L’ART URBAIN / Margaux COURBON Bts Communication visuelle opt. GEP, 2012 /
L’ART URBAIN / Sommaire /
INTRODUCTION / 5 COMMENT LES ARTISTES REVALORISENT-ILS UN ÉLÉMENT DU PAYSAGE URBAIN AFIN DE FAIRE PASSER LEURS MESSAGES? / 6 -11 // Rendre la ville ludique // La mise en valeur d’éléments délaissés DE QUELLES MANIÈRES ÉTABLISSENT-ILS UN RAPPORT DIRECT ET UN IMPACT AVEC LE PUBLIC ? / 12 - 19 // Jouent-ils avec le quotidien de tous ?
// L’impact se crée-t-il en faisant passer un message contradictoire?
// Le message par le biais de l’humour
COMMENT CRÉATIVITÉ ARTISTIQUE ET ENGAGAGEMENT ANTI-CONFORMISTE SONT-ILS ENTREMÉLÉS ? / 20 - 25 // En choquant violence des images et des propos
// Peut-il être un moyen de «sauver» // S’inspire de notre actualité et des phénomènes de société
CONCLUSION / 26 BIBLIOGRAPHIE / 27
/ ILe prélèvement du quotidien dans l’art urbain est-il un outil de dénonciation et de révolte dans la société ? /
L’ART URBAIN - 5 / Introduction /
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’art urbain est une forme d’expression qui reflète au plus près la réalité et l’envers de la société dans la mesure où il prend place dans la rue par un contact direct avec le spectateur. L’art urbain fait aussi office de référence naturelle. Ce mouvement est certainement tout d’abord lié à un phénomène générationnel avec l’arrivée du Graffiti dans les années 1960, plus communément appelé le «street art». En effet, les artistes ou «graffeurs» écrivaient simplement leur pseudonyme, leur mécontentement ou sentiments sur les murs et espaces publics afin de choquer, faire passer un message. Le plus souvent anonyme, on constate une certaine révolte contre la société, et ainsi ils utilisent la ville comme un territoire apprivoisé, un riche espace d’expression, sans limite, de libre parcours et de créativité conjugués. Ce mouvement va donc prendre une ampleur considérable dans le monde de l’art, de part l’inégalité dont il fait l’objet, et de part la polémique qui l’associe au vandalisme. Cet art contemporain se trouvant dans la rue est en totale relation avec les spectateurs, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle les oeuvres des artistes se trouvent dans la rue. Le message est fait pour les passants, c’est-à-dire par les anonymes et pour les anonymes. Le quotidien des artistes est le même que ceux des autres, l’artiste se met au même rang que les spectateurs. De ce fait, une question se pose : le prélèvement du quotidien dans l’art urbain est-il un outil de dénonciation et de révolte dans la société ? Pour y répondre, il sera premièrement question d’aborder l’appropriation d’un élément du paysage urbain. Deuxièmement, l’on s’intéressera à l’adresse direct au public qui découle de cette exposition, puis, troisièmement l’on se penchera sur le contenu élémentaire du message véhiculé à travers ces oeuvres.
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‘art Urbain est un art d’expression libre. C’est un vecteur sincère et universel de pensée, de regard sur la société et le monde, et qui a la particularité unique et prédominante de prendre place au cœur même de l’espace public. C’est-à-dire qu’il s’approprient très souvent des éléments du paysage urbain pour sortir de l’image banale et anodine que renvoie la ville. Enormément d’artistes veulent donner un autre aspect à la ville de part leur intervention, y ajouter de la couleur, de la fantaisie, et faire voyager le public parfois dans un tout autre univers au travers de Graffitis très sophistiqués. Ils travaillent d’ailleurs le plus souvent in situ afin d’être totalement en adéquation avec la rue, ce qui ne fait que renforcer l’authenticité de leurs œuvres, le but étant d’attirer l’attention, de divertir, et de toucher le public. Pour ce faire, il est nécessaire à l’artiste d’être remarquable, pertinent et expressif. En somme, de rendre la ville ludique et ôter l’aspect terne et très froid du cadre urbain. On peut s’y prendre de plusieurs façons comme décorer des éléments exterieurs ou à l’inverse donner une nouvelle image de ce que l’on veut exploiter de part la lumière et la mise en scène. Le mouvement artistique appelé Yarn Bombing reflète parfaitement cette volonté d’excentricité. Ce mouvement, apparu en 2005 par hasard à Houston aux Etats-Unis, lorsqu’une commerçante eut l’idée originale de recouvrir la poignée de porte de son enseigne avec de la laine. Ainsi, ce mouvement ayant par la suite pris de l’ampleur surtout en Europe, de nombreux artistes de tous horizons se sont attelés à décorer des objets ou éléments que l’on peut rencontrer quotidiennement sur la place publique de tels des arbres, des bancs, des bus, des voitures, des lampadaires, ceci dans le but de partir d’une base d’objets prosaïques, de leur donner une nouvelle vie, un nouvel aspect, et avant tout, d’altérer le regard du spectateur sur le monde qui l’entoure, de lui donner un point de vue différent, telle une redécouverte de son environnement. Le contraste est essentiellement marqué sur les couleurs.
Tandis que l’espace urbain est généralement teinté de gris, de blanc, de noir, globalement de nuances très pâles et faibles, le Yarn Bombing exploite une large palette de couleurs très vives. On peut retrouver du jaune, du rose, du bleu, du rouge du vert, ce qui interpelle vite l’oeil humain. Mais il y a cependant un point commun entre les deux univers qui réside dans les structures visuelles. C’est-à-dire que les motifs sont droits et réguliers, ce qui peut dégager le sentiment d’observer une réalité alternative, comme si cet art épousait les formes et en adoptait les règles géométriques élémentaires pour leur conférer un nouveau visage. Ce mouvement a également, au-delà de la créativité artistique, une portée véritablement saine voir écologique, dans la mesure où, tout d’abord, il n’y a aucune forme de provocation, de dégradation, ou de violence, et ensuite où le matériau utilisé est inoffensif : il ne s’agit que de la laine. Ainsi le Yarn Bombing demeure en définitive un mouvement paradoxalement très expressif d’un point de vue optique mais en même temps relativement modéré en terme d’engagement idéologique. Il existe un autre artiste nommé Atlas, qui lui possède également un goût prononcé pour les structures, et a pour marque de fabrique d’intriguer les spectateurs. Notamment avec Time is art, gigantesque labyrinthe conçu en 2008 sur la place Georges Pompidou à Paris, et qui, grâce à ses 4 points cardinaux, est destiné à susciter le questionnement chez le public, à propos du sens que chacun désire donner à sa propre existence. Toujours dans une démarche artistique ludique, l’interaction étant clé, l’artiste a entrainé la participation des passants pour la mise en place de son oeuvre, à l’aide de cartons et de ruban adhésif, que ces derniers collaient à même le sol.
/ Yarn Bombing /
/ Time is art Atlas 2008 /
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l est un autre concept fondamental qui consiste à partir de lieux et d’édifices à l’abandon, désaffectés ou du moins à mille lieues du monde artistique. Le principe étant de partir d’une atmosphère obscure, vide, inaccessible au public, voire même repoussante, et de la transformer en une tout autre ambiance et de lui donner une vision différente, ce qui permet par conséquent de mettre en valeur ces espaces urbains délaissés. Par exemple, l’artiste Yann Kersalé, pendant l’été 2011, a procédé à une suite de métamorphoses, notamment le 9 septembre 2011, sur 3 bâtiments à l’abandon, qui formaient anciennement une friche militaire industrielle, situé à La Courrouze, près de Rennes. L’artiste n’a en rien modifié la structure propre des lieux, mais a simplement utilisé de nouveaux matériaux et des moyens d’éclairages très puissants qui contrastent avec le cadre nocturne du moment où cette installation avait lieu, c’est à dire 21h. Tout d’abord, un échafaudage a été conçu pour envelopper l’intégralité des bâtiments, pour constituer une sorte de carapace virtuelle, comme une imagerie 3D, pour redonner une élan conceptuel et moderne à l’édifice. Ensuite, de nombreux spots d’éclairage blanc ont été disposés à la base des murs, de manière à créer une ceinture de lumière qui réanime, qui redonne vie à ces ruines. Il donne donc une autre approche du lieu à la base inaccessible. De plus, on peut y voir de nombreux tags et fresques mis en lumière qui donnent l’impression d’assister à une exposition. Cette appropriation donnera lieu ensuite à une rénovation complète du site, afin de lui rendre une fonctionnalité. Il passe alors le message de la possibilité de réhabiliter des lieux désaffectés, et qu’à partir de rien, un nouveau «quotidien» peut être créé.
/ sans titre Yann Kersalé 2011 /
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a mouvance de l’art de reconstruction se retrouve également dans le travail de Rero. Cet artiste français en pleine ascension, né en 1983, est davantage dans une approche typographique. En effet, il réutilise la typographie Verdana, dont on se sert le plus souvent sur internet, et les place sur des bâtiments publics, la plupart en voie de destruction. Il transfigure la typographie en unique procédé plastique, correspondant à un mode minimaliste et épuré. Comme exemple, son œuvre Dégage du 13 avril 2011, un immeuble du 13 ème arrondissement, censé être démoli par la suite. De plus, le mot est barré ce qui renvoie à la nécessité d’acceptation des erreurs pour une meilleure correction. Le mot représente symboliquement le statut de l’édifice sur lequel il est inscrit, c’est-à-dire que tous deux sont voués à la disparition. Il établit alors un lien entre la typographie réutilisée et le lieu réinvesti. D’autre part, le mot « dégage » fut réexploité à l’occasion du soulèvement populaire tunisien, alors que le peuple l’utilisait avec ferveur pour manifester sa révolte à l’encontre des dirigeants politiques. Ce parallélisme verbale souligne le fait qu’au même titre que la population n’avait d’arme que le droit d’expression, l’artiste ne dispose que des mots pour véhiculer son message. Le fait que le mot soit barré met aussi en évidence le côté absurde de la situation : Il s’agit là d’un bâtiment visible et particulièrement imposant, mais à la fois invisible dans la mesure où celui-ci est laissé à l’abandon, alors qu’il pourrait être réaménagé dans le but de créer du logement, ou pour être cédé à une entreprise, à des organismes sociaux ou à des services publics. La rature souligne la volonté générale de le dissimuler pour ensuite l’anéantir. / Dégage RERO 2011 /
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ien évidemment, un des aspects fondamentaux de l’art urbain, au même titre que tout autre forme d’art, nécessite une mise en scène affirmée et censée, correspondant au cadre dans lequel elle évolue. Il ne s’agit pas là simplement de mettre en valeur un décor, où un lieu quelconque, mais il faut, comme sur une scène de théâtre, y incorporer des éléments distinctifs, animer, donner vie à ce que l’on souhaite exposer.Et c’est là que le personnage, que l’humain occupe une place de premier ordre, et que le rapport à instaurer entre l’oeuvre artistique et le public est déterminant. Mark Jenkins est sans conteste un des « performers » les plus avertis dans le domaine du Street Art. Né en 1970 à Fairfax, aux Etats-Unis, il va réaliser plusieurs séries de créations axées sur le moulage, toutes destinées à être exposées à même la rue.Notamment une série appelée Embed series, entamée en 2003, toujours visible actuellement. Celle-ci présente des corps moulés grandeur-nature habillés et adoptant chacun une posture singulière, les faisant incarner un archétype de la société moderne.Les procédés techniques employés consistent à effectuer, à partir de ruban adhésif transparent, le moulage très précis de la propre silhouette de Jenkins pour un modèle masculin, et celui de son assistante Sarah, pour avoir également un modèle féminin. Il va par conséquent interpeller le spectateur, le troubler, en disposant ces silhouettes humaines, dans la rue, représentant des situations quotidiennes. On va ainsi trouver par exemple une femme dans un lit placé sur la chaussée, un homme assis en tailleur censé représenter un sans-abri, un homme endormi dans un Hamac, ou même encore une silhouette entièrement blanche repeignant un poteau. C’est une représentation très intriguante et nébuleuse de la réalité, mais toujours teintée d’absurdité, d’humour et de décalage.
Il place les personnages de manière subjective et ainsi les intègre dans l’environnement du spectateur qui à son tour se trouve acteur ou figurant de la situation. Un questionnement se met alors en place du point de vue du public qui, surpris de voir ces différentes silhouettes immobiles et sans vie, s’interroge tout d’abord sur la nature même de ce qu’il voit. Sont-ce de réelles personnes ? Si oui, pourquoi sont-elles dans cette situation ? Que sont-elles censées représenter ? Un rapprochement s’effectue dès lors entre le réel et l’imaginaire, car chacun adopte une vision différente de cette œuvre et de ce fait, une identification se crée et s’installe une sorte de similarité entre l’évocation de chaque silhouette et ce qu’elles réveillent chez les passants. Un contraste est aussi marqué du fait que ces silhouettes en ellesmême ne dégagent absolument aucune énergie, ni aucune vie et pourtant l’on s’y intéresse. On est comme captivé par ce « monsieur tout le monde » qui pourtant n’est en rien comme les autres. De plus, cette performance va s’effectuer en deux temps. En effet, après avoir disposé ses personnages, l’artiste va ensuite filmer les réactions des personnes présentes. Ce mode opératoire s’exécute exactement de la même manière qu’une véritable expérience sociologique dans la mesure ou l’on observe la réaction d’un échantillon de population de toutes conditions sociales face à une situation donnée. Le quotidien de tous est alors en adéquation avec l’oeuvre artistique et créer un réel impact sur le public.
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/ Embed series
Marks Jenkins 2011 1 : à Malmö 2 : à Washinton 3 : à Tudela 4 : à Winston-Salem/
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oujours dans une visée attractive,l’artiste Atlas, dont il a été question précédemment, est le parfait exemple en matière d’interaction avec le public. En effet, en demandant de « l’aider » à la construction de son œuvre, il établit un rapport direct avec eux, et les plonge dans son univers . Au préalable, avant l’étape des morceaux de carton sur le sol, il proposaient au personnes désirant l’assister, de dessiner, au feutre blanc, la boussole de l’artiste sur la face verso de ces mêmes cartons. L’artiste n’a pas laissé le choix du lieu de la création au simple hasard : Il l’a sélectionné car cette place est une des plus touristiques de la capitale, bondée d’artistes de rue venus des quatre coins du monde. L’artiste à également choisi cet endroit de manière à ce que les gens puissent monter au 6ème du musée Beaubourg, afin de contempler le résultat final de l’oeuvre d’une vue complète et lointaine, comme si cette boussole nous indiquait une direction dans Paris. Pour finir, ils descendaient du haut du bâtiment et une fois en bas, ils s’aperçevaient qu’en marchant à l’intérieur de la boussole, ils s’égaraient plus qu’ils ne se repèraient. Ce phénomène littéralement paradoxale renvoie à l’idée plus générale que lorsque l’on entreprend un projet, ou bien que l’on a des préconceptions sur certaines choses, le résultat n’est pas forcément identique à l’idée de départ. Ainsi, il incite les spectateurs à se questionner sur le véritable sens de leur vie, et au même titre qu’il leur propose de construire leur propre boussole, il les encourage à tracer leur avenir de façon claire et solide. Atlas établie une relation entre sa propre installation, et le message universel qu’elle dégage, et la vie intime du public, créant de ce fait un réel impact.
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u-delà de la manière des artistes de toujours trouver de nouveaux supports surprenants, il est bien entendu nécessaire que le message et que le contenu de l’oeuvre garantisse un impact considérable sur le public. Dans une société basée sur des systèmes bien réglementé et où l’homme est un peu mené par ses préconceptions, la façon la plus efficace d’atteindre le public est de le choquer. Outrepasser les conventions, aller à l’encontre du politiquement correct. Ainsi, l’art urbain joue sur les émotions du spectateur à l’aide d’images contradictoires heurtantes et engagées. Les créations de rue d’Ernest Pignon Ernest composant la série Derrière la vitre», en 1996 à Lyon, sont empreints de ces volonté de marquer l’esprit. L’artiste, à partir de photographie, à redessiné échelle 1 des personnages humains, dans des positions définies, et les a collés sur les vitres de cabines téléphoniques. Ces personnages sont représentés comme seuls et malheureux, recroquevillés de tristesse ou hurlant de désespoir. Ces collages installent un paradoxe. En effet, ils y a une opposition entre les sentiments qu’expriment ces images et le support sur lequel elles sont exposées. La cabine téléphonique est un endroit un peu ambivalent dans la mesure où son utilité est de communiquer par téléphone avec une personne éloignée. C’est donc une démarche de connexion, d’ouverture au monde, d’expression, mais ceci dans un habitacle très inconfortable car restreint, exposé aux yeux de tous. Il est donc le théâtre de la solitude de chacun au bonheur illusoire de se sentir en contact avec le reste du monde. Cela joue sur nos émotions car la solitude est un sujet qui concerne tout le monde, il y a un donc un impact direct sur l’esprit des gens.
/ Derrière la vitre
Ernest Pignon Ernest, 1996, Lyon /
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’art urbain ne cesse de jouer sur l’humour. Ils «graffent» des personnages, des mots, et un grand nombre d’entre eux font sourire les passants. De ce fait, cet outil de représentation est un bon moyen pour interpeller les gens. Cela dégage une émotion positive et permet une mémorisation efficace de l’oeuvre. L’impact se crée plus rapidement et reste durablement ancré dans les esprits. Aussi les artistes exposent des situations hors du commun ou du moins qui dans un certain contexte, chamboulent le quotidien de tous grâce au décalage entre le côté banal de la société et le contenu parfois fantaisiste de leurs oeuvres. Il est un artiste nommé Banksy qui n’hésite pas à jouer avec ce qu’il colle sur les murs. Ce graffeur originaire de Londres s’est créé une véritable notoriété suite à ses nombreuses interventions dans la ville. Ses techniques sont diverses, comme le pochoir ou le collage qui sont ses principaux moyens pour retranscrire ses idées. Il va le plus souvent détourner des images ou des photographies connues, et rajouter une touche d’humour à cellesci. C’est d’ailleurs comme ça qu’il interpelle les gens. En effet, en réutilisant des images plus ou moins choquantes, il va toucher tout le monde et va créer un réel rapport entre les passants et ses œuvres. Il va aussi déterminer des emplacements stratégiques afin que ses pochoirs soient en parfaite accord avec le message qu’il veut transmettre. Par exemple il va reprendre une image du film « Pulp fiction » où les deux personnages principaux se situent l’un à côté de l’autre et tendent un pistolet. Banksy va alors remplacer les armes par des bananes, en faire un pochoir, et le retranscrire sur un pont au dessus d’une route afin que plusieurs automobilistes puissent voir sa création. De plus les personnages vont être en noir et blanc alors que les bananes vont être en jaune, ce qui est visuellement captivant. Bansky expose ici une petite critique du contenu violent des films américains. En effet il tourne en ridicule des personnages supposément menaçants et leur accessoire de gangster comme pour montrer que sans leur arme, ils paraissent beaucoup moins hostiles. En définitive, il utilise un élément qui nous est commun pour nous toucher et nous faire réagir à quelque chose que l’on connaît.
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/ (1) Pulp fiction,
Banksy (2) Balloon debate, 2005, Mur de Gaza, Palestine Banksy /
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e plus souvent l’art urbain est considéré comme une pratique illégale ce qui entraine de nombreuses discordes entre les artistes et l’Etat. Ces discordes viennent du fait que l’état considère souvent, à tort, cet art comme une forme de vandalisme et de sous-culture de banlieue dans la mesure où les œuvres ont comme support des bâtiments et édifice publics ou des éléments du paysage appartenant à la collectivité et ayant donc une utilité commune, tels que les wagons de trains, les ponts, les entrepôts désaffectés. Mais certains artistes ont justement besoin de ce large espace qu’est la rue pour exposer leurs œuvres et ainsi faire passer leur message. Ainsi, il n’hésite pas à intriguer, à choquer, du moins à emplir leurs créations d’une charge émotionnelle, d’un aspect percutant et mystérieux, parfois même violent. C’est le cas par exemple pour les expositions lumineuses effectuées par l’artiste Jenny Holzer. Cette artiste américaine a durant sa carrière mis au point de nombreuses séries d’exposition dans lesquelles elle projette des simples bribes de phrases ou des textes de quelques lignes sur des murs, des escaliers publics, ou même des immeubles. Ces projections sont faites avec une typographie bien spécifique dans le sens où elle est très massive et attire le regard, elle prend toute la façade et la fait passer en second plan. Par exemple, l’artiste a réalisé cette projection à SIENA en 2009 en y inscrivant des phrases traitant de religion ou de sexualité. Ces mots gigantesques qui envahissent l’espace et les spectateurs donnent l’impression d’être submergé, comme si l’artiste nous obligeait à lire ses textes, ses mots. Ces phrases, comme toutes les autres, défilent tel un générique de film. Comme une finalité à une histoire, à notre histoire. Au même titre qu’un film a une morale à transmettre.
Jenny Holzer a pour but de choquer en utilisant des thèmes qui portent à polémique dans notre société tout comme La religion, la sexualité, la guerre, la mort. Le quotidien de tous est donc mis en lumière à travers la démonstration artistique. Comme si elle dévoilait au grand jour ce que tout le monde pense tout bas. En plus de jouer sur l’humour, l’artiste Mark jenkins est un adepte de sujets épineux. Toujours dans la même série Embed series, il va par exemple réaliser des moulages de personnes apparaissant comme mortes qu’il va laisser flotter au-dessus de l’eau ce qui à première vue peut être traumatisant dans le sens où l’on se demande s’il s’agit réellement d’un être humain. Ou encore le moule d’une femme sur le point de se suicider du haut d’un immeuble. Des questions se posent alors du point de vue du spectateur prêt à appeler les secours. Il met en évidence le fait que la mort peut frapper à tout moment, comme une mort « urbaine » car la mort par noyade ou suicide ne sont pas naturelles, et elles peuvent être causées par des faits sociaux tels que la dépression ou un meurtre. L’univers que l’artiste crée a ainsi pour but d’interpeller les consciences, de déranger, d’inviter les masses à se poser des questions sur leur propre condition et humanité en jouant sur deux tableaux : il donne un aspect humoristique à son œuvre, mais toutefois sans atténuer le caractère choquant qui en émane. En somme il y a un côté illogique voire contradictoire au sein sa création. De ce fait, l’artiste ne dépasse-t-il pas les limites en terme de morale et de conventions sociales en évoquant ces sujets de manière si choquante ?
/ Sans titre
Jenny Holzer, 2009 Sienna /
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L’art Urbain a également une finalité salvatrice et libératrice. C’est-à-dire que certaines œuvres ne sont pas dans l’engagement politique ni dans la dénonciation virulente, mais ont plutôt comme projet de simplement redonner espoir, d’ouvrir sur des perspectives, et donc en résumer de s’orienter vers un monde meilleur. C’est un outil qui peut être par exemple destiné à militer en faveur de l’écologie, des minorités opprimées, de causes humanitaires comme la pauvreté en Afrique ou les différentes guerres qu’il y a dans le monde. Cette idée de liberté et de justice est au cœur des œuvres de l’artiste Banksy. En effet dans la série « Santa’s Ghetto » il réalise neuf fresques sur le mur de Gaza en Palestine. Ce mur séparant les deux territoires est un message de haine, de division et fait de Gaza une espèce de prison à ciel ouvert. L’une de ses fresques est « Balloon debate » créée en 2005 et représente une petite fille qui s’envole vers le ciel à l’aide d’une poignée de ballons de baudruche. Cette image entièrement faite de noir, met en évidence l’essentiel même du message. C’est-à-dire qu’on ne s’attarde pas sur des détails mais plutôt sur ce que l’oeuvre veut transmettre. L’artiste expose un idéal de liberté et de paix et dénonce l’oppression que les colons israéliens exercent sur le peuple palestinien depuis des décennies. Ce signe d’unité a pour objectif de faire réfléchir les élites, qui sont à la base de tout ces conflits militaires et politiques, sur les conséquences de la guerre sur les civils, les enfants, et sur peut-être le statut et l’évolution du peuple palestinien. De plus le fait que les frontières soient tenues par l’armée empêche le peuple de s’évader de cette prison morale et donc d’évoluer et de profiter du bonheur de la liberté et de la vie « sans frontière » auquel on a droit de nos jours.
Mais cette envie des artistes de servir la liberté et la justice ne s’applique pas nécessairement aux situations de guerres, il peut aussi concerner des catégories de population ou des classes sociales dans un pays. Par exemple l’artiste français JR, dans son projet photographique intitulé « 28 millimètres » se tourne du côté des cités en banlieue parisienne comme Clichy-sous-bois. Il va photographier des jeunes du quartiers faisant une grimace qui fait plus ou moins peur afin de les imprimer sur des grandes affiches qu’il disposera dans les quartiers populaires de Paris est. L’artiste JR désire ainsi exposer le potentiel artistique de ces groupe de personnes misent à l’écart de par leurs origines, leur statut social, pour montré que la banlieue n’est pas qu’un univers de délinquance, de pauvreté et de violence. Disposées en très grand format, les affiches interpellent, et captivent le spectateur. Ces personnes inspirent de la sympathie car on découvre leur vrai visage. Comme si l’artiste allait plus loin que tout ce que l’on voit dans les médias, qu’il brisait l’image négative qu’une grande partie de la population a de ces personnes et de ce milieu. C’est en quelque sorte un moyen de sauver cette génération contestataire et marginale en permettant d’améliorer leur réputation pour qu’ils soient mieux perçus et mieux insérés au sein de la société.
/ 28 millimètre
JR, 2004-2006 Paris /
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ne des finalités premières de l’art urbain est de charger le contenu des oeuvres d’un engagement politique et social accessible à tous et permettant une compréhension directe du message que l’artiste a pour mission de partager. Le besoin de dénonciation et d’expression est même une de leurs sources principales de création. L’actualité alimente leurs productions et sans cela l’art urbain n’existerait pas. Le contexte social et le quotidien est indissociable de ce mouvement conscient. C’est pour cela que les artistes voyagent dans des pays où la situation politique est en crise, laissent leur marque en exposant dans les quatre coins du monde, en appelant les gens à éveiller les esprits critiques à lutter contre les inégalités, l’injustice, la violence, les préjugés, au nom de la liberté d’expression. L’artiste urbain se fait le porte-parole de la conscience engagée. Il est par exemple possible qu’un artiste soutienne activement un mouvement politique et une icône idéologique qui prône l’évolution de son propre et encourage l’égalité. C’est par exemple le cas de shepard fairey, artiste américain qui a réalisé cette fameuse série d’affiches ayant pour illustration le portrait de Barack obama, avec à chaque fois un mot-clé sous le visage du président américain. Ce sont des mots d’espoir, de courage et de changement tels que «hope», «progress», «victory». Sur cette image, Obama paraît visionnaire, certain de ses objectifs et de l’avenir vraisemblablement radieux qu’il désire donner à l’Amérique. Fairey fait donc la promotion de ce président qui transcende les questions raciales en faveur du progrès républicain démocrate. Il financera par ses propres moyens plusieurs centaines de milliers d’affiches et d’autocollants qu’il exposera dans de nombreux états américains à l’occasion de l’éléction d’Obama durant la campagne présidentielle de 2008.
Chicago, capitale de l’Illinois dont le président était le gouverneur pendant les éléctions, a même encouragé l’exposition de ces images, et Barack Obama a personnellement envoyé une lettre de remerciements à Shepard Fairey. Ainsi il interpelle le public sur l’importance de l’actualité dans les contenus artistiques, qui peuvent avoir des répercussions concrètes et aller jusqu’à faire pencher la balance en terme d’éléctorat politique.
/ HOPE
Shepard fairey, 2008 Paris /
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/ Sources /
/ Conclusion /
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n conclusion, nous pouvons définir le street art ou art urbain comme un outil artistique des plus engagés qui développe un réel message à portée politique et sociale, qui va investir la ville, un espace qui appartient à tout un chacun, de manière à heurter les gens, ou en tout cas à les sensibiliser de manière subtile et créative, aux causes que ces artistes tiennent à défendre, ou aux combats qu’ils ont l’envie de mener, en dépit des risques ou des préjugés; Car là est un amalgame à ne pas commettre : l’art urbain n’est pas nécessairement l’apanage des milieux sociaux défavorisés, et n’est pas forcément associé aux «ghettos», véritable conception de sousculture entériné par les médias, et répréhensible dans certains pays tandis que dans d’autres, cette forme d’art est acceptée voir encouragée; Or là est tout l’enjeu du street art. Les artistes qui n’ont que la rue pour s’exprimer, utilisent cet outil indispensable et très visible pour exposer leur point de vue sur la société, et en outre sur les problèmes actuels. Le street art a pour but d’éveiller la consciences des individus, de les interpeller au plus près de la réalité; Il traite de politique, donc fait agir notre libre-arbitre, nous interpelle sur une vaste étendue de sujet divers, tels que l’économie, la guerre et les déséquilibres qu’elle provoque d, la mort, l’amour, la religion, la sexualité, la paix, l’oppression des minorités, ou encore le racisme. En définitive, l’art urbain aiguise notre sensibilité mais en dehors des sentiers battus des médias. On est invités à interpréter, décoder, analyser, ressentir. Il suscite une réflexion sur la société en général et la place qu’on y occupe le street art reste ainsi un art militant mais incompris.
BIBLIOGRAPHIE
// L’art contemporain mode d’emploi Elisabeth Couturier - Flamarion
// 100 artistes du street art Paul Ardenne et Marie Maertens - La Martinière
// Street artbooks - carnet de voyage Tristan Manco - Pyramyd // Guerre et Spray Banksy - Alternatives // Le guide l’art contemporain urbain 2012 L’équipe de graffiti art magazine - Pyramyd
SITOGRAPHIE
// http://www.jr-art.net
// http://www.jennyholzer.com // http://www.banksy-art.com // http://latlas.net // http://www.ykersale.com // http://www.reroart.com/mapage/index.html
// http://fr.wikipedia.org/wiki/Yarn_bombing
// http://www.xmarkjenkinsx.com // http://www.article11.info/