction de l’écrivante Giulia Zucca
27
En dehors l’enveloppe en briques a été conservée ; la modification plus évidente est représentée par l’insertion d’une structure en verre, tout le long du plafond, qui contient les deux niveaux supérieurs du musée où les galeries situées au cinquième étage peuvent bénéficier d’un éclairage naturel et d’où c’est possible admirer le magnifique panorama de la West End. On reconnait les grands espaces du lieu originel et on comprend le potentiel que les artistes contemporains y trouvent. La salle des machines, dépouillée de ses turbines, est devenue un grand hall qui permet d’accueillir des oeuvres géantes, pour des installations hors normes, aux proportions colossales. En raison de la haute fréquentation du musée, conçu pour résister accueillir 1,8 million de visiteurs contrairement des 4 millions effectifs par an, une extension a été prévue. Sur le côté sud de l’édifice sera construite une sorte de pyramide de verre, conçu par le studio Herzog & de Meuron, qui va augmenter la zone d’exposition de 60 %, dont le travail sera terminé en 2012.
Tate Modern Gallery et Millenium Bridge, London. Source: LGphotographix
28
CHAPITRE 1
Nouveaux espaces pour l’art contemporain
PARTIE 4
L’ intérêt des collectionneurs et leurs galeries
Alors que les années soixante ont été caractérisées par une forte
spécifique et, même s’il est sans doute plus facile et moins risqué
scission vis-à-vis des courants artistiques principaux, la décennie à
d’acheter les artistes déjà reconnus, les collectionneurs s’intéress-
suivre a vu le monde de l’art devenir plus inclusive. Dans les années
ent et préfèrent de plus en plus les artistes du moment, soit pour
quatre-vingts et quatre-vingt-dix, une plus grande attention pour le
des raisons économiques que conceptuels.
pluralisme et le multiculturalisme permettait que les commentaires négatifs des artistes en ce qui concerne les subventions de l’État, a
Comme le couple Billarant qui a commencé à collecter les petites
diminué, laissant la possibilité d’élargir les frontières du monde de
œuvres de XIXe siècle, mais lorsqu’ils ont réalisé qu’ils ne pouvaient
l’art, en favorisant les relations entre les artistes émergents et les
pas se permettre les grands noms, ont commencé à s’intéresser à
artistes les plus recherchés dans le marché d’art, lequel, en atten-
la création contemporaine. C’est là que petit à petit le couple a dév-
dant, a connu une croissance rapide.
eloppé le goût artistique vers l’art minimaliste, duquel aujourd’hui ils sont de fervents supporters.
Ces progrès sont souvent arrivés par des sujets privés qui se sen-
En général, quand il y a intéressés par une œuvre s’établit une re-
tent plus près de la société moderne en fournissant de nombreu-
lation entre l’acheteur et l’artiste de cette œuvre ; toujours dans le
ses initiatives impliquant un large public large.
cas des Billarant qui, non seulement, connaissent personnellement chaque artiste présent dans leur collection, mais ils ont une relation
Le couple de médecins-psychiatres de Marseille, les Gensollen,
d’amitié avec eux, ils sont souvent invités à des dîners et soirées
comme autres, a commencé leur collection lorsqu’ils se sont ma-
privées.
riés, et, poussés par un sentiment révolutionnaire encore présent des manifestations du ‘68, ils ont trouvé la façon de mettre en question la culture bourgeoise grâce à la collection des oeuvres d’art. Ils ont commencé avec artistes régionaux, en prenant après un intérêt dans l’art conceptuel. La fonction de l’art contemporain répond chaque fois à une raison
“On va voir bien sûr leurs expositions. Presque tous sont aussi venus chez nous. On connaît Daniel Buren. On passe régulièrement des soirées avec François Morellet. Quand on va à New York, on rencontre Carl Andre, Lawrence Weiner.” Françoise Billarant 29
Les collections des galeristes diffèrent beaucoup de celles des
partir de zéro ou même utiliser des pièces de leur maison embau-
musées, pour un caractère plus personnel de la collection, qui est
chée à galerie d’art.
soumis aux goûts de la mode et d’autres événements liés à la vie du collectionneur. En plus, la collection privée n’a pas vraiment un
C’est l’exemple de Daniel et Florence Guerlain, qui ont ouvert il y a
objectif public, contrairement au musée.
cinq ans leur fondation aux Mesnuls, en forêt de Rambouillet, dans leur propriété familiale, loin du contexte parisien. Ils sont en train
Les collectionneurs continuent à acheter des œuvres d’art malgré
d’agrandir encore leur exposition en créant un parc de sculptures,
celles-ci ne sont pas tous situés dans leurs appartements. Il ne s’a-
pour lequel ils souhaitent passer des commandes directes.
git pas des objets d’art avec une valeur décorative, et souvent ils sont enfermés dans une salle de stockage. C’est la raison pour la-
Le choix du conteneur et de la localisation urbaine des collection-
quelle lorsqu’un musée les appels pour une œuvre en particulier à
neurs n’est jamais aléatoire ; la préférence des lieux riche d’histoire,
lui prêter, souvent ils bien acceptent de la sortir des salles sombres
lieux où faire revivre les œuvres souvent fermées dans des entre-
et de son emballage, pour la voir exposée dans un local approprié.
pôts, prévaut à l’égard de la construction de nouveau.
Selon une enquête du Ministère de la Culture, les galeries doi-
En effet, souvent, ces bâtiments construits à des fins différentes de
vent les trois quarts de leurs ventes à des collectionneurs privés.
celles des expositions traversent diverses étapes historiques avant
Et concernant les musées, qui déclarent de plus en plus un man-
d’être achetés par des particuliers pour devenir galeries.
que d’argent, quel soutien apporte le secteur privé ? La réponse on la déduit également par le nombre d’œuvres qui portent le cartel
C’est le cas du Bunker (Reichsbahnbunker aujourd’hui appélé aus-
“Collection privée“ dans une exposition au musée. C’est l’occasion
si Sammlung Boros) cher aux Berlinoises, situé dans le centre du
de montrer ce qu’il est en possession privée à la collectivité.
quartier de Mitte : le bâtiment, construit en 1942, pendant la Seconde Guerre mondiale pour les compagnies de chemin de fer, utilisé
Toutefois, depuis que les collectionneurs ont développé la con-
pour protéger les voyageurs arrivant à la gare Friedrichstraße de
science d’être capables de devenir les véritables acteurs, en sortant
frappes aériennes.
de l’ombre et en se méfiant de la puissance publique traditionnelle,
Il a offert plusieurs usages et évènements depuis la fin de la Guerre:
ils décident de montrer leurs collections à tous, avec l’ouverture
d’une usine textile (1949), à un entrepôt de fruits tropicaux importés
d’espaces de leur propriété sans passer par les musées.
de Cuba (1957), qui la nommé « banana bunker ».
Ils choisissent alors de grands espaces dans la campagne ou en
En 1990, après la réunification, l’édifice devient propriété du gou-
ville, des sites à réhabiliter ou de nouveaux espaces construits à
vernement fédéral, et deux ans après qu’il a été transformé de nou-
30
veau, et, entre musique techno et fêtes fétiche, il a assumé la réput-
intègrent 80 salles d’art.
ation du club plus hard du monde. L’étape vers “Sexperimenta” a été courte : en 1995 est devenu un grand espace pour la foire du
Ces personnes sont de plus en plus les protagonistes inconte-
commerce érotique. Par la suite, et, jusqu’en 2003, le bunker héb-
stés de l’art contemporain sur un pied d’égalité avec les artistes
erge des représentations théâtrales ensuite expose des oeuvres, sa
eux-mêmes. Une fois qu’ils ont pris conscience de la possibilité de
dernière occupation et vie actuelle.
présenter en première personne les travaux d’artiste, les collectionneurs achètent une renommée et une reconnaissance d’importance. M. François Pinault, entrepreneur multimilliardaire français, qui possède et gère la chaîne des ventes et de la production de biens de luxe PPR. Toujours passionné de l’art, en 2005, il décide de partager sa passion avec le public, en achetant Palazzo Grassi à Venise pour l’exposition d’une partie de sa collection. Ce qui l’a amené à être élu en 2006 et 2007, la personne la plus influente du monde de
Le Bunker Sammlung Boros. Source: cargocollective.com
Sammlung Boros. Installation de Monika Sosnowka. Source : cargocollective.com
l’art contemporain selon le magazine “ Art Revue “. Ainsi, en 2007, il a été choisi par la municipalité de Venise à transfor-
De plus, Berlin est une ville qui a eu une histoire très particulière.
mer les anciens entrepôts de la Dogana da Mar, Punta della Doga-
Après la chute du Mur de Berlin, la ville est devenue dans les années quatre-vingt-dix un terrain fertile pour l’expérimentation sociale et culturelle. Il est intéressant de noter, comme cette ville est en train de passer au cours de dernières années, une période dorée, devenue un passage obligé pour les jeunes et pour les artistes. En 2003, le bunker a été acheté par le collectionneur Christian Boros, qui en quelques années, l’a converti en espace d’exposition pour sa collection d’art contemporain privé inauguré en 2008 avec “Sammlung Boros # 1 “ ; entre 2008 et 2012, 120000 visiteurs ont été attirés par cette structure des murs en béton épais 1,8 mètre qui
Punta della Dogana, Venise Source : www.palazzograssi.it
31
na, l’ancien port monumental de la ville, en centre d’art contemporain où exposer une sélection d’œuvres de sa collection. Restauré par Tadao Ando, Punta della Dogana s’ouvre au public en juin 2009, avec l’exposition “Mapping the Studio” (2009-2011), qui se développe également dans les espaces du Palazzo Grassi. On relève alors un changement important : comme on a déjà raconté dans les années soixante-dix les artistes occupaient les lofts pour exprimer leur créativité et c’est intéressant de noter qu’aujourd’hui ces mêmes lofts sont achetés par des privés pour exposer les oeuvres, qui ont également été achetées et produites par les mêmes artistes.
Tadao Ando - Punta della Dogana Photo de Cédric Dasesson
32
CHAPITRE 2 PARTIE 1
Scénographie et art : un nouveau rapport Dépassement du White Cube
La muséographie a traversé différentes phases en suivant les modèles d’exposition qui pourraient satisfaire la perception des œuvres d’art dans leur contexte spatial. Il est donc compréhensible qu’avec le changement d’espaces d’exposition il y ait la nécessité de nouveaux modèles et de nouvelles règles, qui souvent renversent les précédents. Par rapport aux espaces industriels et l’art contemporain, on cherche à désobéir à la notion de White Cube, né autour de 1910, car il n’est pas adapté aux concepts que les artistes veulent exprimer dans ces espaces. Contrairement à aujourd’hui, au cours de l’histoire de l’art, on a cherché des modèles d’exposition qui n’ influençaient pas la perception du travail, qui étaient invisibles aux yeux de l’art.
grâce aux impressionnistes qui ont été les premiers à refuser le cri-
David Teniers le Jeune, La Galérie de Léopold Wilhelm d‘Autriche, 1653. Musée du Prado Source : lesyeuxdargus.files.wordpress.com
tère désordonné du style de Salon 1, et à vouloir réduire le nombre
justement en 1910, on voit les peintures de Gustav Klimt disposé sur
d’oeuvres exposé sur le même mur. Lors de la Biennale de Venise
une seule rangée long d’un mur blanc. On assiste aux premières
Le mode d’exposition déjà cité White Cube naisse autour de 1910
1 Événement artistique né en 1667 en France, par la volonté du roi pour exposer l’art officiel. Avec la Révolution française, le mécanisme du Salon a été changé, mais en fait, ces expositions d’art restent actives jusqu’en 1883. Les oeuvres étaient organisées afin d’occuper le plus petit espace possible en ne suivant aucun critère logique ou artistique.
décontextualisations des oeuvres. Les artistes commencent à se rendre compte de l’importance du contexte lié à leurs expositions et l’esthétique prend importance 35
dans l’accrochage des oeuvres. Un nouveau modèle a été donc
res sur le mur, à travers leur exposition mesurée et précise. La cou-
déterminé : le White Cube.
leur blanche sert à ne pas interférer entre l’oeuvre et le public, afin
Tout au long du XXe siècle, cette nouvelle façon d’exposer a remis
de recevoir une perception pure, sans aucun trouble ; un concept
en question l’histoire de l’exposition, la signification des objets et
opposé à ce que l’art contemporain souhaite. L’espace qui entoure
enfin la position de l’homme dans ce milieu. Il s’agit d’un modèle
l’œuvre est partie intégrante d’elle même pour communiquer la
toujours valable aujourd’hui, mais pas pour tous les espaces, com-
vraie signification du travail.
me le définit le critique d’art Brian O’Doherty. L’art contemporain a une attitude de défi envers l’espace, qui ne pouvait se faire en période moderniste, dans laquelle l’art a rarement manqué au principe de la cellule blanche. L’espace était alors construit sur la base des lois strictes telles que celles qui ont servi à l’édification des églises médiévales, comme Brian O’Doerthy le remarque. Et c’est précisément au moment où les cadres de tableaux disparaissent, que l’espace, le cube blanc, commence à se charger. De là, ce “white cube” devient le contexte, un scénario, en transformant en art tout ce qui y est inséré. Avec la concrétisation des galeries, l’espace prend un rôle plus qu’important et est strictement contrôlé par cette nouvelle instituExposition de Gustav Klimt, Biennale de Venise, 1910 Source : artslife.com
tion qui se présente comme une boutique de grand style. Un lieu spectaculaire où les échanges commerciaux se déploient. Les œuvres d’art vendues à l’intérieur de la galerie sont présentées comme si elles étaient de véritables bijoux précieux qui ne sont
Comme le nom lui-même indique, le concept principal de ce mo-
pas à la portée de tous, mais seulement à ceux qui peuvent se le
dèle prévoit l’exposition de l’œuvre d’art dans un cube de six faces,
permettre, en admettant un certain snobisme.
sans fenêtres, où les murs sont parfaitement blancs, en opposition
Bien que les oeuvres soient en vente dans ces galeries, le visi-
aux murs pleins des Salons. Avec le Cube Blanc on exalte les œuv-
teur peut toutefois, arriver à rester effrayé par un espace si rigide
36
et sérieux, ce qui pourrait inhiber l’approche de ce dernier avec l’œuvre.
Cette stratégie a été beaucoup contestée par les mouvements artistiques des années soixante et soixante-dix. Pour les artistes de
Brian O’Doherty publie en 1976, dans une série d’articles publiés
ces dernières années, le cube blanc semblait la énième expression
dans le magazine revue Artforum, une critique forte envers ce Whi-
d’une classe sociale éloignée des gens communs. L’art de ces ar-
te Cube, vu à cette époque comme un temple de l’art. Selon le
tistes, comme déjà dit précédemment, voulait rapprocher l’artiste
critique d’art, la distance voulue entre l’œuvre et le visiteur, n’aide
et le spectateur.
pas le public à comprendre l’ art. Dans ce contexte contradictoire se joint une nouvelle référence au « En un singulier retournement, c’est l’objet introduit dans la galerie qui encadre la galerie et ses lois. Une galerie est construite selon des lois aussi rigoureuses que celles qui présidaient à ‘édification des églises au Moyen Âge. Le monde extérieur ne doit pas y pénétrer – aussi les fenêtres en sont généralement condamnées. Les murs sont peints en blanc. Le plafond se fait source de lumière. […] Peut-être un bureau discret pour seul élément de mobilier. Dans ce contexte, un cendrier à pied devient un objet sacré […] La présence de ce meuble bizarre, votre corps, apparaît superflue, c’est une intrusion. Si, dans cet espace, les yeux et l’esprit sont les bienvenus, on se prend à penser que les corps ne le sont pas – ou ne sont tolérés qu’en tant que mannequins kinesthésiques, pour complément d’enquête. » 2 De plus dans le White Cube, la lumière est artificielle : elle élimine toutes les teintes et les ombres sur le travail, normalement donnés par les variations de lumière naturelle. L’absence de fenêtres et la volonté de rendre l’espace le plus neutre possible éloignent l’expérience artistique du monde extérieur, transmettant l’idée d’un art écarté de la réalité. 2 B. O’ Doherty, White Cube – L’espace de la galerie et son idéologie, JRP|Ringier, Paris 2008, pp. 37-38
sein des espaces d’exposition : Le Centre Pompidou. Un centre culturel conçu par Renzo Piano et Richard Rogers, situé dans le cœur historique de Paris, et inauguré le 31 janvier 1977. Ce projet est fondamentalement une régénération urbaine du centre qui a été peu touché par les grands bouleversements Haussmaniens. Le grand bâtiment comprend le Musée national d’art moderne, le Centre de création industrielle, quatre galeries d’expositions temporaires supplémentaires, la bibliothèque Kandinsky et d’autres services du musée. Le Beaubourg se développe sur deux places piétonnes qui peuvent s’adapter sans difficulté à d’autres idéaux, en poussant les œuvres d’art en dehors des limites du bâtiment. La place principale, qui remplace le parc de stationnement à l’usage notamment des Halles proches, mais aussi de tout le quartier, constitue un espace symbolique où se rencontrent un centre de ville historique prestigieux et un Centre d’art ouvert à toutes les créations. L’entrée, le forum, reste en communication à la place par plusieu37
non ha ragione d’essere. Non solo : che il museo (la conoscenza) è un piedistallo su cui tutti possono salire per godere, democraticamente, di una vista maggiore e migliore, nonché da un punto di vista nuovo e affascinante”.3 Nous comprenons alors que le concept de White Cube est dans certains cas extrêmes et peut être pertinent pour le message que l’art tente d’exprimer après la période moderne.
Centre Pompidou plan, Richard Rogers Partnership Source : greatbuildings.com
Nous maintenant
rs portes et conserve elle-même quelque chose d’une place in-
constituent
Il est également vrai
un vaste plateau, entièrement modulable, et permet un parcours
que le cube blanc n’est
fluide.
comparé par certains critiques à une raffinerie de pétrole dans le centre de la ville. “Il Beaubourg con il suo aspetto da grande macchina giocattolo, con il suo continuo movimento, coni suoi spazi e la sua immagine tutt’altro che sacrali ed elitari, sembra affermare che la cultura è di tutti e che il timore reverenziale verso l’arte 38
dés-
Cube.
ces intérieurs sont extrêmement flexibles : chaque niveau forme
bâtiment, lui conférant un aspect extérieur très caractéristique,
la
obéissance du White
Il présente huit niveaux, dont deux se trouve au sous-sol. Les espa-
si que les différentes gaines techniques, rejetées à l’extérieur du
comment
les espaces industriels
térieure.
Son enveloppe est transparente et avec la structure porteuse, ain-
comprenons
pas aussi efficace pour Centre Pompidou, vue sur la place Source : lettera43.it
certains
types
d’art,
comme les installations
par exemple. Les deux systèmes cohabitent en représentant deux façons différentes de concevoir l’aménagement des musées. 3 MINUCCIANI Valeria, MARGARIA Maddalena, RONZINO Andrea, Pensare il museo. Dai fondamenti teorici agli strumenti tecnici, CET Casa Editrice Torinese, Torino, 2012, pag 52. “ Le Musée Beaubourg avec son apparence de grand jouet voiture, avec son mouvement continu, avec ses espaces et son image loin de sacral et élitiste, semble dire que la culture est de tous et que la crainte de l’art n’a aucune raison d’être. Non seulement : que le musée (la connaissance) est un socle sur lequel tous peuvent grimper pour profiter, démocratiquement, d’un point de vue en plus et meilleur, ainsi que d’un point de vue nouveau et charmant.” Traduction de l’écrivante Giulia Zucca.
Cependant, il faut admettre qu’en ce qui concerne les bâtiments industriels, il y a un risque ; aujourd’hui, nous avons atteint un point où ce n’est pas l’art que nous voyons d’abord, mais l’espace. Et nous ne devons pas négliger l’importance historique et humaine dont certaines industries peuvent temporairement détourner l’attention des travaux de l’art. Cet aspect détermine que la perception des oeuvres n’est pas pure, parce qu’entre l’oeuvre et le public est interposé l’espace industriel. Particulièrement dans les bâtiments des grandes industries historiques d’un pays, il est impossible de ne pas rester fasciné. Tout l’art ne peut être exposé dans des lieux historiquement différents du monde culturel. Le risque est de venir écraser par la mémoire et ne pas se comparer avec le passé. Ce facteur est commun à l’ensemble des bâtiments qui ne se posent pas en tant que musées, tels que les bâtiments historiques, dans lesquels leur beauté peut cacher les œuvres contemporaines.
39
CHAPITRE 2 PARTIE 2
Scénographie et art : un nouveau rapport La scénographie dans les espaces industriels
Bien qu’il y a la possibilité de rénover les espaces industriels, jusqu’à les transformer complètement de leur apparence initiale, dans ce chapitre, on va discuter des lieux qui conservent encore l’ “image“ industrielle. Ces bâtiments sont très peu affectés par les œuvres de restauration dans un point de vue esthétique ; ils sont touchés plutôt du point de vue technique, pour se conformer aux lois sur la sécurité, ils sont presque totalement retravaillés, mais en conservant la structure originaire de l’usine. Les espaces dont on parle sont appropriés à exposer l’art contemporain. En particulier, avec le terme « art contemporain » sont ici, bien entendu, les œuvres qui, depuis les années soixante, se diffèrent des traditionnels genres artistiques, telles que l’installation et l’art vidéo, qui n’ont pas besoin d’un support physique pour leur placement. C’est le contraire pour les œuvres encadrées qui ont toujours besoin d’un mur où les accrocher ou d’un socle pour les sculptures. Si, d’autre part, on assiste à une réhabilitation plus importante, il est possible de concevoir l’insertion des supports, par exemple des murs blancs, pour l’art plus traditionnel, comme il a été fait à l’intérieur de la Tate Modern Gallery de Londres. 40
Cette observation est due aux particularités physiques d’une usine qui, manquante d’ outils pour montrer l’art, s’adapte mieux à l’exposition de nouveaux genres artistiques. En outre, un canevas exposé , sauf s’il est d’une taille considérable, dans un espace tellement grand, risque de ne pas être comparable par rapport à l’immensité du hall, dans lequel il est placé. Ces réflexions sont valables, comme dit précédemment, pour les bâtiments qui n’ont pas subi des modifications particulières d’un point de vue structurel. Il est possible donc d’utiliser les caractéristiques propres qui offrent ces structures, plafonds très hauts, certains même de quelques dizaines de mètres. Les espaces sont rarement divisés en compartiments plus petits et cela accroît le sentiment que le bâtiment industriel est un véritable conteneur vide et flexible. Le concept du mur comme support fixe des expositions traditionnelles, acquis une spécification technique d’appareil mobile : le mur devient panneau et, en tant que tel, exprime son être davantage par la conception architecturale tout en participant à la définition de l’espace à l’intérieur de la chambre. Les caractères du Flexible Museum sont définis par Clarence S. Stein dans un article écrit en 1932 apparus pour la première fois sur
Architectural Forum et puis sur le magazine Museion. Il nous décrit
tant de la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, les fenêtres
donc les particularités et les possibilités qui donnent ce système
n’étaient pas très grandes et elles étaient placées à mi-hauteur du
muséographique:
mur. La taille des fenêtres c’était nécessaire pour éclairer convenablement la pièce et les activités manuelles des travailleurs. Plus
“(è possibile) disporre le sale in modo da valorizzare ogni oggetto in particolare; trasformare i locali secondo le nuove necessità; sviluppare le collezioni in modo sistematico; modificare l’illuminazione, sia naturale che artificiale; sperimentare nuovi metodi di presentazione senza alterare l’organizzazione generale. (…Per ottenere questi risultati, l’edificio richiede) grandi superfici di pavimento libere da ogni tipo di ingombro quali muri, colonne o tubature; pareti o tramezze interne, di aspetto piacevole e spostabili con il minimo sforzo, rischio e spesa; un sistema di illuminazione artificiale che permette di cambiare facilmente ed economicamente la disposizione delle sorgenti luminose; soffitti di cui si possa variare la struttura e la forma” 1 Les fenêtres et la lumière naturelle sont une caractéristique physique supplémentaire de l’usine qui doit être considérée. Sans vouloir généraliser, on peut noter que dans les bâtiments industriels da1 Basso Peressut L., Stanze della meraviglia. I musei della natura tra storia e progetto, CLUEB, Bologna 1997, pag.22. “ (Il est possible) organiser les pièces afin de mettre en valeur chaque objet en particulier ; transformer les locaux en fonction des nouveaux besoins ; développer les collections de manière systématique ; modifier l’éclairage, à la fois naturel et artificiel ; expérimenter de nouvelles méthodes de présentation sans modifier l’organisation générale. ( …pour obtenir ces résultats, le bâtiment nécessite) de grandes surfaces de sol libre de tout type de vrac, telles que les murs, les colonnes, ou les canalisations ; des parois ou des cloisons mobiles, d’agréables apparences qui peuvent être déplacées avec le minimum d’effort, de gestion, des risques, et de budget ; un système d’éclairage artificiel qui vous permet de changer facilement et économiquement, l’arrangement des sources de lumière ; des plafonds dont il est possible de varier la structure et la forme. “ Traduction de l’écrivante Giulia Zucca.
récemment, les fenêtres sont placées sur la partie supérieure du mur près du plafond. La disposition des fenêtres crée une ligne continue régulière des ouvertures, ce qui permet à la lumière naturelle de pénétrer dans une façon diffusante dans la halle, sans qu’une source directe d’éclairage, comme le sont les rayons du soleil, dérange la production. La lumière naturelle diffuse a toujours été appréciée par les artistes, car il n’éclaire pas directement les œuvres, au contraire des projecteurs de lumière artificielle ponctuelle qui empêchent la réflexion et la force plastique. Un des musées d’art contemporain très connu qui utilise la lumière naturelle comme sa seule source de lumière est la Fondation DIA : Beacon, à New York, un espace placé dans une vieille usine de cookies, dans le but d’exposer les installations et les grandes sculptures. La caractéristique de l’éclairage naturel exige que la Fondation reste ouverte au public uniquement pendant la journée, qui clairement varie selon les saisons. D’un côté, ces espaces ont un grand potentiel pour les artistes et leurs expositions, comme on a dit plusieurs fois ; la question alors est plutôt comment organiser ces lieux de si grande dimension ? On parle que des expositions temporaires de 3 à 6 mois de durée, 41
à l’intérieur, sauf par des colonnes en fer, et de l’éclairage naturel des grandes fenêtres. Les artistes qui se sont installés à Soho, Tribeca et l’East Village dans les années quatre-vingt, ont apprécié ce sentiment du décor brut et négligé que les lofts communiquaient. Pour la première fois, ces espaces sont façonnés comme quelque chose de différent, alternatif à l’égard de la mise en scène blanc neutre des musées, et cela a permis l’expérimentation des artistes avec beaucoup de liberté, à l’abri de contraintes. Dia Beacon, Andy Warhol, Rom 2, New York Source : artanddiasporablog.wordpress.com
Les murs, les plafonds et les coins sont devenus œuvres d’art elles-mêmes, comme raconte Brian O’Doherty dans son célèbre écrit contre le cube blanc : “ contexte as content “. L’intégration entre art
donc on peut imaginer le gros travail de scénographie chaque fois.
et espace a connu tellement de succès, que souvent, où il n’y a
Comment organiser la visite pour la faire comprendre au mieux?
aucune description, devient difficile distinguer l’espace d’exposition
Car plus l’espace d’exposition est grand, plus il peut accueillir un
de l’œuvre d’art. On a plusieurs fois dit que ces bâtiments se prés-
grand nombre d’œuvres et plus élevé est le risque que le visiteur
entent comme œuvres d’art elles-mêmes.
se perd ou qu’il reste pas satisfait, car il a mal compris l’exposition. Aujourd’hui, on retrouve ce même aspect, mais avec une différence Dans beaucoup de ces lieux, comme nous le verrons plus en
importante : dans les années soixante, les artistes gardaient ces
détail l’exemple de la Galleria Continua, sont maintenues, en plus
espaces très naturels pour s’engager dans un dialogue entre le
des éléments structurels et architecturaux, aussi les éléments de
travail et l’œuvre, et surtout, même s’il y avait l’intention, ils man-
“décor“ ou mieux l’état brut de l’abandon.
quaient des financements pour les remettre à neuf. Question qui aujourd’hui ne se pose pas, comme la plupart de ces espaces ont
Déjà à l’époque des espaces alternatifs ce phénomène caractéris-
été achetés par des particuliers, les collectionneurs qui n’ont pas
ait cette phase artistique d’espaces d’exposition : ces lofts étaient
les mêmes problèmes économiques des artistes de cette époque.
caractérisés par une forte expressivité en raison de l’ambiance industrielle du lieu, ressentie dans les énormes espaces pas divisés 42
On s’aperçoit qu’aujourd’hui il y a un discours lié aussi aux goûts et
à la mode, de plus de l’intérêt technique et pratique de la reconver-
En effet, celui-ci avait initialement été construit pour accueillir
sion de ces lieux industriels au niveau architectural, dont on a déjà
l’exposition universelle en 1937. Ensuite en 1995 de gros travaux
parlé. Le scénario de l’état en atteinte, des lieux détruits et surtout
étaient prévus pour une complète refonte du bâtiment, qui ont été
abandonnés est maintenant devenu l’un des décors les plus fasci-
arrêtés trois ans après. L’arrêt définitif du chantier en 1998 laisse
nants, donc, très recherché.
l’intérieur du bâtiment, lourdement démoli, dans un état de friche disponible pour une nouvelle phase dans l’histoire du Palais de
Pourquoi cet aspect d’abandon est-il devenu si intéressant dans
Tokyo.
tous les champs de l’art et même au-delà ? Une caractéristique qui sera exploitée avec le projet des architectes On voit cet univers apparaître également dans les films, les jeux
Jean-Philippe Vassal et Anne Lacaton qui déclarent la volonté de
vidéo, la mode et naturellement dans l’architecture.
montrer le bâtiment existant nu, dans l’état de friche avec lequel se présentait. Ils veulent garder la sensation de contraste entre l’ex-
On peut citer l’exemple parisien du Palais de Tokyo rénové en 2001,
térieur du bâtiment en bon état de conservation et l’aspect de fri-
consacré nouvellement à l’art contemporain.
che intérieur. Parallèlement il fallait confronter le projet de réhabilitation avec la modeste disponibilité budgétaire. C’est cet aspect de chantier industriel qui est recherché alors qu’au départ, le bâtiment ne ressemblait pas à cela. Un autre exemple très récent, qui nous montre comment ce décorlà est recherché et recréé même où l’architecture est loin de cette ambiance-là est le défilé de Chanel pour la collection Automne-Hiver 2013. On rentre dans la structure en verre du Grand Palais et on trouve une ambiance post apocalyptique, un décor de théâtre en ruine où le public lui-même fait partie de ce décor. L’aspect de friche abandonné attire autant qu’elle incarne la désolation, c’est quelque chose de nostalgique qui nous renvoie à un
Interieure Palais de Tokyo.
glorieux passé, mais aussi à notre présent d’incertitude.
Photo de Florent Michel 43
beaucoup plus directe, tant que la forme se présente neutre et facilement reproductible. En fait, les œuvres minimales sont placées directement sur le sol ou sur les murs, sans avoir à utiliser de socle et en exploitant les particularités physiques de l’endroit (angles, les plafonds, sols, etc.), tandis que la muséographie des années précédentes était comme une barrière entre les œuvres et les visiteurs. Sauf dans certains cas isolés, comme celui d’Allan Kaprow qui, déjà dans les années cinquante, avait prévu des activités pour le public : l’artiste se consacra à la construction de vrais environnements Le défilé Chanel au Grand Palais, le 2 juillet 2013. Photo Patrick Kovarik.
réels, où la participation du visiteur était attendue et souhaitée. Selon Allan Kaprow, la réception esthétique n’avait plus à être passi-
On ne peut plus parler d’œuvres autonomes : la personne-visiteur
ve et contemplative, mais active et stimulée par le travail, dont l’es-
est contrainte à explorer la perception de l’intervention dans un
sence éphémère pouvait inculquer un sentiment d’angoisse dans
espace défini.
le public, effrayé à l’idée de pouvoir frapper ou casser au hasard les œuvres d’art pendant la participation à la visite. Ce faisant, Kaprow
Le rôle du visiteur par rapport à l’art contemporain et en particulier
a éclaté la sodalité sacrée entre le public et l’aura intouchables de
avec l’art minimal achète une fonction différente en ce qui concer-
l’oeuvre, forçant le visiteur à devenir parti de l’expérience artistique,
ne tant la muséographie que les œuvres même.
en la modifiant à son tour.
Le Minimal Art en fait est complètement opposé au concept de la centralité de l’artiste, pour conduire au centre de l’attention plutôt le spectateur. L’œuvre d’art n’est plus une expression de l’ego de l’artiste, en effet, maintenant il confie très souvent la reproduction de ses œuvres d’art à des collaborateurs ou des employés des galeries, afin de limiter tout type de reconnaissance de la figure de l’artiste. La réception de la part de l’observateur est actuellement 44
’
CHAPITRE 3 PARTIE 1
Cas d’études Contexte parisienne
On retrouve quelques exemples des espaces, dont on a beaucoup
hérique en retard par rapport auxquelles de centre-ville, mais avec
parlé, dans les banlieues parisiennes. Les galeristes se déplacent
les mêmes paramètres de vitesse ? Aujourd’hui, on voit que les ga-
du centre et ils choisissent la banlieue ou la campagne qu’ils trou-
leristes ont la tendance à ouvrir une succursale plutôt que déplacer
vent plus adaptes à accueillir l’art contemporain.
leurs activités dans les quartiers centraux parisiens. Les motivations sont plusieurs : tout d’abord en se poussant vers
En effet en ce qui concerne l’art contemporain, on trouve en
l’extérieure il est possible de trouver des espaces qui acquièrent
banlieue une richesse culturelle qui n’a rien à envier au Marais ou
une identité forte ; une référence que difficilement on peut trou-
Saint German de Près ; où on retrouve une quantité très abondante
ver dans la quantité de galeries cote à cote par exemple du Marais
de petites galeries. En banlieue, il y a une concentration mineure
ou même dans les bâtiments haussmanniens où les espaces sont
par rapport aux galeries du centre-ville, mais au contraire on trouve
confinés et impersonnels, sauf quelques exceptions. Ici, au contrai-
des œuvres uniques, des artistes d’importance internationale. On
re, il est possible d’y accueillir des œuvres monumentales, incom-
parle d’une richesse en terme de qualité plutôt que de quantité.
patibles avec la galerie parisienne.
On voit donc la crème de la création contemporaine se déplacer de
De plus, les galeristes qui sont devenus connus à Paris avec leurs
l’autre côté du périphérique, notamment depuis une vingtaine d’an-
espaces n’auront pas de problèmes à attirer la clientèle, se faire
nées, lorsque la petite ceinture est accessible en métro, le nombre
suivre dans n’importe quels lieux et à quelles distances de Paris.
des centres d’art contemporain est augmenté à grande vitesse.
C’est le cas de l’américain Larry Gagosian à Bourget et de l’Autrichien Thaddeus Ropac à Pantin, qui ont été séduits par des surfa-
On parle soit des institutions comme le MAC/VAL, considéré com-
ces immenses extramuros ; deux noms avec une importante réput-
me le premier musée d’art contemporain de la banlieue. Il est un
ation dans le cadre de galeristes d’art contemporain en France et
des meilleurs en France dans la production d’art, danse et vidéo.
dans le contexte international.
Situé à Vitry-sur-Seine juste au sud de Paris. Comme par hasard, les deux galeristes ont inauguré leurs nouveLes galeries privées aussi se répandent dans le contexte périp-
aux espaces dans le même mois (décembre 2012) et en exposant 47
les mêmes artistes : Monsieur Gagosian a choisi la banlieue est,
zone à la frontière de la ville. L’institution a lancé avec ce projet un
vingt minutes du centre de Paris, près de l’aéroport de Roissy et
vaste programme de logements.
sur l’aéroport du Bourget ; Thaddeus Ropac est toujours dans la banlieue est, mais plus proche de Paris et pas loin d’une ligne du
Les endroits, les quartiers pour exposer l’art se sont déplacés du
métro et du RER.
centre peu à peu vers l’extérieur de la ville en suivant les mutations sociales urbaines de Paris.
La création de galeries décentrées ouvre les frontières géographiques de la ville en suivant le programme du projet urbain du Grand Paris, en dépassant les dernières modes, comme l’exemple de Belleville. Quartier qui vient de connaître une multiplication des espaces dédiés à l’art, jeunes galeries qui de plus en plus se sont installées ici et qui ont profité des loyers modiques de boutiques désaffectées. C’est exactement la même dynamique qui est en train de se dérouler pour les espaces urbains extra-muros, en attirant les galeristes qui doivent faire face aux prix exorbitants d’un espace d’exposition à Paris. Les banlieues pourront devenir donc les nouveaux protagonistes de l’art, mais en gardant toujours le contact avec le centre-ville ; on ne parle pas d’abandon, mais de création et de croissance de la ville culturelle, surtout par rapport à l’art contemporain. En 2008 la ville a accueilli le CentQuatre dans le 19e arrondissement, situé dans l’ancien site des pompes funèbres, au bord de la ville avec la perspective de valoriser le quartier; aujourd’hui, il peut être considéré comme un pont entre le centre et les banlieues. Un immense complexe de bâtiments qui s’étend sur environ 35 000 mètres carrés de planchers a été créé dans le but de supprimer l’écart entre le monde de l’art et le public, et en particulier pour la 48
CHAPITRE 3 PARTIE 2
Cas d’études Maison Rouge
LE PROJET DE LA FONDATION – Antoine de Galbert
squ’il ouvre sa galerie à Grenoble, il commence son chemin vers le mécénat artistique. Après une centaine d’expositions où il devient « le meilleur client de sa galerie » comme il se décrit, il décide de mettre en place un projet plus ambitieux dans la capitale française. Il met donc fin à son activité en 1997 à Grenoble et il déménage à Paris où l’idée d’ouvrir un lieu consacré à l’art contemporain se concrétise en 2004. Il s’agit d’une fondation privée, qui prévoit une dotation initiale en capital du fondateur, mais elle est en même temps reconnue d’utilité publique, c’est-à-dire sans but lucratif et sur le long terme. Ce lieu doit être une « maison » ouverte à tous, il veut être différent et en même temps complémentaire aux autres structures dédiées
Vue depuis le boulevard de la Bastille Source : archives.lamaisonrouge.org
à l’art contemporain et se situe entre les établissements publics et le marché de l’art présent à Paris. La fondation a pour mission d’exposer la collection de plusieurs
En 2004 le collectionneur d’art contemporain et ancien galeriste
collectionneurs, et pas seulement du fondateur : trois expositions
Antoine de Galbert inaugurait la Maison Rouge en choisissant une
par an qui proposent chaque fois des thématiques très différentes,
ancienne usine de lithographies, dans le quartier de la Bastille.
une programmation qui stimule la curiosité du public. Parfois, on
Le fondateur, un des héritiers du groupe Carrefour, formé à Scien-
trouve des expositions monographiques ou thématiques, artistes
ce-Po, s’intéresse à l’art comme autodidacte seulement après ses
connus et inconnus, collections européennes et extra européens,
études et sa première vie professionnelle. À partir de 1987, lor-
avec des commissaires parfois de la fondation, parfois extérieures. 49
La maison rouge possède une liberté absolue dans le choix de ses
Germe Architectes ce constitue en la reconstruction à l’identique
sujets d’exposition, tel que, parfois, elle propose des thématiques
des pièces intérieures des collectionneurs anonymes où les œuv-
tabou (par exemple l’exposition Sots art, sur un art politique qui se
res ont été conservées. Le domaine privé des collectionneurs sort
développe clandestinement en Russie à partir des années soixan-
alors dans un environnement public.
te-dix, ou Sous influence, sur les effets des substances psychotropes).
Exposition Sous influence, Jeanne Suspuglas, L’Aspirine c’est le champagne du matin, LED, aluminium, 2009. Source : archives.lamaisonrouge.org
Exposition inaugurale : L’intime, le collectionneur derrière la porte, Scénographie de Thierry Germe Architectes Source : www.germe-architectes.fr
La majorité des expositions monographiques concerne des artistes
On retrouve des grandes boites en bois dans lesquelles sont recon-
vivants en milieu de carrière, peu connus en France. Celle-ci fait
struits une chambre, une cuisine, des toilettes, un salons, etc. prés-
partie des caractéristiques qui font relever la particularité de cette
entés avec des meubles et objets personnels, qui entourent les
galerie.
œuvres exposées, exactement comme chez les collectionneurs.
En juin 2004, la Fondation ouvre avec l’exposition L’intime, le col-
Chaque exposition est montée selon une scénographie très bien
lectionneur derrière la porte, qui reste emblématique dans la pro-
pensée grâce aussi à la flexibilité de l’espace et des travaux de
grammation et par rapport aux intentions de la Fondation. Dans
réhabilitation éffectués.
cette exposition, la scénographie conçue par le cabinet Thierry 50
LE CONTEXTE ET LE PROJET ARCHITECTURAL
La réhabilitation de la friche a été confiée à Jean-Yves Clément de
Le quartier de Bastille, après avoir représenté depuis des années
l’agence Amplitude de Grenoble, exepté pour les espaces d’ac-
une zone dégradée tristement connue pour le taux de criminalité
cueil qui ont été décorés par l’artiste Jean Michel Alberola. Les sal-
élevé, a repris de la valeur grâce principalement à l’ouverture de
les d’exposition sont réparties autour de la maison peinte en rouge,
l’Opéra Bastille en 1989.
d’où la dénomination de la fondation (la maison rouge), qui accueil-
Le quartier est un endroit peu fréquenté par les artistes contempo-
le les bureaux administratifs de la fondation.
rains, mais Antoine de Galbert a trouvé le bâtiment charmant pour
Dans le projet, l’architecte a essayé de respecter la configuration du
mettre en place son idée. Il reste en position centrale par rapport à
lieu en prénant en compte la verrière tout autour de la maison et la
la ville et n’est pas éloigné du Marais (en échappant à la présence
proportion des espaces. Il propose quatre salles d’exposition avec
de trop de galeries l’une à côté de l’autre).
des configurations très différentes sur une surface de 1300 m2 auxquelles s’ajoutent une salle de conférences, une libraire, un café et
Le bâtiment qui accueillit la Maison Rouge est à première vue in-
un patio (seule fonte de lumière naturelle), utilisé parfois pour des
visible, lorsqu’on se promène le long du boulevard de la Bastille et
installations parfois comme terrasse du café.
du bassin de l’Arsenal. La parcelle de la Fondation est située derrière un immeuble d’habitation de 7 étages et il compte 2500 m2 environ. On est en face donc d’un espace vaste complètement caché dont on ne devinerait pas la présence. Dans la cour de l’immeuble, une petite maison en brique de trois étages avec jardin est aujourd’hui le cœur de la Fondation. Cette habitation de la fin du XIXe siècle devient le siège de la société V.Bouzard et Fils, qui entreprend la fabrication d’équipements de photogravure. Le bâtiment qu’Antoine de Galbert choisi est un pavillon en briques entouré des constructions métalliques hétérogènes avec une verrière à charpente métallique rivetée que l’entreprise Bouzard avait ajouté au fur et à mesure qu’elle grandissait.
Couloir d’entrée, pavillon en brique et patio dehors la verrière Source : archives.lamaisonrouge.org
51
On rentre dans le bâtiment sur la rue pour traverser l’espace d’ac-
compte de la possible interaction directe avec le public.
cueil, qui constitue l’espace filtre entre la rue et la véritable exposition, où l’on voit des couleurs vives et une écriture sur les murs
À côté du pavillon rouge, ce situe le café/restaurant. Depuis 2010
verts « …une corne d’antilope, un collier de poils de chèvre, un filet
la Maison Rouge a établi un projet en collaboration avec Rose Ba-
de cordes tressées… »1
kery (déjà connu par les parisiens) : trois fois par an la décoratrice/ scénographe Émilie Bonaventure change le décor de l’espace de
Une fois dépassée la porte en verre qui nous amène au début de
restauration, pas forcément en lien avec les expositions de la Fon-
l’exposition l’espace autour de la petite maison ; on arrive donc
dation.
dans le deuxième espace, plus vaste avec une forme complètement irrégulière appelée la salle polygonale. Ensuite nous tombons
La boutique reste en dehors de la structure, elle est situé au 10bis le
sur l’espace autour de la maison rouge qui amène aux deux autres
long du boulevard. Elle est spécialisée en ouvrage d’art contempo-
salles qui font partie d’une autre structure, construites sur deux de-
rain et parfois est le siège d’évènements comme des conférences,
mi-niveaux différents. En descendant encore, on trouve le vestibu-
tables rondes, colloques et concours.
le, un grand espace qui permet différentes performances et installations particulières ; il s’agit d’un espace qui jouit d’une certaine
SCÉNOGRAPHIE D’EXPOSITIONS
autonomie qui permet à l’équipe de la Maison Rouge de faire leur
Chaque exposition présente une organisation très différente de l’e-
choix avec liberté.
space, et cela est possible grâce à la totale flexibilité des espaces.
Salle polygonale vide. Source:www.amplitude-architectes.com
Le dernier espace, le seul
L’agence d’architecture a décidé de garder cette caractéristique in-
à l’extérieur est le patio, le
dustrielle d’espace libre.
jardin de la maison entouré
La question de la flexibilité est centrale pour le développement
par les vitres de la verrière,
de la conception de ce projet; une flexibilité maximale des espa-
pour lequel souvent des ar-
ces et outils d’exposition (panneaux, cloisons amovibles, etc. ) sont
tistes conçoivent des œuv-
présents et ils permettent un changement continue de l’espace, en
res adaptées. En été cet
créant des systèmes de salles et des tunnels divers, avec de tailles
espace doit être reutilisable
différentes et des proportions modifiables en permanence, en fon-
et accessible pour fonction-
ction des besoins.
ner comme terrasse, donc les installations doivent tenir
Une des dernières expositions était Le Mur - œuvres de la col-
1 Extraite d’un manuel d’ethnographie du XIXe siècle, qui détaillait le contenu du panier d’un féticheur du lac Tanganyika (en Tanzanie).
lection Antoine de Galbert : pour la première fois à la Maison Rouge
52
sont exposées toutes les œuvres de la collection d’Antoine de Galbert en occasion du dixième anniversaire de la Fondation. Pour cette exposition ils ont utilisés tous les murs disponibles, 200 mètres de long sur 3 mètres de haut à disposition pour 1200 œuvres, disposées cette fois-ci avec une spécificité remarquable, aucun commissaire, aucun choix raisonné pour l’accrochage : l’ordre d’accrochage est décidé par un logiciel qui, avec des calculs nu-
FLORIAN PUGNAIRE ET DAVID RAFFINILE - Patio
mériques et à travers des techniques probabilistes, associe les po-
COEFFICIENT DE POISSON - 13 février au 11 mai 2014
sitions et quelles œuvres seront mise côte à côte. On ne peut pas trouver un sens logique habituel, pas de chronologie, pas de sens dimensionnel, ni de forme ; on retrouve donc des murs de différentes couleurs recouverts d’une bande d’œuvres toutes attachées les unes aux autres. Le seul fil rouge qui semble être présent est constitué par les œuvres de Claude Rutault qui a créé plusieurs toiles peintes de la même couleur de chaque mur et les a placées sur la paroi correspondante.
MATHIEU PERNOT ET PHILIPPE ARTIÈRESL’ASI LE DES PHOTOGRAPHIES - 13 février au 11 mai 2014
Même le parcours est délégué aux visiteurs qui se promènent et croise le chemin d’autres personnes, guidées par leur propre goût et instinct. Les cartels restent dans la conception numérique : les descriptions sont données par des totems-tablet qui reproduisent à chaque salle la photo du mur avec les œuvres sur lesquelles il est possible de cliquer pour avoir plus d’information.
LE MUR - LA COLLECTION ANTOINE DE GALBERT 14 juin au 21 septembre 2014
53
05
04 La salle polygonale dans l’exposition Le Mur montre sa forme réelle. Les oeuvres utilisent tout l’espace sur les murs existants.
Cette salle normalement vide est remplie avec une grande boite grise, qui divise l’espace en deux, à travers laquelle c’est possible de passer. De plus les oeuvres en premier plan sont accrochées comme suspendues dans la salle.
03
Le patio derrière la verrière est le seul espace à l’extérieur. Il est souvent utilisé pour des installations.
Couloir d’entrée où sont reprises les couleurs rouge et gris du pavillon. 54
02
Photos de Giulia Zucca et autres
01 LE VESTIBULE
Le vestibule situé au R-1 est dédié aux oeuvres spéciales ou à des performances. Il est joignable par les escaliers se la dernière salle.
La cafeteria située dans une partie du pavillon rouge.
05 01
02
03
04
04
Exposition d’Art Brut : dans la salle polygonale ont été créés des murs qui forme autre espace et qui fonctionnent comme support pour exposer la grande quantité des oeuvres.
55
CHAPITRE 3 PARTIE 3
Cas d’études Galleria Continua
PROJET GALLERIA CONTINUA - Mario Cristiani, Lorenzo Fiaschi et
autre espace reconverti, cette fois c’est une usine d’armement : la
Maurizio Rigillo.
Factory 798, un complexe industriel des années cinquante qui est maintenant devenu l’adresse “à la mode” pour les artistes et les collectionneurs. La galerie a trouvé un moyen de renforcer le discours commencé vingt ans plus tôt, en présentant, en Chine, les artistes occidentaux et en même temps ils ont « importé » en Italie, les artistes contemporains asiatiques. Seulement trois an plus tard (2008), une autre usine, cette fois en France, a été remarquée par les fondateurs italiens : pas dans Paris,
Vue exterieure de la Galleria Continua Source : montour1959lasuite.blogspot.fr
ni dans le Marais, mais à la campagne, à 70km de Paris, à Boissy le
La Galleria Continua est un projet qui a été créé à San Gimignano
Un choix qui apparaît insolite pour installer une galerie, mais se
(au cœur de la Toscane) en 1990 par trois amis : Mario Cristiani,
révèle une réussite grâce à ses vernissages et visites organisées
Lorenzo Fiaschi and Maurizio Rigillo. Galleria Continua s’est dével-
pour les écoles et surtout exposant des artistes contemporains très
oppée dans le centre historique de la ville. On retrouve donc une
connus comme Ai Weiwei, Michelangelo Pistoletto et autres.
Chatel.
galerie d’art contemporain installée dans un endroit tout à fait inattendu loin de la modernité des centres urbains, dans une ancienne
Les choix de l’espace sont retenus pour les trois galeries. La re-
salle de cinéma.
cherche se concentre sur des bâtiments à réutiliser chargés d’histoire et d’esprit, ce qui a permis de forger une solide réputation
Une idée qui se développe et qui grandit surtout pendant les an-
au lieu. Comme ils le déclarent, ils veulent créer une continuité, un
nées 2000 : exactement en 2005 ils ouvrent un nouvel espace hors
dialogue entre l’architecture abandonnée, l’histoire qui nous par-
de l’Europe, en Chine, dans la capitale chinoise Pekin. Cela fut une
vient à l’état final, et l’histoire actuelle liée aux pratiques créatives
des premières expositions d’une galerie occidentale en Chine. Un
et contemporaines.
56
Il s’agit donc d’un lieu capable de produire des œuvres contempo-
Tous ces facteurs créent un nouveau dynamisme dans la ville, dans
raines stimulantes et exigeantes dans un espace où on ne les at-
le secteur touristique et même artistique : la galerie de Moulin de
tendait pas, sans subir les contraintes spatiales et temporelles des
Boissy compte déjà 30.000 visiteurs venus du monde entier pen-
institutions artistiques classiques.
dant ses trois premières années (parmi eux des habitants de la région, des Parisiens et des visiteurs internationaux).
Ce n’est pas qu’une question artistique, mais en plus ce projet culturel a le potentiel de créer et de stimuler une véritable économie. Grâce à l’acquisition, en 2010, de l’ancienne papeterie de Sainte-Marie, le deuxième espace ouvert toujours à Boissy le Chatel, à 1km de Moulin de Boissy, on peut constater que la Galleria Continua a déjà réhabilité et mis aux normes deux grands hangars situés au cœur de l’ancienne papeterie. Depuis 2011, ces deux superbes espaces d’exposition, de 1500 m2, accueillent aujourd’hui de grandes expositions monographiques d’artistes du monde entier, tels que Kader Attia, Daniel Buren, Mona Hatoum, Anish Kapoor et Sislej Xhafa.
“ Il faut reconnaitre que nos trois enjôleurs ont su séduire dans leur sillage les meilleures galeries, de Chantal Crousel à Hauser & Wirth, et leur proposer de montrer ici de colossales installations que peu d’espace parisien saurait accueillir, au rythme d’environ deux expositions par an. “ 1 Les acteurs de la galerie sont très actifs dans le milieu de l’art international, en effet aujourd’hui ils participent à 33 foires internationales : la Fiac (France), Art Basel (Suisse), Art Basel, Miami Beach (États-Unis), Armory Show (États-Unis), Art Brussels (Belgique), Art Dubaï(Émirats arabes unis), Artissima (Turin), Arte Fiera Bologna (Italie),Art HK (Chine), ShContemporary (Chine), etc. À partir de 2008, la Galleria Continua participe et accueille en même temps un nouveau projet d’exposition : Sphères. Il s’agit d’une exposition collective où sont invitées chaque année plusieurs autres galeries internationales, ce qui permet au visiteur de voir un grand nombre d’artistes de réputation. En cassant les clichés d’une supposé « concurrence » entre les galeries d’art contemporain, ce projet est justement le manifeste d’une prise de position dynamique au sein du domaine profession-
SPHERES 2008, Daniel Buren, En enfilade : travail in situ, Octobre 2007, Galleria Continua Source : www.galleriacontinua.com
nel de l’art et de son marché. Finalement, on voit une initiative qui 1 Beaux Arts magazine, Special Paris, pag.109
57
aspire à ouvrir la voie à des projets inédits et ambitieux.
ciété pour la fabrication d’objets moulés (SOFOM), qui fermera en mai 1969.
Ce lieu est considéré donc comme un point de rencontre, un lieu
Par la suite, cela devient une usine de meubles et de caissons à
de tous les possibles, où chacun dialogue avec ses équivalents.
horloges, plus connue sous le nom de l’entreprise Mazzoleni. Après ce dernier changement dont l’activité cessa au milieu des
CONTEXTE URBAIN – Moulin de Boissy
années 90, les locaux restent vacants et constituent une friche in-
Boissy-le-Châtel, auparavant appelée Boissy-sur-Morin est une
dustrielle comme grand nombre d’autres sites d’anciens moulins
bourgade de près de 3100 habitants, située en Seine-et-Marne, à
dans la vallée du Grand Morin.
65 km de Paris, 30 km de Marne-la-Vallée, et 4 km de Coulommiers (code postal : 77169).
Rien ne change jusqu’à ce que la Galleria Continua décide d’investir
Une heure et demie en voiture sépare la ville de Paris. En transport
le lieu et décide d’en conserver le nom habituellement utilisé pour
public : il faut prendre le Transilien P jusqu’à Chailly-en-Brie et pren-
qualifier « Le Moulin de Boissy », endroit bien connu dans la région.
dre la correspondance avec le bus pour Boissy le Chatel. L’arrêt du bus est à côté de la Galleria Continua.
Concernant la manufacture de Sainte-Marie (espace ouvert en
Pendant de longues années cet espace fut considéré comme la
2014) elle a été fondée en 1820. Son succès est tel qu’en 1836 elle
papetière de la vallée du Grand Morin, le principal affluent de la
devient la première société papetière française.
Marne. C’est la fabrication du papier qui a fait la réputation du vil-
La Société des papeteries du Marais et Sainte-Marie conserve ju-
lage.
squ’à la fin du XIXe siècle la réputation de ses produits (utilisation de papier de grand luxe), confirmée par les plus hautes récompenses
LE BÂTIMENT
lors de toutes les Expositions universelles. L’usine de Sainte-Marie
L’usine du Moulin-de-Boissy avant de devenir une papeterie, était
cesse définitivement ses activités en 2006.
autrefois un moulin à blé, puisque jusqu’à la Révolution il a été le
Mais en 2010, Galleria Continua se lance dans un nouveau projet,
moulin dans lequel les habitants du village venaient moudre le fruit
toujours poussée par le désir de continuité entre les époques, en
de leurs récoltes.
faisant l’acquisition de cette usine chargée d’histoire . La papeterie de Sainte-Marie date du XVIIe siècle et s’étend sur plus de 15
Cet ancien ensemble de bâtiments industriels repose sur des fon-
hectares, avec une surface bâtie de 30000 m2 répartie en plusieurs
dations datant du XIIIe siècle. Mais c’est seulement à partir de 1833
édifices témoin de diverses époques.
que le Moulin-de-Boissy exerce l’activité d’usine à papier. En 1955, le Moulin se transforme en une usine de plastique, la So58
Ai Weiwei, Ordos 100 Model, 2011, Galleria Continua Source : www.galleriacontinua.com
SPHERES 2103, Fabien Charuau, Ways of the Road Series, Galleria Continua Source : www.galleriacontinua.com
LA SCÉNOGRAPHIE D’EXPOSITION
mezzanine autour, dans laquelle l’exposition continue. Cette con-
Ma visite concerne le Moulin de Boissy, avant l’ouverture du deu-
ception de l’espace “ White Cube “ est totalement inversée par rap-
xième espace.
port au réel début du parcours. La visite est guidé par une employée de la galerie, qui mène les vi-
L’entrée donne sur une immense pelouse sur laquelle on voit les
siteurs à travers le parcours et leur explique les œuvres qui ne sont
premières installations d’art ; mis à part un mur peint et les fenêtres
pas compréhensibles au premier regard.
colorées au fond du bâtiment, le reste de l’usine semble encore abandonné.
Les oeuvres sont fortement liées à l’espace, quelques-unes sont conçues directement avec les éléments du lieu. Il n’existe pas une
Le bâtiment est si vaste que ce n’est pas facile à trouver une entrée
vraie scénographie, mais c’est l’artiste même qui remplit l’espace.
ou un accueil.
Un batiment qui est très marqué par le temps, on voit des fissures
Une fois trouvée, on rentre dans la première salle, qui dans le par-
dans les murs et des machines pour la production qui ont été lais-
cours de visite deviendra la dernière, et on note toute de suite que
sées volontairement. Tout le bâtiment semble être encore aban-
c’est un espace atypique par rapport à l’extérieur et au reste des
donné et on pourrait dire que les oeuvres ont grandi avec le temps.
espaces. Le visiteur a l’impréssion d’être rentré dans une galerie “normale” (à l’éxeption de la typologie du bâtiment) parce que l’e-
Le choix de laisser le bâtiment avec son aspect de friche détruit
space est totalement blanc éclairé par la lumière zénithale et une
par le temps est une des caractéristiques principale du projet. Ils 59
veulent recréer dans le même lieu la contemporanéité du passé,
Il y a une continuité entre les expositions passées, celles présentes
du présent et du futur. Le lieu a un rôle si important qu’il devient
et celles qui sont en prévision.
parfois plus impotant que les oeuvres. Les oeuvre sont choisies en
En effet, la Galleria Continua aime maintenir une continuité physique
fonction du lieu et si l’oeuvre n’est pas capable de communiquer
et visuelle entre les différentes œuvres exposées. Par exemple, les
avec son contenant elle ne sera pas selectionnée, particulièrem-
« long-term projects » de Daniel Buren, Chen Zhen, Leandro Erlich,
ent puisqu’il s’agitd’oeuvre destiné à la vente. Il ne faut pas oublier
Yona Friedman, Kendell Geers, Michelangelo Pistoletto, Shen Yuan
qu’on parle toujours d’une galerie et non pas d’un musée et si l’o-
et Pascale Marthine Tayou font résonance aux expositions passées.
euvre n’étonne pas, elle sera difficile à vendre aux collectionneurs.
De même, certaines pièces sont montrées comme «special view», il s’agit d’œuvres qui ne font pas partie du projet thématique de
Il est possible, à travers ces œuvres, de s’approprier le temps grâce
l’exposition et qui ne sont pas connues, mais elles sont en transit,
à la création d’installations Site-specific. À la base de chaque projet
prêtes ou stockées exceptionnellement au Moulin.
artistique se déplie une conversation entre la subjectivité de l’artiste et la spécificité du site.
Pascale Marthine Tayou, Open Wall, 2010 Source : www.galleriacontinua.com
60
SPHERES 2013, Voluspa Jarpa, Surface Tension, 2012 Source : www.galleriacontinua.com
AndrĂŠ Komatsu, Febre do Ouro, 2014 Source : www.galleriacontinua.com
Pascale Marthine Tayou, ABOBO, 2012 Source : www.galleriacontinua.com
SPHERES 2013, Liliana Porter, Man with Axe, 2012 Source : www.galleriacontinua.com
61
04 Ici l’artiste Michelangelo Pistoletto s’approprie de toute la salle pour son Labyrinthe.
07
Ici Loris Cecchini utilise les poteaux de la halle pour son installation Cloudless de câble en acier, conçue express pour la Galleria Continua.
05
Ici Daniel Buren qui a conçu les fenetres de la grande Halle et les a multiplier à l’interieur de l’espace.
Vue de la grande Halle
06 62
Photos de Giulia Zucca et autres
Perspective du couloir qui dessert les salles du premier étage. À la fin duquel se trouve le balcon sur la grande halle. Les machines de la vieille usine sont encore presentes et sont utilisées pour les installations des artistes. Ici Liliana Porter.
02 04
03
03
02
05 06 01
Ici l’artiste Zahanna Kadyrova joue avec les éléments structurels du lieu.
07
01
08
08
La salle blanche avec la mezzanine dans le parcours est la dernière à visiter et accueillit un seul grand projet d’un artiste renommé. Ici Ai Weiwei.
63
CHAPITRE 3 PARTIE 4
Cas d’études Le Silo
LE PROJET DE LA GALERIE
des artistes comme Daniel Buren ou Richard Serra. En principe, le couple Billarant préservait ses œuvres stockées dans quatre containers, ce qui semblait absurde, d’oùb alors le choix de les partaRobert Barry, le Silo Photo abrideabattue.blogspot.fr
ger avec un public.
“ Nous n’avons jamais acheté pour accrocher l’oeuvre chez nous. Nous l’avons dans la tête, répertoriée sur nos fiches “ Françoise Billarant Le couple a besoin d’un lieu où exposer ses œuvres souvent de Le Silo, vue extérieure Photo de André Morin
grandes tailles : ils choisissent la banlieue nord-ouest de Paris pour des questions de commodité de mouvements, car ils habitent vers le 17e arrondissement, et pour des questions économiques.
Pendant 30 ans, Jean-Philippe Billarant et Françoise ont établi des relations amicales avec certains des artistes les plus connus dans le monde de l’art contemporain et d’autres moins notoire, en composant une collection d’œuvres d’art conceptuel et minimal. La collection qui grandit depuis des années compte des œuvres 64
Ils se rendent donc au CAUE (Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement) du Val- d’Oise, où l’architecte propose cinq endroits, le couple choisira le dernier. Déjà à première vue, depuis la rue, le bâtiment avait attiré l’attention des collectionneurs, qu’ils avaient immédiatement consideré comme parfait pour leurs artistes. De plus, ceux-ci sont des artistes qui
expriment leur créativité minimale et géométrique, ainsi que monu-
sne et du Sausseron.
mentale, ce qui explique le choix de cette usine. Il est plutôt difficile de parvenir à la galerie d’art si l’on n’est pas éqLe bâtiment date de 1962 et comme l’on peut déduire de sa forme
uipé d’une voiture ; la galerie étant située à une heure du centre. En
imposante il a fonctionné comme un silo à grain.
transports publics, il faut prendre le RER A en direction Cergy-Pre-
Il ne s’agit ni d’un musée ni d’une fondation, mais c’est simplement
fecture et ensuite prendre un bus dont la fréquence de passage est
un endroit d’exposition privée que le couple Billarant a ouvert sans
très rare, qui parcourt la route de Briançon et depuis laquelle il est
demander ni recevoir d’aide financière.
possible d’apercevoir le bâtiment et de le reconnaître immédiatem-
Pour visiter l’espace, il faut prendre rendez-vous avec les pro-
ent par la partie haute du Silo.
priétaires qui se déplacent spécialement de Paris pour guider les visiteurs pendant la durée de l’exposition de leur collection qui est
Le bâtiment du centre de Marines était destiné à la ruine si le couple
renouvelée de temps en temps.
Billarant ne l’avait pas choisie pour leur collection. C’est un bâtiment de forme particulière considéré , même par les collectionneu-
Les œuvres achetées ne sont pas choisies avec le seul but de les
rs, comme une “sculpture de plus à notre collection”. Il se prés-
vendre ni selon un goût esthétique, mais le choix est lié à la con-
ente comme un coffre-fort, sans trop de fenêtres, avec la tâche de
naissance et à la découverte de toutes les significations de l’œuv-
protéger les œuvres de valeur, car l’édifice n’est pas habité par les
re. En effet, à la base de leur chemin de collectionneurs il y a une
propriétaires qui y vont seulement quelques jours par semaine.
étape importante qui est la rencontre avec l’artiste, en lui posant des questions, car il est le premier médiateur de ses œuvres.
Le couple s’est adressé à l’architecte Dominique Perrault pour la réhabilitation du bâtiment : il propose un projet trop imposant, qui
Et c’est pour cela que la visite de l’exposition est accompagnée par
semblait détruire l’esprit de lieu, où ce qui était à bâtir aurait prévalu
eux-mêmes, ils connaissent par coeur l’histoire et la signification
sur les œuvres d’art. Il a lui-même recommandé un autre architecte
de chaque œuvre de leur collection, chaque artiste est devenu en
plus jeune et non-conditionné par sa longue carrière et le choix est
cette manière un très cher ami.
tombé sur Xavier Predine-Hug .
CONTEXTE URBAIN et PROJET ARCHITECTURAL
Le jeune architecte réinterprète le bâtiment et ses activités ante-
Le Silo est situé à Marines, un petit village de 3300 habitants, si-
rieur sans toucher trop à la forme et la structure existante. L’espace
tué dans le département du Val- d’Oise dans la région de l’Île-de-
a gardé son âme en laissant respirer les oeuvres.
France, à 50 km au nord-ouest de Paris entre les vallées de la Vio-
Les façades extérieures n’ont pas été touchées à l’exception d’une 65
fenêtre étroite et longue sur la façade postérieure.
De plus, ils ont ajouté un plancher qui divise le grand espace en deux étages, en augmentant la surface d’exposition. Plus encore,
Chaque intervention effectuée est reconnaissable par des signes
une mezzanine au deuxième étage permet une vision globale sur
sur le sol ou sur les murs, car le projet a voulu unifier les cellules
toute la salle deux (le premier étage), et sert de bureau, elle prés-
trop petites pour les œuvres, en un grand espace qui garde quand
ente également deux petites salles d’exposition.
même la division spatiale. De plus le grenier qui s’étendait tout le long du bâtiment a été
La dernière intervention a été faite directement en collaboration
détruit, mais il est possible de voir le découpage en haut des murs.
avec l’artiste Danier Buren et on la decouvre en haut de la grande tour de 16 mètres. En effet, depuis la mezzanine il est possible de
Parmi les changements, on remarque que le toit est entièrement
monter par un escalier en fer qui amène à un petit appartement
refait, pour une question de sécurité, mais les ouvertures des velux
réservé au couple, composé d’une pièce avec lit, toilettes et cuisi-
ont été respectées. Le toit, dans ce cas-là, fonctionne aussi com-
ne. L’artiste Daniel Buren a voulu décorer cet espace personnelle-
me support pour les radiateurs ; une astuce qui en évite la vision
ment avec les habituelles bandes verticales d’un rose très fort, qui
directe et surtout qui ne dérange pas l’exposition d’art.
suivent une ligne oblique le long du périmètre du studio.
Le Silo à gran avant la réhabilitation.
Le Silo à gran après la réhabilitation.
Photo du cabinet Xavier Predine-Hug
Photo de Giulia Zucca
66
l’architecture du lieu est fondamental pour l’oeuvre : c’est le cas LA SCÉNOGRAPHIE D’EXPOSITION
de l’installation Red/Blue de Krijn de Koning au deuxième étage.
La caractéristique que l’on voit déjà depuis l’entrée est la volonté
Françoise, la propriètaire, me raconte qu’ils ont essayé d’imaginer
scénographique et architecturale de créer une perspective qui tra-
plusieurs placements pour cette oeuvre de dimension importante
verse tout l’espace en son centre. La perspective est créée par une
qu’ils avait achetée depuis 1999 et qui n’a été exposé qu’une seule
ligne sur le sol qui marque le mur qui divisait l’espace en deux. Les
fois, au ‘Sonderausstellung’ d’Art Colonge. Finalement, ils décident
murs, qui sont perpendiculaires à cette ligne, s’arrêtent avant de la
de la reconstruire autour d’un poteau en gardant les idées princi-
toucher pour laisser justement un angle de vision qui permet de
pales du travail de l’artiste. Les constructions de De Koning sont
voir jusqu’au fond du bâtiment. La perspective est aussi marquée
de vraies architecture qui veulent établir un équilibre entre le lieu
sur le mur du fond grâce à la longue fenêtre positionnée dans la
et son inscription dans ce lieu, ainsi que dans la relation du corps :
continuité de la ligne au sol.
celui de l’artiste et celui du spectateur.
Les artistes ont beaucoup joué avec cet élément architectural : au deuxième étage l’artiste Niele Turoni pose son pinceau N.50 et avec ses empreintes répétées à intervalles réguliers de trente centimètres, créant un triangle autour de cette fenêtre avec la pointe finale dessiné directement sur celle-ci. Il voulait interférer et donner sa vision artistique sur la seule vue possible depuis l’arrière du bâtiment, une vue sur la nature. De l’autre côté du bâtiment, le dessin de la fenêtre est repris par Michel Verjux qui “découpe” le mur au milieu avec une projection de lumière. Les emplacements de chaque oeuvres sont décidés par les propriétaires eux-mêmes, qui se préoccupent de reproduire en ma-
Krijn de Koning, Red/Blue, Le Silo Photo de Giulia Zucca
quette à échelle réduite les installations. Ils proposent leur idée
La trame des cellules qui a été gardée permet à chaque fois de
d’exposition et en parlent avec chaque artiste, pour avoir leur avis,
regrouper volontairement des oeuvres en créant comme des salles
et ensuite changer éventuellement la position ensemble.
individuelles et permettant la vision globale de l’espace qui laisse
La scénographie est décidée par le couple quand le rapport avec
entrevoir le contenu des autres cellules. 67
06
03 Correspondance entre la fenetre avec Vision globale du premier étage avec les morceaux des murs qui faisaient partie des cellules.
l’oeuvre de Niele Turoni d’une coté et le rayon de lumière de Michel Verjux de l’autre coté.
L’oeuvre Red/Blue de Krijn de Koning communique visiblement avec l’espace. Elle est mise en place autour du poteau.
04
68
05
Photos de Giulia Zucca
Les oeuvres communiquent avec tous les éléments de l’espace. Ici l’artiste Felice Varini joue avec l’escalier pour créer son illusion optique. 07
02
Le studio conçu pour héberger le couple 07 Billarant en haut de la tour décoré par Daniel Buren. 03
04
06 05
À l’entrée on trouve le Solarium de Veronique Joumand et la sculpture de Richard Serra.
02
01
01 69
TABLEAU COMPARATIF DE CAS D’ETUDES
MAISON ROUGE Où Date de construction Usine de... Surface Date inauguration Proprietaire/s Architecte réhabilitation Typologie Tarif
70
GALLERIA CONTINUA Le Moulin
SILO
Paris 12e
Boissy-le-Chatel 77169 70 km de Paris
Marines 95640 50 km de Paris
Fin XIXe siècle
1883
1962
Usine de lithographies
Moulin à blé
Silo à grain
2.000 m2
10.000 m2
2.200 m2
2004
2007
2011
Antoine de Galbert
Mario Cristiani Lorenzo Fiaschi Maurizio Rigillo
Françoise Billarant Jean-Philippe Billarant
Jean-Yves Clement Amplitude Architecte
/
Xavier Prédine-Hug
Fondation privée d’art contemporaine (reconnu d’utilité publique)
Galerie privée d’art contemporain
Galerie privée d’art contemporain
Payant
RDV Gratuit
RDV Gratuit
CONCLUSION
Aujourd’hui, parler d’espaces alternatifs n’est pas facile, car ces
À l’époque, les musées avaient presque la domination de la “ pro-
espaces ne peuvent plus être catalogués comme tels, mais ils
ductivité culturelle “ avec une vaste programmation d’expositions
reflètent plutôt un processus largement diffus. En dépit de tout
d’art. Les nouvelles galeries contemporaines et, en général, les
cela, la fascination que ces lieux transmettent aux visiteurs et aux
espaces alternatifs doivent donc trouver leur propre identité, pour
artistes reste toujours excitante.
ne pas concurrencer les musées en accord avec les nouvelles exi-
Le fort intérêt à réhabiliter des bâtiments industriels en lieux artisti-
gences des artistes.
ques vient du fait qu’ils sont les plus appropriés pour accueillir l’art contemporain, par rapport à la plupart des musées conventionnels.
Ceci est démontré par les études de cas analysées qui se ressemblent sur certains aspects : ils sont tous été créés par des col-
De plus quand le site est réactivé grâce à la culture, nous pouvons
lectionneurs qui ont acheté les bâtiments d’origine industrielle dans
parler d’une vraie productivité culturelle. Il est nécessaire de créer
le but d’y exposer les œuvres de leur collection personnelle, mais
des centres de production culturelle, afin de ne pas perdre la con-
en vérité ils ont des caractéristiques très différentes.
science et la culture artistique. Il est important d’ essayer régul-
Les paramètres de la comparaison entre les trois études de cas
ièrement de produire de nouveaux modèles, en laissant de la place
sont les suivants : la typologie, la taille, la programmation culturel-
pour l’innovation, comme on l’apprend d’événements historiques
le, la qualité du projet de réhabilitation, l’accessibilité et la scénog-
qui impliquent toutes les formes d’art.
raphie qui détermine le rapport entre l’oeuvre et l’espace industriel.
Sans doute, le contexte historique et social actuel est différent de
Le tableau récapitulatif indique que les trois galeries ont ouvert au
celui il y a quarante ans et il n’y a plus la vague de protestations qui
cours des dix dernières années. La plus récente, le Silo, est né en
caractérisait les années soixante et soixante-dix. Il est certaine que
2011 et, le bâtiment dans lequel il s’installe est également le plus
l’art avant-gardiste ne cessera pas de s’innover, comme un phén-
récent des trois. En ce qui concerne la taille des espaces d’exposi-
omène qui se développe en modèle circulaire, en comprenant un
tion, la Maison Rouge et le Silo ont une dimension d’environ 2000
marché et un public toujours plus large.
m2, contrairement à la galerie continue qui a une superficie cinq fois plus grand. 71
Cette caractéristique dimensionnelle démontre la forte possibilité
Pour conclure, il est maintenant clair que la réhabilitation des bâtim-
d’expérimentation que les espaces de la Galleria Continua permet-
ents industriels est importante à plusieurs égards. L’une d’elles est
tent ; lieu où il est toujours demandé aux artistes de travailler sur le
la capacité de prévenir une consommation supplémentaire du sol,
site et où ils peuvent oser en créant leurs oeuvres.
mais plutôt valoriser l’énorme patrimoine désaffecté qui comprend tout du territoire qui peut faire partie intégrante du projet de réhab-
En ce qui concerne la production et l’exposition d’art contemporain,
ilitation, et dont peut bénéficier toute la communauté.
toutes les études de cas jouent un rôle significatif. La programmation des expositions est qualifiée par un panorama d’artistes inter-
Les expositions dans les trois cas d’études sont étudiées dif-
nationaux plus ou moins connus.
féremment en ce qui concerne la muséographie et la scénographie. Les trois ont les possibilités dont on a parlé d’ exposer l’art
Le cas particulier de la Maison Rouge varie pendant l’année entre
contemporain. La Maison Rouge est la seule à présenter un vrai
des expositions d’artistes connus, avec des œuvres d’effet et des
projet scénographique à chaque exposition, et demande parfois au
expositions plus intimes et d’autre fois avec des artistes de niche
cabinet d’architecture de la concevoir. On voit la flexibilité du lieu
de grande qualité, mais qui sont restés loin de l’attention du public.
bien exploitée, en créant des structures, des parcours et même des
Aspect que nous avons moins remarqué dans les autres exemples.
couleurs différentes selon l’organisation et le sujet de l’exposition.
Cette question est également liée à la différente typologie de cette
Une caractéristique que l’on note moins dans les deux autres cas,
étude de cas, il ne s’agit pas d’une véritable galerie d’art, mais c’est
où est laissée plus de liberté à l’occupation du lieu par les artistes
une fondation privée reconnue d’utilité publique ; et c’est aussi pour
même.
cette raison que la visite de cet espace d’exposition est payant, tandis que les deux autres peuvent être visités sur rendez-vous, mais
La scénographie d’exposition dans ces espaces doit agir dans un
gratuitement.
cadre différent à l’égard des musées, en particulier après les années soixante-dix. A cette période le public a changé et il n’attend plus
Le projet du couple Billarant est fondé sur une sélection stricte-
une réintroduction du White Cube. Maintenant avec le changement
ment personnelle, ils décident d’acquérir et d’exposer seulement
de ces espaces d’exposition, la muséographie, comme la scén-
ce qu’ils aiment vraiment et seulement après avoir connu l’artiste et
ographie d’exposition doit être assujettie à des lois d’architecture:
la signification de ses travaux. Une exposition totalement subjective
lorsque les bâtiments d’origine industrielle sont les bienvenus en
guidée par les paroles des propriétaires.
tant que partie du patrimoine historique ; une fois conçue la réadaptation pour un usage différent, il est nécessaire de tenir compte de leur valeur historique. Aussi la scénographie d’exposition doit
72
s’adapter à cet aspect, il doit être en mesure de communiquer avec le lieu et d’exploiter les éléments de l’architecture. Maintenant que l’art et les artistes sont habitués à occuper les espaces plus différents et inusuels, peuvent-ils exister, se manifester en dehors de l’espace du musée et de la galerie ? Et la scénographie aura-t-elle toujours le rôle d’intermédiaire entre l’espace et le travail d’art ou sera-t-elle remplacée par l’artiste luimême ?
73
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76
ANNEXES
LA MAISON ROUGE DESSINS TECHNIQUES
78
LA MAISON ROUGE AVANT LE PROJET DE REHABILITATION
Photo du cabinet Amplitude Architects 79
GALLERIA CONTINUA - SPHERES 2008
80
Ai Weiwei
Pascale Marthine Tayou
Nedko Solakov
Pascale Marthine Tayou
Accueil Welcome desk
Zhanna Kadyrova
Kendell Geers
Voluspa Jarpa
Moataz Nasr
Leandro Erlich
Sislej Xhafa Antony Gormley
ENTREE Entrance
Zhanna Kadyrova
Nikhil Chopra
Leandro Erlich
Ahmed Mater
Liliana Porter
Antony Gormley
Chen Zhen
Pascale Marthine Tayou
Pascale Marthine Tayou
Kader Attia
Ahmed Mater
Antony Gormley
Ahmed Mater
Nikhil Chopra
Ordos
AI WEIWEI
REZ-DE-CHAUSSEE Ground floor
Hazem Harb
Pistoletto
Fabien Charuau
1ER ETAGE FIRST FLOOR
Moataz Nasr
Lucy & Jorge Orta
Pascale Marthine Tayou
Ai Weiwei
Sami Al Turki
Sahej Rahal
Carlos Garaicoa
Zhanna Kadyrova
Michelangelo Pistoletto
Etel Adnan
Ceal Floyer
ATHR Gallery (Jeddah) Ibrahim Abumsmar, Sami Al Turki, Hazem Harb, Ahmed Mater Chatterjee & Lal (Mumbai) Fabien Charuau, Nikhil Chopra, Hetain Patel, Sahej Rahal Mor Charpentier (Paris) Lara Almarcegui, Voluspa Jarpa, Liliana Porter
SPHÈRES 6
Loris Cecchini
Liliana Porter
Femme sans ombre, hommage à Shirîn Malek-Mansour
SOPHIE WHETTNALL
100 Mostre nel mese di ottobre, 1976
MICHELANGELO PISTOLETTO
San Gimignano
ETEL ADNAN
Kader Attia, Daniel Buren, Loris Cecchini, Chen Zhen, Leandro Erlich, Ceal Floyer, Carlos Garaicoa, Antony Gormley, Voluspa Jarpa, Zhanna Kadyrova, Jorge Macchi, Moataz Nasr, Lucy + Jorge Orta, Michelangelo Pistoletto, Nedko Solakov, Pascale Marthine Tayou, Sislej Xhafa.
LONG TERM PROJECTS
Michelangelo Pistoletto
Chen Zhen
REZ-DE-CHAUSSEE GROUND FLOOR
Zhanna Kadyrova
Sophie Whettnall
Michelangelo Pistoletto
Michelangelo Pistoletto
Ibrahim Abumsmar
Moataz Nasr
Sophie Whettnall
Jorge Macchi
Leandro Erlich
Lara Almarcegui
Kader Attia
Loris Cecchini
Hetain Patel
Zhanna Kadyrova
Jorge Macchi
Pascale Marthine Tayou
Julia Cottin
Daniel Buren
LIliana Porter
Pascale Marthine Tayou
Pascale Marthine Tayou
Pascale Marthine Tayou
Moataz Nasr
du 26 octobre au 22 décembre 2013 from October 26 to December 22, 2013
46 rue de la Ferté Gaucher, 77169 Boissy-le-Châtel www.galleriacontinua.com, lemoulin@galleriacontinua.fr
Moataz Nasr Hetain Patel
GALLERIACONTINUA / Le Moulin
GALLERIA CONTINUA - EXPOSITION 2013
Ai Weiwei
81
LE SILO - DESSINS TECHNIQUES
82
Dessins du cabinet du Xavier predine-Hug 83
LE SILO AVANT LE PROJET DE REHABILITATION
84
Photo du cabinet du Xavier Predine-Hug
85